(Dossier établi par Setty Alaoui Moretti - Université Stendhal Grenoble 3)
Rodrigo Soriano, "Una conferencia con Emilio Zola", Revista de España, 30 novembre 1891, tome 137, p.226 / 15 décembre 1891, tome 137, p.346 / 30 décembre 1891, tome 137, p.413
Le Zola qui a imprégné de certaines odeurs L'Assommoir et Nana ne peut pas être le même que celui qui a tracé les lignes idéales de la cathédrale du Rêve. Il semble qu'il y ait en lui plusieurs auteurs qui croissent et décroissent comme ces jouets japonais où s'encastrent divers compartiments. Le très bourgeois M. Zola qui parle parfois d'une voix douce n'est pas le Zola qui a imprimé au fer rouge les critiques passionnées Mes haines. On est déçu".
Déclarations de Zola :
"Le Rêve m'a fait gagner pas mal d'argent en Espagne. Je comprends qu'on y ait apprécié un sujet aussi mystique" dit le romancier et à la question : "on a dit que Le Rêve est une oeuvre idéaliste, un repentir tardif", il répond d'un air méprisant et le regard fixe : "certains critiques l'ont dit. Ils croient sans doute que la littérature est comme un parti politique qui peut varier tous les matins. Il n'en est rien. L'écrivain est un tempérament. Ses oeuvres sont sa vie, son sang. Et d'ailleurs, quelles sont ces recettes du naturalisme ou de l'idéalisme ? Où commence l'un et où finit l'autre ? [...] Le Rêve obéit à une ligne générale, il est comme tous les romans de la série des Rougons [...] Parce que Le Rêve traite de la vertu, faut-il qu'il soit idéaliste ? il est étrange d'assimiler naturalisme et mal. Je ne nie pas que Le Rêve soit auréolé d'une sorte de nimbe légendaire qui convient à l'environnement gothique qui est celui du roman ; je ne nie pas qu'au début et à la fin, il ait les apparences d'un "conte bleu" mais ceci vaut pour l'entour, pour l'extérieur du livre, pour un lecteur qui ne saurait pas lire entre les lignes. D'ailleurs, l'opéra de Bruneau, Le Rêve est tout à fait original, il a interprété le livre à merveille et il sera donné à Bayonne l'an prochain".