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Titre : Jacques Guille : peintre savoyard né en Maurienne (1814-1873) / Pierre Geneletti

Auteur : Geneletti, Pierre (1949-....). Auteur du texte

Éditeur : (Saint-Jean-de-Maurienne)

Date d'édition : 1999

Sujet : Guille, Jacques (1814-1873)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40949627q

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (125 p.) : ill. en noir et en coul., fac-sim., couv. ill. en coul. ; 23 cm

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Description : Collection : Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne ; 33

Description : Collection : Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne ; 33

Description : Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k9606690m

Source : Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne, 2015-156947

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 27/07/2015

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Pierre GENELETTI

JACQUES GUILLE

Un peintre mauriennais

Préface de Jean Prieur

~,~ 1999

Editions DERRIER




ISBN 2-9512821-6-8

@ Editions Derrier - Juin 1999

73300 Saint-Jean-de-Maurienne

Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne - Tome XXXIII - 1999

La Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne laisse à chaque auteur l'entière responsabilité de son texte et n'entend pas nécessairement faire siennes les opinions émises dans ses publications.

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Pierre GENELETTI

JACQUES GUI L L E

PEINTRE SAVOYARD NE EN MAURIENNE

1814 -1873

Editions

DERRIER


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Remerciements

Au cours des recherches menées en vue de l'élaboration de ce travail, nous avons obtenu l'aide amicale et efficace de nombreuses personnes

- Monsieur l'abbé Jean Prieur, professeur d'histoire qui nous a guidés avec sa gentillesse et sa patience, et qui nous a ouvert beaucoup de portes.

- Mademoiselle Marie-Paule Fendoni, notre «antenne Italienne».

- Madame Marina Moncalero à l'Académie Albertine de Turin.

- Monsieur Bruno Pantano à l'Académie Albertine de Turin.

- Madame Annick Bogey.

- L'abbé Robert Soldo.

- Madame Maina Giulia à Poirino.

- Monsieur Pierre Dumas, conservateur au Musée de Chambéry. Et enfin tous ceux, prêtres, architectes, bénévoles, propriétaires de tableaux qui nous ont ouvert leurs églises, leurs portes, leurs archives.

Qu'ils soient remerciés du temps qu'ils ont bien voulu nous consacrer.


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Préface

L'activité artistique en Maurienne est bien supérieure à celle qu'on pourrait attendre d'une vallée alpine peuplée seulement de cinquante mille habitants. Dans ce pays, le riche patrimoine religieux a une originalité : il est en grande partie l'œuvre d'artistes locaux.

De ce patrimoine, qui recouvre toutes les époques, de la Préhistoire à nos jours, la peinture représente un élément fragile, qui se conserve mal. Les plus anciens vestiges peints ne remontent pas plus haut que le Moyen Age, avec le Christ en mandorle de Saint-Pierre d'Extra vache et celui de la chapelle d'Amodon au Bourget-sur-Modane. Au début du XVIème siècle, les riches peintures murales des chapelles Saint-Sébastien à Lanslevillard et Saint-Antoine à Bessans font la célébrité de la haute Maurienne. A partir de cette époque, on retrouve dans les églises un peu partout peintures murales ou peintures sur toile, dont les auteurs sont ordinairement des artistes polyvalents au XVIIème siècle, dans les registres de catholicité, on lit que Jean Clappier est «sculpteur et peintre» (comme la plupart des autres artistes de l'époque). Bientôt les peintres se spécialisent et la Maurienne compte de nombreuses vocations ; au XVIIIème siècle on connaît l'abbé Damé à Avrieux, la famille Dufour de Saint-Michel, Jomard de Saint-Jean, Charles Favre de Bramans ; au XIXeme siècle, trois peintres se font une célébrité : Charles Prarioz, Charles Taravel et Jacques Guille.

Aujourd'hui, à une époque où les visites d'églises et de chapelles connaissent un certain succès, on redécouvre les peintures et l'on s'aperçoit que les peintres mauriennais sont mal connus. Aucun n'a fait l'objet d'une étude approfondie ; on les retrouve seulement dans des études d'ensemble comme celle de Auguste Dufour et François Rabut sur «les peintres et les peintures en Savoie du XIIIème au XIXème siècle» ou celle de Anne Buttin et Sylvain Jacqueline sur «les peintres et les peintures en Savoie de 1860 à 1940». Enfin, le premier, Jacques Guille (1814-1873), peintre religieux et portraitiste, ressuscite sa vie et ses oeuvres ont intéressé un historien mauriennais, qui en fait une étude approfondie.

Pierre Geneletti a toujours été passionné par l'histoire de la Maurienne. Membre éminent de la Société d'Histoire et d'Archéologie,


il est l'auteur, entre autres ouvrages, d'un des bulletins les plus consultés de cette société, le tome XXV, qui donne l'index général de tous les travaux. Un hasard l'a fait rencontrer Jacques Guille, lorsqu'il a eu l'occasion d'acquérir le carnet de croquis réalisé par ce peintre pendant ses études à Turin. Depuis lors, il s'est passionné pour cet artiste, à la recherche des œuvres et de tous documents pouvant apporter des renseignements sur son illustre compatriote : Jacques Guille est né à Saint- Jean-de-Maurienne, dans la rue Saint-Antoine, près du domicile et maison familiale de Pierre Geneletti.

Le présent ouvrage nous fait connaître les conditions de vie d'un artiste issu de famille modeste, qui a su trouver dans le clergé des protecteurs efficaces, dont il reçoit une formation profonde : célibataire, Jacques Guille consacre sa vie à la peinture religieuse ; malgré ses études à l'école de nu, il ne reproduit pas de nus dans ses tableaux. Mais surtout ce livre présente l'ensemble des oeuvres de Guille connues à ce jour, œuvres classées autant que possible dans l'ordre chronologique. De 1842 à 1873, Jacques Guille a peint : après de longues et persévérantes recherches, Pierre Geneletti a retrouvé de cet artiste, entre Rumilly en Haute-Savoie et Poirino en Italie, trente tableaux, quinze portraits, trois chemins de croix et une série de douze apôtres.

Dans un livre abondamment illustré et de lecture agréable, l'auteur met à la portée du grand public l'ensemble des peintures réalisées par un artiste mauriennais, qui, à sa manière, a voulu chanter la gloire de Dieu.

Jean PRIEUR,

Professeur d'histoire.


Chapitre 1

LES ORIGINES MAURIENNAISES

Jacques Guille est né à Saint-Jean-de-Maurienne ; le registre d'état civil de cette ville nous permet de connaître sa famille : «L'an mille huit cent treize, le quatorze du mois de novembre, nous Claude Petit, maire et officier de l'état civil de la ville de Saint-Jean-de-Maurienne, département du Mont Blanc, après nous être transporté aujourd'hui dimanche à l'heure de midi devant la principale porte extérieure de la maison commune de cette ville, avons publié pour la première fois le mariage projeté entre le Sieur Marcelin, fils majeur des défunts Jean-Baptiste Guille et Marie-Anne Coche, charpentier natif et domicilié de cette ville d'une part, et la nommée Marie-Antoinette, fille âgée de 24 ans des mariés Antoine Darve-Blanc et Jeanne Darve, cultivatrice native et domiciliée de la commune de Saint-Alban-des-Villards, canton de Cuines d'autre part, laquelle publication, lue à haute et intelligible voix, a été de suite affichée à ladite porte, dont acte les sus dits jour et an».

Signé Claude Petit

La présence de Marcellin Guille est attestée au 41 rue Saint-Antoine à Saint-Jean-de-Maurienne, depuis le 26 septembre 1806, dans «les états nominatifs de la population». De cette union naîtront quatre enfants :

- Jacques, Jean-Baptiste né le 9 novembre 1814.

- Victoire née le 27 avril 1817. Elle restera célibataire toute sa vie, promue rapidement chef de famille par le décès de son père alors qu'elle n'a que 14 ans, puis par celui de sa mère deux ans plus tard. On la trouve


"Publication du mariage Guille - Darves-Blanc»

"Extrait de naissance de Jacques Guille»


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placée comme servante chez Louis Roche, marchand négociant, Grande Rue à Saint-Jean-de-Maurienne. En 1858, elle a 41 ans et dans les registres d'état civil, elle est désignée comme couturière sachant lire et écrire. Elle décédera le 28 août 1891 à l'âge de 74 ans.

- Emilie Ambroisine, née le 13 mai 1820. En 1847, le 9 février, elle épouse dans la paroisse de Saint-Jean-Baptiste à Saint-Jean-de-Maurienne, Claude Lebrun, natif du lieu, âgé de 25 ans. Le père de Claude prénommé Alexis a donné son consentement par écrit pour «cause de maladie qui l'empêche de quitter sa maison». Les témoins étaient Bernardin Chiotero âgé de 40 ans et Jean-Baptiste Morville âgé de 38 ans, tous deux de Saint- Jean-de-Maurienne et le curé était le chanoine Albert. Les jeunes mariés s'installent au n° 8 de la rue Saint-Antoine à Saint-Jean-de-Maurienne. Claude Lebrun est soldat à l'armée d'Italie. Alors qu'Emilie accouche d'une petite fille prénommée Victoire, Claude est tué à la guerre. Elle reviendra rapidement vivre avec sa fille, auprès de sa sœur aînée. Emilie qui sait lire et écrire exercera la profession de lingère, profession que choisira également sa fille Victoire.

- Jeanne ou Jenny, née le 14 janvier ou juin 1827, elle sera orpheline de son père à l'âge de 3 ans et de sa mère à l'âge de 5 ans. Elle sera élevée par sa sœur aînée Victoire. Le 17 mars 1853 âgée de 26 ans, elle épousera Jacques Fay natif de Saint-Jean-d'Arves âgé de 40 ans, fils des défunts Laurent Fay et Catherine Bertrand, les témoins sont spectables Fay Jean-Pierre âgé de 52 ans et Falcoz Antoine Raymond âgé de 40 ans, tous deux habitant Saint-Jean-de-Maurienne. Le curé était J. Michelland. Jacques Fay était cafetier au 89 rue du Collège à Saint-Jean-de-Maurienne. Il fera partie des 56 citoyens de la ville qui signeront «l'adresse à S. M. Napoléon III empereur des Français» le 18 mars 1860. De cette union naîtront quatre enfants Ernest, Jean-Marie, Françoise et Victorine. En 1881, Jeanne a 54 ans, elle est veuve et exerce la profession de fruitière. Avec elle vivent Jean-Marie, commissionnaire âgé de 22 ans, Françoise, repasseuse âgée de 17 ans et Victorine, repasseuse également âgée de 13 ans. Elle décédera le 21 avril 1907.

Si l'on consulte les états nominatifs de la population, les recensements du Curé Mestrallet et les registres de mutation de la ville de Saint- Jean-de-Maurienne, on constate que la famille Guille change souvent de domicile tout en restant rue Saint-Antoine. On les trouve en effet au n° 41 jusqu'en 1837, puis au n° 44 à partir de 1838, au n° 43 en 1858, au n° 42 en 1861 et enfin au nC 48 en 1872.


Jacques Guille naît le 9 novembre 1814 à quatre heures du matin. Il a pour parrain Jacques-Antoine Arnaut et pour marraine Hélène Mestrallet. Il sera baptisé par l'abbé Jean-Baptiste Champlong. Il a pour deuxième prénom Jean-Baptiste en souvenir de son grand-père paternel. Il va faire ses études au collège Lambert à Saint-Jean-de-Maurienne, qui avait été reconnu comme collège royal par le gouvernement sarde le 18 octobre 1817. Il aura pour supérieur ou préfet Monseigneur Jourdain, en classe de troisième le révérend Cyril Richard qui deviendra supérieur en 1826, comme professeur de rhétorique monsieur Champlong, le révérend Pierre-Antoine Marcoz comme professeur de logique et de philosophie. Jacques va donc bénéficier d'une éducation à la fois classique et religieuse, qui influencera certainement sa future carrière de peintre. Très jeune, il va manifester des dispositions pour le dessin et être attiré par la peinture. Seul et sans formation particulière, il va se livrer à la reproduction de tableaux. Un jour, il décide d'imiter «l'Annonciation», œuvre de Dufour qui surmonte le maître-autel de la chapelle de Bonne Nouvelle. Probablement doit-on voir dans ce choix l'influence de Monseigneur Jourdain qui a non seulement bien connu Jacques comme élève, en tant que supérieur du Collège royal, mais aussi parce qu'il est à l'origine de la restauration de cette chapelle après que son «sauveur» le dénommé Gilbert l'ait rendue à l'administration ecclésiastique. Monseigneur Jourdain présida la cérémonie et la procession qui eurent lieu le 25 mars 1821 pour l'inauguration de la chapelle en présence d'une immense foule.

On peut penser que Jacques Guille a assisté à cette cérémonie, en tout cas que Mgr Jourdain a beaucoup parlé de son œuvre à ses élèves, voire même que Jacques a assisté aux travaux de restauration. En aurait- il tiré une vocation? A cette occasion il est remarqué par le chanoine Ambroise Angley. Le chanoine Angley est né à Termignon le 18 décembre 1789, il étudia au Grand Séminaire de Chambéry où il suivit les cours de théologie et reçut les Ordres Sacrés. Il fut ensuite appelé au poste de vicaire de la cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne. En 1817, il eut l'occasion de mettre en valeur ses qualités lors de l'épidémie de choléra qui se déclara cette année-là. En 1826, il fut appelé par Mgr Billiet au poste de chancelier de l'évêché nouvellement rétabli. Plus tard il fut nommé chanoine au Chapitre épiscopal. Homme intelligent et cultivé, il comprit vite que Jacques Guille avait du talent. En 1832 le jeune artiste va montrer ses capacités en peignant sans formation un portrait du révérend Charles Jean-Baptiste Lamproz, originaire de Saint-Jean-de-Maurienne, curé de Bramans de 1821 à 1830. Le tableau se trouve dans la sacristie de l'église de Bramans.


