Quand une gallicanaute étudie le marché de la rencontre

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6 novembre 2015

Claire-Lise Gaillard, gallicanaute passionnée et doctorante à l'universite Paris 1 Panthéon-Sorbonne, nous parle de sa thèse, consacrée au "marché de la rencontre" du milieu du XIXe siècle aux années 1950.

Annonce extraite du magazine Séduction du 25 novembre 1933

Bonjour Claire-Lise, pouvez-vous nous parler de votre thèse ?

Dans le cadre de ma thèse d’histoire contemporaine je m’intéresse à ce j’appelle le « marché de la rencontre » du milieu XIXe siècle aux années 1950. Je cherche en effet à retracer l’histoire des différents types de rencontres médiatisées : marieuses, agences et petites annonces matrimoniales. Il s’agit d’en effet d’un élément visible dans le paysage social du XIXe siècle, comme on le voit avec le nombre de vaudevilles qui fleurissent sur le thème des agences matrimoniales.
A partir du milieu du siècle, la rencontre médiatisée s'émancipe en effet des quelques annonces que l'on pouvait trouver dans différents journaux généraux et des traditionnels conseils d'entremetteuses bien intentionnées, pour s'organiser autour d'une véritable profession de la rencontre. C’est ainsi que les célibataires en quête d’un parti pouvaient s’abonner à L'Intermédiaire Journal des mariages, L'Ami de l'Union ou encore, à la Belle époque, aux Mariages Riches. Au fil des chocs démographiques des guerres du XXe siècle, l’offre de rencontre se fait plus présente et plus diverse, accompagnant l’entrée dans une culture de masse. Au fil des années par exemple les journaux acceptent des annonces qui ne visent plus explicitement le mariage, et certains s'en font même une spécialité à l'instar de Séduction. C’est donc la structuration de cette offre de rencontre, autant que celle de la demande que je souhaite retracer pour reconstituer dans sa diversité le marché de la rencontre entre le milieu du XIXe et le milieu du XIXe.

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L'Hymen de Lyon, "idéale revue favorisant le mariage"

Comment avez-vous utilisé Gallica dans ce cadre ?

La première approche du sujet se fait naturellement par les journaux qui publient des petites annonces, aussi la presse représente-elle la première source de mon corpus. J'ai pu retrouver sur Gallica une des plus anciennes feuilles d’annonces de mariage, sous le titre de l’Indicateur des mariages qui publie les « propositions et conditions » des partis à marier en 1790. La richesse des documents numérisés par Gallica m’a ainsi permis de découvrir, tout au long de la période que j’étudie, des feuilles d’annonces, publiées par des agences matrimoniales ou des bureaux de presse spécialisés dans la rencontre à visée matrimoniale.
J'ai également utilisé la recherche par mot-clé pour découvrir les variations sur la formule de la rencontre médiatisée, qui sort du cadre strict de la petite annonce matrimoniale. Je pense ici au cas du courrier du journal Midinette, un courrier de lectrices, qui devient en quelques années une interface de correspondance mixte qui donne lieu à des rencontres d’abords épistolaires, parfois amicales, qui peuvent donner lieu à des flirts voire des histoires plus sérieuses et des mariages. Les nombreux manuels de séduction et guides à l’usage des célibataires disponibles dans Gallica  nourrissent également mon travail, tout comme la littérature qui ne manque pas d’aborder le thème.

Rencontrez-vous des difficultés propres à votre sujet de recherche ?

Les difficultés de ce travail sont d’abord celles du caractère à la fois public et privé du sujet. L’état des sources fait qu’il est spontanément plus facile de se reconstituer la partie publiée de cette industrie (journaux, publicités des agences…), et les représentations qu’elle suscite (littérature, cartes postales, presse à sensation…). Mais il faut confronter ces sources à celles de la pratique et donner la parole aux acteurs de ce marché, retrouver des couples qui se sont formés par cet intermédiaire, ou simplement des célibataires qui ont tenté, un temps, l’expérience. L’industrie de la rencontre produit elle-même ce genre de sources : les petites annonces matrimoniales donnent lieu à de nombreuses correspondances, qu’elles aboutissent ou non à une union.  Ici, on entre dans le cadre des archives privées qui sont bien plus délicates à retrouver et à exploiter.  La difficulté principale est donc de retrouver ces correspondances, qui ont existé, mais qui ne sont probablement pas dans les fonds des archives, mais dans les greniers de particuliers.

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Le blog de Claire-Lise Gaillard

Qui est susceptible de vous aider à découvrir de nouvelles sources ?

Chacun est susceptible d’avoir dans ses ancêtres (parents, grands-parents, arrières grands-parents, aïeuls selon les périodes) un couple qui s’est formé par une marieuse, une agence ou une annonce. Le Chasseur Français revendique par exemple la responsabilité de la naissance de 4.500.000 enfants, grâce à ses petites annonces !
 J’ai déjà eu l’occasion de lancer un appel dans l'émission La fabrique de l’Histoire sur France Culture le 4 mars dernier, qui s'est déjà révélé fructueux : les greniers (et les mémoires)  des gallicanautes recèlent sans doute des trésors cachés ! Y dorment peut-être des paquets de lettres échangées par vos aïeux, qu'elles soient ou non nées d'une petite annonce (annonce matrimoniale, demande de marraines de guerres, etc). Ne les laissez pas lettres mortes ! Elles peuvent être très éclairantes dans le cadre de mon sujet de thèse. Dans le cas d’une collaboration je m'engage bien entendu à faire part de mon travail aux intéressés, en leur laissant la complète possession de leurs archives familiales.

Si vous souhaitez suivre le travail de Claire-Lise Gaillard et/ou contribuer à son projet, vous pouvez consulter son blog ou la contacter à l'adresse suivante : claire-lise.gaillard[at]univ-paris1.fr

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