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Titre : La société béarnaise au dix-huitième siècle : historiettes tirées des mémoires inédits d'un gentil homme béarnais ([Reprod.]) / publ. pour la Société des bibliophiles du Béarn

Éditeur : L. RibautL. Ribaut (Pau)

Date d'édition : 1876

Sujet : Béarn (Pyrénées-Atlantiques, France) -- 18e siècle

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb373074955

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 microfilm ; 35 mm

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Description : Collection numérique : Bibliothèque Pireneas (Pau)

Description : Contient une table des matières

Droits : conditions spécifiques d'utilisation - Microformes et reprints

Droits : restricted use

Identifiant : ark:/12148/bpt6k852847

Source : B.M. Pau, Mi113

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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Czrrqz~ara~e cxesnplaircs de cet orsvna~e ont été mis dans le corriorerce.

1


SOCIÉTÉ BÉARNAISE

AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE'

HISTORIETTES TIRÉES DES MÉMOIRES INÉDITS D'UN GENTILHOMME BÉARNAIS

PUBLJtES

.POUR LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES DU BÉARN

1 PAU

1 LÉON RIBAUT, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ M DCCC LXXVI

LA


~i hAN T-~ROPOS.

Au siécle dernier, un Béarnais, homme d'esprit, et du meilleur monde, recueillit tout ce qu'il avait appris, tout ce qu'il avait vu, concernant ses contemporains. Les pages que l'on va lire sont tirées de celles qu'il avait écrites; elles furent laissées en des mains bien dignes de recevoir cet aimable et précieux héritage.

'Par ce livre, on coranaîtra beaucoup de choses de notre pays, qui étaient ignorées de nos jours on verra, comme dans l'intisnité de leur vie, des gens dont le nom seul, pour quelques-uns, était parvenu jusqu'à nous, gens de « haut parage », à Pau, on dans le Béarn, et même ailleurs; rnais ceux ci, en bien petit nombre.

Le gentilhomme béarnais, lorsqu'il parle d'histoire, n'avance rien que sur preuves. l'VlalheureusemQnt, celles dont il pouvait se servir, ne sont pas toujours les meil-


lenres. Ce n'est point sa faute; il avait tuop de discer~rement pour être honime à prendre de torrtes mai~is; nrais l'histoire, au dernier siécle, n'avait pas encore fait les découvertes sur lesquelles elle a établi, depnis, les vérités qu'elle doit dire; les docterrrents les plus authentiques n'avaient pas été puisés aTCx sources les plus sr~res. ~Coraliste, notre auteur l'est à la fa~on des hornuaes de son teni~s, qui jetaient plus d'une fois lcrrr bonnet par dessus les ~rw~slins; il ra ést ici question que de la désinvolture de la parole. ~ujonrd'hrri, on en est venu rrra autre excès. Que de gens pensent corn ~ue ceux dit siècle dernier, mais n'osent pas le dire. En sont-ils rneillerrrs ? Ceux-là avaient de la gaieté, de la franchise, de l ésprit, de la tolérance dans la meillersre acceptiora du rnot ces qualités natives de notre caractère ~tational sze sont point perdues; elles ne peuvent Je perdre. Mais on ne sait quelle rigidité de convention les fait dissirnrcler rrraintenant sous les dehors affectés de prrederies à la niode.

Ce qui plaira surtout dans ce livre, c'est le piqrra~rt du récit; il est de vive allure le plus sorrvcrrt, et d'rcn esprit


tout de jct, qui va quclqicefois plus vite qcce la phrase. On trouve aussi la noblesse des sentiments, une fine et 1«ste c~bservation, l'irraage animée des physionornies et la peisztl~re vraie des caractères.

`I~,oacs ne voulons rien exagérer rrtais, eti lisant les pages qui suivent, il n'est pas possible qZi'cc l'avr~ntage du gentilhomme béarnais qui les écrivit, on ne ycconnctisse en lui un disciple de Tallemant des Réazcx, de La Bruy~re ~~t de Saint-Simcvn. Il faut ajouter, poz~r tout dire, qa~'Erra d'Hozier futur pourra prendre dans ce livre d'i~tiles renseig nements.


SOCIÉTÉ BÉARNAISE

AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE

ABIDOS.

Le .Béarn a peu de gentilshommes d'aussi bon aloi, j'en puis parler sciemment j'ai. lu les contrats qui présentent une'filiation bien suivie, bien en règle, et qui n'a rien de louche.. Les d'Ab4idos portent le nom de leur terre, ils n'en ont j amais eu d'autre, d'où il est naturel de conclure que c'est d'eux qu'elle l'a reçu..

Un de leurs ancêtres, à une époque éloigqée- et que.je crois. remonter au xvie siècle, eut pour femme la nièce d'un évêque d'Avignon. En 15 69, sous la souveraineté de Jeanne d'Albret, lorsqu'après l'invasion du Béarn par Terride, au nom de Charles ix, roi de France, qui l'y avoit établi son lieutenantgénéral, et la prompte reprise par Montgomery, Ter-

LA


ride attaqué, poursuivi et vaincu partout, se retira au château d'Orthez avec son armée et fut fait prisonnier, ses principaux officiers eurent le même sort. Nonobstant la capitulation qui portoit que tous seroient traités en prisonniers de guerre, on les traduisit d'Orthez à Navarreins, de Navarreins à Pau, sous prétexte d'un ordre de la Reine. Il y en eut huit de pendus, parmi lesquels étoit un d'Abidos. Voici les plus marquants de la malheureuse aventure de Terride.

Principaux seigneurs de la Biscaye

Charles de Luxe, comte souverain de Luxe en Basse-Navarre, chevalier de l'Ordre du Roi, capitaine de cent hommes d''armes, lieutenant pour le Roi en la vicomté de Soule, gouverneur du château de Mauléon. En 15 9 5, il maria sa fille unique à Louis de Montmorency, seigneur de Bouteville.

Damesan (Domezain), le vicomte d'Echaux, d'Armendaritz.

Parmi les Béarnois

Salles, blessé. d'un coup de pique à l' œil au siége de Rabasteins. C'est vraisemblablement de ce Salles qu'étoit issu Jean-Bertrand de Salles, gouverneur de Navarreins, en 1620, qui, suspect de trop d'affection pour les huguenots, eut l'ordre de Louis XIII de


sortir de la place, et obtint, pour prix de sa soumission, 20,000 écus et. un brevet de mestre de camp. Un Iaur, son neveu, obtint aussi une pension viagère de 3,000 livres.

J3'4~itigues, en faveur de qui une métairie de ce nom, située à Conchez, fut anoblie en 1617. D'Audaux. Armand de Gontaut, seigneur de Saint-i-Geniès et d'Audaux, sénéchal de Béarn, en 15 64, dont le, frère, nommé Saint-Geniès, étoit capitaine de gens de pied en 1567. La terre 4'Audau~ est située en Béarn; le château fut brûlé par Montgomery. D'Audaux était un zélé catl1olique. ç' est en ses mains. que, lo~rs de l'invasion du Béarn par Terride, le château d'Orthez fut remis par le seigneur de Gouge, en 15 68

Monein, fil5 ou neveu de celui qui, en 1547, fut massacré à Bordeaq~; il fut tué à la Saint-Bartbél~my

D'Espalungue (cité par Monluc sous le nom estropié de Palanque) est celui qui, écuyer de l'écurie du roi de Navarre et lieutenant de la vieille garde, en obtint, en 1577, la maison et seigneurie de Beyrie, près Lescar"

Au reste, si une parole violée est excusable envers des sujet. ç4up&bles de trahison et de perfidie, à leu~


égard, tout semble nécessiter et légitimer un acte de justice sévère et qui serve d'exemple c'étoit le cas. En disant que ce d'Abidos avoit pour complices Gerderest, Goas, Sainte-Colomme, Candau, Sus, Salles et Pardiac, je prouve que n'avions guère rien de plus distingué. Terride, originaire du Béarn lui-même, et bien plus criminel, puisqu'il avoit été l'auteur de leur défection et leur indigne surborneur, dut à sa qualité de lieutenant du roi de France de n'avoir pas subi le même traitement.

La maison d'Abidos est à la veille de s'éteindre. Le père, à qui j'ai toujours été tendrement attaché, comme contemporain, comme"proche parent, comme l'homme le plus plein d'honneur et de probité, le plus judicieux, le plus sûr, a deux enfants, mâle et femelle, il n'en aura pas d'autres.

Le garçon, tout-à-fait désagréable au physique et au moral, a un air effaré et sauvage, est sans barbe, sans cils sans nulle marque extérieure d'homme et malheureusement ces apparences n'ont rien de trompeur. Il est marié à une Noguès-Gerderest c'est une femme de beaucoup d'esprit et aimable, mais trop vive et, peu avisée. Son mari, sans contredit, n'a pas lui plaire. Il est impuissant, et par


conséquent tout autre qu'il ne lui falloit, et de plus aussi cruellement ombrageux qu'on puisse l'être. Il s'afficha dès la première nuit. Il fit lit à part. Peu de temps après il s'absenta, s'éloigna, s'en fut à Pau, y séjourna dix-huit mois, revint et ne valut pas mieux pour sa femme et sa femme pour lui. Ils ont fini par se séparer. Sa femme s'est retirée à Pau, au couvent de Notre-Dame. Jeune, ardente, réduite à ce que le triste jour d'un parloir et l'incommodité des grilles offrent d'unique dédommagement, elle est trop à plaindre Pour lui, il réside d'ordinaire à Lagor avec le reste de sa famille il est là plus à son gré qu'ailleurs il y jouit, avec moins d'obstacle, de toutes les bizarreries de son caractère. Qu'on ri'imagine pourtant pas qu'il soit sans esprit et sans connaissances au contraire, il en a plus que médiocrement. J'en dirai de même de sa soeur, qui n'en a pas moins dans la figure, l'air, le ton, les manières, tout ce qu'on peut se figurer de plus niais et de plus gauche.

Elle a pour mari un soi-disant vicomte de Terride, fils cadet du Terride actuel, du lieu de Bérens, qui, jusqu'à ce qu'il fut devenu chevalier d'honneur dans notre Parlement Maupeou, n'avoit jamais porté que le nom d'Artigole. Il eut vraisemblablement cru ne


pouvoir mieux faire que de s'y tenir, sans le feu abbé de Terride, chanoine de Lescar, leur parent, qui extravagoit sur sa noblesse qui se fit un point d'honneur de se mettre en frais d'une généalogie imprimée, où il ne se donne rien moins que trentedeux alliances avec les diverses têtes couronnées de l'Europe, et, comme de raison, une bien plus étroite et plus rapprochée avec la maison de France, maison qui, néanmoins, a eu l'inj ustice de ne jamais rien faire pour lui.

Le patrimoine de cet abbé étoit des plus minces, mais un vieux militaire de ses amis, nommé M. de Balirèse, qui possédoit en Bigorre deux très j olies terres, l'institua, par son testament, pour son héritier. Lui-même n'en avoit pas de direct, ni, vu son état de prêtre, n'en pouvoit avoir. Il avoit un frère au service du Roi qui y mourut garçon. Ce fut alors qu'il tourna toutes ses affections, et surtout sa vanité, vers les d'Artigole. Il commença par exiger d'eux que le nom de Terride devint le leur. Il en plaça et soutint deux ou trois au service. Le seul qui s'y comporta bien fut notre soi-disant vicomte, qu'il qualifia tel, et en faveur duquel il disposa de tout ce qu'il avoit. L'abbé mort, le mariage avec Mlle d'Abidos suivit de très-près.


Le vicomte est joli cav alier un peu plus friand des femmes d'autrui que de la sienne mais qui à cela près, la rend heureuse. Elle lui a déjà donné deux enfants et recueillera immanquablement quelque jour le bien de sa propre famille. Ce bien est considérable, car, indépendamment de la terre d'Abidos, d'une maison à Lagor assortie de beaucoup de biens-fonds, d'une autre maison à Pau, j'estime que l'argent en coffre ou placé se monte à 200,000 livres. Le bien de Lagor vient des Péden10nt auxquels on avoit succédé.



LE BARON D.E BL AIR.

Jé~ garantis, du moins pour nos Blair du Béarn, qu'après avoir lu dans le Dictionnaire de la Noblesse, que cette maison qui se dit originaire d'Ecosse, est issue de celle des barons de Baltayorck, que des lettres-patentes de Charles ii, roi d'Angleterre en date du 7 juillet 1684, confirmées par arrêt du conseil de Louis xiv du 18 mai 1700,.en font foi que ces lettres certifient qu'Alexandre Blair, lUe du nom, chevalier et baron de Baltayorck, est le premier qui, sortant d'Ecosse, vint s'établir en Béarn vers l'an 159°; qu'il étoit fils d'Alexandre ne du nom, etc. etc., qu'Alexandre IVe, fils de celui établi en Béarn eut pour femme une Isabelle Ogilby, fille de Jean, baron d'Invermeith que de ce mariage vint Alexandre ve, père il, de Samuel, dont la postérité est restée au Béarn d'Alexandre VIe, branche établie à Paris que ce dernier eut trois fils dont les deux, en 1685 et 16gi, présidents au parlement de Metz, et que du troisième Melchior. de Blair, est issu M. de BlairBoisemont, mort intendant de Strasbourg; je garan-


tis, dis-je, que relativement à nos Blair de Béarn, c'est le cas de se rappeler avec confiance ce qui fut dit par le cardinal d'Este à l'Arioste, lorsqu'il lui dédia son poëme Dove, diavolo, trtesser Ludovico, J avete pigliate tante coglio~reri.

Le fait est qu'une identité de nom et je ne sais quel heureux liasard leur valurent, il y a quarante-six ou quarante-sept ans, de la part de cet intendant de Strasbourg, administrateur très-éc1airé et très-estimé, J'adoption la plus flatteuse et la moins'fondée. Le fait est encore que c'est à Alexandre vie, père de M. de Boisemont et des deux présidents au parlement de Metz, que Charles ii, roi de la Grande-Bretagne, accorda les lettres-patentes dont il est parlé ci-dessus. Tout le reste n'est que fable. La famille de nos Blair est tout simplement d'origine béarnoise.

Le pèrè et l'ayeul de ceux d'aujourd'hui étoient conseillers au parlement de Pau. Le bisayeul y~ tenoit d'une manière moins honorable, il n'étoh que commis de greffe. J'ai beaucoup connu le père. Non content d'être un magistrat assurément très probe, mais assez faible de lumière et d'assiduité, il se méla de commerce, de banque, de littérature, en un mot, de toutes choses au monde, avec le moins de succès possible. Il fesoit le matin un rapport au Palais, l'après-midi un discours


à l'Académie, le soir des lettres de change. Il abondoit en idées et les rendoit toujours en termes tout à fait inintelligibles.

Ayant de patrimoine la terre de Lahontaa, au-delà d'Orthez, une jolie métairie à Jurançon, une agréable maison à Pau, et sa charge de conseiller au Parlement, il épousa 1 Mlle de Saint-Gemme, fille d'un militaire, lieutenant de Roi à Navarreins. Elle avoit 30 mille livres de dot; c'étoit alors le mieux d'une cadette des premières familles. Par la mort d'un frère unique, mort sans enfants, elle hérita ensuite de la terre de Saint-Gemme, dans le voisinage de La Rochelle, et d'un gros mobilier.

Cette femme, jolie comme l'amour, faite à peindre, eut le malheur de s'afficher par une conduite très-peu régulière, à une époque l'on étoit là-dessus infiniment moins traitable qu'on ne l'est devenu depuis. Je l'ai vue réduite à ne voir que des hommes, et s'en consoler. Une maladie de poitrine l'attaqua de bonne heure. Elle y succomba. Le mari mourut peu de temps après. Il laissa immensément de dettes. C'étoit le fruit de ses mauvaises spéculations de banque et de commerce. Les biens furent vendus, les dots prélevées et frais de justice acquittés, il resta à peine de quoi faire face à deux ou trois créances privilégiées.


Parmi celles assez considérables sur qui l'insolvabilité retomba en entier, on remarque une de 3 3 mille livresde M. de Barrau, de Bayonne une autre de Mlle d'Esquille pour 12,000livres, une de M. de Laborde, près la Porte-Neuve, pour 3,000 livres, sollicitées et reçues dans un moment de discrédit affreux, trois semaines avant qu'on ne mourût. Outre les dots, les enfants, au nombre de cinq, trois garçons et deux filles, eurent les biens du chef de leur mère. La terre de Saint-Gemme fut vendue environ 120mille livres. L'aîné des garçons bien supérieur à ses frères pour le physique et pour le moral, servoit dans un régiment Irlandois où M. de Boisemont l'avoit fait placer. Etant venu passer un semestre à Pau, et mangeant à l'auberge, il y attaqua et rechercha assez légèrement un quidam breton qui se disoit peintre. C'était le soir à table, on se battit dans l'obscurité un coup d'épée porté par ce quidam atteignit un peu le coeur de son adversaire qui tomba roide mort sur la place. C'est par ce sinistre événement, donttoute la'ville fut consternée, que le premier des frères cadets succéda. Il ne fut pas longtemps à prendre pour femme une demoiselle de Guirauton, très riche héritière, par laquelle sa fortune s'accrut de 200 mille livres. Il la réalisa le plus vite qu'il put, vendit les biens fonds,


leva des créances, en joignit le résultat à ce qu'il avait, qui étoit tout mobilier, et ayant formé par là un gros portefeuille, il s'attacha à le faire valoir avec infiniment de soin .et d'industrie. Il s'est jeté depuis dans l'établissement d'une savonnerie à Pau et d'une fayencerie à Gan. Il avait pour associés de la fayencerie un sieur Hondagné l'aîné, personnage très connu par son esprit de litige un sieur Bonafon, de Gan, et je ne sais qui plus, mais c'est lui, M. de Blair, qui a fourni presque tous les fonds. Les seuls bâtiments reviennent à plus de 20 mille écus. On a fini par se brouiller, par plaider, et d'ailleurs l'entreprise en soi a tourné si mal, que je crois qu'elle est entièrement tombée. Celle de la savonnerie n'a 'pas été plus heureuse après y avoir enfoncé beaucoup d'argent, on a dû l'abandonner. Ces derniers échecs ont fait au portefeuille une assez forte brèche, néanmoins il est encore cossu.

Le second frère, placé à Bordeaux chez le maréchal de Richelieu, gouverneur de la Guienne, en qualité de lieutenant de ses gardes, a vivoté assez longtemps de cela et d'industrie, soutenu de quelque protection. Nous avions à Pau une courtisane nommée La Recoupé. Elle y débuta par avoir le marquis de Casaus, procureur général, le plus dupe des galants et le


plus fait pour l'être. Elle en eut 10 à 12mille livres destinées à lever une boutique de marchande de modes cette destination fut mal remplie. Elle grugea l'argent et gagna furtivement l'Espagne, accompagnée du chevalier de Blair, qui, revenu à Pau, l'avoit vue et passionnée au point que leur mariage en fut la suite. Plusieurs caisses, où les marchandises avaient été enfermées, étaient du voyage. On se hâta de courir après on les atteignit dans la route d'Oloron à Saragosse. On les ramena les fugitifs trouvèrent moyen d'échapper. Jaca, petite ville frontière d'Espagne, fut le lieu où ils aboutirent, et où la bénédiction nuptiale leur fut impartie.

De ce mariage naquirent deux filles déjà grandes. L'une est auprès du vicomte de Navailles, qui a soin d'elle, et qui, par testament, lui a légué 15 mille livres. L'autre, recueillie par les Jasses, dont les Blair sont un peu parents, est au couvent de Sainte-Ursule, où l'on pourvoit à ses besoins.

Le père, immédiatement après son mariage, revint à Pàu à l'occasion d'un procès des plus désagréables intenté par les créanciers de sa femme, où il eut à repousser des imputations de complicité, d'évasion et de fraude. Il s'en tira. Les deux passèrent à Paris; ils parvinrent, grâce au vieux maréchal, à


obtenir, sous la sauvegarde tacite de la police, une maison de jeu. Ils l'eurent deux ans, et, si eux-mêmes n'eussent pas été dévorés de cette passion, et s'ils eussent sçu économiser, l'aisance de toute leur vie était assurée. Enfin le'trop de scandale s'en étant melé, cette ressource cessa. Une rupture violente entre le mari et la femme sur des démélés d'intérêts suivit de près. On plaida avec fureur; des centaines d'imprimés parurent, on se diffamoit réciproquement. Quelle en a été l'issue ? je l'ignore. Je sais seulement qu'il y a déjà quelques années qu'on n'entend plus parler de rien, et que nous avons le chevalier sédentaire à Pau. Je crois la femme à Dax.

Quant aux demoiselles, soeurs de ces Messieurs de Blair, toutes deux très aimables, la cadette, mariée au baron de Lateulade (bon gentilhomme, issu d'une ancienne famille de la Chalosse), ne survécut que 9 à io mois sans laisser d'enfants. L'aînée, attirée à Saint-Germain par une de ses parentes, ou pour mieux dire, par une des parentes de M. de Boisemont, y est encore, quoiqu'elle l'ait perdue, et a, grâce à ses bienfaits, de quoi s'y soutenir sur un pied très honnête. Il y a quelques années que M. de Boisemont est mort.



D'ESPOURREINS.

C'est une famille. établie en Bigorre dans la vallée d'Argelès, mais qui, par le mariage de l'ayeul du chef actuel avec une héritière de Béarn, nous est assez affiliée .pour que je croie pouvoir l'associer à mes articles. C'est, à tous égards, une conquête qui en vaut la peine, ne fût-ce qu'à cause des chansons béarnaises du dernier mort, qui sont et qui seront éternellement dans toutes les bouches. C'est pour les pensées, le sentiment et l'expression, et non moins pour les airs que lui-même avoit également transposés, tout le tendre, lepassionné, l'agréable, le fin et le joli de la langue italienne. >

Cet homme était le plus heureusement né. Il s'étoit d'abord destiné pour l'église. Il avoit fait sa théologie, dont il n'est aucun point sur lequel il n'eut toujours pu depuis entrer glorieusement en lice, même avec des docteurs. Ce fut avec le même succès qu'il étudia ensuite la jurisprudence et les belles-lettres. Il excelloit dans tous les exercices du corps, plus particulièrement à l'escrime: Dans la société, personne


n'avoit des Inanières plus aisées, un meilleur ton, et n'y portoit plus d'honnêteté, d'esprit, de connaissances et d'agrément.

Il s'étoit fixé avec sa famille sur une montagne dans la vallée qui mène à Baréges et à Cauterets. Ce séjour, par sa situation, par une maison gracieuse et commode, assortie au dehors de tout ce qui peut achever de la rendre telle, le mettoit à portée de voir aisément, chaque année, les étrangers que les eaux minérales attiroient, et d'acquérir des droits à leur reconnoissance et à leurs éloges..

Il est mort laissant deux filles très-bien établies, et un fils, marié depuis peu avec Mlle de Laugar, soeur de Mme S., ma belle-sœur.

Ce n'est pas sans peine qu'à la demande de mon fils, je parvins à me procurer les délicieuses chansons dont j'ai parlé ci-dessus. Il n'est pas jusqu'à sa famille je fis écrire inutilement, tant on avoit été peu soigneux de les conserver. Il me fut impossible d'atteindre au recueil complet, mais peu de chose y manque. Un mérite assez rare du recueil qui passa entre les mains de mon fils est d'être très-exact, et dans presque tous les airs fidèlement notés et une version non moins fidèle du béarnois en françois.

Le savant Palassou avoit recueilli de M. Despourrins, juge au tribunal de Tarbes en 1826, les renseignements suivants


Cyprien d'Espourrins naquit à Accous, vallée d'Aspe, en 1698, de noble Pierre d'Espourrins et de dame Gabrielle de Miramon, son épouse. Il y fut ondoyé. Il reçut le complément du baptême à Aast, arrondissement d'Argclès, en janvier 1699- Cette famille aclieva d'y porter, en 176 5, son domicile et sa fortune. Elle vendit la maison patrimoniale à Bois-]uzan, d'Oloron. Cyprien eut deux frères et une soeur morte jeune.



LE CHEVALIER DE BELA.

Quoique né à Mauléon, capitale du pays de Soule, d'où sa famille est originaire, des biens acquis en Béarn, trente ans de domicile à Pau, une résidence continuelle ici ou là, lui orit acquis le droit d'adoption. J'ai cru, en conséquence, que, parmi mes articles, je devois lui en accorder un.

Si je ne m'attache qu'aux traits prononcés de son visage, à sa structure, à sa démarche, à son air, à son port, rien au monde de'plus martial mais si malheureusement je pénètre jusqu-à son coeur, rien qui le soit moins. Les affaires qu'il eut à Paris avec les MM. de Saint-Cristau, de Dax, la retraite forcée qui s'ensuivit, ne l'ont prouvé que trop évidemment. Jusque là sa carrière avoit été brillante. Encore assez j eune, il obtint en 1745 deM. le maréchal de Saxe, généralissime de nos armées, l'agrément de lever, sous le nom de Royal Cantabre, un régiment tout composé de basques. Il mit horriblement à profit la très-grande affluence de suj ets qui se présentèrent pour y avoir de l'emploi. La manière dont ils les rançonna,


alla jusqu'au scandale et fut assez publique dans le temps.

Disgracié et réfugié en Béarn avec une veuve qu'on nommait 1VL°'~ Chàlois, à laquelle il passoit pour être lié par quelque mariage clandestin leur manière de vivre y étant d'ailleurs assez analogue il entreprit une Histoire des Bas~ues.

Il est homme d'esprit, et s'étoit procuré en livres, titres, mémoires, documents, tous les secours possibles. Son travail terminé,il voulut lui donner les honneurs de la presse; le lambinage de Daumon, imprimeur, auquel il avoit remis ses feuilles, ayant fini par l'impatienter, il les reprit mais pour que le fruit n'en fut pas perdu, il les livra à un dom Sanadon, alors bénédictin, suj et aussi peu estimable qu'on puisse l'être. C'est dans ce manuscrit que ce moine a puisé de quoi composer l'Essai srcr la~noblesse des Basques, imprimé chez Vignancour. Le manuscrit a été, je crois" rendu au chevalier. Ce n'est rien moins que trois épais volumes in-folio si, comme il y a apparence, il est destiné maintenant pour ses héritiers, je doute que ce soit la partie de sa succession la mieux choyée.

Cette succession sera riche en immeubles, effets et argent. En attendant qu'elle s'ouvre, ils ont dans son. âge de plus de quatre-vingts ans uxie perspeçtiye-


assez propre à les consoler. Ceux de sang sont les Charrite-Bela, de Mauléon, c'est-à-dire que l'héritière de Bela, fille unique du frère aîné, épousa un frère cadet du président de Charrite actuel que de ce mariage sont issus des enfants auxquels la succession de Bela seroit naturellement le plus dévolue mais il est à craindre qu'elle ne leur échappe, il ne les aime pas. C'est une famille de Bela, établie quelque part en Espagne, qui captive toutes ses affections.-

Il y avoit à Paris un Lassale-Bela qui y mourut immensément riche. C'étoit un frère bâtard du chevalier

s

de Bela, auquel il légua par testament une rente viagère assez considérable. Il en usa de même à l'égard d'un curé de Pomps, frère de ce dernier, et de la demoiselle de Bela, leur soeur. Ce fut très à propos pour celle-ci que j'avois vue végéter à Pau assez misérablement. C'est à ce même Lassale que le pays de Soule est redevable du legs d'une rente du capital de 3 00 mille livres placées sur les Etats de Bretlgne pour l'établissement et l'entretien d'un. collége public et gratuit à Mauléon, en faveur des Basques Souletains.



C'étoit une ancienne famille bourgeoise de Lescar. Elle avait eu des religionnaires. J'ai trouvé qu'en 1629 notre Chambre des Comptes vérifia un appointement à vie de 480 livres en faveur de Jean de Fondeville, de Lescar, ministre converti. Cettefamille s'estéteinte pour les mâles par quelque chose de mieux qu'un ministre, c'est-à-dire par un chanoine du même nom. Elle" a fondu par le mariage d'une de ses soeurs chez le sieur Capuran, oncle maternel de M. F. de B., oncle désordonné, ruiné, marié deux fois la première avec cette soeur dont il ne reste qu'une demoiselle de Capuran, fille déj à mûre, retirée à Jurançon dans une métairie, et destinée probablement à y consommer sa maturité sans devenir femme l'autre, avec sa servante, ayant de celle-ci plusieurs enfants qu'il envoie sans cesse ça et là avec des lettres mendiantes, les exerçant de cette manière à faire le métier de gueux en un mot, l'oncle le plus indigne d'un neveu du plus rare mérite. Vainement, ce dernier qui ne respire qu'honneur, délicatesse, bonté,bienfaisance,

FONDEVILLE.


a-t-il voulu l'arracher de cette crapule, en lui donnant des secours, en retirant chez lui un de ses enfants, en le fesant élever et lui offrant de contribuer à l'éducation des autres. C'est un vieux misérable incorrigible, il mourra comme il a vécu.

Le père du chanoine étoit un médecin aimable et plein d'èsprit. Nous avons de1ui, en idiome béarnois, dont il possède toute l'énergie, toutes les finesses, plusieurs pièces de poësie. Il était vraiment poëte et le seul à verve que nous ayons eu. Tous ses ouvrages sont intitulés Pastorales. Il seroit naturel d'en induire que ce sont des conflits d'amour. champêtre entre bergers et bergères, qui, le cœur rempli de tendresse et de jalousie, font à qui 'mieux mieux. Point du tout c'est, du moins dans ce que j'en connois, un poëme épique sur le huguenotisme que Jeanne d'Albret, reine de Navarre, comme on sait, établit en Béarn, et .des dialogues sur les divers états qu'on peut embrasser, et sur le meilleur choix. Ce poëme dont j'ai oublié l'intitulation est manuscrit. Le reste est imprimé, mais mal et chargé de lacunes et de fautes. Je m'étois.-procuré le tout avec assez de soin et de peine. Je l'ai remis à mon fils.

Il y a dans le poëme un peu trop de controverse, ce. qui en bien d'endroits m'a paru le refroidir. L'his-


torique y est même suivi un peu trop à la lettre, mais quelques morceaux sont pleins de feu et vraimentpoétiques, entre aut~es, dans le dernier chant, la description d'une horrible tempête qui réellement s'éleva, le j our même, que des commissaires de la reine Jeanne se rendirent à Lescar pour détruire et dépouiller les églises catholiques et établir, à la place, les temples et le culte des religionnaires.



LE PRÉSIDENT DE DOAT.

C'était un homme d'infiniment d'esprit, magistrat habile, éclairé, mais dangereux et d'une lubricité scandaleuse. Elle lui valut la vérole, et la vérole; quoiqu'il eut un superbe nez, lui en enleva à peu près les trois quarts. Il était volontiers conteur, et ses contes étoient des choses extraordinaires, souvent dénuées de toute vraisemblance.

J'ai parlé de sa paillardise, elle ne le quitta qu'au tombeau. Je le voyois assez fréquemment, je ouissois de son amitié. Je n'allois jamais chez lui sans que je n'y trouvasse quelque jolie fille. Un jour entre autres (il avait quatre-vingt-quatre ans) l'ayant surpris dans l'exercice d'un jeu qui passoit le tâtonnement, j je me retirai, et fis, chemin fesant, le quatrain que voici Dans son tête à tête avec Lise,

Ce vieux paillard ne fait-il rien 1

S'en tient-il à quelqu'entretien

Non, vraiment 1 il la cl.rise.

Cette famille est éteinte. Elle est tombée en que-


nouiile sur la tête de ce dernier qui n'avoit que deux filles, dont l'une fut mariée au marquis de Lafitole, d'abord lieutenant-général au sénéchal de Tarbes, puis président à mortier au parlement de Pau. Il eut de vifs démêlés avec les Etats de Bigorre à l'occasion d'une baronnie qu'il avoit acquise et qui donnoit droit de siéger au premier banc. Il falloit être gentilhomme, et cette qualité lui fut disputée, pas sans raison. L'affaire s' engagea .~u conseil du Roy. On y produisit contre lui des mémoires très bien faits et très mordants. Elle y fut longtemps débattue l'arrêt qui survint lui donna gain de cause, mais occasionna un règlement d'après lequel, pour pouvoir être admis dans cette assemblée, comme membre du corps de la noblesse, la preuve de quatre degrés du côté paternel étoit indispensable.

C'est de l'office du président de Doat, son beaupère, que M. de Lafitole fut pourvu. Ce même office passa sur la tête son fils, marié à une demoiselle de Lusignan, sœur de Mme de Pomps et de la jeune Mme d'Esquille toutes lès' trois nièces du fameux Laborde, banquier de la cour, à qui elles doivent leur établissement.

Les Doat étaient originaires' de Nérac. Ils avoient figuré avec distinction dans la Chambre des Comptes


pourle Domaine de Navarre, quenos.souverains béarnois y avoient établie, qu'ensuite on transféra à Pau, et qui, vers la fin du XVIIC siècle, fut réunie au Parlement. C'est par là que le dernier Doat devint président à mortier. Sa fille cadette eut pour mari un gentilhomme du côté de Langon, nommé La Chaussée. Il se chaussa mal. Elle n'étoit" pas belle.



