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Titre : Le monde sous-marin / par Zurcher et Margollé

Auteur : Zurcher, Frédéric (1816-1890). Auteur du texte

Auteur : Margollé, Élie Philippe (1816-1884). Auteur du texte

Éditeur : J. Hetzel (Paris)

Date d'édition : 1868

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb316932340

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (288-36 p. ) : pl. ; in-18

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Description : Collection : Bibliothèque d'éducation et de récréation

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k96693171

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, S-35844

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 04/04/2016

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ZURCHER ET MARGOLLE

Qui sondera les mystères de t'abtme?

JOB.

BIBLIOTHÈQUE

D'ÉDUCATION ET DE RÉCRÉATION J. HETZEL, 18, RUE JACOB PARIS

Droits do reproduction et de traduction réservés



. LE MONDE

SOUS-MARIN




LE SCAPHANDRE


LE MONDE

SOUS-MARIN

PAR

ZURCHER ET MARGOtt#-

Qui sondera les mystères de l'abîme ?

JOB.

PARIS

BIBLIOTHÈQUE

D'EDUCATION ET DE RÉCRÉATION J. HETZEL, 18, RUE JACOB

1868

Droits de reproduction et de traduction réservés.



PREMIÈRE PARTIE



1

LES PROFONDEURS DK L'OCÉAN

Les eaux bleues. — Transparence de la mer. — Jardins de l'Océan. — Les sondages, - Hauteur des vagues dans la mer profonde. — Appareil de Brooke. — Cartes orographiques deMaury. — Lit de l'Atlantique. — Plateau télégraphique. — Lit de la Méditerranée. — Diatomées, Rlzi{opodes, Foraminifères. — L'aurare de la vie. — Travail des infusoires. - La vie animale dans les profondeurs. — Lumière organique. — Les naufrages,

Dans les vastes bassins des mers on distingue deux parties : le littoral, voisin des côtes, de faible profondeur, où les marées et les vagues se répercutent diversement sur le sol sous-marin ; ensuite, la mer profonde, ce que les Anglais appellent l'eau bleue (bitte water), parce que dans cette partie seulement la masse fluide a une épaisseur sùffisante


pour que la couleur naturelle de l'eau se manifeste.

Le littoral a été le premier exactement sondé, et les cartes marines présentent la forme ainsi que la nature du fond pour les atterrages dans presque toutes les régions du globe.

L'eau est souvent si claire et si transparente qu'à une assez grande distance du rivage on voit encore distinctement le sol. Dans la Méditerranée et dans la mer des Antilles cette transparence se conserve jusqu'aux endroits où la profondeur atteint de 25 à 3o mètres. Un canot semble suspendu dans l'air, et des personnes inexpérimentées, en se penchant hors du bord, peuvent y ressentir le vertige. Dans le voisinage de Mindora, l'océan Indien a une transparence telle que des récifs de corail peuvent être distingués sous 45 mètres d'eau.

Par ses végétaux et ses animaux, le fond de la mer présente à l'observateur un des spectacles les plus intéressants de la nature. Nous avons maintes fois admiré les paysages sous-marins sur les côtes de la Méditerranée à l'heure où la lumière matinale pénétrant obliquement à travers les eaux faisait le mieux saisir leurs contrastes de formes et de couleurs. Il faut éviter les endroits où les varechs trop touffus:cachent entièrement le sol ; on voit seulement quelquefois se glisser entre leurs


rubans verts ou grisâtres une seiche aux longs bras garnis de ventouses poursuivant les perches, les serrans, les gracieuses girelles sur le flanc desquelles l'or se mêle au vermillon et au saphir. D'autres plantes plus clair-semées laissent pénétrer le regard jusqu'à la couche de sable où la langouste passe à côté de l'éclatante étoile rouge, de l'oursin hérissé de piquants violets ou de l'holothurie qui laisse flotter autour d'elle sa couronne de tentacules. Les coquillages sont généralement peu apparents, mais on voit quelquefois s'avancer un mollusque de l'espèce à laquelle les pêcheurs donnent le nom de conque et qui a une peau orange tigrée de taches noires. Des poissons de formes et de couleurs diverses nagent tantôt isolés et tantôt par groupes. L'un des plus singuliers dans ses évolutions est l'hippocampe, qui tire son nom de la lointaine ressemblance de sa tête avec celle d'un cheval. Sa nageoire caudale est grêle et susceptible de s'enrouler autour des tiges des plantes comme la queue des singes autour des branches des forêts. La plupart des roches sont couvertes d'une mousse délicate sur laquelle se détachent en blanc les petites ombelles rondes des acétabules et les guirlandes plus larges des padines - paon que les enfants ont baptisés du nom de liserons de mer. A certaines heures, dans les journées clai-


res, les rayons du soleil frangent les clochettes doucement; balancées des couleurs du spectre: ces parterres semblent alors semés de pierres précieuses.

Dans les eaux de la zone torride, la vie, plus active, se manifeste avec plus de richesse encore et plus de beauté.

« Si nous plongeons nos regards dans le liquide cristal de l'océan Indien, nous y voyons réalisées les plus merveilleuses apparitions des contes féeriques de notre enfance ; des buissons fantastiques portent des fleurs vivantes; des massifs de méandrines et d'astrées contrastent avec les explanaria touffus qui s'épanouissent en forme de coupes, avec les madrépores à la structure élégante, aux ramifications variées. Partout brillent les plus vives couleurs; les verts glauques alternent avec le brun et le jaune; de riches teintes pourprées passent du rouge vif au bleu le plus foncé. Des millépores roses, jaunes ou nuancées comme la pêche couvrent les plantes flétries, et sont elles-mêmes enveloppées du tissu noir des rétipores, qui ressemblent aux plus délicates découpures d'ivoire. A côté se balancent les éventails jaunes et lilas des gorgones, travaillés comme des bijoux de filigrane. Le sable du sol est jonché de milliers de hérissons et d'étoiles de mer aux


formes bizarres, aux couleurs variées. Les flustres., les escarres, s'attachent aux branches de corail comme des mousses et des lichens, et les patelles striées de jaune et de pourpre s'y fixent comme de grandes cochenilles. Semblables à des fleurs de' cactus, brillant des plus ardentes couleurs, les anémones marines ornent les anfractuosités des rochers de leurs couronnes de tentacules variées. Autour des buissons de corail jouent les colibris de l'Océan, petits poissons étincelants, tantôt d'un éclat métallique rouge ou bleu, tantôt d'un vert doré ou d'un éblouissant reflet d'argent.

« Légères comme les esprits de l'abîme, flottent à travers ce monde enchanté les clochettes blanches ou bleuâtres des méduses. Ici se poursuivent l'isabelle violette et vert d'or et la coquette jaune de feu, noire et striée de vermillon; là serpentent à travers les massifs les bandes marines comme de longs rubans d'argent aux reflets roses et azurés, la nemerte, la sépia, resplendissantes des couleurs de l'arc-en-ciel, qui tour à tour s'entre-croisent, brillent ou s'effacent.

« Et toute cette vie merveilleuse nous apparaît au milieu des plus rapides alternatives de lumière et d'ombre, qu'amènent chaque souffle, chaque ondulation qui rident la surface de l'Océan. Lorsque le jour décline et que les ombres de la nuit des-


cendent dans les profondeurs, ce jardin radieux s'illumine de splendeurs nouvelles. Des méduses et des crustacés microscopiques, semblables à des lucioles, font étinceler les ténèbres. La pennatule, qui le jour est d 'un rouge cinabre, flotte dans une lumière phosphorescente. Chaque coin rayonne; tout ce qui, brun et terne, disparaissait peut-être, pendant le jour, au milieu du rayonnement universel des couleurs, brille maintenant de la plus charmante lumière verte, jaune et rouge, et, pour compléter les merveilles de cette nuit enchantée, le large disque d'argent de la lune de mer (i) s'avance doucement à travers le tourbillon des petites étoiles.

« La végétation la plus luxuriante des contrées tropicales ne peut développer une plus grande richesse de formes, et elle reste bien en arrière des jardins magnifiques de l'Océan, composés presque entièrement d'animaux, pour la variété et l'éclat des couleurs. Cette faune marine n'est pas moins remarquable par son développement extraordinaire que l'abondante végétation du lit de la mer dans les zones tempérées. Tout ce qui est beau, merveilleux ou extraordinaire dans les grandes classes

(i) Orthagoriscus Mola , nommé vulgairement poisson lune, à cause de la forme de son corps, qui est d'une belle couleur argentée.


des poissons et des échinodermes, des méduses, des polypes et des mollusques à coquilles, pullule dans les eaux tièdes et limpides de l'océan tropical, y repose sous les sables blancs ou y couvre les rochers abruptes, et, lorsque la place est prise, se fixe en parasite ou nage à la surface et dans les profondeurs au milieu d'une végétation relativement rare. Il est d'ailleurs remarquable que la loi d'après laquelle le règne animal, qui se plie plus facilement aux circonstances extérieures, a un développement plus étendu que le règne végétal, s'applique à l'Océan aussi bien qu'à la terre. Ainsi les mers polaires abondent en baleines, phoques, poissons, en oiseaux aquatiques, et sont peuplées d'une multitude d'animaux inférieurs, lorsque depuis longtemps toute trace de végétation a disparu au milieu des glaces. Cette même loi s'observe également' si l'on considère la direction verticale de l'Océan ; car à mesure qu 'oil descend dans ses profondeurs, la vie végétale disparaît beaucoup plus rapidement que la vie animale, et même dans les abîmes où ne pénètre plus aucun rayon de lumière la sonde découvre encore des infusoires vivants (i). -

(i) Schleiden, la Plante.


Les sondages ne peuvent se faire dans les eaux profondes d'après la même méthode que dans les bas-fonds du littoral. Ici l'on se contente de jeter un plomb attaché à une corde légère marquée de nœuds régulièrement espacés. Une cavité située à la partie inférieure de ce plomb est remplie de suif qui rapporte du fond de la mer du sable, du gravier, des coquillages, ou simplement une empreinte quand il touche la roche nue. L'opération devient incertaine dès que la profondeur atteint quelques centaines de brasses. Comme indice du moment où le plomb touche le fond on a la sensation du choc ressentie par la main du sondeur ou la cessation du dévidage de la ligne ; mais le choc ne se transmet pas d'une extrémité à l'autre d'une très-longue ligne, et les courants sous-marins peuvent entraîner le fil et le dérouler longtemps encore après que le sol est atteint.

Un procédé indirect a paru aussi conduire à la solution du problème. On avait remarqué que sur le bord des étangs, où l'eau est peu profonde, les ondulations sont petites et se produisent lentement, et que leur hauteur et leur vitesse augmentent à mesure que la profondeur devient plus grande. En construisant des tables ayant cette relation pour base, on devait pouvoir déduire la profondeur de l'Océan de la dimens'on de ses vagues Il était


seulement trop difficile de faire des observations exactes sur celles-ci et d'obtenir par suite de. bons résultats orographiques. Toutefois les circonstances suivantes se prêtèrent à une intéressante application faite par le commandant Maury. La frégate russe Diana était mouillée dans la rade de Simoda, près de Yédo, au Japon, lorsque le 23 décembre 1864, à neuf heures quarante-cinq minutes du matin, les secousses d'un tremblement de terre se firent sentir. Au bout d'un quart d'heure une vague immense entra dans la baie et en éleva subitement les eaux de manière à engloutir une grande partie de la ville située sur les bords. Cette vague fut suivie d'une autre de la même grandeur, et après le retrait il ne restait plus une maison debout.

La frégate, après avoir talonné deux fois, s 'était échouée sur le rivage. Ce même jour, à plus de 8,000 kilomètres de là, sur la côte de Californie, on observa, quelques heures plus tard, plusieurs vagues d'une hauteur extraordinaire dont les traces restèrent marquées sur les échelles de marée. Elles provenaient sans doute de la même cause que celles qui venaient de jeter la Diana à la côte, c'est-à-dire d'un mouvement de l'écorce terrestre. Maury conclut de la comparaison des heures que chaque vague devait avoir une lar-


geur de 400 kilomètres et une vitesse de 700 kilomètres à l'heure, et, en se servant des tables calculées par l'astronome anglais Airy, il assigna une profondeur moyenne de4,000 mètres à l'océan Pacifique entre le Japon et la Californie.

On a cherché s'il Qe serait pas possible d'obtenir les profondeurs de l'Océan à l'aide de la vitesse du son ou en mesurant la pression. La mer étant très-calme, on a descendu au fond des bombes explosibles, dans l'espoir que le son parviendrait à la surface, mais aucune vibration n'a été perçue. L'ingénieur américain Ericsson a inventé une sonde dans laquelle se trouvait une colonne d'air dont la pression pouvait être enregistrée. Tout allait bien pour les profondeurs modérées, mais quand on arrivait à celles où la pression atteint plusieurs centaines d'atmosphères, aucun instrument ne pouvait résister.

Le commandant Maury essaya de faire descendre une hélice qui accomplissait sa rotation à chaque parcours d'une brasse; il se heurta contre de nouveaux obstacles et ne parvint à la solution du problème qu'en revenant au système de sondage primitif et en observant seulement avec exactitude le temps que chaque centaine de brasses mettait à filer. On démêlait ensuite facilement l'action des courants, parce qu'ils impriment constam-


ment un mouvement uniforme à la ligne, tandis qu'un mouvement régulièrement varié résulte de la descente du poids combinée avec le frottementde la ligne contre la masse d'eau. L'opération est assez longuepourque des lois générales deviennent bien manifestes ; il y a eu, par exemple, des sondages où le poids n'arrivait au sol qu'au bout de huit à neuf heures. Ces sondages déterminaient la profondeur, mais l'impossibilité d'obtenir un échantillon du fond existait toujours. C'est alors que M. Brooke, jeune officier employé à l'observa-, toire de Washington, inventa l'appareil qui porte son nom et qui résout très-bien le problème. Le boulet servant de poids se détache par un système de déclic au moment où la tige verticale en fer qui le traverse touche le sol ; cette tige seule remonte avec les matières qu'elle a enlevées dans le choc.

A la marine américaine appartient le mérite d'avoir construit les premières grandes cartes orographiques de l'Océan, donnant le plan du fond et les profils suivant diverses coupes. Cette œuvre avait vivement sollicité la curiosité scientifique de ses officiers. « Un marin, disait Maury, quand il est placé au milieu des mers, éprouve en contemplant leur surface des sentiments analogues à ceux de l astronome lorsqu'il observe les as-


tres et interroge la nuit et les profondeurs des cieux. Or, le télescope a pénétré dans les mystérieux abîmes du firmament. Les Herschell et les Ross ont vu les nébuleuses se résoudre en système de soleils d'une merveilleuse beauté. Comment serait-il refusé à l'homme de sonder les profondeurs de l'Océan ? »

Dès que l 'éminent savant fut en possession de sa loi des temps et de l'appareil de Brooke il fit expédier un grand nombre de bâtiments en mission hydrographique dans les mers qui entourent le nouveau continent. La carte de l'Atlantique, construite presque en entier au moyen des sondages recueillis,, fut publiée. On connaît maintenant les montagnes et les vallées, les plateaux et les abîmes de cet Océan, au moins dans leurs grands traits, plus exactement que les variations du sol dans les parties centrales de l'Afrique ou de l'Australie. Ce vaste bassin forme une vallée dont le niveau le plus bas se trouve entre le cap San-Roque et Sierra-Leone, à mi-distance des deux lignes de rivage. Si l'on remonte vers le nord, on voit la vallée se bifurquer à peu près à la latitude des Antilles ; une branche court parallèlement aux côtes occidentales d'Afrique et d'Europe, tandis que l'autre s'étend jusqu'au banc de Terre-Neuve. Au sud de ce bas fond et à quelques lieues seulement on remarque une im-


mense dépression dont la terre ferme n'offre aucun exemple. Où trouverait-on entre deux points si rapprochés une différence de hauteur de 9,000 mètres? Quel imposant aspect nous présenterait la formidable muraille verticale qui s'élève en ce point, s'il nous était permis de la contempler librement du fond de l'abîme !

Plus au nord, le sol remonte vers la surface, et entre Terre-Neuve et l'Irlande les sondages ont indiqué un vaste plateau situé à environ 3,5oo mètres de profondeur et n'ayant que d'assez faibles ondulations. Trente ans auparavant cette découverte aurait été considérée comme sans valeur, tandis qu'elle devint aussitôt un fait extrêmement important. Les premiers câbles électriques sous-marins venaient d'être posés, et en voyant ce plateau si bien disposé par la nature, on put concevoir l'idée de s'en servir pour réaliser plus facilement la communication instantanée entre l'Europe et l'Amérique. Maury lui donna d'avance le nom de plateau télégraphique.

Plus au sud, on put constater dans le même océan une remarquable coïncidence C'est en face du détroit de Gibraltar qu'une antique légende plaçait la terre de l'Atlantide, qui s'abîma un jour dans les flots à la suite d'un bouleversement du globe. Or, la configuration du sol sous-marin de


ces parages paraît s'accorder avec la tradition, que tend à confirmer d'ailleurs la nature volcanique de ce sol et de toutes les îles de la surface. La carte orographique de la Méditerranée, dont les sondages pour la pose des nombreuses lignes électriques qui la sillonnent ont rapidement avancé la construction, présente un sol sous-marin qui renferme aussi de grandes inégalités. On pouvait s'y attendre, car cette mer est traversée de l'est à l'ouest par un des principaux axes volcaniques du globe. En quelques points des éruptions y produisent encore aujourd'hui des changements considérables et font même apparaître des îles nouvelles. Dans une région située entre la Sicile et les côtes de la Grèce, la sonde est descendue jusqu'à 4,000 mètres; c'est la plus grande profondeur qu'on ait trouvée. Le sol sous-marin se relève d'environ IJOOO mètres lorsqu'en quittant cette partie moyenne on pénètre soit dans le bassin occidental, soit dans le bassin oriental. Entre la Sicile, la Sardaigne et la côte d'Italie, près des îles Éoliennes, dont plusieurs sont encore des volcans actifs, le fond de la mer est creusé de longues • fosses à pentes très-rapides où les sondages accusent plus de 2,000 mètres. L'archipel grec présente un abîme semblable au sud de l'île de Nicaria et à peu de distance de la côte d'Asie.


Les inégalités du sol sous-marin doivent, du reste, s'être conservées dans l'état où les ont laissées les cataclysmes du globe. Les rochers des parties supérieures de nos montagnes subissent l'action alternative des gelées et des dégels; les eaux pluviales en emportent les débris vers les vallées, qu'elles comblent peu à peu; tandis que dans l'Océan, où se maintiennent, comme nous le montrerons plus loin, une température constante et un repos absolu, les formes primitives n'éprouvent que peu d'altération. Les sédiments qui se déposent depuis soixante siècles environ ne forment pas encore une couche suffisante pour effacer les angles les plus vifs et niveler les grandes cavités.

A l'aide de l'appareil de Brooke on recueillit les premiers échantillons du sol de la mer profonde. Ils avaient l'aspect d'une boue farineuse, douce au toucher, un peu visqueuse et transparente, comparable à la vase des marécages, et qui fut appelée oaîe par les Américains. L'analyse micro-


scopique à laquelle la soumirent des savants trèshabiles dans cet ordre de recherches, M. Bailev , ' J aux Ittats- Unis, et M. Ehrenberg en Allemagne, y fit découvrir un assemblage de petits organismes, des coquillages siliceux ou calcaires d'une extrême délicatesse, et renfermant pour la plupart leurs pulpes molles et charnues. On en comptait des milliers dans une gouttelette à peine perceptible ; bien que fragiles au plus haut degré, ils étaient dans un parfait état de conservation et aucune parcelle de sable ou de gravier ne les accompagnait. La sonde a montré les couches d'oaze uniformément répandues dans les différentes mers. Ces couches présentaient feulement une composition variable dans les espèces d'organismes microscopiques qui les composaient, les siliceux dominant, par exemple, dans l'océan Pacifique, et les calcaires dans l'Atlantique.

Si nous jetons les yeux sur les observations des micrographes, nous reconnaissons dans leur merveilleux instrument de grossissement une des sources les plus fécondes de contemplation. Aux degrés les plus inférieurs de l'échelle des êtres il nous découvre un monde où l'extrême petitesse du volume est compensée par la beauté aussi bien que par le nombre. Les procédés les plus délicats sont nécessaires pour distinguer les détails de l'orga-


nisation de certaines plantes rudimentaires auxquelles on donne le nom de diatomées. Elles se composent d'une cellule consolidée par deux coquilles quartzeuses symétriques , laissant entre leurs bords une rangée de petits trous par lesquels se fait l'absorption. Ces coquilles sont couvertes de dessins géométriques, cercles, triangles équilatéraux, losanges, qui forment par leur combinaison les ciselures les plus élégantes. Les diatomées se trouvent dans toutes les eaux, douces ou salées, tranquilles ou courantes, et elles forment en général la moitié de la partie siliceuse de l'oaze. Leur propagation se fait avec une rapidité prodigieuse, aussi bien dans les mers polaires que dans les mers tropicales. James Ross, pendant son expédition antarctique, en trouva dans le produit d'une sonde faite près du volcan Erebus, situé sur les terres australes. Sur les glaces de la banquise qui arrêta le hardi navigateur, on remarquait des traces brunâtres formées par des amas de ces petits végétaux.

Les rhizopodes sont des infusoires composés de cellules irrégulières prolongées par des appendices en forme de racines à l'aide desquels ils attirent les éléments nutritifs environnants. Parmi eux les foraminifères, aux coquilles calcaires, forment un groupe remarquable par la variété et l'élégance de


leurs formes globulaires, étoilées, festonnées ou contournées en spirales. Quelques-unes de ces coquilles sont de simples disques couverts de dessins gracieux disposés en rosaces. Chaque coquille est généralement divisée en plusieurs parties communiquant par de petits trous; des pores s'ouvrent aussi à l'extérieur. En opérant une coupe transversale on découvre un cloisonnage remarquable par ses belles courbes géométriques.

Les produits minéraux de ces animalcules sembleraient annoncer une organisation compliquée, tandis qu'elle est, au contraire, de la plus grande simplicité. M. Carpenter, savant anglais dont les études ont été dirigées spécialement sur cette partie de l'histoire naturelle, présente les foraminifères comme un type tout à fait primordial et y voit en quelque sorte « l'aurore de la vie ». On peut dire qu'aucune fonction ne s'accomplit chez eux par des appareils particuliers. C'est une particule de gelée homogène en apparence : sans membres elle s'empare de sa nourriture J sans bouche elle l'avale, sans estomac et sans vaisseaux absorbants elle la digère; elle n'a nul système circulatoire, ses mouvements se font sans muscles, elle se propage sans appareil génital, et si elle a quelque pouvoir de sentir, cette sensation s'opère sans nerfs. De tels êtres de transition ont probablement com-


mencé la vie organique au sein de l'Océan primitif, et leur état élémentaire apparaît d'ailleurs dans l'étonnante flexibilité de leurs formes. Elle est telle que dans toute grande collection d'échantillons de ces infusoires on voit presque s'évanouir les limites entre les espèces.

L'importante étude entreprise par MM. Berchon, de Folin et Périer (i), qui doit comprendre l'examen et l'analyse des coquilles, foraminifères, zoophytes, plantes et fragments de roches recueillis sur le fond de toutes les mers , mettra sans doute en lumière, avec de nombreux faits géologiques, d'intéressantes données relatives à la flore et à la faune sous marines. Les échantillons ramenés par la sonde, par les ancres des navires, ou simplement ramassés au milieu des sables du rivage, permettront de constater des rapprochements curieux, et, peu à peu, de tracer les contours des régions submergées et de mieux connaître l organisation et la vie des êtres singuliers qui peuplent les profondeurs, où des milliers d'animalcules se meuvent et travaillent loin de nos regards.

Dans sa Géographie physique de la mer, le commandant Maury met en relief une des fonctions les plus importantes de ces animaux micro-

(i) Les Fonds de la mer. Bordeaux, 1867.


scopiques : ils conservent la compositon identique de l'eau de la mer. Les fleuves entraînent incessamment vers le grand réservoir tous les sels solubles dont les eaux pluviales se chargent pendant leur trajet dans l'intérieur des terres. Il devrait en résulter une accumulation constante qui altérerait l eau de mer jusqu'à la rendre impropre à la vie animale.

C'est alors qu'interviennent les zoophytes, les mollusques et surtout les innombrables infusoires dont les eaux sont si abondamment pourvues; ils transforment ces sels en petites armures solides, et ce travail a son rôle dans l'économie universelle. Il est probable que pendant leur vie les infusoires nagent dans le voisinage de la surface, près de l'air et de la lumière, et qu'ils descendent seulement dans les profondeurs après leur mort. Comme des flocons de neige, leurs coquilles descendent lentement jusqu'à la couche d'oaze, qui se transforme ensuite peu à peu en pierre compacte. C'est dans les immenses accumulations de ces fossiles qu'on peut le mieux reconnaître l'étonnante fécondité de la nature. La Floride tout entière est composée de matériaux semblables; les Cordilières et les Apennins doivent en partie leur origine aux infiniment petits constructeurs qui peuplaient les anciennes mers.


Linné pressentit la véritable constitution de la chaux quand il écrivit : Omnis calx ex vermibus. Le calcaire grossier des environs de Paris est tellement rempli de dépouilles de foraminifères qu'on en compte au moins vingt mille dans un centimètre cube. C'est avec cette pierre que sont construits les édifices de notre capitale. Le tripoli de Bilin se retire de dépôts qui s'étendent sur une surface de plusieurs milles carrés; on évalue à près de deux millions le nombre de carapaces siliceuses d'infusoires contenues dans chaque centimètre cube de cette substance.

Nous avons suivi l'opinion du professeur Bailey en indiquant les eaux superficielles comme le séjour des infusoires pendant leur vie, et le fond de l'Océan comme leur nécropole. Ehrenberg admet, au contraire, qu'ils peuvent vivre dans l'abîme d'où la sonde les enlève. D'autres savants se sont aussi partagés au sujet de cette question. La conservation dans les coquilles d'une matière charnue ne prouve pas que l'infusoire a vécu sur le sol, car l'eau salée et une forte pression suffisent pour préserver de la putréfaction.

Du reste, les recherches faites par Edward Forbes sur le littoral de la Méditerranée montrent que les espèces vivantes sont de moins en moins


nombreuses à mesure qu'on descend sous l'eau, et il a conclu par induction que la vie animale s'éteint à une profondeur de 5oo mètres.

Quand on plonge dans la mer on perd rapidement la lumière, on entre bientôt dans un crépuscule rougeâtre qui semble précéder la plus profonde nuit. On observe partout une si intime association de la vie avec la lumière, qu'on est amené à croire qu'elle doit cesser absolument dans ce monde de ténèbres. Plusieurs faits fournissent cependant des arguments à l'opinion opposée d 'Ebrenberg. En revenant du Groenland en Angleterre, pendant l'automne de 1860, le capitaine Mac-Clintock fit une série de grands sondages, et, dans l'un d'eux, il ramena une étoile de mer vivante d'une profondeur de 2,5oo mètres. Cette étoile était colorée de teintes brillantes, et en la disséquant on trouva un grand nombre d'infusoires dans son canal alimentaire. En 1862, on retira un câble sous-marin de la ligne de Bône à Cagliari. Sur une partie qui avait séjourné à la profondeur de i^ooo mètres s'étaient fixées et même moulées en partie plusieurs coquilles dans lesquelles M. Alph. Milne-Edwards a reconnu une huître commune dans la Méditerranée. Sur d'autres bouts de câbles relevés on voyait l'enveloppe de gutta-percha corrodée par des animaux du genre


des xylophages qui y avaient tracé des rainures longitudinales.

Quant à l'objection tirée de l'obscurité, le professeur Ehrenberg la résout par l'hypothèse d'un éclairage sous-marin produit par de la lumière à laquelle il donne le nom d'organique. Ce sont des infusoiresqui produisent le magnifique phénomène de la phosphorescence de la mer. Aussitôt que le soleil a disparu, d'innombrables légions d'animalcules lumineux sont attirés à la surface par certaines circonstances météorologiques. Les flots resplendissent d'une clarté qui ne brille pas uniformément, mais qui jaillit çà et là sur des points isolés. Des milliers d'étincelles flottent et se balancent; les vagues qui se brisent, le sillage du navire, le passage d'un dauphin, produisent des gerbes resplendissantes, et souvent le foyer enflammé est tellement intense que le pont du navire semble éclairé par des torches. L'étendue illuminée, d'aspect blanchâtre, est quelquefois de 20 ou 3o milles; on l'observe fréquemment dans le golfe de Bengale, où son éclat a été comparé à celui de certaines plaines crayeuses brillant au clair de lune. La noctiluque miliaire, qui contribue le plus à la phosphorescence, est à peine longue de deux dixièmes de millimètre. Un seau de dimension moyenne en contient vingt-cinq


mille. Des espèces semblables vivent peut-être au fond des eaux et y répandent leur clarté phosphorescente, semblable à celle du ver luisant.

Nous aurons encore à parler plusloin d'une autre série d'habitants de la mer plus élevés dans l'échelle organique, qui ont la faculté d'engendrer de la lumière, et dont la nature a peut-être placé des représentants dans les vastes régions qu'on croyait vouées à la nuit et à la solitude éternelles.

Si par les progrès de la science, résultant de la multiplication des sondages en mer profonde, nous devions renoncer à l'idée d'une expansion si complète de la vie, nous garderions cependant du sol océanique une image pleine de mélancolique grandeur, en nous représentant les régions submergées par les cataclysmes, les villes disparues, les navires engloutis. Là sont ensevelis sous une blanche couche de coquilles, semblable au manteau de neige des Alpes, les restes de ceux qui ont succombé en travaillant pour nous, en luttant contre les vagues et la tempête pour conquérir aux nations de nouvelles richesses, pour les rapprocher par de nouveaux liens, par un plus rapide échange de la pensée. Fécond souvenir de sacrifice et de dévouement, d'héroïque génie, noble appel à la


généreuse activité par laquelle chaque jour nous devons étendre notre domination sur la nature, soumise aux souveraines puissances de l'âme et de l'intelligence.


II

COURANTS DE LA MER

Christophe Colomb. — Courant équatorial. — Voyage des bouteilles. - Ch. Romme et Maury. — Courant de l'océan Indien. — Courants du Pacifique. — Courants de l'Atlantique. — Le Gulf-Stream. — Variations des climats. — Cartes thermales. — Formation des courants. — Circulation océanique. — Les roophytes, — Ras de marée. — Les gouffres. — Chalybde et Scylla. — Le Maelstrom.

Le transport d'arbres déracinés, de branches, d'herbes flottantes et de débris, d'une région à l'autre, a depuis longtemps prouvé l'existence des courants de l'Océan, et montré que ce vaste amas d'eau, mis chaque jour en mouvement par les ma-


rées, devait aussi être soumis à des lois de circulation analogues à celles qui régissent la plus grande partie des phénomènes que la nature présente à notre observation. Il est maintenant hors de doute qu'avant la découverte du Nouveau-Monde des indigènes d'Amérique avaient été poussés par les courants et les tempêtes jusqu'aux îles de la mer du Nord. Les habitants des Orcades avaient gardé la mémoire de ces apparitions de navigateurs inconnus, et leurs traditions, recueillies par Colomb pendant son voyage en Islande, l'affermirent sans doute, ainsi que les bois sculptés jetés par les courants sur la côte des Açores, dans sa croyance à l'existence d'un continent situé dans la partie occidentale des régions inexplorées que les géographes arabes nommaient « la mer Ténébreuse ».

C est dans le cours de son troisième voyage que Colomb reconnut l existence du grand courant qui entraîne les eaux des mers équatoriales : « Les eaux se meuvent, dit-il dans sa relation, comme le ciel, de l'est à l'ouest. » Il ajoute que « c'est dans la mer des Antilles que ce mouvement est le plus fort. » Cette observation très-juste lui fit supposer qu'un vase de tôle qu'il avait, trouvé entre les mains des habitants de la Guadeloupe pouvait provenir d'un navire entraîné par le courant équatorial et naufragé sur les côtes d'Amérique.


Après Colomb, Anghiera reconnut que ce courant suivait les contours du golfe de Mexico et se prolongeait jusqu'à Terre-Neuve. Continuées par d'autres navigateurs, ces observations rendirent bientôt probable l'existence de l'immense circuit qui portait jusqu'aux rives de l'Irlande et de la Norvége les coquilles, les végétaux, les fruits et les graines des Antilles. Mais il fallait des observations plus nombreuses et plus exactes pour déterminer la direction de ce courant général, qui tournoie dans la partie septentrionale de l'Atlantique, et qui constitue une des principales artères de la circulation de l'Océan.

Les plantes marines arrachées au golfe du Mexique et flottant à la surface ont d abord indiqué aux navigateurs les deux grandes branches qui viennent baigner les côtes de l'Europe occidentale, l'une se dirigeant vers la mer du Nord et l'autre vers les Açores. On a retrouvé sur nos côtes septentrionales les épaves de bâtiments naufragés dans la mer des Antilles. Humboldt cite le fait d'un navire brisé sur les écueils de la côte d 'Afrique, près du cap Lopez, dont quelques débris furent reconnus à la pointe nord de l'Ecosse, après avoir deux fois traversé l'Atlantique, d'abord de l'est à l'ouest, en suivant le courant équatorial , puis de l'ouest à l'est, en suivant le prolongement


de ce courant qui traverse le golfe du Mexique et vient aboutir dans nos mers.

Ces découvertes, dues au hasard, n'auraient probablement conduit à aucune notion précise sur les courants de l'Océan, si les navigateurs n 'avaient eu l'heureuse idée de renfermer dans des bouteilles cachetées l'indication du jour et du lieu où ils les jetaient à la mer. Retrouvées par d 'autres navigateurs ou par des habitants des côtes, ces bouteilles donnèrent des renseignements plus exacts sur la direction des courants et sur leur vitesse. Ce n'était encore, sans doute, qu une approximation ; mais, en se multipliant, ces indications permirent de tracer des directions moyennes, et servirent à établir une base expérimentale sur laquelle on pouvait désormais s'appuyer pour proposer des théories plus rationnelles que celles imaginées par les premiers observateurs.

Le major Rennell, dans ses Recherches sur les courants de l'Atlantique, raconte les voyages de bouteilles flottantes retrouvées sur les rives d'Europe ou d'Amérique, et qui toutes indiquaient l'existence du courant général circulaire reconnu déjà en diverses parties de son cours. M. Daussy, ingénieur hydrographe, en France, et le capitaine Becher, de la marine royale, en Angleterre, ont construit des cartes sur lesquelles sont marqués


les trajets d'un grand nombre de ces bouteilles, avec la double date du jour olt elles ont été recueillies ou jetées à la mer. D'après ces dates, on peut supposer que quelques-unes ont fait plusieurs fois le tour de l'Atlantique.

L usage de ces nouveaux agents laissait encore beaucoup d'incertitude sur la direction réelle des courants et sur leur vitesse dans les différentes parties de leur trajet. On ne pouvait guère connaître, dans la plupart des cas, que des directions et des vitesses probables. Mais, par l'intérêt qu'elles excitaient, ces données insuffisantes, jointes aux observations des navigateurs, devaient bientôt conduire à une recherche plus scientifique, qui, en France, fut ouverte par le savant Ch. Romme, associé de l'Institut national, auteur des Tableaux des vents, des marées et des courants observés sur toutes les mers du globe. L'introduction de ce remarquable et très-utile travail s'ouvre par les lignes suivantes :

« Les grands mouvements de l'atmosphère et des mers commandent, comme ceux des corps célestes, l'attention et l'admiration des hommes. Ils ont en partie leur source dans des causes semblables ; ils paraissent être un des grands développements de la puissance de la nature; et c'est à l'étude de ces mouvements, ainsi que de leurs circonstances,


qu'on pourrait recourir, comme à celui du cours des astres, pour remonter aux principes généraux de l'organisation de cet univers. »

C'est avec la même hauteur de vues, la même élévation d'esprit, qu'un savant officier de la marine nationale des États-Unis, le commandant Maury, a suivi la large voie ouverte par Ch. Romme. Nous avons déjà fait connaître (i) l'organisation et les services de la puissante association de navigateurs fondée par ce marin illustre, et grâce à laquelle la géographie physique et la météorologie de la mer sont définitivement entrées dans leur période de développement scientifique.

Les cartes de vents et de courants construites à l'observatoire de Washington, sous la direction de Maury, au moyen de nombreuses données fournies par les principales nations maritimes, ont jeté de vives lumières sur les causes principales qui concourent à produire les mouvements de la mer. L'étude des températures et des profondeurs de l'Océan a montré la justesse des vues d'Arago, qui disait que « si la théorie des courants avait fait jusqu'ici peu de progrès, c'est parce qu'on s'était exclusivement attaché à ceux de ces phénomènes qui sillonnent la surface des mers.» L'un des pre-

(i) V. les Tempêtes, — les Météores.


miers, Dumont d'Urville avait publié, dans sa relation du voyage de Y Astrolabe, une très-intéressante notice sur la température de la mer à diverses profondeurs, et sur les deux courants qui se dirigent l'un vers l'équateur, l'autre vers les pôles.

Nous avons dit que les sondes obtenues au moyen de l'appareil de Brcoke ont ramené des échantillons du fond à de très-grandes profondeurs. La faible densité des imperceptibles coquilles que ces échantillons renferment ayant dû rendre leur descente extrêmement lente, on comprend que leur étude puisse conduire à d'importantes indications sur les courants qui les ont transportées.

Nous citerons une curieuse observation parmi celles qui constatent à la fois l'existence et la direction des courants sous-marins. Les lieutenants Walsh et Lee, de la marine américaine, ayant chargé un bloc de bois de manière à le faire couler, l'attachèrent à une ligne de pêche et le laissèrent descendre à une profondeur variable de cent quatre-vingts à neuf cents mètres. Un flotteur empêchait le bloc de couler davantage et le système était ainsi abandonné à lui-même. « Ce fut un spectacle étrange, dit l'un de ces officiers, de voir ce flotteur s'avancer contre le vent, la mer et le


courant supérieur, avec une vitesse d'un nœud, laquelle en une circonstance s'éleva jusqu'à un nœud et trois quarts. Les canotiers ne pouvaient réprimer l'expression de leur étonnement; on eût dit que quelque monstre marin entraînait le bloc dans sa marche. »

Courants de l'océan Indien. — Les tièdes eaux de cet océan, fermé au nord par des contrées tropicales, forment de larges courants, moins nettement limités que le Gulf-Stream, mais dont les principales branches sont cependant bien connues des navigateurs. Le courant de Mozambique se porte vers la côte d'Afrique et la prolonge jusqu'au cap de Bonne-Espérance, où il prend le nom de courant de Lagullas. Il est très-rapide dans ces parages, où les vents violents qui soufflent fréquemment dans une direction opposée rendent la mer monstrueuse. C'est à cette circonstance qu 'il faut surtout attribuer le nom de cap des Tempêtes (Cabo Tormentoso) donné d'abord par Barthélemy Diaz au cap de Bonne-Espérance.

Un autre courant sort des mers de l'Inde par le détroit de Malacca, où, grossi par les courants


chauds de Chine et de Java, il pénètre dans le Pacifique, qu'il traverse en présentant les plus remarquables analogies avec le Gulf-Stream. Il se dirige vers la partie nord de cet Océan, et son influence s'étend jusqu'aux îles Aléoutiennes, dont il adoucit le climat, aussi brumeux que celui de Terre-Neuve.

Un troisième courant chaud, indiqué par les baleiniers, prend sa source dans l'océan Indien et se dirige au sud, à mi-distance entre l'Afrique et l'Australie.

Ces énormes courants emportent un immense volume d'eau, remplacée, ainsi que la couche liquide annuellement évaporée, par les courants polaires, qu'on voit parfois charrier des glaces jusque par 40 degrés sud. Deux de ces courants sont situés de chaque côté du dernier courant chaud que nous avons signalé.

Courants de l'océan Pacifique. — Le trajet du grand courant dont nous avons déjà parlé n'a pu être encore déterminé dans toute son étendue. Les habitants des îles Aléoutiennes, où l'on ne trouve point d'arbres, se servent pour construire leurs canots et leurs ustensiles domestiques du bois que la mer jette sur leurs côtes, et ils trouvent parmi ces débris des tronçons de camphrier ou d'autres arbres de la Chine et du Japon. Ce seul fait prouve l'exis-


tencc du courant qui traverse le Pacifique dans cette direction..Les Japonais l'appellent KuroSivo, ou courant noir, à cause de la couleur bleu foncé de ses eaux.

Un contre-courant froid, analogue à celui qui passe entre le Gulf-Stream et l'Amérique, descend le long des côtes orientales d'Asie. Il a aussi donné lieu à l'établissement de pêcheries importantes sur la côte du Japon, où la pêche est presque aussi abondante qu'à Terre-Neuve.

Sur les côtes de la Californie et du Mexique, un courant sud rappelle la branche du Gulf-Stream qui se dirige vers les îles du Cap-Vert; et de même qu'on rencontre, à l'ouest de ce dernier courant, l'immense amas d'herbes flottantes et de bois de dérive connu sous le nom de mer des Sargasses, on a découvert une vaste étendue de mer, située aussi à l'ouest du courant qui suit les côtes de la Californie, et servant de réceptacle au Pacifique septentrional.

Le courant de Humboldt, découvert par ce savant illustre, porte jusqu'à l'équateur les eaux froides des hautes latitudes australes, et rafraîchit le climat brùlant des côtes du Chili et du Pérou.

Un grand courant d'eaux chaudes descend encore des régions intertropicales du Pacifique vers la zone tempérée. C'est entre ce courant et le courant


de Humboldt qu'on a remarqué un vaste espace de mer, d'un aspect étrange, resté presque inconnu jusqu'à l'époque où les voyages de l'Australie dans l'Amérique du Sud en ont fait un lieu de passage. Les navigateurs qui le traversent le décrivent comme un morne désert privé d'êtres animés, dans l'air comme dans les eaux. On n'y rencontre jamais de baleines, et les oiseaux de mer qui suivent le navire disparaissent à son approche. Le mystérieux contraste de cette région désolée avec l'exubérance de vie qu'on observe au centre du Pacifique rappelle ces grands déserts de l'Asie et de l'Afrique situés près des contrées où la prodigieuse abondance de la végétation entretient la vie d'êtres innombrables, ou même, s'il nous est permis de porter si loin nos regards, ces espaces vides que le télescope nous découvre au milieu des splendeurs de la voie lactée.

Courants de l'Atlantique. — Le circuit général des eaux est plus nettement tracé dans le bassin relativement resserré de l'Atlantique nord que sur la vaste étendue du Pacifique et de l'océan Indien.

Le grand courant équatorial qui traverse l'Atlantique est un courant de surface, dont la vitesse, approximativement déterminée, est de 10 milles environ par vingt-quatre heures. L'évaporation,


très-abondante dans la zone des vents alizés , charge de sel la masse d'eau qu'il apporte dans la mer des Antilles.

Le courant du Brésil a, comme le courant équatorial, sa principale source dans la chaude région comprise Gntre l'Afrique et l'Amérique. Il se partage en deux branches au cap San-Roque, l'une qui coule au sud sous le même nom, l'autre à l'ouest, où elle concourt à la formation du GulfStream.

Ce majestueux courant est un immense fleuve qui prend sa source dans la mer des Antilles et se jette dans l'océan Arctique. Il débouche par le détroit de Bahama, se dirige au nord-est jusqu'au banc de Terre-Neuve, où il s'infléchit vers l'est, et, se prolongeant à travers l'Atlantique, vient frapper les côtes nord de l'Europe, dont il adoucit les froids hivers.

A la hauteur des Açores, le Gulf-Stream se bifurque et envoie vers le sud-est une seconde branche qui contourne la mer des Sargasses et se confond ensuite, au delà des îles du Cap-Vert, avec le courant équatorial. Le circuit est ainsi complet, comme l'avait indiqué le trajet des bouteilles jetées sur les côtes d'Afrique et retrouvées en différents points de l'Atlantique.

Ce mouvement giratoire est d'ailleurs prouvé


par l'existence du prodigieux amas de plantes marines qui en est le centre, et dans lequel se retrouvent les algues et les varechs transportés par le Gulf-Stream. Colomb a découvert le premier cette mer des Sargasses, ces prairies flottantes, si compactes que ses compagnons effrayés crurent y voir d'abord les limites de la navigation. « Un nombre immense de petits animaux marins, dit M. de Humboldt, habitent ces masses toujours verdoyantes transportées çà et là par les brises tièdes qui soufflent dans ces parages. »

Les eaux chaudes du Gulf-Stream, plus riches en sel que les eaux de l'Océan, sont d'une couleur bleu foncé. La ligne de séparation avec les eaux froides qui le bordent est bien marquée depuis le golfe jusqu'aux côtes de la Caroline.

Des observations poursuivies pendant plusieurs années pour étudier l'action corrosive des eaux sur le doublage en cuivre des navires ont établi que cette action est plus intense dans la mer des Antilles et le golfe du Mexique que partout ailleurs dans l'Océan. L'excès de salure qui cause cette différence produit aussi dans ce bassin, à températures égales , une augmentation de pesanteur spécifique, et la puissante impulsion qui fait jaillir le Gulf-Stream dans l'Atlantique est très-probablement due à cet excès de densité, c'est-à-dire à une


augmentation de pression exercée par les eaux du golfe. Cette hypothèse est d'ailleurs conforme à l'observation suivante de M. de Humboldt : « La densité de l'eau de mer dépend à la fois de la température et du degré de salure; c'est un élément dont on ne s'est pas assez préoccupé dans la recherche des causes qui produisent les courants. »

La diminution de salure dans les mers polaires produisant des variations de densité opposées à celles qu'on observe dans les mers intertropicales, l'équilibre tend à s'établir et des courants se forment, mais nulle part aussi nettement limités, aussi puissants que le Gulf-Stream.

Ses eaux, dont les propriétés chimiques sont plus énergiques que celles de l'eau de mer ordinaire, sont séparées du fond par une couche d'eau froide qui s'oppose à la perte de leur chaleur par le contact avec la croûte terrestre. Elles donnent naissance à d'innombrables organismes, et leur prodigieuse fécondité justifie la comparaison de Maury, qui nomme le Gulf-Stream la Voie lactée de l'Océan.

Sa largeur est de 32 milles dans les passes de la Floride, et de 75 au large du cap Hatteras. Sa vitesse moyenne entre ces deux points varie entre 3 et 4 milles à l'heure ; sa profondeur est évaluée à 370 mètres dans le canal de Bahama, et 210 devant


Hatteras. Il s'élargit encore jusqu'à Terre-Neuve, en diminuant de vitesse, et là, dit Maury, « débordant ses rives liquides, il couvre sur une étendue de plusieurs mille lieues carrées les eaux froides qui l'environnent, revêtant l'Océan d'un véritable manteau de chaleur qui tempère les rigoureux hivers de l'Europe. »

Les vents d'ouest, si fréquents dans cette région de l'Atlantique, entraînent une partie de la chaleur ainsi répandue par le Gulf-Stream, et viennent adoucir le climat de nos côtes et de nos îles du nord C'est à leur influence que l'Angleterre doit sa riche végétation et l'Irlande son poétique nom d'Emeraude des mers.

La chaleur excessive du vaste réservoir qui comprend le golfe du Mexique et la mer des Antilles est aussi tempérée par les courants frais qui arrivent de l'Océan pour remplacer l'eau suréchauffée qu'entraîne le Gulf-Stream.

Dans l'Atlantique nord, la différence de temperature entre les eaux du courant et l'eau prise en dehors de l'atmosphère humide et chaude qui s'étend au-dessus de ces eaux peut aller, pendant l'hiver, jusqu'à 26 degrés. Ces grandes perturbations atmosphériques produisent de terribles ouragans, redoutables surtout par l'épouvantable mer qui résulte de la lutte du vent et du courant;


mais, d'un autre côté, l'atterrage si pénible et si dangereux de la côte des États-unis dans la même saison est facilité par la chaleur constante du Gulf-Stream, qui offre un tiède abri aux bâtiments rejetés au large par les tempêtes de neige, durant lesquelles la glace couvre le gréement et rend toute manœuvre impossible.

Les différences de température de l'eau données par le thermomètre servent à rectifier la position du navire dans les mêmes parages, oti des courants réguliers rendent ces différences constantes. De nombreux sinistres ont pu être évités par ces observations thermométriques faites sur le bord occidental du Gulf-Stream, aux approches des EtatsUnis.

C'est à Franklin qu'on doit les premières recherches relatives aux phénomènes que présente ce grand courant et aux avantages qu'il offre à la navigation. Quelques années plus tard, la traversée moyenne d'Europe dans les ports du nord de l 'Amérique était réduite de moitié, l'emploi du thermomètre permettant aux capitaines d'éviter le courant contraire qui retardait la marche de leurs bâtiments.

La connaissance plus exacte de la circulation océanique a la plus utile influence, comme nous venons de le voir, sur le commerce maritime, par


l abréviation des traversées. Elle contribue ainsi, # comme la connaissance des vents généraux, à multiplier les liens qui rapprochent et unissent les nations. Elle favorise le rapide progrès de deux branches nouvelles de la science, la géographie physique et la météorologie de la mer. Enfin elle ouvre à l esprit de nouvelles perspectives vers les merveilleux spectacles que nous offre la nature, ' lorsque, par la contemplation de ses harmonies, nous nous élevons à une idée plus générale des lois qui nous affirment la sagesse et la beauté du plan divin.

