PRÉFECTURE D'ALGER
DEPOT LEGAL
Première année. — N° 27. Le numéro S centimes. Mercredi, 12 août 1885.
ABONNEMENTS :
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent, «x
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger,
Trois mois Six mois
Un an
En France, les communications sont reçues savoir :
Algérie ...
France....
4.50 O
.. 6 12
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C*^, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Alger, le \\ Août 1885.
LES HOUES DD JOUR
Vil
M. SARRIEN
MINISTRE DES POSTES ET DES
TÉLÉGRAPHES
Le ministre des postes et des télégraphes
est né à Rourbon-Lancy (Saône-et-Loire),
en 1840.
Son père, universellement estimé et hono
ré de ses concitoyens, a longtemps rempli
les fonctions de maire dans cette ville.
Après avoir lait ses études à Moulins, le
jeune Sarrien vint 4 Paris, où il étudia le
droit de 1860 à 1868
Reçu avocat, il alla se faire inscrire au
barreau de Lyon où il plaida avec succès
pendant plusieurs années.
C’est là que la guerre vint le surprendre
en 1870.
Immédiatement il court à Bourbon-Lancy
et prend une part active à l’organisation
d’une troupe de mobilisés qui, eu plusieurs
circonstances, prêta un utile concours aux
garibaldiens.
Comme sous-lieutenant, puis comme ca
pitaine, M. Sarrien déploie un zèle patrio-
îriotique qui ne se démentira jamais et que
n’ont pas oublié ses anciens subordonnés.
A Pouilly, sa compagnie fut sérieusement
engagée contre les Prussiens. Ceux-ci
avaient tourné le petit corps français qui,
pris entre deux feux, se trouva bientôt dans
la situation la plus critique,
Le capitaine Sarrien déploya en cette cir
constance une énergie superbe. Sa coura
geuse attitude imposa à ses homme qui,
le voyant s’élancer bravement à l’ennemi,
volèrent sur les traces de leur chef.
Mais, hélas ! vains efforts ! En quelques
minutes, la compagnie est décimée: le sous-
lieutenant, l’adjudant et trente-trois hom
mes restent sur le champ de bataille ; M.
Sarrien est fait prisonnier.
Il passa deux mois en Allemagne, et ren
tra dans son pays le 18 mars 1871.
Le combat de Pouilly fut l’origine de la
grande popularité de M. Sarrien dans son
arrondissement, et, quand sa belle conduite
fut quelque temps après récompensée par le
ruban de la Légion d’honneur, ses conci
toyens accueillirent avec joie ce juste tribut
accordé au patriotisme de leur ancien com
mandant.
Pendant qu’il était en Allemagne, le bruit
de sa mort avait couru à Bourbon-Lancy,
et son père en avait été affecié au point de
contracter une maladie qui hâta sa fin.
La reconnaissançe de ses administrés ap
pela le fils à lui succéder à la mairie, ce qui
interrompit la carrière de M. Sarrien. En
effet, il abandonna de ce jour le barreau,
pour se consacrer uniquement aux affaires
de sa ville natale, et à l’exploitation des
terres de l’héritage paternel.
Mais un homme de cette valeur ne pou
vait se mouvoir longtemps dans un cadre
aussi restreint. Les hommes utiles sont
trop rares pour qu’on néglige de s’en ser
vir.
Nommé conseiller général, il joua un rôle
important dans le petit département de
Saône-et-Loire, qui ne compte pas moins
d’une cinquantaine de membres.
Sa compétence dans les questions d’affai
res s’affirma en maintes circonstances, com
me elle s’est affirmée depuis à la Chambre
où l’envoyait bientôt la 2° circonscription de
l’arrondissement de Charolles, aux élections
de février 1876.
Après la dissolution, M. Sarrien fit une
campagne des plus actives contre ie gou
vernement qui l’avait décrétée.
Il trouva pour cette tâche un auxiliaire
dévoué en Mme Sarrien, ce qui valut à cel
le-ci l’honneur d’être poursuivie par le tri
bunal réactionnaire de Charolles, à l’insti
gation des de Broglie et consorts, pour dis
tribution illégale de brochures républicai
nes.