En 1831, Jacques a 17 ans, le malheur le frappe avec le décès, le 16 juin, de son père âgé de 57 ans. Afin de faire vivre la famille, sa sœur aînée se place comme servante. Désireux de ne pas laisser le don de Jacques inutilisé, le chanoine Angley décide de l'envoyer à ses frais, à la fin de ses études classiques, à l'Académie des Beaux-Arts de Turin. Profitant de sa situation, il obtiendra même pour le jeune homme la protection importante de Mgr Jourdain et celle de Mgr Billiet, qui lui permettra d'avoir à Turin une recommandation auprès de la famille de Sonnaz. Protection importante puisque les

Portrait Rd Charles

Jean-Baptiste Lamproz

Gerbaix de Sonnaz qui habitaient le Palais Granery à Turin occupaient des postes très importants auprès des Rois de Sardaigne-Piémont : Charles-Félix, puis Charles-Albert.

Le tableau de «recensement des jeunes gens nés de 1792 à 1814, (série H, article 1 des archives municipales) établi en 1832», nous apprend que Jacques Jean-Baptiste Guille est déclaré apte sur le plan physique à faire son service militaire. Absent lors de ce conseil, ses taille et signalement ne sont pas inscrits, il est enregistré sous le n° 132 au tirage au sort. Il est déclaré comme étudiant, mais le commissaire insère la mention suivante «au conseil de justifier de ses droits». Ce à quoi le conseil de levée conclura en mettant la mention «A mettre en fin de liste comme unique survivant de cette famille» (survivant mâle bien entendu).


Chapitre II

LES ETUDES A TURIN

Au cours de l'été 1832, Jacques Guille quitte sa Maurienne natale pour se rendre à Turin. Il dit au revoir à ses sœurs et à sa mère qu'il ne reverra pas vivante puisqu'elle meurt l'année suivante, le Il novembre 1833 à l'âge de 50 ans. Aux archives de l'Académie des Beaux-Arts de Turin, appelée «Académie Albertine», dans le dossier 2A, «Prospetto annuo di giovanni ammessi aile scuole della Reale Accademia delle Belle Arti di Torino», on peut lire pour l'élève Guille «Giacomo» : Année d'admission 1832, Patrie Saint-Jean-de-Maurienne, Adresse contrada Dangennes. La contrada ou quartier Dangennes est le quartier situé derrière l'école des Beaux-Arts de Turin, là où se trouvait le théâtre Dangennes.

1 - L'Académie des Beaux-Arts de Turin

Jacques Guille rejoint donc à Turin la Royale Académie des Beaux-Arts. Après la période d'occupation française cette académie avait été rapidement réorganisée par le Roi Charles-Félix. Dès 1820, soit peu de temps après son arrivée sur le trône, il nomma comme directeur de l'école de peinture Giovani Battista Biscara, appelé de Rome où il se trouvait comme pensionnaire du Roi de Sardaigne. Le peintre avait reçu une formation artistique rigoureusement néo-classique, d'abord à Florence auprès de Benvenuti, puis à Rome à l'Académie de S. Luca. Il va transmettre à ses étudiants cette culture classique à la fois comme titulaire de la chaire de peinture de 1821 à 1843, comme directeur et professeur de l'école de nu, mais également comme directeur de l'Académie, fonction à laquelle il sera nommé en 1821 et qu'il assumera jusqu'en 1851. Il aura droit au titre de premier peintre de Sa Majesté.


L'âge d'admission à l'Académie était fixé à 12 ans minimum, Jacques Guille avait 17 ans et demi à son arrivée. Les études étaient divisées en deux niveaux

a) La Préparatoire qui comportait la première et la seconde année de dessin pendant lesquelles s'enseignaient la copie des dessins et des tableaux de maîtres, puis les dessins «avec ombres de fragments de sculptures», l'école d'anatomie, l'école des statues où on réalisait la copie des statues en plâtre et au cours de laquelle se faisait l'orientation en peinture ou en sculpture, l'école des plis, de perspective, d'histoire de l'art et de poésie, et enfin l'école de nu pour les élèves de peinture et sculpture.

b) Les Spécialités : les écoles de spécialités étaient au nombre de quatre : la peinture, la sculpture, l'architecture et la gravure. A l'école de peinture on enseignait successivement l'art des couleurs, l'imitation du vrai, la composition et l'invention ou créativité personnelle. L'école de nu avait lieu le soir au second étage du Palais ; elle était fréquentée par les élèves des cours de peinture et de sculpture. Les sessions hivernales et estivales allaient de novembre à mai et de juin à août. Le directeur Biscara enseignait le mois d'ouverture de chacune des sessions, les mois restants étaient assurés à tour de rôle par les autres professeurs. Cette école était particulièrement chère au professeur Biscara. Il l'a d'ailleurs représentée deux fois. Une première fois dans un tableau qui est une huile sur papier collé sur carton de 57/78 cm. Détenue dans une collection privée, elle a été peinte entre 1821 et 1825. Une deuxième fois en 1845. Cette toile se trouve à la Galleria Civica d'Arte Moderna di Torino. Ces peintures permettent non seulement de voir la salle de classe, son organisation, les portraits des élèves et des professeurs, mais aussi l'ambiance, avec le type d'éclairage et la lampe spéciale pour éclairer le modèle. La disposition en demi-cercle des lampes permet de donner un relief particulier aux éléments anatomiques. Il semblerait sur les tableaux que le nu ne s'étudiait que sur des hommes.

Parmi les autres professeurs, on peut citer les peintres Luigi Bernero, Giuseppe Monticoni (qui était également le secrétaire de l'Académie), Giuseppe Pietro Bagetti (spécialiste des vues et des paysages) ; ainsi que Giacomo Spalla (sculpteur), Vittorio Amedeo Bernero (sculpteur), Ferdinando Bonsignore (architecte), Pietro Fea (pour la perspective), Ludovico Rolando (médecin pour l'anatomie), Carlo Boucheron (pour l'histoire et la poésie).


«L'Ecole de Nu» (Giovani Battista Biscara)

Les études étaient sanctionnées par des concours et des prix «majeurs et mineurs». Les prix mineurs concernaient la préparatoire : ils étaient proposés pour l'examen du nu en dessin, du nu en argile, des plis en dessin, des plis en argile, des notions d'aquarelle et des notions de sculpture en argile. Le prix consistait en une médaille en argent, ainsi qu'une pension de 18 livres par mois pendant six mois.

Les prix majeurs concernaient les écoles de spécialités. Ils n'étaient plus annuels comme auparavant mais triennaux, ils se tenaient dès la fin des cours. La récompense consistait en une médaille d'or.

c) Les jurys d'examen

Lors des examens, les travaux des élèves sont d'abord notés par leurs professeurs, ensuite les oeuvres sont montrées à un jury qui décide ou non d'avaliser les décisions des professeurs. Les jurys se réunissent lors des sessions générales qui sont également trimestrielles. Leur composition fait chaque fois référence à une organisation bien précise. Le jury se réunit dans la nouvelle salle des sessions ordinaires située dans le palais de la Royale Académie des Beaux-Arts. Il comprend Son Excellence


le Grand Chambellan le Marquis Alfieri di Sostegno (président et premier chef de l'Académie), Son Excellence le chevalier Cesare Saluzzo (secrétaire perpétuel et directeur), Giovani Battista Biscarra (directeur de l'école), Giuseppe Monticoni (secrétaire). Le 28 février 1836, sont également présents des Académiciens d'honneur comme : le marquis Bernezzo, le baron Rostagno di Villaretto, le comte Ponte di Pino, le comte Cays de Pierlas, ainsi que les professeurs de l'Académie Lavy, Fea, Boucheron Angelo, Serangeli, Vacca, Palmieri, Bernero, Bertinatti.

II - Les études de Jacques Guille

Jacques Guille va donc suivre les cours de dessin, de nu et de peinture. Les croquis qu'il a réalisés pendant ses études et qui sont réunis dans un magnifique portfolio relié par Perrin à Chambéry ainsi que les résultats des examens et des concours qu'il a passés de 1832 à 1839 et qui se trouvent aux archives de l'Académie des Beaux-Arts de Turin, réf. 20 S et dossier 1A, archives historiques, section Elèves «Medaglie distributte nel concorso maggiore e minore dal 1822», nous permettent

de reconstituer son cursus universitaire.

* 1832 - 1833.

Jacques se contente d'étudier, sans passer de concours.

* 1834. Au mois de mars, il obtient la mention honorable, c'est-à- dire le 3eme prix au concours de l'Académie de dessin. La médaille est accompagnée d'une pension de 18 livres par mois, pendant 6 mois. Au mois de mai, il obtient un 2ème prix, plus une pension au concours de l'étude des plis. Une mention honorable collective est également

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"Reliure à décor floral et géométrique»


,Amour et psyché»


"Eros ou Amour lançant une flèche»


"Scènes de la vie mondaine»


"Portrait))


"Anges ailés»


«Vénus Callipyge»


Etudes portant la mention "Pin de la maladie»


"Au pied de la croix : saint Jean, la Sainte Vierge et les Saintes Femmes»

attribuée à l'ensemble des élèves de l'école de nu. Au mois de juin, Jacques Guille obtient pour bonne conduite une pension de 120 livres. Ces résultats ainsi que ceux de 1835 sont obtenus dans les concours mineurs, ce qui implique que l'élève est en section préparatoire.

* 1835. Au mois de mars, le jury décide de ne pas attribuer de prix dans les différents concours estimant que le niveau des travaux est insuffisant. Au mois de mai, Jacques obtient le 1er prix de 2ème catégorie (sans pension) au concours d'étude des plis. Au mois d'août, il est récompensé par le 2ème prix de première catégorie au concours de peinture à l'huile.

* 1836. Au mois de mars, il obtient la mention d'honneur au concours de l'académie de nu en dessin. Au mois d'août, il présente quatre épreuves qui lui valent : à l'académie de peinture, le 1er prix de lère catégorie assorti d'une pension de 18 livres par mois pendant six mois ; à l'ébauche d'invention à l'huile, le 1er prix de lère catégorie plus une pension de 18 livres ; aux dessins d'anatomie, une mention d'honneur; à l'examen oral du 9 août, école d'anatomie, une mention honorable de 2ème catégorie.


1upiter))


"Vierge à l'enfant»


"Sainte Marie-Madeleine»


(Milon de Crotone dévoré par les loups»

Porte la mention "Pin de la convalescence»


"La Conscription» (caricature)

«Saint jérÔme»


«Vénus et Amour))


"Portrait))


"Femme martyre couronnée»

«Vénus pudique» (Ingres)


«Saint Jean-Baptiste))


"Ange musi.ci.en»


"Victoire en vol»


"Etudes anatomiques»


"Portraits))


"Portraits»


(<Apollon et la lyre, assis sur la chaise curule et accompagné d'une Muse»


,,Vénus anadyomène et les trois Grâces»


A l'issue du conseil du 23 août le professeur Bertinatti expose qu'à son avis, en raison de la qualité des travaux, les mentions du dernier concours d'anatomie devraient être relevées pour les trois lauréats. Jacques Guille aurait dû avoir «mention honorable distinguée». Une mention spéciale pour bonne conduite a été attribuée à l'ensemble des élèves de l'école de nu.

* 1837. Au mois de mai, au concours de l'académie des plis en dessin il obtient la mention d'honneur sans pension. Jacques Guille est maintenant en spécialité. Si l'on en croit les inscriptions de sa main que l'on trouve sur deux dessins «fin de la maladie» et «fin de la convalescence», il semble qu'il ait été souffrant pendant son séjour à Turin.

* 1838. Au mois de mars, en classe supérieure de nu en dessin, il obtient la 2ème mention honorable. Les observations faites à propos du travail présenté à ce concours sont les suivantes : «Le travail est digne d'une deuxième mention honorable car on peut féliciter l'élève pour l'élégance des contours et l'effet général, mais il n'y a pas le juste équilibre au niveau de la jambe». Au mois de mai, en étude des plis en dessin, il obtient le 2ème prix. L'appréciation est la suivante : «l'aspect général est bien, au niveau du personnage, mais en ce qui concerne l'exécution du drapé, on juge le travail un peu inférieur à celui du numéro 1». Au cours du conseil, les professeurs unanimes se montrèrent très satisfaits des grands progrès de Jacques Guille.

Pendant ses études, il a longuement étudié et copié les tableaux et les dessins des écoles italiennes qui se trouvaient dans les musées et les églises de Turin, mais en voyant certains dessins on peut s'interroger pour savoir s'il a eu l'occasion de voir des tableaux d'Ingres. Celui-ci avait fait un séjour à la Villa Medicis à Rome quelques années auparavant.

