Maudire pour protéger ses livres

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29 mai 2018

Grâce au mécénat de la Fondation Polonsky, 800 manuscrits médiévaux antérieurs au XIIIe siècle conservés à la BnF et à la British Library sont en cours de numérisation. Parmi eux, certains présentent d’étranges malédictions. Venez découvrir les anciens anathèmes dans Gallica !

"Hic est liber Sancti Petri Fossatensis. Si quis eum furatus fuerit, anathema sit."
"Ce livre appartient à Saint-Pierre des Fossés [aujourd’hui Saint-Maur-des-Fossés]. Si quelqu’un l’a volé, qu’il soit anathème."
 

Dans l’univers chrétien, un anathème (du grec anathema) est une condamnation à l'adresse d'une personne, pour un acte qui l’exclut d’une communauté. Cette réprobation énergique se retrouve également dans d'anciens manuscrits. Leur valeur spirituelle et matérielle justifiait ces mesures radicales : les anathèmes avaient pour but de protéger les livres des intentions malveillantes, des emprunts à durée indéterminée, des appropriations intempestives et des vols.

"Iste liber est Sancti Victoris parisiensis. Quicumque eum furatus fuerit vel celaverit vel titulum istum deleverit, anathema sit. Amen."
"Ce livre appartient à Saint-Victor de Paris. Quiconque l'a volé, dissimulé ou a effacé son titre, qu'il soit anathème."
 

Ces malédictions sont parfois accompagnées d’ex-libris et/ou d’éléments décoratifs comme, ci-dessus, l’escarboucle de l’abbaye de Saint-Victor de Paris. Le texte nomme le propriétaire légitime du manuscrit et menace quiconque voudrait le lui soustraire, le voler, le cacher ou en effacer la marque d’appartenance (son "titre"). Les interdictions s’enrichissent parfois de condamnations sévères qui perdureront jusqu’au temps du jugement dernier.

"Quicumque librum istum defraudaverit vel scienter male tractaverit vel literas deleverit per malitiam suam sit anathema maranatha, idest dampnatus et a consortio Dei separatus donec Dominus redeat ad iudicium. Amen."
"Quiconque a subtilisé ce livre ou l'a sciemment maltraité, ou en a effacé le texte par malignité, qu'il soit anathème au nom de Dieu, c'est à dire maudit et exclu du peuple de Dieu jusqu'à ce que le Seigneur revienne pour le jugement. Amen."
 

Les anathèmes peuvent aussi être ajoutés longtemps après la production du manuscrit, comme dans cet exemple provenant de la cathédrale de Saint-Nazaire à Carcassonne.

Le programme de la Fondation Polonsky "France-Angleterre 700-1200 : manuscrits médiévaux de la Bibliothèque nationale de France et de la British Library" permet la numérisation, la restauration, le catalogage ainsi que la valorisation scientifique de manuscrits d’une valeur inestimable. Retrouvez ici tous les autres billets de la série "France-Angleterre 700-1200", et les billets dédiés au programme dans le Carnet de recherche Manuscripta !