Les premiers récits de voyages
d'importance produits par les Européens sur l'Afrique n'apparaissent
qu'à partir du XVIIe siècle ;
les meilleurs sont écrits par des missionnaires, ainsi A.
de Cavazzi pour l'Afrique centrale, ou Bosman
pour l'Afrique occidentale. Toutefois dans leur majorité, ils ne concernent
encore que les régions septentrionales et côtières. Le nombre
croissant des relations au XVIIIe, avec le début
de l'exploration systématique de l'intérieur du continent - Bruce
dans ses voyages aux sources du Nil, de 1768 à 1773, explore la Nubie,
et ramène nombre d'informations sur les Arabes, Abyssins, nègres
de Nubie et Egyptiens ; Park
de 1795 à 1797 explorant le cours du fleuve Niger rapporte les premières
descriptions du peuple Mande. Ainsi, à côté des nombreuses
descriptions dont on fait l'objet les Hottentots en Afrique australe [La
Caille, Patterson,
Au XIXe siècle, c'est le contexte de la colonisation dans sa volonté civilisatrice qui va favoriser la production de nouveaux savoirs. Ce processus est particulièrement souligné en Afrique du nord. Ainsi en Algérie, aux lendemains de l'occupation, le "Bureau arabe" commence à collecter des renseignements et à susciter des monographies. Les études sur le monde arabe, les Kabyles, les Berbères, l'organisation juridique et religieuse des communautés, sont nombreuses ; menées par des militaires, des administrateurs liés étroitement au mouvement de colonisation, ces études se spécialisent sous le Second Empire pour devenir le domaine d'érudits, ainsi les travaux de Carette, Basset et Doutté... A mesure que progresse la conquête, les intérêts se portent vers les marges préservées. Après la Kabylie, les Aurès, le Mzab, le mouvement d'exploration touche le Sahara ; récits de voyage d'exploration, études diverses, journaux de route [Duveyrier, Soleillet, Foucauld], enquêtes, recensions [Daumas], ethnographie militaire [Foureau], tous ces nouveaux travaux, apportent des éléments à une reconstruction scientifique des sociétés sahariennes.
En Afrique subsaharienne le processus diffère peu. Les missions scientifiques nombreuses patronnées par l'armée, les organismes officiels (Académie des sciences, Muséum), les sociétés savantes (Société de géographie et Société d'anthropologie de Paris...) vont aussi jouer un rôle dominant dans l'édification d'un savoir anthropologique. Ce savoir progresse par les hommes de terrain, les explorateurs de René Caillié, Heinrich Barth à Edouard Foa, les missionnaires, d'Arbousset à Bouche et aussi par les savants de cabinet qui comparent, analysent, valident les connaissances ramenées par les voyageurs, tout en rédigeant à leur usage des instructions. Ainsi au début du XXe siècle, toutes les conditions sont réunies pour que se constitue une ethnologie professionnelle d'inspiration coloniale, d'abord représentée par les administrateurs Delafosse, Clozel, Monteil, mais aussi pour Madagascar par A. Grandidier, précurseurs de l'africanisme en France. Il faudra attendre toutefois la création de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Paris (1925) pour que l'ethnologie française trouve son premier cadre institutionnel. Pour sa part, la Mission d'étude ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti (1931-1933) organisée sous les auspices du Musée de l'Homme, dirigée par Marcel Griaule de 1931 à 1933, marquera le point de départ des grandes enquêtes de terrain professionnelles.