Mais le résultat fut tout autre que celui
qu’attendaient ces messieurs qui trouvaient
de bon goût de traiter la France en pays
conquis, et les électeurs se chargèrent de
venger l’inepte injure faite à Mme Sarrien
en donnant à son mari un plus grand nom
bre de voix que la première fois.
Depuis, M. Sarrien, de plus en plus popu
laire dans sa circonscription, a été réélu en
1881, comme il va l’être dans quelques se
maines par son département tout entier.
Son caractère doux, affable et conciliant,
le rend d’ailleurs, à l’heure actuelle,
le plus propre à assurer l’union du parti ré
publicain dans cette région où toutes les
sympathies lui sont acquises. C’est le but
constant de ses efforts qui, nous n’en dou
tons pas, seront couronnés de succès.
A la Chambre où il s’est constamment oc
cupé des grandes questions d’affaires,et no
tamment des chemins vicinaux et des che
mins de fer, M. Sarrien a rapidement acquis
la réputation d’un homme d’Etat réfléchi et
consciencieux.
Dans la commission du budget il a mon
tré maintes fois un grand esprit d’ordre et
une rare compétence.
Aussi a-t-on pensé immédiatement à lui,
lorsqu’il s’est agi de constituer un nouveau
cabinet sous ia présidence de M. Brisson.
Le ministère des postes et des télégraphes,
où il a déjà rendu de réels services, et dont
il s’est attaché en quelques jours le nom
breux personnel, n’est qu’une étape vers
une situation plus importante qui lui est
réservée au jour prochain où le scrutin de
liste l’aura renvoyé de nouveau au Parle
ment.
Et dût sa modestie en souffrir, nous affir
mons que les postes qui lui ont déjà été of
ferts ne sont pas trop lourds, comme il le
prétend, étant données son intelligence et
son activité.
"HHSgar
Je faisais remarquer, l’autre jour, que
c’était avec les renseignements fournis par
les employés subalternes et, par suite, les
plus ignorants de l’administration que le
Radical algérien alimentait son opposition,
que c’étaient ces renseignements qui lui
avaient fait commettre les bourdes monu
mentales du vol de 317,000 francs des 300
mois de traitement ; de l’incompatibité Loc-
quet payé selon le Radical et à l’insu du
Conseil général sur les fonds départemen
taux et enfin du faux commis dans l’affaire
Jais. J’en oublie, sans doute.
Mais je n’appliquais ces bourdes qu’au
seul journal de l’agent d’affaires Basset
et j’avais tort.
Depuis quelque temps ou du moins de
puis quelques jours, il semble que le Petit
Colon, tienne à prouver qu’il n*a pas plus
d’estime pour l’intelligence de ses lecteurs
que le Radical n’en a pour les siens, ce qui
est bon pour les uns lui semble bon pour
les autres et comme les lecteurs du Radi
cal paraissent montrer du goût pour les
absurdités qu’on leur débite, il s’est décidé
lui aussi à suivre cet exemple, avec cette
circonstance aggravante pourtant, que si le
Radical ne sait pas ce qu’il dit le Petit Co
lon lésait très bien, son rédacteur en chef
étant conseiller général et je crois môme
candidat à la députat on.
On se souvient de la prodigieuse cam
pagne qu’il vient d’entreprendre, non pas
pour prouver que le colonel Fallet était ra
dical, il n’a pas osé aller jusque-là, mais
pour prouver que c’était un homme éner
gique, s’emparant sans hésiter de la limo
nade d’autrui, obligeant le Maire à s’asseoir
et faisant à Mêdèa ce que Caussidiere fai
sait à Paris en 1848, de l’ordre avec du dé
sordre. Lire dans le Petit Colon l’éloge du
Ramollot médèen, c’était raide, mais cela
s’expliquait à le regaîner par le Concours
que le sauveur du Comice agricole, le»
vainqueur du parti républicain de Médéa,
donne à la candidature législative de ré
dacteur en chef du Petit Colon. Un agent
électoral aussi dévoué, aussi riche et aussi
généreux qui vous donne une large hospi
talité, organise des banquets, vous pro
mène dans sa voiture et vous montre aux
populations depuis Mèdéa jusqu’à Boghari
et peut-être plus loin ; un pareil agent élec
toral a droit aux égards d’un candidat ra
dical ; cet agent fut-il aussi bonapartiste
que Cassagnae et aussi électoral que l'évê
que Freppel.