SAINT-X.

C'est un scélérat, plein d'esprit, qui, même dans plusieurs occasions, où ses escroqueries et friponneries l'ont exposé à manquer de coeur, a prouvé qu'il n'en manquoit pas.

Impliqué, à la fleur de son âge, dans une vilaine affaire, où il ne s'agissoit de rien moins que d'ordonnances munies de faux seings sur des dépositaires des deniers du fisc, il dut aux puissants protecteurs que son père sçut se procurer, de sortir des prisons du Châtelet de Paris à la faveur d'un enrôlement, et d'échapper par là au sort de ses complices qui furent pendus. Une prompte désertion lui ayant fait mériter de nouveau la corde, il passa en Allemagne chez le landgrave de Hesse-Darmstadt, s'y destina encore au service, et eut le secret de se rendre agréable au prince, au point que trois ou quatre campagnes d1ns la guerre de 1745, fameuse par la bataille de Fontenoy, le conduisirent au grade de capitaine. La guerre finie, il fit agir vivement en France pour avoir ses lettres de grâce, on les lui accorda. Il arrive aussitôt à Paris.


Le même esprit de manége et d'intrigue le servit encore à souhait auprès d'un de nos grands le plus en faveur. C'étoit le prince de Soubise, qui lui donna de l'emploi dans les gendarmes de la garde, dont il étoit capitaine-lieutenant; il lui fit avoir peu de temps après la croix de Saint-Louis.

Depuis lors que de métiers abominables dans les principales villes de France et particulièrement à Paris! Que de prostitutions de tous genres Que de gens de toutes conditions et de tout âge, entraînés dans des parties de eu, chambrés, amorcés, dépouillés, ruinés Que de femmes d'un état honnête, même d'un nom distingué, séduites, corrompues, enlevées à leurs maris, induites à les voler, emportant argent ou bij oux, des sommes considérables

J'en citerai, entre autres, deux, d'un ~.ge mûr, depuis longtemps mères de famille, et dont la conduite sage et vertueuse ne s'étoit jamais démentie. Poursuivies, arrêtées, une clôture sévère devint leur partage. M. P* mari de l'une d'elles, étoit directeur des Domaines à Auch. C'est là qu'elle fut induite à profiter d'une absence de vingt-quatre heures qu'il fesoit sans elle elle força sa caisse et y prit 15 à 20 mille livres, avec lesquelles son corrupteur et elle disparurent. On courut après il échappa nanti du


butin. Elle fut moins heureuse, on se saisit d'elle, on l'enferma dans un couvent, d'où elle n'est sortie qu'à son veuvage: Lors de l'équipée, il y avoit déjà près de vingt ans que, comme n1ère, elle jouissoit de la meilleure réputation, et ce n'étoit pas assurément par la circonstance de neuf ou dix enfants issus de ce mariage, que cette réputation paraissoit devoir être en danger. Néanmoins l'événement, ainsi qu'on a pu en juger, n'a que trop établi le contraire.

L'autre dupe et victime de ce malheureux fut la femme de M. de Vernage, homme de qualité et officier dans les gendarmes de la garde. C'est à Plris que la scène eut lieu. Un commerce qui joignoit à l'opprobre du libertinage celui du tripot de jeu le plus effréné, entraîna la vente d'un écrin de grand prix. Aussitôt qu'on s'en aperçut, la police fut avertie et mise en mouvement, mais pas encore assez vite puisqu'on trouva que le scélérat s'était enfui avec tout l'argent. Mme de Vernage fut seule arrêtée. Il passa en Angleterre, jugeant que quelques années de refuge dans ce pays-là auroient affoibli l'impression de ses turpitudes, dont je n'ai pas rapporté la millième partie, et qui, recueillies en entier, feroient un volume énorme.

Il crut pouvoir gagner la France. Il s'embarqua en


conséquence à Londres, il aborda à Bilbao. Il y séjourna quelque temps. Il parvint, à la faveur de mille impostures et du concours que nombre de François, qui y étaient établis, lui prêtèrent plus que généreusement, à tromper une des premières maisons de la ville. Un Béarnois, très-considérable" de. l'humeur la plus obligeante, mais animé de l'aversion la plus inflexible à l'endroit des coquins, fut inutilement sollicité. Lorsqu'on vint à lui pour des témoignages sur le compte de celui-ci, dont l'audace s'étoit portée à demander en mariage Mlle X., soeur d'un officier général de la marine espagnole, fille de naissance pleine de vertus et de mérite, et dotée d'environ mille livres, il répondit ne pas le connoître, trente ans de résidence presque habituelle en Espagne lui ayant rendu le Béarn presque étranger. On eut beau s'y prendre de toutes manières, parce qu'en effet les parents de la demoiselle, auprès de qui il ouissoit de la plus grande considération, témoignoient que de tous les les François, c'étoit celui qui avoit le plus leur confiance, on ne put obtenir qu'il en dît davantage. Le mariage n'en eut pas moins lieu. Ce fut un vrai prestige, et à tous égards un mariage inconcevable. On suppose que la croix de Saint-Louis préjugeoit suffisamment pour le personnel, et l'idée qu'il donna de


ses possessions en Béarn, offrant des fiefs de distinction et d'un gros revenu, on le crut sur parole. A propos de mariage, je n'ai pas dit tout mais le moyen avec un personnage dont la vie offre un enchaînement d'aventures plus révoltantes les unes que les autres.

En voici une, certainement très-digne de n'être pas omise. A l'époque, où, de retour d'Allemagne, somptueux en voiture domestiques, linge, habits, bijoux, il s'empressa de venir étaler tout ce luxe en Béarn, et frapper d'étonnement ses compatriotes, nous avions à Pau une demoiselle de dix-sept à dix-huit ans, seul enfant que M. d'O., bon gentilhomme, eut eu d'un second mariage très-désassorti. La mère et la fille s'étoient retirées en qualité de pensionnaires au couvent de la Foi. Le sieur Saint-X. qu'elles connaissoient assez, leur fesoit assidûment la cour. Il se proposa pour mari de la jeune personne dont le bien étoit peu de chose la demande fut accompagnée de tout ce qui devoit la faire envisager comme un bonheur rare. Aussi fut-elle d'abord accueillie. Les fiançailles faites, on convient d'épouser dès que le trousseau seroit prêt on écrit à Paris les étoffes, les bij oux tout arrive. Les bij oux sont aussitôt offerts et acceptés de même. Il ne s'agissoit plus que des robes. La couturière travailloit à force.


Le jour de la cérémonie étoit déjà fixé, lorsque justement, l'avant-veille, ane étrangère, se disant Mme de Saint-X., nièce d'un chanoine de Liége, débarque à Pau avec deux enfants, se présente en ustice, déclare que Sailit-X. est son mari, que ces deux enfants sont le fruit de leur union, en produit la preuve légale, réclame ses droits et les leurs, et donne lieu par cet incident, si peu prévu, à la rupture soudaine de cette bigamie.

Lorsqu'elle eut rempli son objet, elle dédaigna de rester près d'un indigne époux et d'un plus indigne père, et retourna à Liége oii le secours de ses parents, au-dessus d'un état ordinaire par leur naissance et leur fortune, lui étoit assuré. Le chagrin abrégea ses j ours.

Elle mourut cette même année, trop tard pour qu'il pûtrenouer avec Mlle d'O. qui, dans l'intervalle, avoit pris un mari, mais assez tôt pour que Mlle X. ait eu ensuite le malheur de le voir devenir le sien. Je reprends Mme de Vernage le moment de son veuvage fut celui du retour de son entière liberté le premier usage qu'elle en fit, fut de se rapprocher de ce scélérat, d'acquérir pour gendre son fils aîné, suj et presque nul au moral, et en cela bien supérieur au père qui n'en a que d'exécrable, mais su-'


j et encore plus dénué de fortune que de mérite, et ainsi de sacrifier à sa vile et misérable passion une fille unique, qui, de toutes manières, avoit droit d'aspirer à un bien meilleur sort. Si l'idée d'un lien incestueux me fesoit moins d'horreur, je devrois ajouter que, d'après l'opinion commune, celui-ci est entre frère et soeur. Pourquoi faut-il que j'ajoute encore que ce monstre est un Béarnois

Passons maintenant à son origine On jugera par ce que je vais en dire qu'il n'est pas tout à fait inutile qu'elle soit tirée au-clair.

Parmi les membres du Conseil Souverain, qui, en 1573, l'étoient aussi du Conseil Ecclésiastique de la religion P. R.'«) étoit un Saint-X.

En 1593, je trouve encore un Saint-X., parmi les j urats de la ville de Pau, nommé à l'assistance du sieur d'Auture, juge du Sénéchal.

J'observerai ici par occasion que de celles, de nos familles qui ont quelque lustre de l'ancienne magistrature béarnoise, il en est peu qu'on puisse faire aller de pair avec nos d'Auture.

Le chef actuel, veuf d'une héritière de Monclus, médecin de la vallée d'Ossau, dont le père fut en proie à la terrible v engeance des habitants, pour s'être chargé de l'exécution rigoureuse d'un édit fiscal, et


eut la tête écrasée avec des pierres dans le bassin de cette fontaine qu'on remarque le long du chemin royal, tout près du village de Laruns, a succédé du chef de cette héritière aux biens des Montengon de la vallée d'Aspe. C'est de là que lui est venue la terre de Barzun à quatre pas de Pontac, et une très grande augmentation de bien-être. Ce bien-être s'est encore fort accru par la mort de M. de Courréges, baron de Doumy, son oncle maternel, qui, n'ayant pas d'enfant, l'a, au préjudice de ceux du chevalier de Courréges, son frère, marié à Monein avec l'héritière de BadetPlaisance, institué héritier de tous ses biens libres. Indépendamment d'une maison à Pau, à la vérité vieille et délabrée, mais d'ailleurs préférable à toute autre par l'étendue de l'emplacement et le plus beau site, il a eu en mobilier et surtout en argenterie une valeur très considérable, et il -aura encore un jour la terre de Sauvagnon, dont la jouissance viagère est acquise à M~e de Faget-Doumy, veuve du testataire. Ce n'est pas, comme on voit, sans quelque raison, si ces défalcations ont déplu infiniment aux BadetPlaisance, et par contre-coup aux Noguès-Gerderest chez qui une nouvelle héritière, fille de la première, a été mariée depuis peu. Il est aisé de conclure d'un grand procès engagé sur le testament et des droits q nc


l'héritier de sang oppose en vertu d'une substitution, que ces divers intérêts ne se concilieront pas de sitôt. Le père de notre d'Auture étoit homme de beaucoup d'esprit et d'une société très agréable jusqu'à l'âge d'environ soixante ans, qu'il quitta le monde et ne songea plus qu'à Dieu

L'esprit et l'agrément sont ce qu'on retrouve Je moins dans le fils. Il en est aussi dépourvu que l'ayeul, qui l'étoit autant qu'on peut l'être, et qui n'en vécut pas moins très sain et très robuste jusqu'à près de cent ans. C'est, ce me semble, une compensation que la nature accorde volontiers aux têtes peu pensantes et aux âmes engourdies. Les facultés intellectuelles de notre d'Auture se concentrent dans l'extrême économie avec laquelle il administre et entasse pour ses enfants.

Revenons aux Saint-X. Le Conseil Souverain de Béarn a eu aussi un procureur général de ce nom. Je ne sais si tous ceux-ci n'étoient pas originaires du Labourd, et propriétaires d'une terre de ce nom, située vers Bayonne. Du moins sais-je que leur famille a fondu chez Lons, par le mariage de l'héritière de Saint-X. avec Jean de Lons, en faveur de qui lareine Jeanne érigea la terre de Lons en baronnie. Notre Saint-X. actuel, à qui les fripontieries de


tous genres sont également bonnes, se coëffa, en 177 5, de celle de persuader et prouver qu'il descendoit de ces anciens Saint-X., avec lesquels il n'avoit d'autre rapport que la similitude de nom. Il COlnmença par rassembler le plus qu'il put de titres relatifs, soit au trésor des chartes du château. de Pau, soit ailleurs. Il en forma une grosse collection, ensuite il fit choix d'un notaire F., aussi inepte qu'avide d'argent et corruptible. Il en eut tous les vidimus qu'il désira. Il ourdit là-dessus une filiation mais, comme, malgré tous ses efforts, elle offroit encore une louche qui le chiffonnoit, il crut devoir la renforcer du témoignage de nos officiers des Etats commissaires du Roi, barons, syndics et autres principaux membres et de celui de ,nos Messieurs du Parlement. Il leur présenta les certificats à signer le moment étoit propice. La réintégration du Parlement avoit jeté un tel enthousiasme dans le coeur et dans les esprits, qu'avec le -seul mérite d'avoir un peu extravagué de j die sur cet évènement, il n'étoit rien qu'on n'obtînt. C'est par là que ce coquin apprécié de tous les temps, comme il devoit l'être, et voué à la réprobation générale, ne parut plus qu'un compatriote digne de faveur et que les certificats furent signés aveuglément. M. de Noé, évêque de Lescar, et M. de Saint-Saudens, conseiller,


furent, je crois, les seuls qui refusèrent net. Le premier répondit qu'il n'attestoit de cette manière que des choses authentiques et claires l'autre, plus ferme et plus roide, qu'il ne se prêtait pas à des mensonges absurdes.

La brillante généalogie qu'on venoit de faire ne se ressentant que peu d'un si léger vide, on part aussitôt pour Paris. Quels furent la suite et le succès ? C'est ce que j'ignore, mais en revanche, j e sais très bien que notre Saint-X., originaire du village d'Arance, avoit pour père un simple bourgeois qui s'honoroit beaucoup de la qualité de capitaine dans les Bandes Béarnoises, avec je ne sais quel brevet à la main, ne fut jamais honoré de la croix de Saint-Louis, et à quel titre l'eût-il été ? Je l'ai beaucoup connu chez mon grand-père, où il venoit pour des parties de chasse.

A la mort de cet homme, le fils, en l'absence de M. d'Arros, seigneur d'Arance, et au préj udice de ses droits, extorqua du curé et des jurats du lieu, pour l'inhumation, la sonnerie des gentilshommes et la sépulture dans l'église avec une tombe armoiriée. Les agents de M. d'Arros se pourvurent au Parlement contre cette entreprise elle fut promptement proscrite par un arrêt du Parlement qui permit l'en-


lèvement de la pierre et l'exhumation du cadavre pour être transporté au cimetière. Amende, dépens, rien ne fut omis et c'est nonobstant une humiliation aussi peu équivoque et aussi solennelle, consignée dans les registres du Palais, que l'on a osé tenter de prendre rang dans un nobiliaire par les moyens que j'ai dit. Mais quel est le degré d'impudence et d'effronterie dont on ne soit capable

Un des traits les plus caractéristiques, et c'est le dernier que je rapporterai, car à vouloir aller jusqu'au bout, ce seroit à rie pas finir, c'est l'aventure d'un superbe diamant, dont le feu président de Charrite s'étoit dégoûté.

Les Charrite sont les meilleures gens du monde ils ne voyent guère dans l'âme des autres que ce qui est dans la leur, si pleine de droiture, si loyale et si vraie. Leur bonhommie là-dessus est telle que toute la mauvaise réputation de notre aigrefin ne put empêcher qu'il ne parvînt jusqu'à eux, et que même il ne s'ancrât dans leur amitié et dans leur confiance. C'est à lui que le président eut recours pour la vente du diamant, dans l'objet d'en tirer un bien meilleur parti.

L'affaire se traita tête à tête; personne, même dans la famille, ne fut du secret. On avoit allégué et fait


accepter de prétendus motifs de délicatesse qui l'exigeoient de même. C'est ainsi qu'on prépara et qu'on crut mieux assurer un accord frauduleux avec une Mme Laran,. femme de chambre d'abord.' de ,MUe. de Capdeville, qui épousa un La Rochefoucaut, puis des demoiselles de Bordenave, non moins connue sous le nom de J~Cayquise, sobriquet que sa fatuité et son air d'importance lui avoient procuré. Elle fut censée avoir acheté le diamant. Il valoit plus de mille écus. Le président en eut 5 0 louis, et se persuada aisément qu'on lui avoit fait faire un marché d'or. Le marché fut un fonds pour le sieur Saint-X., à qui le diamant étoit resté. L'ayant vendu à quelque temps de là, avec un double ou triple profit, il ne put agir assez adroitement pour que cela ne fût sçu, ne se répandît, et ne lui attirât de la part des Charrite de vifs témoignages d'indignation et un congé d'éclat. Il les a regagnés, et est encore vu d'eux trois, même du très austère abbé, du même bon oeil. C'est un véritable ensorcellement.

Cet insigne coquin a, dit-on, fait sa vie. Il s'est même plu à en lire quelques lambeaux. Il se gardera bien, à coup sûr, d'imiter Jean-Jacques, de s'y montrer à nud, de vouloir que ce soit sur sa vraie confession qu'on le juge.


Quelque étendue que, par mes divagations, j'aie déj à donnée à cet article, je ne tennin~rai pas sans acquitter ma promesse à l'égard de Mlle d'O., qui échappa, comme par miracle, à la bigamie de ce scélérat. J'ai dit qu'elle s'étoit mariée à M. L. d'Orthez. Elle se trouve à Paris établie dans une position prodioleusement àu-dessus de ce que naturellement elle devoit attendre c'est pour en marquer les chances incroyables que je reprends sa mère. Elle étoit de la famille T. d'Orthez, tante de tous les T. actuels leur père étoit un marchand de très peu de renom. Jeune et pourvue de tout ce qui donne du piquant aux attraits d'une très jolie@ brune, annonçant des besoins assez vifs, et de ma- nières à en allumer qui l'étoient peut-étre encore davantage, elle avoit droit à .beaucoup d-amants mais l'affaire étoit ..d'avoir un mari. Elle le trouva dans M. A. de C., seigneur d'O., qu'une première femme avoit rendu père de feue M~e de Camblong et conséquemment ayeul de notre bonne marquise de Jasses. Il décéloit par son second mariage plus de tempérament que de discernement. Il n'eut qu'une courte jouissance, leterme en fut un coup de fusil. Il fut tué dans sa terre d'~0., par des chasseurs qu'il avoit abordés et menacés assez imprudemment. Une sin-


gularité révoltante que je ne tairai pas, c'est que l'un d'eux étoit M. L., de la ville d'Orthez, et que son fils aîné est justement celui dont Mlle d'O. est devenue la femme.

Achevons la feue femme d'O. sa belle-mère, dont la destinée offre un des exemples frappants que tout ici bas, en bien ou en mal, dépend assez peu de nos qualités morales, bonnes ou mauvaises, et n'est guère jamais que hazard. Veuve, avec assez peu de fortune, elle se retira à Pau, au couvent de la Foi. Elle y éleva sa fille.

Elle sortait seule assez fréquemment. Feu M. de Batsalle, conseiller, se tenoit dans cette maison noble et isolée, derrière le jardin du collége, et qu'on nomme le Fréchou. Il l'y attiroit le plus qu'elle pouvoit, c'est là qu'elle connut M. de Belsunce, neveu de M. de Batsalle, et de si près, qu'elle en eut un enfant..Cet enfant est le sieur M. devenu procureur au Parlement, à qui ses lumières et sa probité procurent à juste titre beaucoup de clients, et de ceux l es plus faits pour l'apprécier. Le père l'a fait légitimer il le lui devoit non seulement en raison d'un sentiment de justice, sans lequel l'amour paternel n'est jamais bien libre de quelque remords, mais encore par tout ce qu'il n'avoit cessé d'en éprouver de secours affec-


tueux et de services réels dans toutes ses affaires. Dans les lettres de légitimation, la mère n'est point nommée. Elle y est simplement désignée comme demoiselle. J'avoue qu'en les lisant, cela m'étonne, je n'eusse pas cru que pour un pareil fait l'anonymité fut praticable.

Si maintenant l'on est curieux de savoir quel est ce Belsunce, je dirai que c'est le seigneur actuel d'Idron; enfin une branche des Belsunce de Navarre. Il a été marié deux fois la première, avec une demoiselle Larrezat d'une bonne famille bourgeoise de Bayonne. Elle mourut, il y a trois ans, et voulut qu'un testament très favorable, et dont il lui est revenu plus de cent mille livres, le dédommageàt d'avoir grandement et laborieusement travaillé à la rendre mère sans aucun succès.

Sa seconde femme est uné demoiselle Laborde. Elle a mieux répondu à ses doux efforts. Quand je dis doux c'est qu'étant septuagénaire quand il l'a épousée, il est vraisemblablement assez amendé pour que je sois dispensé de supposer mieux. En bon compte, elle est enceinte, ou même accouchée. Je désire que ce soit d'un garçon car c'est un honnête et franc chevalier françois que j'aime beaucoup. Lors du dépôt dont la veuve d'O. lui fut redevable,


et qu'elle tenoit fecélé dans ses inchastes flancs elle savoit si peu que devenir et s'oublia si obstinément au couvent de la Foi, que, sans l'avertissement donné aux religieuses par une lettre anonyme, elle seroit accouchée sous leurs yeux. Il n'y eut exactement que deux jours d'intervalle entre sa sortie et sa pénible tâche. On conçoit l'esclandre et à. quel point ce fut bien vite la nouvelle de la ville et de la province. On étoit donc, assurément, très loin de deviner, dans c~ moment là, que, deux ou trois ans plus tard, une grosse flamande, de même aloi, sauf qu'elle étoit blonde, viendroit à Pau s'en faire une amie, et lui ménager, sans s'en douter, une fortune que tout concourt à rendre incroyable.

Cette femme étoit veuve d'un officier béarnois nommé M. de Lassalle. Elle l'avoit épousé à Lille où il étoit maj or de la cita.clelle. Ils n'eurent point d'enfants. L'exécution d'un testament par lequel il l'avoit instituée sa légataire universelle, fut ce qui l'amena en Béarn, à l'occasion d'un joli fief assorti d'entrée aux Etats, de quelque portion de dixmes et d'un bon domaine qu'il possédoit au village de Bérenx. Ayant terminé ses discussions avec l'héritier de sang, elle disposa son départ. L'étroite liaison qui s'étoit formée entre elle et la dame d'O. ne leur permit pas de séparer


leurs charmes, et leurs goûts respectifs leur firent envisager un sort des plus heureux, et elles convinrent d'avoir tout en commun. Elles ne tardèrent pas à 'éprouver qu'entre femmes d'un appétit aussi vif que le leur, la chose n'étoit pas aisée.

Le feu chevalier d'Esquille, garçon tout-à-fait aimable, qui les voyoit beaucoup et dont elles raffoloient à l'envi, étoit dans les mousquetaires et touchoit au moment de devoir aller servir son quartier. Elles le désolèrent pour partir avec elles, il y consentit. Il était très bon à entendre sur toutes les circonstances de ce voyage 1 On commença par lui déclarer qu'un lit suffisoit. On lui fit occuper le milieu c'est de là que sa tactique s'exerçoit successivement à droite et à gauche, toujours trop peu à leur gré, nàais toujours aussi beaucoup trop au sien. Enfin, on arrive à Paris. Il se voua bientôt à une désertion que le besoin de réparer ses forces épuisées ustifioit de reste. Comme elles étoient en bon lieu pour quelque retnplacement, leur activité ne fut pas sans effet. Un sieur Colin de Saint-Marc, receveur général des Fermes, connaissoit Mme de Lassalle, et cherchoit à oublier quelquefois dans ses bras la fatigue et l'ennui de la vie la plus occupée. La dame d'O., qu'il rencontroit chez elle, lui plut davantage. C'étoit une esp'èce d'ours


dont l'amour s'expliquoit et agissoit assez sans façon. La daine de Lassalle fut délaissée elle s'en prit à sa rivale dans les termes les plus outrageants. Elle dev int furieuse et sa fureur n'eut plus de bornes, lorsqu'elle s'aperçut qu'il étoit question de mariage. Le chapelet qu'alors elle défila sur le compte de la dame d'O., les mémoires anonymes qui se succédoient, ne purent empêcher que, après quelques éclaircissements, pris uniquement de personnes apostées par cette dernière

et dont elle était bien sûre, n ne franchît le pas. B I B I. I T I i È Q U E Une singularité encore plus ran P ~s ~t'é~se sentiments ne se sont jamais m.

trouvant dans sa place de receveur général des Fen11es 'des sommes immenses de richesses pour lui et pour les autres, il les a répandues avec une générosité et même une profusion dont peut-être il n'y a jamaiseu d'exemple, sur sa femme et sur tout ce qu'elle avoit de parents qui lui tenoient de près. Il comfnença par attirer chez lui M. et Mme L et leurs enfants; indépendamment du logement et de la nourriture, il pourvut largement à tous leurs besoins. L'importance de sa gestion exigeoit qu'il eût sous lui quatre caissiers, dont le traitement n'étoit rien moins que i 5,000 livres, et qu'il étoit tenu de cautionner. Il


ne s'en tint pas à vouloir que L. fût l'un d'eux. Il lui attribua le luanîn1ent le plus considérable; ce qui, surtout dans une ville comme Paris, le mettoit à même, par l'emploi favorable des fonds, d'en retirer un très gros profit.

Que, dans cette position sept ou huit années d'exercice aient suffi au sieur L. pour dévoiler nonseulement à Paris, mais toute la France, le scandaleùx spectacle d'un vide de 15 à 16 cent mille livres, cela paroîtra incroyable; une circonstance encore plus frappante ettout aussi vraie, c'est que l'énorme abus de confiance de ce comptable, qui fut aussitôt arrêté et traduit à la Bastille, ayant excité l'indignation du gouvernement au point qu'un exemple terrible se préparoit, M. de Saint-Marc fit demander aux fermiers généraux assen1blés le bordereau exact du déficit, et le combla du soir au lendemain.

Ce qui aj oute au prodige de ce procédé, c'est que Mme de Saint-Marc ne vivoit plus c'est que, en mourant, elle laissa un portefeuille de 8 à 9°0 mille livres, et que, du consentement'de M. de Saint-Marc, Mmc L. en profita seule c'est que cette dernière qui depuis la mort de sa mère, dut céder au désir qu'on lui témoigna; qu'elle la remplaçât dans la direction de la maison et les soins "du ménage, désespérée du malheur


de son mari, dévorée. du plus noir chagrin, et touchée, comme elle devoit l'être, de la prompte tnagnanimité avec laquelle leur bienfaiteur avoit fait cesser ses cruelles alarmes, se jeta à ses pieds et le conjura d'accepter le portefeuille auquel il avoit permis qu'elle succédât, il répondit « Je n'en veux pas. Continuez à rester « auprès de moi et à me donner des preuves de votre « attachement, car le mien pour vous et vos enfants, « s'ils se comportent bien, ne changera pas. Quant à « votre mari qui me doit le recouvrement de sa li« berté, dites-lui qu'il sorte sur-le-champ de Paris et « qu'il n'y reparoisse jamais, tant que je vivrai. » En effet, il revint en Béarn, ayant l'air très-peu touché de son infortune, paroissant braver, avec plus que de la confiance dans le public et dans la société, ce que sa présence réveillait d'impression désavantageuse et le sentiment intérieur de sa honte'.

De trois fils qu'il a et qui sont ses seuls ènfants, l'aîné est bon sujet et celui-ci a une place de receveur général c'est-à-dire un état de plus de 3 0 mille livres de rente. Les deux cadets ne valent pas à beaucoup près l'aîné.

Il y a tant de faits extraordinaires mêlés à cet article, tant de choses si propres à exercer l'esprit le plus pr ofondément réfléchi sur les accidents fortuits de la vie,


que cela en justifiera, ce me semble, l'extrên1e longueur où j'ai été entraîné.

Je finis en observant que M. *de Saint-Marc, cet homme qui, comme bourru bienfesant, est trop peu caractérisé par la comédie de ce nom, cet homme qui, en effet, n'eut peut-être jamais de 1110dèle, est mort depu'i~ peu. J'ignore si son testament contient des dispositions où la reconnaissance de Mme L. ait encore quelque chose à voir, mais je n'en doute pas.


LE PRÉSIDENT DE CHARRITE.

Charrite est le nom d'une ~otestaterie du pays de Soule, érigée en marquisat par lettres-patentes de 1743, sur la tête de feue Mme Duplaa, femme du président Duplaa. Casamaj or est le vrai nom de famille de nos Charrite, des Gestas, du lieu de Rivehaute près Sauveterre, et des Jasses. Ce sont trois branches d'une même souche.

Commençons par en établir un peu ici l'historique. Leur premier ancêtre connu fut Guixarnaud de Casamajor, d'abord bayle et puis notaire à Navarreins, vers 1560. Son état de notaire étoit constaté par tout plein de minutes de contrats déposées aux archives de la ville, lesquelles feu M. le président de Jasses eut le crédit de faire enlever; cette preuve authentique et incontestable de son origine se concilioit trop peu avec son altière h~nlèur. Je dois d'ailleurs avouer, qu'à ce foible près; c'étoit l'homme le plus agréable de corps et d'esprit, et à tous égards le plus estimable. Guixarnaud, qui avoit aussi des qualités rares, et surtout beaucoup d'habileté, eut d'abord la çonfiance


de la maison d'Orthe cette maison possédoit dans la plaine du be~d~~rzr~ de Navarreins les terres de Viellenave, Araus, Araujuzon et Monhort. Guixarnaud, à la faveur d'une assez longue régie durant laquelle, soit par le fruit des sommes dont par ses comptes il se trouvoit en avance, soit par celles d'argent effectif prêtées et fondées sur des titres, devint insensiblement très gros créan_~i~r, et finit par se payer en acquérant ces mêmes terres.

Marié deux fois, et la seconde avec la soeur ou nièce d'un des membres du Conseil Souverain de Béarn, qui le flattoit et le relevoit, c'est de ce second lit que la branche des Jasses d'auj ourd'hui est issue. C'est aussi ce qui fit qu' elle fut bien plus favorisée dans le partage d'une fortune immense dont ce chef, à qui des circonstances heureuses procurèrent les bonnes grâces de nos princes ou princesses du Béarn, eut à disposer.

Il dut presque tout à la princesse Catherine, soeur d'Henry IV, que ce prince envoya en Béarn après la mort de sa mère, et qui, chargée du gouvernement, y eut la meilleure administration. Elle employa Guixarnaud, et il lui fut utile.

En 15 82, les habitants de Rivehaute s'étant chargés de tous les cens et tailles ordinaires et extraordinaires


dont il étoit tenu envers le fisc, pour raison dc sa maison de Casamajor et terres dépendantes, situées au dit lieu, au moyen d'une pièce de terre touya, 7 appelée la Serre, de contenance de 24 arpents, et de 100 livres comptant, il présenta requête au prince et demanda, au moyen de cet accord et en considération des services qu'il avoit rendus à Navarreins, l'anoblissement des dites maisons et terres, ce qui lui fut accordé, à la charge que lui et ses successeurs seroient tenus de foi et hommage et d'un fer de lance doré. En 15 8 8, il eut la trésorerie de Basse-Navarre En 1589, des lettres-patentes de garde des munitions de Navarreins, où il fut nommé Guixarnaud de Casamajor, sieur de Jasses, terre qu'évidemment il venoit d'acquérir.

En 1646, Nabas fut érigé en baronnie, non pour lui, car il ne vivoit plus, mais pour son fils, Pierre de Casamajor, sieur de Disse. Voilà donc encore deux autres terres; on n'en finissoit pas. Nabas est encore auj ourd'hui aux Jasses descendants de ce Pierre l'aîné du deuxième lit. Ils s'y sont même établis, grâce à leur puissance seigneurs haut-justiciers, quoique, par notre for, la haute justice en Béarn n'appartienne et ne puisse appartenir qu'au Roi. C'est à eux aussi que toutes les terres, que j'ai dit


avoir été achetées de la maison d'Orthe ont été transmises. Guixarnaud le voulut de même. Il a laissé pour tout apanage à son fils aîné de son premier lit ce qui est à Rivehaute, et au cadet la terre de Charrite et j e ne sais quoi plus.

Ce Pierre eut un fils cadet auquel il donna pour légitime la terre de Disse. Ce. cadet se maria, il eut plusieurs enfants. Cette branche est ton1bée en quenouille. Il n'en reste qu'une héritière, et l'abbé de Disse, chanoine à Lescar, dont elle est la nièce. En 1630, une pension viagère de 480 livres est accordée à un Théophile de Casamaj or, ministre converti. C'étoit un des ancêtres

10 de M. de Casamaj or-Treslay, fondu par mariage chez les Darret

de Casamaj or-Chéraute conseiller au Parlement, qui n'a laissé que des filles

de Casamajor-Rey, à Sainte-Marie-Iès-Oloron. Ce Casamaj or Théophile étoit quelque chose à un Casamaj or du faubourg de Navarreins, plein de droiture et de probité, et franc huguenot, marié à une soeur de mon ayeul maternel, mais n'étoit rien à nos Casamaj or issus de Guixarnaud.