Les phénomènesde circulation et de vie dont l'Océan est le théâtre viennent à peine d'être, découverts,etdenouvellesexplorations, de nouvelles études sont évidemment nécessa ires pour les coordonner et nous en faire saisir l 'ensemble. Mais déjà nous pouvons constater leur influence sur tout ce qui touche aux conditions d'existence des êtres organisés, et par suite prévoir en partie les changements qu 'entraînerait, par exemple, une modification considérable dans l'état actuel des courants océaniques.

Nous avons dit ailleurs (i) que des phénomènes analogues à ceux de la période glaciaire se re-

(i) Les Glaciers, Bibliothèque des Merveilles.


produiraient dans l'Europe occidentale, si le GulfStream était détourné de son cours actuel. Durant cette période, le continent de l'Amérique du Nord, dont l'émersion est relativement récente, n'existait pas encore, et le Gulf-Stream se dirigeait sur l'emplacement de la vallée actuelle du Mississipi. D'un autre côté, M. Constant Prévost a remarqué qu'un tremblement de terre qui produirait la rupture de l'isthme de Panama, et qui, par suite, changerait ou tout au moins modifierait la direction de ce puissant courant, amènerait de grands changements dans le climat de l'Europe.

Or, des observations récentes (i) tendent à établir que la vitesse du Gulf-Stream a presque doublé dans les passes de la Floride depuis les derniers tremblements de terre qui ont ravagé les Antilles. Si cet accroissement, bien constaté, persiste et vient à se propager dans toute l'étendue du courant, on verra se produire sur nos côtes d 'Europe des changements de climat dont il sera bientôt possible de prévoir les conséquences au point de vue des intérêts de la civilisation dans cette partie du monde, et, par suite, dans l'humanité tout entière, dont les évolutions peuvent ainsi dépendre

(1) New-York, Com. Advertiser, n janvier 1868.


du progrès des agents physiques qui concourent à la formation du globe.

Les cartes thermales construites sous la direction de Maury permettent de suivre non-seulement la marche de tous les courants dont nous venons de tracer une esquisse, mais encore l'ensemble dï la circulation établie à la surface de l'Océan entre les régions équatoriales et les régions polaires, circulation qui s'opère par des mouvements partiels beaucoup moins rapides que ces courants. Ce vaste échange, dû à la contraction et à la dilatation périodique de l'eau en ces régions, est désigné sous le nom de dérive de la mer (drift of the sea); ; il comprend tous les mouvements généraux que le thermomètre peut indiquer.

Des lois météorologiques importantes ressortent de la comparaison des cartes thermales avec les cartes des tempêtes et des orages qui ont été construites pour toutes les mers du globe, et parmi lesquelles nous devons signaler les plus récentes, dues à l'Institut météorologique d'Utrecht. Les perturbations sont surtout fréquentes sur le parcours des


courants chauds, et l'on conçoit qu 'il doit en être ainsi par suite de la différence de la température des couches d'air superposées aux courants avec la température des couches voisines. Dans l 'Atlantique septentrional, les cyclones ou tempêtes tournantes se rencontrent principalement, comme nous l'avons déjà dit, dans les parages traversés par le Gulf-Stream.

Les courants de la mer dépendent du concours d'un grand nombre de causes plus ou moins importantes dont la recherche est difficile, parce qu elles agissent presque toujours simultanément. Dans son remarquable ouvrage, Ch. Romme se borne à attribuer les courants aux vents et à l action périodique des marées, qui n'est importante que dans les canaux des rivages: La grande onde due à l'attraction sidérale s'élève et s'abaisse, mais e'.le ne donne pas lieu à un mouvement horizontal considérable. On ne peut regarder, d 'un autre côté, les vents que comme des forces qui accélèrent ou diminuent la vitesse descourants, et non comme la cause principale de leur formation. Assurément on voit souvent la mer s'élever dans les ports de la

Méditerranée, quand le vent souffle pendant quelque temps vers la côte. L'amiral Smyth signale une hausse de 3111.50 au-dessus du niveau habituel de la mer dans un golfe de Tos-


cane, après des tempêtes du sud-ouest. L'amiral Fitz-Roy rapporte que dans la Plata les eaux du fleuve s'élèvent de plusieurs pieds à Montévideo, et de plusieurs brasses à Buénos-Ayres, toutes les fois que les coups de vent appelés pamperos éclatent dans le sud ou dans l'est. Le résultat, dans le premier cas, est un fort courant de surface dans les bouches de Bonifacio; dans le second, une accélération dans la vitesse du fleuve. Mais est-il possible d'admettre que d'immenses courants comme le Gulf-Stream soient ledébouchédes eaux refoulées dans la mer des Antilles par les vents alizés ? Maury dit avec raison que les lois connues de l'hydrostatique s'y opposent. Cette hypothèse impliquerait, pour la mer des Antilles et le golfe du Mexique, l'existence d'un niveau supérieur à celui de l'Atlantique. Comment, d'ailleurs, pourrait-on expliquer par les vents le courant froid du détroit de Davis, qui présente un volume égal à celui du Gulf-Stream ? Ici il n'y à pas une action constante en jeu comme celle des alizés, car pendant la moitié de l'année au moins les vents sont opposés à la direction de ce courant. De plus, il est sous-marin dans une grande partie de son trajet et ainsi entièrement soustrait à leur influence.

Les traits généraux de la circulation tant superficielle que sous-marine de l'Océan nous sont don-


nés par une théorie analogue à celle qui, depuis Halley, a déjà expliqué les principaux courants de l'atmosphère.

Voyons ce que doit produire le changement de densité résultant de l'inégalité d'échauffement de la mer aux pôles et à l'équateur par la chaleur solaire. Imaginons à cet effet un globe de la dimension de la terre, dont le noyau solide serait couvert d'une couche d'eau de 400 mètres de profondeur à une température constante; il n'y aurait aucun mouvement dans cette masse. Mais supposons la zone comprise entre les tropiques soudainement convertie en huile jusqu'à une profondeur de 200 mètres; l'équilibre serait évidemment troublé, et il s'établirait aussitôt un système de courants et de contre-courants, car l'huile s'é- . coulerait vers les pôles par la surface et serait remplacée par l'eau qui affluerait vers l'équateur en courant inférieur. Si l'on suppose encore qu'arrivée dans le bassin polaire, l'huile redevienne eau et que l'eau redevienne huile à l'équateur, la circulation s'opérerait d'une manière continue entre les régions extrêmes. Il résulterait, de plus, d'une rotation de l'est à l'ouest autour de l'axe, qui imprimerait aux molécules des divers parallèles des vitesses différentes, que les courants dirigés vers le pôle seraient déviés à l'est, et que les courants


dirigés vers l'équateur seraient déviés à l'ouest. Enfin, le noyau solide du globe imaginaire devenant semblable au noyau de notre planète, on verrait les courants se modifier par des réflexions à distance sur les continents et les îles, de manière à reproduire les principales formes de mouvement que nous avons décrites.

D'autres causes interviennent pour augmenter cette action directe de la chaleur. L'évaporation enlève continuellement aux mers équatoriales une énorme quantité d'eau qui, sous la forme de nuages, est portée aux régions extra-tropicales. De là un dénivellement qui engendre nécessairement des courants variables selon les saisons et selon l'accroissement ou la fusion des glaces polaires.

A cette évaporation correspond l'augmentation de la salure des eaux, la vapeur enlevée n'étant que de l'eau douce. Les molécules superficielles, plus salées, descendent et sont remplacées par des molécules plus légères. Il se produit ainsi un mouvement vertical continu, et en même temps, dans les couches inférieures, un mouvement des eaux plus denses de l'équateur vers les pôles/qui peut rendre compte des courants chauds sous-marins semblables à celui du détroit de Davis.

Maury, pour mettre en relief les effets des différences de salure, appelle l'attention sur ce qui se


passe dans les détroits des mers intérieures. Il prend pour exemple la mer Rouge, qui, longue, étroite, sans pluies, sans rivières, est soumise à une trèsgrande évaporation. Située entre les parallèles de 13° et de 3o° de latitude nord, elle est parcourue pendant la saison des chaleurs, de mai en octobre, par des vents extrêmement secs et brûlants. On calcule que chaque année elle perd, sous forme de vapeur, une tranche liquide d'une surface égale à la sienne et d'une épaisseur de 2m.50. Cette eau est enlevée au courant de surface qui pénètre par le détroit de Bab-el-Mandeb et dont l eau se trouve de moins en moins salée en approchant de Suez. La plus grande partie du sel abandonné tombe au fond, où, après la saturation, des dépôts cristallisés auraient dû se produire depuis longtemps. Le bassin de la mer Rouge n'en contient pas, tandis qu'on en trouve au fond de la mer Morte. Cette différence provient de ce qu'elle n'est pas fermée comme cette dernière et qu'elle peut se débarrasser de son excédant salin par un courant tous-marin qui passe dans les profondeurs de son détroit. On démontre de la même manière la nécessité d'un contre-courant sous-marin à Gibraltar, l'eau des fleuves qui se jettent dans la Méditerranée étant d'ailleurs insuffisante pour compenser l'évaporation de la surface de cette mer. Divers


faits observés par les navigateurs prouvent l'existence de ces courants sous-marins.

On doit attribuer en partie, comme nous l'avons vu, la vitesse du Gulf-Stream à l'action des sels qui existent dans une proportion tout à fait exceptionnelle dans la mer des Antilles et le golfe du Mexique, tandis que l'eau est presque douce dans le bassin polaire. Pourquoi ce grand courant n'estil pas sous-marin comme ceux dont nous venons de parler ? La solution de cette question réside dans la différence de la température du GulfStream avec celles des eaux adjacentes. Leur dilatation peut compenser, et au delà, la différence de salure.

Cette dilatation explique aussi pourquoi la surface du Gulf-Stream est plus élevée que celle de l'Océan. Le dénivellement est en outre plus grand au milieu que sur les bords de 2 pieds environ, de sorte que la surface figure deux plans i nclinés adossés l'un à l'autre. On a observé qu'un navire, soumis lui-même à l'influence du courant principal, qui met un canot à la mer, continue à dériver dans la direction du Gulf-Stream, tandis que ce canot dérive à l'est ou à l'ouest, suivant le courant de surface qui descend de l'axe vers le bord, et qui est trop faible pour agir sur le navire.


Maury assigne dans la production de la force motrice des courants une fonction importante aux zoophytes madréporiques. On sait que les constructions de ces zoophytes, si vastes dans quelques régions qu'elles forment des archipels, et peut-être des continents futurs, sont composées de matières solides extraites de l'eau de mer, où elles se trouvent en dissolution. Chacun de ces petits animaux, en enlevant à une molécule d'eau le sel dont il a besoin, change sa pesanteur spécifique. Elle se meut alors en cédant à la pression des molécules plus denses qui l'environnent. Un courant peut naître de l'addition d'un nombre immense de ces faibles impulsions. *

« A quel chiffre, dit Maury, peut s'élever la quantité de matière solide ainsi extraite journellement de la mer? Sont-ce des milliers ou des milliards de tonneaux ? Nul ne le sait; mais quel qu'en soit le poids, son action sur le mouvement des eaux est immédiate, et nous voyons que ■ de la sorte ces animaux, privés de la locomotion, dont la vie est pour ainsi dire végétale, n'en semblent pas moins avoir la propriété de remuer la masse entière de l'Océan, des pôles à l'équateur. Quelle peut être la cause de ces courants singuliers signalés par les navigateurs au milieu du Pacifique, et qui semblent aussi puissants qu'incxpli-


qués? On ignore leur point de départ et on les voit se perdre au milieu des mers. Certes ces changements de température, la précipitation, l'évaporation et l'excès de salure qu'elle entraîne, toutes ces causes doivent avoir leur part d'influence ; mais ne peut-il pas en être de même de ces myriades de polypes que nous savons être incessamment à 1 'œuvre dans ces parages, au sein des profondeurs océaniques? »

Humboldt met au nombre des causes générales par lesquelles les courants sont produits les variations horaires de la pression barométrique. Ce mouvement, si régulier entre les tropiques, se propage de l'est à l'ouest, mais le transport des eaux qui en résulte ne saurait être très-considérable. Il y a, au contraire, des variations locales et accidentelles qui ont une grande influence. Au centre des cyclones , par exemple, la pression atmosphérique diminue quelquefois jusqu'à 70 centimètres. La mer, soumise de toutes parts à la pression normale de 76 centimètres, est donc refoulée au point où existe un vide relatif; elle s élève alors au-dessus du niveau ordinaire et forme une montagne conique qui s'avance avec le météore. Lorsque cette immense masse d'eau rencontre les côtes, il en résulte le terrible phénomène des ras de marée.


Les canaux de la circulation générale seront mieux connus surtout par les sondes thermométriques à différentes profondeurs, vivement recommandées par Maury à tous les coopérateurs de l'Association maritime. Les instructions uniformes données par la Conférence internationale réunie à Bruxelles en 1853 prescrivent par jour trois observations de la température de la surface de la mer, et en outre dans des circonstances particulières, telles que les changements de couleur de l'eau, le voisinage des glaces, l'approche des écueils, du Gulf-Stream ou d'autres courants, de l embouchure des fleuves, etc. On devra prendre aussi cette température quand on sera en présence d'crages et de phénomènes électriques. Au moins une fois par jour on observera, à différentes profondeurs, la température de l'eau et sa pesanteur spécifique.

Nous avons parlé de l'importance que peuvent avoir des collections d'animalcules de la mer, avec l indication des lieux dans lesquels on les a recueillis. Toutes les fois qu'on verra sur la surface de l'eau des taches colorées, disent les instructions, on devra en puiser et la mettre dans des flacons soigneusement bouchés, pour être ensuite soumise à l analyse microscopique. L'indication de la rencontre des baleines, des bancs de poissons et


de méduses, des bois flottants et des amas d'herbes marines, peut aussi être très-utile.

De semblables observations réunies et comparées n'aident pas seulement à découvrir les lois physiques de l'Océan. Après avoir cité les faits qui établissent que les courants chauds ou froids sont les routes suivies par les espèces voyageuses, Maury ajoute les réflexions suivantes :

« L'Océan a ses climats comme la terre a les siens , tous deux sont modifiés suivant la latitude; mais, d'une part, c'est l'élévation au-dessus du niveau de la mer qui détermine le changement, et de l'autre, c'est l'abaissement au-dessous de ce niveau. Dans les deux cas fonctionne une circulation régulatrice ; mais ici elle est due aux vents, et là aux courants.

« Dans l'Océan, comme sur terre, tous les êtres animés sont soumis à l'influence des climats. Envisagée sous ce point de vue, la mer doit avoir certaines fonctions spéciales, de même que ses courants, de même aussi que les animaux qui peu plent ses profondeurs, et l'étude de ces divers phénomènes révèle alors à chaque pas de nouvelles merveilles; on ne tarde pas à voir, dans cette masse liquide qui semblait inanimée au premier abord, un véritable monde, vivant et se mouvant en obéissant à des lois déterminées. Plus on avance,


et plus l'impression de cette harmonie devient saisissante ; on comprend que cet ordre parfait ne peut être l'effet du hasard et qu'une intelligence suprême a dû y présider. »

Les mouvements des eaux causés par les obstacles qui détournent les courants, ou par la rencontre des courants contraires, donnent lieu à des tournoiements quelquefois assez forts pour engloutir les barques qui s'en approchent et qui sont entraînées dans leur cercle d'attraction. Les navigateurs ont observé ces tourbillons dans le golfe de Guinée, dans les mers de la Chine et du Japon, etc.

Dans l'antiquité le gouffre de Charybde était surtout redouté des marins, ainsi que l'attestent les effrayantes descriptions d'Homère et de Virgile. Homère peint « Charybde absorbant trois fois par jour les eaux de la mer, et trois fois les revomissant) et les vagues troublées bouillonnant comme l'onde enfermée dans un vase posé sur une flamme ardente. »

Depuis, dans cette région volcanique et sujette


aux tremblements de terre, le fond de la mer a probablement subi des changements qui auront diminué les périls du gouffre, dont l'agitation est cependant encore très-grande, surtout par les hautes mers que soulèvent les tempêtes d'automne. Le détroit de Messine est assujetti à un flux et reflux qui suit les mouvements de la lune, de la même manière que dans l'Océan. Cette marée se fait sentir plu'ôt par de forts courants que par l'élévation ou l'abaissement des eaux, courants qui se dirigent pendant environ six heures vers le sud, ce qui constitue le flux, et six heures vers le nord, ce qui constitue le reflux. Les phénomènes qui résultent de ces mouvements varient suivant le temps, et les termes employés par les pilotes du détroit pour les qualifier disent assez les dangers qu'ils font courir aux navires pendant les mauvais temps, quand de nombreux tourbillons se forment au milieu d'une mer tourmentée. Les plus violents de ces tourbillons ont encore lieu sur le gouffre de Charybde et sur les six têtes de Scylla, c'està-dire au pied des six caps taillés en précipices qui s'élèvent sur la côte de Calabre dans la partie nord du détroit.

L'affaiblissement du tourbillon de Charybde a été attribué au terrible tremblement de terre de 1783. Mais de petits navires peuvent encore y


courir des dangers, et l'amiral Smyth, dans sa description des côtes de la Méditerranée, cite un vaisseau de guerre anglais, la Que en, de 74 canons, qu 'il y vit tourner en cercle, entraîné par la force des courants. Nous avons pu constater le même fait sur la corvette la Diligente, dans les intervalles de calme suivant les rafales amenées par un violent orage, qui chargeait d'épais nuages l'embouchure du détroit. Le tourbillon actuel (Garafolo) se meut sur une surface d'environ i5o pieds de diamètre, vis à-vis du petit port de Faro, à 750 pieds environ de la côte. Les bancs qui s'étendent des deux côtés, formés par des sables volcaniques, sont dangereux pour les navigateurs qui ne connaissent pas bien ces parages difficiles.

Le père Kircher (1) raconte l'histoire d'un plongeur célèbre, Pesce-Cola (Nicolas-le-Poisson), qui, pour satisfaire la curiosité de Frédéric, roi de Naples, plongea au fond du gouffre de Charybde, et, après être resté longtemps sans reparaître, rapporta une coupe d'orque le roi y avait jetée et qui devait être le prix de son audace. Il revint à la surface hors de lui-même, épouvanté de ce qu'il avait entrevu dans le tournoyant abîme, où de

(1) Slundus subterraneus.


monstrueux polypes attachés au roc étendaient leurs longs bras pour le saisir et l'étouffer. Plein d'horreur, il refusait en pâlissant d'y redescendre; mais, séduit par l'appât d'une forte somme, il s'aventura une seconde fois dans le gouffre, dont il ne sortit plus.

Le plus redoutable des tourbillons formés par ces courants est le Maelstrom ou Mokœstrom, situé dans l'océan Arctique, par 9° 20' long. E., 67° 20' lat. N., près de l'île Moskoe, une des Loffoden. Il mesure un mille et demi de diamètre, et son retentissement, qu'on a comparé à celui des chutes du Niagara, se fa;t quelquefois entendre à la distance de plusieurs milles. Un ancien auteur, Jonas Ramus (1), en a donné la description suivante :

« Entre Loffoden et Moskoe, la profondeur de l'eau est de 36 à 40 brasses; mais de l'autre côté, du côté de Vurrgh, cette profondeur diminue au point qu'un navire ne pourrait y chercher passage sans courir le danger de se jeter sur les roches. Quand vient la marée, le courant se précipite dans l'espace compris entre Loffoden et Moskoe avec une tumultueuse rapidité, et le rugissement de son terrible reflux est à peine

(1) Recueil des navigations et voyages.


égalé par celui des plus hautes cataractes. Le bruit se fait entendre à plusieurs lieues, et les tourbillons ou tournants creux sont d'une telle étendue et d'une telle profondeur, que si un navire entre dans la région deleur attraction, il est inévitablement entraîné au fond, et là brisé en morceaux contre les rochers; quand le courant se relâche, les débris sont rejetés à la surface. Mais ces intervalles de tranquillité n'ont lieu qu'entre le flux et le reflux, par un temps calme, et ne durent qu'un quart d'heure; puis la vitesse du courant revient graduellement.

« Quand il bouillonne le plus et quand sa force est accrue par une tempête, il est dangereux d'en approcher, même d'un mille norvégien. Des barques, des navires, ont été entraînés pour n'y avoir pas pris garde avant de se trouver à portée de son attraction. Il arrive aussi que des baleines viennent trop près du courant et sont maîtrisées par sa violence ; et il est impossible de décrire leurs mugissements dans leur inutile effort pour se dégager.

« Une fois, un ours, essayant de passer à la nage le détroit, fut saisi par le courant et emporté au fond ; il rugissait si effroyablement, qu'on l'entendait du rivage. De grands troncs de pins et de sapins, engloutis dans ce tourbillon, reparaissent brisés et déchirés au point qu'on dirait qu'il leur


a poussé des poils. Cela démontre clairement que le fond est couvert de roches pointues sur lesquelles ils ont été roulés çà et là. — Ce courant est réglé par le flux et le reflux de la mer, qui a constamment lieu de six en six heures. Dans 'l'année 1645, le dimanche de la Sexagésime, de fort grand matin, il se précipita avec un tel fracas etune telle impétuosité, que des pierres se détachaient des maisons de la côte. »

Des relations plus récentes montrent assez l'exagération de ce récit. Quoique le Maelstrom, dans les ouragans et les marées extraordinaires, présente en effet un aspect effroyable et que son approche ne soit pas alors sans danger, en temps calme un grand navire peut toujours le traverser. Souvent même, dans les circonstances les plus favorables, les bateaux de pêche se rassemblent à sa surface, à cause de la grande quantité de poissons qui s'y trouvent, et se laissent entraîner en cercle par le courant.

Kircher avait imaginé qu'au milieu du Maelstrom s'ouvrait un abîme qui traversait le globe, et nombre de marins ont jadis partagé cette opinion. Suivant l' Encyclopédie britannique le tourbillon n'a pas d'autre cause que le courant des marées le long d'un banc de roches qui endigue les eaux et les rejette en cataracte.


« Le Maelstrom, dit Léopold de Buch (i), n'est réellement redoutable que lorsque le vent du nordouest souffle en opposition avec le reflux. Alors les vagues se soulèvent, forment des tournoiements et entraînent dans l'abîme les poissons et les bateaux qui s'en approchent. On entend à plusieurs milles au large le mugissement du courant. En été, ces vents impétueux ne se font pas sentir; a'ors le Maelstrom est peu redouté et n'interrompt pas la communication des habitants de Varoe et de Moskensoe. L'espoir de voir en ce lieu quelque chose de grand et d'extraordinaire est généralement déçu, parce qu'il n'amène de voyageurs qu'en été. »

Près des Orcades on observe aussi des gouffres, mais qui ne sont pas toujours visibles au même endroit et qui apparaissent successivement en-plusieurs points différents de la mer. Les pêcheurs de ces îles racontent que pour se défendre des dangers qu'ils font courir à leurs barques, ils livrent au courant des blocs de bois ou des bottes de paille qui sontengloutis par le tourbillon, apaisé par cette proie, et qu'on peut alors traverser sans crainte.

(i) Voyage en Norvège et en Laponie.


III

LES LITHOPHYTES

Fleurs de l'Océan. — Anémones de mer. — Polypiers. — Constructions des lithophytes. — Énormes récifs. — Description des atolls. — Accumulation des polypiers. — Ports naturels. — Distribution géographique des polypiers. — Jardins flottants. — La plante de verre.

Comme la terre l'Océan a ses fleurs. Ce sont des fleurs plus merveilleuses encore que celles de nos jardins, de nos prairies et de nos forêts, car en examinant de près leurs corolles épanouies au fond des eaux, nous les trouvons douées de la vie animale. Aucun végétal de mer n'a de floraison, et la nature ne l'accorde, dans les eaux douces, qu'à ceux qui peuvent y trouver de tranquilles retraites loin


des courants tumultueux. Elle a lieu alors à la surface et à de rares intervalles. L'ornement des parterres sous-marins est formé par des polypes vivants isolés ou groupés en arbustes et se développant d'une manière continue.

L'organisation de ces êtres, dans lesquels la sensation et le mouvement apparaissent à peine, est très-simple. Ce sont de petits sacs tubuleux, ouverts à une seule extrémité et portant autour de l'ouverture une série de tentacules flexibles disposés en couronnes. Le sac est le corps, ou plutôt l'estomac; l'ouverture est la bouche, et les tentacules constituent les bras.

- Le polype cherche la lumière, il se contracte au moindre attouchement, le bruit même l'impressionne. En observant le jeu de ses tentacules au moment où rien ne vient l 'inquiéter, on reconnaît en lui un étonnant instinct pour guetter et saisir sa proie. Quand ces sortes de bras sont étalés et se maintiennent immobiles dans l'attente, la ressemblance de l'animal avec une fleur est la plus parfaite:

Parmi les polypes isolés, l'anémone de mer, dont quelques espèces ont jusqu'à cent cinquante tentacules, se place au premier rang par sa beauté. Il y en a de blanches, de grises, de pourpres, de lilas, d'azurées, de vertes. Quelquefois la couleur vâ-


rie selon les parties : telle anémone au corps fauve a autour de la bouche une bordure orange et des bras de nacre; telle autre est verte, avec le disque ou le pourtour de la bouche d'un rouge vif et les rayons gris. Ces corolles animées semblent rivaliser de parure. Le corps adhère aux rochers par son extrémité inférieure; mais, quoique cette adhérence semble très-forte, on le voit se mouvoir par des contractions et des relâchements successifs. D après M. Moquin-Tandon (i), il y a des anémones sur nos côtes qui se détachent à l'approche de l'hiver et se laissent emporter par les flots pour aller chercher une température plus douce.

La pleine liberté est l'exception parmi les polypes. La plupart d'entre eux sont fixes et forment des agrégations plus ou moins nombreuses par la faculté qu'ils ont de sécréter, à la manière des limaçons, des enveloppes calcaires et de s'attacher les uns aux autres en se greffant dans tous les sens. Ainsi associés, ils ressemblent à de magnifiques buissons fleuris. Nous avons vu quelquefois s'épanouir sur les côtes de Provence la tubulaire chalumeau : à l'extrémité de tiges ayant des nœuds inégaux comme des brins de paille, se développe

(i) Le Monde de la mer.


une double corolle écarlate d'une trentaine de pétales par rangée. Après un certain temps, cette corolle se flétrit et meurt, un bouton la remplace, lequel produit un nouveau polype, et cette succession détermine l'allongement des tiges. Dans les campanulaires, les bouts des branches par où sortent les polypes sont élargis en clochettes. Les sertulaires sont des polypes à tuyaux qu'on peut comparer à des arbustes en miniature. Les branches sont cornées et portent jusqu'à vingt petits panaches contenant chacun cinq cents animalcules, ce qui fait dix mille polypes par association.

Dans les polypes qu'on nomme corticaux, les animalcules se tiennent tous par une substance spongieuse dont ils remplissent les cavités et qu'enveloppe un axe soit corné, soit calcaire. Un gracieux exemple du premier genre est l' éventail iiiat in, dont la tige a des rameaux et des ramuscules presque plans qui forment un réseau à mailles serrées comme certaines dentelles ou guipures. Telles sont aussi, avec peu de différence de structure, les gorgones, dont une très-jolie espèce a des axes d 'un brun foncé, une écorce d'un rose vif et des polypes d'un jaune d'or. Les \oanthes, qui pr ésentent une grande analogie avec les anémones, sont souvent réunies en nombre considérable sur une base communequi ressemble à un enlacement


de racines rampantes. Leurs animalcules font sortir de tubes rouges striés de noir de longs bras jaunes bordés de fines franges brunes. On les voit toujours en mouvement, formant dans l'eau de petits courants pour entraîner leur proie.

Lorsque l'axe intérieur des polypes est pierreux, on leur donne le nom de lithophytes; espèce qu'on voit répandue avec le plus de profusion dans les mers, et qui, composée de coraux et de madrépores , présente de très-nombreuses variétés. Parmi les premiers, le corail rouge est le type le plus brillant. Nous décrirons dans un autre chapitre les moyens employés pour recueillir les branches des petites forêts purpurines constellées de fleurs blanches qu'il étend sous les eaux. Les réceptacles madréporiques, généralement formés de calcaire blanc comme l'albâtre, sont admirablement ciselés. Dans beaucoup d'entre eux on trouve la régularité du gâteau de miel sorti de la ruche. Quelquefois, comme dans le genre astrée , les alvéoles, en quantité innombrable, sont disposées en étoile ; les méandrines ont une série de petites lames rayonnantes, dans les interstices desquelles sont logés des milliers d'animalcules qui s 'épanouissent à leur surface. Les caryophyllies se distinguent par les polypes d'une extrême délicatesse de farme et de couleur qui occupent leurs


cellules. Le corps est jaune rayé de blanc; puis vient un disque avec un cercle brun et un cercle vert, autour desquels nagent des tentacules transparents, finement découpés, ayant un petit point blanc à chaque extrémité.

En considérant les lithophytes dans leur ensemble, un intérêt d'un nouvel ordre vient s'ajou ter à celui qu'excite leur beauté. Chaque animalcule est un travailleur infatigable, et ces travailleurs produisent par leur association des ouvrages gigantesques qui ont leur importance dans l'économie du globe. Ils prennent véritablement une large part à la construction des continents.

Pour accélérer leur propagation, la nature a pris soin d'en multiplier les modes. Elle emploie la division spontanée, reproduisant un polype complet avec chaque fragment ; la dissémination des œufs, qui donnent des animalcules greffant le plus souvent leurs cellules pierreuses sur celles des couches vivantes antérieures; enfin les bourgeons ou gemmes naissant sur l'écorce charnue comme sur celle des végétaux. Chaque génération qui meurt laisse ainsi une couche de matière inerte


servant de fondement à de nouvelles générations, et ces assises, superposées régulièrement comme dans une maçonnerie, constituent peu à peu des rochers, des îles et de vastes terres. Il faut des siècles entiers à ce travail, mais le temps ne manque jamais à la nature.

C est dans les régions chaudes du grand Océan, depuis la côte occidentale d'Amérique jusqu'à la côte orientale d'Afrique, sur une zone qui s'étend de part et d'autre de l'équateur jusqu'à 5oo lieues environ, que se trouve le principal domaine des lithophytes. Ils ne couvrent pas entièrement ce vaste espace, mais, dans tous les lieux où il leur est possible de pulluler, ils habitent le fond de la mer en myriades innombrables. Près de la côte orientale de l'Australie s'étend sans interruption, sur une longueur de i5o lieues, un colossal rempart sous-marin construit par eux. Entre l'Australie et la Nouvelle-Guinée, il y en a un autre de 25o lieues, divisé seulement par quelques rares intervalles. Ces formations sont surpassées, par celles de l'océan Indien, qui commencent au milieu de la côte de Malabar et descendent vers le sud en se suivant régulièrement jusqu'à la hauteur de Madagascar, sur une étendue de plus de 600 lieues, comprenant les archipels des îles Maldives, des îles Laque-


dives et des îles Chagos. Dans l'Océanie enfin les lithophytes sont encore plus nombreux; les archipels qui y sont répandus avec tant de profusion leur doivent en majeure partie les matériaux dont ils se composent.

L'approche de ces récifs est très-redoutée des navigateurs. Heureusement, quand la mer est houleuse, ils en sont avertis par les larges lignes d'écume incessamment soulevées et le bruit intense dont l'air retentit à une assez grande distance. Sur l'énorme barrière madréporique qui est voisine des côtes d'Australie, ce brisement des vagues présente un spectacle grandiose. « Lorsque la vaste ondulation de l'Océan, dit le naturaliste anglais Jakes, était soudainement arrêtée par cet obstacle, elle se dressait comme une muraille continue d'eau bleue; son bord supérieur se recourbait et tombait en cascades d'écume d'une blancheur éblouissante. Chaque ligne de brisants avait souvent de i à 2 milles de longueur sans aucune interruption. Cette scène était saisissante par sa beauté et l'immensité des forces déployées. Le bruit permanent, avec ses éclats de tonnerre intermittents qui se reproduisaient à toutes les vagues nouvelles, ajoutait un effet d'une puissance inexprimable. »

En 1780, Forster, le savant compagnon de Cook, émit l'opinion que les polypiers ont la fa-


culte d'élever leurs constructions à partir du sol de mers très-profondes ; mais des observations plus récentes assignent une limite à leur développement, et, d'après le naturaliste Ch. Darwin, les espèces qui concourent le p'us à la formation des récifs prospèrent rarement à une profondeur de plus de 37 mètres. Elles se fixent de préférence sur les plateaux élevés, ainsi que sur le sommet des montagnes du sol sous-marin, et n'habitent ni ses valées ni ses plaines.

Dans l'Océanie, un très-grand nombre de masifs madréporiques consistent en bandes de terre sèche, circulaires ou ovales, entourant une lagune d'eau dormante peu profonde. Ces bandes dépassent à peine le niveau de la mer, et, à partir de leur bord extérieur, on trouve une pente très-raide qui descend promptement à 3 ou 400 mètres de profondeur, La grandeur de ces îles de lagunes, auxquelles on a aussi donné le nom d'atolls, varie beaucoup : on en trouve dont le diamètre est inférieur à un tiers de lieue, tandis que celui des plus grandes atteint près de 11 lieues. « L'aspect que présentent les récifs annulaires, dit Darwin dans son Journal de voyages, est aussi remarquable par sa singularité que par sa beauté. Qu'on se figure une bande de terre de quelques centaines de mètres de large, couverte de cocotiers très-élevés, au-dessus


desquels s'étend la voûte azurée du ciel. Cette bande de verdure est limitée par un banc de sable blanc, de l'éclat le plus vif; le bord extérieur est entouré d'un anneau de brisants dont la blancheur peut être comparée à celle de la neige, et au delà desquels on aperçoit les eaux bleuâtres et houleuses de l'Océan. La baie intérieure entoure l'eau claire et tranquille de la lagune, qui, bien qu'elle repose en très-grande partie sur du sable blanc, paraît d'un vert très-vif lorsqu'elle est éclairée verticalement par les rayons du soleil. Certaines espèces de zoophytes abondent surtout dans la lagune; d'autres, au contraire, sont plus nombreuses dans le bord extérieur, où se fait sentir un fort clapotis. Quand l'Océan lance ses vagues sur ses rivages, on dirait d'un ennemi invincible. Cependant on le voit dompté par des obstacles en apparence très-faibles. Jamais il n'est en repos, et les grosses houles, dues à l'action constante des vents alizés, existent toujours : le tourbillonnement de l'eau sur les brisants est bien plus considérable dans ces îles que dans nos régions tempérées, et l 'on ne peut les observer sans être convaincu que des roches de granit et de quartz finiraient par céder à des forces aussi irrésistibles et par être démolies. Eh bien, malgré cela, ces petites îles de coraux, si basses, si insi-


gnifiantes, résistent, grâce à l'intervention d 'un autre genre de forces, les forces organiques, en quelque sorte opposées aux premières. Elles détachentun à un des brisants écumants les atomes de carbonate de chaux, pour les réunir'ensuite sous une forme symétrique ; des myriades d'architectes sont nuit et jour à l'ouvrage, et l'on voit leurs corps gélatineux et mous dompter, à l'aide des lois de la vitalité, la puissance mécanique des vagues, contre lesquelles ni l'industrie des hommes ni la partie inanimée de la nature ne pourraient lutter avec succès. »

Nous empruntons à.un autre savant, Chamisso, qui accompagna le capitaine Kotzebue dans ses voyages, les observations suivantes sur la transformation des récifs en îles habitables : « Quand le récif, dit-il, est d'une hauteur telle qu'il se trouve presque à sec au moment de la basse mer, les animalcules des coraux abandonnent leurs travaux. Au-dessus de la ligne des eaux on observe une masse pierreuse continue, composée de coraux, de mollusques et d'échinites, cimentés par un sable calcaire provenant de la pulvérisation des coquilles. Il arrive souvent que la chaleur du soleil pénètre cette masse quand elle est sèche, et occasionne des fentes en plusieurs endroits. Alors les vagues possèdent assez de force pour séparer


des blocs madréporiques ayant un volume de près de 2 mètres cubes et pour les lancer sur les récifs, ce qui finit par élever tellement la crête que la haute mer ne la recouvre qu'à certains moments de l'année. Le sable calcaire n'éprouve ensuite aucun autre dérangement et offre aux graines d'arbres et de plantes que les vagues y amènent un sol sur lequel ces végétaux croissent assez rapidement pour ombrager bientôt la surface éblouissante de blancheur. Les troncs d'arbres qui sont transportés par les rivières d'autres pays et d'autres îles y trouvent enfin un point d'arrêt après leur longue course. Quelques petits animaux, tels que des insectes et des lézards, sont transportés avec eux, et deviennent d'ordinaire les premiers habitants de ces récifs. Même avant que les arbres soient assez touffus pour former un bois, les oiseaux de mer y construisent leurs nids; les oiseaux de terre égarés viennent y chercher un refuge dans les buissons; plus tard enfin, lorsque le travail des polypiers est depuis longtemps achevé, l'homme paraît et bâtit sa hutte sur le sol devenu fertile. »

Le nombre d'atolls compris' dans l'archipel Dangereux, à l'est des îles de la Société, est de 80 ; aucune de ces terres ne dépasse 3 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer, de sorte qu'il


faut en être très-près pour les voir. Le plus grand assemblage d'îles de ce genre se trouve dans l'archipel des Carolines, où elles sont distribuées en soixante groupes sur un espace de près de 1,000 milles carrés.

On s'est naturellement demandé d'où vient la forme annulaire si remarquable des atolls. L'hypothèse d'après laquelle ces récifs indiqueraient le contour d'un cratère de volcan sous-marin a d'abord été adoptée, mais elle a contre elle la grandeur de la plupart de ces îles. Nos volcans n'ont pas de pareils cratères ; on ne pourrait comparer les lagunes avec leurs bordures circulaires qu'aux montagnes disposées en circuits sur la surface de la lune, et qui ne sont nullement des volcans, mais de vastes territoires garnis d'enceintes, comme la Bohème, par exemple, sur notre globe.

On doit à Ch. Darwin une explication 'plus satisfaisante, qui rend en même temps compte d'autres formes affectées par les récifs. Il fait remarquer d'abord que les lithophytes travaillent sur beaucoup de bas-fonds bordant à distance de hautes îles de l'Océanie. Ainsi celle de Vanikoro est précédée par les récifs sous-marins sur lesquels La Pérouse a fait naufrage et qui sont séparés d'elle par un canal d'environ 100 mètres de profondeur. Une assez faible élévation de ces récifs suffirait


pour mettre l'île dans la classe des îles annulaires; la seule différence serait qu'un sommet de montagne occuperait le centre de la lagune. A Taïti, a la Nouvelle-Calédonie, on observe la même dis. position. Les îles entourées d'une couronne madréporique ne sont pas moins fréquentes que les atolls où l'on ne voit qu'un lac à l'intérieur du récif. Rappelons en outre ce que nous avons dit de la pente extérieure, très-souvent à pic et descendant à plusieurs centaines de mètres, c'est-à-dire beaucoup au-dessous du niveau de 37 mètres, limite des lithophytes vivants. Les parties inférieures de la muraille, à l'époque où les animalcules y ont laissé leurs restes, ne pouvaient être à la profondeur où elles se trouvent placées aujourd'hui, et il faut conclure que la masse de la montagne qui supporte le récif s'est enfoncée depuis lors.

Avec l'hypothèse d'un état d'oscillation du fond de la mer le problème s'éclaircit. Si sur les bancs de lithophytes adhérents aux flancs d'une montagne qui s'enfonce avec une grande lenteur les polypes peuvent se maintenir à la hauteur qui leur est favorable, la couronne en construction restera à fleur d'eau, tandis que la cime centrale disparaîtra au bout d'un certain temps en laissant la lagune vide.


Il est possible que le mouvement d'abaissement ne s'opère pas d'une manière uniforme et que, par exemple, après avoir été assez lent pour permettre aux lithophytes de se maintenir à fleur d'eau, il devienne assez vif pour qu'ils ne puissent plus lui faire équilibre par leurs exhaussements : les dépôts formeront alors une série d'anneaux séparés par des intervalles correspondant aux accélérations de vitesse.

Les atolls, ainsi que les récifs entourant les îles, peuvent donc être regardés comme des preuves de l'affaissement du lit de la mer dans les régions où on les observe. D'autres régions renferment des îles qui ont au contraire été soulevées, car on rencontre des madrépores et des coquilles marines à une hauteur considérable au-dessus du niveau des eaux. Les géologues possèdent ainsi des indications d'un grand intérêt relativement aux mouvements de l'écorce terrestre. Elles montrent que dans l'océan Pacifique le sol s'est soulevé et se soulève encore le long de l'Amérique du Sud, tandis qu'en avançant vers l'ouest on trouve la mer plus profonde et déserte jusqu'à une bande d'îles à lagunes et d'îles entourées de récifs d'environ 1400 lieues sur 200, comprenant l'archipel Dangereux et l'archipel de la Société. Dans la région occupée par les Nouvelles-Hébrides et les


îles Salomon, on a constaté le soulèvement du sol sous-marin, et plus à l'ouest l'affaissement recommence jusqu'aux grandes barrières madréporiques de la Nouvelle-Calédonie et de l'Australie.

« Supposons, dit le géologue anglais Lyell, le fond des mers équatoriales, qui renferme une multitude d'atolls, soulevé et mis à sec : on apercevrait des pics et des chaînes de montagne dont la base serait formée de roches volcaniques, granitiques et autres, et sur lesquels reposeraient des masses tabulaires de calcaires préparés par les lithophytes. Quelques-uns de ces recouvrements calcaires se prolongeraient sur un espace de 3 milles, d'autres auraient plus de 3oo milles de circonférence, tandis que leur épaisseur pourrait variet entre 3oo et 3,ooo mètres, ou même plus. Ils con sisteraient principalement en coquilles et en coraux, entiers sur quelques points, et brisés sur d'autres. Dans les basses régions de ce continent, et entre les plateaux élevés ou les chaînes de montagnes, souvent il n'y aurait aucun dépôt contem porain, ou bien, dans les points où les choses s'éloigneraient de la règle générale, les strates calcaires différeraient, autant par leur nature que par les espèces de fossiles qu'elles renfermeraient, des masses tabulaires de coraux. On a remarqué que les coraux tendres, quand ils se décomposent dans


la lagune, se transforment en un limon blanchâtre qui, desséché, ne peut se distinguer de la craie ordinaire. Comme ce sédiment fin doit sÕuvent être entraîné par les vagues et par les courants à de grandes distances, il peut, en tombant sur le fond de la mer, envelopper les zoophytes et les mollusques qui habitent des eaux profondes. Ainsi il est probable qu'une formation crétacée * récente est actuellement en voie de se produire sur plusieurs points de l'océan Pacifique et de la mer des Indes. » Cette description donne une idée de ce qui s'est passé dans la plupart des anciennes mers au-dessus desquelles ont surgi les continents que nous habitons. On trouve dans leur intérieur un grand nombre de bancs calcaires qui ne sont autre chose que le produit du travail des lithophytes ou les sédiments résultant de la décomposition de leurs constructions. D'après Léopold de Buch, c'est à de telles origines qu'il faut, par exemple, rapporter toute la formation du Jura.

Quand les groupes d'atolls naissent sur un point de l'Océan, ces îles sont peu à peu fertilisées par les semences que leur apportent les vents et les courants; elles-mêmes deviennent ensuite des foyers de vie, et dans les recherches sur la distribution géographique des plantes, cette influence doit être considérée. Il y a aussi à remarquer le


rôle important que plusieurs groupes d'atolls ont joué dans les migrations des populations humaines. De récents travaux d'ethnologie et de linguistique ont montré que la patrie primitive des habitants de l'Océanie a été la partie méridionale du continent asiatique. De là leurs essaims successifs avancèrent dans la direction du sud-est et rayonnèrent ensuite vers le nord et vers le sud, en prenant appui le plus souvent sur les îles annulaires qui offraient d'excellents ports pour leurs flottilles de pirogues.

On ne connaît pas encore bien les conditions dont dépendent l'accumulation des polypes dans certaines régions et leur absence dans d 'autres. Au nombre des principales peuvent cependant être comptées le mouvement plus ou moins rapide des courants et des vagues ainsi que la température des eaux. Telles espèces préfèrent le calme des lagunes intérieures, telles autres se plaisent dans les flots violemment agités du bord extérieur des îles. Suivant les observations faites par Ehrenberg dans la mer Rouge et par Chamisso dans les îles Marshall, les millépores, les astrées et les méandrines peuvent supporter les brisants les plus forts.

Les atolls ont en général sur un côté de leur contour une ouverture assez profonde qui sert d'entrée à ces ports naturels. Quand on expliquait


leur forme par celle d'un cratère sous-marin, une semblable lacune devait correspondre à la brèche par laquelle s était écoulée la lave. Suivant la théorie de M. Darwin, l'origine du canal doit être attribuée à des causes en action lors de l'existence du récif formant enceinte et lorsqu'au centre s'élevait un sommet de montagne. Or, toutes les fois que les îles centrales sont assez étendues pour alimenter de petites rivières, un canal se forme dans le récif au point où l'eau douce coule dans la mer, y provoquant l'écartement des lithophytes par l aversion qu elle leur inspire. Une brèche étant ainsi faite dans le récif, la retraite des eaux de la mer au moment des basses marées l'empêche de se refermer, par suite du courant rapide que détermine la masse d'eau entrée dans la lagune à la haute mer.

L Océanie, qui possède une si grande quantité d'atolls dans les régions de l'ouest et du centre, a une grande partie de ses îles de l'est entièrement dépourvues de récifs de lithophytes. Il n'y en a aucun dans les archipels des Galapagos et des Marquises, auprès de la côte d'Amérique et des îles voisines. On pourrait invoquer ici le passage du courant froid de Humboldt; mais dans les eaux tranquilles et chaudes des mêmes parages, particulièrement dans celles du littoral de Guayaquil,


de Guatemala et du Mexique, l'absence des polypiers est bien constatée. Ce n'est donc pas la température qu'il faut mettre en jeu, et la cause véritable est encore inconnue. Le fait de cet ordre le plus général qui ait été observé et dont les recherches ultérieures devront rendre compte, c'est l'absence de récifs qui caractérise les côtes occidentales de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Australie, tandis qu'ils sont au contraire fréquents sur les côtes orientales de ces continents.

Dans les îles Bermudes, dont l'abord est si dangereux à cause des nombreux récifs de corail qui les entourent, nous avons un exemple de l influence exercée par les eaux chaudes et fortement chargées de sel du Gulfstream. La limite générale des lithophytes est le parallèle de 240, et ces îles se trouvent bien au delà, sous 3 2° 23' de latitude.

Humboldt s'est arrêté, pendant un de ses voyages, dans les îles de corail du golfe du Mexique et de la mer des Antilles. Il a surtout admiré un groupe de ces îles qui se trouve au sud de Cuba et que sa belle végétation fait comparer à un archipel de jardins flottants, - les Jardins du Roi et de la Reine, comme les appelle Colomb. On y observe ce phénomène singulier, signalé d ailleurs aussi dans des atolls de l Océanie, c est que la plupart des lagunes sont remplies d'eau douce.


Humboldt cherche à l'expliquer de deux manières différentes : soit parla filtration des eaux pluviales, soit par une pression hydrostatique provenant d'une côte éloignée, comme Venise en présente un exemple. Les poissons et même les tortues de mer sont très-friands de l'enduit gélatineux qui recouvre la maçonnerie des corallines; aussi viennent-ils en grand nombre dans les parages des Jardins.

On se sert au Japon d'une parure précieuse à laquelle des voyageurs ont donné le singulier nom de plante de verre. C'est une aigrette qui ressemble à un grand pinceau de crin blanc, et qui se compose de fils siliceux longs de 3o à 5o centi. mètres. Le faisceau qu'ils forment n'atteint pas la grosseur d'un doigt; il est contourné en spirale et à demi engagé dans une gaîne dont la matière ressemble à du cuir brun garni de boutons étoilés. On ignore si cet objet se porte en parure sur la tête, ou s'il ne sert qu'à orner les appartements. C'est évidemment un produit organique. Les fibres siliceuses ressemblent à du verre filé ; mais elles ont une structure bien visible, et les boutons étoilés de l'enveloppe peuvent être comparés à des zoophytes du corail séchés. Cependant cette forme d'organisation est très-énigmatique. Tous les polypes connus, en quelque grand nombre qu'on les


ait recueillis, soit dans les mers, soit dans les formations fossiles des montagnes, présentent, au milieu des demeures qu'ils construisent, des axes en carbonate de chaux ou en corne ; mais jamais on n'en a rencontré de vivants ou de fossiles avec des axes siliceux. Cela serait autant en contradiction avec toutes les lois de distribution de la matière dans l'organisation des animaux que la rencontre d'un os en silice dans le squelette d'un oiseau ou d'un homme. Le professeur Ehrenberg considère la plante de verre comme une combinaison artificielle de corps organiques différents; il rappelle à ce sujet les petites idoles que les Indiens introduisent dans le coquillage qui produit les perles et qu'ils en retirent lorsqu'elles se sont recouvertes de nacre. Les fils siliceux seraient probablement une espèce encore inconnue de grandes tethya qu'on rassemble en faisceau et qu'on introduit ensuite, en leur imprimant une torsion en spirale, dans un corail de forme cylindrique. Après cette opération, le corps ainsi composé serait replongé dans la mer, comme les coquilles pourvues d'idoles, de manière à laisser le polype former une gaîne plus ou moins grande en continuant à se développer.


IV

PERLES ET CORAIL

Produits de la mer. — La pourpre. — Les éponges. — Le plongeur. — Pêche du corail. — Amulettes. — Les perles. — Pêche des perles à Ceylan. — Pêcheries de la Chine et du Pacifique. — Trésors de perles au Pérou. — Multiplication des huîtres perlières. — Cloches à plongeur. — Bateaux sous-marins. — Le scaphandre..

