Le tatouage : Gallica à fleur de peau

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1 mars 2018

Le Mondial du Tatouage se tient à Paris du 9 au 11 mars. Une occasion pour de célèbres artistes tatoueurs de différents pays, de se rassembler à Paris pour tatouer trois jours durant. Une occasion pour Gallica de parler un peu de cette pratique, et pourquoi pas d’inspirer ceux qui seraient intéressés !
 
Femme tatouée - Affiche 1913-1914
 

Tout d’abord, qu’est-ce que le tatouage ? Il est ainsi défini par le Dr Ernest Berchon, dans son ouvrage de 1886 Discours sur les origines et le but du tatouage :

« L'ensemble des moyens par lesquels des matières colorantes, végétales ou minérales sont introduites sous l'épiderme, et à des profondeurs variables, dans le but de produire des dessins apparents et de longue durée ».

Le mot même de « tatouage », introduit en français par Berchon lors de ses traductions de récits d’explorations, tiendrait son origine d’un mot océanien prononcé « Tatahou », désignant les dessins (ta) et l’esprit (toua) ; on a longtemps pensé qu’il y avait un rapport avec l’animal tatou, dû aux formes que possède sa carapace, mais il n’en est rien. Il s’agit donc d’ornementations encrées sur le corps.

Pratique ancestrale, déjà usitée depuis Ötzi l’homme des glaces en passant par l’Egypte antique, ces dessins étaient alors réalisés à la main, par exemple à l’aide d’arêtes de poisson, de morceaux de bois ou encore d’os. L’instrument était trempé dans l’encre (encre de Chine ou encre tirée de végétaux, de « bleu des blanchisseuses » ordinairement utilisé pour teindre les pièces de tissus en couleur indigo, voire de poudre à canon !) puis piqué sur la peau, point par point, pour y déposer les pigments.

Il existait aussi des manières plus étranges, et pour certaines relativement douloureuses, de pratiquer le tatouage, comme un procédé incluant des fourmis… Ce n’est qu’en 1891 que sera inventée la première machine à tatouer électrique par Samuel O’Reilly, dorénavant appelée « dermographe ». Il est intéressant de noter que son appellation était alors utilisée pour nommer les professionnels de la « dermographie », la science de la description de la peau.
 

Alcazar d'été Enna et Franck de Burgh, l'homme et la femme tattooed - Affiche de 1886

Pourtant déjà pratiqués en Grèce à l’époque d’Hérodote, et restés très ancrés dans certaines parties du monde, les tatouages ont été délaissés en Occident durant des années. Il faudra attendre le XVIIIe siècle que des explorateurs comme James Cook ramènent des descriptions détaillées de ces pratiques observées durant leurs expéditions, pour que le tatouage se développe en Europe.

Les premiers à sauter le pas furent les marins, familiarisés avec ces dessins au cours de leurs voyages. Il n’était pas rare qu’ils rentrent avec un souvenir sur leur peau, souvent sentimentaux ou en rapport avec l’environnement marin (rose des vents, nœuds, ancres, cordages). Malheureusement, l’accueil ne fut pas très chaleureux pour ce nouvel art, vite catalogué comme étant l’apanage des criminels et des gens de mauvaise vie en général. En effet, beaucoup de ces tatouages étaient réalisés dans des prisons pendant le temps « libre » des prisonniers et prisonnières (pour en savoir plus sur ce sujet, prolongez votre lecture avec le billet "Tatouages criminels"). Sans oublier que les produits choisis et la technique en elle-même ne manquaient pas d’occasionner certaines maladies : les tatoués étaient donc dans l’imaginaire collectif soit des criminels soit des malades, en somme des infréquentables. L’amalgame était aisé…

Petit à petit, les mœurs se sont transformées : à Londres par exemple, le tatouage a fini par se faire une place au XIXe siècle. Certains journaux relatent que la famille royale et les aristocrates se faisaient tatouer, comme en témoigne cet article de 1895 du Journal de clinique et de thérapeutique infantiles. La profession de tatoueur commence à être connue, ainsi que sa qualité artistique. Réalisés dans des boutiques ou comme sur cette illustration sur la place publique, les tatouages se font moins discrets. A New York, on parle déjà de dessins réalisés à l’avance, prêts à être encrés. Devenu un véritable phénomène attisant la curiosité, le tatouage est « écornifistibulant » et on vient de loin pour voir des hommes et femmes entièrement tatoués.

 

 
La médecine ne tarda pas à s’emparer de cette technique pour produire un tatouage dit « médicamenteux » conçu pour traiter différentes maladies, notamment en ophtalmie, comme le lupus de la paupière. Les médecins tatouaient alors directement dans l’iris pour dissimuler les opérations qui avaient pu blanchir les yeux de leurs patients. D’autres conseillaient cette pratique dans la coloration des nævus, afin de les rendre invisibles.

Dans le même esprit « d’utilité », un médecin de l’armée avait proposé de tatouer l’emplacement des artères aux soldats afin de savoir où comprimer efficacement en cas de saignement, sans attendre l’arrivée du médecin.
D’autres utilisations du tatouage, plus étranges, ont bien sûr été tentées. En France, comme dans cet ouvrage de 1873, on propose de tatouer des numéros sur des enfants âgés de quelques jours, pour les reconnaitre plus facilement dans les établissements…
 
Actuellement, le tatouage est plutôt considéré comme une démarche artistique personnelle, mais son histoire est riche et pleine de symboles, dans les pratiques comme dans les motifs. Saviez-vous par exemple qu’au Japon, certains pêcheurs se faisaient tatouer des lignes très serrées dans l’espoir que les dessins fassent peur aux poissons anthropophages, tandis qu'en Indochine le motif du tigre était censé éloigner les carnassiers ?
Il y a beaucoup à savoir ! Si vous désirez contribuer à l’histoire du tatouage, vous pouvez adopter pour la numérisation un livre de la BnF concernant le tatouage, afin qu’il soit accessible à tous.
 
Et si vous souhaitez profiter du Mondial du Tatouage mais que vous manquez d'inspiration, voici une sélection d’illustrations : motifs anatomiques, géométriques ou floraux, il y a tout ce que vous voulez sur Gallica !

  • Motifs anatomiques, les crânes :
  • Motifs géométriques :
  • Motifs anatomiques, les coeurs :
  • Motifs floraux :