J'en dis de même des Casamaj or-Salabert, famille établie depuis longtemps à Pau, et qui a fourni des


jurats et un maire. Ceux-ci et les Casamajor de Sauveterre, tout autant qu'il y en a et qu'il peut y en avoir, même compris les Casamajor-Oneix, sont la même famille.

Si, en revenant aux Charrite, je m'arrête un moment à un capitaine de ce nom là, qu'en 1574 la Chambr e ecclésiastique de Béarn relative au protestantisme coucha, pour services militaires que l'établissement de cette nouvelle religion avoit exigés, en l'état des pensionnaires bénéficiers sur la rectorie d'Arauj uzon, ce sera pour supposer qu'il est inutile que j'observe que c'étoit un Charrite étranger à ceux d'aujourd'hui, ce que la date de 1574 indique assez. Tous nos Charrite sont les meilleures gens du monde et les plus intègres. Sans être des merveilles pour l'esprit, ils l'ont communément bon et judicieux, mais lorsqu'ils ont le malheur de donner à gauche, c'est sans remède, parce qu'ils sont extraordinairement têtus, et que la raison personnifiée ne les ralnêneroit pas. Si, donc, ce n'est pas toujours d'après elle qu'ils posent leurs données inébranlables, c'est touj ours du moins d'après une intention bien pure.

Le président est plein de bonté, d'affabilité et de candeur. Je dirai à l'article Lacaze, comment celui-ci, à qui la nature semble avoir donné si peu de droits


de se mêler d'adresse, eut celle de l'engager dans un mauvais traité pour la place de premier président. Comme tout bien con1pté, ce traité, où la première mise fut de 150 mille livres, a coûté le double par les dépenses indispensables qui en ont été la suite la suspension des Parlements, survenue presque aussitôt, a fait de tout cet argent une perte absolue qui ne comporte aucune indemnité. Une maison moins forte de fortune et de gros revenus en eût été écrasée. Jamais on ne fut si indignement trompé et si complètement dupe.

La présidente de Charrite est une Montillet. L'archevêque d'Auch, de ce nom, dont elle étoit nièce, l'a tenue près de lui. Ce fut lui qui la maria et qui la dota. Elle en eut 50 mille livres, et rien de sa propre famille, où l'on étoit pauvre, et qui ne reprit un peu le dessus que par la bienfaisance inépuisable de ce riche prélat. M. de Charrite ne regardoit pas à l'argent. Il fut flatté de l'alliance, je ne sais pourquoi; elle étoit assez maigre.

Contre l'ordinaire des personnes de son sexe et de son état, Mme de Charrite s'habille si mincement et si bourgeoisement que, lorsqu'elle paroît dans les rues, ce.qui lui arrive tous les jours, pour aller promener au loin, hors la ville, à moins que le temps ou sa santé ne


s'y opposent, elle fixe les regards, l'attention même, jusques au sourire de tous ceux qu'elle rencontre. Elle ne peut ne pas s'en apercevoir, et se met au dessus. C'est un torrent d'idées elle a beaucoup d'esprit et s'exprime avec une volubilité dont rien n'approche. Elle est très rigide pour ses enfants, elle ne l'est guère moins pour les jeunes gens "qui la voyent; pour peu qu'ils donnent prise, elle relève, attaque et censure sans nul ménagement. C'est la femme qu'ils craignent le plus, et à laquelle ils s'exposent le moins. Ce que son mari retire de l'habitation qu'il. possède à Saint-Domingue est, bon an, mal an, un obj et de 200 mille livres. Qui croiroit qu'en Béarn, où l'on réside habituellement, où l'on est, pour ainsi dire, cloîtré, une pareille rente pût causer d'autre embarras que de ne savoir qu'en faire ? Eh bien cette maison n'en a pas assez. Elle est sans cesse aux expédients. Il n'est presque pas d'année où elle n'emprunte on estime qu'elle doit en ce moment 600 mille livres. On n'en conclura pas favorablement pour l'économie et le bon ordre. Quand Horace dit que le bonheur n'est pas dans les richesses, mais dans l'art de les administrer et de s'en servir, il fait l'ordinaire preuve de son grand sens et de sa manière heureuse de l'exprimer.


Tout à l'heure, où Saint-Domingue est en insurrectiôn, où cette colonie en proie aux incendies, aux dévastations, aux meurtres, au carnage, et menacée d'une ruine totale par la révolte des noirs, où l'habitation de M. de Charrite, très voisine du Cap, a été une des premières attaquées et saccag~es,lui-tnême, peu tranquille en France, a cru devoir émigrer à Saint. Sébastien avec sa maison et à très gros frais, on ne peut le connoître, et songer à toutes les circonstances qui l'ont jeté si loin de son état naturel et se sont réunies pour le rendre malheureux, sans être pénétré de douleur, et je l'éprouve bien sensiblement.


Des rapports très étroits, de plus d'une espèce, entre les Casaus et les Gassion m'avoient d'abord donné quelque envie de ne faire qu'un seul article de ces deux maisons. Le Béarn n'en a pas de plus distinguée. Elles n'existent, aujourd'hui que par les femmes. L'une est fondue chez le' comte de Peyre, gentilhomme du Gévaudan, de bonne et ancienne extraction, l'autre chez le marquis de Jasse~ qui ne l'est pas tout à fait autant.

Je crois que, du moins sans fraude, il seroit difficile d'établir que la noblesse d'aucune des deux remonte plus loin qu'à peu près le milieu du xv~te siècle. Elles valent mieux par l'illustration, les Gassion surtout. Ils ont eu, depuis cette époque, dans la haute magistrature du Béarn les premières places, dans l'église un ou deux évêques, et en France, dans les armées, un maréchal de France, très grand homme de guerre, d'une bravoure qui a passé en proverbe, et deux lieutenants-généraux, dont le dernier, cordon

CASAUS.


bleu. Ils avoient hérité, sinon du même génie militaire, du moins de la même valeur.

,J'ai senti que, sur cela et sur beaucoup d'autres considérations, la matière abondoit trop pour n'en pas faire, en son lieu, un article à part. Isolant, dans la réflexion, celui des Casaus, je dois commencer par convenir que leur lustre n'est pas aussi marquant. On ne leur connoît guère que quelques régiments, quelque grade de maréchal de camp; mais en revanche c'est avec profusion que dans l'administration de la justice, notre ancien Conseil supérieur, notre ancienne Chambre des Comptes, et ensuite notre Parlement, ,par lequel ces deux cours se trouvent auj ourd'hui représentées, offrent à leur égard une longue suite de premières charges du parquet, de conseillers et de présidents. Celle de procureur général du Parlement, peut-être la seule du royaume qui ne fût pas une commission du prince, qui fût vénale et héréditaire, a, en 1775, lors de la réintégration de cette cour, été assimilée aux autres, au moyen. de la suppression et d'une expédition de brevet en faveur de M. de Bordenave-Cassou.

Il ne sera pas déplacé que j'observe ici que, sous notre reine Jeanne, à l'époque où elle introduisit le protestantisme en Béarn, et où ceux qui la secondoient


avec le plus de zèle étoient le plus dans sa faveur, ce qui poussa essentiellement et rapidement les Gassion, les Salettes, les Marca, les Casaus et d'autres, il y avoit des Dupont, membres distingués du Conseil supérieur et de la Chambre ecclésiastique et de la Chambre des Comptes, dont, par le mariage d"une héritière, des charges -importantes et dc grlnds biens passèr ent chez Casaus, et y portèrent beaucoup d'accroissement.

Après avoir donné- une idée suffisante de ce dont les Casaus ont eu le plus à se glorifier, il n'y a pas de mal que je dise quelque chose de leur origi ne. Elle ne commence à être remarquable que depuis un de leurs ancêtres, chirurgien de la reine Jeanne, qu'elle aima et combla de bienfaits. Il étoit né dans notre petite ville de Gan, dont un ancien livre-terrier constate qu'il y étoit possesseur d'une maison et de quelques pièces de terre. J'ai eu occasion de parcourir ce livre et j'y ai vu l'article.

Voici d'autres particularités non moins exactes et que j'ai recueillies ailleurs

En 1560, à la demande d'Henry d'Albret, roi de Navarre les habitants de Gelos, possesseurs des herms communs, bois et barthes du 'dit lieu à eux acensés moyennant 25 écus petits payables annuelle=


ment au fisc,, et à la charge de ne pouvoir les mettre en culture que du consentement. du Roi, permirent au sieur de Casaus, son chirurgien ordinaire, d'en défricher 63 arpents, en considération de quoi, il leur fut diminué sur les dits 25 écus 63 liards, et le sieur de Casaus fut chargé de 26 liards de cens payables au bayle ordinaire.

En 1561, le même Casaus ayant acheté des habitants de Gelos 17 arpents de terre, pour les joindre aux précédents, pour 26 écus pistolets, le Roi ratifia la vente, et chargea le dit de Casaus de 25 liards de cens par -arpent. Les habitants étoient sociétaires, et maîtres communs avec le Roi, de leurs hernas. En outre, le Roi permit à ce dit de Casaus de bâtir un pigeonnier sur la dite acquisition, sous la redevance annuelle d'une paire de pigeonneaux. C'est de ces 8o arpents que fut formée la belle métairie de T~ut-y-Croît qui produit de si excellent vin. L'endroit elle est située est des plus sauvages; la maison agrandie, embellie et pourvue de meubles assez propres par son dernier possesseur, et dont les dehors ne sont pas sans agrément, offre un portrait de la reine Jeanne qui passe pour un des meilleurs qu'on ait conservés d'elle.

Feu M. le marquis. de Casaus, avec qui le nom s'est éteint, se plaisoit beaucoup dans cet endroit :I~


Il y- donnait dans la belle saison de très bons repas, où, par une suite de l'amitié particulière dont il m'honoroit, j'étois appelé. Ce n'étoit que dans ces rares occasions qu'il avoit de l'esprit et qu'il l'avoit ailnable. Comme procu'reur-g7énéral, il n'avoit rien de ce qu'une aussi belle place exigeoit. On lui faisoit honneur de sa bonhomie, qui n'étoit- au fond qu'apathie et paresse, et qui sied moins à -un censeur public que ne le feroit un~ peu trop de sévérité. Cette digression sur son compte se présentant assez naturellement, j e n'ai pas cru devoir me la refuser.

J'aj outerai que la vieille marquise de Jasses, sa soeur, avec encore plus d'agrément et d'esprit de société que lui', avec le ton le plus noble, en même temps le plus facile et 'le plus liant, est bien supérieure en tout le reste. Peu de- femmes, et même peu d'hommes, ont' autant d'énergie'dans le caractère, et plus d'intelligence, d'activité et de bonne conduite pour tout ce que les affaires exigent. Longtemps tutrice et chargée de l'administration des biens de son fils, à qui le père avoit laissé horriblement de dettes et une maison entièrement perdue, avec quel étonnant succès n'est-elle pas parvenue à la relever? La superbe succession de Casaus, qu'elle a' recueillie depuis, ne s"cst' oùvér'te~ en s~. favèiit' qùe ltingtérrips ~âprès; et étoit encore alors très incertaine.


Le fils, depuis qu'il est Inaître, et nonobstant i 6,000 livres de rente et plus, dont sa fortune s'étoit augn1entée par son mariage avec l'héritière d'Abbadie de,Camblong, a plus que. renouvelé les dettes du père: à la véritéles biens réunis aujourd'hui dans sa maison sont bien autre chose. Il en résulte des moyens bien plus abondants; mais, comme c'est de conduite et d'ordre qu ~~1 manque tout-à-fait, je crains que son sort ne soit de ne jamais discontinuer de tirer, comme l'on dit, lé\ diable par la queue. Je reparlerai ncore un peu de lt~i, en son lieu. En 15 62, il fut fait don au sieur de Casaus, docteur en médecine (c'est alors que, pour la première fois, il fut ainsi qualifié), de certaines maisons ci-devant enchéries, et demeurées à S. M., sur les fermiers de Pau, à la charge de payer au sieur Fabri, aussi médecin, 5o écus à lui affectés sur les maisons.

En 1563, la métairie de Tout-y-Croît appartenant au sieur de Casaus, chirurgien et médecin de la reine Jeanne, est affranchie et anoblie, en sorte que la Reine quitte un feu de taille aux habitants de Gelos moyennant laquelle acquitation, ils consentent, et l'anoblissement lui 'est octroyé, à la charge d'une redevance de deux linottes à chaque changement de seigneur. En 1566.) la ville de Pau délibère de présenter une


requête contre le sieur de Casaus, qui, au préj udice de la transaction passée entre elle et la commune de .Gelos, en t 60, 1 pris à cens ou acheté terre au bois de Gelos. Représentation à la Reine sur la vente qu'elle vouloit que la ville de Pau fit au sieur de Casaus, son médecin, de 12 arpents de terre au bois de Gelos. Troisième délibération qui porte que, attendu la volonté absolue de la Reine, les 12 arpents étoient donnés par force.



Une de nos faniilles béarnoises où 'j'ai le plus intimement vécu. Le père mouroit il y a quelques années ce n'étoit pas un homme sans mérite. Il avoit de l'esprit, le jugement sain, et même un bon coeur, mais l'extrême violence de son caractère contrastoit désagréablement. Il se fit, d'ailleurs un tort infini lorsque, en 1765, à la fameuse révolution de notre ancien Parlement, à la formation du Parlement Maupeou, il fut le premier ou le second à se présenter aux commissaires du Roi pour remplir un des offices. Nous l'avions précédemment pour lieutenant des maréchaux de France. Je me rappelle que lorsqu'il fut nommé, on s'en plaignit, on écrivit que cette place ne lui alloit point, qu'il n'étoit pas gentilhomme, et que cela occasionna du train j'ignore si la querelle était bien fondée. Je sais seulement qu'en 1585-1595, époque où la l11unicipalité de Pau étoit composée de ce que la ville avoit de plus distingué et de plus capable, ses ancêtres y figurent; qu'en 1645, un âutt`e~ s(j:

B OYRIE.


qualifioit d'avocat au Parlement et de seigneur de Narcastet j'ai lu le titre.

Je sais aussi qu'il y a eu dans cette famille de bonnes alliances, que la mère du Boyrie dont il s'agit étoit l'héritière de la branche aînée de la maison de Neys. C'est d'elle qu'est venue la terre de Nousty. Un mérite bien supérieur à celui qu'il a, c'est celui' de sa femme. Avec bien plus d'esprit et un coeur non moins généreux, elle est d'un caractère sûr et de la société la plus agréable. C'est, d'ailleurs, dans son ménage et au dehors, pour tout ce qui est affaires domestiques, la plus habile et meilleure économe que je connoisse. Sa »conversation est extrêmement gaie, peut-être même, pour une personne de son sexe, quelquefois un peu trop. Elle tient cela de feu M. de Lafargue, son père, avocat très éclairé, qui exerça toute sa vie avec distinction la charge de substitut au parquet, mais qui, dans ses moments de dissipation, étoit un conteur très libre et très amusant. Il a laissé un fils qui s'en mêle aussi, mais qui y entend infiniment moins que le père et la soeur. En revanche, il entend très bien, et peut-être trop, à améliorer ses intérêts.' C'est à quoi il a sçu faire servir mieux que personne l'avantage d'être conseiller au Parlement.


Il est déjà assez vieux garçon, et vraisemblablement euvisage aujourd'hui avec d'autant plus de résignation le parti de vivre ou de .mourir tel, qu'une gouvernar.te assez jeune et assez appétissante lui est, dit-on, aussi bonne la nuit que le jour. S'il ne s'est pas engagé dans les liens du mariage, ce n'est pas défaút de vocation ou dégoût absolu. Il a été fiancé avec MUe Petel, superbe masse de chair qui échut ensuite. en partagé à'M. de Nozeilles l'aîné puis avec une très-riche héritière d'Oloron, MUe de Largenté ces deux négociations avoient été portées au point qu'il lui en est resté des bijoux et des étoffes de robes de noce. Les causes de rupture sont.assez peu connues. J'ignore moins le peu de délicatesse avec laquelle, lors de la fameuse catastrophe de l'ancien Parlement, il fut l'un des cinq ou six membres qui préférèrent faciliter la prompte composition du Parlement Maupeou et en devenir le noyau. Sa manière de vivre a touj ours été singulière, mais jamais ruineuse, il se répand peu. Il s'en tient à qûelques amis qui 'consentent qu'il soit chez eux, comme on dit, à pot et à rôt. Autant il apprécie et cultive volontiers la table des autres, autant l'exemption du soin de défricher la sienne lui plait et lui a toujours plu. Comme hôte et comme convive, c'est une


simplicité de ton et de manières, une complaisance, une disposition accoillmodante, une assiduité en un mot, à tous égards, une bonholnie qu'on surpasseroit difficilement.

C'est de Monein que les Lafargue sont originaires. En 15 72, un Jean Lafargue de la dite ville obtint de la reine Jeanne l'acensement d'une pièce de terre, située près le pont du moulin de Pau tirant à Lescar, de trois cannes et demie de longueur sur trois et demie de largeur, à la charge de payer 4 livres petites de droit d'entrée et d'un cens annuel de 6 deniers. C'était un de leurs ancêtres.

Je reviens aux Boyrie. C'est auprès de cet oncle que le fils aîné, actuellement chef et maître, a passé ses premières années et appris très-bien en matière d'affaires d'intérêt, un peu plus qu'un acteur ordinaire. Le monde où l'aluénité et la douceur règnent, est ce qu'il paroît avoir le plus négligé et il a eu tort. Ce n'est pas avec de l'entêtement et de la jactance, ni en voulant sans cesse prévaloir en tout et partout, qu'on y parvient le mieux. Son physique d'ailleurs n'a rien d'imposant, il annonce au contraire un vuide essentiel, accrédité par la voix la plus grêle, ce qui devient un

peu trop destructif de la confiance qu'il voudroit que celle qu'il met dans ses propos inspirât au beau sexe.


Il peut, au reste, être parfaitement suppléé par son frère, capitaine au régiment d'Orléans, caractère très aimable, et qui en tout dénote une constitution bien plus achevée et bien plus heureuse.

De deux soeurs mariées, l'une déjà veuve, c'est Mme de Casenave, de Monein, est la mieux pour la figure. Elle l'emporte pour tout le reste, et est extrêmement goûtée.

L'autre, Mme de Ségure, a une physionomie toujours gracieuse, toujours riante. Sa conversation ne l'est pas moins; c'est une brune qui a. des joues potelées et colorées à ravir, les plus beaux yeux du monde, mais d'un tendre inexprimable, la peau très blanche; quant à la taille, passons vite. Le mari est fort de poitrine, de reins et de jarrets. Il étoit officier d'infanterie, il a quitté. Je crois qu'il a eu tort, et que, malgré ses ressources apparentes, il eut mieux fait de varier son service. Il y eut gagné de toutes les manières.

Je finis par le chevalier Boyrie oncle. Il a servi longtemps et bien. Il passa du régiment de Navarre où il étoit presque à la tête, dans celui d'Orléans' pour y être lieutenant-colonel. Retiré depuis plusieurs années avec la croix de Saint-Louis et 2,000 livres de pension, il vit dans le sein de sa famille et de


la société, non moins oiseusement qu'agr~ablelnent, n } ayant a songer et ne songeant qu'à ce qui l'amuse, et en jouissant avec le plus parfait égoïsme.


Ma re1àtion avec eux s'est un peu ressentie des diverses chances dé ma fortune, et a vu, comme elle, du haut et du bas. Depuis quelques années,. nous vivons très bien ensemble. J'ai eu mille occasions de leur prouver mon attachement, et n'en ai éludé aucune. Peut-être ne l'oublieront-ils pas, du moins entièrement ? J'ai d'autant plus lieu de l'espérer, que, soit fierté de caractère, qui me rend toute privation plus suppor table que la plus légère obligation, soit hasard, ce simple souvenir a toujours été l'unique prix par lequel on ait eu à reconnoître les services que j'ai rendus; et je puis ajouter hardiment, que du moins en Béarn,. à l'égard de mes compatriotes, j'en ai plus rendu que qui ce soit. Etoit-ce par l'effet d'une meilleure position ? Tant s'en faut. Personne n'ignore que la mienne a été longtemps des plus traversées, et qu'alors même je l'ai supportée sans qu'un seul de mes amis ait été mis à l'épreuve. Ce n'étoit donc qu'inclination naturelle, bonté de coeur Le plaisir

DOMBIDAU.


d'obliger m'entraînoit, je ne regardois plus qu'à nies vrais moyens. Cet aveu est la vérité pure. Je reviens aux Dombidau. Le père de ceux d'aujourd'hui offre une singularité peut-être unique doyen du Parlement il voyoit parmi ses confrères son fils et son petit-fils. Il valoit moins qu'eux et surtout que son fils, qui est tout-à-fait aimable et toutà-fait bon, et à qui je n'ai guère connu d'autre tort que de vouloir, soit dans sa compagnie, soit dans nos Etats,- et non moins dans la vie familière et privée que dans la vie publique, être transcendant et l'âlne et l'auteur de tout. Si un esprit bon et judicieux, mais peu profond et auquel l'étude n'a aj outé que médio.crement de la rectitude .d'intention, quoique mêlée aussi d'amour propre, si cela, dis-je, suffisoit, je conviens qu'il n'eût fait que jouir de ses droits. Il a deux frères, l'un dans l'Eglise, grand vicaire de M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, dont il justifie la vive amitié et l'entière confiance par la régularité de ses moeurs et par ses tal~nts. Il est pourvu d'un canonicat, d'une abbaye et de quelques bénéfices simples devant tout à ce respectable prélat et encore plus à Mme la comtesse de Gramont qui le lui avoit fait connoître et recommandé.

Le. deuxième- frère sert ~~ns la marine royale. Il a


la croix de Saint-Louis, est lieutenant. et major de vaisseau la nlanière dont il s'est acquitté, dans nos diverses guerres, de quelques moindres expéditions, a prouvé qu'il seroit également propre pour de plus importantes.

Leur neveu, le fils du frère aîné, est bien de sa figure et joliment tourné. Il a raisonnablement de l'esprit, à ne juger de son humeur que sur ce qu'elle est dans le monde, il l'auroit très honnête et très accommodante; mais qui,. comme moi, l'aura vu souvent, au sein de sa famille, se livrer sans gêne à son naturel, peut attester hardiment qu'il est très volontaire, très têtu et même quelquefois, avec ceux de ses proches auxquels il doit le plus d'égards et de respect, d'une rudesse révoltant~. J'avoue néanmoins que, depuis son voyage à Paris, où il est resté plus d'un an et d'où il fut passer deux mois à Londres, cette rudesse n'étoit plus la même.

C'est immédiatement après son retour qu'il épousa Mlle Darret, héritière très bien faite, très bien élevée, et d'ailleurs, comme héritière, sans contredit, le plus riche parti qu'il y eut en Béarn; mais qui, par la raison précisément qu'elle est héritière, et qu'elle l'est; dit-on, beaucoup de la manière du Béarn, c'est-àdire qu'elle voudra maîtriser,. ne le fera pas toujours coucher sur des roses.


La grande liaison des deux flmilles, et surtout la très grande intimité des pères, sont ce qui a le plus contribué à ce mariage. Arrêté une première fois, il survint je ne sais quel rapport, quelle tracasserie qui donna lieu à une rupture d'éclat. Je crois qu'il s'agissoit d'une de ces religieuses amphibies, qui ne sont qu'à demi cloîtrées, qui surtout se répandoient sans presque aucune gêne, d'une jeune et jolie nonne du couvent de la Foy, avec laquelle on se rencontra dans une fête locale, à qui l'on fit et dit quelques gentillesses- et dont on eut l'air de devenir amoureux. Mlle Darret, instruite de cette prévarication v raie ou de simple allure, de simple amusement, y trouva très fort à redire. Des lettres s'ensuivirent. Il y en eut entr'autres une de la mère, qui, à travers quelque tournure de ménage1TI:ent, était désespérante. Dans ce nloment-là on partit pour Paris. C'est de Paris que, par l'entremise d'un tiers ami commun, on fitparvenir des explications assez satisfesantes pour que l'affaire se soit renouée et terminée favorablement. La demoiselle avoit pour ayeul paternel le Casamajor-Treslay; l'ayeule vit encore. C'est chez elle, à Oloron, et avec elle que le .père et les nouveuax mariés ont un même ménage. Les biens au soleil, tous d'une très belle nature et très rentables, tels que


celui de Mosquéros à Salies, la terre de Sendos et le domaine de Labastide, qui en sont assez voisins, viennent de Mme de Treslay, excellente héritière, mais qui, grâce au goût extrême de dépense et au peu de conduite de son mari, l'étoit beaucoup moins quand il mourut; sans l'importance de ses dettes et les mouvements inconsidérés de la part de quelques uns de'ses créanciers; il eût, selon toute apparence, difficilement plié son orgueil naturel à prendre M. Dàrret pour gendre.

Ce dernier étoit bien conseiller au Parlement, mais simplement fils d'un praticien d'Accous, dans la vallée. d'Aspe, qui; à la vérité, par son industrie, ses talents et l'extension que le voisinage de 1-'Espagne lui:permit -d-'en faire' pour un~cQ~merce très suivi et très lucratif de tout plein de petits obj ets de contrebande; avoit accru un très mince patrimoine de plus de 200 mille livres. Ce fut à la faveur du très gros préciput en argent comptant qu'il put offrir à M. de Treslay, dont alors les besoins étoient de l'urgence la pl~s incommode, que le mariage se fit.

Je tiens de son gendre que, par la liquidation de ce; 111oment-là, -par' celles que les dettes contractées depuis exigèrent de nouveau après le décès de son beau-père, il y avoit mis du sien plus de 100 mille


livres. Il aj outoit que, pour se refaire, il avoit dû, en mariant sa fille chez Dombidau, préluder dans le même obj et par plus de 5 o mille livres, sans en avoir moins le souci que, si tout étoit bien connu et liquidé .entièrement, 20mille livres de plus suffiroient à peine. Il se plaignoit de ce voyage à Paris et surtout à Londres, d'une longue absence si dispendieuse (elle a en effet coûté près de io,ooo écus), d'un caractère très peu porté à l'économie.

Le sien n'a pas ce vice-là; si même il s'en éloignoit un peu moins, on le lui pardonneroit. C'est un homme qui a beaucoup d'esprit, qui l'a très pénétrant, très délié, très fin, un peu trop enclin aux saillies, et à celles qui emportent pièce, que rien ne distrait guère de ses intérêts, qui y est tout entier, et qui les dirige et administre très utilement Voilà une longue digression. Je m'en permets de telles, lorsque l'occasion se présente et que je m'y trouve naturellement amené; mes articles particuliers diminuent d'autant, ce qui m'est assez agréable.

Je reprends les Dombidau. Tous tiennent singulièrement à leur noblesse, cependant ce n'est guère le cas. Elle est bien mince et bien récente. Je sais que ce seroit tout autre chose s'il falloit s'en rapporter aux lettres d'érection en baronnie obtenues,


en 1753, par feu M. de Dombidau 'pour sa terre de Crouseilhes, laquelle Lasserre et Lapédes ont été réunis Le tout fesoit an- partie de la

J. ,1 .r

Y~ de ?~~rac qu'Angélique de Miossens, héritière de Bern~rd, seigneur de Samsons, porta à 4nt<?~~e, m~rquis de,~ Lons, son mari. C'est en 1737 que M. Dombidau en fit 1"acquisition.

ien au monde de plus mal entendu et de plus ridi-

'o. A 1

culq q ce q ue, à 1'occasion de sa prétendue noblesse et d~ ~es, lettres de baronnie, il a fait insérer dans le

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Diçtio.nnuire de la Noblesse de France. On y trouve que la ville d'Oloron conserve dans ses archives des

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m~~oires~ par lesquels il, pafoît qll~ayant été ravag~~ par les ,pP~f14~, cinq braves ~e Camfranc en Aragon vinrent la rétablir, et que la tradition donne aux Dombidau un de ces braves pour auteur.

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If fauf, q1j'PB ait ignor~ que Pontis, commissaire des guerres sous Louis XIII, ~n~pre plus connu par sa retraite à Port-Roval, 0~1' if mourut très vieux, a, dans, des- mémoires assez i~str.u~f.s, qui, s'ils ne sont pas de lui, 94 du moins passé sous son nom, fait mention h<?1?-orab1e d'un Dombidau, gentilho~é

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distingué, et des services qu'il en reçut à Oloron, où

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on 1)avoit envoyé pour apaiser" des tro ubles Cette

~I~c~~t\~ ~ftJ ~r.~l j,7 ~l'(i~&~ne? e n~g:~l?f:

anecdo e n'e~t pas, e m'imagine été négli~ée.

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Reste que, dans la vérité, nos Dombidau n'ont rien à voir là; qu'à Oloron et dans tout le Béarn, on sait très bien qu'issus d'une branche cadette, ils eurent pour bisayeul un simple marchand quincaillier que l'ayeul, à qui, dans sa première jeunesse, ce l11étier n'avoit pas été complètement étranger, profita de quelque circonstance heureuse pour entrer au service qu'à sa retraite il -étoit, non croix de SaintLo uis, il ne le fut jamais, mais capitaine d'infanterie que, dans la branche aînée de la famille, il n'y avoit qu'un médecin, dont la fille unique, héritière riche,. attachée à la religion protestante, émigra et passa en Hollande lors de la révocation de l'édit de Narites que l'ayeul de nos Dombidau, ayant recueilli par là tous les biens, put aspirer à une demoiselle de PeyréGouze que'c'est depuis cette bonne fortune de ce mariage, que successivement ils se sont élevés au point où nous les voyons.

L'ayeule Peyré était une femme des plus respectables. Je l'ai connue. Elle avoit une fille, soeur du doyen. Cette fille vit encore, elle étoit vive, spirituelle, aimable, jolie comme l'Amour, mais. malheureusèment elle- avoit moins que lui le droit. de s'émanciper. Elle était à Crouseilhes, elle y tomba malade, elle


eut des vapeurs violentes. On appela un médecin de Lembeye, ville très voisine, qui, jeune) ardent, plein de feu, vermillonné comme un moine, ne respirant que force et luxure, crut devoir moins se confier à ses moyens acquis qu'à ses moyens naturels. Ce médecin se nommoit Borda. La guérison fut prompte, mais parmi les effets sensibles, il y en eut un qui insensiblement le devint un peu trop et transpira plus qu'on n'auroit voulu. Enfin, ce dernier moyen eut son terme et ce fut -depuis lors, après un temps moral et tel qu'il le falloit pour que ce qu'il y avoit de détendu et de relâché se remit un peu én point, que, grâce au Pays Basque, où, en général, les aspirants ne sont pas difficiles, on en trouva un, bon gentilhomme, avec lequel, moyennant mariage et dot considérable, tout fut raj usté au mieux. Cette union a parfaitement réussi.



GILLET DE LACAZE.

Quoique cette famille fût naturellement étrangère au Béarn, qu'elle n'y fût venue que par occasion et qu'elle n'y soit plus, je ne veux pas qu'elle ait été trente ans parmi nous, dans la place la plus distinguée, sans lui donner un article.

Malgré les torts qu'on imputa au feu premierprésident, il en eut bien peu. Ils étoient bien plus dans l'abus que l'on crut pouvoir faire de sa bonhomie (il en étoit plein) et dans la haine et le ressentiment avec lesquels on lui déclara la guerre sur ses droits sinon justes, au moins consacrés, acceptés et évidemment établis sur la tête de M. de Gaubert, son prédécesseur. Celui-ci traita sa compagnie bien différemment. Il l'humilia, la terrassa, et après plusieurs années de brouilleries et de guerre, la vit tout-à-coup accourir, et pour ainsi dire, lui demander des excuses. Ce fut à la suite d'un discours très adroit et très patelin qu'il prononça selon- l'usage à la rentrée, le lendemain de la Saint-Martin. Ce fin et rusé provençal finit donc par l'avoir sous sa dépendance, autant qu'il


voulut et comme il voulut. Le bon M. de Lacaze étoit trop dépourvu des n1êlnes moyens. La révolution de 1765) si funeste à ses confrères, qui fut le fruit de sa terrible af~aire avec eux, est assez connue.

Je termine ce qui le regar de personnellement par la justice qui lui est due, que c'étoit un magistrat, au physique de la plus belle représentation au moral éclairé, incorruptible, assidu à ses devoirs, accessible, affable, compatissant, le meilleur des maris, le meilleur des pères, en un mot, doué de toutes les vertus publiques et privées.

Sa femme m'a comblé d'amitiés et de bontés, même d'une manière marquée, jusqu'au dernier moment de sa vie. On s'apercevoit aisément que ma société lui étoit agréable, et je le lui rendois, non moins par équité que par reconnoissance, car elle avoit infiniment d'esprit et du joli et du gai, et même quelquefois du plus que gai. J'étois extrêmement libre avec elle. Elle aimoit à m'entendre, elle m'agaçoit. Sans sa grande surdité, qui me fesoit trouver, surtout quand nous étions seuls, les entretiens très pénibles, ils m'eussent paru délicieux.

