Le théâtre des FlorentinsStendhal

Naples - Vue générale de la baie depuis le quartier de Posilippo

Naples, 9 février. —Entrée grandiose : on descend; une heure vers la mer par une large route creusée dans le roc tendre, sur lequel la ville est bâtie. – Solidité des murs. – Albergo de’ Poveri, premier édifice. Cela est bien autrement frappant que cette bonbonnière si vantée, qu’on appelle à Rome la Porte du Peuple.
Nous voici au palais dei Studj ; on tourne à gauche, c’est la rue de Tolède. Voilà un des grands buts de mon voyage, la rue la plus peuplée et la plus gaie de l’univers. Le croira-t-on ? nous avons couru les auberges pendant cinq heures ; il faut qu’il y ait ici deux ou trois mille Anglais ; je me niche enfin au septième étage, mais c’est vis-àvis Saint-Charles, et je vois le Vésuve et la mer.
Saint-Charles n’est pas ouvert ce soir ; nous courons aux Florentins : c’est un petit théâtre en forme de fer à cheval allongé, excellent pour la musique, à peu près comme Louvois. Les billets sont numérotés ici comme à Rome : tous les premiers rangs sont pris. On joue Paul et Virginie, pièce à la mode de Guglielmi : je paie double, et j’ai un billet de seconde file. Salle brillante ; toutes les loges sont pleines, et de femmes très parées : car ici ce n’est pas comme à Milan, il y a un lustre. Symphonie extrêmement travaillée, trente ou quarante motifs se heurtent, ne se laissent pas le temps d’être compris, et de toucher ; travail difficile, sec et ennuyeux. On est déjà fatigué de musique quand la toile se lève.
 
Stendhal (1783-1842), Rome, Naples et Florence, 1817
> texte intégral dans Gallica : Paris, Le divan, 1927
> édition originale dans Gallica