Mais pourquoi accepter la prose de M.
Paul de Digmont ?
Ce n’est point certes, à cause de son titre
de gentilhomme que je dis cela, M. d’Armès
l’est bien et il écrit à la solde de l’agent d’af
faire Basset, mais je le dis parcequ’il ra
conte aux lecteurs du Petit Colon, ce que
peut être le Radical lui même hésiterait à
raconter aux siens, et Dieu sait s'il est dif
ficile.
Voyons, Monsieur Charles Marchai. Est-
ce bien sérieusement que vous laissez dire
dans votre journal, que M. Léon Geneila,
simple secrétaire général de la préfecture,
a été chargé par le Ministre de l’Intérieur,
de faire une enquête contre ses supérieurs ?
Pouvez-vous croire que M. Tirman, gou
verneur général, sera appelé dans le cabi
net de M. Geneila pour répondre aux ques
tions que son subordonné lui fera ?
Cela m’inquiète pour vous et même pour
nous, car nous sommes un peu solidaires les
uns des autres et je ne voudrais pas dans
notre intérêt à tous que votre article une
mystification fût lu par le Ministre de L’In
térieur.
Eb 1 quoi ! pourrait-il dire, dans un jour
nal dont le directeur politique est conseiller
général et candidat à la députation, on peut
lire de pareilles naïvetés ! Mais que sont
donc ces candidats, les conseillers généraux
les journalistes et à quels lecteurs s’adres
sent-ils ?
Je préfère son reporter du Cap Matifou.
Celui-ci reçoit aussi les confidences des
subalternes ; mais quoique jeune il a soin,
de ne dire que ce qui est sinon vrai, du
moins vraisemblable.
Il est évident que l’anachorète du cap Ma»,
tifou n’a pas appris, dans son ermitage,
i tout ce qu’il a raconté l’autre jour.
Feuilleton de L.V DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N° 27.
LA
CHAPE BARRIÈRE
0 PAR
Georges OHNET
Dans les parterres, les oiseaux se poursui
vaient avec des cris joyeux, se posant sur
les fleurs qui pliaient sous leur poids léger,
laissant de leurs calices couler des gouttes
de rcsèe, brillantes comme des diamants.
La brise, passant dans les feuilles des ar
bres, les faisait frissonner avec un doux
bruit. Et, des corbeilles d9 mses, un par
fum pénétrant montait dans l’air tiède.
Antoinette songeait. Un pli creusait son
front charmant, et son regard fixé dans le
vide avait la langueur des larmes récem
ment versées. La porte de sa chambre, en
s’ouvrant, l’arracha à sa douloureuse médi
tation, Elle se retourna et, reconnaissant la
tante Isabelle, son mélancolique visage s’é
claira d’un sourire.
Vêtue d’une robe de chambre en cretonne
à grandes palmes, ses cheveux gris ébou
riffés sur sa tête, rouge comme une braise
dès ie matin, malgré une application co
pieuse de poudre d’amidon qui marbrait ses
joues couperosées, la vieille demoiselle en
tra d’un air de mystère, et, allant à sa niè
ce, elle lui donna deux rudes baisers. Puis,
s’adossant à ia cheminée, dans une posture
masculine :
— J’ai entendu ta fenêtre s’ouvrir, et j’ar
rive... J’ai passé une nuit effroyable... je
n’ai pas cessé d’avoir le cauchemar... Je ne
sais pas si tu crois aux rêves ?... Moi, j’y
crois... Ma mère les expliquait d’une façon
admirable, et toujours ses prédictions se
réalisaient. Or, j’ai rêvé coq rouge... C’est
signe de malheur et de mort.. J’ai vu pen
dant mon sommeil un énorme coq rouge
qui avait la figure de l’horrible Carvajan, et
qui battait des ailes en criant. . Je me suis
réveillée en sursaut... toute en sueur.Tu
m’en vois encore troublée et j’en ai ma
« suffocante «.