El1ë avoit tout l'extérieur d'une femme de son temps; mais fesoit profession d'être toujours vraie. Il faut aussi que je convienne qu'elle n'en avoit rien


moins que le caractère, que c'est là. que la dignité et l'élévation lui manquoient beaucoup trop souvent. Les petites anecdotes notoires ou cachées, les rapports, les tracasseries, les chuchoteries, tout ce où il y avoit à s'amuser méchamment, étoit pour elle un aliment journalier de prédilection. Elle s'en repaissoit tantôt avec de misérables caillettes du plus bas aloi, tantôt avec des femmes de chambre qui lui én contoient à leur gré, qui en étoient toujours crues préférablement aux personnes plus dignes de foi, et qui avoient fini par mettre très décidément le trouble et la zizanie entre la mère et ses gens, d'tin côté, et le fils, la belle-fille et les leurs, de l'autre. Ce fut une .esclandre affreuse.

L'ascendant que ces créatures avoient pris sur elle ne se concevoit pas. J'en ai vu une entre autres'de la conduite la plus libertine. Elle couchoit auprès de sa maîtresse. Ce qui n'empêchoit que chaque nuit les galants ne s'introduisissent. C'étoit même au sçu de de toute la maison. Des avertissements répétés furent taxés de calomnies, jusqu'à ce que, grosse jusqu'au menton, et dans son neuvième, elle fut forcée de s'échapper et de disparoître.

M~e Lacaze étoit une bourguignonne d'une famille ~dont_la noblesse, suivant elle, très ancienne et très


distinguée, revenoit souvent dans les conversations. Elle ne se plaisoit pas moins à m'entretenir de celle des Lacaze, de leur parenté avec les Noailles, les Richelieu et d'autres grands de la même volée, j'en riois sous cape. Je le pouvois, j'en savois plus qu'elle. Les Lacaze sont originaires de la petite ville de Bergerac, dans le Périgord. Au commencement du siècle dernier, un de leurs ancêtres y étoit médecin.' Il laissa un fils qui, en 1640, acquit une'charge de secrétaire du Roi au grand collége. Il est nommé dans les provisions Gillet, sieur de Lacaze. Lacaze étoit un fief qui, quelques années plus tard, fut érigé en marquisat.

Ce Gillet étoit religionnaire lors de la révocation de l'édit de Nantes, il fut réduit à l'alternative ou d'abjurer ou d'être privé des priviléges attachés à son office. Il prit le parti le plus salutaire en même temps que le. plus utile. Ce fut vers 1680 que son abj uration et celle de sa femme eurent lieu à la cathédrale de Bordeaux, entre les mains de l'archevêque. Tout cela se lit dans -l'Histoire des chancell~ries par Tessereau. Il est donc clair que. cette noblesse tant vantée étoit d'assez fraîche date.

Le fils de ce secrétaire du Roi entra dans le parlement de Bordeaux. Ayant conçouru aux vues et


acquis les bonnes grâces du duc d'Orléans Régent, il devint le chef de sa compagnie. C'étoit un magistrat très considéré.

Me voici au Lacaze actuel qui est bien loin de valoir ni l'ayeul, ni le père, c'est ce dont nous allons uger.

Dès 1773 et 1774, étant encore très jeune, il eut de la cour un brevet de président à inortier, la st1rvivance de la place de premier président et .même l'adjonction aux fonctions. Il fut redevable de toutes ces grâces, non assurément à un mérite prématuré, mais à M. Bertin, chaud ami, pr otecteur ardent et alors très mince ministre, en très grande faveur. C'est à cette époque que le feu de la rupture du père et du fils avec leur compagnie était le plus violent, et qu'ils entassoient triomphes sur triomphes vint la révolution de 1765 qui y mit le comble.

Le père mourut en 1776. Le Parlement, rétabli l'an avant, étoit encore aliéné et furieux. Le fils, dans les traverses, dans l'embarras, craignant avec raison le plus mauvais accueil, s'empressa de se faire précéder d'une belle lettre, bien emmiellée, bien pathétique. La réponse fut un peu différente, elle étoit pleine de dédain et ne lui- présageait que de longues humiliatiQns et de lorigs dégoî~ts. Néanmoins il- se 4ét~rminat


non par lui-même, mais par des affidés d'une trempe plus ferme et plus courageuse, et surtout par sa mère, à tout hasarder. Il vint.

C'est après douze à treize ans de prévenances, de condescendances, de ménageinents, de recherches affectées de tout genre, pour ne pas dire de bassesses, c'est à la suite de ce rude séminaire de long cours d'épreuves douloureuses, qu'enfin une réconciliation éclatante les a couronnées; il falloit qu'elle leur tînt bien à coeur, puisque naturellement c'est un homme avare. Non-seulement il l'a solennisée pendant plus de six mois par des repas somptueux, par des fêtes continuelles et superbes, mais même, depuis lors, tout ce qui, les soirs, alloit faire sa cour, étoit retenu et c'étoit le plus souvent des soupers de quinze à dixhuit convives. Quand j'ai dit que tout étoit retenu, j'ai tort de ne pas ajouter que ce tout se bornoit au Par.lement actuel, aux.réintégrés, et que, par le plus indigne et le plus lâche des procédés, les intérimaires, qui s'étoient sacrifiés pour cette famille, qui, par rapport. à elle, s'étoient, attiré tant de disgrâces, que jusqu'alors il avoit continué à gracieuser, parce que c'étoit sa seule relation, n'allèrent plus chez lui que pour s'apercevoir qu'ils lui étoient à charge, et furent bien vite entièrement délaissés.


La secousse Brienne de 1787 sur-tous les Parlements, procura à celui de Pau, grâce au vif intérêt, à la protection et au grand crédit des Gramont, une distinction qui les sauva tous. Le nôtre fut mandé a Vers'ailles et revint conservé et comblé.

"La' continuation du trouble général, les préparatifs menaçants dont elle fut suivie, les combinaisons et les conseils des gens prévoyants et habiles, chez qui M: de Lacaze vivoit le plus Paris, où, au sortir de Versailles, il fit un assez long séj our, l'engagèrent a traiter avantageusement de sa place. C'est en quoi l'ambition dé M. le président de Charrite; et encore plus de. Madame, le servit au mieux. Il~ né` les excita pas inutilement; le marché se fit au moyen de 150 mille livres. Le président de Charrite qui eut des provisions, qui se fit recevoir et à qui ce nouvel état, indépendamment des 50 mille écus, occasionna des dépenses énormes, n'en jouit que 9 ou io mois, à cause de" la suppression soudaine des Parlements; et malgré l'immense revenu qu'il retiroit, même alors, de ses magnifiques possessions dans les colonies, c'est une escroquerie dont il ne pouvoit que se ressentir longtemps. Si, de retour à Pau, pour se faire recevoir et commencer ses nouvelles fonctions, il ne fut pas encore dupe à l'occasion de qûelques


meubles d'une salle de c0111pagnie, c'est qu'après être convenu avec le marquis de Lacaze de les lui a~heter et de s'en rapporter à lui pour l'estiyatioy, elle fut portée plus que deux fois la vraie val~ur, il s'en aperçut et déclara qu'il n'en vouloit ppi~t. L'pop,nête es~im~t~ur revint à lui et finit par devoir r-elâçher .P94f 6,000 livres ce que d'abord'il a~pj~ évalué près de 15 mille.

N'ayant plus, rien~ qui l'attachât à Pau, il s'en fux ni4j~~r. la camR~gn~, il se retira. dans ses terres. Le glQrie~. ~emploi de çol()nel dF la nouvelle milip 9f; ces quartiers-là lui parut digne d'être req4ç,çé:. Il l'obtint. On le voit souvent àla tête~ de sa troupe; avec lse sabr~ de commandement; l'uniforme, l'épaulette le large baudrier, l' ~;I1orm~ feutre retapé et une large c9~de qui ~tteste sa br~vo\lr~~t son patriotisme: ~l 4_avec.lu.i sa f~1D:Jl?e d<?n~~a .~êt~: dep,~i~ ~q an$ f~F; tout' à fait -incantée. Comme magistrat, il di~çutqit 4itJ\l~é~ent~ lour-7 4~ent, avoit assez de judiciaire, mais pas de savoir. ç homme privé, dans son dpPt~stjq~r' il étoi~ d'une sury~il1ap.f:e n~nutieuse d'9n arTfln~e1I}.9pt rire, 4'J1' ,exactitude j.o~rnali.ère à régJçr ses dépenses et le.s ,Ç9mp~es ,dp 11laJt;re~.d'hôt~1.. ,~i? ~est;.J1é diriger les ip.ttR il eut agi ,c.9I11,p.e pour les sien$


ç'auroit été un excellent maître-d'affaires. C'est là, et là seulement, que ses facultés intellectuelles eussent dû aboutir. Enfin, pour dernier trait, quelque part qu'on le vît ou qu'on l'entendît, une brièveté d'idées, une superfluité de paroles, une uniformité de ton, d'accent et de stylé, et la voix la plus nazillarde, assommoient d'ennui. Je l'ai, comme on voit, longuement commenté, et pas néanmoins pour finir sur la bonne bouche.



GASSION.

On peut jeter les yeux sur le peu que j'ai dit de cette famille à l'article Casaus et qu'il est tout simple que je sois bien aise de me dispenser de répéter ici, où d'ailleurs, selon toute apparence, je vais être entraine A à m'étendre de reste.

A en croire le Grand Dictionrtaire de la Noblesse, dont on sait bien que-l'auteur n'a jamais fait qu'employer les mémoires'qui lui étoient adressés celle des Gassion est non-seulement très illustre, mais encore très ancienne, et, pour couper court, j'y renvoie, quoique les preuves, du seul Gassion qui ait été décoré du cordon bleu, même assez récemment, puisque ce fut en 1743, aient quelque chose de plus imposant, personne n'ignore que, dans ce genre, plus que dans tout autre, l'argent fait tout, sans prétendre qu'absolument ce soit ici le cas. Je m'en tiendrai à çe que des recherches exactes, puisées dans des extraits copiés le plus fidèlenlent des titres et registres de notre ancienne Chambre des Comptes, de la Cour souveraine, érigée en parlement de Navarre, et de la municipalité de Pau, m'ont offert de plus certain.


Ces extraits manuscrits que j'acquis il y a quelques années, et qui sont d'un très grand secours pour la tâche de loisir et d'amusement à laquelle je me suis dévoué, sont l'ouvrage d'un suppôt du Palais, très sur, qui y avoit vieilli, et qui, avant l'incendie du Palais, en r i 6, époque où tous ces précieux papiers périrent, s'étoit longtemps occupé de ce travail-là. Voici ce que j'y trouve

En 15 5 9, sur les raisons alléguées par le sieur de Pardies, nommé" jurat à Pau, pour se dispenser de l'être, et des remontrances de la ville qui portent qu'il est citoyen capable et qu'il y a pénurie de suj ets, lareine Jeanne accepte les raisons du dit Pardies et nomme à sa place Jean Gassion. En 15 67, le même est nommé par la Reine membre du Conseil: SOilv"èrain.

En 1569, lors de l'invasion du Béarn par Terride et, avant l'arrivée de Montgonmery qui le reconquit, Gassion fut obligé de quitter le Conseil: Les autres juges .religionnaires en firent de même. Il y -rentra après que les troubles Jurent pacifiés.

La Chambre ecclésiastique du protestantisme ayant été créée en 157 l, et renouvelée, ou pour mieux dire, en partie maintenue, en partie renouvelée, chaque année Gassion, depuis lors et depuis 1573, en fut presque touj ours un des membres.


En 15 8 1, fut anoblie la métairie de Bergeret, située à Jurançon, avec ses appartenances, jusques à concurrence de 70 arpents en faveur de M. de Gassion (c'était le même), maître des requêtes, en considération des services par lui rendus, tant auprès de M. d'Arros, à Navarreins, durant le siège mis par Terride, que dans les divers emplois d'avocat-général au Conseil, de urat de Pau, de syndic du pays, de procureur-général, etc.

Observons ici que c'est plus particulièrement par son zèle pour la religion protestante, par l'extrême chaleur qu'il mit à seconder les vues de la reine Jean~ne, qu'il mérita de la part de cette princesse et, après elle, de son fils Henri iv, tant de distinctions et de marques signalées de faveùr, et qu'on peut l'envisager comme la plus certaine et la plus sensible- du lustre de cette maison.

En 1620, vérification à la Chambre des Comptes de la patente du sieur Jacques de Gassion, fils du précédent, et de Marie Desclaux, sa femme, contenant anoblissement de la maison de Betterette à Gelos, auquel s'étant opposé un des membres, et toute la Chambre le trouvant suspect, M. de La Force, gouverneur, se transporta dans la dite Chambre, y présida et donna sentence de vérification et enre-


gistrement, en compagnie des sieurs Dufour, Belloc et Minvielle, conseillers au Conseil ordinaire. De ce Jacques et de sa femme sont issus plusieurs enfants, entre autres le maréchal de France, l'évêque d'Oloron, son frère, et un autre qui eut de Marie de Boeil, Jacob, baron de La Garde, seigneur du château d'Asson, marié à une Belsunce, et seulement deux filles. C'est par la mort de l'aînée, qui ne se maria point, et le mariage de la cadette chez Caumia-Baillenx, que notre vieux comte de Baillenx, son fils, a recueilli cette belle et bonne hérédité. Les descendants .de Jacques étant .plus près de nous et conséquemment plus connus, et d'ailleurs le Dictionnaire de la Noblesse, auquel j'ai renvoyé, étant vrai à leur égard, je les laisse pourrevenir au cordon bleu lieutenant gén~ral..

C'étoit un excellent officier. Lorsque, dans ses entretiens, il s'agissoit d'expéditions militaires, on ne peut en parler mieux qu'il le fesoit et en meilleurs termes. C'étoit son seul genre d'esprit, hors de là, rien. de plus borné. Il étoit attaqué de la pierre. C'est à l'âge de ans que, retiré du service, il fut opéré à Pau, par Ledru, un des plus célèbres médecins de ce siècle, et non moins pour la pratique que pour la théorie, qu'on avoit fait venir exprès de


Paris mais on avoit trop tardé, le malade n'ayant plus qu'un corps que de longues et cruelles souffrances avoient affoibli, ne put résister aux épreuves de l'opération, il mourut le lendemain.

Il avoit été marié, en 1.710, avec une Fleuriau d'Armenonville, fille de l'intendant- des finances, qui, en 17°7, avoit eu l'une des deux charges de directeurs des finances créées pour lui et pour M. Rouillé, et qui, ensuite, sous la régence de la minorité de Louis xv, ~fut secrétaire d'Etat et garde des sceaux. Il eut de ce mariage un fils unique, qui, lui ayant survécu, étoit déjà âgé de 24 à 25 ans, lorsque dans une partie de chasse aux environs de Paris, avec un jeune seigneur de sa connaissance, un coup de fusil, parti des "mains de ce dernier, abrégea funestement ses jours. On n'a jamais bien sçu si c'étoit de par accident ou en duel, mais le duel fut la version la plus accréditée.

Ce fils, sur la tête duquel le nom s'est éteint, avoit deux soeurs, l'une mariée, en 1723, avec M. le comte de Peyre (Moret de Pagas de .Grolée), d'une des plus anciennes maisons du Gévaudan, mestre de camp d'un régiment de cavalerie de son nom, mort à Toulouse en r ~3 9 l'autre, en 1732, au comtè d'AnIezy~ (Damas de Thianges), guidon« des gendarmes de la garde du Roi.


C'est, par la mort de leur frère, que Mme' de Peyre devint héritière et recueillit une succession immense, qui, après elle, a passé en entier au comte de Peyre, son fils unique.

Il naquit en 1734, eut très jeune le régiment des grenadiers de France, et, la même année, le beau gouvernement du Bourbonnois. Ce ne fut pas, pour le dernier article, dont. on dut traiter de gré à gré, (j e ne sçais si c'est avec un Mailly ou un La Vallière) sans qu'il en coûtât gros, et, ce me semble, 400 millé livres, en sus d'une pension viagère de t6,ooo livres. La mère, quoique très altière et très capricieuse, avoit des moments heureux et où on la trouvoit extrêmement aimable. Elle n'étoit.-guère sans quelque ami particulier à qui ces moments rendoient tout ce qui est possible. C'étoit feu M. Day-Castillon, un de nos conseillers. au Parlement, qu'elle distinguoit volontiers. Je dirai seulement ici, pour qu'un seul trait le peigrie, qu'autant il étoit aisément absynthe et fiel à l'égard des hommes, autant il devenoit, avec la même facilité, tout miel et tout sucre à l'égard des femmes. Ses assiduités auprès de la comtesse étoient pour ainsi dire de tous les instants. Au moment où la grossesse qui fit naître le comte de Peyre se- manifesta, ce dut être par. l'effet de


quelqu'une de ces fortes impressions, que la vue continuelle d'un objet délicieux opère, que le nouveauné s'annonça par des traits de ressemblance mais leur plus de maturité les a rendus si frappants qu'aujourd'hui ce n'est plus qu'une vive image. La mère du. cordon bleu, son ayeule maternelle, mariée, en x 6~0, au marquis de Gassion, président à mortier et conseiller d'Etat, étoit une Colbert, fille de Colbert du Terron, intendant de La Rochelle. Je l'ai.vue mourir en 1750 ou 1751, plus que centenaire. C'est d'elle qu'on a pu dire, à bien juste titre, qu'elle joignoit aux agréments dé son sexe, la force d'esprit et de caractère et les vertus du nôtre.' Le cours de sa longue carrière en avoit multiplié les preuves mais combien la dernière fut supérieure, lorsque, n'ayant pl us que quatre jours à vivre, on lui apprit la mort de son petit-fils, ce dernier rejeton d'une tige illustre à laquelle elle avoit ellemême coritribué à donner encore plus d'éclat, mort qui la ftappqit dans ce qu'elle avoit de plus cher au monde, et qui emportoit toutes ses espérances Ce fut l'abbé Laudinat, théologal. à Lescar, ecclésiastique. de beaucoup de mérite et à qui elle 'avoit donné, depuis longtemps, toute sa confiance, qui lui annonça ce.cruèl évènem~nt, en supposant; pour .le


lui rendre moins amer, qu'il avoit été enlevé par la petite vérole. Elle étônna par son courage et sa rési-gnation.

A son arrivée en Béarn, la qualité de ~nadame étoit encore si rare que, par une distinction qu'elle crût devoir la flatter extrêmement, elle fut appelée madamette. Les, changements qu'un siècle de vie fit passer sous ses yeux durent, dans une tête aussi grandement organisée que la sienne et aussi susceptible de réflexions profondes, en produire de bien intéressantes. Tout le monde sait qu'il y a eu, sous Louis XIV, un Renaud d'Elissagaray qui inventa les galiotes à bombe, qui mourut capitaine de vaisseau, et je crois même, chef d'escadre, conseiller de .marine et grand cordon de Saint-L9uis, et, à cause de sa très petite taille;surnommé le petit Renaud. Peu de personnes saventque ce Renaud fut domestique de notre madamette; que ce fut elle qui aperçut en lui le germe des dispositions naturelles auxquelles sa célébrité étoit. attachée, en prit le premier soin, le fit, élever l'envoya à Rochefort, où, comme je l'ai déjà .observé, SOll' père étoit intendant, le lui adressa, le lui recoinmanda, et lui ouvrit ainsi la porte de la haute fortune à laquelle il parvint. Renaud. n'étoit pas béarnois. d'origine, il lz~toit~


simplement d'adoption. C'est, sans doute, ce qui a donné lieu à la méprise de Fontenelle, lorsque, dans l'éloge qu'il lui a consacré, comme membre de l'Académie des Sciences, il le dit né en Béarn, et non près de Bayonne, en Labourd, qui étoit le véritable pays de sa naissance. Je ne me rappelle plus si c'est cet historien bu quelque autre qui veut que Renaud fût d'une famille ancienne. On a vu ci-dessus que si elle l'étoit, elle a un peu dérogé. Il mourut garÇon, en 1719, à l'âge de 66 à 67 ans. Sa Théorie de la manc~uv~re des vaisseaux est un ouvrage estimé. Il laissa honnêtement du bien.

-Un Renaud, son petit-neveu, par lequel ce bien avoit été recueilli, épousa, en 1743, une demoiselle d'Esquille, issue du second mariage du feu président, père du vieux président d'aujourd'hui. La mère étoit fille d'un praticien nommé Bergeret. Sa gentillesse et un pain pris dans la fournée arrangèrent la chose. La fille fut le fruit de ce pain pris et passa sous l'étole. Elle eut pour frères :J'abbé d'Esquille, chanoine à Lescar; le chevalier d'Esquille, mousquetaire, chevalier de Saint-Louis un autre chevalier d'Esquille, lieutenant.. dans La Marche-Prince, qui, réformé à la paix, passa en Espagne et y entra dans les GardesWallonnes.



Il n'est pas du tout vrai, comme Pa dit, par pure vanité, l'illustre archevêque de ce nom, (car Dieu permet et, sans doute, pour la consolation de tous, que les misères humaines se glissent dans l'âme de. ceux qui lui sont le plus spécialement consacrés, ainsi que chez les profanes), que ce soit une famille ancienne et originaire d'Espagne. L'auteur du Grand Dictionnaire de la Noblesse, avec son Marca de Lamarque et les deux branches et alliés en Bigorre au comté de Comminges, mérite aussi peu qu'on s'y arrête. D'ailleurs la Bigorre étant un comté distinct, le Comminges l'étant aussi, la confusion qu'il en fait est absurde.

Reste que nos Marca étoient tout uniment origiginaires de Gan, petite ville à une lieue de Pau. Leur maison y subsiste encore. Je doute même que s'il y avoit des ancêtres nobles, cette noblesse remontât bien haut. Je suis sûr qu'il n'y en a eu aucun de militaire: hors de là, la distinction n'auroit rien de fort merveilleux, vu qu'il en est en Béarn, comme.

MARCA.


dans la Biscaye Espagnole, olt, par droit de sang et privilége local, elle est acquise à tout naturel du pays. J'ai vu jusqu'aux savetiers ne paroître nulle part, en public, que fiérement avec leurs grandes et lourdes rapières sous le bras.

En Béarn, toutes les seigneuries donnent aux possesseurs, quels qu'ils soient, droit d'entrée aux Etats dans l'ordre de la noblesse. Il en est de méme de la plupart des fiefs les plus simples, de ceux qui, le plus souvent, n'ont pour glèbe qu'un lopin de terre, qu'une masure, qu'un arbre. Ceux-ci sont en si grand nombre et d'un prix si modique, qu'il n'est pas d'homme, qui en état de prendre sur sa fortune, en dernier lieu, de 2,500 à 3,000 livres, et jadis, selon les époques plus ou moins reculées et le plus ou moins d'abondance de numéraire, une somme infiniment moindre, ne pût s'anoblir ainsi.

Je demande quels sont ceux de nos nobles, en quels temps qu'on les prenne, à placer à côté des grands défenseurs de l'Etat, dont tant d'autres pro- .vinces se glorifient. Il y a eu, je le sais, de braves guerriers, mais pas en grand nombre. Je mettrai à portée d'en juger quelque jour. Je me propose, autant que l'histoire ou des mémoires m'en donneront le moyen, d'en faire une exacte nomenclature.


Revenant à la famille Marca, voici ce que j'en ai recueilli de plus certain et de mieux

En 15 5 2, les urats et députés de la ville de Pau procédèrent à la reconnoissance et matricule des voisins qui pourroient jouir dors en avant des priviléges, etc.. etc. etc. Il y en avoit à cette époque ~3 5 que la délibération nomme et spécifie, on donne à. quelques-uns la qualité de noble. En citant Marca, on dit tout simplement M. Jérôme Marca. En 15.69, lors de l'invasion du Béarn par l'armée catholique sous le commandement de Tèrride, le Conseil Souverain, après avoir tenté inutilement du gouvernement du pays entre les mains du.comte de Gramont, qui vivoit dans sa maison, neutre entre les catholiques et les protestants, prit le parti de se soumettre, et le même Jérôme Marca, soit comme membre de ce tribunal, soit comme particulier, fut complimenter le général.

Dans la même année 1569, lorsque, par la plus heureuse et la plus rapide des expéditions, le comte de Montgonmery reprit le Béarn, le même Jérôme Marca, zélé catholique, après av oir exhorté son fils, Jacques Marca, à se. distinguer par le même 'zèle, se retira à Paris. et y mourut..

En 1574, un Bernard d'Escout, ministre à Bielle


en Ossau, représenta au Conseil ecclésiastique, présidé par M. d'Arras, -lieutenant-général, que, lorsque Terride se saisit de la ville de Pau, il fut fait prisonnier et délivré entre les mains d'un gentilhomme de Gascogne nommé d'Esparre, lequel taxa sa rançon à. 125 livres, dont M. Jacques de Marca se constitua sa caution responsable.. En 1581, Jacques de Marca, maître ordinaire des requêtes de l'hôtel, est nommé réformateur du domaine de S. M. en Bigorre, Nébouzan et. Barbazan. En 1612, (ceci est remarquable et me paroît tran- cher sur la vraie source de la noblesse de nos Marça~, la Chambre des Comptes de Pau, vérifie les lettres d'anoblissement de la personne de Jacques de Marca, de Gan, ensemble de sa -maison, écurie, basse-cour, jardin, et de trois métairies, le tout situé au territoire de la dite ville.

En 162 1, on enregistre des lettres de provision, en forme d'édit, de l'office de vice-sénéchal en Navarre et Béarn, avec un lieutenant, un greffier et des archers, octroyées en faveur de Jacques de Marca. En 1620, le rétablissement de la religion catholi-que en Béarn, exposé à des oppositions d'autant plus vives qu'elles étoient sourdement appuyées par La force, gouverneur, et que la plupart des membres


du Conseil Souverain étoient hùguenots, exigea que Louis xm vint lui-même. Il ne resta que cinq jours, et tout fut aplani. Il voulut, avant son départ, récompenser les trois pers-onnages, de la capacité, probité .et fidélité desquels il avoit reçu les meilleurs offices. L'un des trois étoit le sieur de Marca le fils. Il fut fait président au Parlement qu'on venoit d'ériger à la place de la Cour Souveraine. Ce président, fils de Jacques, petit-fils de Jérôme, étoit de son nom patronymique Pierre, et est précisément celui que sa science et ses dignités ont rendu si célèbre. On vient de voir à quoi s'en tenir sur l'origine de la noblesse de sa maison, et sur ce qui lui ouvrit le plus la voie des faveurs du gouvernement. Ayant été depuis en occasion d'ajouter à ses premiers services' et de remplir les vues de 13: cour, soit par une négociation importante en Catalogne, soit ensuite dans une autre qui, sans l'être au fond tout-à-fait autant, .n3en excita pas moins de très vifs, très sérieux et très longs débats, où il voulut bien se constituer un des plus rudes champions jésuitiques contre Jansénius et ses sectateurs, il fut successivement évêque de Conserans, archevêque de Toulouse, conseiller d'Etat, ministre d'Etat, archevêque de Paris. La funeste sin~ gularité de mourir le jour même qu'il reçut les bulles,


donna lieu à une epitaphe connue de tout le monde, qu'un jeu de mots rend d'autant plus piquante que la justesse du sens y est très bien conserv~e. Il ne parvint au sacerdoce que tard il avoit été marié, le seul fils qu'il eut (Galatoire de Marca) se destina aussi pour l'Eglise, mais avec bien moins de gloire et surtout d'une manière bien moins édifiante. Celui-ci en mourant laissa une bàtarde, qui élevée avec soin et assez riche, s'amouracha d'un maître de Inusique, borgne, mais d'ailleurs nerveux et bien fait, que j'ai connu dans mon enfance. Il se nommoit Darsin. Elle l'épousa à Toulouse; je pense qu'ils n'ont pas laissé de postérité.

Ce fils unique de l'archevêque dont la succession fut très considérable, avoit deux soeurs l'une fut mariée au sieur Bidou, vicomte de Saint-Martin l'autre à M. de Navailles, baron de Mirepeix. C'est par lui que cette succession s'est plongée en entier, .dans les deux familles, mais pas sans d'extrêmes difficultés pour le juste partage, ni sans de longs troubles. Il y eut un procès énorme et très dispendieux. Il a duré près d'un siècle avec beaucoup d'acharnement, et sur lequel on afiuir par s'accommoder. Le' singulier, c'est qu'ensuite, par le mariage du vicomte de Navailles d'aujourd'hui, seul descendant


du baron, avec Mlle d'Assat, héritière instituée et substituée du vieux vicomte de Saint-Martin, ces deux familles, confondues l'une .dans l'autre, n'en font plus qu'une; où tous les biens de Marca se trouvent réunis.

Je viens aux ouvrages de .notre archevêque. Son Wsçoire intitulée Histoire du Béarn eut pu l'être également des pays yoisins. Elle vaut moins qu'elle n'est es~imée. Il y a jeté l'érudition à pleines mains; c'étoit son fort. Mais ici elle est si surabondante et si diffuse qu'il me semble qu'elle dégénère en fatras. S'il ~t'eut jamais fait que cet ouvrage, on auroit eu assez raison de dire de lui qu'il étoit possible d'être, non pas plus savant, mais mieux savant. Il a mieux rencontré dans son Marca hispanica, et peut-être encore mieux dans son livre De concordia sacerdotis et ïmperü, où les libertés de l'Eglise gallicane sont établies et défendues avec vigueur. Mais il n'eut pas dû travailler à l'affoiblir par celui qui succéda pour expliquer et interpréter, au gré de la cour de Rome et des principes ultramontains, ce qu'il en avoit désapprouvé. Ce fut le fruit du refus obstiné des bulles, lors de sa nomination à l'évêché de çOJ1s~rans.

Ce n'est pas, malheureusement, le premier exemple


que l'église de Dieu ait fourni de personnages, d'ailleurs très précieux et très recommandables, que la soif des biens et des honneurs a dégradés à ce point; quelques critiques ont observé, et non sans motif, que cette soif dévorante fut un peu trop celle de ce prélat, et que toute sa vie, mêlée de.beaucoup d'intrigue, ne cesse d'en offrir les plus tristes preuves. Je lui fais grâce de la complaisance avec laquelle il a rapporté, je ne me rappelle plus où, qu'éta-n.t tombé dangereusement malade à Barcelone, un voeu public fit dépêcher à Notre-Dame de Monserrat, à la distance d'une grande journée, une- douzaine- de Capucins, nuds pieds, sans sandales, et autant- de j eunes filles, aussi pieds nuds, les cheveux épars 'et vêtues de longues robes blanches, pour demander sa guérison. On se doute bien que ce ne fut pas un voyage inutile. J'aurai la même réserve pour son Histoire~ pour la fondation -d-'une chapelle, connue en Béarn sous le nom de Bétharam, où les principales fêtes attirent des campagnes assez à la ronde un monde infini. Ces sortes de dévotions, où il se mêle assez souvent de misérables pratiques superstitieuses et qu'on fait aboutir en miracles, sont bien moins la gloire que le scandale de la religion; et M. de Marca eut dû moins qu'un autre en être l'historien et le panégyriste.


Quoi qu'il en soit, il a heureusement, lui, dans ses autres œuvres, de meilleurs titres pour que sa mémoire ne périsse point. L'abbé Faget, son cousin germain, et le savant Baluze, son secrétaire, éditeur de tout ce qu'il avoit composé, ont été historiens de sa vie en latin. Leur rivalité les mit aux prises, les grosses inj ures ne furent pas épargnées. J'en ai lu quelque chose dans ma jeunesse. Ce qui m'en est resté, c'est que Baluze, bien supérieur à son adversaire, lui reprochoit la plus crasse ignorance, et, dans sa latinité, des platitud~s, des solécismes et des barbarismes dont un écolier de cinquième auroit èu honte..



JÉLIOTTE.

Cet homme qui s'est fait un nom sur les planches de J'Opéra, comme haute-contre, moins peut-être par l'extrême beauté de sa voix que par l'art infini avec lequel il en sut faire usage, naquit en Béarn dans le village de Lasseube, 1 cinq lieues de Pau, vers l'année 1715.

Il débuta par être enfant de choeur à Bétharatn, chapelle du même pays, fameuse par le 'concours immense de dévots qu'elle attire, chaque fête de la Vierge, par ses prétendus miracles, par ses ex-voto, et dont l'illustre Marca, tout habile et judicieux savant qu'il étoir, n'a pas dédaigné de prôner les pratiques et de nous donner l'histoiré. C'est que Jéliotte reçut sa première éducation. Il en fut plus particulièrement. redevable à un abbé Pourquier, prêtre respectable.et l'un des coryphées de cette chapelle. Il lui dut aussi; à l'âge de 15 à r6 ans, de passer à .Paris, où un autre Pourquier, frère de l'abbé, étoit établi depuis quelques années et jouissoit d'une fortune. considérable, rapidement acquise dans le com-


ll1crce des meubles de carton vernissé qu'il travailloit lui-même, et auquel une mode éphémère avoit donné la plus grande vogue. C'est de chez ce Pourquier, et grâce à' ses soins et à ses démarches du plus vif intérêt, que Jéliotte parvint à ce qui l'a successivement si fort distingué dans la carrière qu'il avoit embrassée. J'en ai connu le terme.