La mer fournit depuis longtemps à l'homme des produits très-précieux sous le rapport de la beauté aussi bien que sous celui de l'utilité, et elle renferme probablement encore un grand nombre de richesses inconnues. Les matériaux extraits de ses eaux par l'évaporation et par les procédés chimiques jouent un grand rôle dans l'alimentation et


dans l'industrie. Les plantes qu'elle rejette sur ses plages fournissent l'iode et le brome employés dans la médecine et la photographie. On a fabriqué des étoffes très-fortes et d'un bel éclat chatoyant avec le byssus fibreux à l'aide duquel la plupart des coquillages se fixent sur les rochers. Tout le monde connaît l'importance de la pourpre dans l'antiquité, où elle était l'apanage des plus hautes dignités. Les savants ont reconnu que cette couleur se retirait de plusieurs gastéropodes marins, principalement de quelques-uns du genre Rocher (murex). A Pompéi on a découvert des tas de leurs coquilles près des boutiques des teinturiers. La matière colorante est rendue insoluble et inaltérable par l'action des rayons solaires. Sous le ciel lumineux de la Grèce et de l'Italie, le ton des étoffes pourprées se renforçait au lieu de pâlir : c'est ce qui sans doute lui valait la préférence chez les anciens, si souvent exposés au soleil dans leurs cérémonies publiques.

Aujourd'hui la chimie sait tirer de la houille de splendides couleurs applicables à l'industrie. D'après les recherches de M. Martin Ziégler (i), celles qu'on désigne sous le nom d'aniline rouge et d'ani-

(1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1867.


line violette se trouvent dans la nature : les coquillages du genre Aplysis, qui vivent sur les côtes de la Méditerranée, les renferment, à un grand degré de concentration, dans une vésicule placée sous les organes de la respiration. Ce liquide est pour l'animal une arme doublement défensive, d'abord parce que sa projection produit dans l'eau un nuage intense, ensuite parce qu'il constitue un poison très-violent. C'est avec un liquide semblable, enlevé aux sèches, qu'on prépare la sépia de Rome, fréquemment employée dans la peinture à l'aquarelle.

Les éponges, dont les usages domestiques et industriels sont si nombreux, ont été pendant longtemps une production mystérieuse pour les naturalistes. Les anciens, Pline et Dioscoride entre autres, prétendaient qu'elles étaient pourvues de sens, parce qu'elles semblaient fuir la main qui voulait les saisir. Plusieurs modernes les avaient fait descendre au rang des simples végétaux, mais des observations plus précises convainquirent de leur animalité les savants français Peyssonnel et Trembley, dont les vues furent adoptées par Linnée.

On distingue dans l'éponge vivante, qu'on retire de la mer, deux substances bien différentes : la première, externe, formée par une sorte de mu-


cosité gélatineuse, recouvre la seconde, dont le tissu fibreux et feutré présente un grand nombre de pores et d'orifices de différentes grandeurs. Nous connaissons tous cette dernière, qui conserve ses qualités de compressibilité et d'élasticité en acquérant en outre, après sa préparation, celle de s'imbiber rapidement par la capillarité.

La partie molle est d'une nature si tendre que le moindre contact l'endommage; rien de plus simple d'ailleurs que l'organisation des animalcules spongiaires dont elle se compose. La nourriture leur parvient par une circulation très-rapide de l'eau de mer dans les innombrables petits canaux intérieurs, circulation produite par une sorte de vibration, car on a constaté l'absence de contractions visibles aux orifices qui donnent passage au liquide. Le docteur Grant, auquel on doit des études très-complètes sur ces polypiers, expose ainsi sa curieuse découverte : «Je mis, ditil, une parcelle d'éponge sous le microscope avec de l'eau de mer. La réflexion de la lumière à travers le liquide me fit bientôt apercevoir des particules opaques flottant sur l'eau. En plaçant le vase de manière à mettre en vue les pores de l'éponge, je contemplai pour la première fois le splendide spectacle de cette fontaine vivante, vomissant en avant d'une cavité circulaire un torrent impé-


tueux, et lançant au loin des myriades de masses opaques. La beauté et la nouveauté d'une pareille scène attirèrent longtemps mon attention; mais après vingt-cinq minutes d'observation constante, je fus obligé de fermer mes yeux fatigués, sans avoir vu le torrent changer un seul instant de direction ou diminuer de vitesse. Je continuai à observer le même orifice à de courts intervalles, et toujours je constatai la même rapidité. Au bout de cinq heures, le courant diminua graduellement, et il cessa tout à fait l'heure suivante. »

La propagation des éponges se fait par des germes ovoïdes jaunâtres ayant à.l'une des extrémités de petits cils vibratoires qui leur servent de soutien dans l'eau immédiatement après leur expulsion. Chaque germe nage, pendant quelques jours, la partie la plus dilatée en avant, et paraît avoir une sorte d'instinct pour éviter le danger, car, si un obstacle arrête sa course, les vibrations des cils diminuent, et lorsqu'il est tourné elles reprennent leur rapidité. Fixé enfin sur une paroi rocheuse, cet œuf se développe, et dès qu'il a acquis un diamètre d'environ 3 millimètres, on distingue parfaitement, à l'aide du microscope, l'image de l'éponge mère en miniature.

On rencontre les éponges dans les fonds de 15 à 125 mètres, au milieu des excavations


abritées, dont leurs groupes, d'apparence bigarrée et cotonneuse, couvrent les anfractuosités.

Les espèces les plus communes en qualité et en quantité se trouvent au sein des eaux chaudes, comme celles du golfe du Mexique ou de la mer Rouge, où quelques-unes atteignent de grandes dimensions (un mètre et plus de hauteur). Dans les régions tempérées, et en particulier dans la mer Méditerranée, elles sont plus belles. A mesure qu'on remonte vers le nord leur tissu devient plus serré, mais leur volume diminue. Les contrées glaciales n'en renferment pas.

La -durée de la vie des éponges n'a pas été exactement déterminée; on ignore aussi la vitesse de leur accroissement. Nous pouvons dire cependant que, selon la pratique la plus générale, on peut revenir pêcher dès la troisième année dans les lieux où elles ont été presque entièrement épuisées.

Dans le Levant, on pêche les éponges sur les côtes de Caramanie et de Syrie. Elles sont surtout abondantes et d'une grande finesse de Beyrout à Alexandrette, sur les points du littoral, où le fond est très-rocailleux.

Les Grecs y arrivent dans leurs saccolèves, qui portent de quinze à vingt hommes, et ils louent


ensuite aux habitants du pays des barques de pêche sur lesquelles ils se dispersent le long de la côte. Deux procédés sont employés pour la pêche. Les Hydriotes draguent avec un trident à lances tranchantes recourbées, et pour mieux voir les éponges au fond de la mer, ils répandent souvent de l'huile à la surface. Tous les autres pêcheurs plongent armés d'un couteau à forte lame, à l'aide duquel ils détachent les éponges des rochers.

Dans le golfe du Mexique, où les éponges se développent à de faibles profondeurs, on les recueille avec plus de facilité. Ce sont en général des Espagnols, des Américains et des Anglais qui se livrent à cette occupation. Ils enfoncent dans l'eau une grande perche le long de laquelle ils descendent jusqu'aux rochers couverts d'épongés.

Nous empruntons à une note de M. E. Lamiral les détails suivants sur les plongeurs de la côte de Syrie. « Chaque barque, dit-il, à voiles ou à rames, est montée par quatre pêcheurs et un veilleur. Le plongeur, ou Maronite, ou Grec, ou musulman, après avoir fait ses dévotions suivant sa religion, se place sur l'avant ponté de la barque, qui est amarrée par une ancre mouillée au loin.

« Nu, un filet ou poche suspendu au cou, le plongeur s'accroupit sur ses talons et tient entre ses mains une pierre plate, blanche, généralement


de marbre, arrondie du haut, attachée par un cordeau solide dont l'autre bout reste fixé au bateau.

« Après avoir respiré longuement et fortement, de manière à gonfler ses poumons jusqu 'à faire bomber le thorax, il s'élance en piquant une tête, les bras *tendus, tenant en avant le marbre qui l 'entraîne et s'aidant de ses pieds pour aller plus vite; parvenu sur le fond, il cherche sa proie. Le veilleur, qui tient à bras tendu le cordeau auquel est amarrée la pierre blanche et que tient aussi le plongeur, suit tous les mouvements de l'homme, et quand celui-ci, fatigué, l'avertit par une secousse qu'il veut remonter, deux camarades halent sur le cordeau avec tant de rapidité que le plongeur, en arrivant à la surface, sort plus de la moitié du corps hors de la mer; au bout de ses forces, il s'accroche au bord du bateau, un camarade lui saisit le poignet pour le soutenir pendant qu'il rend par la bouche, par le nez, par les oreilles, de l'eau souvent teintée de sang. Il est quelques moments à se remettre, et comme les quatre pêcheurs, qui doivent plonger chacun à son tour, emploient un certain temps à se préparer, c'est d'une à deux fois par heure que le même plongeur peut s'exercer.

« Ces hommes partent à jeun au lever du soleil et n'arrivent guère qu'une heure ou deux après


eur départ sur le lieu de pêche; ils s'arrangent toujours pour retourner entre deux et trois heures de 1 après-midi au port choisi sur la côte. Dans un beau temps, par une profondeur moyenne, et dans une bonne localité, les plongeurs peuvent chacun rapporter de cinq à huit éponges. Arrivés à terre, ils forment au rivage des enceintes de galets où ils piétinent sur les éponges pour en faire sortir la matière animale; on les lave à plùsieurs eaux, on es bat à la main, etc., jusqu'à ce que la charpente seule montre son tissu (i).

Le voyage de M. Lamiral dans le Levant avait pour but de recueillir un certain nombre d'éponges vivantes pour les transporter sur les côtes méridionales de [France et d'Algérie. Pendant la traversée elles furent immergées à l'arrière du navire. Ce premier essai d'acclimatation n'eut pas de succès, mais les obstacles rencontrés, parmi lesquels il faut compter le vol, sont de nature à pouvoir être évités. Des tentatives nouvelles sont d ailleurs en cours d'exécution : nous citerons en particulier celles du général Garibaldi aux îles de la Madeleine et celles du professeur Oscar Schmidt sur les côtes de Dalmatie, près du port de Lésina. La composition et la tem-

(1) Bulletin de la Société d'acclimatation, tome VIII.


pérature des eaux sont à peu près identiques dans les diverses régions de la Méditerranée. Les conditions spéciales qui doivent favoriser la transplantation des éponges syriennes paraissent être la qualité rocheuse du fond et surtout la rapidité des courants de la mer. Aucun autre polypier ne décompose l'eau aussi promptement et n'exige pour sa nourriture un plus grand afflux dans un court espace de temps.

Parmi les nombreux coraux dont les mers sont parsemées il n'y a que ceux de certaines parties de la Méditerranée qui fournissent la précieuse matière minérale rouge dont on fabrique les bijoux. Cette matière constitue le polypier d une colonie de frêles animaux qui étalent à l'extérieur d'élé. gants tentacules blancs disposés en étoiles, et qui se trouvent réunis par une gangue commune à l'aide de laquelle ils se mettent en relations. La gangue ou écorce tapisse les tiges pierreuses, qui ont la forme d'arbustes et croissent par l'accumulation de très-petites concrétions cal-


caires dont cette enveloppe est remplie. Jamais l'axe solide ne s'étend jusqu'au sommet des branches. Leurs extrémités, comme toutes les parties jeunes de l'arborescence, sont couvertes par l'écorce et restent molles. C'est cette particularité qui a donné lieu à la vieille croyance répandue chez les pêcheurs, que le corail n'acquiert sa dureté qu'après sa sortie de la mer.

Quand elles commencent à se former, les branches ne sont pas régulièrement cylindriques, mais bientôt les inégalités s'effacent par suite de nouvelles couches. Une coupe transversale fait voir que leur coloration n'est pas uniforme, des bandes claires y alternent avec des bandes rayonnantes de teinte foncée.

On ne trouve jamais le corail à moins de 3 mètres, ni au-delà de 3oo mètres. A cette dernière distance il est très-petit et de faible valeur. Souvent il est placé au milieu de ce que les pêcheurs appellent une machiotta, assemblage confus 011 se mêlent d'autres polypiers, des coquillages divers et des plantes marines. Sur un grand nombre de points on le rencontre implanté en buissons le long des crêtes rocheuses, étendant ses rameaux dans tous les sens.

On recueille ce précieux produit à l'aide d'un engin tout spécial composé d'une croix de bois


fortement lestée dont les bras ont environ 2 mètres de long et portent, suspendus de distance en distance, soit des filets à mailles lâches, soit des touffes de filaments grossiers. Lorsque le patron de la barque se croit au-dessus d'un banc de corail, il fait descendre la croix, en la maintenant horizontale à l'aide de cordes attachées au milieu et aux extrémités. On exécute différents mouvements dans le but d'étendre les filets ou les touffes en largeur et de les faire pénétrer dans le creux des rochers. Souvent un plongeur descend pour diriger l'engin de pêche vers les parties les plus abondamment pourvues de corail. Il est ainsi engagé par un grand nombre de points au milieu des réseaux des branches et, fréquemment aussi, dans les anfractuosités du sol, de sorte qu'on ne peut le dégager que difficilement et qu'il faut quelquefois les efforts réitérés de six à huit hommes agissant sur les barres d'un cabestan pour le ramener à bord. Maintes fois on y voit suspendus des fragments de rocher à côté des arbrisseaux de corail.

On se sert aussi d'un instrument plus maniable pouvant atteindre les endroits inaccessibles aux grands engins : c'est une petite croix

armée à la fois de filets et ' ce de fer courbée en cercle et garni,iÙ'd,t1 ,, Ahdessous de cette lance est susperiflrfàn £& 4çstfiju^ recevoir

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les branches brisées. Elle permet de racler le dessous des rochers et n'épargne ainsi aucun pied de corail. On lui reproche de nuire à son accroissement parce que les jeunes bourgeons sont détruits par elle tandis que les filets les respectent.

La pêche du corail se fait principalement sur les côtes de La Calle en Algérie, où un établissement, connu sous le nom de Bastion de France, fut fondé par des négociants de Marseille, dès le règne de Charles IX, sur plusieurs points de l'Italie méridionale et de la Sicile, dans le détroit de Bonifacio et dans le voisinage des îles Baléares, enfin sur les côtes de France, depuis le cap Couronne jusqu'à Saint-Tropez. C'est le corail qu'on récolte dans nos eaux qui passe pour avoir la couleur la plus vive. Immédiatement après vient l'italien ; les parages de l'Afrique septentrionale fournissent le plus gros et le moins brillant.

Malgré les bénéfices considérables de l'industrie coraillère, nous voyons nos plus riches pêcheries peu fréquentées par les marins français. Le dixième seulement des bateaux est monté par eux : tous les autres sont italiens ou espagnols. Depuis quelque temps le gouvernement s'est efforcé d'encourager cette pêche, dont le produit peut s'évaluer à une valeur de 3 millions, qui devient aisément quadruple par les transformations que l'art fait


subir au corail. Une mission a été confiée sur la côte d'Algérie à un naturaliste éminent, M.- Lacaze-Duthiers, qui a dû étudier la question du corail sous toutes ses faces. Il avait surtout à rechercher si les bancs n'étaient pas appauvris par une pêche trop active et trop continue, et s'il ne serait pas possible, en se basant sur la connaissance des faits relatifs à la reproduction, de les aménager de telle sorte que leurs produits pussent s'accroître. Le meilleur système paraît être celui qui est ap-^ pliqué avec efficacité aux forêts. La pêche doit être permise seulement chaque année dans des zones déterminées, et il faut subordonner la durée de la suspension à celle de l accroissement des polypiers. Par une semblable mesure on éloignerait non-seulement les chances d 'épuisement, mais on provoquerait en même temps, parmi les pêcheurs, la recherche de gisements nouveaux.

Plusieurs autres perfectionnements ont été proposés par M. Lacaze-Duthiers (i). Il s est surtout attaché à l'indication des moyens de fixer sur les côtes de notre colonie une population de corailleurs qui lui ferait recouvrer un élément de prospérité qu'elle a malheureusement laissé perdre.

Les anciens considéraient le corail comme une

(1) Histoire naturelle du corail. Paris, 1864,


substance douée de merveilleuses vertus médicicinafes, et longtemps la thérapeutique moderne l'a encore compté au nombre de ses ressources. Chez les Romains on s'en servait pour fabriquer des amulettes; les Gaulois le plaçaient comme ornement sur leurs casques et leurs boucliers. Aujourd'hui son usage se borne aux bijoux, qui sont principalement travaillés en France et en Italie. Marseille a de très-habiles artistes en ce genre, et nos dernières expositions ont montré leur supériorité dans le choix de la matière, la taille, le poli et le bon goût des dessins. On donne, dans le commerce, différents noms aux nombreuses variétés du corail : il y a l'écume de sang, la fleur de sang, le premier, deuxième, troisième sang, etc. Le corail rose, qu'on recherche particulièrement, est très-rare et, par suite, très-cher.

L'usage des perles, de ce rare produit de la mer qui rivalise de beauté avec les diamants, remonte à une période antérieure à l'histoire. La légende indienne en attribue la découverte au dieu Krischna, qui tira ce précieux joyau de l'Océan pour


en orner sa fille Pandaïa. On voit figurer dans le Ramayana des éléphants couverts de perles. En Perse, on les connaissait dès le temps de Cyrus; chez les Romains, elles devinrent l'objet d 'un luxe extravagant à la fin de la République, témoin celle donnée par César à la mère de Brutus et estimée à 1,200,000 fr. de notre monnaie. La fameuse perle que Cléopâtre fit dissoudre dans une coupe, lors d'une fête où elle voulut lutter de prodigalité avec Antoine, valait, dit-on, davantage. Il y a deux siècles, le shah de Perse acheta une perle magnifique près de 3 millions par l'entremise du voyageur Tavernier. Les Orientaux ont une vraie passion pour ces « gouttes de rosée solidifiées J), et leurs beaux costumes permettent à merveille de les y étaler. En Europe, les Hongrois ont surtout gardé l'amour de ce riche ornement. Dans une cérémonie de couronnement qui eut lieu il y a quelques années, le prince Esterhazy, ambassadeur d'Autriche, apparut pour ainsi dire ruisselant de perles. On voyait à la dernière exposition universelle une perle grosse comme un œuf de perdrix et douée d'un admirable éclat irisé ou orient.

Ces splendides joyaux ne sont cependant que de simples concrétions formées dans les coquillages à parois nacrées. On en compte une multitude d'espèces , parmi lesquelles la Pintadine perle-mère


se distingue par l'abondance et la beauté de ses produits. Nos huîtres et nos moules communes renferment quelquefois des perles. Les moules des marais et les mulettes des rivières sont également perlières. La coquille appelée grand - bénitier (tridacna gigantea), qu'on place souvent dans les églises, a fourni des perles sphériques de la taille d'un œuf de poule. Les valves rougeâtres des pinnes marines de la Méditerranée renferment de très-jolies perles roses, et on en a trouvé également dans la turbinelle de l'océan Indien. D'autres colorations, le jaune clair, le vert, le bleu et même le noir, se présentent dans quelques cas. Elles paraissent tenir à la nature du sol sur lequel le mollusque vit attaché.

La substance de la nacre et celle des perles sont analogues; mais leur formation diffère en ce que les couches de la première sont planes et celles des secondes courbes et concentriques. On a beau arrondir un morceau de nacre, il n'acquiert jamais la propriété d'imprimer aux rayons lumineux ce doux brillant à la fois chatoyant et mat qui est donné à la perle par le travail lent de la nature.

La forme de la concrétion perlière dépend de la position du noyau qui en est la cause première. C'est entre les plis du manteau du mollusque qu'on trouve les petites sphères ; près des char-


nières, la perle est souvent déprimée, et, si elle approche des parois de la coquille, les adhérences lui donnent le plus souvent les formes irrégulières des perles appelées baroques.

Différentes opinions ont été émises pour expliquer la présence du noyau autour duquel les perles se forment. Le docteur Kelaart prétend que les centres de concrétion sont des œufs qui s'échappent au travers d'un ovaire très-développé et se fixent dans les interstices du manteau. Suivant un autre naturaliste, M. Gwyn Jeffrys, ces centres seraient formés par de petits crustacés parasites que l'huître perlière, irritée par leur présence, étouffe sous une couche de matière nacrée. Des études au microscope faites par le professeur de Filippi sur des moules d'étang dont le manteau renfermait des larves de distomes lui ont fait découvrir des restes de ces animalcules engagés dans plusieurs concrétions perlées à diverses périodes de développement. Ce savant admet que la production des perles est en rapport direct avec la diffusion géographique des petits parasites. Si des grains de sable entrent dans une coquille entr'ouverte et se placent de manière à ne pouvoir être expulsés, ils peuvent aussi être couverts à l'époque de la sécrétion nacrée d'une première enveloppe et devenir le rudiment d'une perle fine. Cette observation a été mise à profit par


les Indiens et les Chinois ; ils introduisent de petits fragments de verre ou de métal dans le manteau de la pintadine, et même ils ont imaginé de produire l'espèce d'irritation maladive qui engendre la perle en perçant la coquille du mollusque avec une tarière très-mince pour y placer le corps étranger.

Les parages de l'île de Ceylan étaient déjà dans l'antiquité une abondante source de perles. La pêche ne paraît pas y avoir été interrompue dans le moyen âge; le célèbre voyageur Ibn Batouta la trouva en pleine activité en 1324. Quand les Portugais y arrivèrent au commencement du XVIe siècle, la saison de la pêche réunissait de cinquante à soixante mille hommes, plongeurs, marins et marchands de toute espèce. Les perles recueillies par les indigènes étaient achetées à trèsbas prix par les dominateurs étrangers. Il y avait à la même époque de nombreux pêcheurs dans le golfe Persique, et les produits des deux régions se réunissaient sur le marché de Goa. Après le règne des Portugais, qui dura environ un siècle, les Hollandais leur succédèrent, et ceux-ci établirent un règlement pour ménager leurs ressources, en ne permettant de pêcher que tous les trois ans. L'exploitation fut interrompue en 1766, par suite d'une mésintelligence avec les princes indiens du


Dekkan, dont Ceylan dépendait. Quand les Anglais s'en emparèrent vers la fin du siècle, il y eut une série de récoltes très-abondantes et composées de grosses perles, à cause du long chômage qui venait d'avoir lieu. Pendant assez longtemps la pêche fut encore très-riche, les nouveaux exploitants ayant adopté la division des bancs d 'huîtres perlières en sept zones dont une seule était visitée chaque année. Mais il y eut ensuite de nombreuses contraventions à cette sage mesure, et presque tous les bancs ayant été dévastés par un des derniers gouverneurs, les récoltes diminuèrent considérablement.

On choisit pour la pêche le moment où les eaux sont le plus tranquilles, ce qui a lieu en mars et en avril. Elle attire toujours un très-grand concours de monde de toutes les parties de l 'Inde. Nous trouvons au sujet de cette industrie d'intéressants détails dans un mémoire du professeur Mæbius, de Hambourg : « Le rivage, dit-il, brûlé par le soleil et désert tout le reste de l'année, se couvre comme en un clin d'œil de huttes de bambous couvertes de feuilles de palmier, de paille de riz, et parfois d'étoffes de coton. C'est le pauvre peuple qui est en majorité; aussi ne voit-on aux étalages des marchands que vêtements grossiers et marmites en terre pour faire bouillir le riz. Quel-


ques riches indigènes arrivent en superbes litières et en vêtements brodés d'or. En i833, une des dernières bonnes années, douze cent cinquante plongeurs étaient occupés sur cent vingt-cinq barques; onze cent dix étaient venues de la côte indienne et cent cinquante seulement appartenaient à Ceylan.

« Un coup de canon donne à minuit le signal des préparatifs. Les barques se détachent de la rive et vont se ranger tout près de la chaloupe du gouvernement, qui est postée là depuis plusieurs jours et constitue le quartier général de la pêche. Un nouveau signal retentit entre six et sept heures du matin; les barques se rendent aux places marquées d'avance; on prépare l'appareil nécessaire au plongeur et on l'attache au flanc extérieur des barques. D'un côté pendent trois et de l'autre deux pierres en forme de pain de sucre; elles pèsent de 8 à i3 kilogrammes, selon le poids du plongeur dont elles doivent faciliter la descente. La corde qui les retient passe par leur pointe, audessus de laquelle elle forme un nœud coulant qui doit recevoir le pied du plongeur. Celui-ci est complétement nu, sauf une large ceinture de coton dans laquelle il place parfois un poids supplémentaire. Il met son pied droit dans le nœud, serre du gauche son filet, et la descente s'opère. Arrivé au


fond, il se dégage de la pierre, s'accroupit, et jette rapidement dans son filet ce que sa main peut saisir. Quand le filet est plein, il agite la corde pour donner le signal de l'ascension. Cinq plongeurs descendent de cette manière, toujours à la fois, de la même barque, car ils sont deux par chaque pierre, dont l'un se repose pendant que l'autre est au fond; Les descentes se font avec un bruit considérable qui met en fuite les requins, de sorte que les accidents sont rares. Néanmoins les plongeurs s'abouchent avec des « conjurateurs de requins », qui sont tenus de rester sur le rivage pendant la pêche et de prier, moyennant une part du produit. Les plongeurs catholiques, derniers débris de l 'exploitation portugaise, ont soin, avant de descendre, de s'attacher aux bras des sentences de la Bible. Le plongeur reste habituellement sous l eau de 53 à 57 secondes; il peut aller jusqu'à 90 secondes, mais alors il remonte très-épuisé. Chaque individu descend de quarante à cinquante fois par jour, et remonte de mille à quatre mille coquillages. La charge moyenne d'une barque, à la fin de la journée, varie entre vingt et trente mille. Avec les plongeurs, chaque barque porte dix aides, un pilote, un mousse et un guide, et, si la pêche a lieu pour le compte du gouvernement, un soldat. Le plongeur est rétribué en argent ou par une part


dans la pêche. Aussitôt les barques rentrées, le déchargement commence; on fait la part de'ce qui revient aux temples, aux employés et aux conjurateurs de requins. Le reste est vendu en coquilles, que les acquéreurs ouvrent souvent tout de suite pour voir s'ils ont fait une bonne affaire. Mais ceux qui ont acheté une grande quantité de mollusques ne les ouvrent pas : ils les laissent pourrir dans un espace fermé, ce qui demande deux ou trois jours; ensuite ils les lavent dans des auges avec de l'eau de mer jusqu'à ce que toutes les perles soient réunies au fond. On les range ensuite suivant leurs grandeurs en neuf classes, en les faisant passer par neuf cribles, et souvent on les fore avant de les vendre. C'est une opération dans laquelle les indigènes sont fort habiles : ils serrent les perles dans de petits trous pratiqués dans un bloc de bois, les mouillent d'eau de mer et les percent au moyen d'un perçoir à aiguilles qu ils font mouvoir à l'aide d'un arc. »

Dans le golfe Persique la pêche des perles relève des princes indigènes, qui la laissent entièrement libre en se contentant de prélever un léger impôt sur les pêcheurs. On expédie les produits à Bombay , où les négociants perses s'occupent principalement de ce commerce. On estime à 6 millions de francs la récolte annuelle qui se fait aujourd'hui


sur les bancs de Bahrein seulement. La mer Rouge possède aussi un grand nombre de bancs, parmi lesquels ceux qui environnent l'îlot de Dahalek sont les plus réputés. Les habitants vivent exclusivement du produit de la pêche, qu'ils font faire par des esclaves noirs dressés dès leur jeune âge à ce métier périlleux.

Les Chinois achètent beaucoup de perles; autrefois il y avait des pêcheries considérables dans les parages de l'île Formose et sur quelques-unes des côtes du Céleste-Empire; mais aujourd'hui cette industrie y est généralement abandonnée. Bien qu'on trouve des perles de la plus belle eau près des îles du Japon, les habitants de ce pays n'y attachent pas une aussi grande importance que les Chinois. Tout l'océan Pacifique paraît être une grande mer de perles; sur la plupart de ses îles les navigateurs ont trouvé les sauvages parés de perles et allant à la pêche' des poissons avec des hameçons taillés dans la nacre. La pêche des huîtres perlières est une des principales industries des Kanacks dans les établissements français de l'Océanie. L'exportation annuelle peut être évaluée à 7 ou 800,000 francs. L'archipel des îles Gambier est le principal lieu exploité; le centre du commerce est Taïti, où l'on envoie tous les produits de la pêche. La nacre des coquillages est surtout


très-belle, épaisse,, et d'un blanc d'argent. Les -huîtres perlières sont aussi très-abondantes sur les côtes de la Nouvelle-Calédonie, mais elles se trouvent à une grande profondeur. Les plages de cette île sont aussi fréquemment parsemées' de nautiles qui fournissent une nacre très-estimée.

La découverte de l'Amériq ue fit tomber dans les mains des conquérants espagnols d'immenses moissons de perles recueillies pendant des siècles par les Indiens. En arrivant dans le golfe Paria, Colomb trouva les habitants ornés de colliers et de bracelets de perles magnifiques. Ils lui montrèrent les coquillages d'où ils les avaient tirées et lui indiquèrent, au nord du golfe, les îles Margarita et Cubogna comme le lieu de production le plus riche. Les équipages échangeaient de la menue quincaillerie contre de splendides parures.

Les peuples plus civilisés du Nouveau-Continent connaissaient mieux le prix de ces joyaux. Au Pérou, les lois ne permettaient ce luxe qu'aux personnes de sang royal. Au Mexique, on mêlait des perles à l'or et à l'argent dont les temples étaient revêtus. Sur les places de la capitale, on voyait se dresser en grand nombre des idoles colossales chargées de perles et de pierreries.

« Le temple de Talomeco, que les Espagnols découvrirent dans la Floride, était, dit M. Mœbius,


un édifice long de 100 pieds et large de 40 pieds, que surmontait un toit aigu formé de nattes superposées et artistement tressées. Du sommet pendaient jusqu'à terre des rangées de coquillages nacrés, dont les vides étaient comblés par des perles. Des guirlandes semblables pendaient du toit à l'intérieur, où l'on voyait une rangée de statues de guerriers dont les armures étaient couvertes de perles. Enfin, au milieu du temple, des perles s'étageaient en pyramides dans plusieurs vases. D'où venaient ces richesses supérieures aux rêves des Mille et une Nuits?Dans ce pays, les perles étaient exclusivement réservées aux morts ; nul homme vivant n'en portait, et ce temple renfermait la sépulture des chefs de la contrée. Toutes les perles qui étaient arrivées aux mains des indigènes s'y étaient donc accumulées depuis un temps incalculable. »

D'intéressantes tentatives au sujet de la multiplication des huîtres perlières sont actuellement en voie d'exécution sur les côtes de l 'Inde. Les expériences du naturaliste Kelaartont paru très-favorables à leur culture artificielle. En ayant placé un certain nombre dans un aquarium, il remarqua que ces mollusques se retiraient spontanément de leur première place et se fixaient à une autre partie de la paroi plusieurs fois à d'assez courts inter-


valles. Des huîtres conservées pendant trois jours dans cet aquarium furent rejetées à la mer sans avoir cessé de vivre, et M. Kelaart réussit même à en former de petites colonies dans la pleine mer à différentes profondeurs. L'animal ne peut détacher son byssus du roc auquel il s'est fixé, mais il a le pouvoir de le détacher de son corps et d'en reproduire un autre à l'aide duquel il se fixe de nouveau aux rochers.

Cette expérience indique ce qui doit se passer dans la mer, où les huîtres perlières développées sur des bancs artificiels peuvent devenir une importante ressource. Le capitaine Shipps en a tenté l'application sur une grande échelle. Il a fait transporter sur des bancs situés à Tuticorin plusieurs milliers de coquilles enlevées à la côte de Ceylan. La réussite de cet essai est très-problable, car après un petit nombre de mois on a reconnu que nonseulement les animaux du parc artificiel étaient parfaitement vivants, mais qu'ils avaient donné naissance à une grande quantité de petites huîtres perlières.


Nous avons vu que dans la recherche des produits utiles ou précieux de la mer, dont nous venons de parler, l'intervention des plongeurs est presque toujours nécessaire. Leur travail peut compter parmi les plus rudes et les plus dangereux. Très-souvent ils remontent dans leurs barques épuisés et rendant du sang par la bouche et les oreilles. « Les plongeurs indiens, arabes ou africains, dit M. Lamiral, ne deviennent pas vieux ; leur corps se couvre de plaies par l'effet de la rupture intérieure des vaisseaux sanguins; leur vue s'affaiblit, et quelquefois, au sortir de l 'eau, ils sont frappés d'apoplexie. » Ce que ces malheureux redoutent le plus, c'est le danger de rencontrer des requins, et ces terribles ennemis ne sont pas rares dans la plupart des parages où se font les pêches.

Dans d'autres circonstances, pour un grand nombre de constructions sous-marines, pour la visite et la réparation des navires, on est aussi obligé d'employer des plongeurs, et on a dû depuis longtemps chercher à inventer un appareil propre à seconder leurs courageux efforts, à diminuer leurs périls et leurs souffrances.

On a commencé à employer, il y a une quarantaine d'années, les cloches à plongeurs. Le travailleur peut séjourner pendant quelque temps sous cet abri, où on lui envoie de l'air, et du sein duquel


il peut communiquer par signaux avec les personnes chargées de la surveillance. L'appareil est utile dans beaucoup de circonstarices : l'équarrissage ou soulevage des pierres, la préparation des mines, etc.; mais la manœuvre exigée par son déplacement est souvent difficile quand on se trouve dans un lieu exposé aux courants, et il ne permet guère l'accès d'un fond irrégulier.

L'invention des bateaux sous-marins a aussi donné la faculté de descendre dans les profondeurs, et elle paraît favorable à la pêche des éponges, des coraux et des perles. M. Lamiral pense que de tels appareils faciliteraient beaucoup la formation des bancs artificiels de culture sous-marine.

Dans le bateau du docteur Payerne, qui a trèsconvenablement fonctionné pour l'exécution des travaux hydrauliques dans le port de Cherbourg, les manœuvres pour l'immersion et l'émersion, ainsi que pour les divers mouvements au fond de l'eau, se font aisément. On établit la communication de l'équipage avec le sol à l'aide d'un approvisionnement d'air comprimé qui donne la faculté d'équilibrer l'atmosphère du bateau avec la colonne d'eau qui pèse sur lui, d'ouvrir ensuite le fond de la chambre de travail, d'en expulser l'eau et d'y vaquer à toutes les occupations désirables avec moins de gêne que sous la cloche à plongeur.


Dans un rapport à la Société d'acclimatation, M. Ad. Focillon mettait ainsi en relief les avantages que l'emploi de semblables bateaux aurait pour la pêche du corail. « Ils nous permettront, disait-il, de faire cette pê.:he avec une grande supériorité sur nos côtes algériennes sans ravager les bancs corallins. A l'emploi de la croix à filets ou des dragues, qui brisent, arrachent et ramènent incomplétement les débris qu'ils ont faits, sera substituée une cueillette à la main, où chaque morceau pourra être choisi, où l'état des bancs pourra être constaté à chaque saison, où les jeunes pousses de coraux pourront être épargnées, tandis qu'on enlèvera, sans préjudice pour les bancs et avec un grand profit pour la bijouterie, les vieux troncs, que l'engin dragueur abandonne trop souvent. »

Pour obtenir les mêmes résultats, un autre appareil plongeur, désigné sous le nom de scaphandre, nous paraît encore meilleur, car il s'applique à chacun des ouvriers qui descendent sous les eaux. M. du Temple, officier de marine, professeur au port de Brest, en fait la description suivante dans une notice relative à ses différents emplois (i). « Le scaphandre, dit-il, se compose de deux parties es-

■'i) .\rthus lkrtrand, éditeur.


sentielles : la première comprend tous les objets destinés à couvrir le plongeur; la seconde est la pompe à air qui de la surface doit fournir l'air nécessaire à son existence.

« La première partie elle-même peut se diviser en deux : le casque et la pèlerine métallique, le vêtement imperméable.

« Le casque est en cuivre étamé. En avant se trouvent quatre glaces protégées contre les chocs par un grillage en fil de cuivre. A l'endroit qui correspond à la bouche est une soupape-robinet. Sur l'arrière du casque arrive le conduit d'air envoyé par la pompe; cet air, déversé le long des parois intérieures du casque par trois orifices plats, vient lécher toutes les glaces et entraîne ainsi la vapeur qui pourrait les ternir. Sur le côté droit est la soupape, qui laisse échapper l'air respiré par le plongeur et celui en excès fourni par la pompe. Enfin le casque porte des crochets sur lesquels viennent se fixer les cordes de suspension des poids nécessaires pour que le plongeur puisse facilement rester au fond de l'eau. Sur la pèlerine on fixe le vêtement en caoutchouc, dont les mains seules sortent librement.

« Sous ce vêtement le plongeur porte un costume en laine, pour que sa transpiration, qui est toujours abondante, soit absorbée. Il chausse des bro-


dequins portant de fortes semelles en plomb; il boucle une ceinture en cuir sur laquelle est rivé le fourreau d'un poignard qui lui permettrait de couper sous l'eau ce qui lui ferait obstacle; enfin il attache l'extrémité d'une corde maniable tenue à la surface par un homme intelligent.

« On entretient la pompe à une température assez basse pour que l'air qu'elle refoule dans le tube conducteur ne soit pas échauffé, ce qui peut arriver quand on opère à une forte pression.

« En général, tous les hommes peuvent descendre dans l'eau, recouverts du scaphandre, et y séjourner quelques minutes; mais il faut une nature particulière pour faire un bon plongeur, capable ' d'exécuter des travaux pénibles et qui demandent plusieurs heures de travail. Il est bon d'accoupler les plongeurs de telle sorte que celui de dessus et celui de dessous aient une confiance entière l 'un dans l'autre ; alors l'un d'eux tient toujours l'extrémité de la corde de communication tandis que l'autre est au fond, et réciproquement. »

M. Rouquayrol, ingénieur des mines, et M. Denayrouze, lieutenant de vaisseau, ont apporté différents perfectionnements à cet appareil. Désormais une boîte à parois métalliques, que l'ouvrier porte sur le dos, lui fournit l'air qui s'y trouve


comprimé à plusieurs atmosphères. La distribution, exactement proportionnée aux besoins, se fait par un régulateur placé dans cette boîte et mis en mouvement par le poumon de l'homme lui-même. L'emploi d'une très-ingénieuse embouchure en caoutchouc, qui procure un joint hermétique, dispense d'envelopper entièrement la tête au moyen d'un casque. Le nez est fermé par un pince-nez, et Tes yeux sont préservés par un masque à lunettes semblable à celui des chauffeurs des chemins de fer.

Le plongeur, chez lequel une constitution excep-

tionnelle n'est plus nécessaire, acquiert, par ces nouvelles dispositions, une sécurité et une conliance parfaites, se sentant complétement libre de se débarrasser tl l'instant de toute entrave et de remonter à la surface dans tous les cas possibles.

A 2 5 ou 3o mètres de profondeur le travail devient facile à l'aide de ces instruments, et l'on peut considérer comme résolu le problème de la pêche et de la culture sous-marine dans ces limites. Mais plus loin il y aurait à se précautionner contre quelques inconvénients graves que signale M. Millet dans son rapport à la Société d'acclimatation après avoir fait lui-même plusieurs descentes. Si l'on voulait atteindre les profondeurs de ioo à I 5o mètres, dans les stations olt sont situés les


grands bancs corallins, il faudrait surtout cuirasser certaines parties du corps à l'aide de plaques métalliques, afin de les soustraire aux douleurs violentes qu'elles éprouvent par suite dela pression de l'eau.

La sensation de cette pression sur la poitrine cause souvent une sorte de léthargie difficile à vaincre. Une grande somnolence gagne le plongeur, qui s'affaisse sur lui-même et meurt au milieu de ce monde étrange qui remue et glisse autour de lui. «A ces grandes profondeurs, disait un pêcheur de corail en racontant ses impressions à M. Millet, quand le sommeil vous domine, on est comme un homme qui éprouve une certaine volupté à reposer ses membres brisés par une grande fatigue. On s'endort lentement et paisiblement; il faut faire de grands efforts sur soi-même pour se lever, pour donner un signal quelconque, tant le bien-être qu'on éprouve vous attache et vous paralyse. » En 1865, Ù Cassis, un plongeur a péri par suite d'un semblable engourdissement.

En bornant les immersions aux prudentes limites indiquées par les observations précédentes, un vaste champ d'exploration reste encore ouvert. La culture et la récolte des produits de la mer se multiplieront, et il est probable que la découvertc de nouveaux faits scientifiques, amenée par une


étude plus facile des profondeurs, en accroîtra le nombre. « Qui sait, dit Jean Reynaud, tout le profit dont la masse des mers sera peut-être un jour la source? Je ne puis croire que cette immense partie du domaine de l'homme soit condamnée à une stérilité perpétuelle, et à ne verser jamais d'autres richesses dans nos sociétés qu'un peu de sel et de poisson. Je me persuade que c'est la faiblesse de notre esprit, et non la parcimonie de la nature, qui fait la pauvreté de ce vaste territoire; et quand je considère le parti que le Créateur en a tiré pour l économie de la planète, je ne puis m'empêcher de penser que le genre humain, devenu plus puissant, en tirera également parti, à l'exemple de Dieu, • pour sa propre économie. »

Malgré les progrès obtenus dans l'art de la navigation, les naufrages sont encore assez fréquents, les avaries nombreuses, et très-souvent alors le scaphandre peut rendre de grands services, soit pour le sauvetage du navire ou de la cargaison, soit pour la réparation des parties du bâtiment qui sont immergées.

C'est dans une circonstance semblable, à Malte, pendant la guerre de Crimée, que nous vîmes pour la première fois fonctionner cet appareil. Nous avions à bord des soldats éprouvés par un long séjour en Afrique, et dont les traits expressifs mar-


quaient le ferme courage : ce ne fut cependant pas sans émotion qu'ils virent descendre sous le navire le brave ouvrier qui, se confiant à son compagnon de travail, allait réparer notre avarie. Émus aussi, nous le regardions revêtu de ce costume qui nous rappelait l'ancienne chevalerie, et nous pensions que si l'énergie du cœur est toujours nécessaire à l'homme pour avancer vers sa destinée, il ne sera pas toujours contraint d'appliquer cette énergie à la destruction de son semblable pour faire triompher ses convictions.

Une nouvelle carrière s'ouvre maintenant à lui par les conquêtes de l'industrie, par les progrès de la science, par le développement des forces morales, qui accroîtront notre bien-être en assurant par la concorde notre domination sur la nature. Aux vaillants explorateurs du globe, à ceux qui pénètrent dans ses déserts, qui affrontent les glaces du pôle, qui gravissent les hautes cimes, qui descendent dans les régions souterraines ou dans les profondeurs de l'Océan, qui s'élèvent dans les hauteurs de l'atmosphère, à tous, ouvriers et savants, naturalistes ou voyageurs, nous devons un cordial hommage de reconnaissance. Guidés par le génie de la science, ils nous ouvrent le monde inconnu où nous admirons, dans une vivante réalité, des phénomènes plus merveilleux que les poétiques


inventions de la fable et de la légende. Par leur courage, par leur dévouement, par leur zèle généreux qui les attache à la recherche du bien commun, ils préparent un nouvel essor à nos plus nobles facultés, ils éclairent les routes sombres où, après avoir été si longtemps broyés par la guerre, dure nécessité des premiers âges, nous devons nous unir par la science et par l'industrie, par le travail fécond, par la justice, dans la grande paix, dans la durable alliance d'un âge meilleur.


V

M O N S I R E S MARINS

Période fabuleuse. — Traditions tératulogiques. — Sirènes et Tritons.- Moines de mer. — Les Lamantins. — Serpent de mer. — L'Orque. — Les Dauphins. — Licorne marine. — Le Rorqual. — Le Ki-ake)z. — Les Céphalopodes. — Poulpe géant. — L'âge des reptiles. — L'Ichthvosaure, — Le Plésiosaure. — Les Phoques.

« On dit qu'il l'ut un temps où il n'y avait que de l'eau et des ténèbres. Ils s'y engendrait des êtres monstrueux ayant leurs natures particulières : des hommes avec deux ailes, quelques-uns avec quatre; d'autres à deux visages; d'autres ayant un corps et deux têtes, d'homme et dç femme. Il y en avait à


jambes et cornes de chèvres ; ceux-ci étaient à pieds de chevaux, ceux-là chevaux par derrière et hommes par devant, comme on représente les hippocentaures. Il s'engendrait encore des taureaux à tête d'homme, des chiens à quatre corps se terminant en queue de poisson, des chevaux à tête de chien, d'autres animaux ayant des têtes et des corps de chevaux avec des queues de poisson, et mille formes diverses de bêtes. En outre, des poissons, des reptiles, des serpents et quantité d'animaux merveilleux, qui se transformaient réciproquement en la figure les uns des autres, et dont les représentations sont sculptées dans le temple de Bel ( i ). »

Outre l'intérêt que présentent ces traditions tératologiques au point de vue des productions de l'art, la science peut encore y découvrir quelques faits importants, quelques vérités utiles, au milieu des erreurs grossières et des superstitions de la pé riode fabuleuse qui s'est prolongée depuis l'antiquité jusqu'à la fin du moyen âge. Les régions peu fréquentées, les lieux obscurs ou entourés de mystère, déserts, forêts, cavernes, profondeurs de l'Océan, étaient peuplés de monstres, autant par une tendance naturelle de l'imagination que par la présence des animaux étranges et redoutables

(i)Bérose, Histoire de la Chaldée, liv. I.


qui s'y abritaient et que les récits exagérés des voyageurs transformaient en races fantastiques. Cachés dans l'inaccessible abîme, les monstres de l'Océan étaient surtout l'objet de légendes effroyables ou gracieuses, selon qu'ils apparaissaient dans les sombres mers du Nord, battues par la tempête, ou sur les riants rivages, sous le ciel lumineux du Midi.

Nous rappellerons d'abord les sirènes, dont le buste ailé offrait l'idéale beauté des nymphes et dont le corps se terminait en queue de poisson. Elles habitaient les parages déserts des mers de Grèce et d'Italie, dans des grottes ou des cavernes à demi submergées, sous des rochers à pic, vers lesquels leur chant mélodieux attirait les navigateurs, bientôt jetés sur les écueils et entraînés dans le gouffre.

On doit probablement rapporter au phoque, qui se trouvait alors communément et se trouve encore sur le littoral de la Méditerranée, une grande partie des anciens récits relatifs aux sirènes, aux néréides et aux tritons. Le port gracieux de ces mammifères, leur tête arrondie, leurs grands yeux vifs et pleins de douceur, ont pu donner naissance au mythe primitif sur lequel les Grecs brodèrent leurs brillantes fictions. Mais il faut chercher ailleurs que dans l'aboiement du phoque l'origine de tout


ce que les poëtes racontent de la voix charmante des sirènes. Pour eux, peut-être, cette voix était la voix même de la nature, l'harmonieux murmure des flots sur la plage, quand leur apaisement laisse entendre le rhythme du mouvement régulier qui les soulève. Dans l'obscure clarté des belles nuits, devant le rivage plein d'ombre, ce lointain murmure berce la pensée, l'assoupit et lui ouvre, au sein d une nature enchantée, le monde merveilleux du rêve. Les anciens disaient que les mariniers endormis par le chant des sirènes laissaient dériver leurs navires vers les dangereux parages où elles s'abritaient au milieu des roches sous-marines. Nous nous rappelons un fait qui nous remit cette fable en mémoire, à bord d'une barque grecque sur laquelle nous traversions l'archipel des Cyclades. Le souffle inégal des brises de nuit ridait à peine la mer, que nous entendions chanter sur les roches du cône volcanique qui avoisine l'île de Milo. Fatigués de l'ardente chaleur du jour, les matelots, étendus sur le pont, se reposaient dans la fraîcheur d'une nuit étoilée, dont le calme n'était troublé que par le bruit cadencé des flots qui roulaient sur l'écueil. Avertis par le rapprochement de ce bruit, nous vîmes se dresser devant nous l'immense cône, dont le menaçant aspect nous dit assez la faute du pilote et du timonier, qui s'étaient


assoupis avec le reste de l'équipage. Il fallut mettre un canot à la mer et profiter des moindres bouffées de brise pour s'éloigner à grand'peine des noirs rochers contre lesquels nous poussaient la houle et le courant, et que les matelots disent encore hantés par des ombres qui ont gardé le nom des sirènes (Siréné).

