Histoire de la machine à écrire
Vous souvenez vous de ces bruits familiers : un cliquetis répétitif ponctué par le tintement du retour chariot ? Gallica revient sur l’histoire de la machine à écrire.
La machine à écrire découle de plusieurs inventions élaborées dès le 18ème siècle. Un premier brevet d’appareil à écrire mécanique est ainsi déposé en 1714 par l'Anglais Henry Mill, comme le rappellent le Bulletin de l’imprimerie et de la librairie en 1891 et le journal L’Excelsior en 1923.
En 1833, le Français Xavier Progin dépose un brevet, répertorié dans les Archives des découvertes et des inventions nouvelles, pour une « machine ou plume ktypographique propre à écrire comme on imprime et à servir à la formation de planches stéréotypées et de planches de musique ». Ce système de plume mécanique est exploré par d’autres inventeurs avant d’être détrôné par la machine à écrire proprement dite.
Un des objectifs de ces premières inventions est de donner accès à l’écriture aux mal-voyants et aux aveugles. En 1849, Pierre Foucault imagine une machine à gaufrer le papier pour rendre l’écriture lisible. Son invention obtient la médaille d’or à l’Exposition de Paris.
Le pasteur danois Malling Hansen met au point une machine à écrire, produite en série en 1867, appelée « boule écrivante » qui permet à Nietzsche d'écrire alors que, malade, il ne peut plus tenir une plume.
Mais ce sont les inventions des imprimeurs Samuel Soule, Christopher Latham Sholes et du mécanicien Carlos Glidden à partir de 1867 qui constituent l’étape essentielle de la machine à écrire, étape rappelée en 1909 par Max de Nansouty dans Le machinisme dans la vie quotidienne. L’Américain Remington reprend en effet ces brevets pour lancer la fabrication industrielle d’une machine à écrire à partir de 1873. Mise sur le marché l’année suivante, la « Typewriter » soigne son décor avec ses fleurs peintes ou s’ornant de portraits à la demande. Les 40 touches sont en porcelaine, le rouleau est en bois. Louis Figuier décrit en 1877 dans l’Année industrielle l’arrivée de cette nouvelle machine « qui dispense d’écrire ».
D'autres marques concurrentes lancent leurs modèles en imitant la Remington ou au contraire en cherchant à s’en démarquer. La machine Hammond propose, en 1880, un clavier de 40 touches placées en éventail qui ressemble au clavier d’un piano. La Calligraph, inventée par G.W.N Yost, qui a travaillé à l'élaboration de la Typewriter chez Remington, possède un clavier où une touche correspond à un caractère, y compris les majuscules et les minuscules. La machine, malgré son très grand clavier de 72 touches, rencontre un important succès, particulièrement aux Etats-Unis jusqu'aux années 1900.
Le Génie civil dresse un état des lieux en 1891 avec une série d’articles sur les différentes machines et leurs choix techniques. Une des difficultés d’utilisation reste la lecture du texte tapé. Les premières machines ne permettent pas une écriture visible, le chariot étant placé devant la feuille écrite. Un premier essai est réalisé en 1897 par le fabricant Roux avec la « Bar lock » mais c’est surtout la firme Underwood qui propose dès 1900 une nouvelle machine à écrire avec un système d’écriture visible. Son clavier réduit est composé de touches permettant d’écrire jusqu'à trois signes (une majuscule, une minuscule et un signe supplémentaire, comme la ponctuation). Ces nouveaux modèles sont largement promus par la publicité. La taille des machines et donc leur coût sont en effet des critères pris en compte par les fabricants. Gaston Tissandier présente ainsi en 1897 dans Nouvelles recettes utiles et appareils pratiques une machine à écrire dite « miniature » car tenant dans la poche avec ses dimensions imbattables : 5x10x7cm. Underwood, de nouveau, lance dans les années 1920 un modèle de machine à écrire portative au clavier encore plus compact.