* 1839. Deux évènements vont marquer l'année scolaire de Jacques :

1°) Il participe au concours de peinture organisé par l'Académie de Savoie, concours appelé «Fondation Guy». Le prix créé à l'initiative de François Guy, natif de Chambéry, avocat au Sénat de Savoie et décédé en 1832, consistait en un prix de poème et en un prix de peinture ou de dessin, décernés alternativement d'une année à l'autre au jugement de la Société Académique de Savoie. Conformément aux intentions du fondateur, les prix ne pouvaient être adjugés qu'à des concurrents nés en Savoie. La dotation du prix était basée sur une rente de 400 livres dont le capital avait été donné à la ville de Chambéry.


«Sœurs de St-Joseph de Lemenc avec lere station du calvaire des Monts»

"Dent du Chat et château de Grésy-sur-Aix»


«Scène mythologique»


«Amours ailés»


«Vénus et amour» ou «Vénus au bain»

En 1839 le prix de la fondation était réservé à la peinture. Le sujet à traiter était «un tableau de chevalet ayant au moins trois personnages». Dans la séance du 15 mars 1839, le secrétaire perpétuel annonce que deux tableaux ont été transmis pour le concours du prix de peinture proposé pour 1839 et dont le terme a expiré le 28 février dernier. Lors de la séance du 10 avril 1839, cinq académiciens étaient présents. Le rapport a été fait par M. Burgat au nom de la commission pour les tableaux de concours. Le prix est partagé entre M. Benoît Molin de Chambéry et Jacques Guille de Saint-Jean-de-Maurienne. Le sujet du tableau de Guille était «le créateur du Monde dans le paradis terrestre, présentant à Adam, au sortir de son sommeil, la compagne qu'il lui a destinée».

2°) Le 15 septembre 1832, Francesco Bertinatti (1780-1840) était nommé professeur d'anatomie à l'Académie Albertine. Médecin, peintre, il succédait au professeur Rolando. Il avait fait ses études de médecine aux universités de Turin et de Pise, dont il était lauréat avec le titre de docteur en médecine.


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"Page manuscrite des descriptions anatomiques»


Table n° XIX

«Les muscles du dos»

Table na XXIII

"Les muscles du bras»

Table n a XXV "Les muscles de la jambe»


Dès la fin de 1832, il expliquait aux membres du conseil de l'Académie qu'il manquait un ouvrage de référence à l'usage des étudiants en anatomie. Lors de la séance générale du 29 mars 1836, le secrétaire perpétuel lut une proposition de M. Bertinatti qui proposait de réformer les études d'anatomie selon un programme qu'il soumit à l'assemblée. Celle-ci à l'unanimité décidait de donner son accord au professeur. Celui- ci annonçait alors son intention d'écrire un vaste traité concernant «l'ana- tomie humaine à l'usage des artistes». En 1837, les textes du traité écrits en collaboration par les étudiants et le professeur Bertinatti étaient présentés à un jury composé du marquis d'Azeglio, du directeur Biscarra, du chevalier Rossi, du comte Ponte di Pino, de messieurs Palagi et Palmieri. Le jury «émit un avis particulièrement favorable au travail, mais estima nécessaire de réduire certaines parties qui ne concernaient pas strictement l'enseignement artistique, et suffisant que les travaux restent sous forme manuscrite puisqu'ils étaient destinés à l'usage de la seule Académie Albertine». L'ouvrage en deux tomes était intitulé : ((Elementi di anatomia fisiologica».

Pour accompagner et illustrer les textes, le professeur Bertinatti avait demandé la réalisation de planches anatomiques. Le professeur-directeur Biscarra, en plus de son intense activité de peintre, de directeur et d'enseignant décida de diriger lui même le travail. Il choisit quatre élèves considérés comme les meilleurs et leur fit réaliser un ensemble de 37 tables anatomiques.

Les quatre lauréats furent : Paolo Morgari qui dessina une quinzaine de planches ; Eusetino Mainate ; Leone Mecco ; «Giacomo» Guille qui en réalisa trois. Elles portent les numéros : XIX, musculature du dos d'un homme; XXIII, dessins des muscles du bras; XXV, dessins de la musculature de la jambe.

L'ouvrage s'appellera «Tavole Anatomiche annessi agli elementi di anatomia fisiologica applicata alle belle arti» di Francesco Bertinatti dedi- cati a S.M. il Re Carlo Alberto. Il sera publié en 1839 à Turin, «presso Pietro Marietti Laboratorio sotto i portici di Po tipografia favale». La lithographie qui sert de frontispice au livre est du professeur Bertinatti. Elle se trouve à la bibliothèque de l'Académie Albertine, de même que les manuscrits et les traités d'anatomie qui ont été remis à l'Académie en 1840, à la mort de Bertinatti par sa veuve. Cette gravure montre le professeur Bertinatti, debout, donnant une leçon à un groupe de collègues et d'élèves parmi lesquels J. Guille. On voit également une copie d'une statue grecque


«Lithographie de Francesco Bertinatti servant de frontispice aux tables anatomiques»

représentant un athlète en train d'éponger sa sueur et au fond de la pièce un masque mortuaire de Canova. A droite, un personnage qui tient à la main et lit un traité d'anatomie. A ses côtés, se trouve le professeur Biscarra et au-dessus un buste du roi Charles-Albert identifié comme un travail du sculpteur Spalla encore conservé à la pinacothèque.

A la fin de l'année scolaire 1839-1840 Jacques Guille a 27 ans et ses études sont terminées. A l'examen final des écoles de peinture et de nu, ses notes sont de 16/20 en «diligenza» (zèle), 16/20 en «condotta» (conduite), 18/20 en «profitto» (progrès). L'appréciation générale est «peint déjà des tableaux d'invention d'après nature, avec assez de réussite» (réf. archives de l'Académie Albertine, dossier 2A, Prospetto annuo de giovani ammessi alle scuole della Reale Accademia delle Belle Arti di Torino e particolarmenti di quelli che frequentano presentamente il corso 1839-1840.)


Chapitre III

A CHAMBERY, EN MAURIENNE :

SA VIE, SON ŒUVRE

A son retour de Turin, Jacques décide de s'installer à Chambéry, vraisemblablement sous l'influence de son protecteur monseigneur Billiet, nommé évêque de Maurienne en 1826, puis archevêque de Chambéry en 1840, et cardinal le 27 septembre 1841. Il n'existe pas de documents montrant quelle a pu être l'activité du peintre pendant les années 1840-1841, mais en consultant les «Almanachs du Duché de Savoie» de 1839 à 1841, on constate que deux maîtres de peinture et de dessin : messieurs Peytavin et Cavalero avaient leur atelier quai de Nezin à Chambéry. En 1842, maître Cavalero arrête son activité et on trouve à sa place J. Guille. On peut donc penser que Guille a travaillé pendant ces années chez Cavalero pour parfaire sa formation et qu'il lui a succédé. Il restera quai de Nezin jusqu'en 1846, année au cours de laquelle il déménagera pour s'installer rue du Larith, au numéro 18, maison Poulet. Il restera à cette adresse jusqu'à sa mort. Sa profession est professeur de dessin et de peinture, mais à partir de 1851, il n'exercera plus que la profession de maître de dessin.

Les premières œuvres sont destinées à remercier son protecteur Mgr Billiet, dont il fait un premier portrait en 1839. Ce tableau de 150 cm par 130 cm environ se trouve dans la sacristie de la cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne, il nous montre un «Mgr Billiet» en mosette violette puisqu'il n'est pas encore cardinal. Dans cette composition, les couleurs ternes du décor et de la tenue de l'évêque contrastent avec la richesse


«Monseigneur Billiet»


des dorures ainsi qu'avec la tête bien éclairée, mise en évidence par le fond sombre et neutre. La main droite, à plat sur un livre ouvert, donne une impression de douceur et de paix, alors que la gauche tient fermement l'accoudoir. L'ensemble donne un aspect officiel à ce tableau. A trop vouloir faire ressortir la bonté de son protecteur, le peintre n'a- t-il pas finalement donné une certaine mollesse au visage de ce grand personnage ?

A partir de 1842, Jacques Guille va travailler à la fois à Chambéry et à Saint-Jean-de-Maurienne, où une pièce bien éclairée lui est réservée au séminaire. Un certain nombre de tableaux sont datés, d'autres ne le sont pas, ce qui rend difficile un classement chronologique exact.

*En 1842, il peint une «Immaculée Conception» pour l'église de Chamoux. Ce thème est un classique, même si la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception ne date que de 1854, le vulgarisateur de ce type de peinture ayant été l'espagnol Bartolome Esteban Murillo au XVIIème siècle.

*Non datée une «Sainte Famille ou retour d'Egypte" qui se trouve dans l'église de Chamoux. Le sujet de ce tableau est tiré de l'Evangile selon saint Mathieu : (2,19-23) «Hérode mort, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, en Egypte, et dit : «Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère, et va au pays d'Israël ; car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant.» Lui se levant, prit avec lui l'enfant et sa mère, et il entra au pays d'Israël. Mais apprenant qu'Archélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur d'y aller et averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth, afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par les prophètes.»

Mais Jacques Guille commence sa carrière dans un contexte qui présente l'originalité d'associer deux situations diamétralement opposées à la suite de la Révolution française et de ses excès, l'Eglise qui compte toujours autant de fidèles a un immense besoin soit de reconstruction, soit d'aménagement de ses édifices abandonnés ou saccagés pendant la période trouble. Mais inversement les tendances de la décoration religieuse vont vers un décor plus sobre de l'intérieur des lieux de culte. Les manuels d'architecture des monuments religieux prônent même l'abandon des «tableaux meubles» au profit de la peinture murale. J.P. Schmidt dans son «Manuel de l'architecture des monuments religieux» dit «Il est indispensable que les artistes à qui sont confiées des peintures murales


«Immaculée Conception»


«Sainte Famille ou Retour d'Egypte»


s'imposent enfin pour règle d'exclure de leurs compositions, réduites à la simplicité austère du bas-relief, la multiplicité des plans, les perspectives, les paysages, en un mot tout ce qui peut faire trou ou saillie dans l'architecture de l'édifice (...).Il est important qu'ils comprennent (...) que les peintures placées dans une église ne sont que des inscriptions, des sentences ou des versets destinés à rappeler la mémoire d'un fait, à formuler une pensée ou un symbole et non des sujets de distraction ou d'amusement pour la vue ; qu'enfin l'église n'est pas comme un musée, une lice ouverte aux amours propres, empressés à venir s'y livrer bataille, en vue des applaudissements et des juges spectateurs, que c'est un lieu solennel où tout doit être calme, décent et révérencieux».

*Dans «l'Annuaire d'Observations faites à Saint-Jean-de-Maurienne en 1842, 8ème année», publié en 1843 par le docteur Mottard et imprimé chez Puthod à Chambéry, on peut lire «Un autre de nos compatriotes, monsieur J. Guille, élève distingué de l'école de peinture de Turin, habitant actuellement Chambéry, y a fait, entre autres ouvrages, dans la chapelle du Saint-Sacrement à la Métropole, quatre médaillons qui ont été appréciés par les connaisseurs. Le premier représente «Ze repas chez Simon le Pharisien ou la conversion de Madeleine». Le second, <jésus au jardin des Oliviers». Le troisième, «La troisième apparition du Sauveur sur les bords du lac de Genesareth». Le quatrième, «Les disciples d'Emmaus». Actuellement, il ne reste que deux médaillons, le premier et le quatrième. En 1933, J. Berthet écrivait : «Deux de ces compositions ont été récemment détruites pour rétablir des fenêtres gothiques dans leur primitive longueur, les deux qui restent encore auraient disparu aussi sous le badigeon, sans l'intelligente intervention de monsieur le Curé Tournier, qui les fit environner à ses frais d'un riche encadrement en relief; c'est ainsi qu'elles se trouvent heureusement isolées d'une bariolure orientale bonne pour une décoration théâtrale, mais de bien mauvais goût dans une église gothique». Le diamètre des médaillons est d'environ 115 centimètres.

*En 1842 il reçoit commande d'un "Saint Pierre délivré de sa prison et l'ange». Il réalise d'abord une étude qui est un petit tableau de 30 cm par 40 cm qui se trouve dans la pinacothèque du grand séminaire de Saint- Jean-de- Maurienne. Le tableau définitif se trouve dans le chœur de la très belle église de Saint-Pierre-de-Curtille. Le sujet de ce tableau est tiré des Actes des Apôtres (XII), 1-9. «Vers ce temps-là, le roi Hérode entreprit de maltraiter quelques-uns des membres de l'Eglise. Il tua par le glaive Jacques, le frère de Jean. Voyant que cela plaisait aux Juifs, il fit encore prendre Pierre. L'ayant appréhendé et mis en prison, il le confia à la garde


«Le repas chez Simon le Pharisien ou la Conversion de Madeleine»

«Les disciples d'Emmaüs»


«Saint Pierre et l'Ange»

de quatre escouades de quatre soldats, dans l'intention de le produire devant le peuple après la Pâque. Pierre donc était gardé dans la prison, tandis que l'Eglise priait Dieu pour lui ardemment. Or, comme Hérode allait le faire comparaître cette nuit-là, Pierre, lié de deux chaînes dormait entre deux soldats tandis que des sentinelles devant la porte, gardaient la prison. Et voici que l'Ange du Seigneur se présenta et une lumière brilla dans le cachot. Frappant Pierre au côté, il le réveilla en disant : «Debout! Vite!». Et les chaînes lui tombèrent des mains. L'Ange lui dit : «Mets ta ceinture et chausses tes sandalettes»; ainsi fit-il. Et il lui dit «Revêts ton manteau et suis moi». Et Pierre sortit et il le suivait sans savoir que ce qui arrivait par l'Ange était vrai ; il pensait regarder une vision». Dans l'Annuaire du Docteur Mottard de 1843, il est écrit : «le tableau qui est resté pendant quelque temps exposé dans une des salles de l'archevêché a mérité à son auteur les félicitations et les encouragements de tous ceux qui l'ont vu». L'authenticité de ce tableau est reconnue par l'inventaire du mobilier de l'église de Saint-Pierre-de-Curtille dressé en octobre 1844. (Réf. Arc. Sav 43 F.293).


