Parent-Duchâtelet, médecin hygiéniste

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23 janvier 2020

Alexandre Parent-Duchâtelet naît en 1790 à Paris dans une famille aisée de la noblesse de robe. Il est un des premiers médecins à se pencher sur des problématiques hygiénistes et va en faire bénéficier la capitale dont la population avait crû de façon anarchique dans des conditions sanitaires déplorables.
 

Le rez-de-chaussée du Foyer de la Montansier (1800)

Titulaire d'un doctorat en 1814, Parent-Duchâtelet se destine dans un premier temps à la médecine de ville. Il co-rédige avec un confrère Recherches sur l'inflammation de l'arachnoïde cérébrale et spinale ou Histoire théorique et pratique de l'arachnitis paru en 1821. Homme très pieux, il travaille bénévolement dans des oeuvres de bienfaisance (Société philantropique de Paris, Bureau de charité). En tant que médecin des indigents, il établit un lien de cause à effet entre l'insalubrité des logements de la ville et les maladies qui touchent cette population défavorisée. Par ailleurs, pendant ses études, il avait rencontré Jean-Noël Hallé, premier médecin de Napoléon et titulaire de la chaire d’hygiène médicale à l’Académie de médecine, qui l'avait déjà persuadé de s’intéresser à ce domaine.

A.J.B. Parent du Chatelet    

C’est son ouvrage Essai sur les cloaques ou égouts de la ville de Paris envisagés sous le rapport de l'hygiène publique qui le fait connaître, car notre homme traite le sujet de façon très pragmatique en se penchant sur la vidange des fosses d’aisances. Il est d'ailleurs l'un de ceux qui seront à l’origine du tout-à-l’égout. Il se soucie également de l’effet nocif des décharges — à l’époque à ciel ouvert — sur la santé.
Très rapidement, il est en mesure de faire appliquer ses préconisations en matière d'hygiène car il devient membre du Conseil de salubrité de la ville de Paris et du département de la Seine. Il s’agit d’un organisme créé par Napoléon en 1802 à des fins de santé publique. Placé sous l’autorité de la Préfecture de police de Paris, il traite de nombreux sujets comme en attestent les Rapports généraux sur la salubrité publique. Il comptera d’éminents savants parmi ses membres, comme le médecin aliéniste Esquirol, les chimistes Payen et Chaptal, etc.

En 1829, Parent-Duchâtelet fonde avec son confrère Louis-René Villermé les Annales d’hygiène publique de médecine légale. La trentaine de mémoires dont il est l’auteur ou le co-auteur donne à voir l’électisme des sujets étudiés. Il y dénonce déjà les méfaits du tabac. Ou bien par exemple s'attaque à un sujet controversé : le rouissage du chanvre ou du lin, consistant à isoler les fibres textiles en détruisant la matière gommeuse qui les soude par immersion dans l’eau. Parent-Duchâtelet n'hésite pas à mettre à contribution sa famille pour prouver l’innocuité du procédé.

Rivière de Bièvre, 1862 : estampe de A.-P. Martial

La rivière locale polluée par les teinturiers parisiens est également l’objet de ses réflexions : Recherches et considérations sur la rivière de Bièvre, ou des Gobelins. Rien ne semble rebuter l’hygiéniste qui étudie même Les Chantiers d'écarrissage de la ville de Paris envisagés sous le rapport de l'hygiène publique, c'est-à-dire les conséquences sanitaires de l’abattage et du dépeçage d’animaux impropres à la consommation alimentaire pour en retirer tout ce qui peut être utilisé dans diverses industries. En 1836, paraît un ouvrage en deux volumes qui regroupe l'ensemble de ses travaux les plus importants.

 

Les Chantiers d'écarrissage [sic] de la ville de Paris envisagés sous le rapport de l'hygiène publique, par M. Parent-Duchâtelet (1832)

Mais c’est avec une étude posthume à laquelle il consacre huit années que Parent-Duchâtelet va se distinguer, notamment par ses sources (archives de la police) et sa méthode de travail (interrogatoires de terrain, établissement de statistiques) : De la prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l'hygiène publique, de la morale et de l'administration. L'intérêt des recherches menées est unanimement reconnu : ainsi dans Mémoire sur les mesures hygiéniques propres à prévenir la propagation des maladies vénériennes, elles sont abondamment citées. Le médecin hygiéniste qu'il est n’hésite d’ailleurs pas à placer le plus vieux métier du monde sur le même plan que ses précédents sujets d’étude :

Dans toute agglomération d’hommes, la prostitution est aussi inévitable que les égoûts, les voiries et les amas immondices

Partant du principe qu'il est inutile, voire dangereux de chercher à interdire la fréquentation des maisons closes, il préconise au contraire de renforcer le suivi médical dont faisaient l'objet les femmes dans ces établissements. C'est le seul moyen, selon lui, d'empêcher la propagation de la syphilis. Le Journal des débats politiques et littéraires salue son courage.
Tout au long de sa vie, il accumule les titres puisqu’il est également membre de l’Académie de médecine et chevalier de la Légion d’honneur. Epuisé par ses recherches pour lesquelles il a fréquenté assidûment des lieux malsains, celui qui s'était totalement investi dans sa mission meurt d’une pneumonie en 1836 à l’âge de 45 ans.

Pour aller plus loin : 

Le Familistère de Guise : l'hygiènisme du XIXe siècle in Passerelles.bnf