Le Décaméron. L’Heptaméron : même combat. En ces temps de confinement, Giovanni Boccace et Marguerite de Navarre, par ces deux œuvres littéraires majeures, peuvent encore nous amuser, nous faire réfléchir et peut-être nous consoler. Où repli ne saurait vouloir dire inaction…
Dès le début de la sidérante épreuve mondiale que nous traversons (la moitié de l’humanité vit enfermée, dit-on) nous avons été très nombreux à penser au Décaméron de Giovanni Boccaccio (1313-1375) ; un peu moins à L’Heptaméron de Marguerite de Navarre (1492-1549), appelée aussi Marguerite de Valois, d'Angoulême, d'Alençon, auteure des Marguerites de la Marguerite des princesses, son recueil de poésie. Et si l'on se rapporte à l’étymologie latine de cet agreste prénom qui vient de margarita, la perle, elle en fut bien l’une des plus scintillantes : une perle (rare) au firmament des Lettres françaises, une auteure de toute première importance de la Renaissance française ! Outre le lien évident entre ces deux œuvres quant à leurs circonstances d’invention, nous savons que Marguerite a été une lectrice attentive du Florentin, comme tous les lettrés de son époque.
Ce recueil de soixante-douze nouvelles fort variées de la Reine de Navarre nous est immédiatement revenu à l’esprit. Née de circonstances précises, sa rédaction (inachevée : il y aurait dû y avoir huit « journées ») ne cessa de toute la vie de Marguerite.
Le décaméron : contes choisis. Traduction Le Maçon, 1545, rajeunie par François Franzoni et ornée des bois de l'édition vénitienne de 1510
Et du côté de Marguerite aux multiples appellations plus élogieuses les unes que les autres, et non pas seulement parce qu’elle est de si haut rang, la voici la « dixième des muses », la « perle des Valois » jusqu’à incarner la « Dame à la Licorne » ainsi surnommée par Rabelais qu’elle protège et qu’elle impressionne, c’est moins dans la forme que dans le débat d’idées et l’action qu’elle sait s’illustrer : réflexion récurrente sur la place faite aux femmes et l’image qu’on en donne, néo-platonisme, évangélisme surtout, sont le fond de sa pensée. Dans l’époque agitée qu’elle traverse, elle sait régner, débattre, se montrer diplomate, mais aussi courageuse, sans rien céder de sa haute moralité et de sa foi., comme l’a évoqué La Fontaine. Entre catholicisme et protestantisme naissant, elle navigue avec élégance et détermination, appelant de ses vœux une réforme de l’Église au point d’être inquiétée, et pourtant elle est sœur de roi.
J'appelle parfaits amans, luy respondit Parlamente, ceux qui cerchent, en ce qu'ils aiment, quelque perfection, soit beauté, bonté ou bonne grace; toujours tendant à la vertu, et qui ont le cueur si hault et si honneste, qu'ilz ne veullent, pour mourir, mettre leur fin aux choses basses que l'honneur et la conscience repreuvent; car l'ame, qui n'est creée que pour retourner à son souverain bien, ne faict, tant qu'elle est dedans ce corps, que desirer d'y parvenir
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