Les Contemplations, Livres I à IV, ou les Mémoires d’une âme

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14 octobre 2020

Œuvre intensément lyrique, Les Contemplations sont les "Mémoires d’une âme", l’âme d’un poète hanté par la mort de sa fille Léopoldine et qui, dans un élan de mysticisme, dialogue avec la mort. "Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi." Nous verrons comment utiliser Gallica pour étudier les livres I à IV.

Victor Hugo sur le balcon de sa maison, Hauteville House, Guernesey

Une autobiographie poétique

S’approprier le texte

Le recueil des Contemplations pourra être téléchargé en format EPUB et sa lecture pourra être accompagnée de la découverte du court métrage d'Eric Rohmer, avec un texte dit par Antoine Vitez.
Pour aborder l’étude du texte, on pourra découvrir, en guise d’introduction, plusieurs extraits de la Rhétorique des genres littéraires. François de Caussade y définit la poésie lyrique et ses sous-catégories, comme l’élégie ou la chanson. On pourra aussi s’aider du Précis élémentaire de littérature dans lequel les figures de style, la versification et ses règles sont présentés.

Biographie du poète et années d’exil

Victor Hugo publie Les Contemplations pendant ses années d’exil, à Guernesey. Victor Hugo après 1852 : l'exil, les dernières années et la mort du poète d’Edmond Biré rappelle le contexte dans lequel le poète publie son recueil, depuis Hauteville House. L’essayiste s’étonne du contraste entre le livre II, "L’Âme en fleur", et le livre IV, "Pauca meae" et présente succinctement le recueil dans son ensemble.
Il n’est pas simple d’embrasser la vie d’un auteur ayant traversé presque tout un siècle, autant fait et autant écrit. Victor Hugo de Paul Berret propose une biographie de l’auteur structurée en grandes parties (L’enfance et la jeunesse, De la représentation d’Hernani à l’exil, Pendant l’exil et Après l’exil) et n’oubliant jamais d’entremêler histoire, grands personnages, création littéraire et vie personnelle. L’ouvrage consacre de longs chapitres à chacune des œuvres de l’écrivain. On peut donc consulter celui sur Les Contemplations. Paul Berret y explique la dimension autobiographique du recueil et le travail sur la datation des poèmes opéré par Victor Hugo.

La perte de Léopoldine

Étudier Les Contemplations, c’est se plonger dans un recueil publié en 1856, mais qui rassemble des poèmes écrits entre 1834 et 1855 et qui sont, pour beaucoup, des poèmes habités par le souvenir et la mort de Léopoldine.
Pour comprendre le drame vécu par Hugo, , on pourra lire les Leçons faites à l’Ecole normale supérieure par les élèves de deuxième année qui expliquent très bien la place, particulière, qu’occupe le recueil dans l’œuvre poétique et la vie de Victor Hugo.
Almanach de Victor Hugo est, quant à lui, un parfait complément à l’étude d’une biographie car il aborde de façon originale la chronologie hugolienne. L’opuscule de Louis Ulbach permet de  comprendre, d’une certaine façon, le travail sur les dates et la temporalité qui est opérée par le poète dans Les Contemplations. À la date du 4 septembre 1843, on trouve d’ailleurs un récit de la catastrophe survenue à Villequier.