Quand le temps est beau, les phoques viennent se reposer et dormir sur les roches plates, dont la surface mousseuse leur offre une place convenable, c'est-à-dire la facilité de se mouvoir. Mais c'est pendant la tempête, au milieu de l'orage, qu'ils aiment à sortir de la mer et à prendre leurs ébats sur les grèves sablonneuses. De là sans doute l'allégorie des tritons, quf faisaient entendre leurs conques bruyantes à l'entrée des palais de Neptune, • à l'ouverture des antres ténébreux dans lesquels la mer s'engouffre pendant les mauvais temps. Pausanias, qui assure avoir vu un triton, le dépeint ainsi : « Ses oreilles étaient démesurées; il avait, selon l'expression d'Anacréon, une grande ouverture de dents qui ne ressemblaient pas aux dents humaines; des griffes armaient ses doigts; sous son ventre et sa poitrine on voyait des nageoires j avec cela son buste était celui d 'un homme se terminant en queue de poisson. »

Pendant le moyen âge et jusque vers la tin du


XVIe siècle, d'étranges figures prirent la place des tritons et des sirènes. Le naturaliste Rondelet a figuré le moine et l'évêque dans son Histoire entière des Poissons, avec leurs pourtraits au naïf. « De nostre temps en Nortuège (Norwége), dit-il, on a pris un monstre de mer, après une grande tourmente, lequel tous ceux qui le virent incontinent lui donnaient le nom de moine, car il avait la face d'homme, mais rustique et mi-grotesque, la teste rase et lize; sur les espaules, comme un capuchon de moine, deux longs ailerons au lieu de bras; le bout du corps finissait en une queue large; le pourtrait sur lequel j'ai fait faire le présent m'a été donné par très-illustre dame Marguerite de Valois, reine de Navarre, lequel elle avait eu d'un gentilhomme qui en pourtait un semblable à l'empereur Charles-Quint, estant alors en Hespagne. Le gentilhomme disait avoir vu ce monstre, tel comme son pourtrait le portait, en Nortuège, jeté par les flots et la tempête de la mer sur la plage, au lieu nommé Dièze, près d'une ville nommée Denelopock. J'en ai veu un semblable pourtrait à Rome, ne différant en rien du mien. Entre les bestes marines, Pline fait mention de l'homme marin et du triton comme choses non feintes. Pausanias aussi fait mention du triton. »

Il ajoute à propos de l'évêque : « J'ai vu un


pourtrait d'un autre monstre marin, à Rome, où il avait esté envoyé avec lettres par lesquelles on asseurait pour certain que, l 'an i53i,on avait veu ce monstre en habit d'évesque, comme il est pourtrait, pris en Pologne et porté au roi dudit pays, faisant certains signes pour montrer qu'il avait grand désir de retourner en la mer, où estant amené se jeta incontinent dedans. »

Dans la relation du premier voyage de Colomb, écrite par Barthélémy Las Casas, on lit le passage suivant : « Le mercredi 9 janvier, Christophe Colomb, en cotoyant l'île Espagnole (Saint-Domingue), vit trois syrènes. Elles s'élevèrent beaucoup au-dessus du niveau de la mer, mais elles ne lui parurent nullement belles. » Ces sirènes étaient probablement des lamantins ou manates, grands cétacés herbivores qu'on appelle aussi poissonsfemmes. Plusieurs espèces, quand elles accouchent, tiennent la partie supérieure du corps hors de l eau et embrassent leurs petits avec de longues nageoires palmées, qui déjà annoncent le bras et la main. De là sans doute les noms de nymphes marines, sirènes, etc. »

« Quelle étrange création, dit un éminent critique(i), que celle de ces types chimériques qu'on

(1) Paul de Saint-Victor.


retrouve partout ! Comme un serpent co,-,,pé qui s'agite pour rajuster ses tronçons, l'homme, dans toutes les mythologies et dans tous les arts, s'ingénie à renouer sa forme à celle de la plante et de l'animal. Il s'allie par des mariages fabuleux à la nature inférieure; il façonne des êtres composites, commençant par une tête humaine, finissant par la croupe ou la queue d'une bête. Et, lorsqu'il les a créés, il les divinise, comme si la monstruosité relevait au lieu d'avilir. Solidarité de la vie universelle, instinct de cette grande loi des analogies qui rattachent la nageoire du poisson à l'aile de l'aigle pard'imperceptibles accords; admiration jalouse des forces et des grâces propres à l'animal, et désir ardent de se les assimiler, fût-ce en rêve... »

A partir de Culomb, les découvertes des grands navigateurs, les voyages plus fréquents et plus lointains auxquels prenaient part les naturalistes, mirent bientôt fin aux légendes, pour leur substituer des descriptions fondées sur une observation plus exacte des faits. Mais les êtres imaginaires


créés par les poëtes ne disparurent que pour faire place aux animaux prodigieux dont l'existence reposait sur des notions exagérées ou insuffisantes, recueillies en passant et propagées sans la moindre critique. Cette période de transition, qui préparait l'étude scientifique des monstres, nous offre quelques récits curieux, parmi lesquels nous choisirons ceux qui se rapportent au serpent de mer et au kraken.

Le célèbre archevêque d'Upsal, Olaiis Magnus, donne la description suivante du serpent marin : « Ceux qui visitent les côtes de Norwége ont pu y être témoins d'un phénomène étrange. Il existe dans ces parages un serpent de 200 pieds de long et de 20 pieds de circonférence, qui vit dans les creux des rochers, aux environs de Bergen, et sort de son repaire la nuit, au clair de la lune, pour dévorer les bestiaux, ou se rend à la mer pour s'y nourrir de crabes. Ce serpent a une crinière de 2 pieds de long; il est couvert d'écaillés, et ses yeux brillent comme deux flammes; il attaque quelquefois un-navire, dressant sa tête comme un mât, et saisissant les matelots sur le tillac. »

Pontoppidan, évêque de Berghen, dit que l'on croit si fermement à l'existence du grand serpentmarin, en Norwége, que toutes les fois qu'il s'avisait d'en parler dubitativement, il faisait sourire,


comme s'il eût douté de l'existence de l'anguille ou de tout autre poisson vulgaire. Paul Égide, dans son second voyage au Groenland, rapporte ce qui suit : « Le 6 juillet, nous aperçûmes un monstre hideux qui se dressa si haut sur les vagues que sa tête atteignait la voile de notre grand mât; il avait un long museau pointu, et rejetait l'eau en gerbe comme une baleine. Au lieu de nageoires, il avait de grandes oreilles pendantes comme des ailes; des écailles lui couvraient tout le corps, qui se terminait comme celui d'un serpent. »

Il est remarquable que plusieurs de ces détails se retrouvent dans des relations modernes, attestées par les marins qui les ont rédigées et signées. Ainsi, dans un rapport constaté par les juges de paix du pays, on voit qu'en juin 1808 le corps monstrueux d'un serpent mort échoua sur la plage de Stronsa, l'une des îles Orcades. Il avait 55 pieds de long et environ 10 pieds de circonférence. Une crinière hérissée s'étendait depuis le renflement qui succédait au cou jusque près de la queue. Il était pourvu de nageoires qui mesuraient 4 pieds de longueur et ressemblaient à des ailes déplumées. En août 1817, le serpent de mer fut vu par différentes personnes dans la baie de Glocester, au cap Anne, à environ 3o milles de Boston. Le procès-verbal de cette appari-


tion donne une description du monstre semblable à celle des citations précédentes, et, malgré la difficulté des observations, cette ressemblance se retrouve dans un grand nombre d'autres descriptions, à quelques variations près dans les détails. Un tel concours, quelle que soit la part faite à l'exagération, doit suffire pour faire reconnaître des faits réels, quoique fort extraordinaires, c'està-dire, comme nous le verrons bientôt, l'existence d'animaux monstrueux habitant les profondeurs de l'Océan, et n'apparaissant qu'à de rares intervalles, soit dans les bas-fonds du rivage, au milieu des écueils qui leur offrent un repaire, soit en haute mer, près des navires, qu'ils prennent probablement pour une proie.

Ainsi, par exemple, l'orque ou épaulard, qui, dit-on, atteint une longueur de 12 mètres, et dont le corps allongé porte une nageoire dorsale haute de 4 pieds, a pu être pris pour un serpent de mer. Cet animal vorace, qui fend les vagues aussi rapidement que l'oiseau traverse les airs, attaque la baleine et poursuit les navires. Dans la même famille, le dauphin commun, qui habite les mers de l'Europe, vit en troupes nombreuses, qu'on voit se complaire à lutter de vitesse avec les vaisseaux, les suivant pendant des jours entiers, les dépassant, les croisant, plongeant sous la quille,


bondissant ou disparaissant avec une légèreté gracieuse et les plus capricieux mouvements.

Parmi les monstrueux poissons dont la rencontre pouvait fournir matière aux légendes, nous citerons encore le narval ou licorne marine, genre de cétacés qui appartiennent aussi à la famille des Delphiniens et qui vivent dans les mers polaires. Ce qui distingue principalement les narvals des autres dauphins, ce sont leurs défenses, sortant de la bouche en ligne droite et qui atteignent jusqu'à 8 ou 10 pieds de longueur. Ces défenses sont au nombre de deux, mais il est fort rare qu'elles se développent en même temps; le plus souvent c'est la défense gauche qui seule s'allonge. Elle est sillonnée en spirale, se termine en pointe et surpasse en dureté celle de l'éléphant. On a dit qu'il arrive parfois au narval de prendre un vaisseau pour une baleine et d'enfoncer si profondément sa défense dans la carène qu'il ne peut plus l'en retirer, et qu'il resterait pris s'il ne parvenait à la briser. Comme les dauphins, les narvals nagent avec une incroyable vitesse et on les rencontre souvent en troupes. — « Nous vîmes ce jour-là, dit Scoresby dans son Voyage au Groenland, un grand nombre de narvals qui nageaient près de nous en bandes de quinze ou vingt; la plus grande partie étaient des animaux


mâles et avaient de longues défenses; ils étaient très-gais, élevant leurs défenses au-dessus de l'eau et les faisant croiser comme pour faire des armes. Pendant leurs jeux, ils faisaient entendre un bruit tout à fait extraordinaire, et qui ressemblait au glou-glou que fait l'eau dans la gorge; et il est probable que ce n'était pas autre chose, car le bruit ne se faisait entendre que lorsqu'en étendant leurs défenses ils avaient la bouche hors de l'eau. La plupart, suivant le vaisseau, semblaient attirés par un motif de curiosité; comme l'eau était transparente, on put parfaitement les voir descendre presque à la quille et jouer avec le gouvernail. » — Si l'on s'en rapportait à Lacépède, le narval atteindrait jusqu'à 60 pieds de longueur. Sa bouche, fort petite, ne lui permettant pas de saisir de grands animaux, on a raconté qu'après avoir plongé sa défense dans le flanc de la baleine, il boit avidemment l'eau rougie du sang qui jaillit de la blessure.

Nous parlerons plus loin du rorqual ou fausse baleine, le plus gigantesque des animaux de l'Océan. Scoresby dit avoir rencontré un individu qui avait i 20 pieds de longueur, et dont la tête colossale s'élevait au-dessus de la mer comme un monticule.

Le kraken ou hafgufe , dont les traditions du


Nord disent que son apparition sur l'eau ressemble plutôt à celle d'une île qu'à celle d'un animal, est le monstre qu'il est le plus facile de reconnaître dans les récits des pêcheurs et des marins, qui parlent surtout des redoutables antennes au moyen desquelles il saisit les cordages des navires ou les bateaux qui passent à sa portée. Denis de Montfort, dans son Histoire naturelle des Mollusques, rapporte la rencontre d'un kraken faite par le capitaine Jean Magnus Dens, qui perdit trois hommes de son équipage, saisis par un des bras du monstre. L'ex-voto consacré à saint Thomas dans une église de Saint-Malo représente la délivrance d'un navire de ce port, arrêté sur la côte d'Angole par les longs bras d'un kraken, coupés à coups de hache par l'équipage. Ces détails, répétés dans une série de rencontres semblables, permettent de classer ce monstre dans la famille des Poulpes ou Céphalopodes, dont la forme étrange, les mœurs singulières, la force surprenante et la taille parfois énorme expliquent l'épouvante des navigateurs. « Les poulpes, dit M. de Blainville, sont des animaux extrêmement carnassiers, et qui vivent surtout dans les anfractuosités des rochers, où ils se mettent en embuscade, cachant leur corps et ne laissant que leurs bras pour atteindre leur proie au passage. »


Ces bras, ou tentacules, sont garnis de suçoirs qui leur donnent une force d'étreinte tellement puissante que pour leur faire lâcher prise il faut les couper. Ils sont disposés. circulairement autour de la tête de l'animale pourvue d'yeux fixes et armée de puissantes mâchoires qui ressemblent au bec d'un perroquet. Chez certaines espèces, une griffe pointue, acérée, recourbée, est placée au centre de chaque suçoir. Les céphalopodes, habitués au jour crépusculaire des profondeurs, sont nocturnes. Ils se cramponnent aux rochers avec leurs bras les plus longs, les autres restant libres pour saisir et enlacer la proie, que souvent ils étouffent et déchirent pour le seul plaisir de détruire. On peut imaginer l'effroyable aspect de ces hideux animaux, entrevus par les pêcheurs épouvantés dans la clarté blafarde des nuits de lune, au milieu des formidables écueils qui bordent les rives abruptes de la mer du Nord.

On a très-justement appliqué au poulpe géant le vers de Virgile :

Monstrum horrendum, informc, ingens...

Pline parle d'un calmar pris sur la côte d'Es. pagne, dont les bras énormes étaient longs de


i o mètres et la tête grosse comme un tonneau. Aristote signale aussi le grand calmar de la Méditerranée. Des voyageurs, des naturalistes modernes, Péron, Quoy et Gaimard, Rang, etc., ont rencontré dans l'Atlantique et la mer des Indes, près des grands caps, les débris de monstrueux mollusques de la même famille.

En 1853, on a pris sur le rivage du Jutland une sèche colossale, que M. le professeur Steenstrup range, avec une autre sèche trouvée dans l'Atlantique en 1858, dans un genre particulier, sous le nom d'Architeutis Monachus et Architeutis Dux. Quelques parties du corps de ces gigantesques animaux sont conservées au musée de Copenhague.

On ne peut donc mettre en doute que les profondeurs de l'Océan renferment des monstres dont l'organisme est adapté à ces régions inconnues, d'où ils ne sortent que rarement. « Leurs apparitions très-réelles, dit Ehrenberg, ont formé le fond des traditions mystérieuses que depuis des milliers d'années les marins se transmettent, et qui ont donné naissance aux fantastiques créations du kraken et du serpent de mer. De même que les masses incalculables de petites méduses gélatineuses qui flottent à la surface servent de nourrir turc aux énormes baleines, il y a sans doute au fond


des mers une abondante proie pour ces animaux prodigieux. »

Nous ajouterons encore aux divers récits et aux faits que nous avons mentionnés l'extrait suivant d'une note adressée à M. Moquin-Tandon par M. Sabin Berthelot, consul de France aux îles Canaries :

CI Salllte-Croix-de-Ténériffe, 12 décembre 1861.

n Le 2 décembre dernier, l'aviso à vapeur l'Alecton, commandé par M. Bouyer, lieutenant de vaisseau, est venu mouiller sur notre rade, se rendant à Cayenne. Cet aviso avait rencontré en mer, entre Madère et Ténériffe, un poulpe monstrueux qui nageait à la surface de l'eau. Cet animal mesurait de 5 à 6 mètres de longueur, sans compter les huit bras formidables et couverts de ventouses qui couronnaient sa tête. Sa couleur était d'un rouge brique. Ses yeux, à fleur de tête, avaient un développement prodigieux et une effrayante fixité. Sa bouche, en bec de perroquet, pouvait avoir 5o centimètres. Son corps, fusiforme, mais très-renflé vers le centre, présentait une énorme masse dont le poids a été estimé à plus de 2,000 kilogrammes. Les nageoires, placées à l'extrémité postérieure, étaient arrondies en deux


lobes charnus et d'un très-grand volume... Ce fut le 3o novembre, vers deux heures de l'après-midi, que l'équipage de VAlecton aperçut ce terrible céphalopode nageant le long du bord. Le commandant fit stopper aussitôt, et, malgré la dimension de l'animal, il manœuvra pour s'en emparer. On disposa un nœud coulant pour essayer de le saisir, des fusils furent chargés et des harpons préparés en toute hâte. Mais aux premières balles qu 'on lui envoya, le monstre plongea, en passant sous le navire, et ne tarda pas à reparaître de l autre bord. Attaqué de nouveau avec les harpons et après avoir reçu de nouvelles décharges, il disparut deux ou trois fois, se montrant quelques instants après a fleur d'eau, en agitant ses longs bras. Le navire le suivait toujours ou bien arrêtait sa marche, suivant les mouvements de l 'animal. Cette chasse dura plus de trois heures. Le commandant voulait en finir à tout prix avec cet ennemi d'un nouveau genre. Toutefois il n'osa pas risquer la vie de ses marins en armant une embarcation que ce monstre aurait pu faire chavirer en la saisissant avec un seul de ses bras formidables. Les harpons qu'on lui lançait pénétraient dans des chairs mollasses et en sortaient sans succès. Plusieurs balles l'avaient traversé inutilement. Cependant il en reçut une qui parut le blesser


grièvement, car il vomit aussitôt une grande quantité d'écume et -de sang mêlé à des matières gluantes qui répandirent une forte odeur de musc. Ce fut dans cet instant qu'on parvint à le saisir avec le nœud coulant; mais la corde glissa le long du corps élastique du mollusque et ne s'arrêta que vers l'extrémité, près des deux nageoires. On tenta de le hisser à bord. Déjà la plus grande partie du corps se trouvait hors de l'eau, quand l'énorme poids de cette masse fit pénétrer le nœud coulant dans la chair et sépara la partie postérieure du reste de l'animal. Alors le monstre, dégagé de cette étreinte, retomba dans la mer et disparut.

« On m'a montré, à bord de l'Alecton, cette partie postérieure, et je vous adresse un dessin assez exact de ce poulpe colossal, fait par un des officiers du bord. Je dois ajouter que j'ai interrogé moi-même de vieux pêcheurs canariens, qui m'ont assuré avoir vu plusieurs fois de grands calmars rougeâtres, longs de plusieurs mètres, et dont ils n'avaient osé s'ernparer. »

Parmi les monstres qui s'abritent au milieu des roches sous-marines, sous les algues et les varechs, nous citerons encore la baudroie, dont la bouche énorme rappelle celle du crapaud et dont la tête est surmontée de longues cornes flexibles. Les


marins l appellent diable de mer, et assurentqu'elle atteint une longueur de 3 à 4 mètres.

Sur les côtes du Japon, qu'habitent tant de poissons extraordinaires, on trouve des crabes appartenant à l espèce des araignées de mer, dont la taille est monstrueuse. Le muséum d'histoire naturelle a reçu la dépouille d'un de ces grands crustacés, pris sur la côte orientale de Nippon, dont chacune des pinces mesurait 1 m. 20 de long.

On comprend les fantastiques récits des pêcheurs surpris par l'apparition de ces êtres bizarres dont les formes effrayantes dépassent tout ce que I imagination avait pu rêver d'horrible devant les mystérieuses profondeurs .

Les serpents amphibies, les monstrueux reptiles décrits dans les légendes et combattus, détruits par les héros et par les saints, rappellent les animaux fossiles dont la science a récemment étudié les restes, reconstituant avec les débris recueillis par les naturalistes la faune du monde primitif. Sans nous arrêter à l'opinion de quelques auteurs, qui ont avancé qu'un petit nombre d'individus appartenant à ces créations étranges et hors de


toute proportion avec les animaux actuels, avaient peut-être survécu aux grands cataclysmes du globe, nous donnerons, d'après Cuvier et Buckland, la description des sauriens monstrueux, l'Ichthyosaure et le Pésiosaure, qui peuplaient alors l'Océan avec d'autres espèces non moins extraordinaires.

Les annales de la géologie nous apprennent que durant une période qu'on pourrait appeler l'âge des reptiles, les animaux les plus formidables sur la terre comme dans les eaux étaient des crocodiles et des lézards gigantesques, construits pour résister aux convulsions qui bouleversaient encore la surface de la planète. Au premier coup d'œil, on prendrait pour des rêves de l'imagination les surprenantes découvertes qui ont trait à ces curieuses créatures, dont l'existence a été mise hors de doute par l'investigation scientifique la plus sévère et la plus minutieuse.

Les restes des espèces qui habitaient la mer abondent dans les anciens terrains de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne. Parmi les plus remarquables on trouve l'Ichthyosaure (poissonlézard), qui réunissait des combinaisons de formes et de structure disparues dans certaines classes actuellement existantes. Les plus grands de ces reptiles devaient avoir plus de 10 mètres de long, sur lesquels la tête, vraiment monstrueuse, et qui se


rapprochait de celle des crocodiles et des lézards, prenait plus de 2 mètres. La mâchoire avait une ouverture énorme, jusqu'à 6 pieds dans la plus grande espèce. Les dents, de forme conique et très-nombreuses, étaient continuellement remplacées, comme celles des crocodiles, par des dents nouvelles, remplacement que les habitudes de rapine et la voracité des Ic-hthyosaures rendaient sans doute nécessaire. Le volume extraordinaire de l'œil dépassait tout ce que nous connaissons des animaux anciens et contemporains. On voit dans une des collections de l'Angleterre le crâne d'un Ichthyosaure dont les cavités orbitaires ont 14 pouces dans leur plusgrand diamètre. Cetœil énorme permettait à l'animal de découvrir sa proie aux distances les plus éloignées comme aux distances les plus courtes au sein de l'obscurité des nuits et des abîmes de l'Océan. La colonne vertébrale offrait dans sa structure la plus grande analogie avec celle des poissons, dont la diposition mécanique est si favorable à une rapide locomotion au sein des eaux. Le mode de respiration de l'Ichthyosaure lui permettait de demeurer longtemps au fond sans venir respirer à la surface, et ce double mouvement d'élévation et d abaissement était d'ailleurs facilité par la puissance de larges nageoires antérieures, dont l'action se combinait avec celle de la queue.


Pourvus d'un appareil digestif dont la capacité était en proportion avec leurs prodigieux instruments de destruction, les Ichthyosaures, dit Buckland, ont dû en user largement pour arrêter dans de justes limites l'accroissement excessif de la population des anciennes mers. On trouve en effet à l'intérieur de leurs squelettes les débris à demi digérés de poissons et de reptiles qu'ils avaient engloutis, et parmi ces débris, les ossements de jeunes individus de leur propre espèce qui devaient avoir plusieurs pieds de longueur. Ces monstres, semblables en cela à beaucoup d'autres, se dévoraient donc entre eux, préparant ainsi la place à de moins terribles dominateurs des océans.

Cuvier a dit du Plésiosaure qu'il offre la structure la plus hétéroclite et l'ensemble de caractère le plus monstrueux que l'on ait rencontré parmi les ruines de l'ancien monde. Ce reptile, qui vivait en même temps que l'Ichthyosaure, aux époques intermédiaires justement désignées comme le moyen âge de la chronologie géologique, atteignait aussi une taille et un volume prodigieux. Mais son étrange aspect provenait surtout du cou énorme, ressemblant au corps d'un serpent, qui portait une tête en rapport avec celle du crocodile, mais beaucoup plus petite. Les proportions du tronc et de la queue étaient celles d'un quadru-


pède ordinaire. Suivant Cuvier, qui a l'ait remarquer que la disposition des appareils costaux paraissait en rapport avec une faculté de contraction et de dilatation des poumons en dehors des règles ordinaires, le Plésiosaure aurait été une sorte de caméléon marin, doué de la faculté de faire varier la couleur de ses téguments. Cette faculté lui eût fourni le moyen de se soustraire à la vue de l'Ichthyosaure, son plus redoutable ennemi. Les pattes, converties en rames puissantes propres à compenser la faible assistance que l'animai tirait de sa queue, offraient toutes les parties essentielles des membres antérieurs des quadrupèdes. Mais la longueur du cou étant aussi un obstacle à la rapidité du mouvement de progression à travers les eaux, il est probable que le Plésiosaure nageait à leur surface, dardant son cou flexible pour saisir les poissons qui passaient à sa portée. Peut-être aussi se tenaitil caché près du rivage, dans des eaux peu profondes, au milieu des végétaux marins, retraite assurée contre les terribles attaques de l'Ichthyosaure.

Les animaux extraordinaires que nous venons de décrire peuvent être mis, ainsi que d'autres gigantesques sauriens qui leur succédèrent, au nombre des productions les plus monstrueuses de la création. Mais ces monstruosités disparaissent


bientôt devant un examen attentif, qui nous montre d'admirables analogies d'organisation entre les habitants actuels du globe et les races éteintes. A partir des degrés les plus inférieurs nous voyons la forme et les fonctions animales s'élever parallèlement par une suite de lentes transformations qui aboutissent à l'homme, relié par une étroite chaîne d'affinités à la série entière des êtres organisés. Chacune des espèces qui constituent cette série tend à disparaître à mesure que ses formes et ses organes, n'étant plus en harmonie avec le milieu qu'elle habite, se développent dans un être moins imparfait, mieux en rapport avec le milieu nouveau que créent les révolutions de la nature ou son incessant travail. La science moderne démontre ainsi que toutes les créatures vivantes sont construites d'après un seul et même type d'organisation, et que l'homme, c'est-à-dire la forme la plus parfaite, « réunit les traits de tous dans l'abrégé le plus complet. » (Buffon.)

Mais cette unité de composition organique n'est pas notre seul lien avec les animaux. En nous rapprochant d'eux, en observant leurs mœurs, nous voyons que leurs instincts, quoique non dirigés par la raison, offrent aussi de frappantes analogies avec nos propres sentiments; et, revenant aux traditions de la Grèce et du moyen âge, nous


trouvons encore des compagnons parmi ces frères inférieurs n. Ainsi, par exemple, le phoque, source de tant de fables qui en faisaient une créature semblable à l'homme, est en réalité celui de tous les habitants de la mer qui se rapproche le plus de nous par son intelligence et sa sociabilité. Cuvier, parlant de la facilité avec laquelle il se laisse apprivoiser, a dit : « On peut s'étonner que les peuples pêcheurs ne l'aient pas dressé à la pêche, comme les peuples chasseurs ont dressé le chien à la chasse. » Pris jeune, il s'attache à son maître, reconnaît sa voix, lui obéit, le caresse, montrant pourlui une affection aussi vive que celle du chien. Pline le Jeune et Pline l'Ancien racontent l'histoire d'un dauphin qui venait se coucher au soleil sur le rivage de la colonie d'Hippone, en Afrique, et qui était si familier qu'il prenait sa nourriture de la main des hommes, se laissait toucher, jouait avec les nageurs et les portait sur son dos. Comme on l'a justement observé (1), ce récit, en faisant la part de l'imagination, ne peut guère s'appliquer qu'au phoque, qui vit encore aujourd'hui dans les mêmes parages. Le voyageur Péron cite le fait analogue d'une liaison contractée par un phoque avec un matelot anglais:

(1) F. Roulin, Histoire naturelle et Souvenirs de voyage.


« Dans les premiers temps de leur arrivée sur l'île de King (Nouvelle-Hollande), un des pêcheurs anglais ayant pris en affection un de ces mammifères, obtint de ses camarades qu'on ne ferait aucun mal à son protégé. Longtemps, au milieu du carnage, ce phoque vécut paisible et respecté. Tous les jours le pêcheur s'approchait de lui pour le caresser, et dans peu de mois il était si bien parvenu à l'apprivoiser, qu'il pouvait impunément lui monter sur le dos, lui enfoncer le bras dans la gueule, le faire venir en l'appelant. En un mot, cet animal docile et bon faisait tout pour son protecteur, et souffrait tout de sa part sans jamais s'offenser de rien. Malheureusement, ce pêcheur ayant eu quelque légère altercation avec un de ses camarades, celui-ci, par une lâche et cruelle vengeance, tua le phoque adoptif de son adversaire. »

« Tous ces animaux, dit le même auteur, ont unephysionomie si douce, si bonne, que je ne doute guère qu'il ne fût possible, en les apprivoisant, de renouveler quelques-uns des prodiges que l'antiquité nous a transmis au sujet des dauphins, prodiges qui me paraissent, pour la plupart, ne pouvoir convenir qu'à des phoques. »

Nous citerons encore quelques lignes de Michelet : « Je me souviendrai toujours des phoques du Jardin d'Amsterdam, charmant musée, si riche, si


bien organisé, et l'un des beaux lieux de la terre. C'était le 12 juillet, après une pluie d'orage ; l'air était lourd : deux phoques cherchaient le frais au fond de l'eau, nageant et bondissant. Quand ils se reposèrent, ils regardèrent le voyageur; intelligents et sympathiques, posèrent sur moi leurs doux yeux de velours. Le regard était un peu triste. Il leur manquait, il me manquait aussi la langue intermédiaire. On ne peut pas en détacher les yeux. On regrette, entre l'âme et l'âme, d'avoir cette éternelle barrière (1). »

Ce touchant regret nous ramène à la Grèce. C'est encore le chant des sirènes, la mystérieuse voix de la nature, qui, dans l'accent d'un cœur ému, nous appelle à l'universelle alliance. Mais trop pressante est la tâche que nous devons maintenant poursuivre, trop impérieux le rude travail qui nous délivrera des misères du passé, pour que nous nous arrêtions à écouter le chant divin. Comme Ulysse, il nous faut tourner la proue vers Ithaque, vers le lointain foyer, et fermer l'oreille à l'appel des généreux esprits qui devancent le temps et que l'avenir prend pour interprètes. Qu'il nous suffise d'être unis à eux par la bonté, par le regret de ce que la vie présente nous refuse, par la même espé-

(1) La Mer.


rance et les mêmes aspirations, par le même amour des bienfaisantes lois qui président au constant progrès de la création, et qui, de jour en jour, accroissent pour nous les trésors de la paix et dela sympathie.



SECONDE PARTIE



VI

MIGRATIONS DES POISSONS

Oscillations des cou?-ants. — Pêcheries des côtes d'Islande.

— Méduses et Baleines. - Les Harengs. - Appadtion des bancs. — L'éclair de Hareng. — Curieux phénomènes. — Poissons musiciens. — Étranges concerts. Morues. - Maquereaux. — Sardines. — Thons. — Poissons anadromes. — Saumons. Anguilles. — Berceau des Baleines. - Ale,"s polaires.

Âinsi que nous l'avons indiqué déjà, les poissons voyageurs, qui se réunissent en grandes bandes et qui sont soumis aux migrations que l'instinct ou le besoin leur imposent, suivent généralement les courants dont la direction favorise leur déplace-


ment, et dans lesquels ils trouvent une température plus égale et une pâture plus abondante. Toutefois les routes suivies chaque année ne paraissent pas nettement déterminées, et, soit qu'on doive attribuer les variations aux oscillations des courants, soit par toute autre cause encore inconnue, on voit les bandes de harengs, de maquereaux, de thons, etc., changer de région comme par caprice, et déjouer ainsi les prévisions des pêcheurs. On a cependant observé que certains poissons se plaisent dans les eaux chaudes, tandis que d'autres s'en éloignent, et ce fait, rapproché du mouvement des courants, pourrait servir à déterminer les meilleurs parages de pêche. Nous citerons l'exemple suivant signalé par M. Terquem à la Société académique de Dunkerque, qui avait proposé un prix pour le meilleur mémoire indiquant les causes de la disparition de la morue sur les côtes d'Islande: « Les remarques du lieutenant Maury, directeur de l'observatoire de Washington, sur les pêcheries établies toutes dans les courants froids, m'avaient suggéré quelques règles applicables à la pêche de la morue en Islande. Les températures exceptionnelles que nous avons eues pendant deux années consécutives me firent penser que le Gulf-Stream avait dû remonter plus au nord que d 'habitude, et que par conséquent les


lieux de pêche devaient être changés. Je parlai de ce résultat probable avant le départ des navires, le ie, avril, mais je ne pus obtenir d'aucun maître de pêche de suivre les indications qui auraient été données par le thermomètre. Le résultat étant venu confirmer mes prévisions, je pense qu'on pourrait, d'après les remarques faites par les pêcheurs sur les lieux mêmes, établir quelques lois qui aideraient à la recherche de la morue. »

Le changement de direction du Gulf-Stream, dont il est question dans cette note, est produit par les changements de saisons, qui font varier la température des eaux et amènent l'augmentation ou la diminution des pressions latérales sur les deux rives du courant.

Les poissons des tropiques suivent quelquefois le Gulf-Stream, et viennent presque sur les côtes d'Angleterre. Il y a quelques années, une grande quantité de ces poissons étonnèrent les pêcheurs du Cornouailles et du Devonshire par la violence avec laquelle ils poursuivaient les bancs de sardines.

Les méduses, si abondantes dans le golfe du Mexique, sont aussi transportées par le Gulf-Stream dans les parages plus froids où se tiennent les baleines franches, dont elles font la principale nourriture. Maury cite à ce sujet l'observation d'un


capitaine de navire (i) qui rencontra sur les côtes de la Floride un banc de petites méduses dont la mer était couverte sur une étendue de plusieurs milles. Le navire allait en Angleterre, et pendant cinq ou six jours des bancs semblables se trouvèrent sur son passage. Deux mois après, à son retour, il les revit près des Hébrides, une des principales stations des baleines, et fut de nouveau trois ou quatre jours à les traverser. Dans ces deux rencontres il prit un grand nombre de méduses pour les examiner de près, et put ainsi s'assurer qu'elles étaient bien les mêmes.

Maury a recherché les parages fréquentés par les baleines dans la construction de ses belles cartes des vents et des courants. Une carte spéciale, dressée d'après le journal de bord des capitaines baleiniers, et résumant les observations de près de cent mille jours de pêche, montre avec évidence que les tièdes mers tropicales sont pour la baleine une barrière infranchissable. L'espèce qu'on trouve sur les côtes du Groenland et dans la baie de Baffin se trouve aussi dans le détroit de Behring et le nord du Pacifique, tandis que la baleine franche de l'hémisphère boréal diffère de celle de l'hémisphère austral. Les baleiniers ont l'habitude de

(i) Géographie physique de la mer.


marquer leurs harpons du nom du navire et de la date. Scoresby, dans son voyage aux mers glaciales, mentionne la prise de baleines rencontrées au détroit de Behring' qui portaient des harpons appartenant à des navires en croisière dans la baie de Baffin, de l'autre côté de l'Amérique. Le peu de temps écoulé entre la date marquée et celle de la prise confirmait l idée d'un passage libre au nordouest, les baleines harponnées n'ayant pu dans cet intervalle traverser la ligne pour passer par le cap Horn ou le cap de Bonne-Espérance, lors même que la température des eaux n'eût pas mis obstacle à cette traversée.

Les saisons ne règlent pas uniformément les migrations des poissons voyageurs, qui frayent à des époques variables et ne se montrent d'ailleurs point sur toute l'étendue des côtes qu'ils descendent ou remontent. La plupart semblent affectionner certains parages, certaines eaux où ils stationnent à des époques fixes, et où ils arrivent en troupes immenses, si serrées qu'elles forment de véritables bancs, offrant aux pêcheurs la plus abondante et la plus facile capture.

Les espèces septentrionales qui viennent enrichir notre littoral sont principalement le hareng, le maquereau, la sardine, l'anchois et le thon. D autres poissons voraces, les squales, les dorades,


l'espadon, etc., parcourent à des époques irrégulières la vaste étendue de l'Océan, où ils poursuivent les espèces plus faibles dont ils se nourrissent.

On a longtemps admis que les harengs, guidés par des rois (i) plus grands que les autres, partaient chaque année de la zone glaciale, vers le mois de mars, et se mettaient en marche, par bandes innombrables, dont les unes se dirigent vers l'Amérique, tandis que la plus grande masse se rapproche de l'ancien continent, dontelle atteint les côtes à la fin d'avril. Mais de récentes observations ont montré que le hareng des côtes d'Amérique est d'une espèce différente de celle d'Europe, et d'un autre côté on a reconnu des harengs stationnaires dans la Manche, dans les mers d'Angleterre, de Hollande, de Suède ou de Norwége et dans la Baltique. Ces harengs, appelés harengs fonciers par nos pêcheurs, ne se réunissent en bancs qu'au moment où ils sont poussés vers la côte pour y frayer. Leur nombre est assez élevé pour qu'on puisse affirmer que l'espèce peuple nonseulement les baies de l'Océan boréal, mais encore qu'elle habite en abondance dans nos eaux d 'Eu-

F (i) Les pêcheurs épargnent avec soin ces chefs, et s'ils les prennent ils leur rendent la liberté, afin, disent-ils, de ne point priver la colonne de ses guides.


rope, au-dessous du cercle arctique. L'apparition des harengs dans ces parages, où ils sortent du fond de la mer à l'époque du frai, ne doit cependant pas être confondue avec l apparition des grandes colonnes rassemblées en masses compactes de millions d'individus qui changent de place et exécutent de grandes migrations, excités par un instinct dont la cause est encore mystérieuse. Peut-être l âpre climat des régions polaires arrêterait-il le développement du germe de la vie dans leurs œufs, qu'ils viennent déposer sur les rivages de nos mers tempérées. Dès que la génération nouvelle est éclose, le hareng regagne le large et se réfugie, vers les mois de juillet et d'août, dans les profondeurs de l'Océan, 011 il se soustrait aux atteintes des pêcheurs ainsi qu'aux recherches des naturalistes. Il n'est pas impossible que les colonnes descendues des mers arctiques retrouvent alors dans les courants sous-marins qui se dirigent vers le pôle une facile et rapide voie de retour.

La profondeur à laquelle se tient le hareng est variable M. Valenciennes, dans l intéressante étude (i) à laquelle nous empruntons ces détails, cite l'opinion des pêcheurs, suivant laquelle, au

(i) Dictionnaire universel d'Histoire n .atiii -elle, par Ch. d'Orbigny, article Hareng.


décours de la lune, le poisson se rapproche de la surface, tandis qu 'en pleine lune il stationne plus profondément. M. Valenciennes reproduit à ce sujet un passage de Pennant, qui raconte que « c'est un des plus beaux spectacles dont on puisse jouir, que de voir, dans une nuit calme où la lune brille sur l 'horizon, des colonnes de harengs de 5 à 6 milles de longueur sur 3 à 4 milles de largeur, s'avancer à la surface; les bancs divisés sont alors des tapis argentés, irisés de manière à refléter le saphir et l'émeraude, à tel point que la mer semble couverte de pierres précieuses. L'eau paraît toute en feu; les scintillations phosphorescentes des poissons ajoutent encore à l'éclat et à la vivacité de ces tableaux. Tous les peuples riverains ont des expressions synonymes pour désigner ce phénomène, que nos pêcheurs appellent l' éclair de hareng ».

Dans leurs déplacements les bancs de harengs ne se laissent ni détourner, ni effrayer par les engins de pêche, et, comme nous le verrons bientôt, ils donnent en plein dans les filets, avec une telle impulsion, qu'un ou deux bateaux peuvent en prendre plus de i5o,ooo dans une même nuit. On cite des baies dans le nord où l'on pêche chaque année plus de 20 millions de harengs. Cette pêche est si importante .que plusieurs nations ont cherché


les moyens de prendre part à ses profits, en attirant les bancs sur leurs rivages. En Suède et dans l'Amérique septentrionale on a fait éclore des œufs vers l'embouchure des fleuves et des rivières, où les individus sortis de ces œufs ont contracté l'habitude de revenir frayer.

L'inépuisable fécondité du hareng tient à ce qu'il y a beaucoup plus de femelles que de mâles, dans le rapport de 7 à 3, et surtout au nombre prodigieux des œufs, que les naturalistes font varier, suivant la grosseur des individus, entre 20,000 et 36,ooo. « Lorsqu'un banc de harengs s'approche de la côte pour frayer, dit M. Valenciennes, on voit les femelles s'agiter beaucoup; elles semblent frotter le ventre sur les roches, sur le fond de sable ou sur les branches de plantes sousmarines, et elles abandonnent une telle quantité d'œufs sur la grève, qu'à la marée basse on voit quelquefois le fond couvert d'un lit d'œufs qui a souvent de 2 à 4 centimètres d'épaisseur. » Cette merveilleuse multiplication fait comprendre que les bancs de harengs ne deviennent ni moins épais ni plus rares, malgré les pertes que leur font éprouver d'innomblables ennemis et les filets des pêcheurs.

Les couleurs variées du hareng représentent quelquefois des caractères singuliers, et leur cap-


ture donne alors lieu à des superstitions répandues parmi les pêcheurs du Nord, qui croient que ces signes extraordinaires annoncent de prochains événements. Ils racontent aussi qu'à certaines époques, quand les bandes fourmillent encore dans les baies, on entend tout à coup un bruit semblabie à une détonation, qu'ils attribuent aux harengs et qui serait le signal de leur départ. Il est certain que les baies les plus fréquentées se vident quelquefois en une seule nuit, sans garder aucune trace du séjour des harengs.

On prétend d'ailleurs que les harengs poussent une sorte de petit cri que les Anglais expriment par le mot squeak. Beaucoup d'autres poissons font aussi entendre des bruits variés, et nous citerons à ce sujet les curieuses observations recueillies par M. A. Duméril et présentées dans une des leçons de son cours d'ichthyologie au Muséum d'histoire naturelle (1).

On trouve dans Aristote des indications précises

(1) Annuaire scientifique, publié par P. P. Dehérain, 2e année.


sur les « sons et sifflements » des poissons. Depuis on a signalé une quantité notable d espèces jouissant de la même faculté, parmi lesquelles M. Duméril range les carpes, les tanches, les diodons, les trigles, les grondins, les cottes ou crapauds de mer, les poissons volants, etc., qui produisent un son, comme le hareng, quand on les sort de l 'eau. Mais ce n'est pas seulement alors que certains poissons cessent d'être muets. Il y en a un assez grand nombre qui produisent aussi des bruits dans l'eau, où des expériences variées ont démontré la force et la rapidité de la transmission du son. Ainsi Colladon et Sturm ont perçu à une distance de 4 lieues, sur le lac de Genève, le son d'une cloche qui plongeait dans l'eau. Ce sont principalement des siluroïdes et des sciénoïdes qui viennent parfois pendant les temps de calme faire cesser le silence des mers.

« Quand les Maigres (poisson-roi des Languedociens) nagent en troupe, dit Cuvier (i), ils font entendre un mugissement plus fort que celui des grondins; et il est arrivé que des pêcheurs, guidés par ce bruit, ont pris plusieurs de ces poissons d'un seul coup de filet.

« Les pêcheurs assurent que le bruit est assez

(i) Histoire naturelle des Poissons, t. V.


considérable pour être entendu sous 20 brasses d eau et ils ont soin de mettre de temps en temps „ les bords de la chaloupe, afin de se

. f d 'après ce chant, comme ils l'appellent • mais ils varient beaucoup sur sa nature. Les uns 'sent que c'est un bourdonnement sourd, les autres que c'est plutôt un sifflement aigu. Aux environs de La Rochelle, on lui a affecté le nom de ' seiller, comme on dit braire pour la voix de l'âne, et aboyer pour celle du chien. Quelques pêcheurs prétendent que les mâles font seuls entendre ce bruit au temps du frai, et qu'on peut les attirer en sifflant et sans employer d'appât. »

Les poissons musiciens les plus remarquables sont les sciènes, dits drums ou tambours. Selon 1 observation du naturaliste Schœpf, ils se rassemblent sous les navires et font alors entendre un bruit sourd et continu, dont le récit suivant du capitaine américain John White fait connaître les singuliers effets :

« Nos oreilles, dit-il, furent saluées par une variété de sons comparables à ceux de la basse profonde de l'orgue, accompagnés par le chant guttural et creux de la grosse grenouille nommée grenouille-taureau, précisément à cause de son mugissement. Il s'y joignait comme le tintement aigu des cloches et les sons variés que l'imagina-


tion pourrait prêter au jeu d'une énorme trompe. Cette combinaison déterminait une sensation d'ébranlement de tout le système nerveux, et nous nous imaginions que le navire tremblait. L'excitation particulière que produit une vive curiosité était visible sur le visage pâle de tous les hommes du bord, et plus d'un se livra alors à de sages réflexions inspirées par la crainte.

« Désireux de découvrir la cause de ce concert inattendu, je me rendis dans ma cabine, qui était également bruyante, et j'acquis bientôt la certitude que cette musique singulière provenait du fond du navire, où se faisait entendre sans interruption et avec plus de force encore cette sorte de chœur. Les impressions que je ressentis alors ressemblaient à celles que j'avais éprouvées en recevant les commotions de la torpille ou de l anguille électrique. Mais ces secousses étaient-elles le ré- . sultat du choc même du son ou de vibrations du navire, c'est ce dont je n'ai pu alors, ni depuis cette époque, me rendre compte. Au bout de quelques moments, les sons, qui avaient commencé près de la poupe, s'entendirent dans toute la longueur du vaisseau.

« Bientôt après, quand on entra plus avant dans la baie (près l'embouchure du Saung, dans la mer de Chine), on s'aperçut d'une diminution


du nombre des musiciens qui nous servaient de compagnons de route, car à peine avions-nous parcouru un mille que le silence se fit de nouveau (i). »

A ce curieux ré.it, M. Duméril ajoute le suivant, emprunté à M. le comte de Castelnau :

« Nous étions un soir dans la partie de l'Araguay qui est obstruée par des bas-fonds et des rapides, et le soleil venait*de se coucher derrière l épaisse végétation qui borde ce fleuve dans tout son cours, lorsque tout à coup un son étrange vint attirer notre attention. C'était d'abord une plainte solitaire, puis d'autres voix lui répondirent ; à chaque instant le bruit devenait plus fort et plus discordant; bientôt ce fut un concert singulier de gémissements, de grognements bizarres, articulés sur les tons les plus disparates. Au milieu de la profonde solitude du désert il y avait quelque chose de surnaturel dans ce phénomène, et je cherchai en vain à me l'expliquer. Tout était calme autour de nous, et l'étouffante chaleur semblait avoir endormi la nature entière ; les singes, fatigués, avaient cessé de gambader dans les branches ; les perruches s'étaient déjà retirées pour la nuit et avaient interrompu leurs cris discordants :

(i) History of a voyage to the China sea.


c'était, en un mot, cet instant de la soirée des tropiques où les créatures du jour mettent fin à l'éclat de leurs cris, et où n'a pas encore commencé le concert sinistre des animaux nocturnes. Je ne pouvais rien découvrir, et malgré moi une sorte de frisson parcourait mon être. A moitié endormi, je crus être sous le poids d'un songe, et mes yeux se portèrent sur les hommes de l'équipage; mais je vis qu'ils se regardaient les uns les autres-, frappés aussi bien que moi d'une superstitieuse terreur. Un vieillard, seul, plus habitué à la vie des bois, semblait rire de l'effroi général ; puis il dirigea son bras vers le fleuve et annonca que le son venait du fond des eaux. J'eus de la peine à admettre cette Explication ; mais peu d'heures après il m'apporta un petit Izypostome long de quelques pouces au plus, et dont les troupes nombreuses, garnissant les bas-fonds, étaient la cause de ce vacarme extraordinaire (i). »

L'un des auditeurs du cours de M. Duméril, M. Bedel du Tertre, officier de marine en retraite, avait eu occasion d'entendre en mer un de ces concerts étranges, et avait aussi ressenti l'ébranlement nerveux éprouvé par le capitaine White et M. de Castelnau.

Nous reproduirons encore le passage suivant

(1) Description des poissons recueillis dans les parties centrales de VAmérique du Sud.


d'une lettre adressée à l'Académie des sciences par M. A. de Thoron, qui longeait, au coucher du soleil, la plage de la baie du Pailon (république de l'Équateur) : — « Un son étrange, extrêmement grave et prolongé, se produisit autour de moi. Un peu plus loin, j'entendis une multitude de voix diverses qui s'harmoniaient et imitaient parfaitement les sons de l'orgue d'église. C'est vers le coucher du soleil que ces poissons commencent cette sorte de chant, et ils le continuent pendant la nuit, en imitant les sons graves et moyens de l'orgue. La sensation éprouvée est semblable à celle que détermine le jeu de cet instrument entendu, non sous les voûtes, mais du dehors, comme lorsqu'on est près de la porte d'une église. »

Nous ne nous arrêterons pas sur la cause de ces différents bruits. Le mécanisme suivant lequel ils se produisent n'est pas le même dans tous les poissons, et des expériences plus nombreuses sont d'ailleurs nécessaires pour faire entrer dans le domaine des faits quelques-unes des théories proposées. Mais nous dirons avec M. Duméril qu'il y a peut être dans la faculté singulière que nous venons de signaler une sorte de manifestation de la vie de relation, la production de ces bruits étant

(i) Comptes rendus, t. LII.


probablement destinée, comme la voix des animaux aériens, à établir quelques rapports entre les habitants des eaux.

Les morues, qui habitent en nombre prodigieux les mers septentrionales, se tiennent dans les grandes profondeurs de l'Océan, et ne les quittent qu'au printemps pour venir frayer près des rivages. On les voit alors se réunir en bancs immenses qui chassent sur nos côtes les myriades de petits poissons qu'ils poursuivent, mais qui se trouvent surtout sur le grand banc de Terre- \ Neuve, au Doggers-Bank, en Islande, au cap Nord et sur divers autres points des mers du Nord.

Malgré la merveilleuse fécondité de cette espèce, l'immense destruction annuelle, qu'on évalue à 36 millions de morues préparées et conservées de différentes manières, paraît produire une diminution sensible des bancs, et la prévoyance des gouvernements, dont les lois défendent les pêches par trop destructives, ne suffira peut-être pas pour arrêter le mal. On serait alors obligé d'aller chercher les morues sur les côtes est de l'Asie, la côte ouest de l'Amérique, et jusqu'au détroit de Behring, où


elles sont extrêmement abondantes et pêchées seulement par des peuplades peu nombreuses et peu industrieuses.