*En 1843, il va peindre une «Annonciation». Cette toile de 167 cm de large pour 300 cm de haut se trouve placée dans le chœur de l'église paroissiale Santa Maria Maggiore de Poirino, commune située dans la province de Turin, au nord de la ville. De forme ovale, la toile porte en bas les armoiries de Poirino. La signature du peintre est très difficile à voir, elle se trouve dans les lignes de la feuille de papier étalée au-dessus de la génuflexion de la vierge. Cette toile était en très mauvais état en 1991. L'humidité de l'église avait altéré les couleurs et on trouvait des traces de moisissure. Mais depuis une restauration a été faite. Aux archives de la ville de Poirino, on trouve tous les documents qui permettent de réécrire l'histoire de cette oeuvre : au cours de la réunion du Conseil Communal du 17 mars 1842, le syndic M. Avataneo présente un «mémoire» de Dom Giovani Antonio Pavesio, prévôt de la paroisse de Santa Maria Maggiore, ayant pour objet de réformer le tableau du chœur de l'église. Le syndic enjoint le Conseil de prendre les délibérations nécessaires. La situation devait être grave puisque le Conseil estimant l'extrême nécessité de

«L'Annonciation»


commander un nouveau tableau, décide aussitôt de trouver une personne de l'art, de demander un devis et un projet pour pouvoir le mettre au budget de 1843. Durant l'été 1842 l'intendant général de la division chargé expressément par le Conseil se procura une ébauche faite par le «signore Giacomo Guille» demeurant à Chambéry. Le peintre dans une lettre du 19 août 1842 propose pour le prix de son travail la somme de 860 livres, somme qui, ajoutée à celle du cadre, paraît trop importante au Conseil Communal. Celui-ci laisse passer l'automne, puis au cours de la réunion du 2 février 1843 décide d'accepter la proposition du peintre mais assortie de deux conditions l'oeuvre devra être expertisée aux frais du peintre par une personne de l'art qui devra dire si elle correspond bien à l'esquisse et le transport jusqu'à Turin se fera à la charge du peintre. Le Conseil ajoutera même que la livraison devra se faire aussi rapidement que l'art le permet. Ayant l'aval du Conseil, le peintre se met au travail



et réalise le tableau en neuf mois. Le 20 novembre 1843, le peintre Leone Mecco remet à la commune le certificat de conformité. Certificat qui était nécessaire avant paiement ainsi qu'il était précisé dans le compte rendu de la réunion du Conseil du 2 février 1843. Le 5 février 1844, le peintre est payé et peut signer sa quittance à la commune. Sur le mandat de paiement de la commune de Poirino on peut lire que si le peintre a bien reçu 860 livres pour son travail, le cadre a coûté 227 livres et le transport de Turin à Poirino a été facturé 13 livres par Bosco Matteo, charretier. La dépense totale pour remplacer le tableau du chœur a donc été de 1100 livres. Remarquons enfin que l'expert n'est autre que le peintre Leone Mecco qui avait participé conjointement avec Guille aux planches ana- tomiques réalisées à l'Académie Albertine.

Franco Monetti et Anabella Cifani ont dans un article publié en 1991 dans «Studi Piemontesi, novembre 1991, vol. XX, fasc. 2», étudié le tableau :

«Quand Guille peignit l'Annonciation, il n'avait pas encore trente ans et il est curieux que ce peintre provincial bénéficie d'une de ses premières commandes hors de sa Savoie natale. On ne peut exclure une recommandation en faveur de l'ex-élève de l'Académie Albertine de la part de son maître Biscarra, même si aucun document ne permet de l'affirmer. Le tableau représente l'Annonciation à Marie par l'ange Gabriel. La Vierge reçoit la nouvelle à genoux, son visage doux et rosé, tourné vers l'ange est plein de trouble et d'attention, Gabriel la salue, les bras croisés rassemblant son voile. L'atmosphère est sévère, empreinte d'une intense dévotion. Le peintre a écarté délibérément tout élément inutile. Les couleurs, passées et affaiblies dans leurs tons, se plient aux exigences de la primauté du dessin, mettant en accord la méditation et l'événement.

Il n'a pas été possible de savoir si la forme ovale de la toile était un choix personnel de Guille ou une décision de la commission municipale. En tout cas le peintre a su s'adapter remarquablement à cette exigence. D'un côté l'ange légèrement surélevé pour souligner que l'initiative du Salut vient «d'En-Haut», de l'autre en bas la Vierge qui attend avec grâce la nouvelle. Le sincère chagrin mystique qui se dégage du travail montre que Guille est bien un peintre religieux au sens le plus complet du terme. La construction rigoureuse montre à l'évidence une longue étude des Anciens, ainsi qu'une appartenance certaine à la tradition néo-classique et winckelmanienne... De son maître Biscarra, Guille a su garder le goût puriste des sujets de caractère religieux».


*En 1843, il peint un «portrait de Mgr Vibert" qui se trouve au grand séminaire. Le prélat est représenté devant la tour du Chatel. En bas et à gauche du tableau se trouvent les armoiries du prélat : écartelé aux 1 et 4 d'argent à la fasce de gueules chargée de trois coquilles d'or, aux 2 et 3 de gueules d'une colombe essorant d'argent, surmonté d'une couronne.

,Monseigneur F. M. Vibert, Evêque de Maurienne»


*En 1844, il peint une "Mort de saint Alexis» pour le maître-autel de l'église de Grignon. Aux archives de la Savoie, (réf. AS 4 FS-214, Grignon) on trouve dans les délibérations du Conseil de fabrique que le tableau a été payé 800 livres au sieur Guille, peintre à Chambéry, pour solde du tableau de saint Alexis par lui confectionné et placé au maître-autel de l'église. D'après la légende, Alexis, fils d'un sénateur romain, s'enfuit de la maison paternelle le jour de son mariage, afin de mieux servir Dieu. Déguisé en mendiant il se rend à Edesse en Mésopotamie. De nombreuses années plus tard, il revient à Rome où il vit de longues années comme un mendiant, logeant sous l'escalier de sa propre maison, sans être reconnu par les siens. C'est pourquoi on l'appelle «le pauvre sous

«Mort de saint Alexis»


l'escalier». Averti par une vision, le pape Boniface 1er se rend à la maison d'Alexis, qu'il trouve mort sous l'escalier, serrant une lettre entre ses doigts crispés. Quand le pape lui donne sa bénédiction, le mort desserre les doigts et laisse tomber le papier qui révèle son identité. Les siens, qui attendaient toujours son retour, se désolent alors de l'avoir reconnu trop tard. Cette légende attrayante fit de saint Alexis un des saints les plus populaires. Sa fête est célébrée le 17 juillet.

*Le tableau représentant «Jeanne de Chantal recevant l'habit religieux de saint François de Sales», date vraisemblablement de cette époque. Cette oeuvre se trouve dans l'église Notre Dame de Chambéry. Ce tableau mesure environ 170 cm de large pour 300 cm de haut.

'1eanne de Chantal recevant l'habit des mains de saint François de Sales»


*Dans la même église mais non daté, se trouve un «Chemin de croix" peint également par Jacques Guille. Dans la Gazette de Savoie du samedi 18 août 1855, à la rubrique «feuilleton», exposition de peinture, un article anonyme critique sévèrement ce chemin de croix : «Il fait une étrange figure à côté du fameux Christ de Van-Dyck, du saint Dominique de Peytavin, et des autres tableaux de grands maîtres que renferme cette église. Rien de plus lourd, de plus faux comme couleur et comme ensemble que ce chemin de croix. La plupart des figures y grimacent étrangement et doivent donner une triste idée de la peinture qu'on fait en Savoie aux étrangers qui viennent visiter Notre-Dame dont on leur vante les bons tableaux».

lè- station

<jésus est condamné à mort"


Sur le plan pictural, on peut diviser ce travail en trois parties qui semblent correspondre à trois influences ou trois périodes d'inspiration différente.

Les six premières stations pourraient être qualifiées d'un classicisme un peu terne, fade. La première station contient un autoportrait de Guille sous les traits du personnage tenant une lance. Les cinq stations suivantes voient les couleurs devenir plus vives. Les visages des hommes sont plus grimaçants, une impression d'agressivité apparaît chez les persécuteurs. Les trois dernières stations sont d'un style totalement différent. La douzième nous fait penser à une influence de Georges de la Tour. Pour les treizième et quatorzième stations, l'influence semble avoir été celle de l'école de peinture milanaise avec des artistes tels que Antonio et Guido Campi ou Girolamo Savoldo pour l'utilisation des contrastes entre l'ombre et la lumière.

2me station

<jésus porte sa croix»


3ème station

,Jésus tombe sous le poids de sa croix»

4éme station

<jésus rencontre sa mère»

5ème station

«Simon le Cyrénéen aide jésus»


6ime station

«Une femme pieuse essuie le visage de jésus»

7eme station

<jésus tombe une deuxième fois»

station

<jésus console les filles de jérusalem»


!)?me station

,Jésus tombe pour la troisième fois»

1 station

<jésus est dépouillé de ses vêtements»

1 lè-, station

,Jésus est cloué sur la croix»


12me station

<jésus meurt sur la croix"

13ème station

,Jésus est descendu de la croix»

14eme station

<jésus est mis au tombeau»


«Scène de la vie de saint Alexis»


*La même année, il peint une "scène de la vie de saint Alexis». Au dos de ce tableau qui appartient à une collection privée, se trouve la dédicace suivante : «A Sa Grandeur Monseigneur Alexis Billiet, Archevêque de Chambéry, hommage et reconnaissance. Jacques Guille 1844». Tableau de dimension 60 cm x 60 cm. Cette scène de la vie de saint Alexis a inspiré à Henri Vaugeon (1875-1944) une oeuvre théâtrale intitulée «Le Pauvre sous l'escalier», représentée pour la première fois en 1920 à Paris. Dans cette pièce dédiée à la perpétuité du mariage chrétien, l'auteur a transformé et interprété la légende pour en faire une tragi-comédie : Alexis ne quitte les siens qu'après le mariage. Après des années d'absence, il revient dans sa maison où même son épouse Emilie ne le reconnaît pas. La seule présence du mendiant trouble pourtant la jeune femme enfermée depuis des années dans son chagrin. Pressée par sa mère de se remarier, Emilie demande conseil au pauvre. Celui-ci, dont le cœur a bondi de joie en apprenant que sa femme lui était toujours restée fidèle, ne désire pas révéler son identité et lui répond qu'elle est entièrement libre. Mais

cet entretien ne fait que conforter Emilie dans son désir de perpétuer le souvenir de son époux. Avant de mourir, le pauvre demande à Emilie si elle ne regrette pas le mari qui l'a quittée. Emilie répond qu'elle n'a jamais quitté Alexis et que son cœur n'a jamais été plus proche du sien. «On dirait que je l'ai porté comme une mère porte en soi son enfant et qu'il n'a cessé de grandir en moi, de prospérer, d'embellir, en un mot de vivre. Peut-être n'était-il rien de plus tout d'abord, qu'une graine au sillon cachée ; le temps en a fait une fleur.»

*Non daté «Une Sainte Famille» qui se trouve à la pinacothèque du grand séminaire de Saint-Jean-de-Maurienne».

«Sainte Famille»


*Non daté : Dans la chapelle du Collège Libre, ornant l'autel du Sacré-Coeur une «Apparition de Notre Seigneur à sainte Marguerite-Marie Alacoque». Dimensions 2 m x 1,50 mètres.

«Apparition de jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque»

*Non daté Un portrait du chanoine Bonnel» (pinacothèque du grand séminaire de Saint-Jean-de-Maurienne). Jean Bonnel est né le 22 octobre 1791. Ordonné prêtre le 19 juin 1814, vicaire de Saint-Jean- d'Arves puis curé-archiprêtre de Lanslebourg avant d'être chargé de l'hospice du Mont-Cenis en 1840, il sera nommé chanoine du Chapitre de Maurienne en 1842. Il décédera le 29 décembre 1857. Dimensions 65 cm de haut par 45 cm de large.

Ce portrait donne une impression générale de manque de raffinement. Tout semble un peu grossier : les traits du visage, les mains, la place trop importante donnée au surplis rouge du personnage, tâche de couleur trop uniforme. Seul le regard émerge de l'ensemble. Il donne un sentiment de curiosité et d'intelligence.


Il existe au séminaire de Saint-Jean-de-Maurienne un deuxième portrait du Rd Jean Bonnel peint par Charles Taravel (1) (27 mars 1812- 14 décembre 1869). Si ce tableau dénote l'aptitude portraitiste de Taravel, il semble avoir été copié sur Guille (2).