La tante Isabelle aspira l’air avec ia vio
lence et le bruit d’un soufflet de forge :
— Tu sais, poursuivit-elle, dansquellesitua-
tion nous nous trouvons ici... Il est arrivé,
hier soir, un commandement d’avoir a
payer cent soixante mille francs et des cen
times. .. J’ai naturellement fait disparaître
le papier, et je n’ai pas osé en parler à ton
père... Il va pourtant falloir que nous avi
sions, car cet état-14 ne peut pas durer...
Du reste, nous sommes sur nos fins, et je ne
sais diable pas comment nous ferons hon
neur à l’échéance... Cent soixante mille
francs ne se trouvent pas dans le pied d’un
mulet, et, pour ma part, je déclare que je
n’en ai pas le premier sou. Il ne me reste
que Saint-Maurice... C’est une bicoque à
peu près logeable, et deux mille cinq cents
francs de rente... Un toit pour vous loger,
aux jours de misère qui ne viendront que
trop vite, et du pain, pour que vous ne
mourriez pas de faim... Ça, vois-tu, ma
fille, la tête sous le couperet de la guillo
tine, je ne l’abandonnerai pas, car c’est la
dernière ressource, maintenant que ton père
a si déplorablement tout dissipé et perdu.
Antoinette fit un geste de prière, et vint
s’asseoir près de sa tante, lui montrant son
doux visage pâli par les soucis.
— Tanie, je vous en prie, n’accusez pas
mon père... Ce qu’il a fait, c’était pour le
bien. Il a poursuivi des chimères, il s’est
livré à des espérances folles, mais il n’avait
qu’un but, nous enrichir et augmenter notre
luxe... Il est lui, sans besoins, vous le sa
vez, et le petit château de Saint-Maurice
lui paraîtra un palais, si nous y sommes
tous à ses côtés.
— Eh! je sais bien qu’il a un cœur d’or...
Mais il ne peut pas payer avec, malheureu
sement ! Et les créanciers que nous avons à
nos trousses ne nous laisseront pas de ré
pit... Malézeau a vu Carvajan et l’a trouvé
dur et âpre comme à son habitude... Nous
devons nous attendre à tout ! Ma fille, c’est
à se damner !... Si nous ne trouvons pas
d’ici à la fin de la semaine, un expédient
pour gagner du temps, il va falloir sauter
le pas... Nous verrons l’huissier dans les
salons de Clairefont, et on nous mettra à la
porte de la maison des ancêtres... Qu’est-
ce que M. de Croix-Mesnil va penser
de ça ?
— Ce n’est pas de lui que je m’inquiète,
tante dit Antoinette avec un sourire. Je le
connais... Il m’épouserait aussi volontiers
pauvre que riche... Et si je l’aimais..,
— Tu ne l’aimes donc pas? s’écria Mlle de
Saint-Maurice d’une voix terrible. Com--»
ment ! voilà près de deux ans qu’il te fait
cour !...
— Je le juge charmant, tante, reprit lat
jeune fille avec une douce mélancolie, mais
il n’est pas l’homme qu’il faut épouser,
lorsqu’on doit n’avoir pour tout bonheur
que la tendresse de celui auprès duquel ou
est destinée à vivre. Yous le savez bien, et
vous me l’avez dit un jour vous-même
Il est correct et un peu froid, capable de
toutes les délicatesses, et accessible à tous
les nobles sentiments. Mais il n’aura jamais
les grandes initiatives des esprits d’élite, et
les ardeDts dévouements des âmes passion
nées. Accepter de devenir sa femme, pour
le voir risquer d’être entraîné dans notre
ruine, avec la certitude qu’il n’aura ni
l’énergie ni le talent de triompher des diffi
cultés qui nous entourent ?... Non, tante,
ce ne serait pas généreux, ce ne serait pas
digne, et je ne dois pas y consentir.
— Le fait est, le pauvre garçon, que s’il
avait à se a débarbouiller » avec Carvajan,
il ferait triste mine ! Ab ! si j’avais, comme
dans les contes de fées, le pouvoir de lui
donner du génie... mais un vrai génie sé
rieux et pratique, pas comme celui de ton.
fait !
(A suivre,)
DEPOT LEGAL
Première année. — N° 27. Le numéro S centimes. Mercredi, 12 août 1885.
ABONNEMENTS :
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Tontes les communications relatives aux annnonces et réclames doivent, «x
Algérie, être adressées à l’AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger,
Trois mois Six mois
Un an
En France, les communications sont reçues savoir :
Algérie ...