A l'époque du frai, l'extrême voracité des morues semble augmenter encore, et elles font surtout alors une chasse impitoyable aux maquereaux, qui, pour les fuir, viennent se jeter sur nos côtes, où ils séjournent chaque été pendant un laps de temps assez long. La plupart des naturalistes croient qu'ils passent l'hiver dans la mer du Nord. Au printemps, ils se rendent dans l'océan Atlantique en côtoyant l'Islande, l'Ecosse et l'Irlande. Une partie de leur immense troupe passe devant l'Espagne et le Portugal et entre dans la Méditerranée, pendant qu'une autre entre dans la Manche et paraît tour à tour, de mai à juin, sur les côtes de France, d'Angleterre et de Hollande. En juillet elle arrive dans la Baltique et côtoie ensuite la Norwége pour retourner dans le Nord. Telle est la marche générale des migrations de ces poissons voyageurs. Mais cette marche subit des perturbations qu'on attribue à des tempêtes, et nous croyons en effet que ces violentes commotions de l'Océan peuvent arrêter les poissons migrateurs, qui cherchent alors en dehors de leur route habituelle une zone plus. abritée. Il nous paraît même probable que les tourmentes de l'hiver sont une des causes


principales du retour périodique de ces espèces vers le pôle, où elles trouvent entre les glaces, pendant la mauvaise saison, de tranquilles retraites dont les courants sous-marins qui arrivent du sud viennent modérer la basse température. Nous devons dire toutefois qu'on pêche des maquereaux toute l'année sur les côtes de France, et que d'éminents naturalistes en ont conclu que leur retour vers le nord était douteux. Nous avons indiqué déjà la même opinion au sujet des migrations des harengs. Mais en admettant qu'une certaine quantité de ces poissons voyageurs se réfugient durant l'hiver dans les profondeurs de l'Océan ou cherchent un abri dans les baies, nous croyons que le plus grand nombre remonte vers la mer Arctique,, pour y trouver peut-être le repos, comme on l'a dit, dans une sorte d'engourdissement, ou, tout au moins, dans une vie beaucoup moins active.

Nous avons encore à mentionner les sardines, dont l'abondance est extrême, et qui changent également de lieux à des époques périodiques, apparaissant, comme les espèces précédentes, en multitudes extraordinaires qui ne fréquentent pas moins la Méditerranée que l'océan Atlantique. Leur pêche est aussi une branche de commerce trèslucrative, et leur disparition pendant quatre ou cinq mois de l'année a été le sujet de diverses inter-


prétations analogues à celles que nous avons déjà résumées à propos des voyages du hareng et du maquereau.

Dans les Antilles, pendant la saison des pluies, c'est-à-dire-du commencement de juin à la fin de décembre, les côtes sont fréquentées par une multitude de poissons qui viennent y chercher une nourriture plus abondante, circonstance qui doit être mise , ainsi que la recherche des parages convables à la conservation du frai, au nombre des premières causes du phénomène des migrations.

On a cru longtemps que les thons, qui appartiennent à la même famille que le maquereau, . n'étaient que de passage dans la Méditerranée et y entraient par le détroit de Gibraltar pour s'avancer au delà du Bosphore et revenir ensuite vers l'ouest. Mais il paraît probable que, nés dans ces parages, ils passent une partie de l'année dans les eaux profondes, qu'ils abandonnent en troupes pour s'approcher des côtes ety poursuivre les sardines ou autres bandes de menus poissons, par lesquelles ils sont ordinairement précédés. Plusieurs espèces de thons portant les noms de bonite, thonine ou germon, se trouvent à différentes latitudes dans l'Atlantique,

l océan Pacifique ou la mer des Indes, et y donnent lieu chaque année, comme dans la Méditerranée, à d'abondantes pêches.


Les poissons dits anadromes (i), qui, abandonnant pour un temps la mer et nageant contre le courant, vont frayer dans les rivières, le plus près possible des sources, sont aussi, par leur multiplicité, une source de richesses pour les contrées dont ils peuplent momentanément les cours d'eau. Ces déplacements périodiques s'observent généralement au printemps, et leur régularité n'est troublée que par l'influence de la température, qui peut retarder ou hâter de quelques jours l'époque de la remonte. C'est ainsi que la plupart de nos fleuves d'Europe reçoivent l'alose, qui, dans le Guadalquivir s'avance au-dessus de Cordoue, jusqu'à 176 kil. de l'embouchure. Le saumon, l'éperlan, l'esturgeon, etc., font aussi partie du groupe des poissons qui entrent et séjournent dans les fleuves à l'époque où la fécondation doit s'accomplir. Les saumons entreprennent surtout de longs voyages vers les sources, pour y trouver probablement des eaux plus favorables que celles de la mer au développement des œufs et des jeunes. — « Rien ne semble les arrêter dans leur ardeur à franchir les embouchures des fleuves ou à se rapprocher de plus en plus des sources, quelles que soient les difficultés qu'ils aient à surmonter. Ils n'y réus-

(1) Du grec ana, en arrière, et dromos, course.


sissent pas toujours, mais ils ne rétrogradent point pour aller s'engager dans un autre courant plus tranquille. Ils renouvellent les tentatives et souvent se tuent en tombant, soit sur les rochers des cascades, soit sur les murs ou les pièces de bois des travaux d'art exécutés pour la construction des barrages.

« Les constructions musculaires de la queue, principal agent de la locomotion, sont tellement puissantes, que le saumon s'élance jusqu'à 3 m. 5o et même à 4 mètres au-dessus de l'eau, et il n'est pas rare de le voir franchir des chutes de 2 mètres et de 2 m 5o. Comme c'est dans les rivières rapides qu'il s'engage le plus volontiers, on a imaginé d'in génieuses dispositions au devant des différences de niveau pour faciliter l'ascension du poisson, dont on assure ainsi la reproduction en permettant aux individus que le filet n'atteint pas d'arriver sur des points plus rapprochés des sources où la ponte peut s'effectuer dans des conditions plus favorables au développement des œufs.

« Les échelles à saumons, inventées en 1834 seulement par l'Écossais Smith, donnent des résultats excellents partout où elles ont été établies. Elles procurent au poisson les moyens de franchir les barrages naturels ou artificiels en diminuant, par des arrêts disposés de distance en distance, la hau-


teur des chutes (1). » Nous reviendrons sur cette ingénieuse invention en parlant de la culture des eaux et des moyens d'en accroître la richesse.

Contrairement à ce que font les poissons anadromes, il y a des espèces fluviatiles , les anguilles par exemple, qui descendent dans la mer à l'époque du frai. Une des causes de cette différence de déplacement paraît être l'abaissement considérable de la température dans nos cours d'eau durant l'hiver, le froid mettant obstacle à la reproduction. A l'appui de cette opinion, on a fait observer que les anguilles n'habitent pas les régions arctiques, et aussi qu'elles ne gagnent pas le large, mais restent vers les embouchures, où le mélange continuel des eaux détermine une légère élévation de température. M. Duméril fait cependant observer que dans les étangs clos les anguilles ne se multiplient point, ce qui tend à établir l'impossibilité de la propagation dans l'état sédentaire. Il est certain que la reproduction n'a lieu qu'après l'arrivée à la mer. Guidés par l'instinct, les jeunes remontent au printemps, peu après leur naissance, les cours d'eau où ils doivent se développer, jusqu'au moment où, devenus aptes à se reproduire, ils les quittent à leur tour pour se rendre à la mer. La durée de cette

(1) A. Duméril, Des Poissons voyageurs. Annuaire Dehérain, 5e année.


montée, qui s'effectue pendant la nuit, est assez courte, deux semaines environ; mais l'incroyable multitude des individus qui composent les bandes est un nouvel exemple de la prodigieuse fécondité de la nature, qui n'assure pas seulement ainsi la conservation de l'espèce, mais en même temps met à notre disposition d'inépuisables sources d'alimentation.

Ajoutons ici que, suivant les observations des voyageurs et les récits des peuples qui avoisinent le pôle austral, ce pôle n'est pas moins poissonneux que le pôle boréal. Aussi, malgré l'opinion des savants naturalistes dont nous venons :de citer les belles études, et avec toute la réserve commandée par les consciencieuses recherches qui ont fondé leurs convictions, nous tendons à croire que les mers polaires sont un abri pour un grand nombre de poissons migrateurs qui viennent s'y réfugier pendant la saison des tempêtes. Nous rappellerons à ce sujet que pendant son hivernage à la Nouvelle-Zemble, Barentz vit fondre en plein hiver les glaces qui couvraient la côte, phénomène qui a sa cause dans l'arrêt que subit durant cette saison le courant polaire, ainsi que dans le mouvement du Gulf-Stream qui en est la suite (i). Pri-

(0 V. Les Glaciers, chap. VII.


vés de lumière pendant la longue nuit arctique, les poissons voyageurs trouveraient au moins dans les eaux des courants du sud le degré de chaleur nécessaire à la vie. Il est d'ailleurs certain que les poissons se trouvent alors en abondance au milieu des glaces qui entourent le pôle, une suffisante nourriture étant nécessaire aux nombreuses troupes de phoques, morses, pingouins, pétrels, etc., qui habitent ces régions stériles et ne vivent que de poissons. D'un autre côté, on sait, depuis les voyages de Scoresby, que la nature a répandu avec profusion dans les mers polaires les crustacés, les zoophytes et une foule d'autres espèces qui servent de proie aux animaux d'un ordre supérieur, parmi lesquels la baleine joue le premier rôle. « Les baleiniers, dit Maury, ont toujours cherché lesrégions où se fait la reproduction des baleines franches. Puisque ce sont des animaux d'eaux froides, ne serait-ce pas le bassin polaire, entouré d'un rempart que l'homme ne peut dépasser, qui serait le berceau des baleines? » On se rappelle que ce bassin, entrevu par Kane (i), présentait l'image d'une mer stable et sans limites, dont le charme étrange était accru par la présence des nuées d'oiseaux de mer et des troupes de phoques

(1) Histoire de la Navigation. Les Pôles.


qui couvraient le rivage, ou nageaient au sein des eaux moins froides amenées par le contre-courant sous-marin du sud dans ce vaste réservoir.

Quelle que soit la valeur de ces aperçus, dont les expéditions nouvelles qui se préparent pourront seules affirmer la vérité en recueillant des observations plus nombreuses et plus précises, il est certain que la vie fourmille dans la mer Arctique aux époques où les navigateurs peuvent y pénétrer. Scoresby a établi par un curieux calcul que 2 milles carrés en étendue y contiennent un nombre d animalcules si considérable, qu'il eût fallu 80,000 personnes ne faisant que cela depuis l'origine du monde pour les compter. Cette multitude innombrable donne aux mers polaires une couleur verte qu'on observe rarement ailleurs, et la nature, qui ne fait jamais rien en vain, et qui, suivant une juste expression, « va toujours à l 'épargne, » a évidemment pourvu par cette abondance à la subsistance des créatures dont elle les a peuplées.

Nous dirons enfin que depuis plusieurs années une association, à la tête de laquelle est M. Quetelet, directeur de l'Observatoire de Bruxelles, s'est imposé la tâche de noter l'époque exacte des phénomènes périodiques, et entre autres le départ et l'arrivée des principaux animaux voyageurs de


l'Europe. Lorsque ces observations comprendront un nombre d'années suffisant et auront été répétées sur différents points du globe, on pourra mieux connaître les causes qui déterminent les migrations, et peut-être en pénétrer le mystère.


VII

LA PECHE

La pêche che\ les anciens. — Parcs à poissons. — Bateauxviviers. — Emploi de la glace. — Sardines et Anchois. — Pêche du Thon. — L'Espadon. — L'Esturgeon. — Pêcheurs scandinaves. — Pêches du Hareng, de la Morue, du Maquereau. — Pêches des Tortues. — Le Rémora. - Pêche de la Baleine. — Phoques et Morses.

Nous avons à décrire maintenant la manière dont l'homme parvient à s'emparer de la riche population de poissons et d'amphibies dispersée dans les diverses régions de l'Océan. La pêche a été comparée à l'agriculture, mais il y a cette différence entre elles qu'aucun des produits végétaux des profondeurs ne donne directement une mois-


son; des êtres intermédiaires sont constitués en collecteurs de ces produits, comme les bestiaux dans les prairies terrestres, et ils absorbent en outre d'innombrables essaims d'animalcules impossibles à atteindre dans les eaux. D'un autre côté, ils sont entièrement libres ; les troupeaux de Neptune n'obéissent qu'à l'instinct dans leurs mouvements et la recherche de leur nourriture. Si nous n'avons aucune surveillance à exercer sur eux, ne croyons pas toutefois que nous puissions agir à leur égard sans ménagement. Il faut se souvenir de la fable d'Ulysse : en maltraitant les troupeaux du dieu de la mer, on risque de perdre ses faveurs. Ceux qui, au lieu de les considérer en quelque sorte comme nos serviteurs, les poursuivraient sans relâche comme des races ennemies, ne tarderaient pas à voir suivies de grands dommages leurs destructions abusives.

Dans les galeries de l' Histoire du travail, à l'Exposition de 1867, on trouvait les vestiges des anciennes habitations lacustres de la Suisse. Ces attestations authentiques de l'industrie humaine aux premiers âges du monde renfermaient nonseulement des débris de filets, mais encore des hameçons. Il n'est pas rare de trouver sur les monuments de l'Egypte et de l'Assyrie des dessins indiquant la connaissance des engins de pêche de


même nature que les nôtres. Ici un pêcheur tire de l'eau une corde au bout de laquelle un poisson est accroché ; là des groupes de pêcheurs relèvent des nasses pleines de poissons ou halent par les deux extrémités le filet qu'on désigne sous le nom de seine. Les poëmes homériques parlent de ces mêmes genres de pêche. Hésiode place sur le bouclier d'Hercule un pêcheur attentif, prêt à jeter ses filets sur une troupe de poissons que poursuit un dauphin. La pêche devint chez les Grecs une industrie extrêmement lucrative. On fit dans des lieux favorables de grands établissements de sa. laison qui se transformèrent en villes opulentes; telle fut l'origine de Byzance et de Sinope. L'abondance des poissons, suivant un historien, valut au port de Byzance le nom de corne d'or. On trouve dans les fragments d'histoire naturelle des Grecs parvenus jusqu'à nous la désignation de plus de quatre cents espèces de poissons, et ce chiffre suffit pour faire apprécier l'étendue de leurs pêches.

Les Romains se livrèrent aussi avec ardeur à la pêche : les poissons étaient devenus chez eux le genre de nourriture le plus recherché. On oite la vente de certains poissons délicats, ayant acquis une grande taille, au prix de 3 à 4,000 sesterces. Aucun gibier ne montait si haut. Pour assurer à leur table ces mets préférés, les plus riches gour-


mets avaient fait construire des viviers d'engraissement auxquels on donnait des formes monumentales. Chaque sorte de poisson y avait un compartiment particulier. Le plus vaste était ordinairement destiné aux murènes, beaucoup plus recherchées à cette époque qu'aujourd'hui, et qu'on faisait venir de tous1 les points de la Méditerranée. Abondamment nourries dans les réservoirs, elles y prenaient un énorme développement. Il est permis de révoquer en doute le témoignage de l'historien qui a raconté l'action atroce du patricien Pollion faisant jeter des esclaves dans ses viviers. Nous aimons mieux avoir à mentionner les efforts couronnés de succès qui furent tentés pour apprivoiser les poissons. Ces animaux, raconte-t-on., avaient fini par accourir à la voix de leur maître, et probablement avec un peu d'étude et de persévérance il aurait été possible de tirer de quelquesuns d'entre eux des races domestiques.

Sans revenir à ces entreprises, issues d'un luxe monstrueux, on devrait appliquer sur une plus vaste échelle qu'on ne le fait aujourd'hui le principe des viviers. L'auteur d'excellents travaux sur l'exploitation des produits de la mer, M. Sabin Berthelot, donne les renseignements suivants sur les procédés employés dans quelques pays étrangers pour la conservation des poissons provenant


de la pêche côtière. « Il importait, dit-il, de se ménager une ressource dans les moments de disette, lorsque la pêche ne donnait pas ou que le mauvais temps retenait les barques au port. On a, par suite, créé des viviers, sorte d'entrepôts où l'on peut garder l'excédant de la pêche dont on ne trouve pas assez promptement le débit. Mais ces entrepôts n'auraient pas suffi à la consommation sans être incessamment pourvus de poissons par des bateaux viviers installés pour la conservation et le transport des produits de la pêche à l'état vivant. Ce système est établi depuis longtemps au Cambodge, dans tout l'empire d'Annam et en Chine. Il en est de même au Japon, où les réservoirs à poissons sont de véritables établissements de pisciculture, sortes de bassines à écluses, où les différentes espèces qu'on y renferme sont séparées par des clayonnages de bambous; les procédés de la fécondation artificielle y sont appliqués à la production d'espèces hybrides (i). »

L'usage des parcs à poissons et des bateaux-viviers_, introduits depuis plusieurs années aux États-Unis et à la Havane, y a augmenté dans une grande mesure les ressources de l'alimentation publique. A la Havane, on emploie comme réser-

(i) Bulletin de la Société d'acclimatation. Avril 1865.


voirs de grandes et fortes caisses quadrangulaires qu'on immerge près du môle, où la mer est toujours un peu houleuse, condition essentielle pour la conservation du poisson. Quatre caisses suffisent pour contenir les 8 à 900 poissons qui composent le chargement d'un bateau-vivier. Il faut avoir soin d'introduire avec eux une vingtaine de homards ou de langoustes, afin que ces grands crustacés mangent les poissons morts qu'on ne pourrait retirer et purifient le réservoir de toutes les productions marines qui s'y forment. Dans ces conditions, le poisson, nourri de chair hachée, peut être conservé pendant près d'un mois.

Aux États-Unis, on emploie comme réservoirs des bassins de maçonnerie possédant des écluses à l'ai'de desquelles l'eau est régulièrement renouvelée. Pourtant on fait aussi un grand usage des caisses flottantes pour conserver les poissons, les tortues de mer, les homards, etc. Les bateaux-viviers sont généralement des goëlettes ou des cutters de 40 à 60 tonneaux d'une marche supérieure. Le réservoir se trouve au centre du navire et communique avec le pont par deux écoutilles, au moyen desquelles on peut le visiter à volonté. La mer y pénètre par un grand nombre de trous pratiqués à un demi-mètre environ au-dessous de la ligne de flottaison. La pêche dure d'ordinaire une


dizaine de jours seulement. Si dans la traversée de retour le calme survient, on a soin d'agiter souvent l'eau du vivier; sans cette opération elle perd bientôt l'oxygène dont les poissons ont besoin. Dès qu'elle reste stagnante, on les voit se présenter aux écoutilles, la tête à fleur d'eau, pour venir respirer l'air vital.

Les pêcheurs font subir aux poissons qu'ils retirent des grandes profondeurs une sorte de ponction avec un poinçon creux, afin qu'ils puissent vivre dans les réservoirs. Ces poissons présentent en effet en arrivant à la surface tous les signes de l'asphyxie. L'air de la vessie natatoire n'étant plus comprimé par la grande colonne d'eau qui pesait sur lui se dilate extrêmement et fait jaillir l'œsophage et l'estomac par la bouche; mais aussitôt que la vessie est percée l'état normal se rétablit.

Pour mettre en pratique sur nos côtes un semblable système de pêche, appelé à résoudre une importante question économique, des armateurs devraient, selon M. Berthelot, venir en aide à nos pêcheurs et s'associer à leurs entreprises en leur fournissant des bateaux et des viviers. « Avec des barques pontées, dit-il, d'un port suffisant, bien équipées, capables de tenir la mer en toute saison, nos pêcheurs pourront se porter dans les parages poissonneux sans se préoccuper du temps et de la


distance. Assurés désormais de la conservation de leur pêche, un champ plus vaste s'ouvre devant eux; la certitude du succès doit les enhardir, et leur vieille expérience les guider vers les points les plus favorables à leurs opérations. C'est par des profondeurs moyennes qu'ils trouveront ces poissons estimés, devenus aujourd'hui si rares: les gades, les dorades, les bars de l'Océan, les grands serrans, les spares, les merlans et les beaux pagels de la Méditerranée; toutes ces espèces, en un mot, qui se plaisent sur les frayères, où elles rencontrent à la fois une nourriture abondante et des abris pour leurs alevins. Aux pêcheurs de nos ports de l'Océan est réservée l'exploration du golfe de Gascogne et de la côte de Biscaye, les atterrages de l'Angleterre et de l'Écosse, et même tout le littoral de la mer du Nord ; à ceux de nos plages méridionales, les fonds poissonneux de l'Algérie/de la Corse, de la Sardàigne et des îles Baléares. Puissent-ils répondre tous à mon appel et bien comprendre les avantages d'un système susceptible d'un développement illimité (1). »

Nous devons encore mentionner une innovation très-favorable à la pêche côtière, l'emploi de la

(1) Bulletin de la Société d'acclimatation. Tome II, avril 1865.


glace à bord des bateaux-pêcheurs et des bateauxviviers. Ce procédé est employé depuis des siècles en Chine ; les pêcheurs des États-Unis l'ont adopté, et nous trouvons, à ce sujet, d'intéressants détails dans une étude sur les pêches ,maritimes (1) dont nous aurons bientôt à parler plus longuement.

L'auteur signale d'abord la consommation trèsabondante de la glace chez les Américains comme une véritable révolution dans l'alimentation publique. Tandis qu'en Europe cette denrée ne sert guère qu'à la classe riche, elle est devenue pour tout le monde, aux États-Unis, un article de première nécessité. Le commerce de la glace, livrée à très-bas prix, y a augmenté la richesse nationale et développé le mouvement maritime dans de grandes proportions. L'exportation en est devenue considérable et s'étend jusque dans l'Inde. En 1854, on évaluait à environ 40 millions les capitaux engagés dans ce commerce, et à dix mille le nombre de personnes s'occupant des différents travaux d'exploitation.

Les pêcheurs pouvant se procurer la glace à bon marché en embarquent une grande quantité ; sur

(1) Études sur l'industrie huîtrière et les pêches maritimes des États-Unis, par M. P. de Broca , lieutenant de vaisseau, directeur des mouvements du port au Havre. — Paris, 1865.


leurs bateaux, des compartiments spéciaux sont, en général, disposés pour la placer autour du vivier. Les produits se conservent ainsi parfaitement, mais il n'est nullement indispensable que les bâtiments soient emménagés d'une manière particulière pour ces transports de poissons à de grandes distances. M. de Broca cite un brick de 200 tonneaux qu'il a vu arriver à New-York avec un chargement pris à Rhode-Island de 5o à 60 tonnes de poissons frais, arrimés tout simplement dans la cale au milieu de fragments de glace. On déchargea la cargaison à la pelle dans des tombereaux pour l'envoyer au marché. Avant de pouvoir entrer dans une pareille voie en France, il faudrait faire sortir l'industrie de la glace de l'ornière où elle est restée ; tant que cette denrée ne pourra pas être livrée à bas prix aux pêcheurs, son emploi sera forcément limité. Nous la recevrons peut-être bientôt en grande quantité de la Norwége, qui, marchant sur les traces de l'Amérique, en expédie depuis quelque temps des cargaisons à diverses contrées de l'Europe.

La pêche des poissons voyageurs qui pénètrent


en bandes innombrables dans la Méditerranée constitue depuis l'antiquité une des principales richesses^ des peuples qui habitent ses côtes. Les procédés employés paraissent avoir été toujours les mêmes : ce sont des filets qu'on tend sur le passage de ces vivantes nuées dès qu'on sait, par certaines observations, qu'elles approchent du rivage. L'huile d'olive est un excellent moyen de conservation pour ces récoltes; elle garde aux chairs toute la délicatesse de leur goût.

Les sardines doivent leur nom à l'île de Sardaigne, dont elles fréquentent toujours les parages ; mais avant d'y arriver elles visitent les côtes de Bretagne, où leur pèche occupe environ douze cents embarcations, dont chacune revient d'ordinaire avec 25 ou 3o,ooo poissons. On évalue la pêche d une saison à 600 millions, ce qui procure un bénéfice net de 3 millions de francs.

Les anchois sont les compagnons des sardines, surtout dans la Méditerranée. La plus grande pêche de ces poissons se fait sur les côtes de Provence et près de l'île Gorgone, entre la Corse et a côte italienne; on les prend la nuit dans des filets où ils sont attirés par des lumières fixées aux barques.

Nous nous étendrons principalement sur la pêche du thon, dont nos côtes de Provence reçoivent de


nombreux essaims aux époques du frai. A l'ordinaire la taille de ce poisson est de 1 mètre environ, mais elle peut atteindre jusqu'à 2 mètres et 2m.5o; Pline prétend avoir vu un thon qui pesait 1 5 talents, près de 400 kilogrammes.

Les engins de pêche employés sont la thonaire et la madrague, parcs ou enceintes de filets diversement disposés, mais qui forment, en général, des murailles parallèles à la côte. Un autre filet, qui se trouve au fond, est soulevé peu à peu et contraint le poisson à avancer. On le rassemble ainsi dans un dernier compartiment appelé chambre de mort, où il est tué à coups de harpon. Un bateau se tient à l'entrée de la baie pour épier le passage du thon, qu'on signale immédiatement en hissant un pavillon. Les barques des pêcheurs accourent avec un nombreux personnel armé de harpons, de crochets et de coutelas. Il y a une scène finale qui attire beaucoup de spectateurs et dont notre éminent naturaliste M. de Quatrefages, qui en a été témoin sur les côtes de Sicile, donne la description suivante :

«... Les cabestans plaies aux extrémités du filet n'ont pas cessé de tourner et le plancher mobile de la dernière chambre ou corpou s'élève d'autant. De plus en plus refoulés vers le haut, les thons commencent à se montrer. Grâce à la trans-


parence de eau, on les voit parcourir en tous sens, avec une irrégularité inquiète, la vaste poche qui les enserre. Déjà quelques-uns rasent la surface et s 'élancent en bondissant. Malheur à ceux qui viennent à portée des barques ! Des mains de fer s'allongent aussitôt et enfoncent dans leurs flancs des griffes acérées. D ordinaire les blessés échappent à ces premières attaques ornais, aux cris cadencés des matelots, les cabestans tournent toujours, et le filet impitoyable monte de plus en plus. Le canot du chef de pêche chasse les thons vers les bords. Les blessures se multiplient. Déjà quelque poisson , plus profondément atteint , a ralenti sa course et de temps à autre montre son large ventre argenté, que raye un ruisseau de sang noirâtre. A chaque nouveau coup qu'il reçoit, sa résistance diminue. Bientôt il s'arrête un instant, et cet instant suffit : dix crampons s'enfoncent à la fois dans ses chairs, vingt bras se raidissent et le soulèvent au-dessus de l'eau. En vain la peau se déchire; le crampon qui vient de lâcher prise s'élève, retombe, s'enfonce de nouveau, et bientôt le malheureux animal est hissé jusque sur le bord. Aussitôt deux hommes le saisissent par ses grandes nageoires pectorales, le font glisser sur la poutre placée derrière eux et le lancent dans la cale.

« Mais le filet mobile monte sans cesse, et le


troupeau de thons se découvre en entier. Pressés les uns contre les autres, on voit ces monstrueux poissons s'élancer avec désespoir contre les parois flexibles du corpou, montrer leur dos noir moucheté de larges taches jaunes, ou fendre la surface de l'eau avec leur grande nageoire en croissant. Au milieu d'eux bondissent quelques espadons au long nez terminé en lame d'épée. Enivrés par le spectacle de la proie qui s'offre à leurs coups, les marins frappent et plus vite et plus fort. La pêche devient une vraie boucherie. Dans cette foule serrée, on ne distingue plus les individus. Ce ne sont que têtes violemment agitées, que bras rougis qui s'élèvent et s'abaissent, que harpons qui se croisent et se heurtent. Tous les yeux étincellent, toutes les bouches poussent des cris de triomphe, des clameurs d'encouragement. Les eaux du corpou se teignent de sang. A chaque instant de nouveaux thons tombent dans les cales; les morts, les mourants s'amoncellent, et les barques, bientôt insuffisantes, s'enfoncent sous leur charge demi-vivante...

« Je dois le dire, ce spectacle, que nous avions désiré, nous laissa tristes et mécontents : cette tuerie nous avait péniblement affectés. Quant à nos matelots, ils étaient radieux. Pêcheurs, ils ne pouvaient sentir et voir qu'en hommes de leur pro-


fession, et la pêche avait été superbe. En trois heures, ils avaient harponné 5 54 pois&onsj pesant environ 80 kilogrammes en moyenne. On savait d'ailleurs que les chambres de la mandrague renfermaient encore près de 400 prisonniers. Le propriétaire pouvait donc compter, dès le début de la campagne, sur environ 72,000 kilogrammes de chair de thon, représentant une valeur d'au moins 45.000 francs (1). »

L'espadon, qui, comme on vient de le voir, s'engage quelquefois dans la madrague en poursuivant les thons, a un terrible renom de combattant. C'est, avec le poisson-scie, le plus redoutable ennemi de la baleine. Il lui arrive même de se précipiter par erreur sur les flancs d'un navire, et l'on a trouvé quelquefois l'extrémité de son épée fixée dans le bois. « Il en est de l'arme de ce poisson comme de la corne du rhinocéros : l'un et l'autre de ces animaux sentent, à certains moments, le besoin d'éprouver leurs forces contre qui ou contre quoi. Quand une pareille machine de guerre a été construite et animée d'un souffle de vie, il faut, bon gré mal gré, qu'elle agisse. De là cette sorte de furie avec laquelle l'espadon s'élance sur les obstacles et les grands corps mouvants, sans se

(1) Souvenirs d'un naturaliste. Paris, 1854.


soucier qu'ils soient de bois ou de chair et sans calculer qu'il court au suicide. Il veut frapper, quand même il devrait s'ensevelir dans son triomphe (i). »

Dans le détroit de Messine on pêche l'espadon avec la palimadara, grand filet à mailles serrées, fabriqué avec de fortes ficelles et tendu entre deux balancelles voguant à pleines voiles. Les plus habiles pêcheurs préfèrent employer la lance pour s'en emparer. On plante à cet effet au milieu du bateau un mât haut de 5 à 6 mètres, surmonté d'un plancher où un homme se tient en vigie. D'autres vigies s'établissent sur la côte ou sur des échafaudages très-élevés construits tout exprès sur la plage. Lorsque l'espadon est signalé, la barque avance de son côté pendant que le lancier se tient debout à la proue, l'arme en main. A celle-ci, longue d'environ 4 mètres, est attachée une corde qu'on file rapidement quand le coup est porté. On s'empare de l'animal aussitôt qu'il paraît avoir perdu ses forces ; mais les pêcheurs ont à se tenir sur leurs gardes, au moment de l'abordage, contre les coups que dans sa fureur il porte encore de tous côtés. Dans le Bosphore, il y a fréquemment des

(1) La Vie des animaux, par le docteur Jonathan Franklin, traduction de A. Esquiros.


passages d'espadons; on les observe dans des guérites installées sur de grandes perches le long du rivage. Le poisson n'a aucune défiance de cette construction aérienne, et les barques mouillées dans les criques voisines arrivent au moindre signal du guetteur.

Les esturgeons, dont la forme rappelle celle des squales, ont cependant une chair excellente; les Grecs et les Romains les péchaient dans la Méditerranée et les cours d'eau qui s'y jettent. On en trouve aussi dans plusieurs régions de l'Océan, et principalement à l'entrée de la Garonne, où l'on en a pris qui avaient atteint une longueur de plus de 10 mètres. Pallas parle d'un esturgeon pesant 1,155 kilogrammes et portant 33o kilogrammes d'œufs, ce qui permet d'évaluer leur nombre à environ 3o millions. Comme produit commercial, ces œufs ont une plus grande valeur que la chair; pétris avec du sel et d'autres condiments, ils constituent le caviar, aliment dont on fait en Russie et dans le Levant une énorme consommation. Pendant l'hiver et au printemps, on pêche l'esturgeon dans les glaces des fleuves russes. Après avoir brisé la couche solide à l'aide de la pioche, il suffit de sonder l'ouverture avec un harpon pour faire de belles prises. Quand la débâcle a eu lieu, on établit un barrage en laissant au milieu une


ouverture garnie d'un filet ou simplement de claies d'osier.

Les Romains n'avaient guère étendu leurs pêches au delà des rivages de la Méditerranée. Ils avaient mis dans cette industrie plus d'engouement que de véritable grandeur; mais un mouvement très-puissant et d'un caractère tout différent se produisit après le renouvellement de la marine par les races du Nord. L'activité des peuples barbares, détournés par le christianisme des voies inhumaines dans lesquelles la religion d'Odin les avait jetés, se porta sur l'Océan, où ils trouvèrent un champ éminemment fécond à exploiter. Les flottilles scandinaves, qui avaient si longtemps désolé les côtes de la mer du Nord et même de l'Atlantique, remplacèrent leurs pillages par le travail, et la pêche, développée sur une vaste échelle, les conduisit à une fortune plus légitime.

Dès le IXe siècle, Héligoland devint le centre de riches pêcheries dont les Danois gardèrent longtemps le monopole. L'abondance des poissons était souvent telle dans le Sund et le Cattégat, que,


selon un auteur du temps, les bateaux rompaient avec beaucoup de peine leurs bancs à force d'avirons. On convertissait déjà à cette époque les poissons en denrées de conserve qu'on expédiait dans les pays étrangers. « Ce n'était pas, dit Jean Reynaud (i), une pêche de luxe comme celle des Romains, mais une pêche toute populaire. Ce même mouvement qui s'était déterminé autrefois dans la Méditerranée par l'effet du faste et de la sensualité, ce n'était pas seulement l'intérêt, mais la religion même qui le soutenait dans l'Océan, et sur des proportions bien plus grandes. En effet, indépendamment de ce que la culture du Nord étant moins productive .que celle du Midi les peuples septentrionaux sont plus naturellement portés à tirer parti de toutes les ressources, il est manifeste que le christianisme, par l'institution du maigre, tendait à obliger les hommes à rechercher plus qu'ils ne l'avaient jamais fait les produits maritimes. Comment, sans le bas prix et la profusion du poisson, les mœurs auraient-elles pu se prêter à l'institution du carême et des abstinences hebdomadaires, surtout dans le Nord, où la sobriété est tout autrement difficile que dans le Midi? Ainsi, par un de ces concerts spontanés

(i) Encyclopédie nouvelle.


dont il y a tant de traits dans l'histoire, en même temps que les peuples du Nord se trouvaient tournés vers l'exploitation de la mer par suite de leur conversion, la pêche trouvait aussi des débouchés tout nouveaux déterminés par le même principe.

.« La religion, sans y avoir visé, a donc apporté à l'économie générale du genre humain une amélioration capitale, car non-seulement elle a augmenté la richesse publique en déterminant les hommes à s'approprier un revenu qu'ils avaient négligé jusqu'alors, mais par cette action même elle les a familiarisés peu à peu avec la mer, jusqu'au point où, devenus tout à fait marins, ils y ont pris librement leur essor. C'est là le côté principal du bienfait, et ce n'est pas un médiocre exemple de la grandeur des conséquences qui sortent souvent d'un principe peu considérable à première vue, qu'un des plus minimes détails de la vie ecclésiastique ait pu amener les nations à découvrir le moyen de commercer sans peine d une extrémité à l'autre de la terre. »

La base principale du commerce des pêcheurs à Héligoland consistait dans les harengs, qui, à peine descendus du pôle, y arrivent en phalanges compactes. Bientôt les concurrents devinrent nombreux; ils se fixèrent dans les ports où s'élevèrent rapidement les villes hanséatiques. Les habitants


de la Norwége et de l'Islande se livrèrent également à cette pêche et ouvrirent pour ses produits un important marché à Bergen.

On a constaté qu 'au IX" siècle des marins de Dieppe allèrent pêcher le hareng dans la mer du Nord, mais la France se laissa promptement dépasser dans cette industrie lucrative par la Hollande, qui, à partir du XIIe siècle, y consacra de 2 à 3,ooo bateaux. Elle y trouva le principe de sa puissance maritime et coloniale : Amsterdam, sa riche métropole, est, suivant un dicton du pays, « fondée sur des têtes de harengs. » Il y a deux siècles, les Hollandais salaient plus de 600 millions de ces animaux par an. C'est à un Flamand, Guillaume Beukelz, ne à Biervleit, en 1397, qu'on doit l'important perfectionnement qui consiste à caquer le poisson, c'est-à-dire à lui enlever les branchies et les intestins avant de le soumettre à l'action du sel.

Beaucoup de ports de la Manche doivent leur prospérité au hareng. A Neuport, le chef-lieu des pêcheries de la Flandre, on a bâti avec le produit seulement de la dîme des harengs plusieurs églises, des hôpitaux et des écoles. Les Anglais, chez lesquels la même pêche est très-ancienne, partagent aujourd 'hui avec les Hollandais le monopole de l exportation ; le port de Yarmouth en forme un


des principaux centres. Le rapport des pêcheries françaises, danoises et suédoises ne dépasse guère la consommation de leurs pays respectifs. Les bâtiments généralement employés sont de 5o à 80 tonneaux. On se sert de filets qui ont jusqu'à 220 mètres de longueur, et la grandeur des mailles doit être telle que le hareng soit retenu par ses ouïes lorsque la tête y est engagée. Pendant la nuit la phosphorescence des bandes de poissons les trahit, et l'on se dirige alors plus facilement vers leurs courants principaux.

Les lieux où se réunissent surtout les pêcheurs de morue sont les Lofoden, espace de mer de quelques lieues carrées situé sur la côte de Norwége, et le banc de Terre-Neuve, sur la côte d'Amérique. Ce poisson a exercé une influence analogue à celle du hareng sur le développement des marines de diverses nations. Dès que le printemps approche, il met en mouvement de véritables flottes. L'Angleterre seule équipe 2,000 navires avec 3o,ooo hommes d'équipage, la France à peu près la moitié et l'Amérique autant que les deux pays ensemble. La pêche se fait ordinairement à la ligne, quoique cette méthode soit très-fatigante, car les morues sont quelquefois si abondantes qu'un homme habile peut en prendre 400 dans une seule journée. Pour les conserver, on les sale et on les fait sécher


soit à bord des navires, soit dans des établissements formés sur la côte.

La pêche du maquereau n'est guère inférieure à celles dont nous venons de parler. Les Romains recherchaient dans la Méditerranée une espèce particulière avec la chair de laquelle ils préparaient le fameux garum sociorum, ce liquide à demi putréfié dont l'idée seule nous répugne et qui servait à réveiller l appétit de leurs gastronomes. Aujourd 'hui nous préférons l'excellent poisson dans sa fraîcheur; on ne le sale que quand on va le prendre en grande masse au passage de ses bandes voyageuses. Dans les régions favorables, c'est le filet, une immense seine, qui est employé. On cite un seul coup, donné au fond d'une baie de la Nouvelle-Écosse, qui fournit de quoi remplir 1800 barils. En croisant au large, les pêcheurs américains jettent de temps en temps à la mer un appât spécialement préparé. S'ils parviennent à attirer le poisson, ils le prennent à la ligne avec une remarquable dextérité. La forme de leur hameçon est telle que le décrochement s'opère avec rapidité et que la ligne peut être rejetée à la mer par le retour du bras. M. de Broca, dans son intéressante étude, recommande ce procédé à nos pêcheurs.

Une autre observation du mêmeauteurqu'il peut être utile de reproduire est celle qui concerne les


inspections officielles à l'aide desquelles, aux ÉtatsUnis, on empêche de verser dans la consommation publique des produits inférieurs. « Grâce aux sages prescriptions des règlements, à la pénalité sévère qu'entraînent les infractions, grâce surtout à l'emploi des marques spéciales pour distinguer chaque qualité de poisson salé, on peut acheter cette denrée avec la certitude de ne pas être trompé par les marchands. Les pêcheurs eux-mêmes, connaissant toute l'importance du classement des produits, sont conduits par l'intérêt personnel à donner de grands soins à la salaison à bord, et à l'exécuter avec célérité, dans les grandes chaleurs principalement. Il est donc juste de reconnaître que l'application des règlements sur les inspections tourne au profit de la masse, entretient en même temps l'émulation des pêcheurs, et porte les armateurs à faire construire des navires rapides, afin de pouvoir lutter contre leurs concurrents avec de plus grandes chances de succès. »

Les mers renferment diverses espèces de tortues : la tortue caouâne est assez commune dans la Mé-


diterranée et la mer Rouge, la tortue franche habite principalement l'Atlantique, et la tortue caret l'océan Indien. Elles acquièrent en général une grande taille; on en cite deux qui sont venues échouer sur la côte dans le golfe de Gascogne et qui mesuraient 2 mètres à 2m.60 de la tête à la queue. Dampierre parle d'une tortue semblable dont la carapace servit à faire un bateau dans lequel un petit mousse put rejoindre un navire mouillé près de la côte. Ces animaux paissent au fond de la mer les algues et les herbes marines; ils se nourrissent aussi de zoophytes, de petits crustacés et de seiches. Ils nagent et plongent avec facilité. A l'entrée de leurs organes respiratoires est placée une sorte de soupape qu'ils soulèvent quand ils sont dans l'air et qu'ils ferment hermétiquement quand ils s'enfoncent dans l'eau. En temps calme, on les voit souvent dormir immobiles à la surface de la mer.

Le groupe des îles Tortugas, sur les côtes de la Floride, n'est guère fréquenté que par des pêcheurs de tortues. « Tout le fond de la mer au pied de ces îles, dit le naturaliste Audubon(i), est couvert d'une épaisse couche de coraux, de gorgones et d'autres productions de l'abîme, parmi lesquelles

(1) Scènes de la nature dans les États-Unis, traduction de M. E. Bazin. Paris, 1857.


rampent d'innombrables multitudes de crustacés, tandis qu'au-dessus d'eux des troupes de poissons les plus curieux et les plus beaux se jouent au sein des ondes limpides. Des tortues de diverses espèces se retirent sur ces bancs pour y déposer leurs œufs, qu'elles confient à la vivifiante chaleur du soleil, et des nuées d'oiseaux de mer y arrivent chaque printemps pour le même objet. Mais à leur suite arrivent aussi ces individus qu'on appelle chercheurs d'œufs et qui, lorsque leur cargaison est complète, font voile vers les marchés lointains pour y vendre leur butin si mal acquis.

« Le vaisseau la Marion ayant dans le cours de ses explorations à visiter les Tortugas, je saisis avec empressement l'occasion qui m'était offerte de voir ces îles fameuses. Quelques heures avant le coucher du soleil, le joyeux cri de «Terre! » annonça que nous approchions ; comme il s'était levé une brise fraîche et que le pilote connaissait parfaitement les passes, nous continuâmes d'avancer et jetâmes l'ancre au crépuscule.

« Au léger souffle de la brise, l'engoulevent s'élance en agitant ses ailes silencieuses; les sternes ont gagné la terre et reposent doucement sur leurs nids; on voit passer la frégate, qui se dirige là-bas vers les mangliers, et le fou à manteau brun, qui cherche un refuge, s'est perché sur la vergue du


vaisseau. Nageant avec lenteur vers le rivage, et leurs têtes seules au-dessus de l'eau, s'avancent les tortues à la lourde'carapace, que presse le besoin de déposer leurs oeufs dans les sables bien connus. Sur la surface à peine ridée du courant je distingue confusément leurs larges formes, et tandis qu'elles cheminent avec effort, le bruit d'une respiration précipitée trahit par intervalles leur défiance et leurs frayeurs. Cependant la lune, de sa lumière argentée, éclaire la scène ; et la tortue, ayant enfin abordé, tire péniblement sur le rivage son corps pesant. C'est que ses pattes en nageoires sont bien mieux organisées pour se mouvoir dans l'eau que sur la terre. Pourtant l'y voilà! Elle se met laborieusement à l'œuvre, et voyez avec quelle adresse elle écarte le sable de dessous elle et le rejette à droite et à gauche. Couche après couche, elle dépose ses œufs, les arrange avec le plus grand soin, puis de ses pattes de derrière ramène le sable par-dessus et recouvre bien proprement le tout. Maintenant sa tâche est accomplie ; le cœur joyeux, elle regagne lestement le bord et se plonge dans les flots.

« Pour retourner une tortue, quand on la surprend sur le rivage, il faut se mettre à genoux, s'appuyer l'épaule derrière sa patte de devant, la soulever petit à petit en poussant de toutes ses


forces; puis, par un élan subit, la jeter sur le dos. Quelquefois il faut les efforts réunis de plusieurs hommes pour en venir à bout ; et si la tortue est de grande taille, comme il s'en trouve souvent sur cette côte, le secours des leviers devient indispensable. Il y a des pêcheurs assez hardis pour nager vers elles, quand elles flottent endormies à la surface de l'eau, et leur faire faire la culbute dans leur propre élément ; mais, dans ce cas, un bateau doit toujours se tenir prêt pour les aider à s'assurer de leur prise.

« Les individus qui cherchent des œufs de tortues s'en vont le long du rivage, munis d'un petit bâton avec lequel ils sondent le sable là où se remarquent les traces de ces animaux, bien qu'il ne soit pas toujours facile de les découvrir à cause des .vents et des averses qui, très-souvent, les ont presque entièrement effacées. Ce n'est pas seulement l'homme qui fait la guerre à leurs nids, mais aussi les bêtes de proie, et les œufs sont recueillis en grandes quantités, ce qui n'étonnera personne quand on saura que certaines parties des sables sont connues pour renfermer, dans l'espace d'un mille, les œufs de plusieurs centaines de tortues.

« Pendant mon séjour aux Florides, plusieurs pêcheurs m'assurèrent que toute tortue prise à la place où elle dépose ses œufs, et transportée sur le


pont d'un navire à une distance de plusieurs centaines de milles, ne manquerait jamais, si on la mettait ensuite en liberté, de regagner le lieu où elle avait coutume de pondre, soit immédiatement, soit au plus tard à la saison suivante. Si le fait est vrai, et je le crois tel, quelle nouvelle, quelle éclatante démonstration n 'en résulte-t-il pas pour l homme qui étudie la nature et qui a foi dans l'harmonie et la stabilité des dispositions que de toutes parts elle sait prendre! Ainsi, voilà la tortue qui, comme les oiseaux émigrants, revient sans s'égarer aux mêmes rivages, et peut-être avec les mêmes transports qu'éprouve le voyageur lorsque, après avoir parcouru de lointaines contrées, il rentre encore une fois au sein de sa famille chérie ! »

Souvent on prend un grand nombre de tortues en tendant de vastes filets à l'entrée des cours d'eau; les tortues s'embarrassent d'autant mieux dans leurs mailles qu'elles font plus d'efforts pour se dégager. Les pêcheurs les attaquent aussi en pleine mer avec le harpon ; mais il faut beaucoup d adresse pour faire pénétrer l'instrument dans l'écaillé. Dès que l'animal se sent blessé, il plonge et entraîne le trait; on lâche alors rapidement la corde qui y est attachée et on ramène la prise avec précaution jusqu'au bord de l'embarcation.

Dans la mer des Antilles et dans le canal de Mo-


zambique, les pêcheurs se servent, pour prendre les tortues, de certains poissons vivants, dressés, pour ainsi dire, à cette chasse. Ces poissons, célèbres depuis l'antiquité, ont reçu différents noms. On les appelait echeneis en grec, remoras en latin, c'est-à-dire arrête-nefs, parce qu'on leur attribuait le pouvoir étrange d'arrêter la marche des navires en s'y attachant. Pline va jusqu'à en faire figurer un à la bataille d'Actium, dont l'issue fut défavorable à Antoine Ci parce que ce poisson avait retardé la galère qu'il montait». Si nous écartons le côté fabuleux, nous reconnaîtrons que l'animal se fixe en effet sur les navires, mais seulement pour se reposer et se faire transporter sans dépense de force; il s'attache à tous les corps flottants. L'opération se fait à l'aide d'un appareil placé au sommet de la tête et qu'on peut comparer à une ventouse. Nous trouvons dans la relation de voyage du naturaliste Commerson une description du mode de pêche des tortues dans lequel le rémora sert d'auxiliaire : « Un anneau muni d'une corde est passé à la queue de l'animal ; on le conserve ainsi préparé dans un vase plein d'eau salée jusqu'au moment où l'on se trouve dans le voisinage d'une tortue endormie. Dès qu'il est délivré en partie de sa captivité, il cherche à s'échapper en nageant de tous les côtés. On lui lâche une


longueur de corde égale à la distance qui sépare la tortue de la barque des pêcheurs. Retenu d'abord par ce lien, il fait de nouveaux efforts pour se soustraire à la main qui le maîtrise; sentant bientôt cependant qu'il s'agite en vain et qu'il ne peut se dégager, il parcourt tout le cercle dont la corde est le rayon, pour rencontrer un point d'adhésion et, par conséquent, un peu de repos. Il trouve cette sorte d'asile sous le plastron de la tortue, s'y attache fortement, et donne ainsi aux pêcheurs, auxquels il sert de crampon, le moyen de tirer à eux la tortue en retirant la corde. »

La pêche des cétacés a été par excellence l'école de la grande navigation. Les peuples du Nord s'élancèrent les premiers à la poursuite de cette riche proie, le plus souvent guidés par les vaillants marins basques, qui eurent la réputation d'être les plus habiles baleiniers. « Ce fut un homme, dit M. Michelet (i), celui qui le premier tenta une pareille attaque, qui, mal monté, mal armé et la mer grondant sous ses pieds, dans les

(i) La Mer.


ténèbres, dans les glaces, seul à seul, joignit le colosse. »

Le cachalot est surtout d'une prise difficile. Outre les violents mouvements de la queue, on a à craindre les dents de ses immenses mâchoires. Le cachalot blessé s'avance, plein dè fureur, vers l'embarcation qui l'attaque, tandis que les autres baleines prennent rapidement la fuite.

La baleine franche est la plus grande de toutes. Celle qui s'échoua, en i863, sur les côtes de Dunkerque, pendant un coup de vent, avait 3o mètres de longueur et 20 mètres de circonférence j des auteurs en citent de 35 mètres de longueur, pesant 250 tonnes. Il faut compter par milliers les petits animaux, mollusques, crustacés et méduses, qui leur servent de nourriture. L'eau qui les apporte dans leur énorme gueule est tamisée à travers une véritable forêt de fanons plantée sur la mâchoire supérieure.