«Portrait du Chanoine Bonnel>>

*En 1845 : un immense «portrait du général deBoigne» qui se trouve dans l'ancienne salle du Conseil de l'hôpital de Bassens. Benoît Leborgne, comte de Boigne, est né à Chambéry en 1751. Il commença sa carrière militaire en Islande, servit ensuite dans un corps grec, puis à Smyrne (Izmir), en Egypte et enfin aux Indes où le prince Mahratte Sindiah fit de lui son général en chef. Au décès de ce prince, il revint à Chambéry à la tête d'une immense fortune qui lui permit d'offrir à sa ville de nouvelles rues, un théâtre, des hospices et un collège. En reconnaissance la ville de Chambéry lui a érigé la célèbre statue des quatre éléphants accolés par l'arrière-train.


Le fond neutre, mais travaillé aussi bien dans les drapés, que dans le décor du sol permet à la tête de ressortir, tout en gardant une impression de noblesse due à l'éclairage tamisé. Les mains sont délicates la droite est maintenue dans une pose difficile, la gauche tient avec douceur un parchemin. Derrière le fauteuil dans un halo de lumière, se détache un paysage régionaliste.

«Portrait du Général de Boigne"


*En 1845, un «portrait de Mgr Billiet défunt» qui se trouve dans l'escalier menant à la chambre de l'Archevêque à Chambéry.

«Portrait de Mgr Billiet"

*En 1846, il peint un «Chemin de croix" pour l'église de la Chapelle en Maurienne. Dans le registre général des créances et revenus de la fabrique ecclésiastique de la commune, page 232, on trouve : «Par bon du président acquitté à M. Guille peintre, la somme de quatre cents livres pour les tableaux du chemin de croix. Don fait comme cy-devant par Mlle Portaz, l'excédent du prix ayant été acquitté par la générosité de personnes pieuses». Il présente une particularité le parcours de Jésus se fait de gauche à droite et non pas dans le sens habituel qui est le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Plusieurs remarques peuvent être faites sur les personnages peints par Guille. D'abord notons que ses Vierges sont toutes brunes. Ensuite s'il a beaucoup étudié le nu et l'anatomie à l'Académie de peinture de Turin surtout sur des modèles masculins, on ne trouve pas de «nus» dans


ses tableaux, seuls le Christ et les anges sont dénudés dans ses toiles. Etait-ce par conviction personnelle, par pudeur, ou parce qu'il suivait les recommandations faites en 1837 par l'architecte Piel? «Cependant, per- mettez-moi de vous indiquer un moyen sinon de vous sanctifier au moins de vous justifier devant Dieu. Je veux parler de la moralisation des modèles hommes, femmes et enfants... C'est un but digne d'artistes chrétiens que de relever ces âmes dégradées, que de soulager des misères si profondes qu'elles maintiennent dans l'avilissement des malheureux qu'elles accablent. Il faut que les artistes chrétiens enseignent le catéchisme aux modèles, ne fassent jamais poser nues comme cela se pratique, de toutes jeunes filles que les regards du peintre flétrissent». Enfin les portraits sont essentiellement des portraits d'homme.

2111e station

<jésus porte sa croix»

12me station

<jésus meurt sur la croix»


*Non daté : une ,Apparition de saint Joseph», placé au-dessus de l'autel Saint-Joseph de l'église de Rumilly. Mal éclairé, ce tableau aurait besoin d'une restauration.

«Apparition de saint joseph"

*Non daté : un portrait d'un prêtre directeur de l'Institution des sourds-muets». Ce tableau fait partie d'une collection privée. Le personnage serait l'abbé Morand de Saint-Sulpice né en 1817, mort en 1876 qui succéda à l'abbé Pilet à la tête de l'institution de Cognin. Le contraste est saisissant entre le fond et la tenue du personnage qui sont de couleur quasiment noire, la dureté et la sérénité du visage, le regard qui donne impression de fermeté et la douceur voire l'élégance des mains. La droite est juste posée sans que les phalanges blanchissent, la gauche tient du bout des doigts un document officiel. L'ensemble de ces éléments donne au tableau fonction et dignité».


«Portrait d'un prêtre directeur de l'institution des sourds et muets de Cognin»

*En 1848, il peint un "Saint Antoine et sainte Apollonie» pour un autel latéral de l'église de Cevins. Le saint est représenté avec ses attributs : le cochon, la clochette et le bâton ; il est accompagné d'une sainte martyre, Apollonie, tenant la palme et encouragée par un ange.

*Non daté : un «Portrait de Mgr Vibert» qui se trouve dans la sacristie de la cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne. Le cadre est surmonté du blason de l'évêque, le fond du tableau représente une échappée sur Roche Noire, Montricher, le Gros Crêt. Dimensions 120 cm x 100 cm. Monseigneur François-Marie Vibert a été évêque de Maurienne de 1841 à 1876 ; sa devise était «Gaudium et Corona» (vous êtes ma joie et ma couronne).


«Saint Antoine et sainte Apollonie»

«Monseigneur Vibert, évêque de Maurienne»


*Non datés : «3 médaillons»

situés au plafond de la chapelle de l'évêque du palais épiscopal

de Saint-Jean. Mgr Vibert a bénéficié pendant l'exercice de sa fonction en Maurienne de subventions royales pour reconstruire une partie de ce bâtiment. Parmi les travaux engagés,

il a fait aménager cette pièce.

reconnaissable à son crâne dégarni, et à l'absence de mitre. Le troisième contient une «Vierge à l'Enfant». Ces médaillons ont été recensés lors de la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905.

Le médaillon le plut proche de l'entrée contient «Un ange dans le ciel». Il est! très abîmé. Le deuxième représente «Z 'évêque saintj François de Sales», entouré de] deux anges,!


*Dans le compte rendu de la séance du 6 juillet 1848, le secrétaire perpétuel de l'Académie de Savoie parle d'une exposition de tableaux de M. Guille de Maurienne. Sont présentés avec le numéro 20, une allégorie : ,<Le génie de la liberté offrant son épée à l'Italie et l'invitant à chasser ses oppresseurs»-, avec le numéro 21 : «Saint Alexis mourant»; numéro 22 : «Un cauchemar ou la lecture de mauvais livres»; numéro 23 : «Trois esquisses de tableaux exécutés à la Métropole»; numéro 24 : un «Portrait de Mme L.». Un des deux portraits de femme recensés. Collection privée. Avec ce dernier tableau Jacques Guille obtient une médaille de 100 livres qui correspond à un troisième prix.

«Portrait de Madame L.»


*1850 : ,Jésus accueille les enfants», peint pour le sanctuaire de Notre Dame du Charmaix. Ce tableau est placé sur l'autel latéral qui a été érigé grâce à la générosité de la marquise Barolo, de Turin.

*Non daté : «La Cène» qui se trouve sur un des autels de l'église Notre

Dame à Saint-Jean-de-Maurienne.

*Non daté : Le tableau placé dans le chœur de l'église d'Epierre représente une «Assomption». En haut, la Vierge s'élève, emportée par les anges ; en bas, sur terre, les apôtres contemplent l'Assomption ou regardent le tombeau vide ; saint Thomas contrôle avec ses mains que le cercueil est bien vide. Ce tableau était dans l'ancienne église d'Epierre. Le 16 janvier 1905 l'abbé Pommet demandait l'autorisation de le transférer dans la nouvelle. « Il ne convient pas de vendre ce tableau ; il a été donné à l'église par monsieur le curé Zacharie Bochet. Sa place est dans la nouvelle église, au choeur. Vous ne verrez pas d'inconvénient qu'on l'y fasse transporter au plus tôt».

*1850 : le tableau peint par Dufour et qui se trouve sur le maître- autel de la chapelle de Bonne Nouvelle est en mauvais état. Il va être restauré par Jacques Guille. Curieux destin puisque c'est grâce à ce tableau qu'il copiait que le chanoine Angley lui a permis de devenir peintre.

*1850 : sur commande de son protecteur Mgr Billiet, Guille peint pour le maître-autel de l'église des Chapelles en Tarentaise un tableau représentant «La Vierge en assomption, saint Martin et sainte Catherine d'Alexandrie».

Saint Martin est le saint patron de la commune ; le saint, guerrier à cheval partage son manteau avec un pauvre ; près de lui, se trouve sainte Catherine d'Alexandrie avec son attribut, la roue ; en haut, au ciel, la Vierge en assomption est entourée d'anges. Dans la visite pastorale de 1846, on lit que «la dorure et la couleur du maître-autel sont en mauvais état. Le beau tableau au-dessus de l'autel auquel sont dépeintz nostre Dame tenant entre le bras dextre son très cher fils Jésus aussy que plusieurs anges, monsieur saint Martin patron, madame saincte Catherine patronne. Icelluy tableau avec ses corniches de bois noyées de commune valeur.» La visite de 1857 dit : «Grâce aux pieuses libéralités de Mgr Billiet, l'autel principal a été reconstruit entièrement à neuf, dans le meilleur goût et un genre d'architecture plutôt riche». Le maître-autel a été décoré d'un tableau neuf par les soins et la générosité de Mgr Billiet, archevêque de Chambéry.

Il semble que le tableau reproduise à l'identique ou presque


(la Vierge ne tient plus l'Enfant Jésus dans ses bras) le précédent, ainsi que le souhaitait la fabrique.

*Dans le Courrier des Alpes du 8 avril 1851, on peut lire l'avis suivant : «Le proviseur royal de la Savoie-Propre, d'accord avec M. le syndic de la ville de Chambéry, donne avis qu'il est ouvert un concours pour la place de professeur de dessin au collège national, et qu'il aura lieu le 23 de ce mois. Les demandes d'admission à ce concours devront être présentées au bureau du proviseur avant le 21». Chambéry, 7 avril 1851. Signé le proviseur royal de la Savoie-Propre : A. de Juge.

Le 25 juin, un nouvel avis est publié dans le même journal. Instruction publique : «Il est ouvert au bureau du proviseur royal de la Savoie-Propre un concours pour la chaire de dessin, actuellement vacante au collège national de Chambéry, destinée à former des élèves pour l'école de peinture de cette ville et à préparer les jeunes gens du collège à la connaissance du dessin exigé pour les carrières universitaires. Les aspirants à la place de professeur de dessin devront exécuter les travaux qui seront donnés en quatre thèmes distincts, et qui consisteront principalement 1° En une figure académique d'après la bosse ou d'après nature; 2° En un paysage composé; 3° En un ornement; 4° En une épreuve de perspective. Le concours commencera le 10 juillet prochain, et les candidats devront avoir présenté au proviseur leur demande d'admission avant le 9 du même mois». Chambéry, le 23 juin 1851. Signé le proviseur royal de la Savoie-Propre, M. de Juge. Le 8 août 1851, toujours dans le même journal on peut lire : «Nous apprenons qu'ensuite du concours ouvert pour la place de professeur de dessin au collège national, le jury d'examen, composé des professeurs et inspecteurs de l'Université royale de Turin, s'est prononcé à la presque unanimité en faveur de M. Guille. En conséquence Jacques Guille vient d'être nommé professeur de dessin». Le samedi 25 octobre de la même année, dans la même publication, rubrique «intérieur» se trouve l'annonce suivante : «le cours gratuit de dessin de la ville de Chambéry qui avait été interrompu par le décès de M. Baud, son ancien professeur, sera rouvert au commencement du mois de novembre prochain, sous la direction de M. Guille, professeur. On prévient donc ceux qui désireraient suivre ce cours pour se livrer plus tard à l'art de la peinture, qu'ils pourront se présenter afin d'être inscrits, dans la salle destinée à cet effet, dès dix heures et demie du matin jusqu'à midi. Cette salle est attenante au collège national, rue du Collège. Les élèves devront se munir des objets indispensables au dessin et ils ne seront pour le surplus, tenus qu'à une modeste rétribution pour le chauffage pendant l'hiver.


"Jésus accueille les enfants»

"La vierge, saint Martin et sainte Catherine»

"Assomption»


«La Cène»


*En 1851, Jacques Guille présente un ,portrait» au concours de la Fondation Guy, de l'Académie de Savoie. Aucune médaille d'or n'est attribuée et il obtient une mention honorable.

*En 1851, peinture d'un «Sacré Cœur de jésus», pour l'église des Chavannes. Ce tableau mentionné dans la visite pastorale de Mgr Rosset des 1 et 2 mai 1879 a été payé 100 livres au peintre par monsieur le comte Pillet-Will.

"Sacré-Cœur de jésus»


*En 1855, l'Académie de Savoie organise l'exposition publique des tableaux présentés au concours de la Fondation Guy. Cette année le sujet et le genre des tableaux ayant été laissés libres, cinq candidats se sont présentés avec des œuvres différentes. Parmi les candidats Jacques Guille expose un tableau dont le sujet est emprunté au Nouveau Testament, d'après les paroles de saint Luc «Noli Flere» VII, 11-15. -Jésus fit route ensuite vers une ville appelée Naïm. Et ses disciples et une foule nombreuse faisaient route avec lui. Quand il fut près de la porte de la ville, voilà qu'on emportait un mort, un fils unique dont la mère était veuve et il y avait une foule considérable de gens de la ville avec elle. Et, en la voyant, le Seigneur eut pitié d'elle et lui dit : «ne pleure pas». Et s'avan- çant il toucha le cercueil et les porteurs s'arrêtèrent. Et il dit <Jeune homme, je te le dis : lève-toi !» Et le mort se dressa sur son séant et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère».