France....
4.50 O
.. 6 12
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C*^, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
La DÉPÊCHE ALGÉRIENNE est désignée pour l’insertion des annonces légales, judiciaires et autres exigées pour la validité des procédures et contrats.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Alger, le \\ Août 1885.
LES HOUES DD JOUR
Vil
M. SARRIEN
MINISTRE DES POSTES ET DES
TÉLÉGRAPHES
Le ministre des postes et des télégraphes
est né à Rourbon-Lancy (Saône-et-Loire),
en 1840.
Son père, universellement estimé et hono
ré de ses concitoyens, a longtemps rempli
les fonctions de maire dans cette ville.
Après avoir lait ses études à Moulins, le
jeune Sarrien vint 4 Paris, où il étudia le
droit de 1860 à 1868
Reçu avocat, il alla se faire inscrire au
barreau de Lyon où il plaida avec succès
pendant plusieurs années.
C’est là que la guerre vint le surprendre
en 1870.
Immédiatement il court à Bourbon-Lancy
et prend une part active à l’organisation
d’une troupe de mobilisés qui, eu plusieurs
circonstances, prêta un utile concours aux
garibaldiens.
Comme sous-lieutenant, puis comme ca
pitaine, M. Sarrien déploie un zèle patrio-
îriotique qui ne se démentira jamais et que
n’ont pas oublié ses anciens subordonnés.
A Pouilly, sa compagnie fut sérieusement
engagée contre les Prussiens. Ceux-ci
avaient tourné le petit corps français qui,
pris entre deux feux, se trouva bientôt dans
la situation la plus critique,
Le capitaine Sarrien déploya en cette cir
constance une énergie superbe. Sa coura
geuse attitude imposa à ses homme qui,
le voyant s’élancer bravement à l’ennemi,
volèrent sur les traces de leur chef.
Mais, hélas ! vains efforts ! En quelques
minutes, la compagnie est décimée: le sous-
lieutenant, l’adjudant et trente-trois hom
mes restent sur le champ de bataille ; M.
Sarrien est fait prisonnier.
Il passa deux mois en Allemagne, et ren
tra dans son pays le 18 mars 1871.
Le combat de Pouilly fut l’origine de la
grande popularité de M. Sarrien dans son
arrondissement, et, quand sa belle conduite
fut quelque temps après récompensée par le
ruban de la Légion d’honneur, ses conci
toyens accueillirent avec joie ce juste tribut
accordé au patriotisme de leur ancien com
mandant.
Pendant qu’il était en Allemagne, le bruit
de sa mort avait couru à Bourbon-Lancy,
et son père en avait été affecié au point de
contracter une maladie qui hâta sa fin.
La reconnaissançe de ses administrés ap
pela le fils à lui succéder à la mairie, ce qui
interrompit la carrière de M. Sarrien. En
effet, il abandonna de ce jour le barreau,
pour se consacrer uniquement aux affaires
de sa ville natale, et à l’exploitation des
terres de l’héritage paternel.
Mais un homme de cette valeur ne pou
vait se mouvoir longtemps dans un cadre
aussi restreint. Les hommes utiles sont
trop rares pour qu’on néglige de s’en ser
vir.
Nommé conseiller général, il joua un rôle
important dans le petit département de
Saône-et-Loire, qui ne compte pas moins
d’une cinquantaine de membres.
Sa compétence dans les questions d’affai
res s’affirma en maintes circonstances, com
me elle s’est affirmée depuis à la Chambre
où l’envoyait bientôt la 2° circonscription de
l’arrondissement de Charolles, aux élections
de février 1876.
Après la dissolution, M. Sarrien fit une
campagne des plus actives contre ie gou
vernement qui l’avait décrétée.
Il trouva pour cette tâche un auxiliaire
dévoué en Mme Sarrien, ce qui valut à cel
le-ci l’honneur d’être poursuivie par le tri
bunal réactionnaire de Charolles, à l’insti
gation des de Broglie et consorts, pour dis
tribution illégale de brochures républicai
nes.
