Classé monument historique dès 1840 puis inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1985, le pont du Gard est un monument emblématique des systèmes d'alimentation en eau construits par les Romains. Suivez le fil de l’eau avec Gallica.
Avec ses 48 mètres de hauteur, ses trois niveaux d’arches, le pont du Gard est en fait un aqueduc faisant partie d’un ensemble hydraulique de plus de 50 kilomètres. Construit au 1er siècle sous le règne de Claude ou de Néron, ce dispositif est chargé d’alimenter en eau la ville de Nemausus (Nîmes).
Pont du Gard ; amphithéâtre de Nîmes (Gard). 1760
Si le pont du Gard qui traverse le Gardon, est demeuré en partie visible, le tracé en amont n’a été retrouvé que plus tardivement. L’eau provient de captage des sources d’Uzès, depuis l’Eure et l'Airan. La chambre de captation qui rassemble les eaux de la fontaine de l'Eure est redécouverte en 1922. Un momment "historique" se réjouit le journal Le Peuple en décembre de cette année et en 1923, le Bulletin monumental publié par la Société d’archéologie se fait aussi l'écho de cette découverte si rare.
L'eau circule par gravité grâce au dénivelé de 12 mètres entre les sources d'Uzès et Nîmes, ce qui est relativement faible et représente une pente de 0,0024% en moyenne. Mais le tracé n’est pas uniforme et doit traverser plusieurs combes. Le canal d’adduction est en partie souterrain et utilise plusieurs ouvrages d’art pour traverser les vallées ou cours d'eau recontrés, comme le pont de Bornègre "formé de trois arches et mesurant 17 mètres de long". La conduite rencontre ensuite le Gardon, rivière impétueuse sujette aux crues.
Partie d'élévation en perspective du pont du Gard. 1700
Pour traverser le Gardon, les Romains ont bâti un aqueduc à trois niveaux d'arches formées par des voûtes de plein cintre, de piles larges pour soutenir la poussée des voûtes mais d'une largeur étroite. Sur les 47 arches antiques, seules 35 sont visibles aujourd'hui.
"le pont du Gard", écrit Emilien Frossard en 1834 dans son Tableau pittoresque, scientifique et moral de Nismes "est d'une grande simplicité ; les ornements sont rares et d'un style sévère. On a retrouvé peu de sculptures Elles se bornent, je crois, à des représentations symboliques..."
L'ouvrage est construit avec des pierres extraites des carrières voisines. Les techniques de construction antique ont été détaillées par Alfred Léger (1840-1904) dans son ouvrage Les travaux publics, les mines et la métallurgie au temps des Romains (1874). Le dernier rang d'arches porte l'aqueduc proprement dit, le canal, partie essentielle de l'ouvrage où l'eau circule. Il est couvert par des dalles pour être le plus étanche possible et préserver la pureté de l'eau. Les Romains utilisent pour leur construction du "béton", un mélange de mortier souvent composé de pouzzolane ou pierres volcaniques, qui fait longtemps référence et dont les constructeurs des siécles suivants, particulièrement au 19e siécle, n'eurent de cesse de chercher à reconstituer la recette exacte.
Albanis-Beaumont, Pont du Gard . 1794; Bibliothèque Carré d'art / Nîmes
Le premier niveau de l'aqueduc présente des échancrures. A partir du 16e siècle et surtout du 17e siècle, il est en effet utilisé comme pont permettant le passage des pietons et animaux de bâts grâce à des encorbellements munis de garde-fous. Au 18e siècle, Henri Pitot (1695-1771), ingénieur en hydraulique fait construire un nouveau pont, adossé à l'aqueduc, "dans le double but de consolider ce magnifique monument et de conserver une voie de communication indispensable". Les échancrures, qui fragilisaient l'édifice, sont alors supprimées. Après le passage du Gardon, le tracé poursuit sa pente vers la ville de Nïmes.
La question des constructions d'adduction en eau dans les villes antiques est connue à travers l'ouvrage théorique de Vitruve (livre VIII, Chapitre VII De Architectura).
On peut conduire les eaux en trois manières, à savoir, ou par un canal couvert de maçonnerie, ou par des tuyaux de plomb ou par des tuyaux de poterie. (...) Lorsque l'eau sera arrivée proche des murailles de la ville, il faut construire un regard et près de ce regard trois réservoirs et faire qu'il y ait trois tuyaux qui distribuent également l'eau aux réservoirs qui seront disposés de telle manière que lorsqu'il y aura beaucoup d'eau, le réservoir du milieu recevra celle qui sera de reste dans les deux autres et par des tuyaux l'enverra à tous les lavoirs et aux fontaines jaillissantes. Mais l'eau de l'un des autres réservoirs ira aux Bains d'où la ville tirera du revenu tous les ans. L'eau du troisième réservoir sera envoyée aux maisons des particuliers (...)
Pour garantir une pression suffisante dans les tuyaux de distribution, il faut construire un château d'eau ou castellum à l'entrée de la ville. Le castellum de NÎmes est mis au jour en 1844 dans la rue Lampèze. il est ainsi décrit en 1853 par Simon Durant, Henri Durand et Eugène Laval dans L'album archéologique et description des monuments historiques du Gard : "un bassin circulaire ayant 6 m de diamètre, pavé d'un glacis composé de chaux vive et de briques concassées qui le rendent aujourd'hui d'une tenacité et d'une consistance égale à la pierre la plus dure." On peut encore voir le départ des tuyaux qui alimentaient en eau la ville pour des usages domestiques mais aussi activités artisannales (minoterie, blanchisserie...).
Laissons le poète provençal Paulin Pierre Cheilan (1834-1907) conclure par une ode au Pont du Gard écrite en 1898 en provençal et français :
O Nîmes, dis moi pour conserver le Pont,
N'abandonnerais-tu vite pas tes Arènes et tes Fontaines ?
Les billets de la série les ponts
Heritage : la bibliothèque numérique de l'Ecole des Ponts et Chaussées
Guilhem Fabre, Jean Luc Fiches, Philippe Levreau, Le pont du Gard, l'eau dans la ville antique, Patrimoine du présent, Caisse nationale des monuments historiques et des sites, CNRS éditions, 1992
Alfred Léger, Les travaux publics, les mines et la métallurgie au temps des Romains. La tradition romaine jusqu'à nos jours. 1875
Parcours de l'eau réalisé par la ville de Nîmes