Visite des populations des environs au Mont Saint Michel, le dimanche. Explications dans le désert. Voyage au Mont Saint Michel, avril 1869
Portraits du touriste

Les contemporains  sont très frappés par les répercussions considérables du développement du tourisme : "On voit les touristes s’acheminer en longues files vers les Alpes ou les Pyrénées ; chaque année leur nombre va croissant, si bien même qu’ils ont fini par transformer l’aspect de leurs rendez-vous habituels... Des populations entières n’ont qu’une occupation : donner à boire et à manger aux touristes" (P. Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle)

La littérature s’empare alors du touriste qui devient une sorte de type balzacien : naïvement avide de pittoresque mais empreint de préjugés, il irrite l’autochtone et fait le bonheur des caricaturistes . Pour Maurice Alhoy, dans La Physiologie du voyageur (1847), "Vivre en touriste, c’est vivre en bipède nomade qui tient à la fois du cerf par les jambes, de la pie par le ramage et du singe par son penchant à l’imitation". Il est vrai que, prétendant, tel le voyageur, se risquer à l’aventure et découvrir de l’inédit, le touriste se contente, en général, de parcourir les chemins balisés par les guides. Rite de passage socio-culturel, le tourisme se cantonne le plus souvent dans des lieux réputés et mondains, et selon un rythme saisonnier fixé par les "canons" sociaux.

Se pose alors au voyageur un problème existentiel : comment se distinguer de ce touriste tant décrié par les caricaturistes ? La distanciation humoristique est parfois une solution (Humbert : Excursion au pays des Belles-Casquettes, 1879). Certains voyageurs trouvent dans les voyages d’enquête sociale une justification à leurs déplacements. Sous l’influence de Mérimée (Notes d’un voyage dans le midi de la France, 1835), on redécouvre la France et son patrimoine architectural. La fantasmatique romantique et gothique attire d’autres voyageurs dans des lieux insolites comme les bagnes ou les monastères (Achille Raverat, A travers le Dauphiné). On se tourne également vers des régions plus délaissées (Albin Mazon, Voyage aux pays volcaniques du Vivarais). Lorsque les touristes se dirigent vers des lieux plus fréquentés, ils s’attachent à en souligner l’aspect "exotique" et sauvage : Mahé de la Bourdonnais n’hésite pas à comparer les Bigouden avec les Lapons et d’autres peuples d’origine mongole  (Voyage en Basse Bretagne chez les Bigouden de Pont - l’Abbé, après vingt ans de voyage dans l’Inde et l’Indo-Chine... , 1892).

Cette soif de se "distinguer" a fortement contribué à la promotion de deux formes de tourisme qui deviendront essentielles au XXe siècle : le tourisme culturel et le voyage à l’étranger et dans les îles.