Mais le résultat fut tout autre que celui
qu’attendaient ces messieurs qui trouvaient
de bon goût de traiter la France en pays
conquis, et les électeurs se chargèrent de
venger l’inepte injure faite à Mme Sarrien
en donnant à son mari un plus grand nom
bre de voix que la première fois.
Depuis, M. Sarrien, de plus en plus popu
laire dans sa circonscription, a été réélu en
1881, comme il va l’être dans quelques se
maines par son département tout entier.
Son caractère doux, affable et conciliant,
le rend d’ailleurs, à l’heure actuelle,
le plus propre à assurer l’union du parti ré
publicain dans cette région où toutes les
sympathies lui sont acquises. C’est le but
constant de ses efforts qui, nous n’en dou
tons pas, seront couronnés de succès.
A la Chambre où il s’est constamment oc
cupé des grandes questions d’affaires,et no
tamment des chemins vicinaux et des che
mins de fer, M. Sarrien a rapidement acquis
la réputation d’un homme d’Etat réfléchi et
consciencieux.
Dans la commission du budget il a mon
tré maintes fois un grand esprit d’ordre et
une rare compétence.
Aussi a-t-on pensé immédiatement à lui,
lorsqu’il s’est agi de constituer un nouveau
cabinet sous ia présidence de M. Brisson.
Le ministère des postes et des télégraphes,
où il a déjà rendu de réels services, et dont
il s’est attaché en quelques jours le nom
breux personnel, n’est qu’une étape vers
une situation plus importante qui lui est
réservée au jour prochain où le scrutin de
liste l’aura renvoyé de nouveau au Parle
ment.
Et dût sa modestie en souffrir, nous affir
mons que les postes qui lui ont déjà été of
ferts ne sont pas trop lourds, comme il le
prétend, étant données son intelligence et
son activité.
"HHSgar
Je faisais remarquer, l’autre jour, que
c’était avec les renseignements fournis par
les employés subalternes et, par suite, les
plus ignorants de l’administration que le
Radical algérien alimentait son opposition,
que c’étaient ces renseignements qui lui
avaient fait commettre les bourdes monu
mentales du vol de 317,000 francs des 300
mois de traitement ; de l’incompatibité Loc-
quet payé selon le Radical et à l’insu du
Conseil général sur les fonds départemen
taux et enfin du faux commis dans l’affaire
Jais. J’en oublie, sans doute.
Mais je n’appliquais ces bourdes qu’au
seul journal de l’agent d’affaires Basset
et j’avais tort.
Depuis quelque temps ou du moins de
puis quelques jours, il semble que le Petit
Colon, tienne à prouver qu’il n*a pas plus
d’estime pour l’intelligence de ses lecteurs
que le Radical n’en a pour les siens, ce qui
est bon pour les uns lui semble bon pour
les autres et comme les lecteurs du Radi
cal paraissent montrer du goût pour les
absurdités qu’on leur débite, il s’est décidé
lui aussi à suivre cet exemple, avec cette
circonstance aggravante pourtant, que si le
Radical ne sait pas ce qu’il dit le Petit Co
lon lésait très bien, son rédacteur en chef
étant conseiller général et je crois môme
candidat à la députat on.
On se souvient de la prodigieuse cam
pagne qu’il vient d’entreprendre, non pas
pour prouver que le colonel Fallet était ra
dical, il n’a pas osé aller jusque-là, mais
pour prouver que c’était un homme éner
gique, s’emparant sans hésiter de la limo
nade d’autrui, obligeant le Maire à s’asseoir
et faisant à Mêdèa ce que Caussidiere fai
sait à Paris en 1848, de l’ordre avec du dé
sordre. Lire dans le Petit Colon l’éloge du
Ramollot médèen, c’était raide, mais cela
s’expliquait à le regaîner par le Concours
que le sauveur du Comice agricole, le»
vainqueur du parti républicain de Médéa,
donne à la candidature législative de ré
dacteur en chef du Petit Colon. Un agent
électoral aussi dévoué, aussi riche et aussi
généreux qui vous donne une large hospi
talité, organise des banquets, vous pro
mène dans sa voiture et vous montre aux
populations depuis Mèdéa jusqu’à Boghari
et peut-être plus loin ; un pareil agent élec
toral a droit aux égards d’un candidat ra
dical ; cet agent fut-il aussi bonapartiste
que Cassagnae et aussi électoral que l'évê
que Freppel.
