(Dossier établi par Setty Alaoui Moretti - Université Stendhal Grenoble 3)
Note de l'éditeur (Madrid, octobre 1888)
Les éditeurs français de cet ouvrage l'ont assorti de la note suivante :
"Le Rêve est une histoire complètement chaste
qui peut être lue par toutes les femmes et même par les jeunes
filles. C'est le roman d'une enfant pauvre, passionnée et pure,
dont les désirs se réalisent au prix d'émouvantes
souffrances du coeur. Cette fois, le romancier a voulu s'élancer
en plein idéal, s'envoler sur les ailes de la poésie la
plus pure et la plus sensible."
A cet avis, qui donne une idée exacte du caractère de la
nouvelle oeuvre de Zola, l'Editeur espagnol n'a rien à ajouter:
il lui reste seulement à s'expliquer sur le titre qu'il a donné
à cette traduction. Rêver correspond à soñar ;
mais rêve n'a pas le sens de sueño et plutôt
celui de ensueño, soit à peu près un rêve
éveillé ou endormi (l'Académie espagnole n'admet
la rêverie que dormante) ; on est plus proche de rêverie
que de sommeil, qui est la traduction exacte du terme castillan
sueño. Sueños de oro aurait pu être le titre
le plus adéquat si l'expression n'avait, en espagnol, des précédents
d'un genre tout à fait différent. Sueños tout
court serait peut-être un équivalent plus exact si la sécheresse
du terme ne le rendait impropre pour un titre de roman. Tenons-nous en
donc à El Ensueño comme traduction approximative
de ce que Zola a nommé Le Rêve, titre définitif
et universel de l'oeuvre du grand romancier français que nous publions.
Note du traducteur Carlos Malagarriga
I - Des deux modes de traduction, littéraire ou
littéral, j'ai choisi le second :
D'abord parce que le génie semblable des deux
langues le permet.
Ensuite pour respecter le style de Zola, qui est partie
essentielle de toute son oeuvre. Faire de longs paragraphes, placer en
incise l'idée fondamentale de la phrase, distribuer les idées
sur plusieurs plans ou plusieurs niveaux au moyen d'incidentes, auraient
été des procédés, si j'avais eu les dons
littéraires nécessaires, qui auraient permis une traduction
plus conforme à notre langue, mais moins exacte.
Enfin, parce que les traductions dites littéraires
sont des oeuvres différentes. Les oeuvres complètes de Zola,
et singulièrement L'histoire d'une famille sous le Second
Empire, dont Le Rêve fait partie, pousseront peut-être
un jour quelque grand écrivain à les traduire à
la manière de D.Juan Nicasio Gallego pour I promessi spossi,
par exemple; en attendant, j'estime que des traductions littérales
suffisent pour populariser et diffuser les livres de Zola, au fur et
à mesure de leur publication en français.
II - Je traduis le vous français de deux manières : certaines fois, j'emploie le usted, certaines autres le tú, en fonction de ce qui me semble le mieux pour rendre le ton et la couleur du dialogue.
III - J'ai gardé le Monseñor, bien qu'il ne s'applique en Espagne qu'au Nonce et aux Cardinaux étrangers, parce que el Señor Obispo aurait souvent passé difficilement dans les descriptions ou dans les dialogues. En revanche, j'ai traduit presque tous les noms de rues et de places, et même celui du ruisseau, La Chevrotante, El Temblón, non seulement pour faciliter les concordances de genre, mais aussi pour une compréhension plus rapide des pages où il est mentionné.
IV - Je crois inutile de relever ici les différences qui existent entre la vie privée ou domestique en France et en Espagne : le lecteur les aura notées dans l'évocation de la cuisine et de l'atelier des Hubert. Les spécialistes auront remarqué les mêmes différences à propos de l'art de la broderie : je ne les ai pas signalées non plus, mais j'ai essayé malgré tout, dans ma traduction des noms d'outils ou d'ustensiles, de me rapprocher des termes qui sont employés en Espagne.
V - Sur l'éternel problème des pièces de monnaie, j'ai adopté des solutions éclectiques : certaines fois, je parle de francos ; d'autres fois, et ce sont les plus nombreuses, je traduis sol par ochavo et le louis par une pièce de cuatro duros. Me tenant toujours à l'idée que la traduction est, avant tout, un travail de vulgarisation
VI - De cette traduction en général, ce n'est pas à moi de parler. A ceux qui seraient tentés de la juger sévèrement, je dois préciser que le travail le plus important, celui de la correction, et la traduction des deux derniers chapitres, ont été faits sans l'aide des plus élémentaires ouvrages de consultation. Dans la bibliothèque de la prison où je suis, il n'y a ni l'indispensable Littré, ni même l'antipathique, mais combien nécessaire, Larousse. Il est vrai qu'il n'y a pas non plus d'autre Dictionnaire ni, je le crains, d'autre livre.