Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

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Au début des années 1880, Louis Pasteur a expérimenté des vaccins sur les animaux. Les microbes, causes de maladies infectieuses peuvent aussi immuniser contre ces pathologies grâce à l’inoculation. Pasteur oriente alors ses recherches vers une maladie qui se transmet de l’animal à l’homme : la rage.
Louis Pasteur examinant des chiens enragés dans son laboratoire, 1884

Nature, transmission et symptômes de la rage

Cette maladie, autrefois nommée hydrophobie, se transmet par la salive, généralement par morsure et plus rarement par griffure. Ce sont les mammifères carnivores comme les renards ou les loups qui contractent la maladie et contaminent les chiens domestiques puis l’homme. Le réservoir primitif est probablement véhiculé par les chauves-souris. Le virus responsable de la rage est le génotype I du genre Lyssavirus de la famille Rhabdoviridae, du grec ancien rhabdos  (ῥάβδος) signifiant « bâtonnet ».

L’infection se déclare de quelques jours à quelques mois après exposition, selon la profondeur de la morsure, la virulence du virus et l’état immunitaire de la personne. Le virus infecte principalement le système nerveux central : encéphale et moelle épinière, ce qui entraîne la mort. Les symptômes sont souvent l’aversion aux liquides, l’agitation puis l’agressivité. Pasteur distingue la rage furieuse et la rage paralytique qui sont différentes formes de la maladie. Il reprend la description qu’en a faite le médecin M. Helmann sur les lapins :

Les symptômes de la rage furieuse,…, sont assez caractéristiques : au commencement le lapin se cache, puis ses oreilles commencent à trembler… bientôt, il se met à gratter le sol de ses pattes de devant… il fait quelques bonds, mais retombe dans sa torpeur et cela le plus souvent vers la fin de la maladie… certains lapins poussent des cris. Quant, avant la mort, il se produit un état paralytique, cet état ne dure que quelques heures… 

Œuvres de Pasteur. Tome 6 / Fascicule 2 / réunies par Pasteur Vallery-Radot, 1933

Louis Pasteur tenant dans ses bras deux lapins, aquarelle de Renouard, vers 1887

Expérimentations sur les lapins et autres animaux

L’expérimentation est au cœur de la démarche scientifique de Pasteur. Il reprend les travaux de ses prédécesseurs sans oublier de les mentionner. Ainsi, le vétérinaire Pierre Victor Galtier (1846-1908) expérimente l’inoculation de la rage sur des lapins en 1879, soit quelques années avant Pasteur. Ses Études sur la rage paraissent dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, tome 89, Juillet-Décembre 1879. De même, le Dr Henri Duboué a également étudié cette maladie et découvert que le virus de la rage se transmet par voie nerveuse.

Pasteur et ses collaborateurs Émile Roux (1853-1933) et Charles Chamberland (1851-1908) reprennent leurs travaux et utilisent de la moelle épinière desséchée de lapins morts de la rage pour mettre au point le vaccin antirabique. Cet animal est moins dangereux à manipuler que le chien. Contrairement aux bactéries, le virus est invisible au microscope. Au XIXème siècle, l’identification et l’isolement du virus est impossible. Pasteur ne peut donc affaiblir le pouvoir infectieux du virus par culture. Pour le conserver et l’atténuer, il en est réduit à le transférer d’un animal à l’autre. Il procède de manière empirique en faisant passer le virus de lapin en lapin. Il prélève le bulbe rachidien ou la moelle épinière d’un animal mort de la rage, le dilue dans du sérum et l’injecte par trépanation à un nouvel animal et ainsi de suite. Il fait un trou dans la tête et met directement le virus en contact du système nerveux. De cette manière l’incubation est plus rapide.

Louis Pasteur prenant des notes sur les lapins inoculés contre la rage vers 1884, dessin de Renouard

Parmi toutes ses expériences, une paraît décisive. En mai 1885, après avoir répandu la rage sur toute une série de lapins, il prélève sur le dernier un peu de moelle épinière séchée qu’il injecte à 20 chiens qui se trouvent donc vaccinés. Quelques temps après, il leur injecte de la moelle fraîche virulente ainsi qu’à 20 autres chiens non vaccinés. Les 20 chiens vaccinés ne développent pas la maladie et les 20 autres meurent de la rage. Malgré cette réussite, Pasteur hésite à utiliser ce procédé à l’homme :

Il faut en multiplier les preuves à l’infini sur des espèces animales diverses, avant que la thérapeutique humaine ait la hardiesse de tenter sur l’homme la prophylaxie.

