Les voyages officiels sous le Premier Empire dans les collections de la BnF

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Comme de nombreux rois de France avant lui, Napoléon renoue avec l'habitude des "grands tours" et part régulièrement à la rencontre de ses sujets.

Premiere entrevue de Napoléon Premier, Empereur des Français et Roi d''talie, avec Alexandre Premier Empereur et Czar de toutes les Russies, estampe, Paris, gravure à l'eau-forte, coloriée, 22,1 x 39,2 cm.

Son  premier voyage officiel, à Lyon, dure du 18 au 31 janvier 1802. Du 29 octobre au 14 novembre 1802, il se rend ensuite à Rouen, au Havre, à Cherbourg et à Dieppe, visite des fabriques, offre des bals à la préfecture et passe des troupes en revue. Du 24 juin au 11 août 1803, un dernier déplacement, relaté par des brochures commémoratives, l'amène à Dunkerque, Lille, Gand, Anvers, Bruxelles et Liège. A chaque fois, il suscite l'enthousiasme, avec accueil par les garnisons locales et réception des autorités constituées.

Voyage du premier consul en l'an XI dans les Départements de la Somme, Pas-de-Calais, estampe, Dannecun, Paris.

Les voyages continuent sous l'Empire : en septembre 1804, Napoléon se rend à Aix-la-Chapelle sur les traces de Charlemagne. En 1805 et 1807, Napoléon étant devenu roi d'Italie, la cour impériale se déplace en Italie du Nord, visitant notamment Milan, Turin et Venise. D'avril à août 1808, l'Empereur séjourne au château de Marrac, près de Bayonne. Le 5 mai, lors d'une célèbre « entrevue », Napoléon contraint le roi Charles IV d'Espagne et son fils Ferdinand à renoncer au trône d’Espagne, avant de confier les rênes du royaume à son frère Joseph. Le voyage du retour, du 21 juillet au 14 août, amène ensuite l'empereur de Marrac à Saint-Cloud en passant par Tarbes, Pau, Agen, Toulouse, Bordeaux, Rochefort, Saintes, Niort, Nantes, Saumur, Tours et Blois, comme le montre un projet d’itinéraire signé par Napoléon. Dans chaque ville, il est triomphalement reçu, visite des chantiers et passe des troupes en revue.

La venue de Napoléon à Venise, estampe, Ferdinando Albertolli, (1781-1844), eau-forte et aquatinte, Picotti, Venise, 1808.

La cour impériale se déplace ensuite à l'étranger. Du 27 septembre au 14 octobre 1808, Napoléon se rend à Erfurt, capitale du duché de Saxe-Weimar, pour une entrevue avec le tsar Alexandre Ier de Russie. Il déploie tout le faste dont sa cour est capable afin de consolider l'alliance décidée à Tilsit un an plus tôt : sous la surveillance de Talleyrand, les meubles, les tapis, la vaisselle, sans oublier les cuisiniers et domestiques sont amenés de Paris, tandis que les dîners, les bals, les concerts et représentations théâtrales offerts par les meilleurs acteurs de la Comédie-Française comme Talma alternent avec les chasses et le spectacle militaire des passages en revue de troupes d’élite.

Le voyage de noces de Napoléon et de Marie-Louise en 1810 à Bruxelles et Anvers du 27 avril au 1er juin 1810 se transforme également en voyage officiel. À nouveau en 1811, le couple impérial voyage, d’abord dans la région de Caen et de Cherbourg en mai et juin, puis en Belgique et en Hollande en septembre. À chaque fois, l'Empereur visite des manufactures, inspecte des fortifications et des chantiers, tandis que l'Impératrice se charge de présider aux bals et concerts. Des bijoux, des montres, des tabatières en or sont offerts aux notables locaux, tandis que de grosses sommes d'argent sont distribuées aux hôpitaux. Napoléon annote lui-même les listes des cadeaux distribués dans ses voyages, dont la valeur monte parfois à plusieurs centaines de milliers de francs.

Voyage de l'Empereur et de l'Impératrice à Cherbourg : Entrevue de l'Empereur des Français et de la Reine d'Angleterre, estampe, gravure sur bois en couleur, 33 x 42 cm, Pellerin, 1858.

Ces voyages sont précisément réglementés, à la fois par l'Etiquette du palais impérial et par les règlements administratifs des palais de la Couronne. Les archives du grand maréchal du palais de Napoléon, le général Duroc, conservées au département des Manuscrits, renferment plusieurs notes sur l’organisation de ces voyages, pour lesquels il fallait mobiliser près de 1000 hommes de troupe, des dizaines de domestiques, dont de nombreux huissiers, valets de chambre, garçons de garde-robe, femmes de chambre, sans oublier d'innombrables fourgons à bagages dont les départs s'échelonnaient sur 36 heures. Les ministres, les conseillers et les secrétaires étaient également du voyage, permettant à Napoléon de continuer à gouverner l'Empire.

En mai 1812, la cour impériale est conviée à Dresde, chez le roi de Saxe, où Napoléon fait venir auprès de lui les souverains de la Confédération du Rhin, ses alliés, pour dix journées de fêtes, du 15 au 25 mai 1812. Il faut mettre en scène la puissance militaire et politique de la France avant le début de la campagne de Russie, ce que la presse de l’époque, aux ordres du pouvoir, ne manque pas de remarquer. Des plans de table montrent que les festins offerts par l'Empereur rassemblent 19 convives, dont dix princes ou princesses et neuf têtes couronnées : Napoléon et Marie-Louise, l'Empereur d’Autriche et l'Impératrice Maria-Ludovica, le roi et la reine de Saxe, le roi de Prusse, le grand-duc de Wurtzbourg et la reine de Westphalie.

Fastueux, complexes à organiser mais indispensables à la promotion du régime impérial, les voyages officiels de Napoléon renouvèlent une antique tradition royale. Ses successeurs du XIXe siècle s'en servirent eux aussi comme des outils de propagande et de diplomatie, avant que la République ne s'en empare à son tour, en suivant, à peu de choses près, une organisation comparable à celle mise en place pour les derniers rois et empereurs.

Voyage présidentiel de Raymond Poincarré, sortie de l'Hôtel de ville d'Evreux, photographie de presse, 13 x 18 cm., Agence Rol, 14 octobre 1923.

Pour en savoir plus :

Plusieurs proches de l'Empereur ont parlé de ses voyages dans leurs mémoires : c’est le cas du baron de Méneval, secrétaire de Napoléon, de son collègue le baron Fain, ou du préfet du palais impérial, le baron de Bausset. De nombreuses études d'histoire locale ont également étudié certains de ces voyages, que ce soit pour le département de l'Eure, le Calvados, la Gironde, ou encore la ville de Toulouse. Tous ces déplacements sont aussi recensés dans l'Itinéraire général de Napoléon Ier. On peut également lire la synthèse de Pierre Branda, Napoléon et ses hommes : la Maison de l’Empereur (Fayard, 2011), ou celle de Charles-Eloi Vial, Les Derniers feux de la monarchie : la cour au siècle des révolutions, 1789-1870 (Perrin, 2016). La Fondation Napoléon met également en ligne des bibliographies dédiées au couronnement de Napoléon comme roi d'Italie, sur l'Impératrice Joséphine et sur l'Impératrice Marie-Louise.

 

Charles-Eloi Vial
Département des manuscrits