J'étois à Paris en 1748, je le, vis jouer à l'Opéra. Il y étoit encore en y53, mais sa retraite suivit de près. Jamais acteur n'a excité autant d'enthousiasme, ni joui d'autant d'agréinent. Ce n'est pas qu'au physique, tant s'en faut, il fut merveilleux. A moins que. sa figure ne soit animée par la passion, elle est assez insignifiante: un visage plein, haut en couleur, même bourgeonné, un front étroit, des yeux bleus à fleur de tête, une grande bouche, une taille moyenne assez mal bâtie, des ambes arquées et de vilains pieds, n'ont pas empêché que les premières femmes de la cour et de la capitale n'en ayent longtemps raffolé, et que ses bonnes fortunes n'ayent fait dans le temps beaucoup de bruit.

Il vaut, dit-on, mieux dans la morale; à en. juger ,par le nombre d'amis que, dans des classes au-dessus du commun, il avoit su mériter et'se conserver, la chose ne seroit pas douteuse. J'avoue néanmoins


qu'elle l'est pour moi, et que, d'après quelques circonstances qui m'ont mis à portée de le connoître et de l'apprécier,. j'ai jugé que ce que ce moral peut avoir d'.estimable, est mêlé d'une affectation d'air, de ton,: et. de manières de "grand seigneur, qu'on sent aisément que le malheur d'avoir d Au- les subir, ne lui a pas donné le droit d'exercer. C'est qu'à travers un air honnête et doux, une voix traînante, un ton emmiellé, perce l'empreinte de cette impertinence que l'orgueil du talent et des applaudissements outrés qui en sont d'ordinaire la suite, donnent aux enfants gâtés du théâtte.

Celui-ci, surnommé de bonne heure et à.j uste titre Ie~ Dieu du goût, ne possède plus depuis longtemps que le trépied, sur lequel il. cherche vainement à faire écouter ~ses oracles. Il est retiré à Oloron, chez une de ses. nièc-es; dont le ,mari, négociant riche et pas sans considération,- puisque. ses concitoyens l'ont quelquefois porté aux: premières fon.ctions municipales, toutefois il porte bien plus de prétentions que de mérites réels s'appelle M. c'est chez lui que l'~ncle,cons~mé d'âge et encore plus d'ennui, éprouvé et complètement rendu, termine. ses jours. il aura sa nièce pour héritière de tous ses -biens.

La fille unique de cette. nièce. fut mariée à Pau


avec le..fils du baron de NavaiIIes-Angaïs, aussi esti. mable et aussi estimé que son père l'est peu. ,Le caractère,. l'esprit, la figure, la taille, l'air, les lna~ nié~-es, tout rend la jeune femme très intéressante.. La succession de Jéliotte, quoique assez cossue, surtout. en bijoux, fruit d'un temps de gloire où sa voix, recherchée à l'envi, paroissoit .ne pouvoir -être. trop généreusement payée ou gratifiée, et non' moins en livres, dont il a eu beaucoup l'amour-propre et l'ostentation, le sera moins en argent qu'elle n'auroit dû l'être. La passion du jeu lui avoit coûté énormé. ment. J'ai ouï parlé de 5 oo mille livres j'en conclus un double 'scandale, celui de la perte en soi et du moyen acquis par l'unique mérite -du talent ,théâtral. Cette perte avoit déjà eu lieu en 1746. Il fit mine de quitter l'Opéra. C'est pour l'y retenir que la Pompadour, alors maîtresse de Louis xv, et quelques autres femmes de la cour et de la ville, de la même tournure, se chargèrent de loter son écrin. Cette loterie rendit plus de ioo mille livres, et la plupart des lots étant échus, et pas, dit-on, sans quelque tour de main, à ces galantes protectrices, une bonne partie lui revint.

Au reste, il est trop juste qu'avant de quitter Jéliotte, je me fasse honneur d'un trait infiniment


plus familier et plùs amical que mon très peu de relation avec lui ne sembloit le permettre. Le cardinal Alberoni, que le duc de Vendôme recevoit sur.sa chaise percée, aimoit à s'en vanter comme d'une faveur. Un jour que je fus voir notre illustre histrion, il m'admit à la même faveur, mais je lui prouvai, par l'extrême célérité d'un pas rétrograde et de ma retraite, qu'il étoit des marques de bonté et de bienveillance dont je n'abusois pas.



LA NIARQUISE DE COURBONS.

Elle est morte en 1769. C'étoit un tempérament tout besoin, tout luxure, et un esprit tout parole, tout vagabondage et tout flagornerie ou tout mé~chanceté. Elle fut mariée en 1733, extrêmement j eune, à un chef d~ magistrature, qui l'étoit bien moins, qui en étoit à ses secondes noces, dont le corps maigre et fluet étoit tout diarrhée, et l'esprit tout réserve et astuce. La ville de Pau leur fit un beau présent de linge fin du pays.

Ce mari étoit un M. de Gaubert, marquis de Courbons, de l'ancienne maison des Roux de Laric, originaire du royaume de Naples, dont une branche vint s'établir en France en 1346. En 1728, son père, conseiller au parlement de Provence, fut nommé prémier président du parlement de Pau. Le 'fils le remplaça quelques années après. C'est ce dernier qui eut des affaires si vives avec sa compagnie, qui la tourmenta, qui la subjugua, qui la cajola, qui la ramena, en Uil mot qui, en fin et très fin provençal, s'en joua toujours a sa gUIse.


Revenant au mariage, il n'en fut jamais, du moins pour l'âge, l'humeur et le tempérament, de plus désassorti. La femme qui étoit une Lons, soeur du feu marquis, fut trompée en tous points. Ce fut de celui qui l'irritoit et l'incommodoit le plus, qu'elle chercha d'abord à se dédommager. Le moyen en étoit sous sa main.

Le hasard lui avoit ménagé chez elle un merveilleux agent dans un. gros gars bien râblu,.qui se piquoit de jansénisme; et qui le lui infusoit avec cette bénigne et brûlante hypocrisie si propre aux gens de sa secte c'est ce gars que le mari avoit pour secré= taire. Il se nommoit David, et auroit donné. tous:lespsaumes de son patron pour une Bethsabée. L'intrigue ne put à la longue n'être pas aperçue. Ce -qui .-la décela avec, éclat, c'est que dans une circonstance où le mari voulut lever une partie de la dot de la fenlme, David révéla à celle-ci que tous les biens situés ~en Provence et déclarés libres lors de son mariage, étoient au contraire tous substitués aux mâles Gaubert. Il y eut horriblement de vacarme. Le secrétaire fut chassé. TI se réfugia chez le marquis de Lons et' y fut ,accueilli. La présidente, sortie furtivement, avoit déjà eu le même refuge. Ce fut pendant quelque temps un sujet de scandale pour la ville et pour la


province. Le secrétaire, menacé'et effrayé, gagna-vers Sauveterre la frontière du pays de Soule. Il avoit l'â pour ami un M. Vivié de Campagne, janséniste outré. Sachant que M. de Gaubert avoit le bras long et les mains dangereuses, il ne fut pas tranquille, il partit pour Paris. A la faveur de son soi-disant jansénisme, il se fit conno1tre du',vieux maréchal de Noail.les, et capta toute sa confiance. Il en abusa. Logé et nourri à l'hôtel, il y tramoit des tracasseries. Le maréchal mort, .il -dut. déguerpir bien vite, il se retira à Saint-Magloire où il a fini ses jours. Je 1-'ai beaucoup. connu, il avoit infiniment d'esprit et de connoissances c'est surtout pour les affaires 'épineuses et où l'adroite friponnerie. pouvoit. quelque chose, qu'il se

surpassoit.

La brouillerie de Mme. de Courbons avec son mari eut un terme,. ils se raccommodèrent. Lui ne survécut guère. Elle, devenue veuve, se fixa à Pau, et s'y tint'honorablement, elle le pouvoit elle jouissoit de 13 à 14 mille livres de rente. Elle avoit eu de son mariage deux filles. L'aînée, Mme la présidente de Mesplès-Esquiule, n'est ni belle,. ni jolie, ni bien faite. Elle croit trop qu'avec beaucoup d'esprit et peu de j jugement, on peut se mêlef de tout diriger, ça toujours été sa fureur. Elle a le ,tort de ne pas sen.tir


que, quand cet esprit va sans cesse furetant, tradassant, malignant, on ne devroit se mêler de rien. Le président, son mari, quoiqu'il se ressente de là morgue très bien exprimée dans les deux vers de l'abbé Puyau

Aus simples ,de Mesplès la hole banitat

Dab l'espade, d'Anchot birouleye Iou cat

est un homme plein de bon sens, de droiture, de probité, de piété, et, comme magistrat, assez- éclairé; et parfaitement intègre. Il n'a qu'une fille, très" aimable, mariée ~M..de Verthamon, président à mortier au parlement de Bor~deau~. Mme de Verthamon I)~a: pas d'enfants, ni ne peut, se flatter d'en avoir. Les biens de Mesplès passéront à sa cousine germaine, Mme" de Grainont Caulèt, qui- vit à Paris, continuellement entourée du corps- diplomatique, où l'on dit qu'elle a l'art de se ménage"r dessectets plus agréables queceuxde:la politique des têtes couronnées. C'est la fille unique dû feu chèvalier de Mesplès, oncle du président. Les biens de celui-ci -sont très considérables. La deuxième fille de Mme de Coùrbons,. belle, grande et bien faite, n'est pas ingrate envers la nature et sait tout ce qu'on peut faire de ses dons. Elle fut


mariée, au jeune Gaubert, son .cousin germain. Il est aussi le mien d'un degré au-dessous, de quoi probablement nous nous glorifions aussi peu l'un que l'autre.. Le fait est que le chevalier de Gaubert, frère unique du premier président, étant venu en Béarn, une demoiselle de Lalanne, belle comme un astre, séduisante comme une syrène, l'erijola, et il s'éprit de ses charmes- au point de l'épouser.

Ce mariage- déplut au premier président. Les nouveaux_ mariés passérent en Espagne le .chevalier y obtint avec assez de peine une lieutenance d'infanterie. Leurs moyens pour subsister étoient si courts, qu'étant en garnison à Valence, -ils firent venir de France des chapeaux, et ils vivotèrent assez longtemps de ce J}1i~çe commerce. La femme se souvint qu'elle avoit- dans l'Electorat de Hanovre un oncle, lieute1).ant-génér~l, officier de mérite..Elle lui écrivit. une lettre touchante, cela lui réussit. Il mit en mouvement l'ambassadeur d'Angleterre à la cour de Madrid, et ,le chevalier de Gaubert eut la lieutenance-colon~lle. d'un. régiment. Depuis lors ce ne furent plus que marques de faveur. Le'chevalier mourut. Leur fils. 'atné, à qui la substitution des biens de Provence.- étoit dévolue, devint par précieux au premier.président qui.se hâta de le marier à sa seconde


fille. Il y a des enfants, entre autres un j~\1ne homnie de J8 à 20 ans qui. sc;rvoit ~n.France. C'est 'cette seconde fille que M-c..de. Courbons idol. troit autant qu'elle détestoit l'autre. Elle lui a laissé par. testament tout ce qu'elle avoit de libre. Elle ou ses enfants auront encore à recueillir, quelque jour, la succession de Mme de Verthamon. Il ne nous reste plus de Me,~plès-Anchot.. A la mort du président, il n'y aura plus de mâle. Il avoit deux frères et trois soeurs. L'un des frères, étant au service, y tomba en démence il e~t enfermé je ne sais où. L'autre, prêtre et chanoine du chapître de -Sainte-Marie-d'Oloron et qui avoit toutes les vertus du saçerd.oce, est mort chez l'un de ses amis, en Chalosse., dans le même état. Ce fut aus~i le son 'de 1-'une des soeurs. Un abbé de Mesplès, oncle 4u président,. ne fut jamais fou, mais en re..5vanche ne ce,ssa jamais d'être imbécile.

Si je parlois du père d'eux tous, je trouverois amplement matière pour'des. ridicules, paime mieux m'en tenir à dire qu'on l'avoit surnommé l'avare ~om~eux.

mya paru qu'on convient généralement que la noblesse de Mesplès-Anchot est ancienne et" bonne Voici çe que j'ai pu en recueijlir de mieux


De Guixarnaud de Mesplès, .seigneur d'Aren, e.t de Magnifique de Lichos vinrent plusieurs enfants. Le troisième des m~les fut cet Anchot qui combattit bravement pour Henri m à Ivry un de nos anciens historiens en parle avec éloge, je pense que c'est Mézeray. Il étoit gouverneur de Provence, il eut pour femme une Belzunce.

D'eux naquit César-Anchot, ne du nom, baron d'Esquiule, ayeul de Jean, en faveur duquel, par lettres patentes de 173 2, cette baronnie et les seigneuries

de Saint-Goin et Géronce, dans la vallée de Josbnig, furent unies et érigées en marquisat sous le nom'de Mesplès. C'est ce Jean qui; marié ayecune demoiselle d'Arros d'Argelos,. fille. unique, héritière du baron d'Arros, seigneur de Viven, en eût trois garçons et trois filles. L'un des frères de Jean fut chevalier de Saint-Lazare et lieutenant-colonel d'infanterie. par brevet; marié avec l'héritière de Claverie; Mme de Gramont-Caulet fut leur unique, enfant. L'autre, connu sous le nom de l'abbé .d'Esquiule, ne fut jamais qu'une bête.

Le brave gouverneur de Provence, fils de Guixar- naud, avoit deux frères aînés qui ont formé les deux branches d'Aren et de Susmiou.

Celle d'Aren est tombée en quenouille. Il n'en étoit 9


resté qu'une fille, qu'un Casamajor, seigneur du petit fief de Vianne à Vielleségure, abusa et rendit enceinte; c'est ce qui détermina le mariage et fit passer en ses mains, avec d'autres biens assez considérables, la terre d'Aren, qu'un des ancêtres de cette héritière avoit fait ériger en baronnie. Le baron d'Aren, marié à Mlle de Charrite, quoique il ne prît j amais d'autre nom que celui de baron de Mesplès, étoit de cette manière baron de Mesplès-Aren. Il y a encore des Susmiou; je ne m'y arrête pas,. étant trop peu instruit de ce qui les regarde. 1 Il y a aussi un Desclaux-Mesplès, baron de Navailles. Je me contente de prévenir que, s'il porte le nom de Mesplès, quoiqu'il ne lui soit venu que parsa femme, il y est dûment autorisé.En 1607, un Guilhem de Mesplés, avocat et procureur-général en-la chancellerie de Navarre, passa.à-une charge de conseiller au dit- tribunal, au lieu- etplace de Jean de Frexo, décédé.- En 1622, lors de l'érection du Conseil Souverain de Béarn en parlement de Navarre, on créa en faveur de Paul de Me~plès, avocat, l'office de greffier civil. et crimine].

Ces deux Mesplès étoient des Anchot.


LE BARON DE LIVRON DE HOURS,

MARÉCHAr. DE CAMP DES ARMÉES DU ROI, INSPECTlmR DE C:11.1:RIE, CORDO\ ROUGE.

Son père passoit pour un bon gentilhomme, sa mère étoit Armendaritz, nom ancien et dont la BasseNavarre s'honore. Ils n'eurent que deux enfants, tous les deux m~,les; c'en étoit de reste pour l'état de leur fortune.

Il n'est pas en Béarn de famille 'dont je puisse parler plus compétemment. Elle.étoit très liée avec la mienne voisinage, société, amitié, tout y concouroit. Les deux frères firent leurs études au collége de Pau. Je les y eus, non pas pour condisciples, (j'étois plus jeune que l'un de cinq ans et que l'autre de deux), mais pour contemporains et même pour camarades, autant que la disproportion d'~ge le comportoit. L'aîné, naturellement assez, froid d'esprit, l'étoit encore plus .de caractère. C'est par son jugement, et d'ailleurs, par tout ce qui dénote les qualités martiales, qu'il se distinguoit le plus, c'est aussi ce que, par la suite, il a le mieux justifié.


Joignnnt à une taille plus qu'ordinaire, l'avantage d'être très bien fait et très vigoureux, il excella à l'équitation, à l'escrime, à la danse, à tous les jeux de force et d'adresse avec une singulière facilité. Si première éducation qu'il reçut, ne se borna'pas' à celle de Pau, au delà de laquelle les facultés "de ses parent3 ne pouvoient s'étendre, il en eut l' obliga~ tion à feu M. le comte de Tréville; proche parent des Armendaritz. C'est par lui qu'il fut mené à Paris, mis et défrayé pendant deux ou trois ans à l'école des mousquetaires. C'est là, qu'en très peu de- temps il parvint à primer .pour tous- les exercices, et qu'-il= eut l'occasion de connoître le comte de" Gisors, fils du'maréchal dé Belle-Isle, alors ministre de la- guerre, ét celui qui, de tous les jeunes seigneurs de la -'cour,, au=rait été le plus loin dans la carrière des".armes, -s'il n'y, eût pas malheureusement été moissonné à là fIe"urde son âge. M. de Gisorsi- s'étoit fortement attaché àM. de Livron il l'attira dans son régiment, tl1ais: la paix étant survenue, ce régiment ne put -être préservé des réformes sévères et considérables qu'elle occasionna. En voyant partir pour -la provinceM. de Livron, il lui promit de ne pas l'oublier. M. de Livron, revenu en Béarn, et craignant que le -mo=~ ment de l'accomplissement de cette promesse ne fût


n~l~$e~ sûr: ni assez prochain, songea à se dédomtpag<par. quelque bon mariage.

-=-Nous ~y~on.s sur-le, chandelier, à Pau, une demoiselle d'Andoins,. aujourd'hui Mme d'Abidos, hé.ritière rien- moins que jolie, mais bien élevée, qui, riche d'environ ~25' mille écus, eut pour aspirant tout ce que. nos jeunes célibataires) et même quelques-uns d.'un âge assez mûr, présentoient de mieux. Je ne sais si ce fut en moi un goût difficile) ou vocltion ~ède, ou crainte de tant de rivaux, mais le sûr est. que bien des personnes, chargées de m'inspirer de la confiance, ne purent jamais me résoudre à en prendre assez, et que je fus, je crois, exactement. le seul qui se tint.à. l'écart. M. de Livron ne fit pas. de même:, toutes ses batteries furent dressées heureusement pour lui que ce fut sans succès. Rap p elé l'année suivante par M. le comte de Gisors, à. qui l'on avoit donné le régiment de carabiniers, il. y-~ eut. d'-abord une lieutenance qui le mena à entrer de bonne heure à 1-'état-major, et de là,. pardivers de-arés aux distinctions avec lesquelles j'ai déjà -dit qu'il à terminé sa vie; si elle eiit été longue et que les circonstances l'eussent nlis à même de continuer à être employé, il n'y avoit pas de grade où il ne pût atteindre. C'étoit un excellent officier,: reconnu pour tel.


Lorsqu'il rentra au service, il n'étoit plus très j eune, il avoit bien 3 6 ou 37 ans. Mais les batailles meurtrières, surtout une où il réchappa avec çinq seuls capitaines du régiment, et où M. de Gisors fut tué (c'était en 17 5 8, à celle de Crevelt sur le Rhin), hâtèrent d'une manière inouïe son avancement. La mort du père de M. de Livron ayant de nÇ>uy~au attiré ce dernier en Béarn, et le principe du maréchal de Gassion, qui disoit estimer trop peu la vie pour en faire part à quelqu'un, n'étant pas apparemment le sien, il céda sans peine au désir qu'on eut de le marier à Mlle de Castetnau, fille et soeur. des deux Lacaze que le parlement de Pau a eus successivement pour chefs. Leur âge étoit différent, elle n'avoit que 18 ans, il en avoit 45 cela n'arrêta P3$, le mariage se fit. La demoiselle étoh d'une ~ès petite taille, mais faite à peindre, gentille et très pr_Qpre à plaire; si elle en avoit moins 'eu l'amour-propreet, la

prétention; deux enfants, l'un garçon, l'autre fille, ont été le fruit de cette union.

La fille, à la suite d'une maladie grave, éprouva une dislocation de hançhes dont rien n'a pu la remettre. C'est dommage, car sa figure est bien. » Le garçon, bàti comme le père, .ayant~_la mên;1e aptitude pour les exercices du corps, peQt-être même


un air moins roide et moins guindé, car c'est par là que le père péchoit, fut appelé dès l'âge -de 15 16 ans à quelques-uns des bals de la Reine, et y dansa aux applaudissements. Naturellement la tête lui en tourna; l'extrême fatuité qui lui en est restée, influe sensiblement dans ses procédés et dans ses manières..

-11 dut aux services du père dans les carabiniers, èt à la très grande considération dont il jouissoit, l'agrément d'en prendre l'uniforme et d'y être admis dès l'âge de 17 ans. Il a eu le bonheur d'épouser à 19, ou 2o ans une eune parisienne dont les paÉ'ents sont dans la finance, et qui lui a porté. infiniment -de bien. Le sien, qui, sur la tête de son ayeul/consistoit dans le fief de Hours, assorti d'un assez beau domaine avec le patronage et la- dime du- lieu, et dans une petite terre appelée Livron, -le- tout situé en Béarn, s'étoit assez joliment accru -:par les chances -heureuses et l'excellente conduite du père. Mme de Livron avoit d'ailleurs été dotée -de 100 mille livres. Le marquis de Lacaze, son frère, n'a ni enfant ni mine d'en avoir; si le cas arrive, elle sera seule à -lui succéder et il lui en reviendra -plus dé 2 mille livres de rente. On n'a plus le petit bien- de Haurs; le chevalier de Bela


en eut-. envie, Pacquit- et.-le paya -8o mille livres. -C'était un prixo.excellent,. mais- dont son opulence- le ..dispensait de -S'apercevoir. = ,a .-seigneurie de Pontac, que feu M., de, .Livron obtirit 'du-Roi avec .-tous les droits; attributs et re~ =~ venus, par voie d'échange, esr.1'évènen1ent de sa:vie: qui prouve le plus ce que- peut la faveur, mais en même temps celui dont sa :mémoire est le -rriôins v -honorée. Cette petite ville, une des plus anciérinés v du Béarn; devenant seigneurie patrimonialé,perd, avec .la liberté de chasse et de pêc~e et d'autres-- avantages, le- privilége, non moins: utile qué préciéuX; de-. se faire représenter aux Etats;:Généraux ~dè',la, pro" vince 'par' des. députés.' Elle- s'est pourvue, par- dès `- oppositions: vives, "réitérées et de touté justice; mais' _infructueusement. J'a ubliois la présentation de Mme, de Livron à la- cour. Il fallait des preuves de noblesse qui remon~' tassent à 1400; la chose étoit, rien moins qu?aisée, mais sans dotite qu'on se 'sentit encouragé -pa- -r l'exemple de tant d'autres, et qu'on paÿa:bieri,moyen infaillible. Ces preuves, m'a-t-on dit, on t été faites sous le nom d'Abbadie, et, quoique -nom soit peut-être le plus abondant qu!il:y ait en Béarn, on ne' s'y. doutolt pas le moins' diimôn(if~"q4eM~' -dé.


Livron pût- s'y mieux raccrocher. Il est allé dans je;:ne :sçais quelle 'province en découvrir un excellent, dont il tiroit origine et en- a eu des titres qui lui ont-servi. Nous avons un proverbe béarnois qui dit; Biengue _d ôun biengue, c'est-à-dire, vienne d'où vienne, ou la chose a réussi, le reste est égal.. 'Si maintenant je passe au. chevalier de Livron, frère de notre maréchal de camp, c'est pour qu'on sache qu'ayant, en partie, le physique'de son frère, et bien plus de vivaçité et d'agrément dans tout ce que la société offre de frivole, s'étant d'abord destiné pour l'~glise, préférant ensuite Je métier des armes, -il passa en Lorraine au service du -feu roi Stanislas ;il entra dans ses gardes, et résista constamment à son frère, qui; dès qu'il fut major. des carabiniers, fit hu~nai=nemént ce qu'il.. put pour l'attirer dans ce corps après avoir mangé ce qu'il avoit et ce qu'il n'avoit pas il .a fini -avec la croix de Saint-Louis et une modique pension de 4 à 500 livres, par se trouver exposé à manquer du nécessaire, si s.on frère n'y avoit pourvu.

Nous l'eûmes à Pau il y a quelques années. Il y vint ave~ le proj et de s'y fixer. Je vivois beaucoup. avec lui, notre ancienne et étro~te amitié s'étoit ranimée; j~n'eus :.4~~bÓrd. qu'à m'en lo~er. Quoique.


un peubavard,- et hurluberlu, il a de l' espri t~ il r a même naturellement aimable et gai}" mais il -se" = pâs= sionne aisément pour les -femmes, il 0"' eri a fait tôütë sa vie; je croyois qu'à plus de 6o ans, il sentoit de reste la nécessité d'éviter le ridicule de le faire encore. Point du tout.

Je l'ai vu s'attacher au char de Mme de Breteuil, en être amoureux, je ne dis pas' fou, mais jaloux, sombre, n'ouvrant pas la bouche en sa présence, comme un homme atteint de la rage muette. Je l'ai vu, dans -cet état, la- suivre en ville, à la campagne, dans tous les voyages et même dans celui qu'elle fit lorsqu'après avoir passé près d'un an à Pau chez Mme Lacaze, première présidente, elle s'en retouxna à Paris. Il y reçut agréablement son congé.Pour ne pas tromper tout-à-fait les apparences amoureuses, il donna dans la Inanière des jolies femmes il eut des vapeurs. Las d'éprouver qu'elles ne lui valoient, en Béarn, qu'un délaissement absolu, il regagna la Lorraine.

On dit qu'il est allé rejoindre à Lunéville une vieille pagode qu'il avoit longtemps encensée. Mais comme, si ses moyens d'encensement n'ont pas entièrement pris fin, le moment n'en peut être éloigné, j'imagine que sa patrie le reverra encore, et- pourvu que ce soit


sans du tout d'amour ni de vapeurs j'avoue que pour mon compte, j'en serai très aise; car, quand il n'est pas folâtre, il est amusant.



L ABORDE,

BANQUIRR DE LA COUR.

Qui eût dit,. il y a 4o ans, à ce millionnaire que mes notes n'étant destinées qu'à des Béarnois un peu marquants, il y auroit sa place Il naquit à Bielle, dans la vallée d'Ossau, de parents assez obscurs et qui avoient peu de bien. TI fut envoyé très jeune chez un de ses oncles, aubergiste à Jaca. Bien des gens du pays se souviennent encore d'avoir eu leur gosier désaltéré et leur monture étrillée et pansée de sa main.

Il avoit à Bayonne un oncle, marchand mercier et drapier, qui y fesoit très-'bien ses affaires; celui-ci, qui l'appela et le prit chez lui, laissa une veuve riche, mariée en secondes noces à M. de Faget, d'Orthez. A la, mort du premier mari, cette veuve, voulant favoriser notre Laborde, qui avoit déj à les détails de la boutique et quelque intérêt, prit des arrangements avec lui et la lui céda en entier. C'est ainsi qu'il débuta pour sa fortune. 'Si depuis elle s'est accrue si étrangement, il en est redevable, non à son génie, qui est


très ordinaire, deux mille négociants dans le royaume éta~1t, de ce côté-là, infiniment. au-dessus de lui, mais au hasard, au bonheur qu'il eut de se rendre utile au duc de Choiseul, le ministre en très grande faveur et l'ime de tout.

Il capta sa confiance et ses bonnes grâces. Il en jouit au. point d'avoir son secret, en 1762, lorsque, dans le fort d'une de nos guerres, conjointeinent avec l'Espagne, contre l'Angleterre, la paix, qui se négocioit le plus sourdement, ne fut plus douteuse, et qu'il n'en transpira rien pour le commerce ni pour le public, que plus tard. On pense que cette confi-- dence ne fut pas négligée. Aussitôt, courriers sur courriers à ses maisons de correspondance, spécula-. tions énormes, achats sans fin de toutes marchandi- ses propres pour nos colonies, encore plus pour les Indes Espagnoles, p~rticu1ièrement des toiles de Bretagne, qui, du bas prix auquel la guerre les avoit fait tomber, à cause du grand risque du commerce et de sa presque entière inaction, haussèrent extraordinairement à l'instant la paix fut connue.

Il avoit été précédemment appelé à Paris, il y eut la banque de la cour, il accapara toutes les matières d'or et d'argent qui nous venoient d'Espagne. Il accapara de même nos monnoies pour la fabrication.


Il -fit travailler exdusivelnent celtes de Pau et de' Bayonne, qui étoient aux d'Arripe. Il- occupa aussi la mÓnnoie d'Orléans, dont un Arnaùd.étoitdirecteur. En un mot, il parvint, et par là, et par les progrès de cet abus d'influence, et de part dans l'administration des' finances du royaume, à en devenir, avec une rapidité sans exemple, le plus riche particulier, et peut-être un des plus riches de l'Europe.

Il se trouva un peu arrêté, lors de la disgrâce- du duc de Choiseul, les opérations de l'abbé Terray, nommé -cúntrôleur-général" lui étant extrêmement préjudiciables; par la suspension du payement des rescriptions sur les recettes générales dont il avoit son portefeuille plein. Un trait de fureur et de désespoir l'engagea à faire' négocier, tout-à-coup, sur la place; à- 30 ou 40 pour 'cent de perte, pour plusieurs millions dé ces effets.'Le discrédit fut prompt, et il en résulta un ébranlement général, qui, avec raison,indisposa beaucoup. Il -joua gros jeu. Il faillit être recherché et attaqùé dans sa gestion financière, il finit néanmoins par en être quitte pour des humiliations et des soumissions. Elles dùrent lui être bien pénibles; car c'est, dit-on, l'homme du monde le plus vain et le plus insolent. Sorti de terre à l'instar des champignons; on voit comme- il a fructifié. La manière, assurément, ne tient pas du sortilége.


Tous nos Béarnois, dont il auroit dû sentir que le moindre l'honoroit, ont eu singuliérement à s'en plaindre. Il ne rendoit visite à aucun. La première fois qu'on se présentoit à son hôtel (puisque hôtel il y a), on n'étoit pas reçu, mais on prenoit rang sur la feuille du suisse, et lorsque, à la lecture, il trouvoit quelque distinction à faire, il envoyoit, le lendemain ou le surlendemain, aux élus des billets d'invitation pour dîner. Voilà jusqu'où ses grâces les plus signalées s'étendoient.

Dans le temps de son plus'grand éclat, toute l'ad-. ministration publique dépendoit, pour ainsi dire, de lui. Il obtenoit tout ce qu'il- vouloit. Nous en eûmes une preuve en Béarn, lorsque, arriérés d'environ 500 mille livres par l'accumulation de plusieurs années de vingtième, impôt que, relativ ement à nos priviléges, nous nous étions constamment refusés à payer autrement que par voie d'abonnement, et dont, en attendant, nous n'avions rien payé, ce. fut, par sa médiation que nous obtînmes une remise de 2'00 mille livres et un terme de deux ans pour l'acquit du reste. Sur ce que nous témoignâmes au sujet de ce point, qu'un si court délai nous rendoit la chose absolument impossible, il nous offrit de faire l'avance. Le service lui coûtoit peu, à cause de ses opération"s


avec le trésor public, et néanmoins le, transport t effréné de notre ~econ~oissance .l~i. yalut le don d'une entrée aux Etats personnelle, à -perpétuité. sur sa tête et sur celle de tous ses descendants mâles; faveur unique, dont un prince du sang royal eût. -été honoré, vu surtout que, d'après notre constitution, nulle entrée aux Etats ne pouvoit exister, sans avoir pour glèbe un immeuble..

J'étois présent lors de cet enthousiasme. Mille propositions, plus extravagantes les unes que les autres, se succédèrent, tant nos personnages les plus huppés et les plus prépondérants s'efforçoient à l'envi d'encenser cette idole du jour, le veau d'or.. Les Lons y .gagnèrent de suite un régiment qui certainement 1?-' eût été rien de trop pour- eux=mêmes, et que. néanmoins, sans cette circonstance, ils n'eussent jamais eu. Cette haute importance s'accrut encore considérablement par son mariage avec la fille d'une dame Nettine, qui tenoit à Bruxelles la première maison'de banque, et étoit la banquière de l'impérltrice MarieThérèse.

