Le Roman de la Rose, best-seller médiéval

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Dans le  cadre du projet européen "Rise of literacy", le blog Gallica vous propose une série de billets sur la naissance de l’Europe des savoirs. Voici un focus sur l’un des premiers « best-sellers » de l’histoire occidentale, le Roman de la Rose, dont vous pourrez trouver les précieux exemplaires dans les pages Sélections de Gallica.

Le Roman de la Rose est un long poème écrit au XIIIe siècle par deux auteurs successifs : Guillaume de Lorris et Jean de Meun. Il s’inscrit dans la tradition des « arts d’aimer » inspirés d’Ovide. Prenant la forme d’un songe allégorique, il conte la quête et la cueillette d’une rose – une jeune fille – par un jeune homme, l’Amant, du coup de foudre initial à la conquête-défloration de l’Aimée. Tout à la fois délicieusement aimable et misogyne, codifié et subversif, ce long poème traite d’un sujet intemporel : l’amour, ses joies, ses écueils, ses enjeux sociaux et spirituels.

Deux auteurs

La première partie, composée par Guillaume de Lorris vers 1237, est un art d’aimer courtois, dans la tradition revisitée de la fin’amor des troubadours et de l’épopée romanesque. On retrouve le modèle lyrique du « service d’amour » à la dame, avec ses charmants motifs de l’ « enamourement », des « commandants d’amour » et du « service vassalique ». Des romans chevaleresques, ce poème reprend la narration de l’aventure, de la quête et du lieu merveilleux.

 

 

La seconde partie, rédigée par Jean de Meun vers 1270, explique comment l’Amant, expulsé du jardin merveilleux et séparé de la Rose, entreprendra sa reconquête. Cette partie, plus savante et cynique, explore plusieurs situations amoureuses allant de la chaste amitié à l’enfer conjugal, en passant par la ruse, la vénalité ou l’amour libre (célébré par un personnage ambigu, la "Vieille"). Le roman se clôt sur une scène de défloration parfaitement explicite. Cette partie peut être choquante : dès les années 1290, Gui de Mori remanie le Roman de la Rose dans un sens plus courtois et plus chrétien.
 

L’influence du Roman de la Rose

L’ouvrage inspire des réécritures, comme le Livre des échecs amoureux, d’Evrard de Conty, (vers 1400), et la mise en prose de Jean de Molinet (vers 1500). Après avoir lu le Roman de la Rose, Guillaume de Digulleville compose également une œuvre allégorique vers 1330-1331 (première rédaction), le Pèlerinage de vie humaine. Reprenant les codes du Roman de la Rose, il invite son lecteur à entreprendre une quête initiatique, spirituelle plutôt qu’amoureuse.
 

 

La réputation du Roman de la Rose dépasse les frontières du royaume de France et touche les plus grands poètes européens. Le père de la poésie anglaise, Geoffrey Chaucer, auteur des fameux Contes de Canterbury, traduit le Roman de la Rose.  L'une des allégories du Roman,  "la Vieille", a probablement  inspiré l’un des personnages des Contes de Canterbury, la bourgeoise de Bath, connue pour sa volonté de jouir de l’existence.  
Le Roman de la Rose est aussi célèbre en Italie, notamment grâce à Dante, qui pourrait être l’auteur de l’une des premières traductions en italien. Avec la Divine Comédie de Dante, le Roman de la Rose est l’œuvre profane la plus diffusée au Moyen Âge (environ 250 copies connues, dont Gallica propose une sélection).

La Querelle du Roman de la Rose

Le Roman de la Rose a suscité, au début du XVe siècle, la première querelle littéraire française dans laquelle s’illustra Christine de Pizan pour en dénoncer la vulgarité et la misogynie. La querelle du Roman de la Rose oppose alors deux groupes de savants : Christine de Pizan, poétesse de talent, et Jean Gerson, chancelier de l’Université de Paris et moraliste de renom, contre Jean de Montreuil, prévôt de Saint-Pierre de Lille et notaire et secrétaire du roi, Pierre et Gontier Col.
 

 

 

Le projet Europeana "Rise of literacy" (Naissance de l’Europe des savoirs), réunissant douze bibliothèques partenaires, porte sur l’alphabétisation des populations en Europe. Des expositions virtuelles, une série de billets de blog et des galeries d’images thématiques permettent de découvrir l’évolution des pratiques de lecture et d’écriture et leur généralisation, du Moyen Âge à nos jours. L’une des expositions virtuelles  porte notamment sur la transition du manuscrit vers l’imprimé et permet au public d’explorer les éléments de continuité et de rupture entre les deux techniques et de comprendre l’impact de l’imprimerie sur la production des livres et sur les pratiques de lecture en Europe.
Ce projet est co-financé par le programme Mécanisme d'interconnexion Européen (Connecting Europe Facility) de l’Union européenne (accord de subvention INEA/CEF/ICT/A2016/1332086).

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