Discarding Images : redécouvrir les images médiévales

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22 novembre 2017

Parmi les blogs consacrés à l'iconographie médiévale, Discarding Images se distingue par son humour et sa capacité à trouver des détails insolites – marginalia, curiosités animalières, enluminures grivoises. Interview avec son créateur, Łukasz Kozak, un Gallicanaute (plus ou moins) sage comme une image…

Bonjour Łukasz Kozak. Pouvez-vous nous parler un peu de vous ?
Je suis expert "innovation et nouveaux médias" en Pologne, ce qui m’amène à travailler avec différents établissements culturels et patrimoniaux à l'international. Médiéviste de formation, je n’ai pas pour autant abandonné l’étude de sources et la recherche historique.  Mon travail auprès des bibliothèques numériques me permet de vivre de ma passion pour le Moyen Âge.

Comment avez-vous découvert Gallica ?
Ah, ça, c’est toute une histoire ! Gallica a été ma première bibliothèque numérique. Quand j’étais étudiant, je rencontrais des difficultés pour accéder aux sources dont j’avais besoin. Grâce à un ami, j’ai appris que la BnF numérisait ses fonds et les mettait ensuite en ligne, à la disposition de ses lecteurs. J’ai donc plongé dans cet univers fabuleux, et je n’en ai toujours pas émergé, trop heureux de découvrir chaque jour de nouveaux trésors.

Manuscrit Latin 920, f. 174 v

Comment l’idée de partager ces contenus est-elle née ?
Il y a quelques années déjà, je faisais des recherches sur l’iconographie musicale au Moyen Âge. Je me suis retrouvé confronté à un corpus d’images extraordinaires, étonnantes ou parfois bizarres. J’ai voulu partager mes découvertes avec le monde entier, et les réseaux sociaux m’ont paru être l’instrument le plus approprié. Pour créer mon identité numérique, je me suis inspiré de l’essai de C.S. Lewis, The Discarded Image, qui porte sur la littérature médiévale et de la Renaissance. La réponse a surpassé tout ce que j’ai pu imaginer, et l’enthousiasme du public m’a poussé à continuer. Aujourd’hui, Discarding Images est présent sur Tumblr, Twitter, Facebook et Instagram.

Comment utilisez-vous Gallica dans votre travail et dans vos recherches personnelles ?
En fait, j’utilise Gallica tous les jours… Je l’utilise dans mon travail, mais je regarde aussi les nouveautés, j’y lis des livres, et surtout je m’inspire de ses innovations numériques, pour lesquelles la BnF est célèbre.

Comment choisissez-vous les documents iconographiques dans Gallica ?
Le plus souvent, je fais tout simplement défiler les pages d’un manuscrit qui me paraît intéressant. Je trouve ainsi des images que je télécharge ensuite. De temps en temps j’utilise Mandragore (la base de données regroupant les images des manuscrits de la BnF) ou les Sélections de Gallica.
Découvrir un manuscrit page à page reste ma façon préférée de procéder. Cela me permet d’avoir une vue d’ensemble tout en approfondissant les détails. C’est de cette façon que je trouve des merveilles cachées.

Ibn Butlân, Tacuinum sanitatis, f. 37r

Comment et à quel point modifiez-vous les images avant de les diffuser ?
Je me suis spécialisé dans le travail d’images numériques. L’image numérisée n’est qu’une reproduction de l’originale, une image de l’image. Pour la faire vivre, je manipule les paramètres graphiques, je joue avec l’ombre et la lumière, les couleurs, les reliefs, mais surtout je travaille l’encadrement, pour mettre en valeur ce qui me parait le plus frappant. Une image médiévale extraite de son contexte et retravaillée pour être confrontée à l’actualité va être frappante et attirer l’attention. L’animer, la travestir, la transformer… Tout cela permet de lui faire raconter une nouvelle histoire.

Avez-vous une anecdote concernant un document découvert dans Gallica ?
Il s’agit pour l’instant plus d’une énigme que d’une anecdote : dans la marge du manuscrit du Roman de la Rose, il y a un arbre à phallus. J’aimerais beaucoup connaître l’histoire qui se cache derrière cette image, elle doit être tout à fait fascinante. [N.D.L.R. : le blog "Les 400 culs", dans Libération, y a consacré un billet.]


Le Roman de la Rose , par Guillaume de Lorris et Jean de Meun.

Des projets en cours ?

Je vais continuer à conjuguer mes deux axes de travail : créativité et recherche. J’aimerais développer les collaborations avec des artistes qui s’inspirent d’œuvres numérisées dans leur création, comme Kajetan Obarski, un ami et à mon avis l’un des meilleurs réalisateurs de vidéo d’animation, tout en continuant à écrire et à publier.

Vidéo réalisée à partir des manuscrits Français 1654 et Français 2644 numérisés dans Gallica

Qui est le plus susceptible de vous aider à trouver de nouvelles sources ?
Les bibliothécaires bien sûr, grâce à leur travail de catalogage et de numérisation. La popularité de Discarding Images a suscité l’apparition de nombreux sites semblables qui, eux aussi, popularisent l’art médiéval. Mais leur activité ne sera jamais que complémentaire du travail des bibliothécaires.

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