Dans la Gazette de Savoie du samedi 18 août 1855, on peut lire dans la rubrique «exposition de peinture» : «Chacun a pu être admis à porter son jugement lors de l'exposition publique. Nous ne craignons pas de nous tromper en assurant que si l'on avait consulté le goût général, tout d'une voix, le public eût accordé le premier prix au n° 8, représentant un paysage avec une vue du lac du Bourget dans le lointain... En somme, de toutes les œuvres exposées, pas une ne méritait mieux le premier prix que ce tableau si remarquable à tous égards. L'Académie en a jugé autrement. Pouvait-elle oublier qu'elle est présidée par monsieur l'Archevêque? Elle a donc accordé le prix à un protégé de Monseigneur (...). Voyons comment l'auteur s'en est tiré. Et d'abord, quel est le personnage qui doit surtout frapper l'attention et se détacher pour ainsi dire de tout ce qui l'environne? C'est évidemment le Christ. Or, ici, le groupe des quatre hommes qui supportent le corps de la jeune fille efface complètement le personnage principal par sa teinte trop fortement accentuée et la place qu'il occupe. Pas la moindre expression dans les figures. Rien dans le visage de cette mère qui témoigne de la violente douleur à laquelle elle est en proie et de cet autre sentiment, l'espoir qui vient jeter un peu de baume sur cette âme ulcérée. Le Christ n'a jamais eu cette figure impassible et froide. Les Ecritures nous Le représentent comme bon, compatissant, accessible à l'émotion, et non point sous ces dehors de glace qui répugnent à son caractère de divine mansuétude. Le spectacle de désolation qui s'offre aux yeux des disciples formant la compagnie de notre Seigneur ne paraît pas les émouvoir beaucoup, car ils semblent causer entre eux comme d'une chose complètement insignifiante.


"La résurrection du fils de la veuve de Naïm»

Les différentes physionomies ont tant de raideur et si peu d'animation qu'elles nous font l'effet de figures découpées et appliquées après coup sur la toile. Quelques détails sont assez heureux, il faut en convenir; certaines draperies ont été fidèlement rendues; mais il manque la vie au fond de tout cela ; la nature, ce modèle éternel de tous les peintres, de tous les artistes, de tous les poètes, la véritable nature a fait place à un assemblage de conventions, fruits d'une pensée baroque. Tel est l'ouvrage sur lequel l'Académie avait à se prononcer. Le jugement était déjà formulé d'avance et les prétendus subalternes ont reçu comme riche consolation les récompenses que nos lecteurs connaissent déjà». La gazette de Savoie est un journal dont le caractère polémique n'est pas à démontrer, mais l'auteur anonyme de ces lignes aurait dû vérifier ses sources. En effet, sous le linceul, il n'y a pas une jeune fille, mais un jeune homme : le fils de la veuve de Naïm. L'auteur ajoutait même concernant le concours de peinture de la fondation Guy : «On semble avoir pris à tâche de dénaturer l'intention des fondateurs pour n'accorder qu'à la cabale et à la protection ce qui devrait être l'apanage du mérite réel ( ..... ). Il nous importe


d'établir un fait et de prouver combien une protection mal entendue peut facilement toucher à l'injustice».

Dix ans plus tard, dans le Courrier des Alpes des 5 et 7 décembre 1865, P. Dumas signe un article concernant le même tableau mais intitulé cette fois «la Résurrection du fils de la veuve de Nai'm». Dans cet article il est écrit : «Le véritable mérite est modeste, c'est une qualité mais c'est aussi un défaut. Nous adressons cet éloge et ce reproche à M. Guille car il est rarement satisfait de lui-même. C'est ainsi qu'il s'obstine à tenir dans une espèce de chambre privée, malgré le succès qui l'a couronné dans un concours, une composition que nous ne pouvons nous lasser d'admirer (...) nous n'hésitons pas à dire que c'est un petit chef-d'œuvre de sentiment. Le sujet a déjà été traité par d'autres peintres de talent, mais aucun ne l'a envisagé de la même manière. Au lieu de reproduire la scène où le miracle s'accomplit, il représente celle où le cortège funèbre sortant de la ville rencontre Jésus et ses disciples, et

au moment où touché de compassion à la vue de la veuve plongée dans la douleur, le seigneur lui dit «ne pleure point...». L'artiste a su admirablement rendre sur les visages de la «turba copiosa», les sentiments que cette simple parole fait naître... Il nous semble toujours voir l'air de bonté répandue sur les traits du Christ, le visage en pleurs de la veuve, que déjà un rayon d'espérance illumine ; un groupe de femmes pieuses, dans une attitude pleine d'anxiété en attendant le miracle qui va s'accomplir, les visages pâles et expressifs des hommes qui portent le défunt dont les formes raidies se dessinent avec vérité sous le linceul, et enfin l'étonnement, le doute, la foi, l'ironie, le respect et la crainte qui se manifestent sur les visages des divers personnages pressés en foule à la suite du funèbre cortège». Ce tableau contient un autre élément intéressant : un auto-portrait de Jacques Guille en la personne du porteur situé en avant et sur la gauche du tableau.


«Vierge au Sacré-Cœur»

*En 1857, peinture d'une «Vierge au Sacré-Coeur», toujours pour l'église des Chavannes, payée le même prix par le comte Pillet Will.

*Non daté, un «portrait de Mgr Billiet» qui se trouve dans la bibliothèque de la Maison Diocésaine de Chambéry.

«Portrait de Monseigneur Billiet»


*En 1858, le Rd Demaison, curé d'Orelle commande un «Saint Maurice à cheval» pour le maître-autel de l'église. Il donne ainsi suite au désir exprimé par Rd Victor Falcoz lors de la réunion du conseil de fabrique du 9 mars 1851. Le travail a été confié à M. Guille, peintre à Saint-Jean-de-Maurienne. Il sera payé 750 francs par la fabrique en 1863, Rd Gravier, curé. La commande comprenait également 12 tableaux représentant les Apôtres qui furent payés suivant la convention passée avec le peintre en deux tranches : - la première de 450 francs en 1865, Rd Gravier, curé ; - la deuxième de 450 francs en 1868, Rd Cyrille Richard, curé. En 1862 la fabrique a acheté pour 216 francs à monsieur Thabur, douze cadres dorés. Ces toiles étaient accrochées à la balustrade de la tribune. Lors de la restauration de l'intérieur de l'église, elles ont été reléguées et oubliées dans un local de la cure. Récemment retrouvées, elles avaient besoin d'une restauration qui a été faite par monsieur Se, restaurateur à Vaison-la-Romaine. «Or donc, en ces jours-là, Jésus sortit dans la montagne pour prier et il passait toute la nuit à prier Dieu. Et lorsqu'il fit jour, il appela ses disciples et il en choisit douze, ceux-là mêmes qu'il nomma Apôtres» (Luc; 6-12).

+ Saint Pierre ou Simon : saint universel, portier du Paradis («Et je te donnerai les clefs du royaume des deux». Matth. XVI, 19), il est représenté en général le crâne chauve, une touffe de cheveux sur le front, la barbe courte et bouclée, avec son attribut, la clef, dans la main droite. Deux clefs sont ici dans la main gauche, la tête de coq est là pour rappeler la parole du Seigneur :

«avant qu'un coq chante aujourd'hui, tu me renieras trois fois».

+ Saint André : depuis le XVème siècle, il est représenté avec la croix en X à branches obliques, en sautoir et non plus crucifié sur une croix latine, pour le différencier de Jésus. Frère de Pierre, il était pêcheur comme lui.

+ Saint Jacques Le Majeur fils de Zébédée, son attribut est le bâton de pèlerin.

+ Saint jean L'Evangéliste : frère de Jacques. Dans l'art byzantin, il est représenté sous les traits d'un vieillard chauve, à barbe blanche. En Occident, au contraire on le considère comme le plus jeune des Apôtres et il est connu sous l'aspect d'un jeune homme imberbe. Son attribut est le calice placé à sa gauche.


«Saint Maurice à cheval»

"Saint Pierre»

«Saint André»

"Saint jacques le Majeur»


«Saint jean l'Evangéliste»

«Saint Philippe»

,,Saint jude ou Thaddée»

,,Saint Thomas»

,,Saint Barthélémy»

"Saint Simon»

«Saint jacques le Mineur»

«Saint Matthieu»

«Saint Paul»


+ Saint Thomas : ou Didyme. Celui qui doute : «Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, non, je ne croirai pas." (Jean; 20-24). Le nimbe circulaire qui entoure la tête est un attribut commun à tous les Apôtres. D'abord réservé au Christ, il apparaît pour la première fois cernant une tête de saint au Vème siècle à Ravenne.

+ Saint jacques le Mineur : fils d'Aphée, il est caractérisé par le battoir pour fouler les draps.

+ Saint Philippe : son identification est souvent difficile car son attribut est variable. Originaire de Bethsaide en Galilée comme Pierre et André, il a été le premier disciple appelé par Jésus qu'il assistera lors du miracle de la multiplication des pains. Le livre que l'on retrouve de façon quasi constante est considéré comme un attribut générique des Apôtres. Les attributs ne se sont généralisés dans les représentations des Apôtres qu'à partir du XVème siècle.

+ Saint Barthélémy : représenté avec son attribut usuel, le coutelas. Fils de Tolmaï, il est parfois identifié à Nathanaël.

+ Saint Matthieu dit le publicain c'est-à-dire le fermier des impôts.

Il est représenté en train d'écrire son évangile.

+ Saint Jude ou 7haddée : son attribut est le glaive. Frère de Jacques l'évêque de Jérusalem, il est cousin de Jésus; il est l'auteur d'une épître. La tenue est un élément de décoration également constant chez les Apôtres. Ils sont drapés dans une toge à l'antique, aux plis majestueux, qui leur donne un caractère d'éternité.

+ Saint Simon : appelé encore le Cananéen ou le Zélote, surnom qui veut dire animé d'une ardeur politique ou religieuse. Il est associé à l'instrument de son supplice qui est la scie.

+ Saint Paul : préféré à saint Mathias qui est normalement le douzième apôtre, saint Paul est né à Tarse en Cilicie en 7 avant J.C. Citoyen romain, juif, il sera un grand persécuteur des chrétiens jusqu'à sa conversion subite en 32 après J.C. Il ne fait pas partie des 12 apôtres authentiques puisqu'il n'a pas connu le Christ. Prêcheur infatigable, il a laissé 14 épîtres.

*En 1860, un portrait de Mgr Billiet» qui se trouve au Musée Savoisien. Cette toile a été présentée lors de l'exposition d'objets d'art faite à Chambéry le 10 août 1863 à l'occasion de la réunion du congrès scientifique de France.


*En 1860, peinture pour l'église de Frontenex d'une «Vierge à l'enfant et saint Sébastien et sainte Madeleine». Aux archives de la Savoie, archives paroissiales, 274 Frontenex, on trouve au chapitre III, De l'église : «La paroisse de Frontenex nouvellement érigée n'a pas encore d'église. Elle a seulement une ancienne chapelle style de la Renaissance... Cette chapelle n'a pas d'ornements, elle a seulement un petit autel en bois propre mais sans architecture. Elle a aussi un fort joli tableau fait en 1860 par M. Guille. D'un mètre soixante de haut et d'un mètre vingt de large, il représente les titulaires de la chapelle, c'est-à-dire la Sainte Vierge assise ayant à sa gauche saint Sébastien attaché à un arbre et percé de flèches, et à sa droite l'Enfant Jésus debout devant elle et appuyé contre elle. Derrière lui, une petite croix et à ses pieds Marie Madeleine pleurant. Ce tableau est d'un bel effet et de bon goût. Il est la copie d'un vieux tableau du même sujet.»

«Sainte Marie-Madeleine et saint Sébastien au pied de la Vierge et l'enfant»


*En 1861, Jacques Guille achète avec sa soeur Jenny, épouse Fay, une boutique située au n° 43 de la rue Saint-Antoine à Saint-Jean-de- Maurienne. En 1872, il achète toute la maison. En 1882, soit 9 ans après sa mort, il semble que la succession ne soit toujours pas faite puisque la maison et la boutique sont toujours à son nom. Mais une solution va être trouvée : la maison est vendue à la commune et démolie en 1884 pour dégager les abords du palais épiscopal.

*En 1862, il peint un «Portrait du chanoine Albrieux», qui se trouve dans l'église de Montpascal. Joseph Albrieux, puissant chanoine du chapitre de Saint-Jean-de-Maurienne, est né le 15 novembre 1812 à Montpascal. Ordonné prêtre le 31 mars 1838, il deviendra secrétaire général de l'évêque Mgr Billiet le 19 Août 1839. Nommé chancelier le 13 août 1840 puis chanoine honoraire le 28 octobre 1844, il accédera à la fonction de préfet, directeur spirituel du collège Royal de St-Jean en septembre 1846. Prévot du chapitre le 13 fevrier 1871, il décédera le 13 janvier 1884. Il était un ami et un condisciple du peintre. Le tableau mesure environ un mètre de haut par quatre-vingts centimètres de large.

«Portrait du Chanoine Albrieux»


*En 1864 ou 1870, on trouve les deux dates dans les textes. Le tableau du panneau central du retable de l'église de Valloire tombe en ruines. Jacques Guille peint une «Assomption de la Sainte Vierge» pour le remplacer. Dans la visite pastorale du 4 juin 1871 faite par l'évêque Mgr Vibert, on peut lire : «Le tableau du maître-autel peint par M. Guille de Saint-Jean-de-Maurienne a coûté huit cents francs, dont sept cents payés par la fabrique et cent par une personne pieuse de la commune». La date de 1870 est donnée dans l'ouvrage publié en 1989 sur Valloire, la vallée d'or; la date de 1864 est donnée par Michèle Brocard.

