De la description des animaux
La description est une des principales parties de l’Histoire Naturelle des Animaux, puisque les autres en dépendent pour la certitude et pour l’intelligence des faits ; car ce n’est qu’après avoir bien observé chaque animal, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, que l’on peut découvrir la mécanique de ses organes, et comprendre ses différentes opérations. Nous sommes sujets à tomber dans l’erreur, dès que nous nous livrons à nos conjectures : les ouvrages du Créateur sont si merveilleux et nos lumières si faibles, que nous ne pouvons connaître dans les productions de la Nature, que ce que nous avons vu, et nous ne pouvons les juger qu’autant que nous les avons observées. L’observation et la description sont donc les meilleurs moyens que nous ayons pour acquérir des connaissances en Histoire Naturelle, et pour les transmettre aux autres : mais chacun a une façon d’observer proportionnée à l’étendue de son savoir et de son esprit ; plus on sait, plus on découvre en observant, et on fait valoir ses découvertes selon la force de génie dont on est doué : il n’y a par conséquent ni principes ni règles à établir pour guider l’observateur, les routes que l’on pourrait lui ouvrir ne seraient pas convenables à sa marche, il est obligé de rester d’abord dans celles où il se trouve placé, et il ne peut s’en frayer de nouvelles qu’à mesure qu’il fait des progrès.
Celui qui décrit doit au contraire rendre compte au public de la méthode qu’il suit en faisant ses descriptions : le choix de cette méthode est très important, puisque non seulement la clarté de la description en dépend, mais encore les conséquences que l’on en peut tirer. Il est donc absolument nécessaire de convenir de principes et de règles qui soient exactement suivis dans toutes les descriptions, et de se proposer une méthode de description au lieu des méthodes de nomenclature, qui ont occupé jusqu’ici la plupart des Naturalistes.
Buffon, Histoire naturelle, 1749-1789
> Texte intégral dans Gallica : Paris, Impr. royale, 1749-1789