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Le journal L'Auto fait la course en tête

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Fondé en 1900, L’Auto-vélo, qui deviendra L’Auto en 1903, est le premier journal sportif à revendiquer son apolitisme. Après quatre ans de concurrence avec son rival Le Vélo, il prend la tête de la presse sportive avec l’organisation du premier Tour de France.
 
 

En situation de quasi-monopole jusqu’aux années 1930, L'Auto renaîtra de ses cendres en 1946 pour devenir L’Équipe.
 

Naissance de L’Auto

En 1900, le quotidien Le Vélo  domine le paysage de la presse sportive française. Fondé en 1892 par Pierre Giffard, collaborateur du Petit journal,  alors qu’il n’existait encore aucun quotidien sportif en France, Le Vélo a éliminé une grande part de ses concurrents. Mais ce quotidien ne rend pas uniquement compte de la vie sportive ; Pierre Giffard y expose ses convictions politiques et fait campagne pour la révision du procès d’Alfred Dreyfus. Il s’attaque par ailleurs à l’Automobile club de France dont l’un des fondateurs est le comte Albert de Dion, également fondateur de la société des automobiles De Dion-Bouton et anti-dreyfusard notoire.
 
Albert de Dion sur un tricycle à vapeur, à côté de Georges Bouton
 
Avec Édouard Michelin et le constructeur de cycles Adolphe Clément, le comte de Dion décide de fonder un journal concurrent qui sera « apolitique » et plus facile à contrôler. Ils rachètent le titre d’un hebdomadaire satirique, L’Auto-vélo : journal comique et illustré, qui a cessé de paraître en 1898. Le directeur et rédacteur en chef de L'Auto-vélo sera Henri Desgrange, directeur du vélodrome du Parc des Princes et journaliste sportif, qui a collaboré à La bicyclette, puis à Véloce-sport et Paris Vélo.
 
Mr Desgrange dans son bureau à L'Auto, Agence Rol, 1914
 

« La gloire des athlètes et les victoires de l’industrie »

Le numéro 1 de L’Auto-vélo est publié le 16 octobre 1900. Il est imprimé sur papier jaune, couleur qui deviendra à partir de 1919 celle du maillot porté par le vainqueur du Tour de France - Le Vélo quant à lui est imprimé sur papier vert. L’éditorial de ce premier numéro, intitulé « Notre programme », prédit un développement  grandissant du sport, grâce auquel « notre race va bientôt se trouver transformée radicalement ». L’Auto-vélo se propose de « dire cette vie déjà meilleure, meilleure encore à mesure que le sport prend plus d’extension ». Il  « dira aussi la conquête de l’activité humaine sur le temps […] grâce à la bicyclette et à l’automobile » et « chantera chaque jour vaillamment la gloire des athlètes et les victoires de l’Industrie ».
L’éditorial se termine en annonçant « qu’il ne sera jamais, à L’Auto-Vélo, question de politique » et glisse une allusion à l’affaire Dreyfus : « soyez donc, ô lecteurs, ou pour ou contre… ce que vous savez, mais ne comptez jamais sur l’Auto-Vélo pour vous en parler ».
 

Encarts publicitaires dans L’Auto-vélo

 

Le « Jaune » contre le « Vert »

C’est le début d’une concurrence acharnée entre L’Auto-vélo et Le Vélo sur le plan rédactionnel, promotionnel et judiciaire. L’Auto-vélo envahit le terrain des grandes courses cyclistes. Un mois après la parution du premier numéro, le journal annonce triomphalement avoir obtenu l’organisation de Paris-Brest «et retour», jusque-là organisée par Le Vélo. En juin 1902, quelques jours après la course Bordeaux-Paris également organisée par Le Vélo, c’est la  « Bordeaux-Paris organisée par L’Auto-vélo », sur le même parcours mais avec d’autres coureurs qui feront de meilleur temps que ceux du Vélo

Le Vélo riposte sur le plan judicaire, en déposant une plainte pour emploi abusif du mot « vélo » dans le titre de L’Auto-vélo. Il obtient gain de cause et ce dernier doit paraître sous le titre L’Auto à partir du 16 janvier 1903. Cette décision de justice tombe au moment où la diffusion du journal a chuté de 30 000 à 20 000 exemplaires par jour. C’est alors qu’une idée de Géo Lefèvre, chef de la rubrique cycliste, va permettre à L’Auto de prendre définitivement l’avantage sur Le Vélo.

 
Paris Brest, le retour : un ravitaillement au contrôle de Brest, Agence Meurisse, 1911
 

Le premier Tour de France

Géo Lefèvre suggère d’organiser une course en étapes qui fera le tour de la France. La « plus grande épreuve cycliste du monde entier » est annoncée dans le numéro du 19 janvier 1903 : elle est prévue du 1er juin au 5 juillet sur un parcours  de 2 200 km. Cette annonce est relayée notamment par Le Figaro qui qualifie la course « d’épreuve monstre […] appelée à faire sensation par son énormité ».

Le départ aura finalement lieu le 1er juillet. La une de L’Auto est entièrement consacrée à la course, avec un éditorial lyrique d’Henri Desgrange : « Du geste large et puissant que Zola dans La Terre donne à son laboureur, L’Auto, journal d’idées et d’action, va lancer à travers la France les inconscients et rudes semeurs d’énergie que sont les grands routiers professionnels ».

 

Une de L'Auto-vélo, le 1er juillet 1903

 
Les records de vente sont pulvérisés : 65 000 exemplaires sont vendus par jour en juillet. Ce succès scellera le triomphe du « Jaune » sur le « Vert », qui cessera de paraître en 1904.

Après ce coup de maître, la diffusion de L’Auto augmentera sans à-coups, pour atteindre 120 000 exemplaires par jour en 1913. Son succès durera jusqu’aux années 1930, au cours desquelles il devra faire face à la concurrence des pages sportives de Paris Soir. Accusé de collaborationisme, L’Auto est interdit de publication en 1944 ; Jacques Goddet, son directeur depuis 1931, créera L'Équipe  en 1946.
 

Commentaires

Soumis par Jean le 01/10/2019

Bonjour
Si les archives du journal L'Auto ont été conservées, ou se trouvent t'elles ? est-il possible de les consulter ?

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