Le colchique d'automne

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21 novembre 2022

Colchiques dans les prés, fleurissent,  fleurissent,
Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été.

C’est sur un air connu de Francine Cockenpot (1918-2001) que s’ouvre ce centième billet de l’Herbier de Gallica consacré à une des stars de l’automne, le colchique.

Frédéric Cuvier, Dictionnaire des sciences naturelles. Strasbourg, 1816-1845

Le colchique, Colchicum autumnale, est une plante d’origine européenne de la grande famille des Liliacées. Son nom latin fait référence à la Colchide,  région autour de la Mer Noire, en Géorgie actuelle, où cette plante croît en abondance. Cette région est connue dans la mythologie grecque pour voir été le royaume de Médée qui aurait utilisé le colchique par deux fois, comme onguent tout d’abord, afin de se rajeunir et conquérir Jason, mais aussi comme poison afin de supprimer sa rivale.

Wilhelm Elias Ahle, Méthode d'enseignement par l'aspect. Atlas d'histoire naturelle. Plantes vénéneuses. Paris : 1876.

Cette plante à bulbe qui pousse habituellement dans les prairies humides connaît un cycle de vie en décalage avec la plupart des autres plantes. En effet, elle fleurit en automne au moment où la plupart des autres fleurs se raréfient et flétrissent. Une jolie fleur à la corolle  mauve-violette composée de 6 sépales (ou tépales) semble sortir du sol, nue. Elle disparaît en hiver et les feuilles de 12 à 20 cm apparaîtront au printemps. Le fruit, de la taille d’une noix, mûrit au cours du printemps puis arrivera à maturité durant l’été, il est composé de 3 compartiments remplis de graines.

Joseph Pitton de Tournefort, (1656-1708), Elemens de botanique, ou Methode pour connoître les plantes. Vol. II. Paris, 1694.

D’abord considéré comme une plante, tour à tour plante toxique ou médicinale, le colchique est connu depuis l’Antiquité grecque pour ses vertus médicinales: il soigne la goutte. Mais son usage est finalement abandonné durant le Moyen Âge en raison de sa forte toxicité et des difficultés de dosage. Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir ressurgir l’intérêt thérapeutique du colchique dans le traitement de la goutte et des rhumatismes et, au XIXe siècle, la demande en graines de colchiques est tellement importante que la seule culture ne suffit plus. Deux chimistes français, Pierre Joseph Pelletier et Joseph-Bienaimé Caventou parviennent, en 1820, à isoler l’alcaloïde, la Colchicine, dont l’action permet d’atténuer les symptômes de la goutte.

Jens Wilken Hornemann, Icones plantarum sponte nascentium in regnis Daniae et Norvegiae et in ducatibus Slesvici et Holsatiae, ad illustrandum opus... Florae danicae nomine inscriptum. 1810-1840

Mais que l’on ne s’y trompe pas, un des noms vernaculaires du colchique, le tue-chien, est à l’image de sa toxicité puisque toutes les partie de cette plante sont toxiques. Les éleveurs craignent l’ingestion par les troupeaux ou les chiens mais généralement, les animaux adultes ne consomment pas ces végétaux. Les cas d’intoxications pour les bovins ou les ovins ont généralement sont rares et concernent des jeunes sujets.

En raison de sa toxicité, il convient de ne pas confondre le colchique avec le safran dont les fleurs lilas sont assez ressemblantes. Néanmoins, le safran, du genre crocus, fleurit au printemps et ses feuilles sortent en même temps que la floraison, ce qui n’est pas le cas du colchique. Ce décalage saisonnier, s’il devrait être suffisant pour lever le doute sur la détermination, sera confirmé par une observation attentive de la structure florale. En effet, le safran ne possède que 3 étamines alors que le colchique en a 6. Cette ambiguité levée, impossible donc de confondre ces deux plantes.

 Laissons à Guillaume Apollinaire le soin de conclure ce billet avec la première strophe du poème qu’il consacre à cette belle des prés :

Guillaume Apollinaire, Alcools : poèmes : 1898-1913 (Troisième édition), « Les colchiques ». Paris, 1920