Il acheta à Paris tout un quartier, et y bâtit plusieurs magnifiques palais, entre autres un pour son bienfaiteur, le duc de Choiseul, et un autre pour lui. Il acquit dans le même temps des terres superbes. Celle


de La Ferté a été vendue depuis à Monsieur, frère du Roi, au prix de cinq millions, et néanmoins, vu les dépenses qu'il y avoit faites, avec perte de 15 à 1600 mille livres. La meilleure et la plus belle de ses acquisitions fut celle des habitations, toutes en sucreries, que le maréchal de Conflans possédoit au midi de notre colonie de Saint-Domingue. Il les paya à peu près deux millions. En portant le nombre des nègres à 15 oo, il les a mises dans un tel état de perfection et de valeur, qu'auj ourd'hui elles lui rendent 6 à 700 mille livres. Elles sont même aisément susceptibles d'un accroissement de revenu de 200 mille livres.

Ce parvenu a eu le pitoyable orgueil de passer pour un gentilhomme d'ancienne extraction, et grâce au gros argent qu'il étoit en état d'y mettre, et qu'il y mit, il tripota avec M. d'Hozier une généalogie merveilleuse; ayant eu ensuite du Roi, par voie d'échange, pour le Labordé, chef de la branche aînée, et sa famille, la seigneurie de Bielle en Ossau, cette famille étoit établie, il se hâta de lui fournir de quoi substituer à leur espèce de chaumière un beau château ce fut en acquérant au poids de l'or les terrains et maisons par lesquels elle se trouvoit resserrée. Ces maisons et ces terrains lui reviennent


à plus de 100 mille livres. Le Laborde qui l'habite, et auquel il a formé une fortune assez forte, en use nlodestement. Il avoit fait revêtir le père d'une charge de secrétaire du Roi au Grand Conseil, il s'en étoit revétu lui-même, preuve que la gé~éalogie de la façon d'Hozier ne lui paroissoit pas entièrement à l'abri de quelque chicane.

Il savonna de même M. Luzina, son beau-frère, domicilié à Jaca en Espagne, où il avoit été longtemps cuisinier Au nom de Luzina, il fit substituer celui de Luzignan, et, par ce moyen, l'a annexé aux héros les plus distingués de nos croisades à la Terre Sainte aux Luzignan, rois de Jérusalem. Ce. Luzina ou Luzignan avoit trois fils et trois filles sous les auspices .du duc de Choiseul, à qui rien ne coûtoit pour ses créatures, deux de ses trois fils passèrent à Vienne, obtinrent de l'emploi dans. les troupes de l'Impératrice et y font leur chemin le troisième, qui entra dans la marine en France, est lieutenant de vaisseau et croix de Saint-Louis tous sont bons suj ets.

Il a marié la première de ses nièces, lenr soeur, dans la maison de Faget de Pomps, la deuxième au marquis d'Esquiule, la troisième au marquis de Lafitole, ,çes deux derniers, présidents à mortier au


parlement de Pau. Il a doté chacune de 200mille livres. Il avoit marié précédemment une demoiselle Laborde, soeur de celui qui réside à Bielle, à M. de Lacaze, fils de notre premier président, président déj à lui-même, dès lors survivancier et adj oint à la même place. Elle a eu aussi 20o mille livres et un trousseau de 40 mille livres, mais avec une condition bien dure, que j'ai lue dans le contrat de mariage c'est qu'en cas qu'il n'y eût pas d'enfant, et le cas existe, le tout est tellement reversible, qu'on ne peut pas disposer d'un denier. Ce mariage ne flattoit nullement les Lacaze qui, au reste, n'avoient pas trop le droit, par leur propre naissance, d'être très-difficiles. Il n'eut lieu que parce que,- dans ce moment-là, leur maison étoit horriblement obérée. Cette dame avoit une soeur aînée qui, pour son malheur, avoit été mariée avant qu'une fortune immense eût pu favoriser tous ces grands établissements. C'est Mme de Ribagé le mari étoit médecin, et d'une famille plus qu'honnête elle resta avec six enfants. Elle voyoit sa soeur cadette au faîte des honneurs et des dépenses d'éclat, et manquoit du nécessaire. Le pourvoyeur banal ne fesoit presque rien pour elle. C'est depuis quatre ou cinq ans. seulement qu'il"a consenti à lui donner de quoi se retirer et


vivre au couvent des religieuses ,de Sainte-Claire à Oloron, et qu'il a fait passer les fils dans ses habitations.

Le Béarn foisonne de ses parents dans le plus grand besoin, dont plusieurs ont sollicité inutilement quelques secours. Il n'a jamais rien fait que pour sa vanité. Il a mis le comble par le mariage de ses deux filles l'une avec le comte d'Escars, premier écuyer du comte d'Artois; l'autre avec le prince de Poix. Voulant que, dans le contrat du premier, sa fortune fut stipulée partageable par égales portions entre tous ses enfants (il en avoit alors cinq, trois garçons et deux filles), il déclara25 ~nillions Il avoit davantage, et ne fut, sans doute, si modeste que pour se mettre moins scandaleusement en évidence. De ses trois garçons, deux ont péri le plus sinistrement dans le voyage autour du monde avec M. de Lap'eyrouse. L'aîné est garde du trésor royal. M. de Nogué, de Paris, beau-frère de Laborde le père, sans être aussi opulent, l'est néanmoins beaucoup. C'est un homme doux, sage, qui n'a rien des'airs importants, ni aucun dès ridicules du frère de sa femme et qui, à tous égards, est très estimable. Il avoit cinq enfants, deux garçons et trois filles.


L'aine des garçons est mort, à la fleur de son àge, conseiller au parlement de Paris j'en ai ouï dire mille biens. Le cadet, d'une surdité extrême, et encore plus infirme d'esprit que des oreilles, a voulu vainement lui succéder dans la même charge. Quoique dans ce Parlement, comme dans les autres, on ne regarde guère au moral des suj ets, il n'y a pas eu moyen. Il s'est retiré en Béarn: Il vit à Oloron, chez un M. de Nogué, surnommé Peyroulet, son oncle, dont il a épousé la fille.

De ses trois soeurs, l'une a épousé M. Dupleix de Bacquencourt, intendant de Bourgogne l'autre M. de Corberon, officier a ux gardes-françoises la troisiéme, un fils de M. Pinon, président à mortier au parlement de Paris. Je crois que toutes sont mortes; rien de si malsain

Mais- c'est assez parlé de notre Laborde et de ses rapports. Je l'ai fait, en quelques endroits, peut-être avec quelque peu d'humeur c'est que, même chez Ies grands,, la hauteur et l'insolence sont insupportables, et que, chez un parvenu, elles donnent la rage


Je commencerai par feu M. le marquis de Lons. Je le lui dois, à une circonstance près, où, par sa qualité de commissaire du Roi aux Etats;.Généraux .du pays, il me procura du désagrément, et obtint un arrêt du Conseil, qui me priva pendant deux ans de l'exercice de mes fonctions, ce que je soutins avec une fierté décente et sans amertume, et qu'enfin il fit révoquer de lui-même.. Je l'eus toujours pour ami, pour véritable ami. Il eut cette boutade à l'occasion d'une concurrence entre deux députés de la vallée d'Ossau. Il protégeoit celui auquel les Etats avoient donné l'exclusion, et vouloit que je me servisse de 1.'ascendant qu'il supposoit que j'avois sur le TiersEtat, pour qu'elle fût révoquée. C'étoit' une injustice évidente, d'ailleurs rendue impossible par nos règlements. Je lui résistai avec honnêteté et modestie, mais en même temps, avec une persévérance inflexible il ne m'en estima que davantage.

Né avec un caractère absolu et violent, et son éducation ayant été extrêmement négligée, il faisoit

LONS.


éprouver des moments critiques. Hors de là, c'étoit la bonté même. Sa mémoire étoit prodigieuse il eût pu, par de bonnes lectures, en retirer de très grands avantages ce qu'il ne fit point. Il n'avoit donc pas l'esprit cultivé, mais il en avoit naturellement beaucoup. Il l'avoit gai, cette gaieté alloit, même un peu. trop souvent, surtout pour un homme en place, jusqu'à la licence. Personne n'en avoit aussi agréablement, ni d'un meilleur ton. C'est un point sur' lequel son fils, le marquis actuel, a le tort de trop chercher à lui ressembler. La nature l'ayant moins favorisé, il tombe fréquemment dans l'écueil des conteurs qui ennuient. A tous autres égards, il est digne du père, il a le coeur comme lui, et est très capable d'attachement.

Cette maison est chère au Béarn; on y craignoitde la voir s'éteindre. Le fils a été marié deux fois. Il n'y avoit pas d'enfant de la première femme, qui étoit une héritière de Gudane, du pays de Foix, dont le père, riche, seulement par ses forges, de ioo mille livres de rente, étoit surnommé le roi des Pyrériées, et qu'on eût surnommé à plus juste titre le roi des prodigues et des dissipateurs. Malgré ses gros revenus, il étoit accablé de dettes. Devenu plus sage sur ses vieux jours, il se liquida. Sa fille étoit une brune,


faite à peindre, et de la beauté la plus piquante et la plus agréable. L'honneur, le ton, les manières, tout étoit en sa faveur. Elle fut soupçonnée, et plus, je crois, par tracasserie, et peut-être encore à cause de son peu de circonspection, que par aucun motif bien réel,. d'accueillir volontiers le plus. aiinable de nos cavaliers à Pau~ c'étoit M. de Faget-Pomps, père du jeune de Pomps, qui est auj ourd'hui le chef de cette maison. Le mari, averti par sa mère, qui avoit un dragon à l'œil et qui en avoit deux dans l'âme, prit ombrage et devint furieux. Une séparation d'avec .-sa femme devint nécessaire; elle se retira à Toulouse, dans un. couvent, où elle est morte fort jeune. La seconde femme du marquis de Lons est une Tourdonnet, fils du maître de la garde-robe de M. le comte d'Artois. Il en est fou et la rend heureuse elle le mérite. A la suite de deux filles, elle lui a donné un garçon, ce qui a comblé de joie tout le Béarn. Le marquis a trois soeurs. Je dirai de la dernière, qu'on nomme Augustine, encore fille, et qui paroît s'être condamnée à l'être touj ours, qu'elle a infiniment d'esprit, et qu'elle l'a très fin et très aimable, et ce qui vaut mieux, le coeur excellent. Quant aux deux. autres, dont l'une est Mme de Camou-Blachon, et l'autre 1V~e de Borda, femme d'un bon chevalier


de Saint-Louis, qui se tient à Dax, je m'en tais et proteste que ce n'est pas pour m'abstenir d'en dire du bien.

Je viens à la noblesse des Lons. Je crois qu'elle est très ancienne, très franche et peut-être la meilleure du pays. Il me semble que M. de Marca, dans son Histoire du Béarn, cite comme écuyer un de leurs ancêtres à une époque très reculée, ce dont je m'assurerai mieux quand le livre, que je n'ai pas tout-àl'heure, me retombera sous la main. Voici, maintenant, sur quoi je me fonde d'abord les Lons n'ont jamais eu d'autre nom que celui de leur terre, ce qui est une première présomption, à mon gré, décisive.

D'après mes extraits sûrs, qui ne remontent qu'en 1554, je trouve qu'en 1573, il y eut à Pau une assemblée du Synode général, présents M. d'Arros, lieutenant-général; MM. de Lons, d'Artiguelouve, de Tisnés, de Gassion, etc., etc.; qu'en 1593, il fut vérifié des lettres-patentes de plusieurs droits domaniaux donnés, en jouissance et par engagement, au sieur de Lons, chambellan de S. M., en considération de ses longs services à la personne du Roi,, de plusieurs .blessures reçues, et du délaissement fait en ses mains de la charge de premier écuyer, de l'écurie


qu'en 16 11, il fut aussi enregistré des lettres de confirmation, en faveur de M. de Lons, colonel-général d'int1ntetie au royaume de.Navarre et Béarn, de la baronnie de Poey d'Arrius, je pense qu'elle est en Chalosse; qu'en z 6 t 6, une déclaration du Roi portant suppression du dit office de colonel-général, et, à la -place, érection .d'un office de conseiller de guerre près la personne du gouverneur aux gages de 200 livres, fut aussi enregistrée qu'en 1640, on en usa de même pour les lettres expédiées en faveur de Philippe, seigneur et baron de Lons, de la charge de gouverneur du comté de Pardiac et de capitaine de Monlezun, vacante par le décès du sieur Jean de Lons, père, à raison tant des services de ses prédécesseurs que de ceux que lui-même avoit rendus aux siég~s de Fontarabie, Sales, etc., etc. C'est à ce Philippe qu'Antoine de Gramont, duc et pair, donna en mariage Françoise-MargueriteBayonne, sa fille,. ce que le degré d'élévation où la maison de Gramont étoit depuis longtemps montée, 11' eÍlt guère permis, sans la certitude que c'étoit une alliance assortie. Puis vint le mariage d'Antoine, fils de Philippe, avec l'héritière de Miossens, issue du sang d'Albret, qui porta le, çOl11té de Samsons ~v~ç

d'autres terres,


J'aj oute que, depuis cent ans, c'est, de père en fils, par les Lons, que nos Etats de Béarn ont été constamment tenus. Cependant, la bonne foi exige que je convienne, que, parmi nos inilitaires distingués, nos braves capitaines, dont Brantôme ou d'autres historiens ou mémorialistes de son temps parlent à l'occasion des guerres, depuis le règne de François 1er, on ne voit aucun Lons que le marquis de Lons d'aujourd'hui, maréchal de camp, est le premier officier-général que cette maison ait eu et'que, lors des preuves pour entrer au carrosse du Roi, sur la tête du marquis de Lons, il'se trouva quelque lacune, que, sans l'appui et les secours signalés de M. de Marville, qui avoit été merveilleusement secondé et peutêtre trop" lorsqu'en 176,5, M. de Bacquencourt et lui, en leur qualité de commissaires du Roi, arrivèrent à Pau pour la destruction de l'ancien Parlement, on ne seroit jamais parvenu à suppléer. Ce service, et le zèle qu'on y avoit apporté, fqrentmis en grande considération, et tout s'arrangea.

Des terres en grand nombre dont quelquesunes titrées, à l'exception de celles de Départ près Orthez, et de Saubaignon, sur la grande route de Pau à Thèze, vendues de nos jours, la première à M. Estandau, l'autre à M. de Courréges d'Agnos,


avoient été portées chez Lons successivement, par trois héritières, savoir Miossens-Samsons, SaintMacary, et Oroignen.

J'ai déjà fait connoître ce qu'étoient les Miossens. La Saint-Macary étoit fille d'un Saint-Macary, originaire de Salies. C'est lui que l'abbé Puyau, dans sa satire sur les, nobles du Béarn, a frappé de ce vers

Saint-Macari a troubat estat per soùn coutet.

C'est qu'en effet l'ayeul étoit boucher. Le petit-fils qui s'éleva par beaucoup de manoeuvres, mourut doyen du Parlement et subdélégué-général 'promu par le Roi, en 1704, sous l'intendance de M: Méliand. La d'Oroignen, de qui on a eu la terre de ce nom, près Navarreins, et tous les autres biens attenants, avoit pour père un président à mortier (le vrai nom de ces d'Oroignen étoit Abbadie).

C'étoit un magistrat de la plus belle représentation en gravité et dignité, beau parleùr, qui tint bon au Palais, jusqu'à sa mort, quoiqu'il ait vécu près d'un siècle, et que, dans' les quinze ou seize dernières années, son esprit se fût affoibli presque jusques à l'imbécillité. Ce ne fut pas le cas de sa fille. Elle conserva le sien, vif, pénétrant, plein de finesse, jusqu'au


dernier moment; à la vérité, elle eut des jours bien moins longs. Elle fut peu regrettée à cause de son caractère altier et hautain, et des insolences qu'elle se permettoit même avec les personnes le moins faites pour y être exposées.

Elle s'avisa, dans une occasion, de manquer aux Gramont, à 'qui les Lons devoient tout, et particulièrement, depuis trois générations, la commission du Roi pour représenter sa personne aux Etats-Généraux du pays. Elle voulut se rendre indépendante, et que ce fût un attribut de la charge de lieutenant pour le Roi en Navarre et en Béarn, simple charge municipale, créée à la fin du dernier siècle, et levée au bureau des parties casuelles pour 40.mille livres. Elle faillit à payer cher cette vaine et ridicule prétention. La commission fut adressée à MM. de NavaillesMirepeix et de Denguin, anciens membres du corps de la noblesse. Le mari et la femme coururent vite à Paris, et ce ne fut qu'après bien des démarches les plus humbles, bien des témoignages. de regrets et de repentir, qu'ils parvinrent à calmer les Gramont, et à ravoir la commission qui leur est restée depuis, et qui les flatte assez pour se bien garder de la recompromettre.


LACLÈDE,

MAITRE PAr.TICULTER DES EAUX ET FOR~:TS.

Je n'ai pas connu de Béarnois qui fit plus d'honneur à son pays par ses connoissances et par ses vertus Il a eu, comme on voit ci-dessus, au siége de la maîtrise, une charge qu'il a remplie avec autant de droiture que de capacité. C'est une partie où peu de ses confrères ont autant travaillé que lui, et été autant en état de le faire et bien faire; je l'entends de l'administration et du contentieux. Ill~i en est revenu, de la part du gouvernement, des témoignages flatteurs et de confiance, par des commissions très importantes et non moins délicates, pour lesquelles on l'a préféré, lorsque l'occasion s'en est présentée. Je ne citerai que celle qui concerne notre Pont-Long, cette lande immense qui s'étend depuis Lourdes jusqu'à Bordeaux, et où tout le bétail du Béarn, sa seule richesse, s'alimente six à sept mois de l'année, c.'est-à-dire tout le temps que les neiges et les frimats couvrent nos montagnes.

Quoique la propriété de cette lande eût souvent


excité les efforts voraces et litigieux du fisc, elle avoit été constamment reconnue, sinon d'après des titres primordiaux bien valables, du moins d'après une possession très ancienne et divers jugements du Conseil, appartenir à la vallée d'Ossau. Elle en étoit donc à jouir paisiblement, lorsque, par une concession du Roi, revêtue de toutes les formalités d'usage, en faveur du comte de Polastron, père de la duchesse de Poli- gnac, favorite de la Reine, et qui disposoit alors, à son gré pour elle, et pour les- siens, de toutes les grâces, cette malheureuse vallée se trouva en butte tout-àcoup à une nouvelle attaque bien autrement dangeureuse que toutes celles qui avoient 'précédé. Un grand procès s'engagea. M. de Laclède fut commis pour l'examen des titres, leur vérification, leur dépouillement, le rapport raisonné, et là-dessus donner son avis. Il y employa six mois du travail le plus assidu et le plus pénible. Il y traita avec profondeur la partie de notre droit public du Béarn, porta júsqu'à la dernière évidence le point essentiel, c'està-dire en quoi il diff~roit du droit public de la France, à laquelle le Béarn, régi par sa constitution et par des lois propres et particulières, n'avoit été rélim qu'en I620, sous Louis XIII.

C'est par là, c'est surtout par son exactitude;* son


intégrité, la pureté de ses sentiments, sa résistance inflexible aux motifs qu'on lui présentoit de s'attirer la protection d'une maison puissante, disposée à faire tout pour lui, qu'il sauva à la vallée d'Ossau cette propriété si précieuse, dont le concessionnaire avoit déjà traité avec une compagnie cultivatrice., et au Béarn la privation absolue du seul élément de ses moyens d'existence.

Eh bien qu'a recueilli ce digne et rare citoyen de ,quarante années d'exercice continuel. et rigide, de tant de qualités et d'actions bienfesantes ? Oui, sans doute, l'estime et la considération des hommes faits pour l'aprécier, dont malheureusement la classe n'est ni prépondérante, ni la plus nombreuse, mâis bien plus encore la jalousie et l'envie de la majeure partie de ses compatriotes, l'ingratitude de cette vallée qui -lui devoit tant, et, de la part du gouvernement, l'aliénation., à titre de cens, d'un domaine d'environ 5°0 arpents, perche royale, contigu à ce m.ême PontLong, domaine dont le Roi étoit incontestablement le seul propriétaire. Ce terrain, toujours inculte, toujours ouvert, aussi peu surveillé et aussi peu gaJ;'4~ que le. sont, en général, ceux qui appartiennent au fisc, est tout près de Pau, et, pour ainsi dire, sous la main des paysans qui sont hors la ville.


.Ils y menoient paître leur bétail; on ne leur disoit mot. Leur entreprise, favorisée par l'impunité, les avoit insensiblement accoutumés à s'envisager comme les vrais Inaîtres. A la vue de l'arrêté de concession, de la clôture de la culture, de la possession individuelle qui alloit s'en ensuivre, ils s'exaltèrent, ils s'ameutèrent, se déchaînèrent, firent opposition, attaquèrent d'abord devant le Parlement pour en1pêcher qu'il n'enregistrât, et qui néanmoins enregistra, puis par appel au Conseil du Roi, où leur succès ne fut pas meilleur, et ne pouvoit l'être. Leur fureur en devint plus forte.

L'anarchie et les e~cès auxquels ces temps de trouble ont servi de manteau et de véhicule, et qu'on a pu porter impunément, et au-delà de toute croyance, aussi l oin qu'on a voulu, ont servi ces malfaiteurs à leur gré. Des fossés abaissés et détruits, des touyas et des tailâs incendiés jusqu'à la racine, des arbres arrachés, des digues démolies, des champs ensemen-~ cés dévorés en herbe ou en moisson, des centaines de têtes de bétail mises à paître et répandues, de jour et de nuit, sous la garde de divers de ces satellites armés, dans ce domaine immense, un grand jardin, couvert de légumes et tout garni d'arbres'à fruits, rendu ras comme un pré fauché, une maison, des granges


forcées, saccagées, pillées, démolies à l'exception des murs, dont on a même arraché les pierres de taille, des piles considérables de bois de chauffage enlevées, en plein jour, sur des charrettes en un mot, tout ce que la rage peut inspirer de plus abominable et de plus atroce s'exécute ainsi, depuis près de trois ans, près de Pau, sous les yeux des corps administratifs, de la municipalité, des tribunaux de justice, de la garde nationale la plus nombreuse, des cavaliers de la maréchaussée, des soldats du guet, en un mot, de toutes les forces les plus imposantes, sans qu'il soit résulté quelque procédure, quelque information, quelque envoi de main-forte qui, du moins jusqu'à .présent, eût en rien dérangé les auteurs de ces crimes horribles, puisqu'ils paroissent encore chaque jour dans les. mêmes champs, avec leur bétail. Je dois ajouter lesrisques que M. de Laclède, sa femme, leurs enfants, leurs valets, ont couru pour leur propre vie à plusieurs reprises. Ils ont fini par tout abandonner, et furent à Accous, dans la vallée d'Aspe, lieu d'origine et de naissance de M. de Laclède, où heureusement ses ancêtres lui avoient formé un très beau patrimoine. Le prix accordé par le Roi à ses services, qui se présentoit d'abord sous un aspect flatteur et sembloit augmenter le bien-être de ses enfants, est, par évène-


ment, ce qui y a porté une atteinte peut-être irréparable. Le domaine concédé nud et tout en friche, et ne pouvant acquérir quelque valeur, un peu proportionnée à sa nature et à son étendue, que par beaucoup de dépenses en tous genres, il s'y livra sans hésiter. Elles alloient déjà à plus de 40,000 livres. Cet arg~n~ venoit tout d'engagements il le doit encore. On n'obvieroit pas avec une pareille somme aux dégâts et dommages qu'il a reçus. Si jamais la justice et la force publique reprennent leur activité et leur vigueur il sera vengé, non du côté des attentats et des outrages, ce n'est pas le temps, mais du moins du côté des intérêts. Ses procédures, ses informations constatent tout, et sont parfaitement en règle. Parmi les criminels qui y sont dénoncés et chargés, se trouvent des paysans très riches. Ceux-là payeront pour les misérables, leur responsabilité étant solidaire. Il s'est d'ailleurs, en conformité des décrets constitutionnels, ménagé par des actes rendus nécessaires .et faits à propos, celle sur les officiers municipaux coupables de refus ou de retard. J'ai même peine à croire que, ,bien connu des chefs de l'administration forestière, il n'y soit appelé de manière ou d'autre personne n'en est plus digne.

La -naissance de M. de Laclède est au-dessus du


commun. De tous les temps, la famille, chère à la vallée, y a joui des distinctions que le mérite et les vertus procurent. Il avoit pour oncle un homme de lettres de son nom, connu par son Histoire du Portugal, qui, quoique médiocre, ne fut pas dans le temps sans quelque succès, parce qu'on n'avoit pas mieux. Cet oncle, accueilli par Voltaire, qui en parle dans ses lettres, et qui même se plaint, ce me semble, de ce que, lui ayant prêté de l'argent, il avoit été sa dupe, fut secrétaire chez le comte de Coigny, chez lequel je crois qu'il mourut encore assez jeune. Un frère de M. de Laclède, garçon d'esprit, a eu le même sort à la Nouvelle-Orléans, mais d'une manière plus désastreuse. Son commerce avec les sauvages exigeoit que, chaque année, il se rapprochât d'eux. Ils finirent ;par le massacrer et le dévorer, au moment où, après avoir acquis une fortune considérable, il se disposoit à reigindre sa famille et à en venir jouir agréablement avec elle. Cette fortune a péri avec lui. Le frère aîné n'en a rien eu. Leur ayeule étoit une Latourette, nom perdu aujourd'hui en Béarn, mais à qui d'habiles ministres protestants avoient donné jadis de la réputation, et qui, dérivant d'une manière sensible de l'idiome Béarnois, me persuaderoit assez que tous les Latou-


rette établis ailleurs nous appartiennent originairement. Je crois que l'Académie des sciences et belleslettres de Lyon a aujourd'hui pour secrétaire un M. Latourette.

On jugera par la longueur de cet article combien la douceur de parler d'un de ceux de mes -amis qui a éprouvé le plus de malheurs, et qui, par la sagesse,-la tempérance et l'économie, j jointes aux autres bonnes qualités que j'ai déjà prisées, 111éritoit le moins cette destinée là, m'a paru un très juste hommage que mon coeur lui rendoit.


PARDIES.

Une des familles dont le Béarn s'honore le plus. Il n'en existe-plus de mâles. De deux filles qui nous restoient, l'aînée. fut mariée chez Péborde et l'autre c,hez ,Belloc. Je ne m'arrête pas à un. frère unique, officier de mérite, ni à deux autres sœurs, nées et mortes en Angleterre, où le père commun avoit passé pour fait de religion, lors de la révocation de l'édit de Nantes puisqu'ils n'ont pas laissé de postérité. Ils portoient le nom de Meyrac. C'est celui d'une des terres qu'ils avoient en Béarn. Celle-ci est dans la vallée d'Ossau. Elle fut vendue, il y a quelques années, par M. de Péborde f M. de Noguès, de Paris, qui, ayant tout près de Bescat, lieu de sa naissance et de celle de ses péres, la seigneurie de Sévi= gnac, la co-seigneurie et les moulins de la petite ville d'Arudy, paya grandement la bienséance.

En 1552, dans une assemblée de la communauté de Pau, d'ordre de M. d'Andoins, sénéchal de Béarn, pour procéder à la nomination de quinze députés qui éliroient six jurats, l'élection, faite par billets -qui


furent rémis au dit seigneur d'Andoins, cn présence du sieur Lavigne, juge- de Béarn, tomba entre autres sur un sieur Pardies..

La même année, les mêmes urats et députés, assemblés pour reconnoître et matriculer les voisins qui pourroient jouir à l'avenir des priviléges et droits attachés à'la dite qualité, prirent une délibération, où, de deux cent trente-cinq qui y sont nommés; `je trouve parmi les plus notables le même Pardies. En 1559, sur l'exemption d'être jurat à lui accor- dée par la reine Jeanne, il fut fait des remontrances, où on allègue qu'il est citoyen, homme capable 'à' la charge et qu'il y a pénurie de pareils sujets néân-= moins l'exemption est maintenue, et le sieur jeanGassion est.nommé.à.sa place.

En 1620, Louis xIII.vint en Béarn pour quel'édit de réunion à la couronne, de l'érection du' Conseil Souverain en Parlement, -du rétablissement de la religion catholique et de la restitution des biens. du clergé, triomphât de l'opposition des religionnaires et eût enfin son exécution il n'y resta que cinq jours. Il voulut, avant de partir, récompenser trois illustres personnages -dont il avoit reconnu la probité, la fidélité et le zèle: c'étoient Marca-le fils, conseiller 'au Conseil Souverain, Sorbério- et. Pardies, avocats, toùs


trois très zélés catholiques Marca fut fait président au nouveau Parlement; les deux autres, conseillers. En 1641, l'office du sieur de Pardies fut vendu au sieur de Noguès, avocat-généra] de la Chambre des Comptes, qui par là passa au Parlement. C'est ce NoglJès, qui, ensuite, membre de la commission établie par Louis xiv pour juger le malheureux Fouquet; fut un de ceux que l'on gagna par des récompenses pour opiner à la mort, et qui, par là, obtint uri brevet de conseiller d-État, et ouvrit la voie à toutes les faveurs versées depuis sur sa famille.

Le Pardies de 15 5 2 étoit ayeul du conseiller du conseiller naquit, en 1636, Ignace-Gasto'n de-Pardies que; dans le présent article, j'ai eu principalement' pour obj et. Il se fit jésuite il mourut à Paris, en 1673, d'une maladie pestilentielle qui dévastoit Bicêtre, et dont le zèle de la religion, et les devoirs de son ministère auprès des malades lui avoient trop dissimulé- le danger. Ce fut une véritable perte. indépendamment de ses vertus chrétiennes, c'étoit un -excellent physicien et un grand mathématicien. On a de lui des ouvrages très estimés et qui joignent au mérite du fond, celui de rappeler aussi, par le style, que c'est au siècle de Louis XIV qu'ils appartiennent. Ils sont savants,. profonds et bien,écrits..11 e4t


bien voulu s'affranchir de la philosophie d'Aristote, par laquelle les écoles étoient encore tyrannisées et se déclarer pour Descartes. Il se décela assez dans son Discours de la connaissance des bêtes mais la liberté des, opinions, même sur les matières purement conjecturales et systématiques, qui sont de nature- à l'être toujours, n'étoit pas alors encore assez établie. Le parlement de Paris rendoit encore alors des arrêts contre le moindre ébranlement du trône d'Aristote. Quelques années plus tard, le père Pardies n'eût plus vu dans Descartes, à sa Méthode près" qu'un ingénieux visionnaire. Il étoit fait pour sentir, et il eût senti la très grande supériorité de Newton, c'està-dire, celle d'un des plus grands génies dans tout ce qu'il étoit possible d'appliquer de géométrie, d'observations, d'expériences et de nouvelles découvertes à ce que toutes les parties de la philosophie ont de plùs obscur et de plus abstrait.

Je ne me souviens plus, si, dans la collection des oeuvres du père Pardies, se.trouve une lettre curiéuse et intéressante sur un événement sinistre du genre physique, qui survint dans son temps à Salies. Cette lettre fut insérée dans un des premiers volumes du Joiirnal des Savants. C'est là que je l'ai lue, il y a quarante-si: ans; ce qui m'en est resté dans la mémoire,


c'est qu'il s'agissoit d'une fosse profonde construite en forme de puits dans l'intérieur d'une maison dont le propriétaire étoit façonneur de sel. C'étoit là qu'il déposoit l'eau salée et qu'il puisoit à mesure de son travail. Un beau jour, cet homme disparoît, ce fut une absence de plusieurs années. Enfin il revint. Etant rentré chez lui, et voulant reprendre son ancien métier, il s'occupa d'abord du puits qui n'avoit pas été ouvert depuis son départ. La profondeur n'étoit pas excessive, et on y descendoit par quelques ,marches.' Etant parvenu au fond avec une lumière, il trouva qu'une croûte épaisse couvroit l'eau salée qu'il avoit laissée. L'ayant rompue sans aucune précaution, sans nulle idée qu'il y eût quelque danger, il éprouva bien vite le contraire une vapeur violente et maligne éteint tout à-coup sa lumière, et le renverse mort. Dans l'idée que c'étoit une asphyxie passagère et susceptible de secours, deux autres personnes descendirent successivement l'une périt de même, l'autre, également frappée, eut néanmoins la force de regagner le sol de la maison et en réchappa. Il fut depuis pris des moyens très prudents à la faveur desquels ce foyer d'air corrompu fut entièrement purifié. Ce que j'en rapporte, dénué d'ailleurs de la cause physique, de toute explication, attendu que,ni ma mémoire, ni


ma science ne vont pas si haut, doit être moins pris pour un récit ;lssez exact et satisfesant, que pour une invitation' à lire la lettre.


P-AUL COLOMIÈS.

Ce savant, dont le père étoit médecin, naquit, en 1638, à La Rochelle; je ne m'en crois pas moins autorisé à le ravoir. Je ne doute nullement qu'il ne fût originaire du Béarn. Ce nom y étoit très ancien, et m'a l'air de n'avoir été connu ailleurs que par émigration.

