Les croisières Citroën (1920-1934) : à travers les continents

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Dès le début des années 1920, Citroën organise des croisières à but publicitaire.  Elles font connaître la marque, alors à ses débuts, et ses autochenilles, véhicules tout terrain. Adolphe Kégresse en dépose le brevet en 1917, racheté par Citroën en 1920. Les croisières explorent des lointaines contrées, et embarquent des scientifiques et  artistes qui donnent une caution scientifique. Des arrière-pensées colonialistes se manifestent notamment en Afrique et en Asie.
 

Dessins et Peintures d'Afrique. Exécutés au cours de l'expédition Citroën centre Afrique, 1927

La Croisière des sables : sur la piste de Tombouctou (1922-1923)
La première expédition Citroën  est une caravane de cinq véhicules Citroën de série 10 HP munis de chenilles. Elle part de Touggourt, ville algérienne, aux portes du Sahara le 17 décembre 1922 en direction de Tombouctou au Mali pour revenir à Touggourt le 16 mars 1923.

Elle est menée par Georges-Marie Haardt  et  Louis Audouin-Dubreuil. Haardt est directeur général des usines Citroën et Audouin-Dubreuil, ancien officier aviateur dans le Sahara durant la première guerre mondiale. Il a l’avantage de connaître le terrain. Cette première traversée aller-retour du Sahara en automobile avait pour objectif de démontrer la possibilité d’établir des communications entre l’Algérie et l’Afrique occidentale, alors colonies françaises ett ainsi de faciliter le transport des ressources naturelles vers la France.
L’expédition revient à Paris où ses membres sont reçus en grande pompe. C’est un succès technique pour les autochenilles qui apportent une renommée aux automobiles Citroën.

La Croisière noire : sur les traces des explorateurs du XIXe siècle (1924- 1925)

C’est la deuxième expédition de Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil à travers l’Afrique. Elle part le 26 octobre 1924 de Colomb-Béchar en Algérie, traverse le Sahara jusqu’en Afrique du Sud et Tananarive, capitale de Madagascar dont Gaston Doumergue, président de la République, disait que c’était la plus belle colonie française. Quatre groupes de deux voitures parcourent en huit mois 20 000 kilomètres de désert, de brousse, de savane, de marécages et de forêts sont parcourus à bord d’autochenilles de type B2. Le voyage met à l’épreuve la résistance des machines et atteint des records de vitesse.

Le ministère des Colonies et d’autres institutions dont la Société de géographie et le Muséum d’histoire naturelle demandent aux hommes de l’expédition des rapports d’ordre économique, politique, sanitaire et touristique sur l’Afrique. Ils reviennent avec des relevés topographiques, des études géologiques, 2 000 photographies et  27 000 mètres de pellicule de  films ethnographiques, ainsi que des études sur la faune et la flore. Le ministère de la Santé demande un rapport sanitaire sur les épidémies, particulièrement sur la maladie du sommeil qui sévit en Afrique en 1925.
En 1926, le film « La Croisière noire », journal cinématographique de l’expédition, est présenté au public. Il est réalisé par Léon Poirier, cinéaste documentariste, qui faisait partie de l’expédition.

Ces hommes ont fait œuvre d’ethnographe sans le vouloir en ramenant des documents cinématographiques et photographiques. Et, ils ont également inspiré des sommités de l’ethnographie. C’est en 1925 que Marcel Mauss et Lucien Lévy-Bruhl fondent l’institut d’ethnologie à Paris. La Croisière noire et le film qui en est issu ont inspiré la mission Dakar-Djibouti menée par Marcel Griaule et Michel Leiris de 1931 à 1933.
La croisière jaune : sur la route de la soie. Sur les traces de Marco Polo (1931-1932)

