Le Rêve d'Alfred Bruneau

(Dossier établi par Jean-Sébastien Macke)

  1. Décor du Rêve, Opéra-Comique, 1891
    [B.N.F. 91C156397]
    Les décors du Rêve, conçus par Lavastre et Carpezat, reproduisent fidèlement les notations du roman. D’ailleurs, Zola s’est intéressé de très près à leur conception, n’hésitant pas à dessiner leurs plans sur huit cartons conservés par Alfred Bruneau. La cathédrale occupe le fond de la scène avec, au premier plan, le ruisseau et une porte s’ouvrant sur le Clos-Marie.

  2. Engel dans le rôle de Félicien, création à l’Opéra-Comique, 18 juin 1891
    [Collection Puaux-Bruneau]
    Le rôle de Félicien avait primitivement était confié au ténor Delaquerrière qui, peu de temps avant la création du Rêve, renonce à jouer. Alfred Bruneau souhaite alors donner le rôle à Engel, seul capable de reprendre la partition dans l’urgence. Ses talents de musicien et de comédien ont assuré le succès de la première représentation. Il est notamment remarqué dans les duos avec Mlle Simonnet qui incarne Angélique et surtout dans sa confrontation avec Bouvet, qui fait un Jean d’Hautecoeur à la fois terrifiant et pathétique.

  3. Mme Deschamps-Jéhin dans le rôle de Hubertine, création à l’Opéra-Comique, 18 juin 1891
    [Collection Puaux-Bruneau]
    Madame Deschamps-Jéhin était chef-d’emploi à l’Opéra-Comique. A ce titre, il était délicat de lui confier un rôle secondaire. Pourtant, Alfred Bruneau souhaitait particulièrement l’intégrer à la distribution de son drame. Contre toute attente, elle accepta de bonne grâce ce rôle mineur et incarna avec beaucoup de tendresse Hubertine, la mère d’Angélique. Madame Deschamps-Jéhin jouera, par la suite, le rôle de Véronique, dans Messidor, premier drame lyrique sur un livret d’Emile Zola et une musique d’Alfred Bruneau, en 1897.

  4. Catherine Mastio dans le rôle d’Angélique, théâtre de la Monnaie de Bruxelles
    [Collection Puaux-Bruneau]
    Le théâtre de la Monnaie de Bruxelles accueille avec beaucoup de bienveillance le Rêve, en septembre 1891. Les répétitions sont rapidement menées par Alfred Bruneau qui suit pas à pas la reprise de son drame, soutenu par les directeurs de ce théâtre très important pour la diffusion européenne des drames lyriques français. C’est Mlle Chrétien qui incarne Angélique lors de la création bruxelloise, en novembre 1891, en présence d’Emile Zola et d’Alexandrine qui assistent, non sans émotion, au succès du drame. Par la suite, lors de diverses reprises, Catherine Mastio reprend le rôle d’Angélique.

  5. Séguin dans le rôle de Jean d’Hautecoeur, théâtre de la Monnaie de Bruxelles
    [Collection Puaux-Bruneau]
    "Séguin est très remarquable au premier tableau. Tout le côté humain et violent du rôle qui se développe dans l’église, dans l’oratoire et à la fin lui échappe complètement et je vais tacher de le viriliser un peu tantôt." (lettre d’Alfred Bruneau à son épouse, 4 novembre 1891). Séguin marque véritablement de son empreinte le rôle de l’évêque, trouvant un compromis entre la violence de l’homme d’église et la tendresse du père. La création bruxelloise fut un succès immense : "Toute la salle se lève et se retourne au fond de la loge où nous étions M. et Mme Zola, Mme Fasquelle, Gallet et moi. Nous nous sauvons au fond de la loge. On hurle les auteurs. Le bon Zola me pousse et me voilà sur le devant de la loge essuyant le feu." (lettre d’Alfred Bruneau à son épouse, 13 novembre 1891).

  6. Albers dans le rôle de Jean d’Hautecoeur, Anvers, janvier 1892, photographie dédicacée à Alfred Bruneau
    [Collection Puaux-Bruneau]
    "Au sympathique et charmant Maître Alfred Bruneau. Hommage de son tout dévoué Henri Albers."
    Les créations européennes du Rêve sont nombreuses. Ce drame est d’abord joué à Covent-Garden (Londres) avant d’être repris à Bruxelles qui est, sans aucun doute, la plus aboutie des reprises. Face à ce succès, le théâtre d’Anvers s’empare de l’oeuvre et choisit une distribution de qualité à laquelle participe Henri Albers. Ce dernier devient un ami fidèle d’Alfred Bruneau et un habitué des reprises de ses oeuvres futures. A cette même époque, le Rêve est créé à Hambourg sous la direction de Gustav Mahler qui, à l’image de Verdi, ne manque jamais de marquer son admiration pour le jeune compositeur français.

  7. Julia Guiraudon dans le rôle d’Angélique, reprise à l’Opéra-Comique, 1900
    [Collection Puaux-Bruneau]
    Dès les premières répétitions du Rêve, il devient évident que le choix d’une interprète pour le rôle d’Angélique est problématique. En effet, d’un point de vue musical, le rôle exige une artiste accomplie et d’expérience alors que, sur le plan théâtral, il est nécessaire de trouver une jeune artiste capable d’incarner, scéniquement, une jeune fille de seize ans, gracieuse et jolie. Il en va de la crédibilité de l’opéra naturaliste qui se veut au plus près de la réalité de la vie, exigeant des interprètes physiquement proches des rôles qu’ils doivent incarner. Ainsi, Alfred Bruneau fait véritablement oeuvre de découvreur d’artistes en permettant à de jeunes chanteurs d’occuper le devant de la scène dans des rôles ambitieux.

  8. La résurrection d’Angélique, Opéra-Comique, 1939
    [Collection Puaux-Bruneau]
    Le Rêve est régulièrement repris à Paris jusqu’en 1947. Mais la reprise de 1939 demeure la plus importante. Dans cette scène, l’évêque est au chevet d’Angélique qui se meurt de ne pouvoir aimer Félicien. Après lui avoir donné l’extrême-onction, Jean d’Hautecoeur prononce la devise de sa famille "Si Dieu veut je veux" qui ramène Angélique à la vie. Longtemps, cette scène fut la dernière de l’opéra d’Alfred Bruneau, la scène du mariage et de la mort d’Angélique ayant été supprimée lors de la création en 1891.