Le général Boulanger en couverture du Grelot, 1887.La crise boulangiste

La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889.
Au cours de cette période, le général Boulanger a rassemblé autour de son nom les espoirs d’une grande partie de l’opinion publique hantée par la menace d’une guerre avec l’Allemagne et déçue par la médiocrité du régime républicain en place.

Qui était ce général ? Après une brillante carrière militaire, Georges Boulanger est devenu ministre de la Guerre en 1886. Très vite, il apparaît comme un ministre très populaire dont les réformes séduisent la troupe et l’opinion publique. Bel homme, il impressionne par sa prestance et son élégance lors de la revue du 14 juillet 1886, à Longchamp. Par des mesures simples et efficaces, il améliore le sort des hommes de troupe. Républicain, ami de Gambetta et de Clemenceau, il sait faire preuve de fermeté à l’égard de la partie la plus conservatrice de l’armée, de sensibilité royaliste. Son image est complexe. Perçu comme le "brave général", c’est aussi le "général Revanche" au moment de l’affaire Schnaebelé quand il envisage la mobilisation de l’armée face à la menace allemande.

Il quitte le gouvernement avec la chute du ministère Goblet, en mai 1887. Il cesse alors d’être l’homme d’un parti pour incarner toutes les nostalgies d’un pays vaincu et toutes les espérances de ceux qui veulent en finir avec le régime républicain en place.
Élu député du Nord en avril 1888, il devient le chef du camp nationaliste à la Chambre. Il mène alors une campagne vigoureuse contre le gouvernement. Il exige la révision de la Constitution, prône la dissolution de l’assemblée parlementaire. Le 12 juillet, c’est l’affrontement avec le Président du Conseil, Charles Floquet. Les deux hommes vont jusqu’à se battre en duel : c’est Boulanger qui est blessé…
Ayant démissionné de sa charge de député, Boulanger se fait à nouveau plébisciter à l’occasion de nouvelles élections partielles. Dans le pays, l’agitation est à son comble. Le gouvernement réagit en dénonçant le "complot boulangiste", et lance un mandat d’arrêt contre le général, en avril 1889.
Boulanger s’exile alors à Bruxelles. Il est condamné par contumace. Le mouvement qu’il a incarné se met à refluer avec rapidité ; les élections législatives de septembre 1889 ne lui sont pas favorables.
Boulanger mourra en Belgique en septembre 1891 : bouleversé par la disparition de sa maîtresse (décédée d’une phtisie), il se suicidera sur sa tombe, en amant inconsolable...
L'affaire Boulanger sera évoquée dans plusieurs romans de l'époque, dont L'Appel au soldat de Barrès (1900) et Le Mystère des foules de Paul Adam (1895).

Jugement de Zola sur l’entreprise du général Boulanger :

"Boulanger ! C'est un pieu surmonté d'un chapeau, un chapeau galonné et empanaché ! Pas autre chose. Et le pire, c'est que ce pieu répond à un besoin mal dissimulé de la nation, au besoin d'une domination quelconque : royauté, empire, dictatoriat, gambettisme, ou boulangisme.

Quoi que nous en disions, nous n'empêcherons pas que durant dix-huit siècles la France n'ait été un pays résolument monarchique. L'échine de tout Français porte le pli de cette longue sujétion. Les globules de notre sang sont monarchistes. Et nos aspirations vers la République, notre beau rêve d'une nation qui se gouverne elle-même, sont en perpétuel conflit avec ces puissants vestiges d'atavisme.

Je n’en veux pas chercher d’autre preuve que dans le spectacle d’erreurs, de bêtises et d’impuissances que nous ont offert ces dix-huit dernières années et qui est bien fait pour désespérer un observateur, même indifférent et patient, bien fait surtout pour désespérer la foule – cette inconsciente : la foule qui, sans le raisonner et le discuter, se ressent du malaise qui pèse sur nous tous et qui, vaguement, cherche à s’en évader, fût-ce pour se jeter dans les bras d’un dictateur."

(Interview donnée au Figaro le 29 mars 1888 ; texte publié dans les Entretiens avec Zola, Presses de l’Université d’Ottawa, 1990, p. 22)