Le 15 novembre dernier, l’ouvrage de Christine Velut « Murs de papier » (BnF éditions) a été distingué par le prix des librairies de livre d’art et du beau livre 2018. Sous la forme d’un répertoire de motifs, ce livre nous invite à explorer la collection d’échantillons de papiers peints entrés à la Bibliothèque Nationale, à la faveur de la législation révolutionnaire du 19 juillet 1793 : celle-ci incitait les manufacturiers à y déposer leurs créations, pour se protéger de la contrefaçon.
Face à cet engouement, des reproductions commencent à être réalisées en Angleterre ; contrairement à sa dénomination, le papier « peint » est alors imprimé et « rabouté », c’est-à-dire qu’on procède à un assemblage de feuilles afin de constituer un rouleau à même de couvrir un pan de mur en décoration intérieure.
Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, l’Angleterre en a le monopole ; c’est à partir de 1760 que la production de papiers peints est attestée en France, comme en témoigne cette Gazette du commerce, à la date du 16 mai 1772 :
«Les papiers peints qui sont devenus si fort à la mode pour les tentures, n’ont été connus pendant longtemps que sous le nom de papiers Anglois : si on les appelait ainsi, c’est sans doute parce que ceux d’Angleterre étaient mieux faits, ou parce qu’on en faisait un plus grand usage dans ce royaume que dans les autres pays…Il s’est élevé dans divers endroits des Manufactures de papiers peints ; on en fait à Paris avec le dernier goût ; l’exécution répond parfaitement au dessin, quelque difficile que soit le dessin à éxécuter ; aussi ne balance-t-on plus à préférer nos papiers peints de Paris aux papiers Anglois de la même espèce.
Ce serait en 1753 que Mr de Mirepoix, Ambassadeur de France à Londres, fit envoyer de ces papiers bleus floqués à Paris, et que l’Ambassadeur anglais Lord Albermarle en décora les murs de sa résidence à Passy ; la tendance en était lancée.
Les Anglais avaient développé les papiers peints « floqués », imités de textiles d’ameublement, telles les riches soieries ou les tissus damassés, comportant des motifs avec l’apparence de découpes de velours ou de damas en soie. Ils étaient passés maîtres dans l’art de cet effet, produit par surimpression de poudre de laine.
Madame de Pompadour, déjà acquise aux panneaux de papiers peints chinois, fut conquise par ses « beaux papiers d’Angleterre », comme en atteste le livre de compte du marchand mercier Lazare Duvaux :
En 1754, elle en fait tapisser sa garde-robe et le couloir de son appartement à Versailles qui mène vers la chapelle :
Jean-Michel Papillon, illustre graveur, en détaille la fabrication dans l’édition de 1766 de son traité de gravure sur bois :
Les papiers d’Angleterre, maintenant si en vogue, de damas velouté et ciselé, et qu’on appelle tontisses, sont faits avec des planches de bois qui y mettent l’apprêt et le mordant et des laines hachées qu’on jette dessus ; chaque couleur ou rentrée à sa planche particulière ; il s’est élevé plusieurs manufactures de ces papiers à Paris, qui ne le cèdent pas aux tontisses d’Angleterre et d’Allemagne.
En France, les papiers tontisses cherchent à imiter au mieux ces étoffes utilisées dans l’ameublement en leur substituant avantageusement des papiers dont une des couleurs est remplacée par de la poudre de laine teinte. Mais ce sont les papiers à la détrempe qui vont connaître un plus vif succès et amorcer la démocratisation dans les logis de France de ces nombreux papiers peints.
Annonce d’une vente de papiers tontisses d’Angleterre, Annonces, Affiches et avis divers du 21 janvier 1760
Un marchand-mercier saura se distinguer particulièrement, et bien que la fin de son entreprise soit brutale et accordée à l’air du temps, ouvrir la voie aux autres : Jean-Baptiste Réveillon.
Très vite Réveillon excelle dans la qualité de ces papiers peints et obtient une reconnaissance unanime, comme l’atteste cet almanach de 1769, où il est écrit que
Le Sieur Réveillon, rue de l’Arbre-sec, fournit les Bureaux de l’Intendance, et tient une des plus belles manufactures de papiers veloutés.
Jusqu’à la consécration ; en effet, on peut lire dans la Gazette de France du 20 juillet 1784 que
Le roi, pour marquer sa satisfaction du progrès des fabriques de papier peint et du papier blanc, établis par le Sieur réveillon, a bien voulu leur donner, par Arrêt de son conseil du 13 janvier dernier, revêtu de lettres patentes, le titre de Manufactures royales.
Le succès entrepreneurial de Réveillon tournera court et il fera les frais des prémisses de la révolution française ; le 23 avril 1789, lors d’une assemblée d’électeurs du tiers état, Réveillon aurait tenu des propos relatifs aux salaires de ses ouvriers ; ceux-ci mal interprétés feront enfler la rumeur comme quoi il souhaiterait baisser les salaires de ses ouvriers.
Mes visites dans quelques maisons, me firent connaître l’inexpérience et le mauvais goût de ceux qui remeublèrent les hôtels et les palais abandonnés et dévastés. J’y remarquai mille bizarreries. On plissait sur les murs les étoffes, au lieu de les étendre ; on calculait sans doute que de cette manière l’aunage était infiniment plus considérable, et que cela était beaucoup plus magnifique.
L'objectif du projet DIGITENS est de construire un cadre afin de mieux appréhender les interactions, les tensions, les limites et les paradoxes propres aux modèles européens de sociabilité et d’étudier la question relative à l'émergence et la formation des modèles européens de sociabilité tout au long du XVIIIe siècle. Il s’agit d’un projet européen RISE (Research and Innovation Staff Exchange) piloté par le laboratoire HCTI (Héritages et Constructions dans le Texte et l’Image) de l’Université de Bretagne occidentale basée à Brest qui rassemble 11 partenaires originaires de France, de Pologne, du Royaume-Uni et du Canada.
Les résultats de cette recherche collaborative, internationale et intersectorielle sera la mise en ligne de la première Encyclopédie numérique à accès ouvert de la sociabilité en Grande-Bretagne au siècle des Lumières. Cette encyclopédie numérique comportera une anthologie historique de sources textuelles ou iconographiques et proposera à un large public une cartographie des savoirs. Pour cela, des échanges de chercheurs entre les différentes institutions partenaires (The National Archives, Warwick University, Greiswald University, Kazimierz Wileki University, MacGill University, BnF) sont prévus.
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