Les baleines appartiennent à la classe des mammifères. Le baleineau, qui en naissant a la taille d'un bœuf, tette et suit sa mère ordinairement pendant deux ans. Celle-ci montre pour son nourrisson une très-grande affection que les baleiniers savent mettre à profit, a Quand le baleineau a été harponné, dit Scoresby, on peut être certain que la mère ne tardera pas à venir à son secours. Elle


le joint à la surface de l'eau toutes les fois qu'il y paraît pour respirer ; elle semble l'exciter à la fuite; elle y aide souvent en le prenant sous ses nageoires. Il est très-rare qu'elle l'abandonne tant qu'il est vivant.

« Dans ces moments on peut la blesser facilement, car elle oublie entièrement le soin de sa propre sûreté pour ne s'occuper que de la conservation de son petit. Elle se lance au milieu des ennemis^ méprise les périls; même après avoir été frappée plusieurs fois elle reste auprès de son nourrisson si elle ne peut pas. l'entraîner avec elle. Dans son angoisse maternelle elle court çà et là, bat la mer avec violence, et l'irrégularité de ses mouvements est un indice certain de la vivacité de sa douleur. »

Assez nombreuses autrefois dans le golfe de Gascogne, les baleines n'y apparaissent plus que très-exceptionnellement. Elles se sont retirées vers les glaces du Nord, devant l'implacable poursuite de l'homme. Même dans ces parages, plusieurs régions autrefois fréquentées par les baleines se sont dépeuplées rapidement. La côte orientale du Groënland, qui a passé longtemps pour une des meilleures stations, est maintenant complètement déserte. Il y a quarante ans, la baie de Baffin et le détroit de Davis étaient le rendez-vous d'environ


cent cinquante baleiniers, réduits aujourd'hui à une dizaine. Le principal lieu de pêche est maintenant situé au détroit de Behring et un peu au delà, dans la région qu'une expédition française a choisie comme point de départ pour tenter d'atteindre le pôle nord (i). Ce sont surtout les baleiniers américains qui la fréquentent. Dans quelques parties des mers australes, des pêches assez abondantes ont été faites, mais la rareté des ports de refuge et la grande étendue des glaces y sont de sérieuses difficultés pour les navigateurs.

D'importantes modifications ont été apportées récemment dans les armements relatifs à la pêche de la baleine. Aux bâtiments à voile, dont on s'était servi jusqu'à présent, on a substitué des bâtiments à hélice. L'ancien harpon a été remplacé par une lance à l'extrémité de laquelle est placée une petite bombe qui fait explosion dans le corps de l'animal et le tue presque instantanément quand on atteint le poumon.

Mais ce n'est pas dans ce sens qu'il nous paraît surtout nécessaire de chercher des perfectionnements. La pêche de la baleine subit, depuis quelque temps, une rapide décadence, arrivée à peu près dans la marine française à la cessation des ar-

(i) Expédition au pôle nord, par Gustave Lambert. Extrait du Bulletin de la Société de Géographie. Paris, 1868.


mements. La cause se trouve dans l'abus auquel la cupidité a conduit les pêcheurs. Ils ont transformé en une œuvre de destruction ce qui a été, dans l'origine, l'entreprise grandiose qui eût pu demeurer une industrie féconde et durable. Comparativement à ce qu'elle était autrefois, on peut presque dire que la famille des cétacés est éteinte. Les pêcheurs n'ont pas pris garde à la fécondité très-limitée et à l'extrême lenteur de reproduction de ces grands animaux; aujourd'hui, le seul remède serait une convention internationale en vue de leur protection pendant une certaine période de temps.

A défaut de baleines, on s'est jeté sur les phoques, et, leur destruction étant plus facile, il faut s'attendre bientôt aussi, en l'absence d'un règlement protecteur, à la disparition de ces amphibies. On les rencontre sur certaines îles où ils viennent prendre terre par grands troupeaux qui savent à peine se protéger par la méfiance. Pour s'en emparer, les habitants des régions glaciales tendent quelquefois des filets, souvent ils emploient le harpon ou le fusil; mais il arrive aussi que des troupes entières se laissent surprendre sur la plage et assommer à coups de massue.

La plus grande pêche de phoques se fait dans les parages du Labrador, où environ quatre cents na-


vires anglais et américains se rassemblent chaque printemps dans ce but. De l'île de Terre-Neuve on exporte tous les ans 120,000 peaux et 1,400 tonnes d'huile. Les Esquimaux et les Lapons mangent la chair des phoques; ils en emploient lespeaux pour fabriquer leurs tentes_, leurs bateaux et des câbles très-solides.

Les morses ont de plus que les phoques leurs longues dents d'ivoire et sont aussi ardemment poursuivis. Leur taille est plus grande, et ils sont d'une nature moins douce. Lorsqu'on commença à les pêcher, ces animaux nageaient sans crainte autour des embarcations, et on les prenait assez facilement lorsqu'ils montaient sur le rivage. Aujourd'hui ils s'enfuient à la rencontre des pêcheurs et se tiennent continuellement sur leurs gardes. On dit même que quand ils sont en bandes nombreuses, ils placent des sentinelles qui avertissent des approches de l'ennemi.


VIII

CULTURE DE LA MER

Viviers des Romains. — Aquariums. — Fécondation artificielle. — Établissement d'Huningue. - La Mer de Tarente. — L'Étang de Ben'e. — Lagune de Comacchio. — Ensemencement et récolte du poisson. — Lac Fusaro. — Baie d'A,'cacholl. — L'Industrie huîtrière aux États-Unis.—Baie de l'Aiguillon. - Viviers laboratoires. — Poissons apprivoisés. — Viviers de la Gironde. — Fécondité de la mer.

« L'homme, disait Buffon, ne sait pas assez ce que peut la nature ni ce qu'il peut sur elle ; au lieu de la rechercher dans ce qu'il ne connaît pas, il aime mieux en abuser dans tout ce qu'il en connaît. »

Nous avons vu comment, à défaut de règle-


ments suffisants, la pêche pouvait amener la destruction, ou tout au moins une diminution notable des espèces marines alimentaires. Nous indiquerons maintenant les récentes découvertes qui, en permettant d'augmenter dans une trèsgrande proportion la production de ces espèces, éloigneront toute crainte de les voir un jour disparaître ou diminuer. C'est à la science, aux patientes études des naturalistes que nous devrons cet important progrès, déjà réalisé sur les côtes des États-Unis, exploitées avec la plus intelligente activité par les populations industrieuses qui s'y livrent à la pêche et à la culture des eaux. Cette expression nouvelle dit très-bien, comme nous allons le voir, les nouveaux procédés employés pour accroître les produits que la mer nous offre avec une si merveilleuse prodigalité.

Les Romains avaient construit de vastes bassins pour conserver les meilleures espèces de poissons. Le luxe de ces réservoirs fut poussé très-loin, et les poissons seuls des viviers de Lucullus furent achetés à sa mort 4 millions de sesterces (776,300 fr.). En conservant les espèces les plus estimées, les Romains cherchaient aussi à acclimater des espèces nouvelles, qu'on répandait dans les lacs et le long des côtes, où des abris étaient creusés et la pêche interdite pendant plusieurs années.


1

En Chine, depuis un temps immémorial, on construit aussi des viviers pour la conservation du poisson et pour l'ornement des jardins. C'est de Chine que nous viennent les cyprins dorés élevés dans des vases de cristal, premiers essais d'aquarium. On doit aux découvertes de Lavoisier et de Priestley sur l'échange d'acide carbonique et d'oxygène qui s'opère entre les plantes et les animaux, la possibilité de conserver pure l'eau de ces bassins, destinés aujourd'hui surtout à l'étude des animaux et des plantes aquatiques. Dès 1838, un savant français, M. Dujardin, rapportait à Paris de nombreux flacons contenant des animaux vivant dans l'eau de la mer, et pour entretenir la pureté de cette eau, il plaçait quelques plantes marines dans chaque flacon. En Angleterre, les essais décisifs de MM. Warington et Gosse, en i85o, permirent la construction de grands aquariums, c'est-à-dire l'organisation d'un monde maritime artificiel, offrant aux curieux le spectacle le plus attrayant et le plus original, aux savants l'instrument de nouvelles observations et de nouvelles découvertes, à tous une intarissable source de réflexions sur les merveilles d'un monde encore inexploré. Les aquariums des Jardins zoologiques de Londres et de Paris, construits par MM. Mitchell et Alford Lloyd, ont été universellement ad-


mirés, ainsi que celui qui figurait à l'Exposition universelle du Champ de Mars. Ce dernier se composait d'un enceinte elliptique de 19 mètres de long sur 12 mètres de large, entourée de 22 bacs dont la capacité variait de 4 à 48 mètres cubes. Au-dessus, un bassin contenait aussi des espèces marines et formait comme un plafond diaphane. On pouvait se croire au milieu de l'Océan dans cette construction pittoresque qui a contenu jusqu'à 800 poissons d'une taille supérieure à Om.20.

Dans une intéressante note adressée au directeur du Jardin d'acclimatation ( 1 ), M. Valenciennes disait : « Vos aquariums sont et peuvent devenir très-instructifs ; il faut faire en sorte de soutenir cette idée. Je serais très-heureux d'être en mesure de vous donner quelques bons renseignements sur les espèces de poissons qui peuvent y être entretenus vivants. »

Si les observations faites dans l'aquarium permettent de déterminer avec plus d'exactitude certaines particularités de la vie des animaux aquatiques, on comprend que, dans son ensemble, cette vie encore mystérieuse ne nous apparaît nettement que dans I4 pleine liberté des habitudes naturelles. Ainsi, chacun sait aujourd'hui que c'est à la saga-

(1) Bulletin de la Société d'acclimatation, avril 1863.


cité de deux pêcheurs des Vosges, MM. Rémy et Géhin, que sont dues, en France, les grandes applications pratiques de la fécondation artificielle du frai, applications dont les maîtres de la science furent les premiers à proclamer l'importance. .En Allemagne, dès 1758, un officier des milices de ✓ '

Westphalie, J.-L. Jacobi, après plusieurs années de recherches et d'expériences, adressait à Buffon des notes sur la fécondation artificielle des œufs de truite et de saumon, dans lesquelles il indiquait des résultats dignes de fixer l'attention des naturalistes. Quelques applications partielles réussirent alors en Allemagne, en Angleterre eten Écosse. En France, des essais eurent aussi lieu en 1826, près de Montbard, où déjà, dans le cours du XIVe siècle, les moines de l'abbaye de Riom pratiquaient la fécondation des œufs de truite.

Après la divulgation des expériences de Rémy, confirmées par les travaux de savants observateurs, les essais se multiplièrent sur tous les points du territoire, et promirent bientôt à la France une industrie nouvelle. Deux ingénieurs des ponts et chaussées, MM. Berthot et Detzem, après avoir étudié et mis en pratique avec succès les procédés de Rémy et de Géhin, furent chargés par l'État de construire à Huningue une grande piscine d'où l'on pût tirer le menu poisson, l'alevin, pour le distri-


buer dans toutes nos eaux. M. Coste, professeur d'embryogénie comparée au Collége de France, avait contribué à cette création par les conclusions d'un favorable rapport( i ) sur les essais de M M. Berthot et Detzem, adressé au ministre de l 'agriculture. L'impulsion donnée par l'établissement d'Huningue amena rapidement la fondation d'établissements semblables en Angleterre, en Allemagne, en'Suisse; partout les questions relatives à la reproduction artificielle du poisson furent activement étudiées par les naturalistes et par les propriétaires directement intéressés au succès des méthodes pratiques de la pisciculture. Nous n 'avons ici à résumer que les recherches qui se rattachent à la pisciculture marine et aux diverses industries dont elle est la source.

En exposant les résultats obtenus par l'établissement d'Huningue, M. Coste disait très-bien : « A une époque où, par l'incalculable portée de ses applications, la science accomplit tant de merveilles, la force irrésistible des choses impose aux gouvernements le devoir et la responsabilité de l'exemple. » Mais à côté de cette puissante intervention, nous devons placer les persévérants travaux par lesquels la Société d'acclimatation, re-

(i) Moniteur du 5 août 1852.


cueillant de tous les points les données de l'étude et les résultats de l'expérience, favorisait l'application des divers procédés inventés par les pisciculteurs, et entrait ainsi, dès son origine, dans la voie tracée par son éminent fondateur, Is. Geoffroy Saint-Hilaire, qui avait pris pour guide cette belle devise d'un père illustre : Utilitati. Nous ne pourrions analyser, même sommairement, sans entrer dans de trop longs détails, toutes les communications relatives à l'aquiculture insérées dans le Bulletin de cette Société. Nous indiquerons seulement les plus importantes, en nous arrêtant sur les travaux et les découvertes qui marquent nettement un nouveau progrès dans l'art d'ensemencer les eaux de la mer.

Nous citerons d'abord le passage suivant d'une lettre adressée au président de la Société d'acclimatation par un de ses membres, M. A. Derbès, professeur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences de Marseille : « Permettez-moi de vous exposer quelques faits peu connus, parce qu'ils se passent dans une partie de l'Italie ordinairement évitée par le grand nombre de voyageurs qui visitent la Pé-


ninsule, faits dont j'ai été témoin pendant un sé- jour de deux ans que j'ai fait sur les lieux.

« La ville de Tarente, bâtie au bord de la mer, se trouve en même temps à l'entrée d'une sinuosité très-profonde, assez isolée de la Méditerranée, assez complétement entourée de terre pour justifier le nom qu'elle a reçu de petite mer de Tarente. Cette petite mer est très-féconde en coquillages d'espèces variées ; mais il en est deux surtout qui donnent lieu à une exploitation très-abondante et très-productive, ce sont les huîtres et les moules.

« A Bori et dans les environs, c'est-à-dire à plus de 5o kilomètres de Tarente, ces mollusques, lorsque j'y étais, arrivaient par terre en quantité suffisante pour entrer comme un élément important dans l'alimentation ordinaire, et dans ce pays, 011 les autres denrées étaient à bas prix, on ne regardait pas comme un plat de luxe une friture exclusivement composée d'huîtres.

« Pour que cette abondance et ce bon marché puissent se maintenir lorsque la denrée se répand sur une surface d'un pareil rayon, il faut que .la production soit bien active. Serait-ce que la mer de Tarente est par elle-même plus favorable à la reproduction des.moules et des huîtres, ou bien l'industrie vient-elle en aide à la nature pour faciliter cette reproduction, ou au moins pour tirer


tout le parti possible de la fécondité de ces mollusques, et empêcher que le frai ne disparaisse avant d avoir pu se développer? Je pense que la nature fait une grande partie des frais ; mais je crois aussi que l 'art et l'industrie secondent ici la nature.

« En effet, j'ai vu, dans la mer de Tarente, des huîtres attachées à des cordes suspendues, comme des guirlandes, à des pieux sous-marins; et, si mes souvenirs sont fidèles, je crois avoir entendu dire que chaque habitant de Tarente possède, dans la petite mer, un certain nombre de ces pieux, qui constituent une sorte de jardin où il se livre à la culture des deux mollusques qui nous occupent. »

M. Derbès rappelait ensuite que le département des Bouches-du-Rhône possède aussi sa petite mer, l'étang de Berre, qui offre une grande analogie avec celle de Tarente. Les moules et les huîtres qui s 'y reproduisaient en abondance ont été presque entièrement détruites par une exploitation continue, inintelligente et désordonnée. L'étude et l'application des procédés employés à Tarente donneraient sans doute un nouveau développement à cette production, qu'on pourrait aussi obtenir dans les étangs salés et sur plusieurs autres points des côtes de la Méditerranée. M. Derbès citait à ce sujet un fait curieux : des tas de coquilles d'huîtres se trouvent autour des ruines de villas


romaines qui entourent l'étang de Berre, et témoignent que leurs habitants consommaient une grande quantité de ces mollusques, profitant sans doute des avantages que leur offrait la localité.

L'étang de Berre serait aussi très-favorable à la culture du poisson, ainsi que les nombreux étangs salés qui bordent la côte, de Port-Vendres à Marseille. On pourrait y reproduire en partie les ingénieuses dispositions par lesquelles la lagune de Comacchio a été transformée en un vaste bassin destiné à l'alimentation et à la récolte du poisson de l 'Adriatique. Les anguilles sont si abondantes dans cette immense pêcherie, que les habitants en expédient, salées, marinées ou fumées, dans toute l'Italie. Elles entrent dans la lagune du commencement de février jusqu'à la fin d'avril, à l époque de la montée, guidées par les courants que produit un système d'écluses très-simple. Divisée en quarante bassins communiquant avec la mer, la lagune, semée de petites îles, mesure 140 milles de circonférence sur 1 à 2 mètres de profondeur. Durant trois mois, les poissons nouvellement éclos s'y accumulent, remplissent les bassins ou champs (campi) dans lesquels pénètrent leurs longues traînées, véritables semences qu'on y renferme en abaissant toutes les écluses lorsque la montée cesse. Outre les anguilles, qui forment


la principale semaille, les soles, les muges, les do. rades, etc., dont les migrations ont lieu à la même époque, s'engagent aussi dans la lagune, où des bancs innombrables de poissons nains (l'aquadelle) servent à leur nourriture.

Ce n'est qu'à l'époque où l'instinct de la reproduction les incite à retourner vers la mer que les: différentes espèces de poissons qui habitent la lagune cherchent à en sortir. On profite de cet instinct pour en faire la récolte, au moyen d'une série de claies disposées en labyrinthes, dans lesquels le poisson s'engage de manière à y rester définitivement captif. Les recherches de M. Coste, vérifiées par un grand nombre de propriétaires, ont démontré qu'il suffit de quatre ou cinq années pour que les jeunes anguilles, mises dans des bassins où on leur donne une nourriture suffisante, y acquièrent un poids de 4 à 6 livres. On peut juger par là du bénéfice produit par la récolte annuelle de la lagune de Comacchio, qui .dure trois ou quatre mois, d'août à décembre, et rapporte aujourd'hui en moyenne 5oo,ooo kil. de poisson, auxquels il faut ajouter une quantité presque égale dérobée tous les ans, faute d'une surveillance suffisante (1).

( *1 Voyage d'exploration sur le littoi-al de la France et de l' Italie, par M. Coste, membre de l'Institut.—Paris, 1861.


De tels exemples permettent de prévoir ce que pourra un jour la culture des eaux pour augmenter, nos ressources alimentaires, encore si insuffisantes malgré les rapides progrès de l'agriculture, du commerce et de la navigation. Dans la très-intéressante relation de son voyage, M. Coste citait encore l'industrie du lac salé de Fusaro r l ancien Achéron, dont tout le pourtour est occupé par des rochers qu'on y a transportés et recouverts d'huîtres, de manière à les transformer en bancs artificiels. Chacun de ces rochers est entouré de pieux mobiles, reliés par une corde à laquelle on suspend des fagots de menu bois, destinés, comme les pieux, à fixer les essaims de jeunes huîtres qui sortent du manteau de la mère en nombre immense, et munies d'un appareil transitoire de natation leur permettant d'aller à la recherche d'un corps où elles puissent s'attacher. Lorsque la saison des pêches est venue) on retire les pieux et les fagots, dont on enlève les huîtres suffisamment développées, et l'on remet ensuite l'appareil en place pour attendre une nouvelle récolte.

Les résultats obtenus sur les bancs artificiels du lac Fusaro montraient assez la possibilité de recueillir les myriades d'embryons qui sortent, de l'huître pendant le frai et de les porter sur les fonds


destinés à les fixer. Conformément aux propositions de M. Coste, qui désirait mettre en pratique sur nos côtes les procédés qu'il avait été à même d'observer, le gouvernement décida l'établissement d'huîtrières artificielles dans les baies de SaintBrieuc et d'Arcachon, dépeuplées par une exploitation abusive. Dans la première de ces baies, l'action destructive de la mer et des courants a fait abandonner l'œuvre entreprise, qui, au contraire, a produit d'excellents résultats dans la baie d'Arcachon, petite mer intérieure d'environ 100 kilomètres carrés de surface. Les parcs créés par M. Coste en 1860 renferment aujourd'hui 34 millions d'huîtres, dont près de 6 millions sont récoltées annuellement. Une telle prospérité a conduit un grand nombre de particuliers à solliciter de l'administration des concessions de terrains pour y établir des parcs. Ces concessions n'ont pas toutes également réussi, mais celles où des soins intelligents ont produit d'abondantes récoltes sont en assez grand nombre pour faire espérer un rapide développement de l'ostréiculture, développement d'autant plus désirable que l'appauvrissement de nos bancs naturels est plus grand. On en jugera par un simple fait qui dit assez toute l'importance de la mise en culture de nos rivages. Les bancs de Granville et de Cancale, qui fournissaient en 185 1


i3o millions d'huîtres au prix de 7 à 8 francs le mille, n'ont donnée dans la campagne de 1865-66, que 3 ou 4 millions, vendues 3 o francs le mille ( i ), Une décroissance si considérable et si rapide ne peut être attribuée aux seuls effets d'une mauvaise exploitation ; d'autres causes naturelles, encore inconnues y ont évidemment concouru à ce déplorable résultat, et nous croyons que, parmi ces causes, des changements dans la force et la direction des courants de la mer, et, par suite, dans la température des eaux, doivent être mis au premier rang.

M. P. de Broca, officier de la marine impériale , a récemment publié de très-intéressantes études sur l'industrie huîtrière, dont il a pu étudier les procédés aux États-Unis pendant le cours d'une mission qui lui avait été confiée par le ministre de la marine, sur la demande de M. Coste. Nous empruntons les détails suivants à ce remarquable travail :

« Dans la ville de New-Y ork,Je centre le plus populeux des États-Unis, le commerce des huîtres est estimé à 35 millions de francs, et dans toute la

(1) La Production animale et végétale, études faites à l'Exposition universelle de 1867 par les soins de la Société d'acclimatation; — De l'Aquiculture marine, par MM. Hennequin et Millet.


contrée il est évalué à 100 millions; toutefois ces. chiffres, malgré leur élévation, ne présentent nullement la valeur totale des produits, attendu que sur les côtes les pêcheurs et les riverains en font une consommation journalière qui échappe à l'estimation.

« «... En 1859, dans Y Ainerican 'Institzit, M. Meigs écrivait qu'à New-York on payait, pour l'achat des huîtres nécessaires à la consommation de la ville, plus d'argent que pour la viande de boucherie. L'emploi de cette nourriture est tellement entré dans les habitudes de toutes les classes de la population, qu'il n'est pas de localité, pour ainsi dire, qui n'en reçoive un approvisionnement; et grâce aux chemins de fer et aux voies navigables, les huîtres en écaille, en chair crue conservée dans la glace, en marinade, en boîtes scellées au bain-marie, etc., pénètrent maintenant jusque dans les parties les plus reculées de l'Amérique du Nord. Les villes de Fair-Haven, de Boston et de Baltimore sont à-la tête de ce commerce intérieur, qui pendant six mois de l'année procure du travail à un grand nombre d'ouvriers.

« Il suffit d'avoir assisté, comme je l'ai fait à diverses reprises, à des ventes journalières de plusieurs millions d'huîtres chez le même marchand, d'en avoir vu ouvrir 'sept à huit cents boisseaux


par jour dans les établissements de Boston et de Fair-Haven. pour en expédier à l'intérieur la chair conservée dans la glace...; il suffit, dis-je, d'avoir assisté à de pareils spectacles pour en retirer la conviction profonde que la culture de coquillages aussi prolifiques peut devenir en France, comme aux États-Unis, un des moyens d'alimentation les plus précieux (i). »

Nous ne pouvons suivre M. de Broca dans sa description très-détaillée des méthodes adoptées par les Américains pour cultiver les huîtres pro-. venant des pêcheries de la côte. Nous dirons seulement que ces méthodes, qui consistent à semer les mollusques sur des terrains maritimes bien choisis, produisent d'excellents résultats, et que la culture des huîtres est une des industries les plus lucratives des États-Unis.

M. de Quatrefages, dans une savante étude sur l'aquiculture (2), a rappelé que la France est

(1) Étude sur l'industrie huîtrière aux Etats-Unis. Paris, 1865.

(2) Fertilité et culture de l'eau. — Bulletin de la Société d'acclimatation, février 186^.


un des pays où elle a été le plus anciennement pratiquée. En 1235, un Irlandais nommé Walton, échappé au naufrage qui avait brisé sa barque, près de La Rochelle, fut recueilli par les habitants d'Esnandes, au milieu desquels il se fixa, et qui lui durent, entre autres améliorations de leur industrie, l'invention du bouchot, engin de pêche et parc à moules qui, depuis six siècles, enrichit le pays. « Un bouchot, dit M. de Quatrefages, est formé par deux longues rangées de pieux dessinant un triangle dont la base est tournée vers le rivage et le sommet vers la haute mer. A cette pointe on laisse un étroit passage : c'est là que le bouchoteur attend le poisson entraîné par le reflux. Les pieux sont réunis par un clayonnage grossier. Là est le champ où l'on sème, où l'on éclaircit, où l'on repique, où l'on plante, où l'on récolte les moules. En m'exprimant ainsi, je ne fais qu'employer le langage local ; Walton avait parfaitement compris que, pour s'adresser à la mer et à un animal, son industrie n'en était pas moins une véritable culture. »

Les moules d'Esnandes, bien supérieures aux moules sauvages, sont cultivées dans la baie de l'Aiguillon, qui n'est, à basse mer, qu'un immense lac de vase à demi liquide. C'est au moyen de 1'4 von ou pousse-pied, singulier instrument, moi-


tié patin, moitié bateau, dû au génie inventif de Walton, que les pêcheurs peuvent le parcourir pour le visiter et entretenir les pieux, source d'un commerce local très-considérable. •

M. Coste, après avoir créé l'établissement d'Huningue, obtenait encore du gouvernement l'organisation des viviers-laboratoires de Concarneau. Ces viviers sont situés au milieu de rochers de granit qui circonscrivent une superficie de plus de 1,000 mètres carrés, divisée en six bassins formés par des orifices établissant à volonté la communication avec la mer. On peut ainsi obtenir la circulation des eaux au moment du flux et du reflux, ou soustraire les sujets soumis à l'expérience aux influences des courants.

Un vaste laboratoire renferme des aquariums d'eau douce et d'eau salée, ainsi que tous les instruments nécessaires aux observations. Trois des bassins, où l'on a ménagé des fonds de différente nature, contiennent des poissons, les trois autres des crustacés. La plupart des poissons deviennent bientôt assez familiers pour venir manger dans la main. Nous rappellerons à ce sujet que les Romains apprivoisaient dans leurs viviers des poissons favoris, qu'on parait d'anneaux d'or, et qui, répondant aux noms qu'on leur donnait, venaient aussi prendre la nourriture qu'on leur présentait.


Le capitaine Hanney, dans son voyage au pays d'Assam, fut témoin d'un fait semblable, et put constater l'espèce de domesticité d'un poisson qu'il n'est pas permis de tuer. « Si l'on jette du riz dans l'eau, dit-il, une douzaine de poissons, dont plusieurs ont 3 et même 4 pieds de long, viennent à la surface, et non-seulement mangent le riz, mais encore ouvrent la bouche pour se laisser donner la nourriture avec la main; ils se laissent même caresser la tête, ainsi que j'en ai fait moi-même l'expérience. Ils sont de la même espèce que les Hindous nomment cura. »

Dans un excellent recueil (1), plein de faits curieux et d'observations intéressantes, l'auteur rapporte le fait suivant : « Je visitai, il y a quelques années, un des étangs de la côte ouest de l'Ecosse qui se trouvent en communication avec la mer et dans lequel les morues entrent et prospèrent. Nous nous étions pourvus d'une certaine quantité de nourriture, et je puis dire, sans me flatter, qu'elle fut bien reçue : les morues venaient la chercher jusque dans la main. Je voulus m'autoriser des termes de familiarité dans lesquels je semblais être avec mes nouveaux amis pour saisir quelquesuns d'entre eux et les prendre dans mes bras : j'es-

(1) La Vie des animaux, par le D1 Jonathan Franklin, traduit de l'anglais par A. Esquiros.


sayai à plusieurs reprises, mais les hôtes à nageoires de cette pièce d'eau, surtout les plus grands, m'échappèrent constamment; à peine si je pus m'emparer d'un petit de 2 ou 3 livres. Je compris que ces poissons aimaient mieux mes moules que mes caresses. Peut-être, d'ailleurs, notre connaissance était-elle trop nouvelle pour leur inspirer une sécurité parfaite relativement à mes intentions.

« En effet, la femme du gardien en prit, sans efforts, un des plus grands sur ses genoux; elle le caressa et le flatta, disant : « Pauvre ami! pauvre « ami !... » absolument comme si c'eût été un enfant. Elle lui ouvrit la bouche et y introduisit une moule, que le poisson avala en donnant des signes qu'il la trouvait bonne. Puis elle le remit dans l'eau.

« Je remarquai plusieurs degrés d'apprivoisement parmi les membres de cette famille : quelques poissons étaient tout à fait familiers, d'autres à demi domestiques, d'autres encore presque sauvages. Il est curieux de voir, à l'heure du repas, au moment où le gardien paraît sur la plate-forme, s'ouvrir toutes ces bouches pour recevoir la nourriture quotidienne. C'est un bruit, une agitation, une rivalité touchante entre les poissons : — c'est à qui gagnera, par sa gentillesse, les bonnes grâces du maître ou de la maîtresse. »


Revenons aux viviers-laboratoires, dans lesquels les poissons et les crustacés croissent et se multiplient rapidement, multiplication qui, dans les conditions de captivité où elle se produit, a déjà donné lieu à d importantes applications industrielles, c 'est-à-dire à la création de bassins « qui seront à la fois des fabriques de substances alimentaires, des instruments d'exploitation et de repeuplement de la mer (i). » Un de ces bassins, établi par M. de Cresoles à l'île Tudy, mesure 70 hectares et contient plus de 75,000 langoustes.

On voyait à l'Exposition universelle de 1867 les plans et les produits des viviers de la Gironde, établis sur le littoral du bassin d'Arcachon, qui est en communication directe avec l'Océan. La plupart de ces viviers sont d'anciens marais salants, dans lesquels les sauniers virent grandir et prospérer l'alevin qui entrait avec l'eau de mer destinée à alimenter les couches de sel. La pêche, ainsi facilitée, devint bientôt une industrie nouvelle qui, par des perfectionnements successifs, est arrivée aujourd'hui à fournir presque entièrement le poisson du marché de Bordeaux, et à être « l'une des branches principales de l'alimentation de cette grande cité (2). » L'auteur de l'étude à laquelle

(1) Bulletin de la Soc. d'accl., mai 1864.

(2, La Production animale et végétale.


nous empruntons ces détails, M. Millet, après avoir fait connaître les applications diverses du même système en voie de réalisation sur divers points de nos côtes, dans l'Océan et la Méditerranée, dit que, « l'on peut, sans crainte d'être taxé d'exagération, entrevoir dans un avenir peu éloigné la mise en valeur, sur notre littoral, de 1 00,000 hectares au moins, aujourd'hui délaissés ou à peu près improductifs, qui pourraient fournir annuellement à la consommation plus de 3o millions de kilogrammes d'excellent poisson. »

Les œufs, en prodigieuse quantité, pondus chaque année et déposés dans les frayères naturelles ou artificielles, n'y sont pas tous fécondés. De nombreuses causes de destruction en arrêtent le développement; mais la nature semble avoir prévu ces obstacles en multipliant à l'infini les germes destinés à assurer la reproduction du poisson, et en offrant ainsi d'incomparables ressources à l'aquiculture. La fécondité de la mer est particulièrement remarquable près des côtes, qui, lavées par les pluies, lui fournissent, ainsi que tous les cours d'eau, l'amas de débris organiques au moyen desquels surtout vivent et se développent les créatures qu'elle renferme. Transportés par les courants, ces éléments venus du sol se répandent et se transforment dans toute l'étendue des mers; et


l'on peut conjecturer que là où ils n'arrivent pas, se trouvent ces régions stériles justement nommées par Maury les déserts de l'Océan.

L aquiculture se présente ainsi à nous comme une extension de la culture des champs, dont les parages sous-marins de nos côtes ne sont qu'une prolongation. Des procédés analogues conduisent des deux côtés à de semblables résultats, et, dans l'une comme dans l'autre industrie, la fertilité de l espace exploité dépend à la fois des conditions plus ou moins favorables qu'il présente, et de l'intelligente activité de celui qui l'ensemence. En nous préparant de nouvelles richesses, l'aquiculture nous ouvre d'ailleurs un monde inconnu, le monde des eaux, Ol1 se révèlent encore, dans l'ordre et la beauté, les bienfaisants desseins de la puissance créatrice. Nulle part peut-être les sciences naturelles ne nous offrent des sujets plus dignes de méditation que dans ce vaste Océan dont la circulation puissante nous rappelle les mouvements de la vie, et qui renferme dans son immense étendue les innombrables espèces que nous voyons apparaître à sa surface ou chercher un abri dans


ses obscures profondeurs. Cette infinie variété d aspects est féconde en enseignements, soit que la science nous y découvre les merveilles de l'organisation ou les mystères de l'instinct, soit qu'elle nous apprenne à étendre notre puissance sur de nouveaux domaines, à nous rendre, pour le bien de tous, possesseurs de la nature.


IX

TÉLÉGRAPHIE SOUS-MARINE

Réseau électrique. — Plateau télégraphique. — Première pose du câble transatlantique. — Le Great Eastern. — Journal de bord. — Rupture du câble. — Nouvelle tentative. — Réunion des deux mondes. — Câble complémentaire. — Tracés télégraphiques. — Lignes de l'Atlantique. — Ligne de l'Inde. — Ligne du Nord et de l'océan Pacifique. — Météorologie télégi-aïhique. — Unité religieuse.

L'achèvement du réseau des lignes électriques internationales, destinées en quelque sorte à remplir sur la surface du globe le rôle du système nerveux dans le corps humain, exigeait de nouvelles conquêtes de la science, qui semblait d'abord réduite à la traversée des fleuves et des bras de


mer de peu d'étendue. Mais aujourd'hui, par la pose du câble transatlantique, on peut considérer comme résolu le problème de la communication universelle.

La forme de ce véhicule de la pensée au sein des profondeurs n'a pas varié depuis l'établissement des premières lignes. C'est, au centre, un faisceau de fils de cuivre enfermés dans une gaine isolante de gutta-percha, qu'on recouvre d'une armature métallique en interposant un matelas de matières textiles. Le faisceau central, l'âme du câble, conduit l'électricité, la gutta-percha en empêche la déperdition, et l'armature protége le tout contre les accidents.

Les diverses dimensions sont fixées d'après la longueur du trajet à parcourir, la profondeur à laquelle il faut descendre, et la vitesse que les transmissions télégraphiques doivent atteindre. L'armature est épaisse seulement aux bouts qui reposent sur les côtes, afin d'obvier au frottement sur les roches et aux avaries que pourraient causer les ancres des navires; dans la partie destinée à la pleine mer, elle est relativement légère.

La profondeur constituerait une difficulté si l'on arrivait à dépasser certaines limites (12,000 mètres) : le câble se romprait sous sa propre charge. Mais si l'on évite les itinéraires sous-marins con-


duisant à de si grands fonds, la pression devient un auxiliaire au point de vue électrique. Il a été constaté aussi que le séjour dans l'eau de mer améliore rapidement l'enveloppe de gutta-percha.

Le commàndant Maury avait signalé le plateau qui s'étend entre l'Islande et Terre-Neuve, à la profondeur de 3 à 4 kilomètres, comme éminemment convenable pour servir de support au câble transatlantique. Le savant météorologiste avait également indiqué l'époque de l'année pendant laquelle le temps favoriserait le mieux l'opération de la pose.

On fit les premières tentatives dans les années 1857 et 18 58 * elles amenèrent un succès qui fut malheureusement bientôt interrompu. Après avoir transmis 400 télégrammes, les dépêches devinrent irrégulières; il y eut des incohérences, des interruptions, puis l'aiguille des récepteurs resta immobile. Un sentiment profondément religieux avait dicté la dépêche d'inauguration envoyée par le président de la république des États-Unis à la reine Victoria : « Gloire à Dieu dans le ciel et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

Les ingénieurs de l'entreprise ne perdirent pas courage. L'exacte investigation de toutes les circonstances de la fabrication et de la pose du câble leur montrait quelles fautes ils devaient éviter à


l'avenir. La confiance revint bientôt aux capitalistes, et dans les premiers mois de 1863 les promoteurs du télégraphe purent réunir la somme de 15 millions de francs qui leur était nécessaire pour recommencer.

On déploya cette fois toutes les ressources imaginables pour ce grand travail, et les préparatifs furent conduits avec le soin le plus minutieux. La fabrication du gigantesque câble (il avait 4,300 kilomètres de longueur) et l'essai de toutes ses parties prirent une année entière. On multiplia les sondages sur le plateau télégraphique et les régions d'atterrissement, qui étaient d'un côté Valentia et de l'autre Heart's-Content, dans la baie de la Trinité. Lors de l'expédition de 1858' on avait employé deux navires qui s'étaient séparés au milieu de l'Océan après avoir soudé les deux moitiés de câble qu'ils devaient dévider. Il parut préférable d'opérer avec un seul, et précisément l'architecture navale avait créé le géant capable de recevoir la masse entière du câble, 4,5oo tonnes, avec tous les approvisionnements nécessaires à la campagne. C'était le Great-Eastern, construit pour porter d'un coup 4,000 passagers en Australie. On l'appropria à sa nouvelle destination en y disposant trois immenses cuves en tôle pour conserver le câble immergé dans l'eau pendant


toute la durée de la traversée, et en plaçant sur le pont la machine d'émission, composée de rouleaux et de freins. « Le vaisseau de Brunel, si calomnié d'abord, aujourd'hui réhabilité, a servi à l'accomplissement de l'œuvre la plus difficile, la plus aventurée et peut-être l'une des plus fécondes de notre époque. Il était le seul navire capable de l'accomplir, parce qu'il était le seul auquel ses dimensions et sa solidité permettaient de porter un pareil fardeau et de dominer la mer au même degré. Il a rendu à son auteur, l'ingénieur le plus brillant du siècle, l'estime que le public restitue toujours avec empressement et reconnaissance aux esprits hardis et initiateurs (i). »

La première tentative aboutit néanmoins encore à une déception. Aux deux tiers du voyage, le câble se rompit, et vainement l'ingénieur, M. Canning, qui avait dirigé l'immersion, tenta de le faire remonter, à l'aide d'une drague, du fond de l'Océan. Rien de plus émouvant que la relation faite jour par jour de ces grandioses opérations :

« ... Un peu après deux heures de l'après-midi, étant à 638 milles de Valentia, on avait immergé 707 milles de câble. On sentit tout à coup une commotion, et bientôt après les machines furent

(1) Eugène Flachat, Navigation transocéanienne. Paris, 1866.


arrêtées. Le navire ne bougea plus. Ce calme de mauvais augure amena sur le pont toute la population inactive de la cité flottante. La cause fut bientôt connue; cette fois, ce n'était pas un « défaut, » mais bien pire : la destruction complète de l'isolement, de sorte que le courant subtil s'échappait par une ouverture dans l'immensité de la mer.

« Les électriciens se réunirent aussitôt en conseil, mais la nature du mal était si évidente qu'il ne pouvait point exister de doute quant à la marche à suivre. Cependant il fut décidé, par mesure de prudence, qu'on couperait le câble avant d'entreprendre de le repêcher, ce qui est le plus long et le plus pénible de tous les mouvements rétrogrades. On le coupa par trois fois sans obtenir aucun résultat.

« Alors, pendant que le câble se déroulait encore sous l'action d'un poids énorme, il fallut prendre les mesures nécessaires pour en assurer solidement l'extrémité et le laisser glisser hors du bord, de manière à ce qu'il pût être ramené par-dessus la poupe et enfin fixé à l'appareil de levage. Il paraissait extrêmement difficile de faire agir les appareils sans éventualités dangereuses ; mais les hommes expérimentés du bord étaient plus rassurés que les marins et conservaient plus d'espoir que les personnes non initiées, qui regardaient


avec un étonnement craintif ce mince fil noir sur lequel le Great-Eastern semblait tirer de toute sa force à chaque mouvement de la vague.

« Ce ne fut qu'à onze heures du soir que la partie du câble où se trouvait l'avarie arriva à bord. On travailla à faire de nouveau un joint et une épis.sure, puis à retransporter le câble auprès de la machine à immerger. A la première tentative, il s échappa du tambt)ur d'avant. Les machines le saisirent, mais il avait subi de telles avaries qu'il fallut en couper une grande portion et refaire les épissures. A dix heures du matin on reprit enfin le travail d'immersion par l'arrière. Chacun se réjouissait d'entendre le bruit du mécanisme -remis en mouvement après dix-huit heures d'un si pénible repos; et lorsque le capitaine Anderson ,descendit pour déjeuner, après être resté sur le pont depuis la veille au matin, tout le monde éprouva un grand soulagement, car le danger de perdre le câble, par une négligence d'un moment ou par un accident instantané, avait été plutôt -senti qu'exprimé ouvertement. »

.Quelques jours plus tard ces craintes ne furent .que trop justifiées. On essaya alors de ressaisir le -çàblç..e'n lç draguant au fond de l'Océan. Les deux •.premières tentatives échouèrent,

« ... Le ii août, vers deux heures de l'après-


midi, le grappin fut lancé pour la dernière fois. Le nouvel engin descendant 5o brasses par minute , une impulsion violente du dynamomètre annonça bientôt que le câble était saisi et remontait peu à peu de son lit de vase. Est-il besoin de dire que les alternatives de crainte et d'espérance qui nous agitaient tous avaient atteint les dernières limites? On eût dit que chacun de nous attendait une décision suprême.

« Les uns restaient en bas, et ceux qui étaient sur le pont refusaient d'aller à l'avant, ne pouvant supporter l'anxiété que leur causait chaque mouvement un peu brusque du mécanisme. Les autres se promenaient de long en large, s'interrogeant du regard sans se parler. A l 'avant, le: capitaine Anderson, M. Canning, M. Cliffard et leurs hommes , travaillaient avec ardeur et envoyaient constamment aux machinistes les signaux que dictait le dynamomètre.

« Je venais de remonter sur le pont, après le dîner, lorsque j'entendis un coup de sifflet et le cri: « Arrêtez!» partant de l'avant. Des exclamations de chagrin et de regret apprirent bientôt que toutes nos espérances étaient détruites...

« Le câble était de nouveau étendu bien loin au-dessous de nous, enfoui sous des masses de chaînes et de cordages auxquels nous venions d'a-


jouter 1,750 brasses. On fit aussitôt des signaux aux navires qui nous accompagnaient pour leur annoncer ce triste résultat, et les ordres furent donnés pour hâter autant que possible le moment où nous pourrions quitter cet endroit désastreux, qui ne conservera même aucune trace de tant d'énergie, de nobles efforts et de travaux mal récompensés. »

Il fallut une nouvelle souscription : elle fut encore obtenue, grâce à l'intérêt extrême témoigné » par toute l'Angleterre pour cette patriotique entreprise. D 'un autre côté, l'expérience acquise augmentait les chances en faveur de sa réussite.

Le Great-Eastern reprit la mer le i3 juillet 1866 , escorté de trois autres bateaux à vapeur chargés de guider la marche et d'aider les opérations. Sur le rivage, dans le port, les acclamations les plus sympathiques saluèrent ce départ. Le temps était très-beau. Grâce aux dispositions prises, le câble glissait sans secousse et descendait lentement au fond de l'Océan. On s'en servait sans cesse pour échanger des dépêches avec la station de Valentia. Les vœux des populations pour le succès de l 'entreprise, les nouvelles politiques, les renseignements donnés par l'observatoire de Greenwich pour la rectification de la longitude, se croisaient avec les indications sur les progrès de la grande œuvre.


Il y eut une vive alerte au milieu de la nuit du 18. 15 o mètres de câble s'étaient enchevêtrés au fond du puits. Il fallut arrêter le navire et le maintenir sur le même point pendant qu'on suspendait l'émission pour remettre les spires en ordre. Un vent très-violent, une mer houleuse, rendaient l'opération difficile ; mais tout se passa bien, grâce à l'habileté du capitaine et des ingénieurs, et la vive anxiété qui serrait tous les cœurs disparut lorsqu'on vit le câble reprendre son mouvement régulier.

Pendant deux jours encore on fut extrêmement gêné par le roulis et par un épais brouillard qui empêchait les bâtiments de se voir. On ralentit la vitesse jusqu'au retour d'un temps plus favorable.

Bientôt on dépassa le point où la rupture s'était produite l'année précédente. On reconnut avec satisfaction que l'isolement du conducteur sous-marin s'améliorait. Pendant les premiers jours, deux mots à peine passaient par minute ; à présent on pouvait en recevoir six. Le 23, au moment où l'on n'était plus qu'à 800 kilomètres de Terre-Neuve, l'un des principaux organisateurs de l'entreprise, M. Cyrus Field, demanda à ses amis d'Angleterre de lui transmettre les nouvelles les plus intéressantes, afin de les communiquer aux grandes villes dans toute l'étendue des États-


Unis, aussitôt après l'arrivée du Great-Eastern à la côte d 'Amérique. Il reçut, avec le résumé des événements les plus récents de l'Inde et de la Chine, l'annonce de la conclusion d'un armistice entre la Prusse et l'Autriche.

Avant d'aborder, on eut cependant encore à lutter contre des difficultés de navigation. Un épais brouillard s'étendit sur les eaux. Il fallut qu'un des convoyeurs , marchant en tête avec beaucoup de précaution, fît entendre des coups de sifflet pour indiquer la route.

Enfin, le 27 au matin le rideau de brume se déchire. On aperçoit la terre peu de temps après le lever du soleil. C'est le port d'Heart's Content brillamment pavoisé. Les deux mondes sont de nouveau unis, et cette fois, nous l'espérons, pour toujours. Nous citerons les éloquentes paroles par, lesquelles, peu de temps après, M. L. de Lavergne annoncait cet heureux événement dans une séance solennelle de l'Institut de France :

« Au moment, dit-il, où s'engageait près de nous cette lutte sanglante qui a pu nous faire croire au retour des plus tristes temps de l'histoire, un immense vaisseau, exemple iui-même des hardies tentatives du génie moderne, quittait le port de notre continent et s'avançait au milieu des brumes et des tempêtes de l'océan Septentrional. — Où


allait-il-5 L'univers le sait maintenant : il allait renouveler un effort qui avait toujours échoué et qui semblait défier les forces humaines. Pendant que le canon des batailles tonnait sur l'Europe, un câble se déroulait en silence dans les profondeurs de la mer, autrefois incommensurables, aujourd'hui connues et mesurées, et, tout à coup, un cri de triomphe nous arrivait à travers l'immensité : les deux mondes étaient réunis par le fil électrique! L'indomptable persévérance d'une nation puissante et sage a pu seule accomplir ce prodige. »

Après ce grand succès, l'ingénieur de l'expédition voulut encore accomplir une autre tâche. Se dérobant aux ovations, il fit reprendre la mer aux bâtiments. Ils se livrèrent pendant vingt jours aux plus pénibles recherches pour retrouver le câble perdu l'année précédente. La possibilité de l'accrocher, à l'aide de la drague, assez près de son extrémité pour que l'opération du relèvement ne fût pas empêchée par l'excès du poids suspendu, était très-faible. On imagina alors l'expédient suivant : dès que l'un des navires eut saisi le câble, il le souleva d'une faible quantité seulement au-dessus du fond; deux autres navires firent ensuite une seconde et une troisième drague à des distances convenables pour suspendre le câble en


deux points différents. Ce résultat obtenu, on augmenta la tension de l'un des points extrêmes de manière à produire la rupture, et on se trouva dans la position la plus favorable pour ramener le câble à la surface, de cette énorme profondeur de 4 kilomètres. On y souda aussitôt le câble complémentaire, qui fut porté sans difficultés nouvelles jusqu'à Terre-Neuve. Un second fil de communication se trouva ainsi tendu entre les deux continents.

Les intérêts du commerce et de la politique exigent l'établissement de lignes multiples dans l'Atlantique. Il faut qu'elles puissent se suppléer au besoin et qu'elles provoquent en outre par la concurrence la baisse du prix actuellement trèsexagéré des dépêches. Les câbles se détruisent quelquefois après être restés suspendus d'un rocher à l'autre au fond de la mer, l'enveloppe protectrice, par suite d'un état de tension prolongée, s'étant corrodée peu à peu. Des tremblements de terre peuvent disloquer le terrain sur lequel les câbles reposent. Un grave danger se trouve dans


l'agent même qui produit les signaux. L'électricité use le câble, et il est essentiel de n'en faire circuler que les plus faibles quantités; les courants très-intenses détruiraient les fils en peu de temps. On n'a encore, il est vrai, que de rares observations à ce sujet, mais elles montrent que, jusqu'à présent, aucun grand câble n'a pu être conservé pendant plus de deux ans en bon état.

Un projet élaboré par M. Shaffner, savant électricien américain, trace dans les mers du Nord l'itinéraire suivant : le câble télégraphique s'étendrait de l'Ecosse aux îles Féroë, qui seraient traversées par une ligne aérienne ; la voie sousmarine serait ensuite reprise jusqu'à l'Islande, et le fil, après avoir touché le Groëland, aboutirait aux côtes du Labrador. Les profondeurs sont assez faibles dans ces trajets, mais la pose des câbles ne pourrait s'effectuer qu'en plein été, à cause du fréquent passage des glaces flottantes. Un autre obstacle se trouverait peut-être dans d'assez graves perturbations produites sur la transmission électrique par les aurores boréales, dont la puissance augmente à l'approche du pôle magnétique. L'orientation générale des câbles, de l'est à l'ouest, répond il est vrai au minimum d'effet de ces phénomènes, et on a en outre l'expérience d'un fil télégraphique qui a mis en communication non in-


terrompue pendant tout un hiver les navires des explorateurs arctiques Mac-Clintock et Kellett, pris dans les glaces sous le 74e degré de latitude nord.

