La bande à Bonnot dans Gallica

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28 juillet 2014

De novembre 1911 à mai 1912 la presse suit avec grand intérêt les méfaits puis l’arrestation sanglante d’un groupe de malfaiteurs rassemblés autour de la figure de Jules Bonnot. Bravant les autorités et n’hésitant pas à tuer des représentants des forces de l’ordre, la « bande à Bonnot » est restée célèbre pour avoir la première utilisé l’automobile durant ses opérations criminelles.

Photographies anthropométriques de Soudy et Gauzy, avril 1912

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69237156

 

Jules Bonnot, déclassé socialement en raison de son activisme politique et syndical, rencontre fin novembre 1911 au siège du journal L’ Anarchie à Paris ses futurs complices, dont Octave Garnier et Raymond Callemin, dit « Raymond la science ».

Le premier fait d’arme d’importance de la bande, le braquage de la Société générale rue Ordener, a lieu à Paris le 21 décembre 1911. Garnier fait feu à deux reprises sur le garçon de recette et s’empare de sa sacoche avant de remonter en voiture. Bonnot, qui conduit le véhicule volé avec lequel ils s’enfuiront, tire plusieurs coups de feu en l’air pour disperser la foule. L’événement fait la une du Petit Journal et du Petit Parisien le lendemain. La carrière journalistique de ceux que l’on appelle encore « la bande en automobiles » ou « les bandits tragiques » est lancée.

Une du supplément littéraire illustré du Petit Parisien, 7 janvier 1912
 

Le 21 mars 1912 une lettre de Garnier est publiée dans le journal Le Matin et se termine par ces mots prophétiques : « Je sais que je serai vaincu, je serai le plus faible mais j’espère bien faire payé [sic] cher votre victoire ». Pour l’authentifier, Garnier joint ses empreintes digitales afin de moquer un peu plus encore les services de police, toujours incapables d’appréhender les principaux membres de la bande.

A Montgeron, le 25 mars 1912, les malfaiteurs s’emparent à nouveau d’une voiture en tuant son propriétaire avant d’effectuer un nouveau braquage à la succursale de la Société générale de Chantilly, durant lequel deux employés sont également abattus. Les unes du Matin, du Petit Journal, et du Petit Parisien du lendemain reviennent largement sur les circonstances de ce nouveau forfait, qui inspire également les illustrateurs du supplément du dimanche du Petit Journal.

La fuite en avant s’accélère : le 24 avril 1912 Bonnot abat Louis Jouin, chef adjoint de la sûreté lors d’une perquisition à Ivry-sur-Seine. Blessé, il se réfugie chez un sympathisant anarchiste à Choisy-le-Roi où il est découvert et encerclé par un très grand nombre de policiers, de militaires et une foule de badauds venus assister au « spectacle ». Le siège commence, mené par le préfet de police, Louis Lépine lui-même. Devant l’impuissance des forces de l’ordre à venir à bout des assiégés, on décide de faire sauter la maison à la dynamite. Bonnot rédige son testament avant d’être grièvement blessé par l’explosion. Il a toutefois la force d’accueillir les policiers à coups de revolver. A nouveau blessé, il décède peu après son arrivée à l’hôpital. La une du Petit Parisien du 29 avril n’hésite pas à publier la photo du cadavre de Bonnot, ainsi que celle de son complice Dubois.

Une du Petit Parisien du 29 avril 1912
 

Les deux derniers membres de la bande, Garnier et Vallet, seront tués dans des circonstances étrangement similaires à Nogent-sur-Marne le 14 mai 1912 : siège de plusieurs heures, effectifs disproportionnés, foule de curieux venus assister aux événements, résistance acharnée des assiégés, dynamitage, et enfin exécution sommaire.

Des voix commencent à s’élever pour protester contre le penchant au sensationnalisme dont a fait preuve la presse autour de cette affaire et contre les méthodes de la police : Jean Jaurès, dans L’ Humanité du 10 mai 1912 écrit : « Je ne sais rien de plus ignominieux que l’exploitation journalistique et politique qui a été faite des crimes des bandits et de la tragique chasse à l’homme qui a été menée contre eux ». Le procès des survivants de la bande à Bonnot a lieu en février 1913. Les trois principaux complices de Bonnot, Callemin, Monier et Soudy sont condamnés à mort et guillotinés le 21 avril 1913 devant la Prison de la Santé à Paris. Auparavant, un autre de ses complices, Carouy, condamné aux travaux forcés à perpétuité, s’était suicidé dans sa cellule le 27 février 1913.

Laurent Arzel - département Droit, économie, politique