Mais pourquoi accepter la prose de M.
Paul de Digmont ?
Ce n’est point certes, à cause de son titre
de gentilhomme que je dis cela, M. d’Armès
l’est bien et il écrit à la solde de l’agent d’af
faire Basset, mais je le dis parcequ’il ra
conte aux lecteurs du Petit Colon, ce que
peut être le Radical lui même hésiterait à
raconter aux siens, et Dieu sait s'il est dif
ficile.
Voyons, Monsieur Charles Marchai. Est-
ce bien sérieusement que vous laissez dire
dans votre journal, que M. Léon Geneila,
simple secrétaire général de la préfecture,
a été chargé par le Ministre de l’Intérieur,
de faire une enquête contre ses supérieurs ?
Pouvez-vous croire que M. Tirman, gou
verneur général, sera appelé dans le cabi
net de M. Geneila pour répondre aux ques
tions que son subordonné lui fera ?
Cela m’inquiète pour vous et même pour
nous, car nous sommes un peu solidaires les
uns des autres et je ne voudrais pas dans
notre intérêt à tous que votre article une
mystification fût lu par le Ministre de L’In
térieur.
Eb 1 quoi ! pourrait-il dire, dans un jour
nal dont le directeur politique est conseiller
général et candidat à la députation, on peut
lire de pareilles naïvetés ! Mais que sont
donc ces candidats, les conseillers généraux
les journalistes et à quels lecteurs s’adres
sent-ils ?
Je préfère son reporter du Cap Matifou.
Celui-ci reçoit aussi les confidences des
subalternes ; mais quoique jeune il a soin,
de ne dire que ce qui est sinon vrai, du
moins vraisemblable.
Il est évident que l’anachorète du cap Ma»,
tifou n’a pas appris, dans son ermitage,
i tout ce qu’il a raconté l’autre jour.
Feuilleton de L.V DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
N° 27.
LA
CHAPE BARRIÈRE
0 PAR
Georges OHNET
Dans les parterres, les oiseaux se poursui
vaient avec des cris joyeux, se posant sur
les fleurs qui pliaient sous leur poids léger,
laissant de leurs calices couler des gouttes
de rcsèe, brillantes comme des diamants.
La brise, passant dans les feuilles des ar
bres, les faisait frissonner avec un doux
bruit. Et, des corbeilles d9 mses, un par
fum pénétrant montait dans l’air tiède.
Antoinette songeait. Un pli creusait son
front charmant, et son regard fixé dans le
vide avait la langueur des larmes récem
ment versées. La porte de sa chambre, en
s’ouvrant, l’arracha à sa douloureuse médi
tation, Elle se retourna et, reconnaissant la
tante Isabelle, son mélancolique visage s’é
claira d’un sourire.
Vêtue d’une robe de chambre en cretonne
à grandes palmes, ses cheveux gris ébou
riffés sur sa tête, rouge comme une braise
dès ie matin, malgré une application co
pieuse de poudre d’amidon qui marbrait ses
joues couperosées, la vieille demoiselle en
tra d’un air de mystère, et, allant à sa niè
ce, elle lui donna deux rudes baisers. Puis,
s’adossant à ia cheminée, dans une posture
masculine :
— J’ai entendu ta fenêtre s’ouvrir, et j’ar
rive... J’ai passé une nuit effroyable... je
n’ai pas cessé d’avoir le cauchemar... Je ne
sais pas si tu crois aux rêves ?... Moi, j’y
crois... Ma mère les expliquait d’une façon
admirable, et toujours ses prédictions se
réalisaient. Or, j’ai rêvé coq rouge... C’est
signe de malheur et de mort.. J’ai vu pen
dant mon sommeil un énorme coq rouge
qui avait la figure de l’horrible Carvajan, et
qui battait des ailes en criant. . Je me suis
réveillée en sursaut... toute en sueur.Tu
m’en vois encore troublée et j’en ai ma
« suffocante «.
La tante Isabelle aspira l’air avec ia vio
lence et le bruit d’un soufflet de forge :
— Tu sais, poursuivit-elle, dansquellesitua-
tion nous nous trouvons ici... Il est arrivé,
hier soir, un commandement d’avoir a
payer cent soixante mille francs et des cen
times. .. J’ai naturellement fait disparaître
le papier, et je n’ai pas osé en parler à ton
père... Il va pourtant falloir que nous avi
sions, car cet état-14 ne peut pas durer...