.Assomption de la Vierge»


*Daté de 1865 et présentant également un décor Mauriennais, ce que semblait affectionner le peintre lorsqu'il travaillait à Saint-Jean-de- Maurienne, un «portrait de Mgr Billiet» dans la pourpre cardinalice, adossé à une fenêtre qui donne sur Mont l'Evêque. Sur la tablette de la fenêtre, on voit un pot de tulipes jaunes, la «tulipa Billietiana», à laquelle l'évêque a donné son nom et qui est probablement originaire du secteur de Roche Noire, Mont l'Evêque. Dimensions 118 cm x 85 cm. Dans ce portrait, la main droite est digne et reposante, la gauche tient avec décision un bréviaire. La droite «dit», la gauche «affirme».

«Portrait de Monseigneur Billiet»


*Non daté, un «Chemin de Croix» pour l'église de Brison-Saint-

Innocent.

*En 1866, une «Visitation» pour la chapelle de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, autel latéral gauche. «Il y eut aux jours d'Hérode, roi de Judée, un prêtre du nom de Zacharie. Il avait pour femme une des descendantes d'Aaron dont le nom était Elizabeth... Mais ils n'avaient pas d'enfants parce que Elizabeth était stérile et que tous deux étaient avancés en âge. En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, vers une ville de Judée. Et elle entra chez Zacharie et salua Elizabeth ( ).>, (Luc 1, 39). Le décor montagnard au second plan fait penser à la tour du Chatel et au Grand Coin

*En 1867, une «Vierge et l'Enfant au Sacré Cœur» pour la chapelle de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, autel latéral droit. En bas à gauche du tableau, on trouve la mention «par les soins du Révérend Albrieux». Ce tableau payé par les dames Grange-Viallet (la mère et les filles Françoise et Félicité).

*En 1868, un tableau du «Rosaire» pour la chapelle du Rosaire de La Motte-Servolex. Ce grand tableau qui a la forme d'un demi-cercle se trouve dans la chapelle à droite du maître-autel. Les dimensions importantes de l'oeuvre ont obligé Jacques Guille à quitter son atelier de la rue du Larith pour travailler dans l'atelier du sculpteur Vallet à La Motte- Servolex. P. Dumas dans le «Courrier des Alpes» du 7 décembre 1865, en parle dans les termes suivants : «Le fond supérieur du tableau resplendit de la lumière irradiée, si difficile à obtenir avec de la peinture à l'huile que les maîtres de l'art italien ont appelé Gloria. Au milieu de cette lumière se détache dans toute sa majesté la figure de la Vierge. L'artiste l'a représentée assise sur un nuage qui semble se mouvoir et s'abaisser comme un trait d'union mystérieux entre le ciel et la terre. D'une main elle soutient l'Enfant Jésus qui s'ébat sur ses genoux ; de l'autre elle tend à saint Dominique agenouillé à ses pieds, un rosaire qui semble ressortir en relief sur la toile...

Les figures apparaissent sous le jour vrai et naturel qui leur convient. Celles de la Vierge et de Jésus, leurs carnations délicates avaient surtout à lutter contre la lumière irradiée du fond et contre l'azur, l'incarnat, le noir et le blanc répandus sur les vêtements. Mais ces détails ont été traités avec la hardiesse des grands coloristes ; tout se confond sans se heurter dans une habile gradation de tons vifs et de demi-teintes et d'ombres. C'est du milieu de cette harmonie que ressortent avec éclat la beauté


"Chemin de croix»


" Visitation»

«Vierge et l'enfant au Sacré-Cœur»

"La Vierge remettant le Rosaire à saint Dominique»


divine de la Vierge et la grâce enfantine de Jésus à laquelle s'allie déjà un sentiment de toute puissance. Saint Dominique se dégage avec non moins de vérité et avec beaucoup d'ampleur auprès du groupe de la vision céleste. Il est agenouillé et dans l'attitude de l'extase. De son regard élevé vers la Vierge s'échappe un air de cette foi vive qui prête à nos sens les facultés surhumaines de l'âme lorsqu'elle est dégagée de son enveloppe mortelle... «. Cette scène miraculeuse de la vision de saint Dominique a été pour le culte catholique à l'origine de l'institution du Rosaire.

*Non daté, un beau «Portrait d'un Tailleur», qui se trouve au musée

Savoisien.

*En 1870, un «Portrait du général de Loche» (1756-1837) qui se trouve à l'Académie de Savoie, derrière le fauteuil du président. François de Mouxy de Loche d'Aix-les-Bains était officier supérieur dans l'armée Sarde ; il se fit connaître comme entomologiste et comme archéologue.

«Portrait d'un Tailleur»

,Portrait du général de Loche»


*En 1870, une «Crucifixion» qui se trouve à la pinacothèque de la maison diocésaine de Saint-Jean-de-Maurienne. Cette toile octogonale porte au dos la mention : «Propriété de monsieur Albrieux, supérieur à Saint-Jean». Dans cette œuvre les personnages correspondent à des portraits d'amis : le chanoine Albrieux, la mère de celui-ci, Jacques Fay son beau-frère en bon larron. Le cadre est en bois doré, mouluré.

Dans son Guide de l'Art Chrétien paru en six volumes à partir de 1872, le comte Grimouard de Saint Laurent disait : «Nous entendons par compositions historiques, celles qui proposent directement la représentation des faits ; par compositions symboliques celles qui ont en vue plus expressément de rendre des idées plus ou moins abstraites sous des formes figurées. Dans la crucifixion, comment doit être représentée la Vierge au pied de la croix? La composition religieuse insistera plus volontiers sur la douleur de la mère du fils crucifié, la composition historique sur la participation de la mère au sacrifice rédempteur du fils. A ce point de vue, la pensée du triomphe l'emporte ; si la douleur se manifeste il faut qu'elle soit contenue, il faut qu'en elle la pensée du salut, voulue, comprise, acceptée, prenne le dessus sur tous autres sentiments».

Ce Christ en Croix entre les deux larrons, de par sa composition, est une parfaite illustration de ce deuxième point de vue. Le choix d'un encadrement octogonal permet de garder l'ensemble de la scène dans des limites bien précises qui empêchent le regard de s'échapper, pour se concentrer sur le centre d'intérêt que sont la Vierge et Jésus sur sa croix. L'œil tourne à l'intérieur du tableau, survole les différents personnages ou spectateurs devenus dès lors secondaires pour toujours revenir au Christ et à sa mère. La douleur ne se manifeste que dans le visage du Christ et encore son regard est empreint d'un tel message d'espoir qu'il en masque l'intensité. La quasi absence de sang, l'absence de la blessure provoquée par la lance diminuent la «douleur visuelle,) de la scène. Deux éléments expriment les sentiments contradictoires de la Vierge La position et l'attitude des mains qui, serrées et tendues vers le bas, indiquent un désespoir certain mais contenu. Le visage ensuite, dont les traits lissés n'expriment ni angoisse, ni douleur, tandis que le regard tendu vers le haut, contemple le fils supplicié et montre un espoir et une foi profonde dans un avenir attendu et rédempteur. Le peintre s'est représenté dans le personnage à droite, le bras droit élevé.


"Crucifixion»


*En 1870, le tableau du «Rosaire» pour l'église de Randens. Dans la visite pastorale de Mgr Rosset des 25 et 26 avril 1879, on peut lire : «l'autel du Rosaire, le seul autel latéral qui existe, a coûté 1200 francs. On le doit à la générosité de la famille Grange. L'autel du Rosaire malheureusement un peu détérioré par l'humidité a été peint par M. Guille». L'abbé Michelland G. a ajouté : «dans les registres de fabrique, on lit que le tableau a été payé 200 francs en 1870 à Jacques Guille, alors que l'autel aurait été décoré par le peintre vers 1857». Jacques Guille manquait-il alors d'inspiration ou s'agissait-il d'une commande? La ressemblance avec le tableau de la Motte-Servolex est troublante.

«Le Rosaire»

,,La Vierge remettant le Rosaire à saint Dominique»


*En 1871, «L'évêque Pierre II de Tarentaise (1102-1174) distribuant le pain de mai», pour la cathédrale Saint-Pierre de Moutiers. L'évêque est représenté au centre du tableau. La femme qui est placée au premier plan porte la «frontière», coiffe traditionnelle des femmes de la haute-Tarentaise. (Autoportrait de J. Guille dans l'homme derrière la Tarine?). Il faut remarquer dans ce tableau, la proportion colossale des personnages, leur habile disposition, l'éclat et la vigueur des coloris. Dans cette composition, ainsi que dans «le fils de la veuve de NaÏm", le peintre semble au sommet de son art. Certains ont cru devoir comparer sa peinture à celle d'Hippolyte Flandrin, le peintre Lyonnais.

Dans le courrier des Alpes du 7 décembre 1865, article déjà cité à propos du tableau «la résurrection de la veuve de Naïm», l'auteur P. Dumas concluait en disant «L'impression que cette composition de M. Guille nous a causée est la même que nous avons éprouvée en admirant les belles peintures de M. Hippolyte Flandrin sous les voûtes romanes de l'église de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Elle est du même style que les deux grandes pages de la Passion : l'entrée à Jérusalem et le Christ succombant sous le fardeau de la croix (dans le sanctuaire). Cette similitude de genre entre l'éminent élève d'Ingres et notre compatriote n'a rien qui nous étonne. On sent en admirant leurs compositions religieuses, qu'ils étaient pénétrés de sentiments analogues en cherchant à s'inspirer des récits sublimes du Nouveau Testament». Cet article nous amène à essayer de répondre à deux questions quel rapport peut-il y avoir entre Flandrin et Guille, et pourquoi cette comparaison est-elle faite seulement en 1865 alors que le tableau a été peint de nombreuses années auparavant?

Les deux peintres pouvaient être rapprochés en ce sens que tout deux étaient peintres religieux au sens strict du terme. Bruno Foucart (in" Messieurs Hippolyte, Auguste et Paul Flandrin») : «Dans la légende dorée des peintres, saint Hippolyte Flandrin a été doublement canonisé. Il est le plus pur, le plus fidèle des disciples d'Ingres, il est aussi nouveau docteur de l'église, celui qui a su, mieux et plus que son maître restaurer la possibilité au XIXème siècle, en pleine effervescence réaliste et naturaliste, de la plus grande et nécessaire des peintures, la peinture religieuse". Tous deux ont longuement étudié la peinture en Italie, Guille à Turin et Flandrin à la villa Medicis à Rome. L'un et l'autre ont excellé dans l'art du portrait. Enfin nous sommes en 1865, la Savoie est devenue française, Lyon est «proche de la Savoie». Flandrin est mort le 21 mars 1864 en pleine gloire : ses funérailles le 28 avril, l'hommage officiel de l'Académie des Beaux-Arts le 19 novembre, une exposition posthume à l'école des


"Saint Pierre II de Tarentaise distribuant le pain de mai»


Beaux- Arts à Paris du 15 février au 1er avril 1865, concourent à faire de

Flandrin un peintre «dont on parle".

* non daté, «Portrait d'une religieuse». Collection privée.

* non daté, le seul «Paysage» connu à ce jour. Collection privée.

* non daté, et non retrouvé : un «Portrait de Claude Melchior

RaYlnond" .

,Portrait d'une religieuse»


,Paysage»



Chapitre IV

JACQUES GUILLE ET SON TEMPS

Jacques Guille était profondément imprégné de culture religieuse, il aimait citer saint Augustin : «Les Beaux-Arts sont destinés à conduire l'homme à Dieu, harmonie éternelle, source de tout bien et de toute beauté». Sa peinture était d'inspiration classique, il citait souvent comme modèles Géricault, Ingres, Delacroix et les David d'Angers, car «ils cherchaient leur inspiration dans les grands souvenirs historiques et dans les solennels aspects de la nature». Il disait «qu'en peinture de même qu'en poésie il faut que la pensée de l'artiste dans son oeuvre s'adresse plus à l'âme qu'aux sens». Devant un tableau de Rubens il exposa à son ami Louis Berthet les motifs qui donnent aux oeuvres des Ecoles Italiennes et Flamandes un cachet d'immortalité «Ces oeuvres semblent participer des vérités éternelles qu'elles représentent parce que la foi religieuse de leurs auteurs était plus ardente encore que la confiance en eux-mêmes et dans les ressources merveilleuses de leurs pinceaux". Mais le XIXème siècle était aussi en peinture celui du Réalisme dont il critiquait volontiers «les ridicules et malpropres fantaisies» ajoutant même que pour être un bon réaliste il faut trois choses : «d'abord choisir un vilain sujet, puis le mettre mal en toile et enfin le peindre avec des tons sales ; n'est- ce pas le genre de Courbet et de ses disciples?». Guille finira sa vie pauvre comme il est né, accusant ce siècle livré aux spéculations matérialistes de faire trop bon marché dans la peinture des solides traditions dont étaient pénétrés les grands artistes des XV, XVI et XVIIèmes siècles.

(Les propos contenus dans ce paragraphe ont été rapportés par Louis Berthet qui était un ami personnel du peintre).


