Gérard Noiriel, spécialiste de l’histoire de l’immigration, enseigne à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Non je ne savais pas, mais je suis heureux de l'apprendre.
Je ne m’en souviens plus très bien. Au début, je l'ai utilisé comme un outil bibliographique et pour consulter les anciens ouvrages accessibles en ligne.
C'est lorsque j'ai débuté mes recherches sur le clown Chocolat que j'ai commencé à faire un usage intensif de Gallica. Comme je l'explique dans mon livre, j'ai travaillé à partir des occurrences « clown Chocolat », et comme ça ne donnait pas grand-chose, j'ai cherché aussi à « Chocolat ». J'ai épluché méthodiquement tous les quotidiens de la période 1870-1939, titre après titre, pour limiter un peu le nombre des occurrences. Bien que le travail ait été fastidieux (car le mot chocolat renvoyait à de multiples données sans rapport avec mon personnage), j'ai conservé cette méthode pour être sûr de ne rien rater. Comme l'occurrence du mot est restituée sur le site dans le contexte de la phrase, ça me permettait de savoir tout de suite si l'article concernait mon sujet. J'ai pu ainsi faire défiler assez vite les pages sélectionnées. J'ai utilisé la même méthode empirique avec beaucoup d'autres occurrences ; pour les autres clowns (notamment Foottit) et pour les autres artistes que le clown Chocolat a côtoyés au cours de sa carrière. J'ai aussi cherché des renseignements sur les cirques, les music-halls, les cafés-concerts, etc., en procédant de la même manière.
C'est évident. Si Gallica n'avait pas existé, je n'aurais pas pu écrire ce livre. J'ai pu reconstituer sa carrière, quasiment mois par mois, parce que les journaux de l'époque publiaient de petits entrefilets donnant des informations sur les cirques. En consultant la version papier des journaux (ce que j'ai fait pendant plus de vingt ans pour mes recherches avant l'invention de Gallica), je n'aurais jamais pu trouver ces informations perdues dans l'océan des pages imprimées.
Cette biographie était en effet un sujet rêvé pour l'utilisation de Gallica, car il s'agit d'un personnage qui a été très populaire (donc qui a laissé des traces dans les comptes rendus de presse), mais d'une personne inconnue, puisqu'il n'avait même pas d'état civil, donc aucune trace dans les archives écrites, et qu'il n'a pas écrit ses mémoires.
Un historien doit être capable de faire fonctionner son imagination. Selon les sujets sur lesquels il travaille, les outils qu'il doit mobiliser peuvent varier. Dans le cas présent, j'ai effectivement tiré profit des petites annonces publiées dans les journaux car elles mentionnaient les adresses de ceux qui cherchaient un emploi. J'ai pu ainsi trouver quelques informations sur le milieu social du quartier où vivait le clown Chocolat.
Disons que la masse d'informations éparses et souvent anecdotiques qu'on peut obtenir grâce à Gallica exige ensuite un gros travail d'analyse pour leur donner de l'intelligibilité.
Quand j'ai découvert la lettre qu'il a adressée au journal Le Temps, le 19 novembre 1909, en réponse à un journaliste qui avait annoncé sa mort. C'est le seul texte écrit de sa main que j'ai trouvé.
Le Temps, 18 et 19 novembre 1909
Je conseille maintenant à mes étudiants d'effectuer des investigations dans Gallica dès le début d'une recherche. Gallica est une ressource particulièrement intéressante pour écrire l'histoire de lieux ou de personnages publics, notamment dans le monde du spectacle. Cette ressource est très utile aussi pour l'histoire de la langue commune. J'ai cherché par exemple à savoir à quelle date le mot racisme était entré dans le langage courant. Grâce à Gallica j'ai découvert que les occurrences de ce terme dans la presse s'étaient multipliées seulement dans les années 1930, alors que je pensais que ça datait plutôt du début du siècle et de l'Affaire Dreyfus.
Vous pouvez aussi consulter le site de l’association DAJA, dédié à la mémoire du clown Chocolat. Vous y trouverez notamment les références de Chocolat, la véritable histoire de l’homme sans nom et une conférence de Gérard Noiriel aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois.
Propos recueillis par
Sophie Robert et Philippe Mezzasalma