L’observatoire du Pic du Midi de Bigorre

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26 novembre 2020

Le Pic du Midi de Bigorre est un des sommets les plus connus des Pyrénées. Le blog Gallica vous emmène à la découverte des origines de l’observatoire météorologique et astronomique, des hommes qui ont permis sa construction et des équipements qui ont jalonnés son histoire.

Dès le début du 18ème siècle, le Pic du Midi de Bigorre fait l’objet de travaux scientifiques menés par François de Plantade qui étudie la couronne solaire lors de l’éclipse de 1706 . Il y retourne en 1741 pour des mesures barométriques et réaliser une carte des diocèses du Languedoc. Il meurt au col de Sencourt le 26 août de cette même année en s’écriant : «Grand Dieu ! Que cela est beau». En 1774, Jean d’Arcet, chimiste et professeur au collège de France, et Gaspard Monge, mathématicien et homme politique, atteignent le sommet afin d’étudier la pression atmosphérique. Dès son retour, Jean d’Arcet, conquis par le site, propose la construction d’un observatoire et se met en relation avec le Duc d’Orléans (futur Philippe Egalité) pour financer son projet qui n’aboutira pas en raison du manque de fonds destinés à d’autres travaux et de la révolution française.
 
En cette fin de 18ème siècle et au début du 19ème, l’ascension du Pic du Midi , bien cartographiée devient très prisée par de nombreuses personnalités scientifiques (naturalistes, botanistes, jardiniers, médecins, ingénieurs) ou par de grands personnages de l’époque. L’ascension par le col du Tourmalet est relativement aisée même si elle demande une journée d’efforts. Chacun en revient enthousiasmé par la beauté des paysages et la pureté de l’air au sommet. Cet engouement est principalement initié par le botaniste et géologue français Louis Ramond de Carbonnières qui sert de guide au cours de trente-cinq excursions en quinze ans. En 1792, il relate sa vision du Pic du Midi de Bagnères (sic) dans Voyage et observations faites dans les Pyrénées […]. On lui doit aussi une des rares cartes de la région.
Cependant, malgré ce plébiscite, aucune construction d’un observatoire n’est envisagée. Il faut attendre le milieu des années 1860 pour que ce projet renaisse, sous l’impulsion de la Société Ramond, première société montagnarde créée en France et fondée par des pyrénéistes : l’alpiniste et cartographe irlandais Charles Packe, le pasteur et géologue français Emilien Frossard, le comte anglo-français Henri Russell-Killough et le photographe anglais Farnham Maxwell-Lyte.
Cette société, dont l’idée émerge en 1864 autour d’une table de restaurant à Bagnères de Bigorre est reconnue officiellement en 1865 par le Ministère de l’intérieur. Elle rassemble de nombreux membres venant de tout horizon professionnel et amoureux des Pyrénées, comme le géographe Elysée Reclus, le journaliste et homme de lettre Adolphe Joanne  ou bien encore le docteur Costallat qui joue un rôle essentiel dans l’élaboration du projet de l’observatoire. La société reçoit aussi l’appui d’autres personnalités comme Sir John Hershell, fils de l’astronome William Hershell, constructeur d’un des premiers grands télescopes de l’histoire. A partir de 1870, les deux principaux acteurs de la mise en œuvre du projet sont le général en retraite Charles du Bois Champion de Nansouty et l’ingénieur Célestin-Xavier Vaussenat.

A partir de 1872, De Nansouty et Vaussenat sont chargés de présenter le projet aux français et d’effectuer les démarches administratives, politiques et financières afin de mettre en place une souscription publique et réunir le financement de la construction. Les deux hommes n’hésitent pas à engager leur propre fortune et reçoivent aussi l’aide de mécènes, comme le banquier et député Bischoffscheim, qui investissent dans la construction et les instruments scientifiques.

En 1874-1875, c’est le projet de l’ingénieur Edouard Harlé qui est accepté par la commission de l’observatoire. De Nansouty présente le projet à l’Académie des sciences en 1876. La phase technique, financière et politique qui dure plusieurs années aboutit à la pose de la première pierre de l’observatoire, le 20 juillet 1878, pierre sous laquelle est enterrée une boite contenant des documents commémoratifs. Cependant, dès 1873, De Nansouty et Vaussenat et quelques scientifiques établissent une première station météorologique au col de Sencourt et plus précisément sur le mamelon Plantade. Là, Ils installent leurs instruments de mesures, à côté de l’hôtellerie déjà présente depuis quelques années près du Lac d’Oncet.

 

En attendant l’observatoire plus confortable, De Nansouty, un premier collaborateur, M. Baylac, et un cuisinier vivront dans la station Plantade dans des conditions de vie minimales et précaires, surtout en hiver. Ils doivent parfois redescendre dans la vallée, au péril de leurs vies, comme lors de l’hiver 1874, sous l’effet d’une tempête qui détruit la porte, les volets et fenêtres de leur habitation. Vaille que vaille, les travaux scientifiques continuent et prouvent leur utilité au niveau local, mais aussi régional : le 21 juin 1875, les observations nivologiques et météorologiques du général De Nansouty sur la masse de neige et sa consistance et sur le sens des vents permettent d’anticiper la grande inondation du bassin de la Garonne et de l’Adour, rivière qui naît près du Pic du Midi. C’est Baylac qui porte l’alerte à pieds, bravant la tempête dans une nouvelle descente périlleuse ; dès lors une station télégraphique est envisagée et installée en 1877 pour communiquer plus rapidement avec la vallée.
La construction de l’observatoire sera longue et très difficile. En effet, les porteurs ne peuvent effectuer la montée que de juillet à mi-octobre, afin d’éviter la neige accumulée au sommet et dangereuse du fait des avalanches. Ce sont des efforts humains et techniques considérables effectués sur un parcours très pentu avec 1 700 mètres de dénivelé. De plus le chargement est très lourd, ce qui rend l’ascension très lente et allonge donc le temps  de la construction.

