Nubie. Ibsamboul. Colosse médial du Spéos de Phré, photographie de Maxime Du Camp Les écrivains et l'Afrique

A l'époque des Lumières, l'Afrique devient le lieu des utopies, sorte de paradis terrestre épargné par les maux de la civilisation. Les meilleurs exemples en sont le Voyage à l'île de France, à l'île de Bourbon, au cap de Bonne-Espérance et surtout Paul et Virginie, oeuvres de Bernardin de Saint Pierre qui a séjourné à l'île de France alors colonie de peuplement. Ses descriptions d'une nature exotique sont à l'origine de la mode littéraire de l'Afrique. Désormais, les commerçants, les missionnaires, les marins ne sont plus seuls à découvrir ce continent ; les hommes de lettres et les artistes, avides de paysages et de civilisations nouvelles, inscrivent cette destination dans leurs carnets de route.

Le rêve oriental
L'orientalisme a été simultanément un domaine privilégié du rêve romantique, sur les traces de Bonaparte, puis de Chateaubriand. Tout voyage en Orient et en Terre sainte comprend un passage obligé par l'Egypte alors très en vogue. Gustave Flaubert (Correspondance) et Maxime Du Camp dans leur périple oriental passent dix-huit mois en Egypte : le premier en rapporte les matériaux du Voyage en Orient aussi bien que du roman Salammbô ; le second photographie des temples en remontant le Nil. Alexandre Dumas père sera également un grand voyageur en Afrique du Nord.
Le continent africain acquiert une dimension politique auprès des écrivains à l'occasion de la lutte pour l'abolition de l'esclavage. En 1879, lors d'un banquet commémoratif, Victor Hugo s'exclamera : "La destinée des hommes est au Sud. Le moment est venu de donner au vieux monde cet avertissement : il faut être un nouveau monde. Le moment est venu de faire remarquer à l'Europe qu'elle a à côté d'elle l'Afrique".

Une expérience nouvelle pour les écrivains voyageurs
En partant vers des cieux ensoleillés, les écrivains tentent d'échapper au mal du siècle. Ils cherchent à se fondre dans cette culture qui fascine, en adoptant ses coutumes : Flaubert, Du Camp, Loti adoptent les habits traditionnels de ces pays. Plus tard, Isabelle Eberhardt se convertira à l'islam. Rimbaud sera une exception et abandonnera même tout projet poétique pour commercer au Harrar.
Le périple est aussi un voyage dans le temps : la vie traditionnelle évoque la grandeur d'époques révolues, antiques ou bibliques. Théophile Gautier (Loin de Paris) et Eugène Fromentin (Sahara et Sahel) font des croquis et des tableaux accompagnant leurs textes. Le Sahara, antithèse absolue de la civilisation pour certains, est tout particulièrement le lieu du ravissement, de la révélation du divin pour Ernest Psichari (Le voyage du centurion) ou de la liberté absolue pour Emile Masqueray (Souvenirs et visions d'Afrique).

Les écrivains accompagnent les colonisateurs
Les colonisateurs étudient, classent les territoires et les populations. Les comptes rendus d'explorations publiés dans les bulletins des Sociétés de géographie de Londres et de Paris enflamment les imaginations. Jules Verne saisit cette vogue relayée par la presse d'éducation et de récréation et construit le grand voyage initiatique en Afrique "noire" avec Cinq semaines en ballon, feuilleton qui remporte un succès sans précédent et suscite des vocations d'explorateurs.
Enfin la vie coloniale devient un sujet de roman : les amours exotiques ou les difficultés de l'exil (Le Roman d'un spahi de Pierre Loti), le séjour du colon en Algérie (Bel Ami de Guy de Maupassant), l'administration française (Tartarin de Tarascon d'Alphonse Daudet), les rigueurs de la vie militaire (Biribi de Georges Darien), sont autant de thèmes qui seront repris à maintes reprises dans la littérature populaire du début de XXe siècle à la suite de ces succès de librairie.