La France aura bientôt une communication directe avec l'Amérique. Un nouveau câble aoit être posé, pendant l'été de 1869, entre Brest et New-York, en s'appuyant sur l'île de SaintPierre. Les sondages qui ont été faits sur le parcours projeté ont donné un résultat favorable. Au moment où nous écrivons ces lignes, le GreatEastern arrive au port de Sheerness, où se fera l'embarquement du câble.

Le tracé suivant, dû à M. de Marcoartu, ingénieur espagnol, se base sur de sérieuses études des conditions politiques et techniques. Le fil partirait du cap Saint-Vincent, en Portugal, passerait à Madère, à Ténériffe, au cap Blanc et au cap Vert, reposerait sur la roche de Longchamp, sur le banc du capitaine Walker, à Saint-Pierre, sur les rochers de corail, à Navonha, et aborderait les côtes du Brésil au cap San-Roque. Du cap San-Roque partirait une ligne côtière à destination de Rio-Janeiro et des ports de la Plata, tandis qu'une ligne septentrionale gagnerait l'embouchure de l'Amazone et rejoindrait la mer des Antilles, où la Havane deviendrait un centre d'opération.


Les voies de communication télégraphique qui existent aujourd'hui entre l'Angleterre et l'Inde présentent d'assez grands inconvénients. La dernière station du réseau indien, Kurrachee, est unie par une ligne terrestre avec Gwader, et ensuite, par un câble sous-marin, au cap Mussendom et à Bushir, dans le golfe Persique; de là partent deux lignes différentes, traversant, l'une la Turquie, l'autre la Perse et la Russie, pour rejoindre le réseau européen. Mais sur certains points le service se trouve parfois entravé par l'indolence des agents musulmans qu'on est obligé d'employer, et sur d'autres on peut craindre la turbulence des populations. Ces motifs et les progrès de la science ont engagé l'Angleterre à reprendre dans les mers orientales l'établissement d'une ligne maritime une première fois abandonnée à la suite d'un insuccès. Des câbles fonctionnant régulièrement existent dès aujourd'hui entre la Sicile, Malte et Alexandrie. A partir d'Alexandrie, ou plutôt de Suez, un nouveau câble serait placé dans la mer Rouge, et un autre dans l'océan Indien, où il longerait la côte occidentale d'Arabie et toucherait la station d'Aden. *

Le gouvernement anglais se propose aussi de réunir au moyen de câbles sous-marins les colonies florissantes qu'il possède à l'est de Calcutta.


Le réseau indien s'étend jusqu'à Rangoon, dans la province de Pégu. Les lignes projetées iraient de Rangoon à Singapore par Tavay et Penang, de Singapore à Hong-Kong par Saïgon, et en Australie par Batavia et Cepang. Toutes les mers qu'il s'agit de traverser ont une assez faible profondeur, r,8oo mètres au maximum.

Le gouvernement russe a entrepris d'exécuter à travers les steppes glacées de la Sibérie une ligne télégraphique qui doit aboutir à Kiachta, petite ville sur les frontières de la Chine, et descendre ensuite au sud jusqu'au golfe de Petchili, ce qui mettrait Pékin en communication avec l'Europe. Un embranchement atteindrait à l'est Nicolavefsk, port militaire important à l'embouchure du fleuve Amour. A partir de ce point, la ligne suivrait les côtes nord de la mer d'Ochotsk et se dirigerait par le Kamtschatka vers le cap le plus voisin du détroit de Behring) où elle deviendrait sous-marine et joindrait le continent américain en s'appuyant sur l'île Saint-Laurent. On placerait ensuite un câble sous-marin du nord au sud sans s'écarter beaucoup de la côte occidentale de ce continent; il y aurait une station à Sitka, capitale de l'Amérique russe, à New-Westminster, sur les bords de la rivière Fraser, et enfin à Victoria, dans la Colombie anglaise, reliée


déjà par San-Francisco à tout le réseau des ÉtatsUnis.

La météorologie doit un important progrès à la télégraphie électrique. Par la centralisation journalière des observations recueillies dans toute l'étendue des réseaux, on construit des cartes synoptiques très-utiles pour la prévision des tempêtes. Les câbles océaniques vont permettre de perfectionner ce système. D'après le Bulletin de l'Association scientifique, l'observatoire de Paris et le Board of Trade de Londres reçoivent déjà une dépêche quotidienne sur l'état du temps à Terre-Neuve. « L'observation est faite dans cette localité à six heures du matin, instant auquel il est déjà dix heures à Paris. La dépêche, transmise immédiatement, nous arrive donc avant midi ; elle peut servir pour les prévisions et elle est communiquée aux journaux du soir. Ce renseignement deviendra sans doute très-précieux avec le temps, en permettant de prévoir les mouvements des grands courants polaire et équatorial, dont les déplacements produisent ceux des grandes perturbations atmosphériques. Le circuit se trouvera plus complet encore lorsqu'on aura posé le câble qui doit relier l'Espagne aux Açores. L'ensemble des nouvelles simultanées venues des différents points du circuit formé par l'Espagne, les


Açores, les Antilles, Terre-Neuve et le nord de l'Europe, permettront de tirer des conséquences utiles à la marine. »

Lorsqu'on aura multiplié les câbles sous-marins dans les mers de l'Inde et de la Chine, on pourra aussi mieux profiter des conseils donnés par Piddington (i) relativement à l'emploi des télégraphes pour l'annonce des cyclones, dont il serait si important de connaître la marche et de prévoir l'approche dans les régions trop souvent ravagées par ces désastreux météores.

La rapidité avec laquelle les réseaux s'établissent sur la terre entière nous attache particulièrement à ce grand spectacle où la science et l'industrie sont étroitement liées. Nous pouvons entrevoir déjà le moment où ce que l'on peut appeler l'unité électrique de l'humanité sera constitué. D'un autre côté, on peut prévoir que la communication télégraphique ne se bornera pas aux relations commerciales etadministratives.Quand un jourelle embrassera le globe entièrement conquis par l'homme et pacifié, elle servira à unir fraternellement les âmes dans un même culte, dans une même prière, dans un même élan de reconnaissance vers Dieu.

(r) Loi des Tempêtes.


x

L'ATLANTIDE

L'Atlantide de Platon. — Diodore de Sicile. — Les Hyperboréens. — Les Ai:ras. Les Pélasges. — Iles Fortunées. — Région submergée. — Tremblements de terre et inondations. — Les Atlantes. — Légendes celtiques. — La ville d'Is. — Indices géologiques. — Les Guanches. — Traditions. — Conquêtes de Vindustrie. — La Hollande. — Faust. — L'âge d'or.

Nous avons dit que la configuration du sol marin dans les parages de l'Atlantique compris entre les Açores et les îles du Cap-Vert semblait s'accorder avec la tradition d'un ancien continent disparu. Hésiode, Homère, Euripide, Aristote, Plutarque, Diogène Laerce, Denis d'Halicarnasse, Diodore de Sicile, Strabon, Pline, font mention


des Atlantes, auxquels Platon a consacré deux de ses dialogues, le Timée et le Critias. «Il y avait, dit-il, au-devant du détroit que vous nommez les Colonnes d'Hercule, une île plus étendue que la Libye et l'Asie. De cette île on pouvait facilement passer en d'autres îles, et de celles-là à tout le continent qui borde la mer intérieure... Des princes puissants régnaient sur l 'Atlantide et avaient sous leur domination l'île entière, ainsi que beaucoup d'autres îles et une grande partie du continent... Mais, plus tard, de terribles tremblements de terre et des inondations engloutirent en un seul jour et une seule nuit l'île Atlantide, qui disparut sous la mer ; d'où vient que maintenant encore cette mer est innavigable, à cause du limon et des bas-fonds, débris de l'île abîmée. »

Platon présente ce récit comme le souvenir d'une épopée composée par Solon, d'après les antiques traditions qui lui avaient été transmises par les prêtres de Saïs. Les témoignages apportés par ces traditions et les frappants indices qu'offre l'aspect des lieux nous engagent à résumer sommairement les opinions des commentateurs et des géographes qui ont admis l existence d une vaste région engloutie dans les profondeurs de l 'Océan, aux premiers âges du monde. Les révolutions du globe terrestre, alors plus fréquentes et plus uni-


verselles, rendent d'ailleurs assez vraisemblable, au point de vue des phénomènes géologiques, le bouleversement qui aurait enseveli la mystérieuse contrée des Atlantes ; et, quoique cette tradition ait été généralement considérée comme une allégorie ou une simple fiction poétique, nous ne devons point passer sous silence les curieuses explications qui tendent à en démontrer la probabilité.

Le dialogue du Critias contient une description de l'île des Atlantes faite par un des interlocuteurs, Critias, qui raconte, comme dans le Timée, ce que lui avait appris son aïeul, instruit par Solon sur les traditions conservées en Egypte :

« L'île produisait en abondance toutes sortes de bois de construction; elle nourrissait de nombreux troupeaux d'animaux domestiques et d'animaux sauvages; les éléphants y étaient en grand nombre; ils y trouvaient suffisamment de nourriture le long des lacs et des fleuves, dans les plaines et les vallées, quelque monstrueux et vorace que soit cet animal. On trouvait aussi dans l'Atlantide tout ce que la terre produit maintenant d'odoriférant et de suave, racines, grains, bois, gomme, fleurs et fruits, le doux jus de la vigne et le blé nourrissant. Les arbres prodiguaient à ses heureux habi v tants et les sucs variés et les fruits-de diverses espèces qui pouvaient apaiser leur faim ou étancher


leur soif. Leur sage industrie avait disposé dans l'île entière, malheureusement disparue, tout ce qui est propre à satisfaire le corps, l'esprit et la piété envers les dieux. »

Comme on le voit, la riante description de Platon se rapporte aux traditions universelles (1) qui plaçaient le bonheur dans des îles fortunées, dont les habitants, de race divine, jouissaient de tous les biens que l'imagination peut accumuler sur un sol fertile, sous un ciel favorable et dans une société de justes.

Nous citerons encore quelques lignes de Diodore de Sicile :

« Après avoir parcouru les îles voisines des Colonnes d'Hercule, nous allons parler de celles qui sont plus avancées dans l'Océan. En tirant vers le couchant, dans la mer qui aborde la Libye, il en est une très-célèbre, éloignée du continent de quelques jours de navigation. Les Atlantes, qui habitent cette contrée fertile, diffèrent de tous leurs voisins par leur piété et leur hospitalité. Ils prétendent que les dieux ont pris naissance dans leur île. — Leur premier roi fut Uranus, qui détermina plusieurs circonstances de la révolution des astres : il mesura l'année par le cours du soleil

(1) V. l' Histoire de la Navigation.


et les mois par celui de la lune, et il désigna le commencement et la fin des saisons. Les peuples, qui ne savaient pas encore combien le mouvement des astres est égal et constant, étonnés de la justesse de ses prédictions, crurent qu'il était d'une nature plus qu'humaine, et après sa mort lui décernèrent les honneurs divins. »

Ce passage de Diodore ajoute un nouveau trait au récit de Platon. Il nous montre la science, les premières découvertes astronomiques intervenant dans le gouvernement de l'île enchantée rêvée par les sages, et contribue ainsi à nous indiquer les faits réels qui ont pu donner lieu aux fabuleuses descriptions de l'Atlantide.

Le savant suédois OlaÜs Rudbeck, dans son ouvrage intitulé : Atlantica vera J apeti posteriorum series et patria (i), prétend que la Suède et la Scandinavie sont l'ancienne région des Atlantes, l'île sacrée des Hyperboréens, située, suivant Hécatœus, qui écrivit leur histoire, dans l'océan du Nord, en face de la Gaule. Les Hindous plaçaient

(i) Upsal, 1675 et 1689.


aussi les Hyperboréens, « qui vivent jusqu'à mille ans » , dans le nord de l'Asie ; et cette légende, qu'on retrouve chez les Phéniciens, paraît se rapporter à un mythe primitif très-répandu, dont l'origine commune doit être probablement cherchée dans les circonstances géologiques des premiers âges. Certaines parties de nos continents étaient alors entourées de mers aujourd'hui desséchées ou disparues, et l'existence de grandes îles habitées par les races primitives n'a rien de contraire aux indications de la science et aux traditions historiques.

On a tour à tour cherché les traces de l'Atlantide et de l'île Hyperborée dans les provinces septentrionales de l'Allemagne, dans les îles du bas Rhin, en Palestine, en Perse et en Amérique. Le savant Bailly, dans ses Lettres sur l'Atlantide, place la patrie des Atlantes sur les plateaux de la haute Asie, se rapprochant ainsi de la région qui portait le nom d 'Ayriana, ou terre des Aryas, race indépendante des autres races humaines, et au sein de laquelle prirent naissance les premières doctrines religieuses. Des symboles analogues à ceux des Aryas se trouvent à l'origine des peuples de la même famille, Grecs, Italiens, Slaves, Germains, Celtes, Scandinaves, indiquant les migrations qui ont porté le culte primitif vers l'occident, avec les di-


verses branches de la race aryenne, dont le nom s'est conservé jusqu'à nos jours sur plusieurs points de l'Europe. Pour ne pas sortir du sujet qui nous occupe, nous ne citerons que l'Irlande, ou terre des Ires, c'est-à-dire des Aryas, qui a si longtemps gardé, dans les anciennes religions celtiques, les plus frappants rapports avec le culte oriental, et surtout avec la mystérieuse doctrine des Kabires (Associés) de la Samothrace, l île sainte des Pélasges.

Quelques auteurs, s'appuyant sur les rapports qui paraissent exister entre les Atlantes et les Pélasges, ont admis l'identité des deux peuples, qui, après avoir vu une grande partie de leur patrie engloutie par les eaux, avaient dû fuir et chercher au delà des mers une patrie nouvelle. On trouvait des Pélasges (hommes de la mer) partout : en Grèce, en Illyrie, dans la Sicile, la Sardaigne et l'Italie. La tradition disait qu'au temps du déluge de Deucalion, un des chefs avait quitté avec son peuple les plaines inondées de l'Arcadie, et, après s'être d'abord rendu dans l'île de Samothrace et y avoir laissé les mystères qui l'ont rendue célèbre, s'était établi sur les côtes de Phrygie ct y avait fondé le puissant royaume dont Troie devint le centre.

Nous ne nous arrêterons pas davantage sur les


traditions incertaines de ces lointaines époques, mais nous remarquerons que les obscurités qu'elles présentent disparaissent en partie lorsqu'au lieu d'attribuer à une race unique la haute mission d éclairer les peuples primitifs sur leur origine et leur destinée, on admet plusieurs contrées d'où aurait émané la double lumière de la religion et de la science, c'est-à-dire de tout ce qui peut glorifier notre existence et lui donner pour idéal l'universelle communion.

De nombreuses preuves physiques donnent un grand degré de probabilité à l'opinion qui place l 'Atlantide dans le vaste espace compris entre l'Afrique, l 'Europe et l 'Amérique. Parmi les auteurs qui ont soutenu cette opinion, nous citerons un des plus récents, Bory de Saint-Vincent, dont le remarquable Essai sur les îles Fortunées résume toutes les recherches antérieures sur ce curieux sujet. Avant lui, le géographe P. Buache, cherchant à suivre sous l'Océan, au moyen des îles, roches et vigies, les principales chaînes formant la charpente du globe, avait indiqué comme prolongement de la chaîne du grand Atlas, qui plonge au cap Noun, les archipels des Canaries, de Madère, des Açores, et les bas-fonds signalés entre ce dernier groupe et Terre-Neuve. La quantité de rochers, d'écueils, de barres et de récifs qu'on ren-


contre dans ces parages; la grande hauteur des montagnes, hors de proportion avec l'étendue des îles qui les renferment; la nature volcanique du sol, bouleversé par des tremblements de terre et de violentes éruptions ; l'existence de volcans sousmarins qui ont tour à tour fait surgir et disparaître des îles nouvelles; le peu de profondeur de la mer entre les Canaries et la côte du Maroc; la comparaison des faunes terrestres, tout semble prouver l'existence d'une haute chaîne de montagnes déchirée et submergée par une des grandes convulsions du globe, en même temps que les terres qui s'y appuyaient. Suivant Aristote et Platon, ces parages présentaient le même aspect dès les temps les plus reculés, et la mer n 'y était plus navigable à cause des écueils qui l 'obstruaient et des couches épaisses de varechs qui s'étendaient au loin, flottant sur les eaux vaseuses des bas-fonds. Il est probable que la force des courants et le mouvement des flots ont emporté une partie des débris qui surgissaient alors, et qui ont pu d'ailleurs, ainsi qu'on l'a vu sur d'autres points du globe, subir un lent mouvement d'abaissement après leur subite immersion.

Ajoutons que les nombreux indices de terrain primitif, les vastes couches de calcaire et les amas de corps fossiles découverts par les géologues qui


ont étudié la constitution physique des Canaries, des Açores et des îles du Cap-Vert, prouvent que ces archipels n'ont pas été créés par les volcans sous-marins, dont les éruptions successives ont seulement accru l'élévation du sol autour des cratères de soulèvement qui surgissent de toutes parts, et dont quelques-uns sont encore en activité. M. de Humboldt, qui soutenait cette opinion contradictoirement à Léopold de Buch, croyait aussi qu'une exploration des montagnes du Maroc montrerait l'homogénéité des terrains entre les deux chaînes.

La ceinture de volcans qui paraît avoir bordé la partie occidentale de l'Atlantide explique la terrible catastrophe qui l'anéantit, et la fait rentrer dans l'ordre naturel. Les régions où la force volcanique est la plus active sont, en effet, celles où il s est toujours produit le plus de changements d'équilibre dans l'enveloppe terrestre. Vers le commencement du IIIe siècle avant notre ère, un épouvantable tremblement de terre engloutit les deux villes d'Hélice et de Bura, situées sur les bords du golfe de Corinthe. Au temps d'Ovide, on les voyait encore sous les eaux. Lors du tremblement de terre de Lisbonne, la mer, laissant son lit à découvert, se retira d'abord loin de la côte et revint gonflée en une énorme vague de 60


pieds de hauteur heurtant le rivage avec furie, pendant que les quais du port disparaissaient dans un abîme, entraînant les navires qu'on y avait amarrés. Cette fluctuation extraordinaire se fit sentir depuis les côtes d'Irlande jusqu 'à celles du Maroc. En 1746, durant le tremblement de terre qui détruisit Lima et quatre autres villes voisines, une partie de la côte s'affaissa, entraînant avec elle la ville de Callao et ouvrant à l'Océan une nouvelle baie. En 1715, la ville de Tomboro, à Java, fut submergée dans des circonstances analogues. En 1751 , le tremblement de Saint-Domingue causa sur la côte un enfoncement de plus de 20 lieues. Pendant la commotion de Calabre, en 1785, on vit se former une cinquantaine de nouveaux lacs et des abîmes remplis d'eau. Près de Scylla, une terrible secousse, qui précipita dans la plaine un quartier du mont Joci, souleva soudain la mer, qui brisa sur le rivage les navires à bord desquels une partie des habitants s 'étaient entasses. En 1819, un violent tremblement de terre renversa plusieurs villes aux bouches de l'Indus. 1 a plaine de Sindrée s'enfonça sur une étendue d'environ 12 lieues sur 7, appelant sur elle les eaux de la mer, qui couvrirent insensiblement les maisons d'un village dont les habitants se réfugièrent sur la tour du fort qui les protégeait. En


1828, cette grande tour était encore debout, s'élevant de quelques pieds seulement au-dessus de l'Océan, dans la profondeur duquel on apercevait le fort, le village, et même les arbres, à demi ensevelis sous Jes sables charriés par le fleuve. Nous citerons encore le tremblement de terre de 1663, qui causa de si grands désastres au Canada et changea un espace de 100 lieues, traversé par des chaînes de montagnes, en une plaine marécageuse; enfin celui qui, en 15 56, ravagea la province de Tchian-Si, en Chine, et engloutit plus de 60 lieues de pays. Toutes ces récentes catastrophes peuvent donner une idée de la violence des révolutions qui changeaient la face du globe dans cette période moyenne « des embrasements et des déluges» dont les anciens peuples gardaient l'obscure tradition.

L'Atlantide, suivant le système qui la place dans l'Océan, en face des côtes d'Europe et d'Afrique, s'étendait du 12, degré de latitude nord jusqu'au 41e environ, partie dans la zone torride et partie dans les plus beaux climats de la zone tempérée. De là le doux nom de Fortunées


donné à ces régions fertiles, dont les Grecs avaient fait le berceau du monde, le merveilleux domaine des races d'élite (Atlantes, Titans, Elymees) issues des dieux, et au sein desquelles la civilisation avait pris naissance. Les récits mythologiques disaient que Saturne, sous le règne duquel naquit Astrée (la Justice), qui donna l'âge d'or à ses peuples, eut pour frère Atlas, auquel était échu l'empire de la mer et de la vaste contrée située dans l'Océan, au delà des colonnes d'Hercule. Sous la conduite de ce puissant chef, les Atlantes avaient soumis le littoral africain, pénétré jusqu'en Égypte, et y avaient laissé leur culte, leurs lois et leur science, transmis ensuite à la Grèce par ses premiers législateurs. Avant ces conquêtes, les Atlantes cultivaient leurs champs et vivaient dans une innocente simplicité. La guerre changea leurs mœurs, et bientôt, pour satisfaire leur orgueil, ils n'écoutèrent plus que l'injustice et la violence, et devinrent les fléaux de la terre. Leur destruction fut alors résolue par les dieux, vengeurs des lois éternelles, qui abîmèrent l'Atlantide sous les flots au milieu d'un soudain cataclysme.

Tel est le récit de Platon, qui offre, on le voit, plus d'un rapport avec la tradition du déluge, universel. Cette tradition se retrouve chez les peuples les plus reculés, les Péruviens et les Chi-


nois, dont les annales conservent aussi la mémoire d'une puissante race primitive qui avait attiré sur elle le courroux des dieux, et qui habitait, vers les bornes de la terre, une grande île détruite par l eau et par le feu. En France, sur les côtes de Bretagne, les légendes celtiques racontent les événements extraordinaires, les ravages, les bouleversements du déluge, et rappellent d'une manière frappante les traditions que nous venons de résumer. Sur toute la partie du rivage comprise entre la Loire et la Seine, la mer, suivant ces légendes, couvrirait les ruines de villes antédiluviennes, instantanément détruites par une terrible invasion des eaux. On ne peut mettre en doute l'existence des pierres druidiques que l'on voit encore à la pointe de Penmark, aux marées d 'équinoxe, à i5 ou 20 pieds sous l'eau, et ce fait appuie les traditions qui affirment que de cette pointe au Raz,et du Raz jusqu'aux îles d'Ouessant, la grève était couverte de cités et de travaux gigantesques, submergés par l'Océan. Une de ces cités, la ville d'Is, dont la légende décrit les merveilles, s'étendait entre la pointe de la Chèvre et la baie d'Audierne. Dépravés par un luxe excessif, les habitants vivaient dans le désordre et l'impiété. Après de vaines exhortations, les prêtres et les vierges consacrées au culte d'Ésus .quittèrent la cité en 1


appelant sur elle la justice divine. Au milieu d'une nuit de fête, le ciel s'obscurcit, le tonnerre gronde, la terre tremble, les rivages sont ébranlés par l'ouragan, et la mer, furieuse, franchissant les digues, chasse devant elle le peuple épouvanté, qui cherche vainement à fuir la ville maudite, ensevelie dans les ténèbres, renversée par de formidables secousses et bientôt engloutie sous le flot mugissant.

Ces anciens rivages, suivant l'opinion de quelques commentateurs, touchaient aux terres atlantiques, d'où les Celtes de l'Armorique avaient reçu leur civilisation. Un curieux passage, extrait d'intéressantes études sur la formation et l 'histoire naturelle des îles Britanniques (i), vient appuyer cette opinion, au moins en ce qui concerne l'existence d'un continent disparu, autrefois joint à ces îles : « A la surface du Kent et du Sussex s'étend une grande vallée appelée Weald (contrée sauvage et inculte), qui a donné son nom à une province géologique, le lVealden. On rapporte l'origine de cette formation à un grand delta. La manière dont les restes d'animaux terrestres se rencontrent épars dans le Wealden, l'entremélement de cailloux semblables à ceux que roule et use maintenant le cours de nos ri-

(1) L'Allgletcrre et la vie anglaise, par A. Esquiros. II.


vières, disent assez que l'embouchure d'un grand fleuve, pareille aux bouches du fleuve des Amazones ou du Mississipi, couvrait alors la partie sud-ouest de l'Angle,,erre ; seulement quel était le continent par lequel cette grande rivière était alimentée? « Là, dit Lyell, je serais tenté de croire «à l'ancienne existence de l'Atlantide de Platon.» On se croirait transporté dans le monde des rêves, et pourtant la science moderne, appuyée sur les monuments les plus certains, déclare que, eux aussi, les continents périssent. Après avoir surgi du fond de la mer, les terres peuvent être usées par l action des eaux et replongées dans le sein de l'abîme; mais de nouvelles terres se reforment ensuite de ces ruines. »

On peut se demander s'il n'est pas resté quelque vestige des Atlantes, quelque indice de leur séjour dans les îles échappées à la submersion.

Les Guanches, anciens habitants des îles Canaries, qui furent détruits, vers le XIVe siècle, comme tous les Indiens que l'Espagne soumettait à sa puissance, offraient dans leurs coutumes, dans leur langue, dans leurs institutions religieuses, des rapports frappants de conformité avec les usages et les mœurs des premières populations de l'Égypte, de la Grèce et de l'Italie. Les Espagnols disaient qu'on ne trouverait nulle part « plus belle


nation et plus gaillarde que dans les îles Canaries, tant les hommes que les femm,-s. » L'usage des hiéroglyphes et des signes astronomiques, le respect pour les morts et leur embaumement, la forme pyramidale employée pour les tombeaux et les monuments publics, l'institution des vierges sacrées, sortes de vestales qui présidaient au culte sous la direction d'un grand prêtre, les honneurs rendus à l 'agriculture, la passion du chant et de la musique, le goût de la danse et des exercices du corps, qu'on exécutait avec pompe dans les fêtes publiques, tout semble indiquer que les Guanches étaient les rejetons d'une nation plus instruite, d 'un peuple plus nombreux et plus éclairé.

Pendant les fréquents voyages que faisaient les Phéniciens à leur colonie de Gadira (depuis Gadès et Cadix), des vaisseaux poussés par la tempête allèrent toucher aux îles inconnues de l'Océan (iinsulœ Purpurariœ) qui donnèrent à Tyr la pourpre (1), la riche teinture dont longtemps elle eut seule le secret. Les Phéniciens apprirent peut-être alors, par des récits traditionnels, l'his-

(0 Probablement l'orseille (lichen roccella), qui donne une belle couleur pourpre très-employée dans la teinture. A Ténériffe, Palme et Canarie, le roi d'Espagne s'en était réservé la récolte.


toire du continent dont les Guanches habitaient les débris, et cette histoire, transmise aux Grecs, fut l'origine des légendes citées par Platon.

Après les Phéniciens vinrent les Carthaginois, qui leur succédèrent dans les hardies navigations de l'Océan, et recueillirent probablement aussi les traditions relatives à l'Atlantide. Mais comme ils faisaient un mystère de leurs découvertes, on peut croire qu'ils n'ajoutèrent rien aux relations déjà existantes. Les Romains, enfermés dans la Méditerranée, dont l'empire leur sufffsait, ne surent que ce qu'ils avaient appris des Grecs, et pendant plusieurs siècles les îles de l Océan demeurèrent sans relations avec l'Europe. Après l'établissement des Arabes en Espagne, des marins de cette nation s'aventurèrent sur l'Atlantique, et après avoir traversé « des parages de mer ayant de forts courants, des eaux obscures et peu de clarté dans l'air », ils abordèrent à des îles fertiles, couvertes de bestiaux, où ils virent « des hommes couleur de cuivre et des femmes d'une beauté merveilleuse. »

Cette découverte n'eut pas de suite, et les liaisons de l'Europe avec les régions atlantiques ne furent définitivement reprises et régulièrement établies que par les grands navigateurs du XVe siècle.


Comme la plupart des légendes et des traditions qui se rapportent aux âges primitifs, les divers récits que nous venons de résumer ont souvent été mis au nombre des fables. Mais toutes les fables ont leur morale, et il n'est pas difficile de voir celle qui se dégage des anciennes histoires de peuples disparus dans des cataclysmes, après avoir appelé sur eux le courroux des dieux. A un premier état d'innocence et de piété, de paix et de concorde, de travail et d'abondance, succèdent l'orgueil et l'incroyance, l'inquiétude des passions déréglées, le désir des conquêtes, des rapines de la guerre et de l'oisiveté qui la suit. La dépravation naît bientôt de cette oisiveté, jointe à l'amour excessif du luxe et des richesses, et la nation, corrompue, sourde aux avertissements, finit par mettre obstacle aux bienfaisants desseins de la Providence, à l'éJucation du genre humain, au développement de ses forces morales. Dès lors elle doit périr, et la nature ne tarde pas à exécuter le décret qui la condamne. Les villes superbes englouties par l'Océan, et dont les anciens navigateurs croyaient voir les ruines dans l'ombre des eaux profondes, les âmes errantes qu'ils entendaient gémir dans la tempête,leur disaient la justice divine, la loi morale présidant aux inflexibles arrêts du destin.

Si ces arrêts sont aujourd'hui moins redou-


tables, et si nos sociétés peuvent espérer de n'être plus anéanties par de soudaines révolutions du globe, changeant la face des continents et ouvrant une nouvelle ère historique, ce n'est pas sans doute que la science nous donne l'assurance d'un état géologique définitif. Mais en se développant, en devenant à la fois plus haute et plus pratique, en nous découvrant les lois et nous donnant la puissance, chaque jour plus étendue, de prévoir les phénomènes et d'en atténuer les effets désastreux, en agrandissant nos croyances, la science nous autorise à penser que loin d'avoir à craindre le retour des cataclysmes qui ont marqué par de si grands désastres les premiers âges de l'humanité, nous pouvons au contraire étendre de plus en plus notre domination sur la nature, et assurer aux générations qui nous suivront la paisible possession d'un domaine consacré par les grandes conquêtes de l'industrie, par l'équitable répartition des biens communs, par la solide alliance des nations affranchies, délivrées de la guerre et de tous les maux qu'elle engendre.

Entièrement dirigé vers un noble but, le génie humain, fécondé par les forces de la concorde et les liens de la solidarité, appliquera alors toute sa puissance aux travaux qui lui permettront d 'étendre ou de garder ses conquêtes. Ainsi, pour


ne citer qu'un exemple, nous rappellerons les attaques de l'Océan qui ont causé, dans ces derniers siècles, de si violentes inondations sur les côtes très-basses du Danemark et de la Hollande, exposées aux terribles assauts des hautes mers qu'y jettent les ouragans du nord-ouest. En Hollande, le grand golfe de Zuyderzée, ceux de Dollart et de Jahde, la baie de Biesbosch, au fond de laquelle reposent 22 villages, marquent les changements produits par l'envahissement des eaux du XIIIeau XVIe siècle. Mais aux fureurs de l'Océan l'homme oppose des digues ou fortifie les digues naturelles, les dunes, que la mer crée elle-même. Dans la Zélande, la fameuse digue de Westkappelle, qui a 4,700 mètres de longueur, maintient la mer à un niveau de 5 mètres au moins, à marée haute, audessus du sol qu'elle abrite. D'anciens relais de mer, d'une grande étendue, ont été ainsi livrés à la culture. Aujourd'hui même il s'agit de soustraire à la domination de l'Océan, par un endiguement de 40,000 mètres, 200,000 hectares de terrain que l'on veut conquérir sur la partie du Zuyderzée située au sud de Keteldiep, au-dessous de l'embouchure du Ketel. Il y a quelques années le desséchement de la mer de Harlem, formée par la terrible inondation de i53o, avait déjà donné 18,000 hectares de terres fertiles. -


Le vaillant peuple dont l'héroïsme a protégé la liberté naissante nous donne ainsi le grand spectacle d'une lutte gigantesque entre la mer et l'industrie humaine, couvrant de prairies et de moissons le sol vierge conquis sur l'Océan. Les dernières paroles de Faust mourant, dans le merveilleux poëme où Gœthe a renfermé une si profonde science de la vie, glorifient cette énergique et féconde activité : « La terre, alliée avec elle-même, assigne aux flots une limite, et contient la mer en d'étroites barrières. Un marais s'exhale au pied de la montagne, infectant le bien déjà conquis. Dessécher l'étang pestilentiel, là serait la conquête suprême. J'ouvre de vastes espaces à des myriades pour qu'on y vienne habiter, non dans la sécurité sans doute, mais dans la libre activité de l'existence. Des campagnes vertes, fécondes, l'homme et les troupeaux, à l'aise sur le nouveau sol, s'installent le long de la colline où se rue une population hardie, industrieuse. A l'intérieur, ici, c'est un paradis. Que le flot tempête à l'extérieur jusqu'au bord; s'il lui prend fantaisie d'abattre avec violence, de toutes parts la foule se presse pour fermer la brèche. Oui ! je me sens voué tout entier à cette idée, fin dernière de toute sagesse : celuilà seul est digne de la liberté comme de la vie, qui sait chaque jour se la conquérir. De la sorte, au


milieu des dangers qui l'environnent, ici l'enfant, l'homme, le vieillard, passent vaillamment leurs années. Que ne puis-je voir une activité semblable vivre sur un sol libre, au sein d'un peuple libre ! Alors je dirais au moment : Attarde-toi, tu es si beau !... »

Les poétiques théogonies des anciens plaçaient l'âge d'or dans les îles lointaines qui abritaient au sein d'une nature propice et sous un ciel favorable les races choisies que gouvernait Astrée ou la Justice, et dont le culte était fondé sur une amitié réciproque entre les dieux et les hommes. Mais le noble vœu de Gœthe, qui résume les tendances les plus élevées de notre époque, dit assez que nous pouvons espérer de meilleurs jours que ceux de notre enfance, ou du moins une réalité plus belle que l'idéal des premiers temps. Chaque nouvelle conquête de la science a fortifié le genre humain, en lui donnant conscience de sa grandeur et de sa destinée. Si la justice doit régner, si les preuves de nos liens avec l'intelligence créatrice doivent devenir irrécusables, c'est parle continuel accroissement des connaissances qui nous élèveront un jour, suivant la belle expression de Bacon, « jusqu'à la majesté de la Nature,» et nous engageront à mettre nos vertus à la hauteur de notre intelligence. Cet avenir encore éloigné, mais que le pro-


digieux effort de notre grande époque rapproche de nos descendants, sera véritablement l'âge d'or, c'est-à-dire l'âge viril de la certitude, de la paix et de la beauté, de la foi sereine, du travail fraternel, qui est l'idéal de nos sociétés éclairées', la loi suprême de l'existence et l'éternelle condition du bonheur.

FIN


TABLE

PREMIÈRE PARTIE.

I. — Les profondeurs de l'Océan.

Pages. Les eaux bleues. — Transparence de la mer. — Jardins de l'Océan. — Les sondages. — Hauteur des vagues dans la mer profonde. — Appareil de Brooke. - Cartes orographiques de Maury. — Lit de l'Atlantique. — Plateau télégraphique. — Lit de la Méditerranée. — L'oaze. — Diatomées, Rhizopodes, Foraminifères. — L'aurore de la vie.

Travail des infusoires. — La vie animale dans les profondeurs. — Lumière organique. — Les naufrages • - ?

II. — Courants de la mer.

Christophe Colomb.- Courant équatorial.- Voyage des bouteilles. — Ch. Romme et Maury. — Courants de l'océan Indien. — Courants du Pacifique. — Courants de l'Atlantique. — Le Gulf-Stream.

Variations des climats. — Cartes thermales.

Formation des courants. - Circulation océanique.

Les zoophytes. — Ras de marée. Les gouffres. — Charybde et Scylla. — Le Maelstrom. 28


III. — Les Lithophytes.

Fleurs de l'Océan. — Anémones de mer. — Polypiers. — Construction des lithophytes. — Énormes récifs. — Description des Atolls. — Leur formation. Groupe *d'Atolls. — Accumulation des polypiers. — Ports naturels. — Distribution géographique des polypiers. — Jardins flottants. — La plante de verre..

IV. — Perles et corail.

Produits de la mer. — La pourpre. — Les éponges.

— Le plongeur. — Pêche du corail. - Amulettes.

Les perles.— Légende indienne. — Formation des perles. — Pêche des perles à Ceylan. — Pêcheries de la Chine et du Pacifique. — Trésors de perles au Pérou. — Multiplication des huîtres perlières. Cloches à plongeur. — Bateaux sousmarins. — Le scaphandre 86

V. — Monstres marins.

Période fabuleuse. — Traditions tératologiques. — Sirènes et Tritons. — Moines de mer.— Les Lamantins.-L'Orque. - Les Dauphins. — Licorne marine. — Le Rorqual. — Le Kraken. — Les Céphalopodes. — Poulpe géant. — L'âge des reptiles. — L'Ichthyosaure. — Le Plésiosaure. — Les Phoques """" . 123


SECONDE PARTIE.

VI. - Migration des Poissons.

Oscillation des courants. — Pêcheries des côtes d 'Islande. — Méduses et Baleines. — Les Harengs.Apparition des bancs. — L'éclair de Hareng. Curieux phénomènes. Poissons musiciens. Étranges concerts. — Morues. Maquereaux. Sardines. — Thons. — Poissons anadromes. — Saumons. — Anguilles. — Berceau des Baleines.

i D5 Mers polaires

VII. — La Pêche.

La Pêche chez les anciens. — Parcs à poissons. — Bateaux-viviers. — Emploi de la glace. Sardines et Anchois. — Pêche du Thon. L'Espadon, l'Esturgeon. — Pêcheurs scandinaves. — Pêches du Hareng, de la Morue, du Maquereau. — Pêche des Tortues. — Le Rémora. — Pêche de la Baleine. — Phoques et Morses..... 182

VIII. — Culture de la mer.

t Viviers des Romains. — Aquariums. — Fécondation artificielle. — Établissement d'Huningue. — La mer de Tarente. — L'étang de Berre. — Lagune de Comacchio. — Ensemencement et récolte du poisson. — Lac Fusaro. — Baie d 'Arcachon. —


L'industrie huîtrière aux Etats-Unis. — Baie de l'Aiguillon. — Viviers-laboratoires. — Poissons apprivoisés. — Viviers de la Gironde. - Fécondité de la mer 218

IX.— Télégraphie sous-marine.

Réseau électrique.— Plateau télégraphique. — Première pose du câble transatlantique. — Le GreatEasie;-n. Journal de bord. — Rupture du câble. Nouvelle tentative. — Réunion des deux mondes. — Câble complémentaire.—Tracés télégraphiques.

Lignes de l'Atlantique. — Ligne de l'Inde.

Ligne du Nord et de l'océan Pacifique. — Météorologie télégraphique. — Unité religieuse.... 242

X. — L'Atlantide.

L 'Atlan'tide de Platon. — Diodore de Sicile. Les Hyperboréens. — Les Aryas. — Les Pélasges. — Iles Fortunées. — Région submergée. — Tremblements de terre et inondations. — Les Atlantes. Légendes celtiques. — La ville d'Is. — Indices géologiques. - Les Gua . aditions. — Conquêtes de rindusttf^O,-£ i/ataïèUande. — Faust. — L'âge d'or/;^; r 261


Ce catalogue général annulEr les précédents.

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Livre original, robuste, très-bon et très-amusant pour les enfants * et excellent pour servir d'antidote aux idées d'indépendance et de rébellion, toujours inspirées de la paresse, qui travaillent souvent les jeunes têtes. Succès consacré et on ne peut plus légitime.


G<HDSMITH.

LE VICAIRE DE WAKEFIELD, traduction de Charles Nodier, illustré de dix belles gravures sur acier par TONY JOHANNOT. Grand in-8°. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; toile tranches dorées, 8 fr.; broché ' g Cr Un des rares romans qui peuvent être lus par les jeunes gens et les jeunes personnes, non-seulement sans danger, mais avec fruit; classique pour le style en France comme en Angleterre.

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LES BÉBÉS, poésies de l'enfance, illustrées par OSCAR PLETSCH.

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HUGO (VICTOR).

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Victor Hugo est peut-être de tous les poëtes qui ont existé celui qui a le mieux parlé des enfants. Pour les décrire, pour rendre leurs impressions et analyser leurs sentiments, il déploie autant de grâce et de délicatesse qu'il montre de force et de profondeur dans d autres sujets. En formant ce recueil dont l'idée était toute naturelle, le poëte et l'éditeur ont surtout pensé aux mères, aux jeunes filles et aux jeunes gens, qui trouveront dans ces beaux vers une source de nobles et salutaires émotions.

A. KÆMPFEN.

LA TASSE A THÉ, 9 gravures hors texte, nombreuses vignettes, par WORMS. 1 vol. in-8°. Prix : relié, tranches dorées,

10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Ce livre charmant, par la délicatesse des sentiments et du style,

e.-t digne de prendre place dans toutes les bibliothèques de jeunes filles, à côté des modèles du genre. On y apprend notamment ce qu il y a de plus curieux et de plus essentiel à savoir sur la Chine et les mœurs de ses habitants.


Mme S. LOCKROY.

LES FÉES DE LA FAMILLE. 1 beau volume in-8°, illustré par

DE DONCKER. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Recueil de contes bien composés et écrits avec un rare naturel,

qui ne renferment pas seulement de bonnes pensées, mais des pensées d'un ordre élévé; le merveilleux qui les enveloppe en rend la lecture très-attrayante pour les enfants, tandis que la pureté de la morale intelligente qui s'en dégage les fait goûter des parents.

JEAN MACÉ.

HISTOIRE D'UNE BOUCHÉE DE PAIN, illustrée par FROELICH.

1 vol. in-8°. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr. ; broché 6 fr.

Un des chefs-d'œuvre de notre temps dont le succès plus qu'européen n'a pas cessé de grandir. Chez M. Macé, l'homme de cœur,

de goût et d'esprit est à la hauteur du savant. Ce livre a rendu nonseulement possible, mais attrayante, pour les jeunes filles et les jeûnes garçons, l'histoire naturelle de l'être humain.

LES CONTES DU PETIT-CHATEAU, illustrés par BERTALL.

1 beau volume in-8'. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.;

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Aussi remarquables comme récits que les Contes de Perrault,

ces contes sont pour les enfants des leçons plus directes et plus facilement intelligibles. En même temps lecture singulièrement attachante par l'originalité des inventions, la vivacité et l'entrain du style.

LE THÉÂTRE DU PETIT-CHATEAU. 1 beau volume in-81 sur vélin, illustré par FROMENT. Prix : relié, tranches dorées,

10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Un vrai théâtre pour les enfants de notre temps, gai, instructif,

varié, sans rien de suranné ni de banal. Il peut se lire aussi bien que se jouer, et être%joué dans les familles ainsi que dans les institutions.

L'ARITHMÉTIQUE DU GRAND-PAPA (Histoire de deux Petits Marchands de pommps), illustrations de YAN'DARGENT.

1 vol. in-8°. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 0 fr.

Charmant conte où les enfants peuvent apprendre en se jouant la numération, les quatre règles, les fractions, le système décimal et le système métriqu e Ingénieux et original comme tous ceux de sort auteur, ce livre est la meilleure préparation à, l'étude -r;c:e di lVnthmétique, et la plus jolie sans compar usoa sous le rapport lnteiaire.


MARELLE (CHARLES).

LE PETIT MONDE. 1 vol. in-8°, illustré de nombreux dessins et vignettes. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tr. dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Petits récits et apologues divers, sans prétention, mais d'une naïveté charmante et d'un sentiment excellent. — Ce volume convient principalement aux enfants du premier âge,

MAYN E-REl D.

AVENTURES DE TERRE ET DE MER (WiLLtAM LE MOUSSE).

1 vol. in-8°, illustré par Riou, relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché ê fr.

Il faut choisir dans l'œuvre abondante de Mayne-Reid. Les Avent«i-es de tiTre et de mer (A ventures de 'VILLIAM LE MOUSSE), le Désert d'eau, les Jeunes L,sclares, ont pris place parmi ses chefsd'oeuvre.

MULLER (EUGÈNE).

RÉCITS ENFANTINS, illustrés par FLAMENG. 1 volume in-8".

Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; cart. toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Beaucoup de variété dans les sujets, une forme vive et simple ;

'bien sentis, très-bons et très-attachants pour les enfants, dès qu'ils savent lire et même avant.

LA JEUNESSE DES HOMMES CÉLÈBRES, illustrations par BAY\RD. 1 vol. in-8°, relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Le livre de M. Eugène Muller est à la fois d'un érudit et d'un conteur. On y sent les étu les sérieures du bibliothécaire, et on y . retrouve la grâce et le charme de l'auteur de la Mionelte,

- NÉRAUD ET JEAN MACÉ.

BOTANIQUE DE MA FILLE, illustrations par LULufA:-.JD.

1 vol. in-8°, relié, tranches dorées, 10 fr.; cart. toile, tr. dorées, 8 fr.; broché *. 6 fr.

Ce livre est une perle égale peut-être dans sa spécialité à l'Histoire d'une Bouchée de pain. Il est, en outre, par la richesse de son illustration, un des plus remarquables de notre collection.

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LA VIE DES FLEURS, illustrations de YA:-.J'DARGENT. 1 volume in-8°, relié, tranches dorées, 10 fr.; cart. toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Ouvrage excellent pour inspirer le goût de la botanique et préparer à son étude. Convient à tous les âges, très-sympathique et très-agréable.


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Il reste encore des exemplaires des Dernières scènes de la Comédie Enfantine. — 1 vol. in-8. Relié, tranches dorées, 10 fr., broché, 6 fr.

SAINTINE (X.-B.).

PICCIOLA, 41" édition, illustrée à nouveau par FLAMENG. 1 volume in-8°. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 Cr.

Un livre pour lequel toute apologie est depuis longtemps superflue ; sain, touchant, aimable, gracieux, ne développant la sensibilité que dans le sens le plus droit, le plus moral : un vrai livre de jeunes filles.

SAUVAGE (ÉLIE).

LA PETITE BOHÉMIENNE, illustrations par FRŒLICH. 1 vol. in-8. Relié, tr. dor., 10 fr.; toile, tr. dor., 8 fr.; broché... 6 fr.

SCHULER (TH.), P. J. STAHL ET JEAN MACÉ. LE LIVRE DES PETITS ENFANTS. 1 vol. in-8°, illustré, relié, tranches dorées, 10 fr.; cart. toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 Cet admirable petit ouvrage illustré splendidement des chefsd'œuvre du célèbre artiste alsacien, M. Théophile Schuler, est le plus complet, le plus riche et le mieux conçu des alphabets qu'on ait jamais offert au premier âge. C'est le premier livre à mettre entre les mains des enfants.

SÉGUR (LE COMTE ANATOLE DE).

FABLES illustrées par FRŒLICH. 1 beau vol. in-Ro. Prix : relié, tranches dorées, 10 fr.; cart. toile, tranches dorées,

8 fr.; broché 6 Cr.

Élégance et distinction de forme, morale aimable et solide, sentiments élevés, telles sont les rrualilés ,qui recommandent particulièrement ce recueil à l'attention des familles. Jeunes filles et jeunes gens le liront avec autant de profit que de plaisir.


P. J. STAH:.

LA MORALE FAMILIÈRE, illustrée par SCHULER, BAVARD, «E

LA CIIARLERIE, FRCELICH, MATTHIS, BENETT, DE VILLERS, MARIE.

1 vol. in-8°, relié, tranches dorées, 10 fr. ; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

P. J. STAHL ET MULLER.

LE ROBIN SON SUISSE, revu et traduit par P.-J. STAHL et

MULLER, mis au courant de la science moderne par JEAN

MACÉ, environ 150 dessins de YAN'DARGENT. 1 vol. gr. in-8°.

Relié, tr. dorées, 12 fr.; toile, tr. dorées, .10 fr.; broché... 8 fr.

En conservant toutes les qualités de l'ouvrage original, qui l'ont rendu si cher aux enfants, la nouvelle traduction en a fait disparaître les erreurs scientifiques, les longueurs et les autres défauts qui le déparaient. C'est maintenant un livre aussi scientifique, aussi sur et aussi solide qu'il est intéressant et agréable. — L'édition actuelle a pris, même à l'étranger, la place de l'original c'est elle qu'on traduit partout.

JULES VERNE.

LES AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS (LES ANGLAIS

AU PÔLE NORD et le DÉSERT DE GLACE), illustré par Riou.

1 vol. gr. in-8°, relié, tranches dorées, 10 fr.; cart. toile,

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grand in-8°, toile, tr. dorées, 4 fr. 50 ; broché 2 50 LES ENFANTS DU CAPITAINE GRANT (VOYAGE AUTOUR DU

MONDE), 173 dessins de Riou. 1 vol. grand in-8o, relié,

tranches dorées, 12 fr.; toile, tr. dorées, 10 fr ; broché... 8 fr.

JULES VERNE ET THÉOPHILE LAVALLÉE.

GÉOGRAPHIE ILLUSTRÉE DE LA FRANCE. 108 gravures par < CLERCET et Riou, et 100 cartes par CONSTANS et SÉDILLE.