Son comportement artistique lui vaudra après sa mort ce genre de critique : «Monsieur Guille était un brave homme quoique pauvre. Il était doué d'un talent incontestable qui lui aurait acquis dans le monde des Arts une honorable notoriété s'il ne s'était laissé égarer par le goût exclusif de peindre des Madones, des Enfant-Jésus et des Chemins de Croix. Aussi ses œuvres manquent-elles des qualités originales qu'exige l'esprit primesautier de notre siècle».


Chapitre V

BILAN ET DERNIERE ŒUVRE

1 - Jacques Guille : peintre religieux ?

La notion de peintre religieux fait en général référence à Fra Angelico qui était un pieux moine dominicain. «Le plus grand des peintres chrétiens, comme il fut le plus saint» disait de lui Montalembert qui ajoute «c'était lui qui se mettait en prière chaque jour avant de commencer à peindre, car il ne travaillait que pour exprimer à Dieu sa foi, son espérance et son amour; c'était lui qui pleurait à chaudes larmes chaque fois qu'il avait à peindre une crucifixion, tant il souffrait avec le sauveur mort pour le racheter». C'est le mythe du moine bienheureux peignant à genoux. La comparaison Guille-Angelico est plausible. Son éducation religieuse au collège de Saint-Jean-de-Maurienne, ses protecteurs, chanoines et évêques, ont très tôt formé son esprit à l'idéal chrétien, et lui ont donné cette foi vive, intense, voire même cette piété sincère, naïve, sans effort, indispensables pour devenir un véritable peintre religieux. Sa vie entièrement consacrée à la peinture dans un célibat total, est un des arguments en cette faveur. Ses études classiques qui l'ont amené à connaître et à étudier ses grands aînés, son œuvre enfin, essentiellement consacrée à peindre des sujets religieux vont également dans ce sens. Fra Angelico, peintre religieux, Jacques Guille peintre du religieux.


II - Etude analytique

L'oeuvre de Guille s'étend donc de 1842 à 1873. Sur le plan géographique on trouve ses peintures réparties dans toute la Savoie avec comme points extrêmes Rumilly en Haute-Savoie et Poirino en Italie.

Si l'on analyse les thèmes illustrés, on trouve deux grandes familles : - les portraits,

- les scènes religieuses,

et quelques sujets non religieux.

1) Les portraits

Sur 16 portraits recensés 14 concernent des hommes, 2 des femmes. Monseigneur Billiet, son protecteur est représenté 5 fois. Quatre tableaux sont des portraits de laïcs (de Loche, de Boigne, un tailleur, Raymond).

2) Thèmes non religieux

- un cauchemar ou la lecture de mauvais livres,

- le génie de la liberté offrant son épée à l'Italie,

- un paysage

3) Thèmes religieux

Sur 40 tableaux ou groupes de tableaux recensés :

a) 3 sont d'inspiration «locale» :

- Jeanne de Chantal et saint François de Sales,

- Saint Joseph et les religieuses,

- Saint Pierre de Tarentaise.

b) 3 sont des Chemins de Croix :

- Chambéry,

- La Chapelle,

- Saint-Innocent.

c) 1 série de 12 apôtres.

d) Sur les 33 autres tableaux

- 16 sont directement inspirés de la Bible,

- 7 sont directement inspirés d'Apocryphes

(Assomption, saint Joseph, Rosaire),

- 6 concernent le culte des saints (dont 2 saint Alexis),

- 1 concerne la création du monde.


III - La dernière oeuvre

*En 1872, de nombreuses réparations ont déjà été faites dans l'église de Fontcouverte. Cette année-là, la fabrique décide de refaire l'autel de saint Joseph. Pour cela elle commande un grand tableau au peintre Jacques Guille. Le sujet en était «la mort de saint joseph», distinguée dans le culte catholique sous le titre de la Bonne Mort. Est-ce parce que le peintre sentait la maladie le gagner? Depuis déjà plusieurs mois, il mettait tout son art à peindre la tête de saint Joseph en train d'expirer ; l'expression de détresse que l'on retrouve dans le regard du mourant dirigé vers Jésus est saisissante. Le Christ semble à l'inverse mal proportionné, le cou démesurément long, détail curieux pour un spécialiste de l'ana- tomie. Il reste pour l'auteur à peindre la chemise blanche de saint Joseph, mais les douleurs deviennent trop fortes. Malgré les soins prodigués par un de ses neveux, par des amis et par deux soeurs de l'ordre de Notre- Dame Auxiliatrice, la maladie progresse. L. Berthet ajoute «A la première atteinte de la maladie notre pieux artiste comprit que Dieu le rappelait à lui, et il se soumit sans pâtir à sa volonté. Il appela lui-même à son chevet les secours de la religion. C'est ainsi qu'il reçut dans toute sa connaissance et avec la plénitude de ses facultés les derniers sacrements de l'Eglise». Saint Joseph restera en blanc sur le tableau, même si le peintre exprime une dernière fois ses regrets de ne pouvoir le terminer. J'aurais été si heureux de l'achever, cela m'aurait porté bonheur dans un autre monde». Un ami qui l'assistait lui répondit : «Consolez-vous mon pauvre ami ! Si Dieu ne veut pas vous permettre d'ajouter un dernier trait à votre œuvre, ne vous accorde-t-il pas une grâce plus grande, celle de le finir en action par une bonne mort?»

Le 10 décembre 1873 à 7 heures 30 du matin, Jacques Guille mourait à Chambéry. Ail heures du matin, Jean Antoine Lubin adjoint au maire et délégué pour remplir les fonctions d'officier de l'état civil de la commune de Chambéry enregistrait la déclaration de décès faite par deux voisins : Germain Joseph, cafetier âgé de 37 ans et Vérand Jean-Chrisostome, cordonnier âgé de 43 ans. L'acte de décès est enregistré sous le numéro 458 du registre des décès année 1873, de la commune de Chambéry.

Le tableau de Fontcouverte sera finalement payé 500 francs par M. l'avocat Bouttaz. A qui? Un neveu de Guille? A celui qui aurait terminé le tableau?


<Mort de saint Joseph ou la Bonne Mort»

Le nom de Jacques Guille est malheureusement peu connu. J'espère avoir contribué à faire redécouvrir ce peintre Mauriennais de grand talent qui a eu la chance de travailler à une époque où les restaurations d'églises après la Révolution offraient du travail aux peintres.


Table des documents

1 - Publication du mariage de Marcellin Guille et Marie Antoinette

Darves-Blanc.

2- Acte de baptême de Jacques Guille.

3 - Recensement de la population de la ville de Saint-Jean-de-

Maurienne du 5 janvier 1827.

4 - Académie Albertine = concours majeurs et mineurs.

5 - Académie Albertine = 1834.

6 - Portofoglio.

7 - Tables anatomiques.

8 - Quittance Guille - Poirino.

9 - Quittance Communale Poirino.



Bibliographie

Academia Albertina di Torino

Istituto Bancario San Paolo di Torino, p 27-44

Archives de l'Académie Albertine de Turin

- réf. dossier 2A - Prospetto Annuo di giovani ammessi alle scuole della Reale Academia delle Belle Arti di Torino.

- réf. dossier IA - Archives Historiques, section élèves, médailles distribuées pendant les concours majeurs et mineurs à partir de l'année 1822.

- Histoire de l'Académie 1836-1840, réf. 20S, seduti Accademiche.

Archives de la ville de Saint-Jean-de-Maurienne

- Série E Etat civil, article 2

+ Actes de naissance du 17 avril 1793, 1er novembre 1814,

+ Mariages Registre n° 3, 1793-18-14.

- Série F Etat nominatif de la population 1813-1886, Article 1ER n° 4.

- Série H Tableau de recensement des jeunes gens nés de 1792 à 1814 n° 1.

- Archives cadastrales.

Archives de la Ville de Poirino

- Ordinati del 17 marzo 1842.

- Ordinati del 2 febraio 1843.

- Ordinati del 13 agosto 1843.

- Ordinati del 12 gennaio 1884.

- Registro dei mandati di pagamento della Comunità, Categoria estraordinaria 1843 foglio 186 M et 185 RV.

Bellet 1. La cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne et ses dépendances.

SHAM. 1978. p 104-111, Tome XIX.

Benezit Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs. Tome V, p. 295. Librairie Grund, Paris. 1976.

Berthet Louis Jacques Guille, peintre religieux savoyard. SHAM. 2ème S., Tome VIII, 1er S. 1933, p 123- 133. Cité par A. Gros.

Brocard-Plaut Michèle Eglises et chapelles de Maurienne. éd. Salmon, 1992.

Burlet 1. (Abbé) Le culte de Dieu, de la Sainte Vierge et des Saints en Savoie avant la Révolution. Documents de l'Académie de Savoie, Tome IX, 1922.

Buttin Anne. lacqueline Sylvain

Les peintres de la Savoie 1840-1940. 1991. Imprimerie Hugueniot, La Ravoire. pl26-127 et 209-210.

Cultura figurativa e architettonica negli stati del Re di Sardegna (1773-1861)

A cura di Enrico Castelnuovo e di Marco-Rosei, Torino - Maggio-Luglio 1980.

Courrier des Alpes

5-7 décembre 1865, P. Dumas.

8 avril 1851.

Mercredi 25 juin 1851.

8 août 1851.

25 octobre 1851.

Dufour A. et Rabut F. Les peintres et les peintures en Savoie du XIIIème au XIXème siècle.

Mémoires et documents. SSHA. 1876. Tome quinzième, 2ème p, p 258.

Emprin I.M. Quelques peintres et sculpteurs. Académie de la Val d'Isère. Mémoires et documents - Nouvelle série - Tome VII, pre livraison. 1931. p 136-137.

Falquet M. Les peintres en Maurienne aux XVII, XVIII et XIXème siècles. Manuscrit.

Flandrin Hippolyte, Auguste et Paul Une fraternité picturale au XIXème siècle. Paris. 1984. Edition de la Réunion des Musées Nationaux.

Foucart Bruno Le Renouveau de la peinture religieuse en France 1800-1861. Paris.

Gazette de Savoie - Samedi 18 août 1855, 5ème année, n° 947 «feuilleton de la gazette". Exposition de peinture.

Gros A. Excursion à Fontcouverte.

SHAM. 1924. 2ème S, Tome VI, 2ème P, p 98-99.

Gros A. Notes personnelles.

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Gros Louis La Maurienne de 1815 à 1860.

1968. Imp. Réunies. Chambéry. p 140-141.

Mémoires de l'Académie Royale de Savoie

2ème S., T. 1. 1851. pLXX et LXVIII.


2cme S., T. II. 1854. pXXVI, XXIX.

6cmc S., Tome VI. 1833. pl3-15.

7ème S., Tome IX. 1839. pLXVI et LXVII.

Michelland G.A. Les paroisses de Aiguebelle et Randens. 1974, H.S. de la SHAM.

Miquet François Répertoire biographique des Savoyards contemporains (1800-1893).

1894. Annecy. Imprimerie Abry.

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Montalembert Mélanges d'art et de littératures. Paris. 1861. p 183.

Mottard M. Annuaire d'observations faites à Saint- Jean-de-Maurienne

- 1840, 5eme année. p 6.

- 1843, 8ème année. p 16.

Ostv Emile la Bible. 1969. Ed. du Seuil.

Parpillon Tean-Noël dit Fiollet Jacques Guille. dans «Connaître», bulletin de l'Association connaissance du canton de la Motte- Servolex, n' 17, printemps-été 1993, p 9-10.

Piel à Lacordaire 29 juin 1839, Paris Couvent Saint Jacques, Archives Lacordaire.

Dijon 1793 n 159 fol. 354.

Rambaud (Abbé) Histoire du collège Lambertin. SHAM. TVI, 1 P. (1886). p. 224-239.

Saint Laurent (Comte de Grimaldi)

Guide de l'Art Chrétien. 1872. 6 volumes. Paris.

Ract. Desarnod et Bellemin

Almanach du Duché de Savoie.

1818 -> 1841. Chambéry.

Imp. du Gouvernement. Paris. M. Renaud pour 1843. Puis Indicateurs du Duché de Savoie —> 1844 —> 1851.

Schmidt LP. Nouveau manuel complet de l'architecture des monuments religieux.

Paris, Morel, 1859, p 298.

Synopse des quatre évangiles.

1991. Edition J. Gabalcla. Paris.

Thieme et Becker

XV, p. 304-05, Kunstlerlexikon, ad vocem.

Truchet S. Récits Mauriennais. T're série. 1890, p. 369 à 373.


Table des matières

Préface 7

I) Les origines mauriennaises 9

II) Les études à Turin 15 in) A Chambéry et en Maurienne : sa vie, son oeuvre 53

IV) Jacques Guille et son temps 115

V) Bilan et dernière oeuvre ....................................................................................... 117

Table des documents 121

Bibliographie .................................................................................................................................... 123



Le présent ouvrage

a été achevé d'imprimer en juin 1999 sur les presses Offset de l'imprimerie Salomon

73300 Saint-jean-de-Maurienne Dépôt légal : 2e trimestre 1999.




Jacques Guille est né à Saint-Jéan-de-Maurienne en 1814. Il a étudié à l'Académie de peinture de Turin. Mal connu, il a pourtant, grâce à son talent, peint des tableaux pour un grand = nombre d'églises de Savoie ainsi que de. très

beaux portraits. "'

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Pierre -, Geneletti, passionné par l'histoire la Maurienne, a rechèr'-' ché tous les documents permettant de reconstituer sa vie et son oeuvre.