La consécration d’Auguste Escoffier

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Auguste Escoffier est l’un des plus grands Chefs de la gastronomie française. Il instaure le système de brigade, encore en vigueur aujourd’hui. Il codifie la cuisine en publiant son Guide Culinaire, considéré comme la "Bible" des cuisiniers. Avec l’hôtelier César Ritz, il contribue à créer les bases de l’hôtellerie de luxe internationale.

Souvenirs inédits : 75 ans au service de l'art culinaire, Auguste Escoffier, J. Laffitte, Marseille, 1985

Au-delà de cette image de "Cuisinier des rois et Roi des cuisiniers", Auguste Escoffier était un homme de cœur qui a œuvré toute sa vie pour aider les plus démunis, comme il le décrit dans ses Souvenirs inédits, publiés par les Éditions Jeanne Laffitte en 1985 (toutes les citations de ce billet en sont tirées) :

J’ai connu de trop près les souffrances des plus humbles pour ne pas leur chercher un remède."

Face à l’inaction du gouvernement pour lutter contre la pauvreté, il écrit en 1910 un Projet d'assistance mutuelle pour l'extinction du paupérisme en imaginant un système de retraite pour tous (à l’époque, seuls les fonctionnaires et militaires en bénéficiaient). Dès son arrivée au Savoy de Londres, il établit un partenariat avec l’association des Petites Sœurs des Pauvres afin d’éviter le gaspillage et d’améliorer les repas des personnes défavorisées. Lors de son jubilé, il offre la somme qui lui était destinée à la maison de retraite de Dugny (6 000 francs environ), fondée par Monsieur Marguery, au bénéfice des anciens cuisiniers privés de ressources.

Pendant la Première Guerre Mondiale, il fonde un Comité de secours pour les familles de ses cuisiniers mobilisés, qui étaient toutes dans des situations difficiles.

Chaque semaine, nous répartissions une certaine somme entre 50 femmes et 70 enfants. À la fin de la guerre, nous avions distribué une somme globale de 75.000 F."

En tant que Chef au Savoy, puis au Carlton, Auguste Escoffier avait pour habitude d’employer des ouvriers en surnombre, afin de leur éviter le chômage. Il avait également pris des dispositions afin que ses ouvriers mobilisés soient certains de retrouver leur travail dans ses cuisines à la fin de la guerre.

Pour les multiples actions sociales menées tout au long de sa carrière, pour tout ce qu’il a apporté au métier de cuisinier, à la gastronomie française, pour son humanisme, il est décoré en 1919, de la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.

La légion d’honneur est la plus haute distinction française. Elle a pour objectif d’honorer et de récompenser les citoyens français pour les mérites éminents qu’ils ont acquis au titre de la Nation, sous les armes ou à titre civil.

Elle a été remise à Auguste Escoffier le 11 novembre 1919, un an après l’armistice de la terrible guerre, par M. Poincaré, Président de la République française. En visite à Londres à Saint-James Palace, il recevait les membres de la colonie française dont le Chef faisait partie.
Auguste Escoffier partage cette consécration dans l’un de ses écrits :

 Le 11 novembre 1919, anniversaire de la signature de la paix, fut pour moi une des plus belles journées de ma vie de labeur.
Ignorant que j’étais sur la liste des personnes qui, à l’occasion de la visite du chef du gouvernement français devaient recevoir un souvenir de son passage dans la grande cité anglaise, je fus très surpris d’entendre prononcer mon nom et de recevoir des mains du Président de la République, la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Très fier de la distinction dont je venais d’être l’objet, j’en exprimai toute ma joie à M. Poincaré et le remerciai respectueusement de l’honneur qu’il me faisait en me la remettant lui-même. Ce souvenir restera à jamais gravé dans mon cœur !"

1928, Banquet au Palais d'Orsay en l'honneur d'Auguste Escoffier, meilleur cuisinier de France, ici avec Edouard Herriot, photographie de presse, Agence Meurisse

Le 22 mars 1928, lors d’un banquet offert en son honneur à l’Hôtel du Palais d’Orsay à Paris, entouré de l’élite du tout Paris et des plus hautes personnalités de l’hôtellerie, de la restauration et de la presse, il est élevé au grade d’Officier de la Légion d’Honneur par Edouard Herriot, alors Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts.

Ce dernier le remercie d’avoir rendu toute sa noblesse au métier de cuisinier et conclut :

Pourquoi j’ai tant de plaisir à offrir cette haute distinction à un homme que vous vénérez ? C’est parce qu’il n’est pas seulement un véritable artiste de sa profession, c’est parce qu’il est ce que j’apprécie par-dessus tout : un homme de cœur."

Justine Escudero et Michel Escoffier,
Musée Escoffier de l'Art Culinaire de Villeneuve-Loubet