Entre mesure et démesure, le lyrisme hugolien

Dans L'évolution de la poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle Ferdinand Brunetière apporte une définition à la fois large et précise du lyrisme. Celui-ci est une émanation de la sensibilité, une suspension de l’ironie, et un déploiement de l’éloquence. L’essayiste y explique que le poète lyrique est mû par sa vocation, qu’il sait s’emparer de thèmes universels comme l’Amour (des hommes et de Dieu), la Nature et la Mort, auxquels il apporte profondeur et universalisme. Ferdinand Brunetière rappelle que pour Hugo, la mort "est le passage sans nom, le roi des épouvantements" et il résume, en quelques pages, les grands thèmes du lyrisme hugolien : la transformation par l’exil, goût de l’action, horreur physique de la mort, tentation de l’épopée.
Il précise aussi ce qui fait le lyrisme de Hugo, ce lyrisme accessible et qui, par un vocabulaire simple, frappe au cœur : "Hugo a orchestré les thèmes généraux du lyrisme contemporain. Je veux dire qu’à tant de mots qui n’avaient d’autre valeur avant lui que celle d’un signe algébrique, du tout au plus d’un équivalent pittoresque de l’idée, il a donné une valeur musicale intrinsèque, […] Mais voici quelque chose de plus : ces grands thèmes, les plus riches de tous, – la Nature, l’Amour et la Mort, –[…] Hugo les mêle ou les fond ensemble, il les enchevêtre".

Une œuvre romantique

Romantisme et querelles esthétiques

Le poète des Contemplations est habité par le souci d’innover sur le plan esthétique comme en témoignent "Quelques mots à un autre" et "Réponse à un acte d’accusation". Le poète romantique est celui qui refuse les normes classiques, explique Georges Lot dans Le vers romantique.
Pour mesurer l’importance, pour ne pas dire la gravité, des choix esthétiques opérés par Victor Hugo, on pourra lire Histoire du romantisme de Théophile Gautier. L’auteur du Capitaine Fracasse revient, avec beaucoup de pédagogie et de simplicité, sur l’ire des spectateurs provoquée par la "simple" dislocation d’alexandrins. On y découvre aussi un portrait de Victor Hugo qui témoigne de la fascination que l’écrivain exerçait sur ses collègues : "Nous gardons précieusement ce portrait beau, jeune, souriant, qui rayonnait de génie et répandait comme une phosphorescence de gloire". Ce témoignage peut nourrir une réflexion sur le regard que porte Hugo sur le statut du poète, tour à tour démiurge, prophète ou voyant.

Romantisme, luttes sociales et politiques

Plusieurs poèmes des livres I à IV témoignent de l’engagement politique de Hugo, et Edmond Biré, toujours dans Victor Hugo après 1852 : l'exil, les dernières années et la mort du poète, rappelle la double signification de "Réponse à un acte d’accusation" : "sous couleur de répondre aux classiques attardés [ …], il répond en réalité aux royalistes [ …] qui osent dire que son républicanisme est de fraîche date". Quand bien même son républicanisme serait de fraîche date, Hugo fait œuvre sociale et politique, comme en témoigne  un poème tel que "Melancholia".
Ce romantisme hugolien qui n’est plus seulement concentré sur les souffrances d’un Moi, Pierre Barbéris et Jacques Seebacher l’analysent dans Romantisme et libéralisme de Jean Douchet. On y explique que cette deuxième vague du romantisme est une évolution du romantisme  "à gauche", avec des œuvres comme Le dernier jour d’un condamné ; évolution favorisée par la crise économique des années 1827-1830. On pourra comparer ces propos à ceux d’August von Schlegel dans Cours de littérature dramatique, qui expose les fondements de la première vague du romantisme français, qui était, elle, traversée par la mélancolie.

Enfin, dans le prolongement de l’étude de "Melancholia", et des différents poèmes consacrés à l’enfance qui ponctuent le recueil, l’on pourra découvrir le documentaire L'enfant au XIXe siècle : dans le cadre d'un thème sur l'éducation de l'enfant de Marie-Georges Méliès.  Réalisé en 1976, le documentaire propose plusieurs lectures d’images sur le travail des enfants au XIXe siècle. Il pourra être complété par la découverte d’autres poèmes consacrés à l’enfance malheureuse au XIXe siècle, tels que "L’Enfant" dans Les Orientales, "Les effarés" d’Arthur Rimbaud ou "La chanson du petit hypertrophique" de Jules Laforgue.

Pour aller plus loin