Le développement de l'industrie chocolatière en France

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28 septembre 2020

Avec 7 kilos de chocolat mangés par an et par habitant, les Français étaient en 2019 les cinquièmes plus gros consommateurs de chocolat au monde. Retour sur l'histoire d'une gourmandise qui n'entra dans notre quotidien qu'à partir du XIXe siècle.

Fabrication du chocolat, Le Monde illustré, Paris, 27 août 1859.

Connaissez-vous le point commun des chocolats Menier, Poulain, Debauve & Gallais, Lindt, Cailler ou Suchard ? Toutes ces marques sont nées au XIXe siècle et portent le nom de leur fondateur. Bien que connu des Européens depuis le XVIe siècle, le chocolat ne se démocratise en effet véritablement qu'avec la révolution industrielle.
À Paris en 1813, on dénombre une vingtaine de fabricants de chocolat, dont Louis-Robert Auger, qui avait déjà, dix ans auparavant, déposé un brevet sur sa manière de travailler le cacao pour le rendre plus doux. Dans la liste figure également Sulpice Debauve (1757-1836), ancien pharmacien de Louis XVI, qui vend notamment du chocolat au salep de Perse, censé être très utile « aux convalescents, aux personnes faibles et valétudinaires ». En 1823, il s'associe à son neveu Jean-Baptiste Auguste Gallais (1787-1838), pharmacien comme lui, sous la marque Debauve & Gallais.

Toutes sortes de « chocolats de santé » sont créés au cours du XIXe siècle : analeptiques, toniques, stomachiques, ferrugineux, purgatifs, etc. Vendus en pharmacie, ils sont aussi recommandés par des médecins, un argument de vente souvent mis en avant dans les publicités publiées dans les journaux. Ainsi, M. Colmet-Daâge, pharmacien au 12 rue Saint-Merry, membre de la Société des sciences physiques et chimiques, vante son chocolat ferrugineux « seul approuvé de la Faculté de Médecine de Paris ». Il publie également les certificats de plusieurs médecins parisiens attestant des bienfaits de son chocolat, comme M. Émery, médecin à l'hôpital Saint-Louis et membre de l'Académie royale de Médecine, qui aurait déclaré en 1836 « avoir employé avec succès le Chocolat ferrugineux, de M. Colmet, en bonbons et en tablettes, chez les enfans et chez les grandes personnes, dans les affections lentes des organes digestifs et chez les chlorotiques ».

 

Aux fabriques parisiennes de chocolat du début du siècle succèdent bientôt les usines hydrauliques ou à vapeur, qui vont faire passer la production à une toute autre échelle. La Maison Menier, fondée à Paris en 1818 par Jean Antoine Brutus Menier (1795-1853), s'installe en 1825 dans un ancien moulin de Noisiel, en Seine-et-Marne. Cette usine hydraulique devient l'une des chocolateries les plus importantes de France. L'entreprise familiale poursuit son développement avec le fils de Jean Antoine Brutus Menier, Émile-Justin Menier (1826-1881), puis ses propres fils Henri Menier (1853-1913), Gaston Menier (1855-1934) et Albert Menier (1858-1899). La maison Menier est primée dans plusieurs expositions universelles, comme celle de 1889 dans laquelle elle remporte trois grands prix, quatre médailles d'or et deux médailles d'argent.  À la fin du XIXe siècle, plus de 2000 ouvriers y travaillent, et une cité ouvrière a vu le jour à Noisiel.
 

Usine de Noisiel, vue de l'atelier de torréfaction, Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, Paris, 2 novembre 1889.

 
Le chocolat Ibled, fondé en 1824 par Christophe Ibled, est quant à lui, en 1853, produit dans trois usines, deux usines à vapeur (l'une à Paris, l'autre en Allemagne) et une usine hydraulique à Mondicourt, dans le Pas-de-Calais. L'usine de Mondicourt, qui fonctionna pendant plus de 150 ans, a aujourd'hui laissé sa place au musée Chocorêve, qui retrace son histoire.

 

Vue de l'usine Ibled, à Mondicourt, Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, Paris, 1885

Toutes ces chocolateries, qui emploient des milliers de personnes, n'échappent malheureusement pas aux accidents industriels. En février 1891, la chocolaterie Henry, située faubourg du Temple, à Paris, est détruite par un incendie. Ce sont également les flammes qui dévastent en janvier 1900 la chocolaterie Lallier (Loire-Atlantique) ; en octobre de la même année la chocolaterie Lefèvre et Sevestre à Levallois-Perret, qui met au chômage 25 ouvriers et ouvrières ; la chocolaterie Choquart, à Neuilly-sur-Seine, en septembre 1915 ; ou encore la chocolaterie Poulain de Blois, dans la nuit du 7 au 8 juillet 1918.
 Malgré ces quelques accidents, la production chocolatière ne cesse de s'accroître au fil du temps. Les machines utilisées pour la torréfaction et le broyage du cacao se perfectionnent, des dizaines de brevets sont déposés à partir des années 1840, et des entreprises de spécialisent dans leur fabrication. Selon L. de Belfort de La Roque, la consommation de cacao en France, qui était de 30 tonnes en France en 1780, est ainsi passée à 1 500 tonnes en 1836, et 5 000 tonnes en 1860. Aujourd'hui, la France produit environ 330 000 tonnes de chocolat par an, de quoi régaler petits et grands, avec ou sans modération !

 
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