 

En dépit de ces contraintes, les premiers locaux  et la plateforme des instruments sont opérationnels dès l’été 1880. L’installation finale se fait en octobre 1881 après avoir définitivement abandonné la station Plantade. De Nansouty fait installer des  paratonnerres Buchin pour assurer la protection électrique contre les nombreux orages. L’observatoire communique à Bagnères de Bigorre des bulletins météorologiques quotidiens qui sont transmis ensuite dans les villages de la vallée. Une première coupole astronomique de 6 mètres et une salle méridienne sur une plate-forme de 8 à 10 mètres de côté sont érigées à proximité des habitations. Tout cela coûte fort cher. Afin de faire perdurer le site, il est nécessaire que l’Etat le rachète en 1882. Un souterrain de 24 mètres est construit en 1885-1886 entre les bâtiments d’habitation et la plateforme afin d’éviter de glisser l’hiver sur la terrasse verglacée qui les séparent. Durant vingt ans, les différentes installations, qui se construisent et se modernisent, permettent à de nombreux scientifiques d’effectuer leurs précieux travaux.

 

En 1907, l’astronome Benjamin Baillaud fait installer le premier grand télescope, un équatorial double de 50 cm de diamètre, un des plus grands au monde. Il permet en 1909 d’établir que les canaux de Mars, découverts par Percival Lowell, n’existent pas. Les instruments de l’observatoire, à la pointe du progrès, vont lui permettre de développer grandement ses recherches astronomiques, météorologiques ou sismologiques. Ces recherches permettent des avancées dans des domaines aussi variés que la météorologie pour l’aviation en montagne ou la physique du globe. Un jardin alpin, sous la direction du jardinier-botaniste Joseph Bouget, et une bibliothèque de 1300 volumes, complètent le site.
En 1922, l’installation de la T.S.F est demandée par le Radio-Club des Hautes-Pyrénées, considérant indispensable la diffusion généralisée et quotidienne du bulletin météorologique au monde agricole et touristique. Côté équipement électrique, des groupes électrogènes constitués de moteurs à pétrole couplés à des dynamos fournissent l’éclairage depuis l’hiver 1911-1912. Il faut attendre 1949 pour que des fils électriques soient installés. Quant au téléphérique permettant d’acheminer les matériels et les personnels durant toute l’année, le début de ses travaux est annoncé en 1942, alors qu’un funiculaire devait voir le jour dès 1905. Il ne sera inauguré qu’en 1952. En attendant, le ravitaillement peut se faire par des mulets en été sur une partie du parcours ou uniquement par des porteurs en hiver qui mettent huit heures à atteindre l’observatoire. Ce qui n’empêche nullement les astronomes et savants,  cloisonnés dans ces conditions, de continuer leurs études du ciel, du rayonnement cosmique et de réaliser de superbes photographies des planètes, en profitant de la rare pureté de l’air. Notons aussi que des études sont menées sur l’électricité atmosphérique et sur la radioactivité dégagée par les sommets montagneux et s’accumulant dans les couches épaisses de neige.

 

Entre 1959 et 1962, les différentes activités, astronomie météorologie, télévision et radiodiffusion sont regroupées dans le centre TDF, construit durant ces trois ans. Ce centre est aussi appelé «bâtiment interministériel» car il est occupé par plusieurs instances officielles : la Navigation aérienne, le Ministère de l’intérieur et la Météorologie nationale. Le Pic du Midi possède aussi un laboratoire de haute altitude dédié à la botanique et à la biologie végétale ou à l’étude des sols, en complément du jardin alpin. Malgré toutes les recherches menées dans ces différents domaines, durant les trente années suivantes, l’observatoire vieillit et marque le pas de plus en plus, d’un point de vue technique et rentabilité financière. En 1993, l’Etat envisage sa fermeture pour 1998 après plus d’un siècle d’existence. Afin de le sauver, la région Midi-Pyrénées et ses acteurs se mobilisent et engagent la rénovation  des installations scientifiques. Le nouveau site s’ouvre en mai 2000. Il est accessible au public qui doit s’acquitter d’un droit d’entrée, pour assurer ainsi une part du financement du fonctionnement du site. De nouvelles recherches scientifiques voient le jour : la physique de l’environnement, les sciences de la terre et physiologie.
Le Pic du Midi de Bigorre reste à ce jour l’un des plus grands observatoires mondiaux, grâce à son emplacement privilégié d’un point de vue altimétrique et atmosphérique. Il permet au public d’admirer l’un des plus beaux panorama sur les Pyrénées.