Grâces à la reine Jeanne, notre souveraine, par qui le protestantisme nous vint avec tant de faveur et d'appui, nous n'eûmes presque plus que des. huguenots. La révocation de l'édit de Nantes en peupla les pays étrangers; mais, déjà, sous Louis XIII, sous le ministère du cardinal de Richelieu, lors des guerres si vives et si multipliées entre les protestants et les catholiques, La Rochelle, cette ville de tous temps rebelle, de tous temps le refuge le plus assuré des religionnaires, et qui, jusqu'à ce qu'elle leur fut enlevée, ne cessa d'être le point de ralliement, vit ceux du Béarn s'y jeter en foule. C'est où je trouve assez évidemment et naturellement la translation de nos Colomiès.

Quoi qu'il en soit, celui dont il s'agit mérite d'être


ambitionné. Tous ses ouvrages lui donnent un rang distingué parmi les savants, et plus décidément, son Gallia orzentalis, son Italia et Hispania orientales, et ses Observationes sacr~e. Il avoit beaucoup lu, et lu avec goût et discernement. C'est ce qui le mit à portée de rassembler des choses singulières et curieuses, d'en faire un bon choix, et de les publier avec agrément et profit pour les gens de lettres.

C'étoit d'ailleurs un excellent bibliographe, et, ce qui est au-dessus de tout, un philosophe doux, sage, modéré, qui, jugeant les écrivains de diverses sectes en la religion la plus opposée à la sienne, le fit fou-- jours sans esprit de parti et sans prévention. Cela déplut au fougueux ministre Jurieu, qui en usa avec lui comme avec Bayle, que dans un de ses libelles~- il traita indignement, et qui, selon l'effet ordinaire de ses diffamations, ne l'en rendit que plus aimable et-plus recommandable. Colomiès mourut à Londres, en 1692.

J'ai dit quelque part qu'en Béarn les Colomiès n'existoient plus par mâle, que les deux seules branches que nous avions étant tombées en quenouille, il n'étoit resté que deux héritières, dont l'une fut mariée à Bordenave-Abère, et l'autre à CasaucauLedeuix,


En- z 563, un Colomiès étoit jugé à Oloron. En 1572, un autre étoit ministre de revangile à Morlaas. En 1573, le même étoit principal du collége de Lescar.

En 1599, un autre Colomiès -étoit membre duConseil Souverain. En z 6 t 2, le même obtint des lettres de conseiller'd'Etat privé de Navarre. Entre les seigneuries que les Colomiès possédoient en Béarn, étoit celle de Goez, près Oloron; qui par le mariage de l'héritière de ce nom avec le sieur de Casaucau, abbé lai de Ledeuix, terre limitrophe, a passé chez ce dernier.

De tous. temps, il y avoit eu dans la maison des Colomiès par qui ce même nom de Goez avoit été porté.. Les Goas, écrits probablement 'ainsi par corruption, qui vécurent sous les rois Henri II, François II, Charles IX, étoient, je pense, de cette famille. Brantôme, dans ses Vies des hommes illustres, dit de l'un « 'Feu M. de Goas a été brave et un vaillant soldat et capitaine, qui, n'ayant jamais ét~ blessé, quoique fort aventureux, vint mourir au siége de La Rochelle, -en. 1573, d'une petite arquebusade dans la jambe, laquelle ne paroissoit nullement dangeureuse » et de l'autre.: « Le jeune de Gouas massacré en Béarn, où il étoit mestre de camp, mourut aussi


capitaine de la garde du Roi. » Il ajoute sur ce que les deux places ne sembloient pas pouvoir aller ensemble, à la suite de quelques exemples du contraire « Voyez donc, s'il vous plaît, comme beaucoup de petites charges paragonent aux grandes, car ce n'est pas petit que de garder le corps de son Roi. » Montluc parle de trois Gohas l'aîné, celui dont Brantôme fait mention; le deuxième, tué à la prise de Saint-Valery; le troisième, massacré en Béarn après la prise d'Orthez, par Mongonmery. Le fils du deuxième fut gouverneur d'Antibes sous le duc d'Epernon, gouverneur en Provence.

P. S. Je n'avois pas tort de supposer que la maison de Colomiès n'a été rien moins qu'étrangère' en Béarn. J'ai vudans le Colomésiana que. Colomiès se dit issu de la maison de Colomiès du Béarn, qui, dans ses armoiries, porte de gueules, au château sommé de trois tours d'argent, et que le plus ancien. qu'il ait trouvé du nom de Colomiès est le juge d'Oloron, loué par Olhagaray dans son Histoire de Navarre.


FAGET-POMPS

Leur vrai nom de famille est Faget. Le jeune homme, officier dans les dragons, que cette famille a aujourd'hui pour chef, est un peu pincé dans le ton et dans les manières; le père l'était; l'ayeul encore plus. Les deux derniers s'~toient consacrés à la magistrature, le bisayeul de même. Tous s'y sont fait honneur. Le début du bisayeul fut la charge de juge du sénéchal d'Orthez.

A une lieue de cette ville, sur la route de Bayonne,est un bourg, nommé Baigts on remarque sur le. coteau, dans une situation des plus agréables, une: jolie petite maison, des dehors charmants, une belle avenue de jeunes chênes, et tout autour un grand domaine très bien cultivé; c'est là le lieu d'origine des Faget. On voit que leur état étoit au-dessus du commun cependant leur noblesse date sitnplement de l'ayeul.

Le père de M. de Pomps d'aujourd'hui étoit toutà-fait aimable. J'ai dit quelque chose de lui à l'article de M. de Laborde, chez lequel il périt à La Ferté, 12


d'une manière si affreuse. La Ferté est cette superbe terre, non loin de Paris, que Monsieur, frère du Roi, possède actuellement. C'est dans l'accès et le transport d'une fièvre chaude, que, se trouvant là, logé au second étage du château, et seul dans sa chambre, ce pauvre M. de Pomps s'élança du lit, ouvrit la fenêtre et se précipita. Il n'avoit pas besoin qu'une fin si funeste aigrît si douloureusement les regrets qu'il laissoi.t et qui lui étoient dus.

Mme de Doumy, sa soeur, a la même amabilité, l'esprit le plus gracieux, le plus sociable, le plus noble et le plus décent. Un air et des manières enfin un vernis que l'on acquiert rarement par la seule éducation de province, frappoient en eux jusqu'aux étranorers.

C'est avec les mêmes avantages que notre jeune officier de dragons se présenta pour entrer dans ce corps. Il a pour colonel un de ses. alliés, le comte d'Escars, dont la femme est une demoiselle de Laborde, fille du millionnaire. Ce M. d'Escars, premier écuyer de M. le comte d'Artois, figure en ce moment à Coblentz, parmi les principaux membres de. la noblesse française que la Révolution a fait émigrer et rallier auprès de nos Princes. M. de Pomps est allé le joindre.. Qu'en résultera-t-il pour le


sort à venir dans la carrière qu'il'.couroit? C'èst ce qu'on devineroit difficilement. Son esprit est très cultivé. Il en a beaucoup, et j'ai cru m'apercevoir que ses lectures n'étoient pas temps perdu.

Puisque j'en suis à cette famille, j'aurois grand tort d'oublier sa soeur. Elle est mariée au vicomte de Charrite, ancien lieutenant-colonel du régiment du Roi, retiré depuis quelques années avec grade de maréchal de camp, croix de Saint-Louis, et un bon traitement en appointements ou pensions. La trempe d'esprit et du caractère, la figure, la contenance, les façons, lorsqu'elle étoit fille, ne permettoient d'imaginer rien de plus doux, de plus intéressant et'de plus agréable. Devenue femme et mère, il n'y a que sa figure qui ait changé mais ce changement qui provient d'une complexion très délicate, fait des progrès frappants, alarmants.

Si M. de Faget, son ayeul, qui est mort très sain de corps et d'esprit, à 90 ans, n'eût vécu qu'un tiers moins, sa mémoire en..seroit plus recommandable. Avocat-général, on le vit, en 1765, à l'époque de la révolution du Parlement, mériter de cesser de l'être par sa défection. L'attrait d'une charge de président à mortier le rendit aisément flexible aux insinuations de MM. de Marville et de Bacquencourt. Ce fut


une de leurs premières conquêtes pour le nouveau Parlement qu'ils formèrent, et une tache indélébile aux yeux de ses anciens collègues. Leur réintégration et le dédain qu'ils lui témoignèrent, la lui rendirent éxtrémement sensible. Il sollicita et obtint pour consolation un brevet de conseiller d'Etat. Sous l'apparence la plus tranquille et la plus froide, il étoit dévoré de la soif des honneurs, et c'est de quoi le sien a le plus souffert.

Il étoit neveu de l'abbé de Faget, auteur de la première édition du recueil des oeuvres de M. de Marca, et de la vie dont cette édition est non ornée, ainsi que l'ont prétendu certains appréciateurs littéraires, mais gâtée; à moins que des faits, la plupart exacts et rendus en mauvais latin, ne soyent une bonne preuve. C'est dans le docte Baluze, que ce prélat avoit eu pour secrétaire et bibliothécaire, et dans les écrits polémiques des deux rivaux, qu'il fait bon voir comme le pauvre abbé est pelotté on s'aperçoit aisément combien la partie étoit inégale.. Cet abbé, pourvu du prieuré de Morlaas, ancienne et hideuse capitale du Béarn, y a fini ses jours. Il acquit dans le voisinage une terre que je possède; c'est celle de Maucor. Il s'en dépouilla en faveur d'une de ses nièces, du nom de Faget, pour la marier à un La-


cassaigne, frère de l'évêque de Lescar d'alors. Morlaas lui est redevable de quelques petites fondations bienfesantes pour l'éducation, l'instruction et même l'établissement de quelques filles pauvres du lieu.



LAPLACETTE ET ABBADIE,

l\IINISTHES RELIGIONNAIRES.

Je me propose au fond de r approcher le maître et le disciple qui ont couru avec distinction la même carrière. Le Béarn qu'ils honorent, a été leur commune patrie. J'ai à relever é,alement pour l'un et pour l'autre une erreur du lieu de leur naissance, commise par leur premier historien, et, selon l'usage ordinaire, fidèlement copiée et transmise par .ceux qui ont suivi. Je parle sur un éclaircissement très exact, recueilli à Nay.

Laplacette naquit non à Pontac, mais à Osse, village de la vallée d'Aspe, en janvier 1639. La route dans le ministère évangélique lui fut frayée par' son propre père, qui s'y étoit lui-même consacré. Il reçut une éducation très soignée, fit d'excellentes études. Il fut appelé, de bonne heure à diriger dans sa religion l'église de Pontac. Il passa de là à celle de Nay; mais les troubles survenus en 1685, lors de la révocation de l'édit de Nantes, 1-'obligèrent à s'expatriér. Il fut d'abord en Dall~mark, son ll1eritè l'avoit


fait attirer par la Reine, qui ne cessa, pendant qu'elle vécut, de. lui donner des témoignages particuliers d'estime et de confiance. Il se retira ensuite en Hollande, y excita les mêmes sentiments, et 1110urut à Utrecht dans un âge très avancé.

Ses ouvages, dont le nombre est très considérable, traitent de morale. Ce n'est pas seulement dans sa religion qu'on aime à les lire; ils sont bons pour toutes. Malgré sa persévérance dans le protestantisme, qu'il avoit sucé avec le lait, une justice qu'on lui a rendue généralement, c'est qu'il joignoit à des lumières peu communes et beaucoup de zéle, un esprit excellent, des moeurs très pures.

Il possédait à Nay un petit bien appelé Lourau, qui, lors de son émigration, conformément aux lois tyranniques de la révocation de l'édit de Nantes, devint la propriété du sieur L de Morlaas, son plus proche héritier du sang. C'est M. de Lons qui, de nos jours, en est possesseur.

Ayant été amené à parler du sieur L* je veux dire que de cette race il existe, encore aujourd'hui, à Morlaas trois rejetons mâles, que tout ce que la Révolution a produit d'extraordinaire, de désordonné, pouvoit seul tirer de l'oubli. Les grands mots d'indépendance, de liberté et d'égalité, enflamment sans


cesse leur gueule. S'étant rendus les prédicants et les interprètes des décrets; ne cesSant de proclamer que l'abolition des droits, sans nulle indemnité, portoit sans exception sur tous, quels qu'ils pussent être, et que les vassaux, loin de rien devoir, étoient autorisés à revenir sur le passé et à exiger des restitutions infestant tous les villages du district étendu qu'ils habitent, de ces insinuations perfides souffiant- partout contre les seigneurs des insurrections et des invasions de tous genres; prenant ainsi les paysans par leurs passions les plus véhémentes en ayant fait des furieux d'audace, et des monstres d'ingratitude les plus vils moyens leur ayant également procuré à Morlaas un empire que les gens de bien n'avoient garde de leur disputer, puisque c'étoit celui de la canaille voilà comme ces personnages ont; cherché et sont parvenus à sortir avec écl at de l'état d'obscurité et de nullité, auquel la justice humaine les condamnoit.

C'est surtout le premier cadet qui, plus éhonté et plus intrigant, s'est le mieux assuré cette horde nombreuse, et en a tellement accaparé les suffrages, que, dans les assemblées électorales, il s'est vu successiven1ent porté à la prenlière place municipale, à celle de membre de l'assemblée générale, du district admi-


nistratif, du tribunal du district, du département, et enfin député à l'Assemblée législative.

Ce vilain sujet avoit débuté par une subdélégation d'intendance., dont, sur de puissants indices de prévarications, lorsque le Béarn fut affligé de l'épizootie et que le gouvernement vint à son secours par près d'un million, que M. l'intendant eut à faire distribuer, il fut dépouillé désagréablement.

Il eut depuis, à Morlaas, une affaire d'honneur, qui, ainsi qu'il le prouva bien évidemment de toutes manières, ne pouvoit jamais l'être pour lui. C'étoit contre le sieur Piera, homme qui, au contraire, en étoit plein. Il l'accusa d'un cartel. Il y eut un décret de prise de corps. M. Piera se rendit sur le champ. Il dut à des menées, qui seroient d'un trop long détail,. d'être retenu près de trois mois en prison. Il obtint un arrêt pleinement justificatif de la calomni e et de son innocence néanmoins il y avait eu partage de quatre voix contre trois, les quatre en sa faveur, par où ce n'étoit pas le cas du partage, puisque l'affaire étoit au criminel, et qu'au criminel la minorité même devoit décider pour lui de manière que le conflit entre les juges sur lequel toutes les Chambres furent inutilement épuisées tint la chose indécisè.' il a fini par n'avoir rien.


Le comble de l'horreur pour son adversaire, c'est qu'ami du malheureux Boué, du même lieu de Morlaas, l'un des "assassins postés du chevalier Arnaud, seigneur de Bretagne, et que le crime fit condamner à être rompu vif, ce scélérat déclara, dans son testament de mort, qu'appelé comme témoin pour déposer lors de l'information contre M. Piera, il l'avoit chargé par. un faux témoignage, à la sollicitation du sieur L*

Voilà cependant l'homme que nous voyons aujourd'hui élevé aux places, où tout ce qu'il y a de plus sacré dans la vie civile est sans cesse en mouvement. Si, à là suite de ceci, j'observe que, dans ses imprimés contre le sieur Piera, il se targuoit sottement de compter parmi ses ancêtres des maréchaux de France, c'est pour imiter ceux qui, en soulagement de l'impression de quelque drame bien atroce, passent aux fourberies de Scapin.

Me voici à l'article ABBADIE.

C'est en 1654, que ce fameux ministre naquit, non à Nay, mais dans un grand village contigu, nommé' Bosdarros. Il entra, tout jeune, en qualité de petit domestique, chez les Laplacette père et fils, alors résidant -à Pontac; j'ai. déjà dit que le père y étoit ministre..C'è~t à èUx, qui s'apérçurént qu'à


son ardeur d'apprendre à lire et à écrire, se joignoient des dispositions rares et entre autres une mémoire prodigieuse, et au point qu'elle saisissoit presque en entier leurs sermons, qu'il dut le bonheur de les cultiver. Quoi qu'il en soit de cette tradition, que je rends telle que je l'ai recueillie, le sûr, c'est qu'il étoit né de parents obscurs et qui, même depuis sa célébrité, ne cessèrent de l'être que médiocrement. Il n'en reste plus du tout.

Ce fut à Sedan, une des meilleures académies du protestantisme, qu'il fut achever et perfectionner ses études. Il fut du nombre de ceux que la révocation de l'édit de Nantes força de sortir du royaume. La Hollande, l'Allemagne, l'Angleterre, le possédèrent successivement. Partout des églises de la Religion lui furent confiées avec cet empressement et les distinctions qu'un mérite supérieur attire.

Il s'est fait un nom immortel par le Traité de la vérité de la Religion chrétienne, celui de la Divinité de Jésus-Christ, et l'Art de se connoîtye soi-mëjne. "C'est surtout le premier de ces ouvrages qui offre, dans l'exposition et le développement des principes, et non moins dans les preuves, le raisonnement-et les conséquences, une liaison, une force, une profondeur, une solidité, où toutes les objections possibles se bri-


sent comme du verre. En un mot, nous n'avons rien eu, dans ce genre, qui lui soit comparable. Cependant, o misère humaine cette tête si éminemment organisée finit par se déranger, et même par tomber tout-à-fait en démence. A la vérité, ce fut le fruit du travail du monde le plus propre à produire une pareil effet c'est-à-dire trop d'acharnement à vouloir comprendre et expliquer les mystères de l'Apocalypse.

Abbadie, dont la carrière évangélique s'étoit terminée par un doyenné en Irlande, mourut près de Londres, en 1727, à l'âge de 73 ans. Les langues savantes lui avoient été très familières, ce qui vraisemblablement contribua beaucoup au mérite de ses ouvrages.



DESCLAUX-MESPLÈS,

BARaN DE NAVAILLES.

Il s'agit du baron actuel. Que de bien et de mal à en dire Jamais en Béarn, ni peut-êre ailleurs, aucun suj et n'y a prêté davantage. A le prendre du bon côté, c'est un gentilhomme, néanmoins d'une noblesse plus illustrée qu'ancienne, puisqu'à Dax, d'où ses ancêtres nous sont venus, un d'eux, en i 63 0, étoit simplement conseiller au Présidial. Le fils de ce conseiller fut envoyé au collége des Jésuites à Pau pour ses études. Il étoit neveu, je ne sçais précisément si c'est du recteur, ou du moins d'un de ses principaux cordons bleus. Celui-ci, plein d'esprit, insinuant, adroit, très digne à tous égards de son ordre, avoit infiniment de crédit et d'accès au couvent des Ursulines. C'est là qu'il ménagea le mariage de son neveu avec une demoiselle de Mesplès d'Anchot, héritière très riche, très aimable, très bien élevée,' que ce couvent avoit pour pensionnaire.

Le père, issu'd'une branche cadette, étoit conseiller au Parlement. Je crois qu'il avoit débuté par la


charge de greffier en chef civil et criminel, lors-- qu'elle fut créée. Une des clauses expresses du contrat de mariage fut que le gendre prendroit le nom et les armes des Mesplès. La charge de conseiller passa sur sa tête. Il fut ensuite président à' mortier. Il eut plusieurs terres du chef de sa femme. Elle mourut jeune.

Il avoit acquis, de son côté, de M. Philippe de Montaut-Bénac, la baronnie de Navailles, et du sieur Labaig-Viella celle de Doumy. C'es't ainsi, à l'égard de cette dernière, que s'explique l'auteur du Dictionnaire de la Noblesse. Je crois pourtant qu'il se trompe et que, parmi les contrats de mes archives, il y en a quelqu'un qui prouve que les terres de Doumy, Bournos, Maucor, et même quelques autres, venaient de l'héritière. Tout cela avoit été acquis de ce Labaig-Viella, dont je vais dire un mot, puisque l'occasion s'en présente.

Ce n'est pas sans raison que M. l'abbé Puyau, dans ses vers sur la noblesse, a dit

A Morlaas tres marchandz qu'habèn hèyt gran fourtune L'aute Labaig- Viella, soul que subsiste hoey.

En effet, vers 1680, ce dernier tenoit boutique i


Morlaas. La 'lnaison voisine de l'église paroissiale, qui porte encore son nom, lui appiartenoit; il gagna beaucoup de bien. Il acheta des terres. C'est d'Antoine de Béarn, fils de Jacques de Béarn, seigneur de Sévignac et baron de Doumy, et par sa femme héritière de Viella, que, vers 1625, il acquit la baronnie de Doumy et ses dépendances. Il fut père de plusieurs enfants.

L'aîné, Jacob Labaig, bien moins habile économe que lui, dissipa immensément, et à raison .des dettes qu'il avoit contractées. Le père se vit forcé de vendre tout ce qu'il possédoit en Béarn à l'exception de la petite terre d'Aubous, près Lembeye. Bien lui en prit que son mariage avec Catherine de Béarn, fille unique d'Antoine de Béarn, et de Marie de Laur, et leur héritière, eût précédé la déconfiture. Elle lui porta la belle terre de Viella où depuis lors cette famille réside habituellement, et qui en 1725 a été érigée en comté.

Le Viella, sur la tête duquel cette érection avoit eu lieu, avoit épousé une bonne héritière de la branche aînée de Hiton. Le petit-fils de celui-là a encore mieux rencontré, du moins pour l'opulence. Il vit à Paris. On l'a marié avec une demoiselle Desbrest, enfant unique d'un financier, à qui l'on donne deux I}


millions de bien. La mère de M. de Viella est une Noé, soeur de notre évêque, singulièrement affectionné à cette famille, et qui a facilité le mariage. Mais, c'est à celui de nos Béarnois dont l'esprit fin et délié, et le ton aisé et confiant, quoique gracieux et honnête, est peut-être le plus propre aux affaires, c'est-à-dire à M. Danty et à ses étroites liaisons avec M. Desbrets qu'on fut le plus redevable, sans que, pour le moment, on paroisse s'en douter. Le jeune comte étoit dévoré d'ambition d'entrer dans les carrosses du Roi. Il étoit après rassembler des preuves. On vint à moi pour les papiers d'une -de. mes terres dans l'espoir de s'en pouvoir aider. M. l'évêque m'en parla je le désabusai. Je lui observai qu'il étoit de ceux dont l'origine marchande se- démontroit à plein c'était un peu avant i 600, et à l'époque où on débuta par l'acquisition de la petite terre de Lalonquère; il n'en a plus été question, on s'est tenu coi, et on a bien fait. Depuis longtemps, dans tous les actes publics et privés, on étouffe bien, autant qu'on peut, le nom .de Labaig, pour ne prendre que celui de Viella mais l'opération n'est pas encore assez profonde.

Je retourne à mes Mesplès. Je m'en suis insensiblement éloigné bien plus que je ne pensois. Au areste,


ce n'est pas mal que, dans une tâche de la nature de celle-ci, j'embrasse, à la faveur de mes digressions, ce qu'il me paroît moins nécessaire de traiter à part.

Du mariage de Dominique Desclaux avec l'héritière de Mesplès, naquit Joseph, dont Jeanne de Gassion .fut la femme. Dominique, devenu veuf, embrassa l'état ecclésiastique, parvint à la prêtrise, et par l'entremise des Gramont, en grande faveur i. la cour, et qu'il avoit pour amis et protecteurs, fut nommé, en 1681, évêque de Lescar.

Joseph, après avoir préludé, au même Parlement, par la charge d'avocat-général, passa, lorsque le père fut mort, à celle de président.Le fils de Joseph suivit la même voie j'ai connu les deux. Le baron d'aujourd'hui, enfant unique de ce dernier et d'une Colbert étoit naturellement appelé la même carrière, et l'eût parcourue aussi brillamment. Je dis brillamment, parce qu'en :effet tout ~e qui caractérise le mot et le justifie, est héréditaire dans cette famille. Il préféra le parti des armes. Il fut envoyé à Paris. Il avoit des parents à la cour, tous. s'en fesoient honneur. Avec une belle figure, une-t aille avantageuse des manières aisé,e$, de l'esprit comme les anges, l'expression la


plus heureuse et la plus rapide, et ce qui met le com.ble, le plus grand air de noblesse,: on conçoit- ais~ment combien,- de mille manières, il étoit en passe pour atteindre à tout et pour y atteindre vite. Malheureusement, il avoit contre soi tout ce que le caractère le plus violent et la conduite la. plus inconséquente ont de dangereux. Plus malhéureusement encore, il se jeta d'emblée dans un mariage où ces deux écueils ne tardèrent pas à le _perdre. Une compagnie de dragons lui avoit été donnée dans un régiment envoyé près de Caen. Une Mme. de Larabaudange avoit dans le voisinage des terres où elle résidait. C'étoit une veuve dans sa quarantième année, mère de cinq enfants i 5 ou ~t 6 mille livres. de rente, une succession d'autant à recueillir, un_ jour, du chef de sa mère qui vivoitencore,. presque rien dont on pût disposer jusqu'après la rentrée de la. succession; voilà ce que cette veuve, :d'ailleurs femme de qualité, offroit au baron de Mesplès,_ qui: lui ~fesoit assiduement la cour, et qui, contre l'avis. de ses meilleurs conseils, voulut l'épouser. C'étoit folie ou sottise -égale. des deux.- côtés.. A: peine l'eût-on consommée,_que le. caractère fougueux; du baron éclata- tragiquement. contre le valet d'pn: ma,ître_de ~~iôste,: pàr :leguel =ilï~toi~~ mené, et:qutil=tua~


à cause de quelque impertinenc.e et contre sa femme, pour qui le même danger étoit très-fréquent. Laissant à part le détail de ce dont ensuite, à la. nouvelle garnison où le régiment étoit, il se rendit encore coupable, et tous les traits de désobéissance envers le colonel et même envers le ministre, je dirai simplement que le. résultat fut qu'on l'arrêta, qu'on l'enferma; qu'on le mit à Charenton, où, pour s'évader, abusant des bontés des supérieurs de cette maison qui lé laissoient plus libre qu'ils ne l'eussent dû, il poignardâ leur portier. Alors, il fut mis au plus noir càchot et traité avec toute la rigueur possible mais, grâce- à un voyage que sa mère fit à Paris, où elle implora tous leurs parents, on le fit sortir de ce séj our dé larmes et de désespoir, pour être transféré à Navarreins, dans une voiture, garroté et escorté comme un prisonnie~ d'Etat.

'Rendu à cette place de guerre, il y étoit sous la garde de M. le chevalier de Noguès, lieutenant de Roi, qui eut pour lui toutes sortes d'égards et de ménagements, et, par ses bons témoignages et sollicitations; lui fit avoir pour, prison la terre de Navailles. Peu à peu cette faveur s'améliora; on l'étendit à tout le Béarn, puis.à. t01:1t le royaume, sauf -Paris et la cour, dont il ne. ~pouw~oit- approcher qu'à la distan~e~ de


quinze lieues. Enfin, Mme la duchesse de Gramont étant venue à Pau, il lui plut, et en eut la promesse que, dès son arrivée à Versailles, elle agiroit efhcace= ment pour son entière libération. Elle lui tint parole. Bien en prit au baron qu'elle se dépêchât, car, l'instant d'après, survint la disgrâc'e 1 de son frère, lé duc de Choiseul, que personne n'ignore qu'elle partagea.

L'époque la plus consolante et même la plus enivrante pour le baron, fut celle où, après la mort du baron de Sus, syndic d'épée du Béarn, il fut nommé à sa place.

La maison de Sus est de la meilleure noblesse du Béarn, reconnue pour telle dès le xve siècle. Sus est le nom latin du porc. Elle a.des armes parlantes de sinople à trois pieds de porc d'argent, au chef d'argent, chargé d'une hure de gueules. Le vrai nom de Sus est Marrens. Ils tirent leur nom de Sus d'une ancienne domengeudure qu'ils possèdent encore a Bougarber, village du canton de Lescar.

Je contribuai beaucoup à la nomination du barol1 de Mesplès, parce que notre amitié' et notre 'liaison remontoient à l'enfance; je ne voyais personne 'plu"s propre à remplir là place honorablemerit. Je tai-s' les ~isp~~r~tcs; et,' qui- pis ~~t;l~ e»ttàvagâri¿é6; = ca~~ sè5


écarts vont souvent jusque-là, qui m'ont plus d'une fois fait repentir du service que je lui avois rendu. Je sais qu'en toutes occasions il se plaît à le r econnoître, mais ce n'est pas ce que j'en aimerois le plus. Son principal défaut est d'être défiant, .oinbrageux, inconsidéré, sans nulle consistance. C'est dommage, car, encore un coup, on ne peut avoir plus d'esprit qu'il en a, ni, quand il veut, plus aimable. Il vaut encore par la chaleur de son. patriotisme, par l'espèce d'idolâtrie qu'il a vouée à notre constitution, à nos droits, à nos priviléges. Nous les lui avons vu défendre avec toute sorte d'opiniâtreté et presque avec fureur, lors delà question si débattue, si nous enverrions, oui ou non, des députés à l'Assemblée' nationale. Il tenoit pour la négative, :et lut un mémoire qui contenoit de bien bonnes raisons. L'opinion contraire n'en prévalut pas moins et que ce soit par là. ou d'autres circonstances que notre confusion avec le reste de. la France ait été opérée, c'est-à-dire que nous ayons éprouvé l'anéantissement de ce que nous étions et que nous ne sommes plus, toujours est-il w:.ai..que, d'heureux et généralement enviés, nous sommes devenus désolés, misérables. De la. jalousie, de continuelles contrariétés, sont ce. que M. de Péborde,~ not~e, ~utte syndic, collègue du


baron, mais dont la tête est bien autrement organisée et nourrie en matière d'administration, et dont d'ailleurs le sang-froid est imperturbable, a eu sans cesse à endurer de sa part. Néanmoins il en éludoit les effets avec tant d'adresse et de mesure, que presque touj ours il a fini par le ramener à lui, et que jamais leur mésintelligence n'a été guère que momentanée. La Révolution nous ayant bouleversés de fond en comble, et étant trop à craindre que, quoi qu'il arrive, nous ne nous relevions plus, tout est dit à leur égard, relativement à leurs fonctions publiques. Ils sont retirés à leurs campagnes. A travers les vicissitudes inséparabl es de la philosophie du baron, il vaudra mieux que par le passé tout l'y porte. Ayant perdu, il y a trois ans, sa première femme, il l'a remplacée par Mlle de Broca,- d'un état et d'une naissance qui ne pouvoient que le flatter mais il avoit à réparer le déshonneur. Il en avoit fait depuis longtemps sa maîtresse affichée. On fit l'imaginable pour le marier à quelque autre il a résisté, et lorsque d'avance il m'en parla et me consulta,_ j e l'approuvai très fort. Les enfants qu'elle lui .a donnés, dèpuis le mariage, sont au nombre de deux, garçon et fille. S'ils vivènt, c'en est assèz. Le baron commence à. se faire vieux. Il est~de-rnori-~ge:


Les atteintes portées par l'Assemblée constituante à la noblesse, aux fiefs, à tous les droits et biens qui en dépendent, la révolte de ses soumis, leurs mouvements, leurs menaces, qui, cependant, n'ont eu d'autre issue désastreuse que celle de la privation des rentes seigneuriales, qui a été la même pour tous les seigneurs les plus ménagés, l'ont mis hors des gonds et ont failli à lui tourner la tête. Une circonstance, où, venu chez mon frère pour dîner avec mon fils et quelque autre convive, il se laissa effrayer par le bruit, et, par quelque prélude d'insurrection qui paroissoit dirigée contre lui, mais dont au fond deux ou trois. vnàüvais= suj ets étoient les seuls auteurs et agents, l'engag~a- à s'enfuir précipitamment contre l'avis de mon fils:, "d'ont les yeux, moins troublés que les siens, 'n;eritrevoyoient pas le même danger. Après avoir coûru':par monts et vaux sans trop savoir que devenir-, incertain s'il émigreroit ou s'il n'émigrerait ~p~s, il se "rendit près Navarreins, au village de Charre, 6i'f'?n' bfèIi.'qü'il possèdoit'lui offrit ùn asyle. C'est 1-à~ qu'ir ~` èst vre'st~v~ près d'un 'an.- Il revint ensuite*à ~vàillés: en a~ plus bougé.¡



LE CHEVALIER DE MARSAN.

Issu d'une ancienne maison alliée aux Lorraine, et entièrement tombée par la bassesse des sentiments et l'indignité de la conduite de tous les enfants mâles et femelles de ce chevalier de Marsan, dans un état de n1isère et d'opprobre qui soulèvent le coeur. Un détestable prêtre, nommé Péborde, signalé par l'abus de beaucoup d'esprit, par ses menées, ses intrigues, son air effronté dans nos assemblées de la Révolution, étoit, lorsqu'elle prit naissance, curé de Vielleségure. Ayant cessé de l'être, il passa dans le canton de Thèze, se chargea de la desserte de trois paroisses la principale étoit la baronnie de Navailles. Il s'y établit et se donna pour femme une fille de cet exchevalier de Marsan. Il en a plusieurs enfants, et au moyen d'une métairie assez considérable qu'il a acquise à Astis, commune du voisinage, il y a transporté sa résidence. C'est de là qu'il édifie son Inonde en célébrant tous les jours trois messes. Celle de Navailles est à la veille de lui échapper. Ce n'est pas que, pour l'elnpêcher, il n'ait agi auprès de tOl}.tes les


autorités, et même auprès du ministre de la police générale, contre l'ancien curé, nouvellement revenu de sa déportation et désiré par toute la commune mais son eu est mal paré.


