Serments et scrupules du roiJoinville, La Vie de Saint-Louis, vers 1309

 

L'accord politique signé en vue de la libération de la ville de Damiette s'appuie exclusivement sur des conditions religieuses.
 
Le troisième serment fut le suivant : que s'ils n'observaient pas les conventions avec le roi, qu'ils soient aussi déshonorés que le Sarrasin qui mange de la viande de porc. Le roi accepta les serments susdits des émirs parce que messire Nicole d'Acre, qui savait le sarrasin, dit qu'ils ne pouvaient pas en faire de plus forts suivant leur loi.
Quand les émirs eurent juré, ils firent mettre par écrit le serment qu'ils voulaient obtenir du roi, qui fut tel, suivant le conseil des prêtres qui avaient renié par-devers eux, et l'écrit disait ainsi : si le roi n'observait pas les conventions à l'égard des émirs, qu'il fût aussi déshonoré que le chrétien qui renie Dieu et sa Mère, et privé de la compagnie de ses douze compagnons, de tous les saints et de toutes les saintes ; le roi était bien d'accord sur ce point. Le dernier point du serment fut tel : si le roi n'observait pas les conventions à l'égard des émirs, qu'il fût aussi déshonoré que le chrétien qui renie Dieu et sa loi et qui, au mépris de Dieu, crache sur la croix et marche dessus. Quand le roi entendit cela, il dit que, s'il plaisait à Dieu, il ne ferait certainement pas ce serment.
Les émirs envoyèrent au roi maître Nicole, qui savait le sarrasin, et qui dit au roi les paroles suivantes : « Sire, les émirs sont très mécontents de ce qu'ils ont juré tout ce que vous avez demandé et que vous ne voulez pas jurer ce qu'ils vous demandent ; et soyez certain que, si nous le jurez pas, ils vous couperont la tête ainsi qu'à tous vos hommes. » Le roi répondit qu'ils en pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient, car il aimait mieux mourir en bon chrétien que de vivre dans la colère de Dieu et de sa Mère et de ses saints.