La numérisation des « imprimés exceptionnels » dans Gallica : bilan d’une première étape

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1 janvier 2013

En juin dernier s’est achevé le chantier de numérisation dit de « numérisation d’imprimés exceptionnels » qui avait débuté à la fin de l’année 2009 grâce à des crédits accordés par le Centre national du livre.

Trois départements de la bibliothèque y ont collaboré par la fourniture de documents : le département Droit, économie et politique pour la numérisation d’un fonds d’actes royaux, la bibliothèque de l’Arsenal et la Réserve des livres rares. En vertu de la définition même du projet, cette dernière a été la principale bénéficiaire de l’opération, qui a ainsi permis de numériser un peu plus de 2000 ouvrages de sa collection, pour la presque totalité d’entre eux en langue française ou dans une langue régionale de France : 111 incunables, 497 éditions du XVIe siècle, 569 pour le XVIIe siècle, 210 pour le XVIIIe, 598 pour le XIXe et 39 pour le XXe siècle – la faiblesse de ce dernier chiffre tenant au fait que seuls étaient sélectionnés des ouvrages libres de droits, afin que leur numérisation soit librement accessible à distance sur Gallica.

Sotie nouvelle et fort joieuse des sotz triumphans qui trompent Chacun à cinq personnages. C’est assavoir Sotie, Teste verte, Fine myne, Chascun, le Temps qui court. [Paris, atelier de Jehan Trepperel, avant 1525]. Réserve des livres rares, RES M-YF- 149 (10)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626285r/f11.image

 

Conformément à la vocation même de la Réserve, c’est la rareté qui a guidé le choix des livres retenus, qu’il s’agisse d’ouvrages uniques ou connus à un très petit nombre d’exemplaires (telles les rarissimes éditions gothiques de l’ancien théâtre français réunies dans ce qu’on appelle conventionnellement le « recueil Trepperel »), d’exemplaires rendus singuliers par leur mise en couleur ou des notes manuscrites particulièrement dignes d’intérêt (notes de lecture ou bien corrections d’épreuves, dont l’un des plus remarquables exemples est celui des deux jeux d’épreuves du Coup de dés de Mallarmé), ou qu’il s’agisse encore d’ouvrages « rares » au titre du rôle essentiel qu’ils jouent dans notre tradition culturelle : éditions originales d’œuvres littéraires majeures et de grands textes dans les différents domaines du savoir, mais aussi grandes éditions illustrées témoignant des développements de l’art du livre (tel un ensemble de livres du XIXe siècle comptant au nombre des premiers qui aient été illustrés par la photographie).

Stéphane Mallarmé, Jamais un coup de dés n’abolira le hasard, [Paris, A. Vollard, 2 juillet 1897] : premier jeu d’épreuves corrigées. Réserve des livres rares, RES FOL- NFY- 130

 

La logique de sélection qui a prévalu n’est donc pas celle du corpus, mais une logique résolument généraliste. Le but poursuivi a été de satisfaire dans toute la mesure du possible, en saisissant l’occasion d’une numérisation de qualité supérieure (en couleurs et de haute définition), les attentes du public, par définition divers, qui est celui de Gallica. Il serait même plus juste de parler, plutôt qu’en termes fixistes de public, en termes d’usages possibles : usages de recherche, bien sûr, mais aussi usages pédagogiques (songeons par exemple au parti qu’on peut tirer de la numérisation des grandes éditions illustrées de classiques littéraires pour des travaux d’analyse de l’image), ou encore usages de curiosité. C’est par exemple dans cette dernière perspective, autant que dans celle de la recherche universitaire, qu’une attention particulière a été accordée aux livres anciens en langues régionales (breton, gascon, basque, etc.), ou bien, aux côtés des œuvres significatives de l’histoire intellectuelle et littéraire, aux grands ouvrages qui scandent le développement des arts de faire : arts d’accommoder les mets, de jardiner, de dessiner, de chanter, de se vêtir… sans oublier l’indispensable art de se désopiler la rate, représenté par la tradition rabelaisienne ou par la veine facétieuse, du galimatias fantaisiste et joyeusement baroque de Bruscambille au « monochroïdal » et réjouissant Album primoavrilesque d’Alphonse Allais.

Alphonse Allais, Album primo-avrilesque, Paris, P. Ollendorff, 1897. Réserve des livres rares, RES P- Y2- 2999

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86263801/f13.image

 

 Un nouveau chantier de numérisation d’« imprimés exceptionnels » s’est ouvert cet été, qui s’inscrit dans l’exacte continuité de celui qui vient de s’achever. Il permettra de compléter l’offre actuelle en l’ouvrant en particulier à des ouvrages de plus grand format et à des publications périodiques particulièrement rares.

 

Jean-Marc Chatelain, Réserve des livres rares

Publié initialement le 4 septembre 2012.