Traductions espagnoles

(Dossier établi par Setty Alaoui Moretti - Université Stendhal Grenoble 3)

Ediciones Fernando Fé (1883-1908) - Carrera de San Jerónimo, 2. Madrid

C'est en 1876 que Fernando Fé y Gámez reprend la succession de la librairie d'Alfonso Durán sous le nom de Librería Nacional y Extranjera de Fernando Fé. En 1908, il s'installe au 15, Puerta del Sol à Madrid où la librairie existe encore de nos jours. A sa mort en 1914, sa veuve assume la gestion de la maison (sous la raison sociale Librería de Fernando Fé) jusqu'en 1924, date à laquelle l'entreprise est rachetée par Luis Silvela.
En 1886, huit cents oeuvres de fonds composent le catalogue de cette célèbre librairie devenue un des hauts lieux de rencontre des intellectuels du pays. Bien que Fernando Fé n'apparaisse officiellement comme éditeur qu'en 1893, ses activités dans ce secteur débutent en 1883 avec des auteurs aussi prestigieux que Alarcón, Leopoldo Alas " Clarín ", Ortega Munilla ou Palacio Valdés. En 1885, tout en gardant les pleins pouvoirs de décision, il confie la gestion de ses éditions à son gendre, Manuel Fernández Lasanta qui fondera sa propre maison d'édition en 1891, l'établissement typographique étant dirigé par son frère, Ricardo Fé y Gámez. Au début des années 90, il ouvre une importante succursale à Séville, la Librería de Juan Antonio Fé et développe son réseau de correspondants tant en Espagne qu'à l'étranger : en Amérique Latine, en Angleterre, en Italie et en France où Carlos Borrani, libraire de la rue des Saints-Pères à Paris, le représente. Fernando Fé fut l'un des grands éditeurs espagnols qui contribuèrent très activement à la diffusion du naturalisme et il distribua l'ensemble de l'oeuvre de Zola : on relève vingt-huit titres dans le catalogue de 1891 (dont vingt-deux romans et six essais biographiques) et cinquante et un titres dans celui de 1903 (dont trente-huit romans et treize essais biographiques).

C'est le 5 février 1884 que Fernando Fé se porte pour la première fois candidat à la publication d'un roman d'Emile Zola, La Joie de vivre, mais les droits avaient déjà été en décembre 1883, et pour la somme de 1000 francs, à l'éditeur Alfredo de Carlos Hierro qui avait publié sept romans du maître de Médan. F. Fé se voit offrir, en échange, les droits de Germinal qu'il semble avoir refusés puisque la cession, à 2000 francs, sera accordée au Cosmos Editorial, en septembre 1884. C'est probablement le prix demandé par Zola qui a découragé F. Fé réputé en Espagne pour être regardant sur les contrats. Il est vrai que pour les éditeurs espagnols, Zola est un auteur cher mais les effets de sa valeur commerciale atteignent un tel niveau qu'on s'empresse de publier toute oeuvre qui porte son nom et à n'importe quel prix. Entre 1878 et 1901, les droits de traduction flambent, passant de deux cent cinquante francs (Thérèse Raquin) à mille francs autour de 1880 puis à deux mille francs en 1885 (La Joie de vivre), trois mille francs en 1888 (Le Rêve), quatre mille francs en 1890 (La Bête humaine) avant de culminer aux six mille francs demandés pour Lourdes (1894).

Peu après l'annonce en France de la publication en feuilleton du Rêve dans la Revue Illustrée, Carlos Borrani s'empresse d'adresser à Zola la première offre espagnole d'acquisition des droits de traduction (lettre du 30 mars 1888). L'affaire sera rondement menée : en quinze jours, tous les détails sont réglés et les droits de traduction - qui s'élèvent à 3000 francs- versés. Il enlève ainsi le contrat à la maison d'édition El Cosmos Editorial qui avait succédé, en 1884, à A. de Carlos Hierro à la suite de la cessation d'activité de ce dernier. Les termes du contrat sont très précisément étudiés (lettre du 17 avril 1888) : le paiement des trois mille francs se fera dès remise des premiers chapitres, la publication en chapitres (qui sont au nombre de quatorze) n'aura lieu qu'à la fin de leur publication dans la Revue Illustrée prévue pour le 15 octobre, les chapitres du roman seront livrés un mois avant leur publication dans la Revue Illustrée afin de les faire traduire, et la mise en vente de la version espagnole ne se fera que le lendemain de la publication de l'édition française annoncée pour la fin du mois d'octobre. Enfin, l'éditeur insiste à plusieurs reprises pour que Zola autorise explicitement la publication en feuilleton et en volume, en Espagne et en Amérique du Sud (lettres des 10 et 25 mai 1888).