Du reste, nous sommes sur nos fins, et je ne
sais diable pas comment nous ferons hon
neur à l’échéance... Cent soixante mille
francs ne se trouvent pas dans le pied d’un
mulet, et, pour ma part, je déclare que je
n’en ai pas le premier sou. Il ne me reste
que Saint-Maurice... C’est une bicoque à
peu près logeable, et deux mille cinq cents
francs de rente... Un toit pour vous loger,
aux jours de misère qui ne viendront que
trop vite, et du pain, pour que vous ne
mourriez pas de faim... Ça, vois-tu, ma
fille, la tête sous le couperet de la guillo
tine, je ne l’abandonnerai pas, car c’est la
dernière ressource, maintenant que ton père
a si déplorablement tout dissipé et perdu.
Antoinette fit un geste de prière, et vint
s’asseoir près de sa tante, lui montrant son
doux visage pâli par les soucis.
— Tanie, je vous en prie, n’accusez pas
mon père... Ce qu’il a fait, c’était pour le
bien. Il a poursuivi des chimères, il s’est
livré à des espérances folles, mais il n’avait
qu’un but, nous enrichir et augmenter notre
luxe... Il est lui, sans besoins, vous le sa
vez, et le petit château de Saint-Maurice
lui paraîtra un palais, si nous y sommes
tous à ses côtés.
— Eh! je sais bien qu’il a un cœur d’or...
Mais il ne peut pas payer avec, malheureu
sement ! Et les créanciers que nous avons à
nos trousses ne nous laisseront pas de ré
pit... Malézeau a vu Carvajan et l’a trouvé
dur et âpre comme à son habitude... Nous
devons nous attendre à tout ! Ma fille, c’est
à se damner !... Si nous ne trouvons pas
d’ici à la fin de la semaine, un expédient
pour gagner du temps, il va falloir sauter
le pas... Nous verrons l’huissier dans les
salons de Clairefont, et on nous mettra à la
porte de la maison des ancêtres... Qu’est-
ce que M. de Croix-Mesnil va penser
de ça ?
— Ce n’est pas de lui que je m’inquiète,
tante dit Antoinette avec un sourire. Je le
connais... Il m’épouserait aussi volontiers
pauvre que riche... Et si je l’aimais..,
— Tu ne l’aimes donc pas? s’écria Mlle de
Saint-Maurice d’une voix terrible. Com--»
ment ! voilà près de deux ans qu’il te fait
cour !...
— Je le juge charmant, tante, reprit lat
jeune fille avec une douce mélancolie, mais
il n’est pas l’homme qu’il faut épouser,
lorsqu’on doit n’avoir pour tout bonheur
que la tendresse de celui auprès duquel ou
est destinée à vivre. Yous le savez bien, et
vous me l’avez dit un jour vous-même
Il est correct et un peu froid, capable de
toutes les délicatesses, et accessible à tous
les nobles sentiments. Mais il n’aura jamais
les grandes initiatives des esprits d’élite, et
les ardeDts dévouements des âmes passion
nées. Accepter de devenir sa femme, pour
le voir risquer d’être entraîné dans notre
ruine, avec la certitude qu’il n’aura ni
l’énergie ni le talent de triompher des diffi
cultés qui nous entourent ?... Non, tante,
ce ne serait pas généreux, ce ne serait pas
digne, et je ne dois pas y consentir.
— Le fait est, le pauvre garçon, que s’il
avait à se a débarbouiller » avec Carvajan,
il ferait triste mine ! Ab ! si j’avais, comme
dans les contes de fées, le pouvoir de lui
donner du génie... mais un vrai génie sé
rieux et pratique, pas comme celui de ton.
fait !
(A suivre,)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.32%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.32%.
- Auteurs similaires Clouzot Henri Clouzot Henri /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Clouzot Henri" or dc.contributor adj "Clouzot Henri")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bd6t5448092/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bd6t5448092/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bd6t5448092/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bd6t5448092/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bd6t5448092
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bd6t5448092
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bd6t5448092/f1.image × Aide