Arthur Rackham, l’enchanteur bien-aimé (1867-1939)

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24 avril 2019

À l’occasion des quatre-vingts ans de sa mort, Gallica rend hommage au britannique Arthur Rackham (1867-1939), illustrateur par excellence du conte de fées.

Arthur Rackham est né le 19 septembre 1867 à Londres. Il commence par travailler comme journaliste dans des revues illustrées à sensation, avant de se voir proposer des contrats pour illustrer des livres. Il obtient ses premiers succès avec Rip Van Winkle de Washington Irving (1904), puis Piter Pan dans les jardins de Kensington de James Matthew Barrie (1906). Sa carrière prend un tournant avec les Aventures d'Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll en 1907, puisque la controverse autour de cet ouvrage lui permet d’accéder à la célébrité. Dès lors, Arthur Rackham peut se consacrer entièrement à l’illustration de livres.
Au cours de sa carrière, il exécute plus de 3 300 illustrations, aussi bien pour des livres pour enfants que pour des tirages de luxe d’illustrés à destination des collectionneurs. Illustrant des auteurs aussi fameux que les frères Grimm, Hans Christian Andersen, William Shakespeare, ou encore Charles Dickens, Arthur Rackham a associé son esthétique à des classiques de la littérature. Son style est une combinaison d’esthétique commerciale développée en travaillant pour les journaux à sensations, de talent pour les silhouettes et les caricatures, de fantaisie féérique, et de fantastique.
L’œuvre d’Arthur Rackham connaît rapidement une renommée internationale, ce qui lui permet de développer la seconde partie de sa carrière aux Etats-Unis. Lorsqu’il meurt en 1939, les hommages les plus nourris proviennent d’Outre-Atlantique, tandis que sa patrie britannique délaisse quelque peu son œuvre. Aujourd’hui, les illustrations d’Arthur Rackham sont reconnues et célébrées comme des œuvres fondamentales de la littérature jeunesse, au même titre que les ouvrages qu’il a illustrés.
 

Pour Noël 1907, les éditions Heinmann commandent à Arthur Rackham des illustrations pour une nouvelle édition des Aventures d’Alice au Pays des Merveilles. L’entreprise est une gageure, en raison de l’attachement des Britanniques aux illustrations de l’édition originale par John Tenniel, qui ont modelé l’histoire dans l’esprit du public. L’édition illustrée par Rackham connaît une grande controverse au moment de sa parution, ce qui permet à l’artiste, auto-caricaturé dans la figure du Chapelier Fou, d’accéder à la célébrité.

 

Avec les Fables d'Esope (1913), Cendrillon (1919) et La Belle au Bois Dormant (1920), Arthur Rackham bouscule les codes de l’illustration jeunesse en proposant des personnages en ombres chinoises. L’artiste tire parti de son talent pour la déformation et la stylisation des corps afin de composer des silhouettes dynamiques et expressives. Outre l’exercice stylistique original, il s’agit d’un procédé intéressant dans un contexte d’après-guerre, en raison de son plus faible coût de production comparé aux livres tout en couleurs.
 
L’œuvre d’Arthur Rackham est fortement rattachée à l’univers des contes. Tout au long de sa carrière, il est amené à illustrer entre autres les oeuvres de de Shakespeare, dont le Songe d'une nuit d'été (1909), Ondine de Friedrich Heinrich Karl de La Motte-Fouqué (1912), Les Contes de ma Mère l’Oye (1913), les Contes d’Andersen (1932). L’illustration des Contes de Grimm, amorcée en 1900, constitue un travail marquant de son œuvre, car il y travaille à plusieurs reprises pour différentes éditions.
 
Surnommé « l’enchanteur bien-aimé », celui qui s’est illustré dans le style merveilleux des contes de fées et des légendes britanniques ou allemandes (L'Anneau des Nibelungen, L'Or du Rhin et la Walkyrie, Siegfried et le Crépuscule des dieux) regretta cependant de n’avoir pas pu laisser libre cours autant qu’il l’aurait souhaité à son goût pour le fantastique au cours de sa carrière, pour des raisons commerciales. Néanmoins, nombre de ses illustrations portent la trace de son goût pour l’étrange et l’inquiétant. Parmi les motifs angoissants qui traversent son œuvre, celui de l’empêtrement du corps ou des cheveux est récurrent.

Pour aller plus loin
Le Centre National de la Littérature Jeunesse propose en salle I de la Bibliothèque d'étude une sélection des œuvres de l’artiste présentes dans les collections du CNLJ. Ce billet repose sur le travail de Lucie Lechanoine-Durand, en stage en CNLJ : qu'elle en soit remerciée.
James Hamilton, Arthur Rackham. L’enchanteur bien-aimé. Pau : Editions Corentin, 2011.
Arthur Quiller-Couch, L'oeuvre de Arthur Rackham : ouvrage illustré de 44 planches en couleurs. 1913.