1 vol. grand in-8°, relié, tranches dorées, 15 fr.; cartonné toile, doré, 13 fr.; broché 10 fr.

Ce livre a été donné comme prix d'excellence dans les grands

centres d'instruction. C'est la plus nouvelle, la plus claire, la plus richement illustrée et la moins chère, dans ses conditions, des géographies de la France.


WAILLY (LÉON DE) ET P.-J. STAHL.

CONTES CÉLÈBRES 'DE LA LITTÉRATURE ANGLAISE, illustrations par FATH. 1 vol. in-8°. Relié, tranches dorées,

10 fr.; toile, tr. dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Ce volume est un écrin, chaque conte est un diamant.

P.-J. STAHL, NODIER, BALZAC, ETC.

LE NOUVEAU MAGASIN DES ENFANTS. Édition in-8°. Textes par SAND, NODIER, BALZAC, GOZLAN, DE MUSSET, LA BÉDOLLIÈRE, A. KARR, P. J. STAHL, etc., avec nombreuses gravures. Quatre séries vendues séparément; prix de chaque volume relié, tranches dorées, 14 fr.; broché .............. 10 fr.

GRANDVILLE.

LES ANIMAUX PEINTS PAR EUX-MÊMES, scènes de la vie privée et publique des animaux, avec la collaboration de BALZAC, LOUIS BAUDE, ÉMILE DE LA BÉDOLLIÈRE, P. BERNARD, GUSTAVE DROZ, BENJAMIN FRANKLIN, JULES JANIN, ÉDOUARD LEMOINE, ALFRED DE MUSSET, PAUL DE MUSSET, MME MÉNESSIER-NODIER, CHARLES NODIER, GEORGE SAND, P.-J. STAHL, LOUIS VIARDOT. 1 vol. grand in-8°, contenaut 320 dessins. Relié, tranches dorées, 12 fr.; cartonné toile, tranches dorées, 10 fr.; broché 8 fr.

GŒTHE.

LE RENARD, traduit par E. GRENIER, illustré de 60 belles compositions par KAULBACH. 1 vol. gr. in-8°. Relié, tranches dorées, 10 fr.; toile, tranches dorées, 8 fr.; broché 6 fr.

Le même ouvrage, en édition populaire gr. in-811. Toile, tranches dorées, 3 fr. 50; broché 2 fr.

Excellente traduction d'un des ouvrages les plus curieux du grand poëtc et philosophe allemand. On sait que le poëme de Gœthe est inspiré d'une épopée satirique du moyen âge. Il a su y conserver tous les traits heureux de l'original, en y ajoutant cette empreinte du génie et cette perfection de. forme qui donnent à une œuvre une vitalité indéfinie. Celle-ci restera dans tous les temps et dans toutes les langues.


GEORGE SAND.

nOMANS CHAMPÊTRES. 2 magnifiques volumes in-so, illus. trés par T. Johannot, se vendant séparément. 1 volume relié, tranches dorées, 14 fr.; broché 10 fr Ce qui est sorti de plus exquis peut-être de cette plume célèbre.

TOUSSENEL (A.).

L'ESPRIT DES BÊTES, 85 dessins par Bayaud. 1 volume grand in-so, relié, tranches dorées, 8 fr.; toile, tr. dorées, 6 fr .; broché ............................................... 4 fr.

Ce livre est unique en son genre ; accepté par les savants comme une œuvre scientifique de haute portée, il restera, en outre, comme un des spécimens les plus rares de l'esprit français. Les illustrations de Bayard sont digues du texte.

ALBUMS DIVERS IN-Bo.

FATH (GEORGES).

PIERROT A L'ÉCOLE, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel 3 ç

FRŒLICH ET P. J. STAHL.

ALPHABET DE Mlle LILI, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel 3 Cr.

ARITHMÉTIQUE DE Mlle LILI, relié toile, à biseaux.. 4 50

Cartonné bradel 3 j.

BÉBÉ A LA MAISON, relié toile, à biseaux 6 50

Cartonné bradel .. : 4 j BÉBÉ AUX BAINS DE MER, relié toile, à biseaux 6 50

Cartonné bradel 4 Cr.

HECTOR LE FANFARON, relié toile, à biseaux ....... 3 50

Cartonné bradel 2 fr JEAN LE HARGNEUX, relié toile, à biseaux 3 50

Cartonné bradel 2 fr JOURNÉE DE Mlle LILI, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel .................................... 3 Cr.


Mlle LILI A LA CAMPAGNE, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel 3 fr. MADEMOISELLE PIMBÊCHE, relié toile, à biseaux 3 50

Cartonné bradel 2 fr. LE PETIT DIABLE, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel 3 fr. PREMIÈRES ARMES DE Mlle LILI, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel 3 fr. LE ROI DES MARMOTTES, relié toile, à biseaux 3 50

Cartonné bradel 2 fr. LE ROYAUME DES GOURMANDS, rel. toile, à biseaux 7 fr.

Cartonné bradel 5 fr. VOYAGES DE DÉCOUVERTES DE Mlle LILI ET DE SON

COUSIN LUCIEN, relié toile, à biseaux.... 7 fr.

Cartonné brade). 5 fr. VOYAGE DE Mlle LILI pT DE SON COUSIN LUCIEN

AUTOUR DU MONDE, relié toile, à biseaux.. 7 fr.

Cartonné bradel 5 fr. ZOÉ LA VANITEUSE, relié toile, à biseaux 3 50

Cartonné bradel 2 fr.

FROMENT ET P. J. STAHL.

HISTOIRE D'UN PAIN ROND, relié toile, à biseaux.... 4 50

Cartonné bradel 3 fr. LA PETITE PRINCESSE ILSÉE, relié toile, à biseaux.. 7 fr.

Cartonné bradel 5 fr.

O. PLETSCH & P. J. STAHL.

LES PETITES AMIES, relié toile, à biseaux 4 50

Cartonné bradel .................................... 3 fr.

Ces charmants albums, écrits et dessinés par les meilleurs écrivains et artistes qui se sont occupés de l'enfance, composent une bibliothèque progressive d'un choix et d'un goût irréprochables.

Chaque album contient un grand nombre de planches tirées hors texte.


ALBUMS DE DIVERS FORMATS.

LA BOUILLIE DE LA COMTESSE BERTHE, par ALEXANDRE DUMAS. Vol. album in-18, avec nombreux dessins, relié toile, 3 fr.; broché 2 fr. TRÉSOR DES FÈVES ET FLEUR DES POIS, par CHARLES NODIER. Vol. album in-18, avec nombreux dessins, relié toile, 3 fr.; broché 2 fr. L'ORAISON DOMINICALE, dessins de FROELICH. Album in-4°, contenant 10 planches à l'eau-forte, relié toile 18 fr.

Édition anglaise, au même prix.

SEPT FABLES DE LA FONTAINE, dessins de FROELICH. Album in-4°, illustré de 10 planches, broche 5 fr. HISTOIRE DU GRAND ROI COCOMBRINOS, dessins silhouettes enfantines, par MICK-NOEL, relié toile, à biseaux, 4 fr. 50, cartonné bradel * 3 fr. MÉSAVENTURES DU PETIT PAUL, dessins silhouettes enfantines, par MICK-NOLL; relié toile, à biseaux, 3 fr. 50; cartonné bradel .......................................... 2 fr

HISTOIRE D'UN AQUARIUM ET DE SES HABITANTS. 1 vol.

grand in-S°, par h. VAN BRUYSSEL, avec planches en 12 couleurs, chef-d'œuvre typographique imprimé par Silbermann de Strasbourg, d'après BECKER et Riou. Prix : relié, tranches dorées à biseaux, 8 fr.; cartonné Bradel 6 Cr.

Les femmes du monde, les jeunes personnes et les jeunes gens trouveront dans cet excellent et très-amusant livre des enseignements pratiques très-judicieux, joints à des notions d'histoire naturelle rigoureusement fondées sur l'observation la plus sage et la plus sùre.

AVENTURES SURPRENANTES DE TROIS VIEUX MARINS. par GREENWOOD (JAMES), 1 volume-album grand in-4°, dessins par GRISET. Richement relié, 9 fr.; cartonné Brade!. 6 fr.

Livre très!amusant pour les yeux et très-récréatif comme lecture.

Spécimen remarquable de l'art et de l'esprit anglais appliqués à la récréation de la jeunesse.


ÉTUDES

D'APRÈS LES GRANDS MAITRES DESSINS ET LITHOGRAPHIES , Par A. COLIN

PROFESSEUR DE DESSIN A L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Ouvrage adopté par le ministère de l'Instruction publique, à l'usage des Lycées et des Écoles.

Album lo-follo : 20 planches,

PRIX : cartonné bradel 20 fr.

— cartonné toile, avec titre doré.... 22 fr.

Chaque planche se vend séparément, collée sur carton, avec texte au dos.

Prix de chaque planche : 1 fr. 25.

SOMMAIRE DES PLANCHES :

1re PLANCHE. Tête de jeune homme, par Léonard de Vinci.

2e. Étude pour la figure de Bramante, par Raphaël. 3e. Tête de jeune femme, les yeux baissés, par Frederigo Barocci.

4e. Enfants ailés, par Antonio Allegri, dit il Corregio.

5e. Première pensée de la figure du Christ remettant les cltfs à saint PielTe, par Raphaël.

6e. Tête de vieillard coiffée d'une toque, par Lorerno di Credi.

7e, Tête d'enfant, par Rubens.

se. Tête de vieille femme, par Cardi Ludovico da Cigoli.

9". Étude d'après nature pour un Christ mort, par Michel-Ange.

IOe. La Vierge et l'Enfant Jésus, par Raffaelo Santi ou Sanzio.

lIe. Tête de vieillard chauve, par Léonard de Vinci.

12e. Buste de jeune femme, par Francesco Mazzola, dit il Pa;-migianiiio.

13e. Homme jouant de la flûte de Pan, par Antonio Allegri, dit il Corrcgio.

14e. Homme debout, tenant une hallebarde, par Tiziano Vecelli.

15e. Étude pour deux figures d'apôtres, par Raffaelo Santi ou Sanzio.

16e. Etude de deux dames, dont l'une porte un petit chien, par Rubens.

17e. Tête de jeune homme, couronnée de feuilles de chêne, par Léonard de Vinci.

ISe. Tête d'ange, vue de trois quarts, par Antonio Allegri, dit il Corregio.

19e. Le Christ mort dans les bras de sa mt're, par Daniel Crespi. (Musée de Madrid.)

20e, Groupe tiré de la Création de l'homme, par Michel-Ange.

NOTA. — Les planches 4, 9, 13 et 15 sont remplacées, pour l'édition destinée aux jeunes filles, par celles suivantes, portant les mêmes numéros accompagnés d'un A, afin de les distinguer de l'autre édition.

4 A. Tête de la Vierge par Léonard de Vinci.

9 A. Tête baissée d'un religieux (à la sanguine), par Fra Bartolommeo.

13 A. Tête du Christ couronnée d'épines,, par Léonard de Vinci.

15A. Etude pour la Vierge du tableau de la Sainte Famille, par Raphaël.


BIBLIOTHEQUE

D'ÉDUCATION ET DE RÉCRÉATION

VOLUMES IN-18.

Brochés, 3 fr. — Carionnés toile, tranches dorées, 4 fr. — \ Demi-reliure chagrin, tranches dorées, 5 fr.

ASDERSEN Nouveaux contes suédois 1 v. BERTRAND (J.) Les fondateurs de l'astronomie 1 v. BRACHET(A.) Grammaire historique (préface de LITTRÉ) 1 v.

— Dictionnaire étymologique 1 v. BRÉHAT (de) Aventures d'un petit Parisien 1 v. CARLEN (Emilie) .... Un brillant Mariage 1 v. CHERVILLE (de) Histoire d'un trop bon chien 1 v. CLÉMENT (Ch.) Michel-Ange, Rapharl, etc 1 v. DURAND (Hip.) Les grands Prosateurs 1 v.

— Les grands Poëtes 1 v. ERCKMANN-CHATRIAN. Le fou Yegof ou l'invasion 1 v.

— Madame Thérèse 1 v.

— Histoire d'un paysan 1 v. Foucou Histoire du travail 1 v. GRIMARD Histoire d'une goutte de séve 1 v. HIPPEAU (M"'*) Économie domestique 1 v. HUGO (VICTOR) Les Enfants 1 v. IMMERMAN La blonde Lisbeth 1 v. LvVALLÉE (Th.) Les Frontières de la France 1 v.

— Histoire de la Turquie '2 v. LEGOUVÉ (E.) Les Pères et les Enfants 1 v. LOCKROÏ (Mme) Contes à mes nièces 1 v. MACAULAY Histoire et critique 1 v. MACË( Jean Arithmétique du Grand-Papa 1 v.

— Contes du lletit-Cl)âteati 1 v.

— Histoire d'une Bouchée de pain 1 v.

— Les Serviteurs de l'estomac 1 v. .NIAURY (commandant) Géographie physique 1 v. ORDINAIRE Dictionnaire de Mythologie 1 v.

— Rhétorique nouvelle 1 v. PAPE-CARPENTlER(M'Ile) Le secret des grains de sable 1 v. BATlSBOi'oNE (Louis). Comédie enfantine (2 sér. en 1 v.) 1 v. RENARD .... -. Le fond de la mer 1 v. ROULIN (F.) Histoire naturelle 1 v. ROZAN (Ch. Petites Ignorances de la Conversation... 1 v. SAïous ........... Conseils à une Mère sur l'éducation littér. 1 v.


SAYODS Principes de Littérature 1 v. SIMONIN Histoire de la Terre I v. STAHL (P.-J.) Morale familière 1 v. STAHL ET MCLI.ER Le nouveau Robinson suisse 1 v. TuiEiRs Histoire de Law 1 v. VERNE (Jules) AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS :

Les Anglais au pôle Nord 1 v.

— Le Désert de Glace 1 v.

Cinq semaines en ballon 1 v.

— De la Terre à la Lune 1 v.

— Voyage au Centre de la Terre 1 v.

— LES ENFANTS DU CAPITAINE GRANT :

— L'Amérique du Sud 1 v.

— — L'Australie 1 v.

— — L'Océan Pacifique 1 v. WOGAN (de) Voyages et Aventures 1 V. ZURCHER ET MARCOLLÉ Tempêtes 1 v.

Histoire de la navigation .............. 1 v.

— Le monde sous-marin ................. 1-v.

VOLUMES IN-18 ILLUSTRÉS.

Brochés. 3 fr. 50. — Cartonnés toile, tranches dorées, 4 fr. 50. — Reliés, tranches dorées, 5 fr. 50.

BERTRAND (Alex.)... Lettres sur les révolutions du globp 1 v. FARADAY (M.) Histoire d'une chandelle 1 v. FRANKLIN (J.) Vie des animaux (non illustrée) 6 v. GRATIOLET (P.) De la physionomie 1 v. MAYNE-REID Aventures de terre et de mer 1 v.

— Les jeunes esclaves 1 v.

Le Désert d'eau 1 v.

NODIER (Ch.)....... Contes choisis 2 v. PARVILLF. (de) Un habitant de la planète Mars ........ 1 v. SILVA (de) ......... Le Livre de Maurice ................... 1 v.

VOLUMES IN-18. - PRIX DIVERS.

CHENNEVIÈRES (de)... Avent.dupetitroiSt-Louisdev.Bellesme. 5 fr. GRIIURD (Ed.) La Plante (2 vol.) ne se vend que relié,

cette année 14 fr.

MACÉ (Jean) Théâtre du Petit-Château 2 fr.

— Arithmétique du Grand-Papa (éd. popul.) 1 fr.

— Morale en action 1 fr.

— Le Génie de la petite ville. 1 v. in-32.. » 25 La Ligue de l'enseignement, n°* 1 et 2 à. » 25 SOUVIRON .......... Dictionnaire des termes techniques .... 6 fr.


COLLECTION HETZEL

HISTOIRE, POÉSIE, VOYAGES, ROMANS, LITTÉRATURE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE

VOLUMES IN-18 A 3 FR.

ANONYME Mary Briant 1 v. ARAGO (Étienne).... Les Bleus et les Blancs 2 v. ARGIS (Jules d').... Les six Mariages de Henri VIII 1 V. ASSOLANT Aventures de Karl Brunner 1 v.

— Une ville de Garnison 1 V. AuDEBRAND Schinderhannes.... ] v. AUDEVAL Les Demi-dots 1 v.

— La dernière 1 V. BAIGNIÈRES Histoires modernes 1 v. BASTIDE (A.) Le Christianisme et l'Esprit moderne... 1 v. BAYEUX (Marc) La Sœur aînée.. 1 V. BELLOY (de) Les Toqués 1 V. BERCHÈRE .. L'Isthme de Suez 1 V. BERNARD (de) Les frais de la Guerre \ y.

— Pauvre Mathieu 1 v.

— Les stations d'un Touriste. 1 v. BERTRAND ( L. A.) ... Les mémoires d'un Mormon 1 y. BIART (Lucien ) Le Bizco \ v.

— Benito Vasquez 1 v.

— La Terre chaude 1 v.

— La Terre tempérée '1 v. BORIE (Victor) L'année rustique (1862-1863) 2 v. BOSQUET (Émile).... Louise Meunier 1 v. BRÉHAT (Alfred de). Les Chauffeurs indiens 1 v.

— Les chemins de la vie 1 v.

— Un drame à Calcutta 1 v.

— Histoires d'Amour 1 y.

— Les petits Homans 1 v.

— Les jeunes amours 1 y. BUGEAUD (Jérôme)... Jacquet-Jacques 1 v. CARTERON (C.) Voyage en Algérie 1 y. CHAMFORT (Édition Stahl) 1 v. CHAMPFLE[JRY Le Violon de faïence 1 v. CHARLES (J.-N.) Entretiens de Gœthe et d'Eckermann... 1 v. CHAUFFOUR Les Réformateurs du xvie siècle ......... 2 v. COLOMBEY Esprit des Voleurs 1 y.

— ......... Histoire anecdotique du Duel .......... 1 v.


COLOMBEY Les Originaux de la dernière heurp..... 1 v. DAUDET (Alphonse).. Le petit Chose ... 1 v. DELMAS DE PONT-JEST. Bolino le Négrier 1 v. DELTUF (PAUL) Adrienne 1 v"

— La comtesse de Si l va .. 1 v.

— La Femme incomprise 1 v.

— Les Femmes sensibles 1 v.

— Jacqueline Voisin 1 v.

— Mademoiselle Fruchet 1 v. DEQUET Clarisse 1 v. DF.SCIIANEL Le Mal et le Bien qu'on a dit des Femmes 1 v. DEVIC ( Marcel ) Le roman d'Antar 1 v. DOLLELS La Confession de Madeleine 1 v. DOMENECH (l'abbé).. La Chaussée des Géants 1 v.

— Voyage et aventures en Irlande 1 v. DROZ (Gustave) .... Le cahier bleu , L

— Entre nous 1 v.

"— - Monsieur, Madame et Bébé 1 v. DUCOM (Ch.) Nouvelles Gasconnes 1 v. DURANDE (Amédée). Carl, Joseph et Horace Vernet 1 v. DURANTY La cause du beau Guillaume 1 v. DUVERNET La canne de Me Desrieux 1 v. ERCKMANN-CIIATRIAN . Le BloCUS 1 v.

Confidences d'un Joueur de Clarinette.. 1 v.

— Contes de la Montagne 1 v.

— Contes des bords du Rhin. 1 v.

— Contes populaires 1 v.

— Le Fou Yegof 1 v.

— La Guerre 1 v.

— Histoire d'un Conscrit de 1813 1 v.

— Histoire d'un Homme du peuple 1 v.

— Histoire d'un Paysan 1 v.

— Tome II, incessamment.

— L'illustre docteur Mathéns 1 v.

— Madame Thérèse 1 v.

— La Maison forestière 1 v.

— Maître Daniel Rock 1 v.

— Waterloo 1 v. ESQUIROS (Alph.)... L'Angleterre et la vie anglaise 4 v. FAVIER (F.) L'Héritage d'un Misanthrope 1 v. FAVRE (Jules) Discours du Bàtonnat 1 v. FERVEL - • Histoire de Nice et des Alpes-Maritimes. 1 v. FLAVIO ............ Où mènent les Chemins de traverse..... 1 v.


FORGUES Elsie Venner 1 v. FOR(;UES Gens de Bohème 1 v.

— Une parque. Ma vie de Garçon 1 v. Fos (MARIA de) Les Cercles de feu 1 v. FRÉMY (Arnould).... Les Amants d'aujourd'hui 1 v.

— Les Femmes mariées 1 v.

— JÓséphin le Bossu 1 v.

— Journal d'une jeune fille pauvre 1 v. GASTINEAU (B.) Amours de Mirabeau 1 v.

— Femmes de l'Algérie 1 v. GENEVRAY Une cause secrète 1 v. GHYKA (princesse).. La duchesse de Cerni 1 v. GIRARDIN (Mme de).. Esprit de Madame de Girardin 1 v. GquRNOT Essai sur la jeunesse contemporaine 1 v. GOZLAN (Léon) Émotions de Polydore Marasquin 1 v.

— La Folle du n° 16 1 v.

— Le Vampire du Val-de-Grâce 1 v. GRAMONT (comte de) Les Gentilshommes pauvres. 1 v.

— Les Gentilshommes riches 1 v. GRENIER Poëmes dramatiques 1 v. GUIMET (Émile) L'Orient d'Europe au fusain 1 v. HABENECK ( Ch. ).... Chefs-d'œuvre du Théâtre espagnol 1 v. HUET (F.) Histoire de Bordas.Dumoulin 1 v. JANCIGNY (de) Histoire de l'Inde ancienne et moderne.. 1 v. JANIN (Jules) Contes non estampillés 1 v.

— Critiques et Portraits 1 v.

— La fin d'un Monde. Le neveu de Rameau 1 v.

— Variétés littéraires 1 v. JOBEY (Ch.) L'amour d'une blanche 1 v. KINGSLEY (Ch.) Alton Locke 2 v. LACROIX ( Octave )... Padre Antonio 1 v. LANCRET (A.) Les Fausses Passions 1 v. LARDIN et MIE D'AGHONNE. Le Premier Amour d'une jeune Fille. 1 v. LATAYE (E.) La Conquête d'une Ame 1 v. LAVALLÉE (Théophile) Jean-sans-Peur 1 v. LAVALLEY (Gaston).. Aurélieti 1 v. LAVERDANT (Désiré). Don Juan converti 2 v.

— Les Renaissances de Don Juan 1 v. LEFÈVRE (André).... La Flûte de Pan 1 v.

— La Lyre intime 1 v.

— Les Bucoliques de Virgile • 1 v. LEVER (Ch.) O'Donoghue 2 v. LEZAACK (Dr) ....... Les Eaux de Spa ..................... 1 v.


M A LOT (Hector) Les Amants .. 1 v. MANÉ, THBCEL, PHARES Histoires d'il y a vingt ans 1 v. MARET (Henri) Les Compagnons de la Marjolaine....... 1 v.

— Le Tour du Monde parisien 1 v. MAYNE-REID Les Marrons de la Jamaïque 2 v. MELVILLE (White)... L'interprète 2 v. MENDELLSOHN Lettres inédites 1 v. MENDÈS (Catulle) Philomela 1 v. MONNIER ( Marc ) Garibaldi 1 v. MONNIER (Henri).... La Religion des Imbéciles 1 v. MULLER (Eugène)... Contes rustiques 1 v.

— La Mionette 1 v.

— La Driette 1 v.

— Madame Claude 1 v.

— Pierre et Mariette 1 v. NAGRIEN (X.) Prodigieuse découverte 1 v. OLIVIER (Just) Le Batelier de Clarens 2 v.

— Le Pré aux Noisettes 1 v. PAUL (Adrien) Les Duels de Valentin 1 v.

— Blanche Mortimer 1 v.

— Une dette de jeu 1 v. PERRET (Paul) Dame Fortune v 1 v.

— Mademoiselle du Plessé 1 v. PJCHAT (Laurent)... Gaston 1 v.

— Les Poëtes de combat 1 v.

— Le Secret de Polichinelle 1 v. POE (Edgar) Contes inédits 1 v. PONROY (Arthur ).... Le Présent de Noces. 1 v. POUJARD'HIEU Les Chemins de fer 1 v.

— La Liberté et les intérêts matériels 1 v. PRINCESSE PALATINE.. Lettres inédites (traduites par Rolland). 1 v. RADIGUET (Max) Les Derniers Sauvages 1 v. RÉAL (Antony) Les Atomes 1 v. RIVE (DE LA) Souvenirs sur M. de Cavour 1 v. ROBERT (Adrien).... Le Nouveau Roman comique 1 v.

— La Princesse Sophie 1 v. ROBERT HOUDIN Les Tricheries des Grecs 1 v. RUfFINI Découverte de Paris 1 v. SALA (G.) La Dame du premier 2 v. SAND (George) ...... Les Amours de l'Age d'or 1 v.

— Autour de la table 1 v.

— Beaux Messieurs de Bois-Doré ......... 2 v.

— Constance Verrier. 1 v.


SAND (George) Les Dames vertes 1 v.

— Flavie 1 v.

— Promenades autour d'un village 1 v.

— Souvenirs et impressions littéraires.... 1 v.

— Théâtre complet 3 v. SCHOLL (Aurélien)... Les Amours de Théâtre 1 v.

— Aventures romanesques 1 v.

— Histoire d'un premier amour 1 v. SCUDO (P.) La Musique en l'année 1862 1 v. SIEBECKER Physiologie des chemins de fer 1 v. SIMONIN (Louis) Les pays lointains 1 v. STAHL (P. J.) LES BONNES FORTUNES PARISIENNES :

— — Les Amours d'un Pierrot 1 v.

— — Les Amours d'un Notaire 1 v.

— Histoire d'un Homme enrhume 1 v.

— Voyage d'un Étudiant 1 v. STEEL.... Haôma 1 v. TEXIER (Edmond)... Choses du temps présent 1 v. TEXIER et KÆMJ;>FEN.. Paris, capitale du monde 1 v. TouR(;UENF.F Dimitri Roudine 1 v.

— Fumée (préface de MÉRIMÉE) 1 v.

— Une nichée de gentilshommes 1 v. TROIS BUVEURS D'EAU. Histoire de Murger 1 v. VALOIS (DE) Le Mexique, la Havane et Guatemala... 1 v. VALLORY (Mn,e) A l'aventure en Algérie 1 v. VIGNON (Claude) Les Complices 1 v.

— Un Drame en province 1 v.

— Jeanne de Mauguet 1 v.

— Récits de la vie réelle 1

— Victoire Normand 1 v. VILLEMOT (Aug.).... La vie à Paris 2 v. WAILLY (DE) Romans champêtres irlandais 1 v. WILKIE COLLINS La Femme en blanc 2 v.

— Sans Nom 2 v.

— Armadale ^ v.

— Une poignée de Romans 2 v. WOOD (Mrae) Lady Isabel • 2 v. WORMS DE ROMILLY.. Horace (traduction) ......... -......... 1 v. ZOLA (Émile) ...... Contes à Ninon ' ....... , ........ 1 v.

La collection Hetzel-Lacroix n'existant plus, les ouvrages qui en faisaient partie se vendront dorénavant exclusivement par la librairie Hetzel. 1


. VOLUMES IN-18 A PRIX DIVERS

D'ANTULLY (Albéric). Fantaisie 2 frr ANONYME Mademoiselle Scgcste 2 fr- . Boc,%r,F Les Puritains de Paris (G vol.) 2 fr. BRUIÈRE (S.) Une saison en Allemagne 1 fr. CARTERON (Anatole) . Les premières Chasses • 1 50. DE COURCELLES Les formules du docteur Grégoire..... 2 fr. GUIMET Croquis égyptiens 3 50 LAUSSEDAT (Dr) Une Cure au Mont-Dore 2 fr. MICKIEWI'I'Z (Adam).. Histoire populaire de la Pologne 5 fr. MERSON (Olivier).... Ingres, sa vie et ses œuvres, avec sa photographie. 1 vol. in-32 .' 1 50 MORALE UNIVERSELLE. Esprit des Allemands 3 50

— - Anglais 3 50

— — Espagnols 3 50

— — Grecs 3 50

— — Italiens 3 50

— Latins 3 50 — — Orientaux 3 50 NADAR Le droit au vol I fI'. PAUL (Adrien) Un Anglais amoureux 2 fr. PROUDHON (P. J.) • La Guerre et la Paix (2 vol.), à ....... 3 50 Théorie de l'impôt 3 5U SCHNÉEGANS (A.) .... Contes. 1 vol. in-18 .................. 2 fr.

VOLUMES IN-8° A PRIX DIVERS

ABOUT (Edmond) Rome contemporaine 5 fr.

— La Question romaine 4 fr. . ANONYME Le prisme de l'Ame 6 fr.

— Rome 6 fr* BERTRAND (J.) Arago et sa vie scientifique 1 fr.

— Les Fondateurs de l'Astronomie 7 50

— L'Académie et les Académiciens 7 50

BLANC et ARTOM OEuvre parlementaire du comte de

Cavour 7 50 BRUN Les Évangiles traduits en vers français. 0 fr. CAILLET (Pierre) Épis et Bleuets 5 fr. FoLEY (E. Quatre années en Océanie 3 fr. LAFOND (Ernest).... Les contemporains de Shakspeare :

Ben Johnson (2 vol.), à... 6 fr. Massinger — 0 fr. Beaumont et Fletcher - - ........ 6 fr. Webster et Ford , ..... , ... , .... 6 fr.

LAVERDANT (Désiré).. Appel aux Artistes 1 fr.


PAULTRE (E.) Capharnaûm t3 fr. PFAU (Louis) Études sur l'art 5 fr. RATISBONNE (Louis).. Les figures jeunes 5 fr. RAYNALD Histoire de la Restauration 5 fr. RICHELOT Gœthe, ses mémoires et sa vie (4 vol.) à 6 fr. RIVE (DE LA) Souvenirs sur M. de Cavour 6 fr. SACRÉ et OUTREBON.. Égypte et IsmaH-Pacha 0 fr. STRAUSS (D.-F. ).... Nouvelle vie de Jésus (traduite par Ch.

Dollfus et A. Nefftzer), 2 vol à ...... 6 fr.

Volumes in-32 à 1 fr.

Cartonnés, 1 fr. 25.

-T-A YCA RD.- Diamant de famille. 4 vol. — Les Gentlemen de grand chemin 2 vol.

BAISSAC. — Les Femmes dans les temps anciens 1 vol.

— Les Femmes dans les temps modernes 1 vol.

DE BALZ'AC. — Les Femmes... 1 vol. E. DE LA BÉDOLLIÈIŒ.- Histoire de la Mode en France 1 vol.

A. DE BELLOY — Physionomies contemporaines 1 vol.

— Portraits et souvenirs 1 vol. BERTtN.— La Sagesse de la Mère l'Oie 1 vol.

BOU-ISARD.- Moralistes oubliés. 1 vol. CHAMPFLKURY. — M. de Boisd'hyver 3 vol.

DEQUBT — Abeille 1 vol. * EM. DESCHA:'IEL.- Le Mal qu'on a dit des Femmes 1 vol.

— Le Bien et le Mal qu'on a dit des Enfants 1 vol.

-Le Bien qu'on adit de l'Amour. 1 vol. —Le Malqu'on adit daTAmour. 1 vol.

— l.es Courtisanes grecques. 1 vol.

— Histoire de la Conversation. 1 vol. EYMA (Xavier). — Exéentricités américaines 1 vol.

THÉOPHILE GAUTIER. — Avatar. 1 vol. — La Jettatura ............... 1 vol.

GOLDSMITH. — Voyage d'un

Chinois en Angleterre 1 vol.

LÉON GOZLAN. — Une Soirée dans l'autre Monde 1 vol.

F. DE GKAMONT — Comment on vient, comment on s'en va. 1 vol.

— Comment on se marie 1 vol. JOLIET. — Esprit de Diderot.. 1 vol. LAKCHEK ET JULIEN. — Ce qu'on a dit de la fidélité et de l'infidélité 1 vol.

HENRY MONNIER. — Comédies bourgeoises 1 vol.

— Galerie d'Originaux 1 vol.

— Les Bourgeois aux Champs. 1 vol.

— Croquis à la plume 1 vol. MONSEI.I£T. — Cuisinière poétique 1 vol.

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STAHL. — Voyage où il vous plaira. 10* édition 1 vol. * EuG.NoËL. — La Vie des Fleurs et-des Fruits 1 vol.

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DE BALZAC. — Maximes et Pen- . sées I vol. LAURENT-JAN. — Misanthropie , sans repentir 1 vol. EDOUARD GRENIER. — Le Renard, de Gœthe 1vol. HENRY MONNIKR. — Les Petites

Gens 1 vol. — Scènes parisiennes ........ 1 vol.

ALFRED DE MUSSET. — Mimi Pinson 1 vol.

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YUNDT, CHAM, BERTALL.

AR,ASSIZ Manuel de zoologie. Traduit par Reclus. 1 v. BIART (Lucien) Aventures d'un jeune naturaliste 1 v. DANA Manuel de géologie et de minéralogie... 2 v. DE CHERVILLE Histoire d'un trop bon Chien. In-18 1 v. DE MESSAS Histoire sainte (Ancien et Nouveau Testament). Du TEMPLE Traité de mécanique usuelle 1 v. ÉLISÉE RECLUS Histoire d'un ruisseau 1 v. FLAMMARION (Camille) Histoire du ciel 1 v. Foucou.... Les glaciers de Tyndall 2 v. GASTON PARIS Histoire de la langue française 1 v. GRISET (Ernest) .... Aventures de la vie sauvage 1 v. LACOMË La musique mise à la portée des enfants. 1 v. LE COMTE L'art de converser et d'écrire chez les femmes 1 v. MULLER Morale en action 1 v.

— Jeunesse des hommes célèbres. In-18... 1 v. NORTH PEAT Les Merveilles de la science 1 v. ORDINAIRE Histoire de la littérature française 1 v. VAN BRUYSSEL ...... Les clients d'un vieux poirier ... 1 v. STAHL Confidences d'une pensionnaire ........ 1 v. WOOD Aventures d'un griffon 1 v. STAHL et UE WAILLY. Les enfants en Amérique .............. 2 v.

Pour paraître dans le courant d'octobre 1868 :

LES FABLES DE LA FONTAINE Environ 80 livr. à 10 cent., format gr. in-8".

L'ouvrage complet contiendra environ 150 grandes compositions de LAMBERT.


LISTE DES AUTEURS

A Pages. About (Edmond) 29 Agassiz Andersen Andrieux Anonyme 24, Antully (Albéric d') 29 Arago ( Etienne )

Argis (Jules d') *4 29 ...............

Assolant (Alfred)

Audebranl (Philibert) 21 Audeval j" Aycajd

B

Baignières (Arthur) 24 Baissac Balzac (Honoré Je) 1, i, L -, 30 Barbier 7 Bastide (A.) 24li Baude (Louis)

Bayard (Èmile).. 3, 4, * 9, 14, J.J, 18 Bayeux (Marc) 24 Beaucé 7 Becker 20 Bédollière (de la) 17,30 Belloy (de) 24, 30 Benett 9, 16 Berchère • 24 Bernard (de) 24 Bernard (P.) 17 Bertall 4, 7, 13 Bertin 30 Bertrand (L. A.) 24 Bertrand (Alexandre) 23 Bertrand (Joseph) ......... 5, 22, 29 Biart (Lucien) 5, 24, 32 Blanc 29 Bocage 29 Bocquin 31 Borie (Victor) 24 Losquet (EmMe) 24 BV48eud • • 80

Pages.

Brachet (Auguste) 5, 22 Bréhat (Alfred de) 11, 22, 24 Brion 6 Bruière (A. S.) 29 Brun 29 Bugeaud (Jérôme) 24 c

Cahours 3, Il Caillet (Pierre) 29 Carteron ( A.natoIe ) 29 Carteron (C.) 24 Carlen ( Emilie ) 22 Cham • 4, 7, 11 Chamfoi-t t.... 21 Champfleury 2-1, 30 Charlerie (,de- la) 3, 16 Charles (J. N.) 24 Chaufl'oiir 24 Chennevières (de) 23 Cherville (de) 11, 22, 32 Chiffiart 7 Clément (Ch.) 22 Clerget 4, 16 Colin 21 Colombey... 24, 25 Constans 16 D

Dana 32 Dantan 4, 7 Daudet (Alphonse) 25 De Courcelles 5, 29 Delmas (de Pont Jest) 25 Deltuf ( Paul ) 25 Déquet ... «**'* 25, 30 Deschanel (Émile) 25, 30 Desnoyers ( Louis ) 11 Dévie (Marcel) 25 Diderot 30 Dollfus (Charles) 25 Domeaech (i'abbé) ............. £.TDouckér (de;. 23


Pages. Doré (Gustave) 10, 31, 32 Droz (Gustave) 4, 7, 17, 25 Ducom (Ch.) 25 Dumas ( Alexandre ) 20 Durand ( Hippolyte ) 22 Durande ( Amédée) 25 Duranty (A.) 25 Duvernet 25 E

Erckmann-Chatrian 9, 22, 25 Esquiros ( Alphonse) 25 Eyma (Xavier)) 30 F

Faraday ( F. ) 23 Fath (Georges) 17, 18 Favier (F.) 25 Favre (Jules) 25 Fervel 25 Flameng 14, 15 Flammarion 32 Flavio 25 Foley (E.) 29 Forgues 25, 26 Fos (Maria de) 25, 25 Foucou 5, 22, 32 Franklin (Benjamin) 17 Franklin (Jonathan) 23 Frémy ( Arnould ) 26 Frœlich. 3, 4, 13, 15, 16, 18, 19, 20, 31 Froment (Eugène) 12, 13, 15, 19 Fuchs 9 G

Gastineau (B.) -, 26 Gautier (Théophile) 30 Gavarni 4, 6, 7, 31 Genevray 26 Gérard-Séguin 7 Ghyka (Princesse) 26 Giacotnelli 11 Girardin de) 26 Gluck 9 Gobert 15 Goethe 17 Goldsmith 12, 30 Gourt)ot 26 Gozlan (Léon). 4, 7, 17, 26, 30 Gramont (de) ........... 12, 26, 30

Pages.

Grand ville 4, 7, 17, 18, 31 Gratiolet (P.) 23 Greenwood (James) 20 Grenier J7, 26, 30 Grimard (Ed.) 5, 22, 23 Griset 20, 32 Guimet 5, 26, 29 H

Habeneck (Ch.) 26 Hippeau (M"») 5, 22 Huet (F.) 26 Hugo (Victor)... 4, 6, 7, 12, 22, 32 1

Immermann 22 J

Jancigny (de) 26 Janin (Jules) 17, 26 Jobey (Charles) 26 Joliet 30 Julien 30 K

Kaempfen (A.) 12, 28 Karr ( Alphonse ) 1 ï Kaulbach 17, 31 Kingsley (Ch.) 26 L

Lacome 32 Lacroix (Octave) 26 Lafond (Ernest) 29 La Fontaine 32 Lallemand (Charles) 14, 31 Lambert 32 Lanceiot 6 Lancret (A.) •. 26 Larcher 30 Lardin 26 Lataye (E.) 26 Laurent-Jan 30 Laussedat ( Dr ) 29 Lavallée (Théophile).., . 16, 22, 20 Lavalley (Gaston) 26 Laverdant (Désiré) 26, 30 Le Comte 32 Lefèvre (André) ................ 26 Legouvé (E) .................... 22


Pages. Lemercier (Alfred) 31 Lemoine ( Edouard ) 17 Lever (Ch ) 26 Lezaack (Dr)

Littré 22 Lockroy ( Mme ) 5, 13, 22 Lorbac (L. de) 31 Lorsay (E.) 7 M

Macaulay 22 Macé (Jean).... 3, 5, 10, 13, 14, 15 16, 22, 23.

Malot (Hector) • • 26 Mané, Thécel, Pharès 27 Marelle ( Charles ) 14 Maret (Henri) 27 Margollé 5, 23 Marie • 16 Matthis 4, 16 Maury (A.) 22 Mayne-Reid 3, 14, 23, 27 Melville ( Whyte) 27 Mendellsohn 27 Mendès (Catulle).. 4 27 Menessier-Nodier (Mrae) 17 Merson (Obvier) 29 Messas (de) 32 Mickiewitz 29 Mick-Noël 20 Mie d'Aghonne 23 Monnier (Marc) 27 Monnier (Henry) 27, 30 Monselet (Ch.) 30 Montaut (de) 4, 8, 16 Morale univeiselle 29 Morin Il Muller (Eugène) 3, 14, 16, 23, 27, 32 Musset (Alfred de).. 4, 7, 8, 17, 30 Musset (Paul de) 17 N

Nadar 29 Nagrien 27 Nanteuil (Célestin) 6 Néraud 14 Nodier (Ch.) 4, 7, 12, 17,20, 23 Noël (Eugène) .............. 14, 30 North-Peat ...................... 32

0 Pages.

Olivier (Just) 27 Ordinaire 22, 32 Outrébon. 3Q P

Pape-Carpentier (Nime) 22 Paris (Gaston) * 32 Parville(de) 23 Paul (Adrien) 27, 29 Paultre (E.) 30 Perrault 10, 31 Perret (Paul) 27, 30 Pfau (Louis) 30 Pichat ( Laurent ) 27 Pletsch (Oscar) 4, 12, 19 Poë (Edgar) 27 Ponroy ( Arthur ) 27 Poujard'hieu 27 Princesse Palatine 27 Proudhon (P. J.) 29 R

Radiguet (Max) 27 Ratisbonne (Louis) 15, 22, 30 Raynald 30 Réal (Antony) y. 27 Reclus (Elisée)...... 32 Renard 5, 22 Riche 3, 11 Richelot (Louis) 80 Richter 12 Riou 3, 4, 6, 8, 9, 14, 16, 20 Rive (de la) 27, 30 Robert ( Adrien) 27 Robert-Houdin 27 Rolland 27 Roulin (F.) 22 Rozan (Ch.) 22 Ruffini 27 S

Sacré (Louis) 30 Saintine (Xavier) 15 Sala (G.) 27 Sand (Georges).... 4, 7, 17, 13, 27 Sauvage (ÉlIe) 15 Sayous 23 Schnéegans (A.) 29 Scholl (Aurélien) 28 Scliular ...,. 3, 9, 15, 27


Pages. Scudo (P.) 28 Sédiile 4, 16 Ségur (Cte de).. . 15 Siebecker 28 Silva ( de ) 4, 23 Simonin (Louis) 23, 28 Sgulié ( Frédéric) 4, 7 Souviron 5, 23 Stahl (P. J.).. 3, 4, 5, 7,8, 10, 15, 16, 17, 18, 19, 23, 28, 30, 32.

Steel 28 Strauss (Dr) 30 Sue 4, 7 T

Temple (du) 32 Texier ( Edmond ) 28 Thiers 23 Tony-Johannot 8, 12, 18 Tourgueneff. 28 Toussenel 4, 18 Trois buveurs d'eau 28 -Tyndall .......................... 32

V Page*.

Valois (de) 28 Vallory ( Mme ) 28 Van Bruyssel 20, 32 Verne (Jules) 3.4,5,8,10,16,23 Viardot (Louis) 17 Vignon (Mme) 28 Villemot ( Auguste) 28 Villers (de) 16 w

Wailly (de) 17, 28, 32 Wilkie Collins 28 Wogan (de) 23 Wood (mme) 28,32 Worms 12 Worms (de Romilly) 28 Y

Yan' Dargent 13, 14, 16 Yvan (docteur) 30 z

Zurcher ...................... 5, 23

TABLE

Avis AUX PROVISEURS, PROFESSEURS., ETC 2 PRIX DES RELIUKES 2 PUBLICATIONS NOUVELLES ILLUSTRÉES 3

— — NON ILLUSTRÉES 5 PUBLICATIONS ILLUSTRÉES à 10 c. la livraison 6 MAGASIN D'ÉDUCATION. CONTES DE PERRAULT, etc 10 BIBLIOTHÈQUE DES FAMILLES :

Volumes illustrés in-8° et grand in-81 11 Albums illustrés in-8° 18 Albums illustrés de divers formats 20 Études de dessins et lithographies d'après les grands maîtres 21 BIBLIOTHÈQUE D'ÉDUCATION ET DE RÉCRÉATION :

Volumes illustrés et non illustrés in-l^^TT 22, 23 COLLECTION HETZBL : Y' ] ),

Volumes in-18 à 3 fr 1.... 24 Volumes in-18 à prix divers...j,... '.4 .. "C-i, A 29 Volumes in-8» à prix divers, .t..">.1. ,t., .i. i..iy),.. \ 20 Volumes in-32 à 1 fr tZ"... x, ...*!?..1 30 LIVRES D'AMATEURS | ,\v. ji,;'• .J 31 OUVRAGES EN PRÉPARATION 1. R.......Y.. VIY / 32 -LisTa DES AUTEURS .V fyfy . '.1 33



LIBRAIRIE J. HETZEL, 18, RUE J.4COZ! BIBLIOTHÈQUE

D'ÉDUCATION ET DE RÉCRÉATIONi VOLUMES IN-18 VOLUMES IN-18 ILLUSTRÉS

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Vol. V< ANDERSEN Nouveaux Contes suédois.. 1 BSRTRAND (Alex.) Révolutions du globe BERTRAND (J.)... Fondateurs de l'astronomie 1 FARADAY (111)... Histoire d'une chandelle.. BRACHET (A.).... Grammaire historique.... 1 FRANKLIN (J.)... Vie des animaux (non ill.)

— Dictionnaire étymologique. 1 GRATIOLET (P.) .. De la Physionomie

BRÉHAT (de) Aventures d'un Parisien... 1 MAYNE-REID..... Avent. de terre et de mer. CARI.EN (Emilie). Un Brillant Mariage 1 — I.es Jeunes Esclaves CHER VILLE (de).. Hist. d'un trop bon chien.. 1 — Le Désert d eau « CLÉMENT (Ch.)... Michel-Ange, Raphaël, etc. 1 NODIER (Ch.) Contes choisis DURAND (Hip.).. Les grands Prosateurs 1 PARVILLE (de)... Habitant de la planète Mars

— Les grands Poëtes .... 1 SILVA (de) Le Livre de Maurice

EMMm-CUmti!!.. Le Fou Yegof, ou l'Invasion 1 ....» „mv muco»

— Madame Thérèse 1 VOLUMES IN-18. PRIX DIVERS

— Histoire d'un paysan 1 CUENNEVIÈRES (de) Avent. du petit roi saint

Foucou Histoire du travail 1 Louis dev. Bellesme. 5J GRIMARD Hist. d'une goutte de séve. 1 GR,MARD (Ed.) \,. l.a Plante (2 vol.) 14 HIPPEAU (Mme)., Economie domestique 1 MaCK (Jean).... Théâtre du PetitChâteau 2 HuoÓ (VICTOR)... Les Enfants.............. Arithmétique du GrandIMMERMAN La blonde Lisbeth. 1 Papa (édition popul.) 1 ; LAVALLÉE (Th.). • Les Frontières de la France 1 Morale en action I - Histoire de la Turquie.... 2 - Le Génie et la petite

LEGOUVÉ (E.).... Les Pères et les Enfants... 1 Nille. 1 v. in-32 i) LOCKROY (Mme).. Contes à mes nièces .. 1 La Ligue de l'enseigneMACAULAY Histoire et Critique 1 ment, no 1 et 2 à.. » MACÉ (Jean) Arithmétique du Od-Papa.. 1 g0uviKON Dictionnaire des termes

— Contes du Petit Château... 1 techniques 6A

— Hist. d'une Bouchée de pain 1

— Serviteurs de l'estomac... 1 # MAURY (comm1) Géographie physique..... 1 Sous presse : -, ORDINAIRE Dictionnaire de Mythologie 1 i

— Rhétorique nouvelle 1 AGASSU........ Manuel de zoologie....... urE -CiRPÀNTIER(Mme) Secret des grains de sable ] BIART (Lucien) .. Avente. d'un JE naturaliste. RATISBONNE (L.). Come enfantine (2 s. eu 1 v.) 1 DANA Manuel de géologie et de RENARD Le Fond de la mer........ t minéralogie............ ROULIN (F.) Histoire naturelle 1 DE CHERVILLE .. Hist. d un trop bon chien. ROZAN (Ch.) Petites Ignorances 1 DE MESSAS Histoire sainte (Ancien eti. SAYOUS Conseils à une mère 1 Nouveau Testament).... ^

— principes de Littérature .. 1 Du TEMPLE Iraité de mécamq. usuelle., SIMONIN Histoire de la Terre 1 ELISES RECLUS.. Histoire d 'un ruisseau.... STAHL (P-. J.).... Morale familière 1 FLAMMARION (C.). Ilistoire du ciel ........... STAHL et MULLElt Nouveau Robinson suisse.. 1 Foucou.. Les Glaciers de Tyndall... THIERS Histoire de Law 1 GASTON PARIS... IIist. de la langue française VERNE (Jules)... Aventures dit capit. llulte),as : GRISET (Ernest).. Avent. de la vie sauvage..!.

Anglais au pôle Nord. 1 LACOMK La Musique mise a la por— - Désert de Glace 1 tée des enfants.........

— Cinq semaines en ballon.. 1 LE COMTE L'Art de converser et d'é-

— De la Terre à la Lune.... 1 crire chez les femmes. i

— Voyage au Cen«" de la Terre 1 MULLER Morale en action.........

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— — L'Amérique du Sud... 1 NORTH PEAT Merveilles de la science...

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WOGAN (de).... Voyages et Aventures .... 1 STAHL Les Confidences d une pen1 WooD

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