En France, la machine à écrire est présentée une première fois lors de l’Exposition universelle de 1878, puis lors des Expositions universelles suivantes. Mais les premières machines sont importées depuis les Etats-Unis et la construction de machines à écrire en France reste faible jusqu’à la première guerre mondiale. Les principales marques françaises sont la Dactyle d'Octave Rochefort, ancien ingénieur de l'Ecole centrale, la Japy, la Typo dont le montage des pièces se fait à la Manufacture des armes et des cycles de Saint-Etienne. Après la première guerre mondiale apparaissent de nouvelles marques de machines à écrire comme la Contin-Souza ou la Celtic en 1923.
Les machines adoptent une même architecture technique, que détaille Eugène Weiss dans La mécanique en 1928 : la machine à écrire moderne se compose « d'une sorte de carter qui abrite et soutient les tiges, les barres et les leviers du mécanisme. A l'avant, le clavier formé de touches sur lesquelles on frappe pour faire basculer les leviers marqueurs ». La course du chariot est réglable par marques et butoirs. En fin de ligne, la chariot est saisi par un levier et ramené à droite. L'encrage se fait au moyen d'un ruban. Mais ajoute Eugène Weiss,
Dans aucun clavier, les signes ne sont disposés dans l'ordre régulier des alphabets. Les touches souvent employées sont placées de préférence au centre du clavier et entre deux touches moins fréquentes.
La question de l’adoption d’un clavier universel va en effet se poser : les premières machines américaines ont été conçues avec un clavier QWERTY mais il n’y a pas encore de norme. Les premières machines françaises ne sont pas encore fixées sur un ordre des lettres précis. Deux positions s’opposent : d'une part l'adaptation du QWERTY en AZERTY et d'autre part la proposition de ZHJAY portée par Albert Navarre en 1907 qui est par exemple utilisée par la Typo en 1914. Cette solution n'est pas retenue, l’habitude du clavier AZERTY étant déjà prise par les sténographes et dactylographes.
Avec la machine à écrire, une nouvelle profession de « dactylographe » naît ; il se conjugue dans un premier temps au masculin. En effet, les premiers sténographes des années 1880 à 1890 sont des hommes, ce dont témoignent les premiers organes professionnels comme le Bulletin de l’association professionnelle des sténographes, fondé en 1890 uniquement par des hommes ou le Journal des sténo-dactylographes et du bureau moderne dirigé par M. Baussart-Clerbout.
Georges Buisson, chef adjoint honoraire du service de sténographie de la Chambre des députés, également fondateur de la La Revue des conférences sténographiées en 1892, organise des concours de vitesse de sténodactylographie sur le modèle des Etats-Unis. La dernière des six épreuves du concours de 1893 consiste en un exercice de sténographie d’un texte du Journal Officiel à une vitesse de 140 mots à la minute.
Ces courses remportent un succès grandissant et sont couvertes comme des compétitions sportives par la presse.
Le métier connaît des modifications majeures au début du 20ème siècle. Il se développe dans les entreprises et les bureaux ce qui s'accompagne de la création d’écoles professionnelles et de manuels d’apprentissage dédiés (les Cours de sténo-dactylographie éditées en 1918 par un constructeur de machines ou la Méthode pratique et théorique de dactylographie dite "des dix doigts" sur le clavier universel de l'Ecole Longin en 1916). Enfin, le métier se féminise et le nombre de femmes sténo-dactylographes augmente particulièrement pendant et immédiatement après la première guerre mondiale.
Toute une imagerie très stéréotypée se met alors en place, véhiculée par la littérature, le cinéma et la presse.
Quant à la machine, elle se perfectionne, s’électrifie - lent processus depuis les premiers brevets dès le début du 20ème siècle, les essais des années 1920, jusqu’à sa diffusion dans les années 1960. Elle devient un objet de design comme les machines Olivetti, se dote d’une mémoire électronique dans les années 1970.
Pour en savoir plus, retrouvez une bibliographie sur les machines à écrire.