Itinéraire à Timbouktou par le Dr Edgar Lenz, Bulletin de la Société de géographie de Paris, 1881
Les publications des Sociétés de géographie

Les sociétés de géographie ont joué un rôle majeur dans la production, le développement et la diffusion du savoir géographique au XIXe siècle. Leur vocation est multiple : collecter l'information, par le biais des nombreuses correspondances entretenues avec les explorateurs, scientifiques ou administrateurs coloniaux présents sur le terrain ou les questionnaires confiés aux marchands et capitaines de navire ; analyser, discuter et critiquer les données recueillies ; établir des cartes ; soutenir et encourager les missions d'exploration (recherche de financement, attribution de prix) ; et surtout faire partager les connaissances acquises et les découvertes géographiques à un cercle élargi d'érudits et d'amateurs, par des cours, des conférences, des congrès ou des publications.

Fondée en 1821, presque dix ans avant la Royal Geographical Society de Londres, la prestigieuse Société de géographie de Paris est la pionnière de ces sociétés savantes où aventuriers et explorateurs côtoient géographes de cabinets. Elle fait paraître un Bulletin, qui associe récits inédits (mémoires, correspondances, journaux de voyages, rapports de missions, etc.), articles critiques, comptes-rendus d'ouvrages et actes de la société. L'Afrique, en particulier la partie subsaharienne, y occupe une place de premier plan sous l'influence de Jomard, d'Avezac, Barbié du Bocage, d'Abbadie, Derrécagaix ou Grandidier. A partir des années 1860, sous l'impulsion du secrétaire général Charles Maunoir et de personnalités comme l'explorateur saharien Henri Duveyrier ou l'ardent défenseur du mouvement colonial Jules Duval, la revue connaît un véritable âge d'or. Il change de titre en 1900 pour devenir La Géographie : les articles, étoffés de photographies, plus courts et plus nombreux, sont alors essentiellement le fait de militaires et de fonctionnaires coloniaux comme Bruel, Nieger, Weisberger, Chudeau ou Tilho.

Parallèlement, des sociétés de géographie se multiplient en province. Celle de Lyon, fondée en 1873, est la première, suivie par Bordeaux (1874), Marseille (1876), Alger (1879) ou Lille (1882). Au total quinze créations sont recensées entre 1873 et 1882. Toutes font paraître un bulletin composé d'articles de fonds, chroniques géographiques, bibliographie et comptes-rendus des séances. L'exploration de l'Afrique et la conquête des territoires constituent l'un de leurs sujets privilégiés, car toutes soutiennent et encouragent le mouvement colonial.

L'importance croissante des enjeux économiques liés à la progression des Européens en Afrique conduit certaines de ces sociétés à se placer sous une bannière commerciale. A la suite de celle de Paris, issue de l'alliance entre les syndicats du commerce parisien et une section de la Société de géographie, devenue autonome en 1871, des sociétés de géographie commerciale sont créées à Bordeaux (1874), Nantes (1882) ou Le Havre (1884), sous la pression des armateurs, négociants et chambres de commerce de ces villes, qui préconisent une géographie "utilitaire et commerciale". Le contenu de leurs bulletins reflète cette orientation et rend compte des problématiques économiques soulevées par la conquête africaine : tracés des chemins de fer ; navigation sur les fleuves, itinéraires commerciaux, productions économiques locales, etc.