L'oeuvre de Charles Richet, prix Nobel de médecine 1913

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22 novembre 2013

Alors que s’achève la saison 2013 des prix Nobel, l’Académie Nationale de Médecine a récemment célébré le centenaire de l’attribution du prix Nobel de Médecine et physiologie à Charles Richet, lors du colloque consacré à « Charles Richet et son temps ».

De nombreuses publications en ligne (dont ses Travaux de laboratoire en physiologie), permettent de mieux comprendre l’œuvre foisonnante de cet homme qui fut tout à la fois chercheur reconnu, pacifiste engagé, passionné d’aviation, mais aussi romancier et poète.

 

Richet, Charles Robert (1850-1935) / Académie nationale de médecine

Fils d’un chirurgien célèbre,  Charles Richet vit sa carrière de physiologiste lancée dès 1876 : il mena sa première étude expérimentale sur l’irritabilité des muscles et sa thèse de doctorat porta sur les Recherches expérimentales et cliniques sur la sensibilité. Sa dernière année d’internat fut consacrée à étudier le suc gastrique chez l'homme et les animaux : ses propriétés chimiques et physiologiques.

Nommé Professeur de physiologie en 1887 à la Faculté de Médecine de Paris, membre de l’Académie de Médecine en 1898, il multiplia travaux et publications : il fut dès 1878 rédacteur en chef de La Revue scientifique, collabora au Journal de physiologie et de pathologie générale et dirigea à partir de 1895 la publication du Dictionnaire de physiologie.

C’est avec Paul Portier qu’il découvre l'anaphylaxie, phénomène biologique aux développements théoriques et pratiques importants. Un des premiers articles évoquant ce terme date de 1902. Il donne de l’anaphylaxie la définition suivante : « État d'un être vivant qui, sensibilisé par l'introduction d'une substance dans son organisme, est susceptible de réagir violemment à l'introduction ultérieure d'une nouvelle dose, même minime, de cette substance ». Ces recherches sur l’anaphylaxie seront donc consacrées par l’attribution du Prix Nobel de Médecine en 1913 et par son entrée à l’Académie des Sciences en 1914. Cette découverte prit une place substantielle dans l'histoire de la biologie et de la médecine car elle révéla que le processus immunitaire pouvait être aussi pathogène.

Mais l’œuvre de Charles Richet ne se résume pas à ces travaux ! Il s’intéressa aussi à la  psychologie, qui constituait d’après lui le chapitre le plus compliqué et le moins développé de la physiologie. De la psychologie, il glissa petit à petit vers la métapsychie, domaine qu’il théorisa en 1922 dans son Traité de métapsychique. Il participa ainsi à la fondation des Annales des Sciences Psychiques en 1891 avec le docteur Dariex, puis quelques années plus tard à celle de l’Institut de Métapsychique.

Pacifiste convaincu, à l’esprit militant (Les guerres et la paix : étude sur l'arbitrage international, paru en 1905, L'illusion patriotique en 1925), il écrivit également en 1917 un petit recueil dédié aux femmes, Ce que toute femme doit savoir : conférences faites à la Croix-Rouge, leur inculquant quelques connaissances physiologiques de base. Mais son pacifisme s’associait à des convictions eugénistes fortes : son ouvrage La sélection humaine, aujourd'hui plus encore qu'hier, choque par la violence des propos tenus. Membre fondateur de la Société française d'eugénique en janvier 1913, Charles Richet proposait l'apartheid sexuel, la destruction des défectueux et la castration des mauvais reproducteurs…

Il s’attacha finalement dans Au secours, son dernier livre publié en 1935, à poser un regard scientifique sur les évènements contemporains, démarche qu'il avait initiée dans ses Souvenirs d'un physiologiste : « A mon vieil âge,  je reviens à mon point de départ. Tout jeune, j’ai eu le culte de la science de la vie, et voici qu’en finissant mes jours, j’ai le culte de cette même science. Mais je la comprends d’une manière plus vaste que quand j’ai commencé. La science de la vie se confond avec la science de la pensée, et j’entrevois pour l’avenir de magnifiques horizons. »

Nathalie Aguirre, Département Sciences & techniques