 
La troisième expédition est toujours menée par Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil mais cette fois en Asie. Ils parcourent  12 000 kilomètres  à travers l’Himalaya, le désert de Gobi et la Chine.
Les équipages comptent  48 hommes : scientifiques, journalistes, archéologues, géologues,  géographes, historiographes, docteurs, naturalistes, cinéastes, techniciens TSF et mécaniciens, à bord de 14 autochenilles qui portent chacune un nom : Scarabée d’or (voiture du commandant), Croissant d’argent (voiture scientifique), Œil (voiture Cinéma léger ), Œil-objectif (voiture  Cinéma lourd), Ondes (voiture TSF), Foyer (Camionnette popote), Caducée et engrenages (Voiture médicale et atelier).
L’expédition est divisée en 2 groupes de 7 véhicules. Le premier nommé Pamir part de Beyrouth, traverse le Liban, la Syrie, l’Afghanistan, les Indes britanniques, le Cachemire pour arriver en Chine. Le deuxième groupe nommé Chine, part de Tien-Tsin vers Aksou. Il parcourt  5 000 kilomètres dont 3 000 dans le désert de Gobi. Les deux groupes se rejoignent à Ouroumtchi au Nord-Ouest de la  Chine pour faire route vers Pékin. Peu après leur arrivée, Haardt meurt  d’une pneumonie le 15 mars 1932.
La route de la soie, qui traverse l’Asie centrale, est une route empruntée depuis la haute Antiquité par les marchands. Elle traverse les sites de Baalbek, Palmyre (colonie romaine au 1er siècle), Bisoutoun (Perse) et la vallée de Bamyan (Afghanistan) témoignage du Bouddhisme (né en Inde au VIe s. avant J. C.) qui se répandit  au 1er siècle de notre ère vers l’Asie centrale. Le site est connu  pour ses  Bouddhas colossaux de 38 et 55 m, détruits en 2001 par les talibans.
De nombreux travaux scientifiques sont réalisés pendant l’expédition : archéologie par Joseph Hackin du Musée Guimet,  géologie par Pierre Teilhard de Chardin, entomologie par André Reymond, naturaliste, chargé de mission au Muséum d’histoire naturelle.
Des dessins et peintures d'Asie sont exécutés au cours de l'expédition  par le peintre et dessinateur russe Alexandre Jakovleff (1887-1938).

 

La croisière blanche : à l’assaut des Montagnes Rocheuses (1934)

Les montagnes Rocheuses (Amérique) in Le Diorama photographique, publié par Rueff, 1895

Cette quatrième grande expédition Citroën a lieu sur le continent américain. L’initiative en revient à Charles Bedaux, homme d'affaire français ayant fait fortune aux États-Unis et ayant acquis la nationalité américaine, en quête de notoriété. Il peine à convaincre les autorités canadiennes. Il donne alors une caution scientifique à son expédition en recrutant un géologue et un cartographe.
Ainsi, le 1er juillet 1934, est lancé la « Bedaux Sub-Arctic expedition »  de la ville d’Edmonton en Alberta  vers Telegraph Creek au-delà des Montagnes Rocheuses dans le Nord de la Colombie Britannique. L’expédition suit les pistes amérindiennes dans une région inexplorée, excepté par les chercheurs d’or. La caravane est composée de 27 hommes et 3 femmes, 5 autochenilles Citroën munies de skis et  une centaine de chevaux.  Elle va parcourir  1 700 km mais rencontre de nombreuses difficultés liées au climat : pluies diluviennes, glissement de terrain, coulées de boues et tempêtes de neige. L’expédition tourne au cauchemar.

Ces quatre expéditions ont servi les intérêts publicitaires de Citroën. Mais, ce sont aussi des aventures techniques, diplomatiques et humaines, à l’issue parfois dramatique. Les hommes ont ramené des témoignages photographiques et cinématographiques sur des civilisations peu connues inspirant des ethnologues, archéologues, géographes…, sur leurs traces, notamment en Afrique et en Asie. Les autochenilles Citroën ont ouvert des itinéraires encore inconnus.

Pour aller plus loin
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