L’utilisation des animaux de laboratoire fait déjà polémique à cette époque mais ce sacrifice permet, pour certains, de sauver des hommes. Les sociétés de protection des animaux existent en France depuis 1846.

Louis Pasteur notant ses expériences sur les animaux inoculés par la rage, vers 1884

Le début de la vaccination humaine

C’est alors que Joseph Meister, un enfant de 9 ans venu d’Alsace, arrive au laboratoire de Pasteur. Il a été gravement mordu par un chien enragé 60 heures auparavant. La maladie n’est pas encore déclarée. La décision est prise par Pasteur, le professeur Vulpian et le docteur Grancher d’inoculer l’enfant. Il reçoit treize émulsions de moelle de lapin de moins en moins atténuées en onze jours durant le mois de juillet 1885. Il termine par de la moelle virulente extraite la veille d’un lapin mort de la rage. L’inoculation se fait à l’aide d’une seringue par injection sous-cutanée à l’abdomen. Trois mois plus tard, Pasteur annonce à l’Académie que l’enfant n’a pas eu la maladie. Il prend régulièrement des nouvelles de son « cher petit Meister » par courrier et lui envoie même des étrennes. C’est le début de la vaccination humaine contre la rage.

Inoculation de Jean-Baptiste Jupille, par le procédé de M. Pasteur, BIU Santé Médecine

Trois mois plus tard, c’est au tour du berger Jean-Baptiste Jupille, également mordu par un chien enragé 6 jours auparavant, de recevoir le vaccin comme traitement et d’en guérir.
Ces deux expériences réussies ne tardent pas à être connues du public. De nombreuses personnes mordues par des chiens enragés, ou supposés de l’avoir été, réclament le même traitement. Entre octobre 1885 et avril 1886, plusieurs centaines de personnes le reçoivent et confirment son efficacité. Cependant, il y a plusieurs échecs dont Louise Pelletier âgée de dix ans qui meurt car elle est arrivée plus d’un mois après de profondes morsures par un chien de montagne. De même des Russes mordus par des loups arrivent de Smolensk en consultation à Paris ; sur dix-neuf, trois meurent de la rage après le traitement. Ces échecs relatifs alimentent le doute sur l’efficacité de la méthode pasteurienne , chez certains médecins.

Pasteur fait mention d’un rapport de police de la Seine qui établit des statistiques avant l’utilisation de vaccins antirabiques, de 1878 à 1883 ; sur six personnes mordues par un chien environ une mourait. Avec le vaccin antirabique, les chances de survie augmentent considérablement. Mais les données épidémiologiques sont imprécises à cette époque.

Si, à ses débuts, le vaccin sert de prophylaxie de la rage après morsure, il est préconisé, dès 1886, comme préventif. Des séances de vaccination antirabique sont organisées dans le laboratoire de Pasteur, rue d’Ulm à Paris mais aussi à l’étranger et dans diverses institutions avant la création de l’Institut Pasteur en 1888.

La vaccine de la rage. Une séance d'inoculation au laboratoire de M. Pasteur. D'après l'esquisse du tableau d'Emile Bayard, L'Illustration, n° 2250, 10 avril 1886, BIU Santé

Conclusion

Pasteur nomme ce procédé vaccin en hommage à Edouard Jenner qui est le premier à utiliser l’inoculation pour prévenir de la vaccine 90 ans plus tôt. Le vaccin contre la rage vaut à Pasteur une reconnaissance internationale.

Pour aller plus loin

Cycle de billets Gallica réalisé à l’occasion du Bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur
Site du Bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur
Bibliographie sur Louis Pasteur
Œuvres de Pasteur, tome VI, réunies par Louis Pasteur Vallery-Radot, 1922-1939
Correspondance de Pasteur, 1840-1895, réunie et annotée par Louis Pasteur Vallery-Radot

A l'occasion du bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur, la BnF, site François-Mitterrand, vous invite le 13 décembre prochain à 17h30 à une Rencontre Gallica, suivie d’une présentation d'ouvrages actuellement exposés en salle C (Bibliothèque pour tous).