[American version]
Carte préparatoire au voyage de Lapérouse, 1785. Détail : Monterey (Californie)
BnF, Cartes et Plans.

La Pérouse et la côte Pacifique

 

La côte Pacifique, du Mexique à l'Arctique, restait au début du XVIIIe siècle très largement inconnue des Européens. Dans le Pacifique Nord pesait une double incertitude : l'Amérique était-elle jointe à l'Asie ? Existait-il un passage faisant communiquer aisément l'Atlantique et le Pacifique ? Les explorations russes de Vitus de Béring et de Chirikov (1726-1742) permirent de réaliser d'importants progrès, mais vers 1750 d'éminents géographes, tels Philippe Buache de l'Académie royale des Sciences, persistaient à croire en l'existence d'une vaste " mer de l'Ouest " et d'un passage du Nord-Ouest navigable. Les résultats des explorations espagnoles menées dans les années 1760-1770 le long des côtes californiennes furent gardés secrets. L'Angleterre envoya de 1776 à 1779 l'un des meilleurs navigateurs de l'époque, James Cook, à la recherche du passage du Nord-Ouest par la côte Pacifique. Grâce aux progrès réalisés dans les techniques de navigation (horloges marines, qualité de l'alimentation pour prévenir le scorbut, etc.), les résultats de cette expédition, publiés dès 1784, furent remarquables et eurent un impact immense dans les milieux scientifiques européens.

C'est pour parachever les découvertes de James Cook que le roi Louis XVI décide d'organiser un voyage d'exploration autour du monde. Il en confie le commandement à Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse (1741 - 1788), marin expérimenté issu d'une famille de bonne noblesse de la région d'Albi. Entré très tôt dans les gardes de la marine, La Pérouse avait acquis l'expérience de la navigation sur des mers très diverses : littoral nord-américain (1756, 1781-1782), mer des Caraïbes (1771, 1779) et océan Indien (1773-1777). Parti le 1er août 1785 avec deux frégates parfaitement équipées, la Boussole et l'Astrolabe, La Pérouse double le Cap Horn et parvient au Chili en février 1786. Après avoir dépassé l'île de Pâques et les îles Hawaii, il remonte vers le nord et, en juin 1786, est en vue de l'Alaska. Il s'employe alors pendant trois mois à l'un des principaux objectifs de l'expédition : faire le relevé du littoral Pacifique nord-américain du mont Saint-Élie (au sud de l'Alaska) au port de Monterey (Californie). Il dissipe ainsi définitivement le mythe d'une mer de l'Ouest entamant profondément la façade Pacifique. De Monterey, les deux frégates poursuivent le voyage prévu vers le Kamtchatka (septembre 1787) avant de disparaître dans le Pacifique Sud en faisant naufrage sur les récifs de l'île de Vanikoro, comme on le découvrira en 1826.

Des nouvelles du voyage parvinrent néanmoins en France jusqu'en janvier 1788. Une relation du voyage rédigée d'après le journal de La Pérouse par Louis-Antoine Milet-Mureau fut publiée en 1797. Les informations reçues permirent de compléter la carte préparatoire du voyage, dont un exemplaire avait été dressé pour Louis XVI.

 

Documents associés :

- Le voyage d'exploration de Jean-Francois de Galaup, comte de La Pérouse (1741-1788), dans l'Océan Pacifique suscita à son époque une grande attente ; pendant des années, le destin de l'explorateur demeura inconnu. Le roi Louis XVI, le jour de son exécution (21 janvier 1793), aurait encore demandé : "Avez-vous reçu des nouvelles de La Pérouse?"

- Représentant l'itinéraire prévu pour l'expédition ainsi que les tracés des principaux voyages européens effectués jusque-là, la carte préparatoire au voyage de La Pérouse constitue un véritable catalogue des dernières incertitudes géographiques dans l'Océan Pacifique. En Amérique du Nord, une grande partie de la côte située entre le mont Saint Elie et le port de Monterey reste à explorer. Des cinq exemplaires qui en furent dressés, une copie fut remise à Louis XVI, qui la fit compléter en fonction des nouvelles reçues de l'expédition. Le résultat de l'exploration le long des côtes septentrionales de l'Amérique fut relevé sur un feuillet volant afin de superposer sur ce point les découvertes respectives de Cook, des Espagnols et de La Pérouse.

- Le sort de La Pérouse, qui ne donne aucune nouvelle depuis trois années, inquiète le roi et les représentants de la nation. La décision est prise en 1791 d'envoyer une expédition à sa recherche, dont le commandement est confié à Joseph Antoine Bruni d'Entrecasteaux (1737-1793). La même année, l'Assemblée nationale approuve la publication du Voyage de La Pérouse aux frais de la nation et charge Louis Destouff, baron de Milet de Mureau (1756-1825), de la rédaction de l'ouvrage d'après les journaux envoyés par La Pérouse du Kamtschatka et de Botany Bay. Publiée en 1797, la relation comprend quatre volumes de textes et un atlas.