Paris à l'oeil, guide pratique de l'étranger, 1862
Les guides touristiques

Le mot "guide", à l’origine féminin, désignait "un ouvrage qui indique le chemin". Les premiers guides furent conçus pour aider les pèlerins en route vers Saint Jacques de Compostelle ou Rome. En 1552, Le Guide des chemins de France, de Charles Estienne connaît un grand succès ; par la suite, de nombreux ouvrages comme Le Voyage en France (1643) et Galliae accurrata descriptio adopteront ses principales caractéristiques : maniabilité de l’ouvrage, concision du style, encyclopédisme du contenu.

À la fin du XVIIIe siècle, accompagnant la naissance du tourisme et la mode du Grand Tour, le Handbuch de l’allemand Reichard remporte les suffrages des voyageurs. Il influence les publications postérieures, telles que Le Guide Richard (1820), Le Nouvel Itinéraire portatif de France de 1826 ou Le guide pittoresque, portatif et complet du voyageur en France de Girault de Saint Fargeau (1842). La structure de ces guides est presque toujours identique : "Conseils pratiques aux voyageurs", notamment sur les moyens de voyager moins cher, "Paris et conseils aux étrangers à Paris", "Province" et horaires de transports. L’originalité du guide Richard réside sans doute dans sa partie gastronomique.

Avec l’avènement du chemin de fer, un véritable marché du guide se met en place dans les années 1840-1860. Les grandes collections apparaissent : Murray (1836), Joanne (1841) qui deviendra le Guide bleu durant la Guerre de 1914, Baedeker (1843). On assiste à une concurrence de plus en plus acharnée entre les maisons d’édition, dont la rivalité entre Hachette et Chaix est un bon exemple.

Des guides spécialisés ou destinés à un public nouveau, traditionnellement étranger au voyage voient le jour (Guide Conty : Paris populaire..., guide pratique des petites bourses). Paris, capitale de loisirs et ville culte pour le touriste étranger, suscite de nombreuses publications, orientées par exemple sur ses ressources culturelles ou sa vie nocturne (Alfred Delvau, Les plaisirs de Paris, guide pratique et illustré 1867) ; Guide dans les théâtres, 1855. L’événement fait également le guide : la construction de la Tour Eiffel ou l'exposition universelle de 1900 qui attire plus de 50 millions de visiteurs. À la fin du siècle, on n’hésite pas à vendre du guide en utilisant de nouvelles pratiques commerciales, voire publicitaires (Itinéraires Myriam).

Se forgent ainsi au XIXe siècle les principales caractéristiques du guide actuel. Reflets des modes, de l’évolution des comportements et de la géographie touristiques, ils ont une forte propension à se répéter et se plagier. Aujourd’hui comme hier, ils fixent "ce qui doit être vu" et dans l’imagerie collective, "on reconnaît [les touristes dociles] au manuel-guide qu’ils ont toujours à la main. Ce livre est pour eux la loi et les prophètes" (Taine).