Quoiqu'ils ne soient pas précisément à nous, quelques rapports assez marquants m'engagent à les classer dans ma nomenclature. Je pars d'abord d'une Jeanne de Coarraze, fille de Bernard, seigneur de Péguilhem, d'une illustre maison de Béarn, qui, suivant leur article du Dictionnaire de la Noblesse, devint, en 1407, la femme d'un Noé, chambellan du roi Charles vi puis du mariage du père de notre évê-que de Lescar avec une Colbert, par où nos Gassion, nos Desclaux-Mesplès et d'autres de même estoc les ont acquis pour alliés puis, d'une demoiselle de Viella dont la mère est une soeur de l'évêque, et qui, elle-même, est la mère de notre jeune baron de Capdeville, seigneur de Moustrou et d'Aydie. A propos de ce Capdeville, dès que l'occasion se présente et que je ne prévois pas qu'elle me vienne mieux quelqu'autre part, c'est de son ayeul que l'abbé Puyau a dit

Parat deu noum d'Aydie, u tabemè famous

De noble impunement pren lou titre poumpous.

NOÉ.


A quel temps remonte le cabaretier ? Je l'ignore. Ce que je n'ignore pas, parce que mes extraits en font foi, c'est qu'en 1638, un de ces Capdeville étoit seigneur d'Aydie qu'en 1649, le même fut jurat de Pau que son fils fut conseiller au Parlement que l'ayeul de notre jeune baron étoit pourvu de la même charge qu'â-sa mort elle fut vendue; que le .pè"re, retiré du service, où il ne fit guère qu'une apparition, épousa en premières noces la fille unique et héritière du vicomte de Saint-Martin; qu'il en eut deux filles qu'elles moururent jeunes; que la cadette, qu'on tenoit au couvent de Notre-Dame, où elle s'étoit rendue célèbre par beaucoup de dettes contractées, par deux ou trois promesses de mariage auxquelles les prêteurs, entre autres l'extravagant Casaucau-Ledeuix, s'étoient laissés prendre que cette cadette, dis-je, dont les intrigues et l'inconduite avoient eu le plus grand éclat, fut mariée à un chevalier de La Rochefoucaut, qui, n'ayant que son nom, se .crut dispensé de regarder au*reste; que le prix qu'il espéroit retirer tôt ou tard de cette insouciance, au moyen des successions éventuelles du père, et surtout du vicomte de Saint-Martin, grand":père, ne fut pour lui qu'un songe, puisque sa.femme qu'il avoit prendre sur ses droits, vu -le. mécontentement des parents et


leur peu d'adhésion au mariage, mourut six mois après, et qu'il ne lui en revint que de se-. trouver associé à une banqueroute absolue d'environ 50 mille livres.

Le paiement n'eût été quasi rien. pour le vieux vicomte, et les créanciers, pour l'émouvoir, firent l'imaginable. Il fut inflexible; ils ont tout perdu. Le père n'étoit pas une ressource. Sa propre inconduite y mettoit trop d'obstacle. Les biens immenses qu'il a vendus, et, nonobstant la vente desquels, il a laissé, en mourant, près de cent mille livres de dettes, en sont une preuve. Son fils n'a, pour y parer, qu'Aydie, belle et bonne terre, où il se tient avec sa famille, et Moustrou qui, quoique de moindre valeur, est néanmoins un très joli objet. Forcé de s'en défaire, pour parvenir, s'il le peut, à liquider, il a agi et fait agir inutilement, et n'est que trop en droit de conclure qu'on n'est pas malheureux à demi. Revenons à leur naissance. A la bonne heure, qu'elle soit médiocre et d'assez fraîche date, mais j e crois le trait de l'abbé Puyau, sinon tout à fait calomnieux, du moins bazardé. Si quelqu'un d'entre eux s'étoit emparé du nom d'Aydie, qu'en effet, nos anciens Aydie, qui n'en avoient pas d'autre, illustrèrent dans les gùerres des xve et xvi~ siècles


avec tant d'éclat, ainsi, que. ce,: que nos meilleurs historiens, et particulièretnent Brantame, rapportent ;de leurs hauts faits, :l'atteste, ce n'est, ;pas .une..usurpa~ tion criminelle qui même ne soit dans le train ordinaire. Ils avoient acquis la terre. Elle étoit à eux.- Ils

~,4.

.jugèrent que. cela suffisoit. C'étoit_bien plus gratuitement.. qu'ils sequalifioient de barons de, Moustrau, .puisque. c'est en faveur de M. ,de Brosser, -conseillèr au Parlement, qu'en .1648.. cette. terre., dont il étoit

'= r

possesseur, fut érigée en baronnie. ` Je' 'rëprends les Noé. Ils font remonte, le.ur )lqblesse à plus de oo,. ~ns. J'aime'rai m~eux. ue ce

fut au déluge. Le no~qu'~lSp~rtep.t 17s;y, .pt°f.Î~

roit, et nous aurions incontestab~ement, à ce xnQyenlà, une origine commune la vérité, ce. nom n'e~t pas le leur; c'est celui d'une -terre ~qu_'ils ~avôient, et qu'ils ont peut-être' encore, dans le: haut _Languedoç,; leur vrai nom est Pons, et- personne ne disconvient

'f

qu'il ne soit très bon et. très. ancien. Je ne m'amuse pas à l'établir. Je M en ,rapporte à leur filiation. consignée dans le Dictzonnaire de la, Nôblesse, et. usltifiée par des distirictions .qui exig~rent des preuves. Malgré tout, si la femme d'up. Noé, qui vivoit à Paris, sous Louis xv, et qui. peut-être y a..éncore ~sa maison, n'eût pas eu des charmes à la merci du mi-


i

nistre Bertin, si les grâces obtenues par ce canal-là eussent moins bien servi, ni l'éclat ni la profusion n'eussent- été les mêmes: je ne citerai que l'évêché de Lescar et la belle mairie de Bordeaux. Ce que cette mairie leur a procuré d'humiliations et de désagréments, peut-être par le trop de prétention et l'imprùdence du titulaire qui dut s'expatrier et gagner l'Espagne, et la suppression récemment survenue de ces charges ne sont qu'un accident; je le dis aussi de l'évêché, que la même cause, c'est-à-dire la.Révoluti~n; â détruit'

Si, maintenant, avant de finir, on veut que je peigne l'évêque, je le puis, je l'ai connu à fond. J'en dirai que ce n'est guère., dans ses pensées, paroles et actions; qu'inconséquence, ostentation et légèreté. Quoique apôtre des premiers degrés de la hiérarchie, il m'a l'air d'être, en matière de religion, assez dégagé et accommodant; on doit néanmoins avouer, à sa louange, qu'en toutes choses il conserve de la réserve et de la décence. Ses 'entretiens particuliers de familiarité et de confiance offrent quelquefois -des sailliès heureuses, des moments aimables hors de là, il vaut peu ce n'est pourtant pas qu'il n'ait l'ambition de valoir beaucoup.

Je lui ai toujours vu celle de se faire un nom dans 14


les lettres. Mais vainement, à l'occasion de'quelques mandements, de quelques discours, qui ont paru imprimés, et de sa grande intelligence et habileté dans le grec,'révélées au public par l'abbé Auger; son pédadoguè et son pensionnaire, certains journalistes l'ont-ils prôné, le comparant à saint Chrysostôniel, travaillant prix d'argent de toutes leurs forces à'lui ouvrir les portes de nos aca:démies'littéraites'et savait: tes! Il mourra avec le désespoir de ri'être d'aucune. Cependant rendons lui justice il y a dans ses compositions des morceaux d'une vraie éloquence'. Il a du goût et un style pur et très correct.

Lorsque, à l'avénement de Louis XVI à la couronne, nous dûmes envoyer des députés pour recevoir et prêter le serment, il étoit à la tête il'eut à complimenter successivement le Roi, la Reine, Monsieur, le comte d'Artois, les dames de France. Il s'en acquitta au mieux. Il parla et prononça avec' beaucoup de noblesse, de convenance. tous ses compliments étoient très bien faits, et, malgré l'Ópinion répandue' de certaines gens, je maintiens que ce n'étoit pas l'ouvrage d'autrui. C'est son genre; j'ai été quelquefois dans -son cabinet à le voir travailler, et Je me suis convaincu qu'il n'avoit besoin que de lui7même; quiconque a reçu de ses lettres, sait que per-


sonne n'écrit plus agréablement. -Il est tout autre dans les. cercles tout ce qu'il y dit, sent la recherche et souvent l'embarras, la gêne.

Comme président des Etats, et astreint, en cette qualité, à parler administration, à nous exposer les affaires, à nous instruire, à nous éclairer, à préparer par son avis, les nôtres et nos délibérations il est d'une inaptitude insurmontable et qu'on conçoit diffiçilement. Il a.eu beau -se donner pour maîtres tous .ceux- dont les talents. et la.capacité primoient le plus ..aux États, promener successivement sa confiance des uns aux autres, même- au point de faire pitié, tout a -été inutile ;vingt années d'expérience et de leçons ne l'ont pas. avancé. seulement d'un iota; tel il étoit, tel il est encore..

Lorsque l'évéché lui fut donné, il étoit pauvre, il pour payer les bulles mais il eut le n1éri,re d'établir dans l'intérieur de sa maison, quoique bien montée et que, selon les occasions, il se montrât comme il le devoit, èt même avec sÓmptuosité, un arrangement, un ordre, une écon.omie qui l'ont mis portée. de faire face à tout. Il avoit des parents à qui des secours étoient nécessaires, il les a aidés généreusement; leur éducation, leur état, leur avancement leur bien-être, ont été son ouvrage. Les


Viella le savent bien. Il a moins fait pour les Capde= ville. Ses libéralités dans sa famille ne lui fesoient pas oublier les nécessiteux. Le vide que son émigration a laissé dans le. diocèse n'est que trop sensible.

Ce.portrait ne le flatte pas, ce n'est pas non plus ce que jè cherc_ hois. Je finis en ` protéstarit qûè; ~'s'il nous revenoit, personne- n'en auxoi~ plüs`vdé plâisir que moi.


LES BARONS DE BÉARN.

cette maison ne. soit plus, rien en Béarn, -elle _est~ entièrement -éteinte., lés__brançhes masçulines.~ qui~ en restent étant 'étab!iês ailléùrs, ~je ne doute pas du tout que leur souche originaire ne nous appartienne. Le nom qu'elle porte, ceux d'entre eux que nous possédions parmi nous très anciennement, les terres dont il y j ouissoient, les places éminentes .qu'ils ont occupées, les qu'ils y ont contractées et données, tout concourt en faveur de mon .opinion. Quoi qu'il en soit, au suj et de cet article, ainsi que de tant d'autres,- insérés, presque sur parole, dans l'ériorme Dictionnaire de La Chesnaye des Bois, j'aime mieux m'en rapporter qu'y croire.

Je vais .donner ici ce qui, d'après quelques mémorialistes et surtout un manuscrit d'extraits, à la vérité très maigres et très décharnés, mais aussi très sûrs, m'a paru le mériter .le mieux.

On trouve dans Brantôme, un baron de Béarn qui, en 15 11, étoit lieutenant de la compagnie des gardes du corps du duc de Nemours (Gaston de


Foix), non de celui qui, sous Louisxn, eut' de si mzimais succès en Italie, mais du fils de cellii.là, qui a mérité le surnom de foudre d'Italie,~ et de passer, non moins par ce que «- son caractére avoit d'intéressant et d'admirable que par ses grandes qualités guerrières, pour un prince des plus accomplis. On ne lui reproche que la -trop grande fâcilité avec laquelle il s'exposoit à tous les dangers, et'qui mit si prématurément un terme à sa carrière.. Le baron de Béarn fut son favori. Une heureuse naissance, un courage intrépide, une fortune considérable, le noble usage qu'il en savoit faire, le'se'a- mis et compagnons d'élite qu'elle lui amenoit, tout- lûi procura cette distinction. Ce n'étoit-pas l'estimepatticulière du fameux chevalier Bayard qui l-en rénüôit moins digne mais. emporté par l'ambitiori -d'én devenir l'émule., il crut qu'une valeur extraordinaireétoit le meilleur moyen. Il avoit affaire aux Espagnols;. il fut" à eux, et engagea de lui-même une attaque; elle _lui°: avoit très bien réussi, mais, par son trop d'ardeur, il se trouva enveloppé, vivement poursuivi, et forcé de fuir à toute bride. Bayard courut à son secours, et, par des 'prodiges dont un -gu'ereier comme lui' étoit seul capable, parvint à le dégager. Dès que la défaite -du


baron de Béarn et le mouvement de Bayard furent sçus de Gaston de Foix, il s'avança' en personne, et témoin de la victoire du dernier, il lui sauta aussitôt au cou. Ce fut avec le même empressement qu'il crut devoir reprocher au baron sa grande imprudence. Je ne sais ce qu'il devint depuis la mort de .qastQn, auquel il survécut.

En i 5 66, j e, trouv e un Gabriel de Béarn, baron de Gerderest,: catholique zélé, chef d'une formidable conspiration contre. la reine de Navarre, et chez qui on, prétendoit qu'elle se tramoit.

"0 .pn i 5 68, lors de l'invasion du Béarn par Terride, les. Etats s'étant assemblés, il lui fut envoyé une députation.; à' la tête de la noblesse étoit ce même Gabriel de Béarn. En i 5 69, Gabriel fut un de ceux qui, aprés. la prise du château d'.Orthez, et nonobstant la capitulaeon, fut, non. décapité, comme l'article du Dictionnacire le porte, sans doute pour rendre cette mort., moins désagréable qu'elle ne le fut, mais tout uniment pçndu. On. ne s'en tint pas là: tous ses biens furent con6sq ués et donnés par la reine J~anne.à Montgônmery. Après la mort sinistre de ce ..dernier, Henry y les.rendit à Henry d'Albret, baron de Miossens, dont la bisayeule étoit une Béarn-Ger.de.rest. v r

.#


En 15 74, époque. de:: ,diverses récon lpei~ses: :.assi- anées-d' du baron,. 4' Arras; gôuverneùr du pay~; par la Chambre ecclésiastique, et.sti~ulées t pour~ae~vices.ren4us .à. la nouvelle religion,. un: Bernat:d¡:de Béarn; abbé laïque de Lalongue, -demanda=:et :.obti~t que son fils, Jean de Lalongu~ ~.gé ~de,quat~é ~~ns;; _f.ût élevé et entretenu à l'école de Sin~acourbe: :J'ign4re ce que çe = Berriard pou.v.oit être us- ce

qu'à.çoup sûr-.on r~ peut :ignorer; :.G'est- que.- la~reh-

qua.çoup sur..on ng..peut-iggoret.e,,est-que.:Ia-roli7

gion n..tOlt.pas: a même. '1; y f ` Le feu baron d'Ussau marié avec:.la. ,fille': du :baron qç.Çaplane,dopt-il n'eut .p~svd'enfan.t; étÓit;vraimerit Béarn; et, .dans notre-: provirice, .dernier réj etôn ~m~,le de: cette- mai'son. Il. venoit de Jacques"de .Béarn:. et; ~i~e Jeanne de Marque; da~ne <d'.Uss~u;; ~~qùi; rimri~$ ~e~r -semble en--16 4 2, .eurent cinq.: Les ~q~~tre furent servir. chez l'électeur:de:Brandebourg:; l'au~r~ que:1e çro~s etre ,:l amé; nous- resta 'et.. donna. -le-jour a.. Ber~ .nard d.'Ussa.u. Par la- mort de- ce. dernief sans.. posté+ rité, c'est au sieur Périé, de Saint3Jean-de~Ltiz; le. plus proche ~.heritier de sang du. ,côté'. de Jeanne de Marque, .que.la terre d'Ussau est échue~-pâr.suc= cession. t r

Bent-ay-ou,. petit village du Vic-Bilh, est:~ _leï. li~u .d'origine des Périé.. Leur' naissance-- était..peu ;de


choser: Celtü~ci, mâle sutièrbei avantageux, ne doutant de .rien;. potJrvu: de ,l'office municipal- de gôûverrieur de -cherchant y attacher toute I'impottance- d'un /gouvernement militaire; -crut,' en sUécédât1tia; 'cette ¡terre,.su"ccéder à, toutes .les distinctions de la maison de',Béarn; ou, du moins, les mettoit sans:cesse éri~ avànr le plus vain.

Les =~Bord~enavé-Ahêrè, ;alliés. aux Béarn 'pat femme, e~héritie.rs-en~=lïartiè; rèurerit~ avec- lui- de vifs'dêmêlés d'intérêts.; un procès en fût le -r~sùltat. II y eut aonflit :deJjuridiction.. :.JLe; 'sieur:'Périé, plus confiant dans"le ..parlement; :de Bordeeauxi y engagea un inci.dênt. Le -jugement lui; fut. favorable; il obtint dès dépens = pérsonnéls il les fit- taxer comme': gentilhomme --les. -Bordenavë prétendirent. qu'il' l'étoit pas-Ce nouvel.. incident chiffonna le -sieur Périé. Il sentit bien. lie -pouvoir- -éviter qu'on ne lui découvrît le,'bbutde'l'oreille,'et qu'un arrangement amiable lui vaudroit mieux.Proposé:par.des amis communs, il fut accepté et mit fin.à tout. Le sieur .Pêrié, capitaine de dragons, chevalier de Saint=Louis, et étant d'ailleurs, comme je l'ai dit, du physique le plus attrayant, courtisa, pendant son séjour à Bordéaux, une créole' possédant à Saint-Domingue .so. 6o mille livres de rente en habitations, et parvint


à l'épouser. Je les ai vus à Pau, depuis leur mariage; je leur louai une partie de ma maison occupant l'autre, je fus plus à portée que personne de les connoître assez intimement. La femme, qui en étoit à son second mari, me parut d'humeur et de tempérament à le: mettre grandement à l'oeuvre: Elle avoit même l'air. de donner à tous ses besoins une expression très altière et très ferme. Ce sur quoi@ elle s'accordoit le -mieux- avec lui, c'étoit le faste et la. grosse dépense,. .Leur. ;dissipation, en donnant lieu à des -dettes 1 énormes; les .avoit réduits à-devoir abandonner. à.leurs créanciers les revenus de leurs habitations, sous la réserve :d'une somme annuelle de 20. mill~ livres; :.j usqu'à 1 -entier payement. t ':1 :1. Il y avoit du premier: lit -un,seul: -enfant- -avec qni les: habitations étoient en partagee Cet 1 enfant,- étant :mort; la mère ..a tout recueilli. Le sieur P~rié=~n.'en --a pas- longtemps- joui. Ils passèrent'àSaint-J}omingue; :c'est la,= qu'à peine arrivé- il. fut atteint d'une: m-aladie qui l'emporta. Les enfants qu'elle. a. eus de lui. sont au.nombre de quatre-. Ils rie nuiront pas5.vraisemblablement â~ la :grande.;vocation ..dont'j'ai-dit. qu'il m'avoit paru qu'elle étoit pénétrée. .:¡l'


SANADO N.

Ce n'est pas d'être né bas Normand, et mieux, .ajoute-t-on, bfttard, que je lui fais un crime. Je sais trop que les .jeux de. la fortune et du hasard ne produisent assez souvent que des inj ustices. Je ne..juge que le .personnel; je ne m'indigne que de ce qu'il a:porté dans -le .service.,religieux les vices d'origine. Intrus,. ce vi1:àpostat. étoit ci-devant bénédictin. et supérieur du _collége à Pau.. Je: l'y ai vu, dans son début. A la 111anière des n10ines.que -le cardinal Du -Bellay comparoit plaisamment. des. cruches qui ne se baissent que' pour se .remplir, il se présenta mielleusemènt dans les meilleures, maisons, chercha à s'impatroniser. auprès' des gens qui pouvoient lui être utiles, relativement à,ce. collége, qu'il convoitoit.avec ardeur, et à la. concurrence assez dangereuse des Barnabites et des Doctrinaires qui nous eussent valu, .de toutes façons, infiniment mieux C'est ce qll'on ne tarda pas à reconnoître.

Le Parlement, dont la plupart des membres l'étoient aussi des Etats du.pays,. et y dominoient, les syndics


généraux qu'il sçut mettre aussi dans ses intérêts, le firent triompher. Mi.1le.p'ersonnes, et je suis du nombre, ont vu avec quelle assiduité et quelle impudeur, èe riloine-suivoit la société de quelques femmes, joueuses ef~ré_nêes, sortoit en tout temps, de jour et_ de nuit; pour faire leur partie, surtout au brelan, et, d'autres-fois, les attiroit chez lui, dans sa 'chambre,. oùdes 'càllations'somptueuses completoientla fête.- Or, ses- bontés connues .pour- des grisettes" voisinés du col}ége, )1e permettent. pas de croire. _qu'il s'èn. seroit tenu ;là à l'éga:rd de èes daInes, pour. peu que. ça,les-eût aüiuséës. ¿. 'Cafard; si .jama,isil. en n fut, t préfet de la Conaréga riôn= dès -n-s, coriiposéè dé presque tout .I_e ~quar-. tiér~= de la Pd(re-Në'uve'qu' on sçait êtré le plus. n'om.breux; et de--c e qûë,~ dépuis la Rèvolûtion, on ri°iI¥e". citoyens>- âctifs; disposant ,à: plairi `dès cons- .ciënçès de cés- citoÿéns=là, et, avec encore' plus d'ef~ câté-'ét de profôndeûr;~leurs fenin:ies' ét ~filles; _é'est, ainsi que, dans l'assemblée électorâlé, où, sous le f~ux prétexte` de- la: vacance"de 1> ancienne. yitre épis~opale, la~~nouvëlle~ dût.êtr,, .conférée,- il p aivi r nt à en faire coûvrir ses 'Ijo-ngue's oreilles. Si alors le. droit d'_être surpris et révôltè de quoi que ce soiti.eAt.çnco,re u existé, qùi etl eût fait grâ.ce à un être de cette espèce,


étranger encore moins au pays, qu'à.' la moindre des qualités personnelles que son nouvel état exigeoit ? 'Eri apparence, poli, doux, maniéré, au fond insolent et pétri d'orgueil; missionnaire furieux de la Révolution, écrivain à prétentions, aussi lourd de tournure et de style qu'incendiaire dans ses principes et sa morale un, des principaux coryphées de .notre.. club jacobin d'e nos soi=disants amis de la Constitution l'exception du iriisérable dom Sontes qu'il a -choisi ~préférènèe, au lu juste titre, pour servir auprès de sa .personne .en qualité -de secrétaire et d'aid~-decamp, leur organe le plus véhément et le plus sonore. Ainsi, grâçe ,4 l'heureuse rélyénération- opérée, par nos nouveaux coristituants et suprêmes législateurs,

f

nous devons la nôuvelle:. constitution du clergé_. d'âvoir jeté tous les ministres de l'ancien ,dans.la .bar-. baie alternative, ou de prêter: un serment d'adhésion qui les rendît schismatiques, ou 4' être dépouillés. de leurs b~néfice_s, par où la plupart se trouvoient réduits à mourir de faim. On n'.en, a pas moins vu., tous lés ~évêques, à l'exception de trois, et une bonne. partie des membres des chapitres et des collégiales, ainsi. que beaucoup de curés et vicaires, résister courageusement, aimant mieux encourir ce que la haine, la persécution, les outrages de toute espèce


et une pénurie absolue, ont de plus cr u él et. là"sste 1 les' dignités et les biens dont on les dépouilloiti- -de.;à venir la scandaleuse proie du brigandage, du parj ure et de l'intrusion.

C'est dans cette occurrence que -la fo~tunè, qùel= quefois aussi bête que bizarre 'et injuste, a fait, COmme je l'ai dit plus haut, de notre indigne riloine 'l'c\1êque co11stitUtÍonneidu d~partement;- que. par là, ~éllé a'mis dans ses mains une crosse qui n'eftt'j"amais:'dû se~ir que @ pour son dos. N'omettons pas, qu'à -peirie èn place, il -s'est élancé; en loup ravisseur, dans -les cou' vents, qu'il a voulu exiger des- religieux, même de teù~ qui;n:exerçal1t =pas fonctioné; publiques! étoient dispensés du serment, qu'ils s'y assujettissent! priver les religieuses-des aumaniérs fidèles a leur reli. gion, qui'.seuls. avoient, leur. corifi~ance, .pou~: ~lèû~ substitûer des assermentés, et faire fermer les ~gli~es~: Il s'est démomréavec: le même ernprésse~en~- etmême violence, 'dans tout le diocèse, contre les ptêtres anti-constitutionnels. Alors, le dirèctoire du dèpartément éntra peu dans ses vues et les plaintes qu'il porta à l'Assemblée nationale furent tout aussi vaines;. Si; parini-les municipalités, celle d'Oloron. a con(Ouru. atrocement à l'expulsion' des .-Capucins, tous dignes. -de vénération et de respect; le succès ne @fut


pas le. même à Pau, où la municipalité xepoussa sans cesse-cette oppresssion, en témoignant. qu'elle étoit aussi illégale qu'odieuse, en un mot, une infraction manifeste- aux décrets qui ont prononcé l'entière liberté des opinions religieuses et des cultes. Malheureusémen .t., ce directoire et cette municipalité ayant, dans une ;nouveUe élection; perdu la plupart de leurs membres, leurs successeurs, moins pénétrés -du -même principe .d'humanité et de j1.Jstice; en- sont venus à chasser du couvent des = .Capucins de Pau; quoique assigné pour, heu-- de rassemblement.- une.. q~uarantairie de religieux, qui, sous l'escorte effrayante de cinquante volontaires armés, ont été. amenés et.confiné.s Bétharam. .çomme jamais cette. chapelle) si fameuse par le çoncours des dévots qui s'y rendoient de toutes les parties' du Béarn, de la Bigorre et de la Navarre; n'aVQit-. été si fréquentée; que le 'ministère de .ces pieug ;c~nobites, -.malgré leur grand nombre, n'a pas de rel~che; que c'est une occasion de désespoir pour quelques intrus de. ces, quartiers-là, ceux-ci, sur une pétition calomnieuse présentée à Pau aux corps administratifs, sont *parvenus à faire commettre.le juge de .paix du district de Nay pour procéder à une informa-ti-on. Ils.- espèrent-. qu'une. seconde 'expulsion,. bien


éloignée, vers les limites entre nos montagnes et celles du territoire espagnol, en sera le fruit, et je n'en doute pas.

Au reste, de la part des démagogues, à:quelques enragés près, comme de celle du parti contraire, le mépris contre cet évêque constitutionnel est auigurd'hui au comble. C'est une pilule qu'il avale encore assez facilement, et qui, p.r là, lui, sauve une. partie de- son amertume. Mais Dieu. est juste et veut, pour la consolation des bons et l'exemple des'méchante, que tôt ou tard sa justice éclate! 1


DA NTY

~Pârmi.les notables de Salies, ayant droit d'entrée aux Etats, je. c,iterai M. Danty 'que. beaucoup d'esprit;: d'adr.éssé et d'intrigue,: secondé des circonstances les plu~sin~ul,ières~ -élevèrent:d'une manière: assez ra p ide, at des ~hônneurs~. et dés voies d e fortune dont soh-etàt naturel paroissoit assez peu susceptible. De simple secrétaire de' feu M. de Lacaze, premier président de notre Parleinent postiche de la façon de MM. de Marville et'Bacquencourt, puis appelé a Paris, il' s'introduisit auprès du ch-ancèlier~=de Maupeou" et du ministre des finances Terray, capta toute leur confiance, et obtint de grosses 'sommes, à titre de gratification, et une pension de 4,000 livres sans retenue, pour importants services rendus à l'Etat, en eût tout obtenu, si leur disgrâce n'eût suivi d'assez près il mit à profit le temps de sa faveur pour se donner une magnifique généalogie et' en faire accepter et consigner les preuves au dépôt des archives de la noblesse de France.

Voué, ce semble, depuis la chute de ses protét-


teurs, à une entière nullité, il sçut, en restant à Paris, s'y démener encore assez utilement pour parvenir à M. de Calonne, nouveau contrÔleur-général, par un mémoire sur les Monnoies, et avoir pour récompense un brevet d'intendant-général des Monnoies avec 14 à 15,000 livres de gages et la clause expresse que c'~toit, non-seulement à raison des fonctions et de l'exercice, mais encore des diverses occurrences oû.précédémment il avoit servi l'Etat, avec non-moins de succès que de zèle.

Marié à une soeur de M. Mourot, avocat distingué, et l'ayant perdue sans en avoir d'enfant, il, a été plus heureux.. en épousant, en secondes noces, MUe de Vandeuil, fille de l'ancien président au parlement de Toulouse, devenu ensuite maitre des requétes et conseiller d'Etat. Elle lui porta en dot, d'abord1 00 _mille. livres et à peu près pareille somme à recevoir après la mort de 'ses père et.mère. Le père n'est plus. Ce mariage:étonna. de toutes les manières âge, naissance, fortune,'tout étoit désassorti .car, par exemple, quant à la fortune, le mari n'avoit guère. ,que du viager. La place d'intendant-général des Monnoies n'étoit qu'une commission, sans finances. Elle est supprimée; et la. stipulation surabondante « pour précédents services »- n'a paru que comme


stylë. ;La- --Pèàsioii de 4,oOÓ livres est très-ébrêchéé. Enfin, on a dû en conséquence se résoudre à quitter Paris, on s'est retiré à la campagne, assez près de Salies, dans un bien appelé les Anty, dont le revenu n'est pas grand chose, et consiste presque tout en vignobles dont le vin est très bon et se vendoit, en bouteilles, à Paris, 3 livres.la pinte. On est donc là, ~avec femme" enfants et domestiques, on y est logé assez agréablement et commodément. Les dehors.n'en sont pas mal, c'est un lieu assez sauvage, et dont, même en ce genre, la situation n'a rien de piquant. .M. Danty, dans le temps où sa grande faveur lui _rendoit tout fesable, transporta son nom à ce lieu et le fit anoblir. Il n'eut garde de négliger, dans les- lettres d'anoblissement; les. causes les plus hono'.rables et. les plus flatteuses. Elles contiennent tout -ce qu'il 'est 'possible de concessions de droits utiles --et honorifiques, comme celui prohibitif de chasse et de pêche, non seulement dans le domaine, mais dans tout ce qui, soit à Salies, soit dans le3 environs,' constitue le Domaine du Roi; à quoi les habitants de Salies s'opposèrent avec grand bruit et de grands efforts, mais inutilement. L'Assemblée nationale les a mieux servis, en décrétant l'ancienne abolition. Les mên1es lettres lui donnoient aussi le droit de cons-


truction d'un moulin. Il en usa à très chers deniers, mais avec si peu de fruit, qu'e le seul moyen qui lui reste, est celui proposé pour le pont de Madrid, qu'un plaisant conseilloit de vendre pour acheter de l'eau.

Au reste, si de tout ce que je viens de dire de M. Danty, on alloit .en conclure que ce ne soit, pour l'esprit, les talents, un homme plus qu'ordinaire,et, au fond, nonobstant les travers, estimable à beaucoup d'égards, mon intention seroit mal remplie.


LE BARON DE BOEIL.

.C'est un nom de terre, le vrai nom de famille est Fouron.

En 1599, parmi les membres du Conseil souverain, où Jacques Caumont de La Force, lieutenant-général pour le Roi en Béarn, fit vérifier et enregistrer l'édit de Nante~, étoit un Boeil, mais très étranger aux Boeil d'aujourd'hui. Etoit-ce en faveur de celui-là qu'en 165 l, la terre fut érigée en baronnie ? Je ne l'assure pas, mais je suis assez disposé à le croire.

Mes recherches sur les familles' du Béarn, quoique j'aie mis à contribution, soit en ouvrages imprimés, soit en manuscrits, presque tout ce qui existe, et qu'elles aient été poussées aussi loin qu'il est possible, ne nl'ont rien appris, en fait d'anciennete de noblesse, qui préj uge pour la famille 'actuelle de Boeil. Voici les Boeil de mon manuscrit, qui, je crois, sont étrangers aux Boeil de nos j jours. En i 8~, Jean de Boeil, conseiller et maître des requêtes, est joint, en qualité de réformateur du Domaine, à Jean de Laugar, natif et habitant de Départ près Orthez


En 15 97, le sieur de Boeil est pourvu de 1'état de trésorier des biens écclésiastiques du p~zrs~zn de Pau. En 1625, sur la démission de noble Péès de Boeil, seigneur dudit lieu, Jean de Da~'allt est pourvu dudit office.

J'ai connu l'ayeul de notre Boeil, tout à fait bon,et d'une gaieté d'esprit admirable. Il s'étoit fait une société particulière de feu M. de Peyre feu M. de Lassalle, conseiller, et de quelques ''autres amis d'une. classe moins relevée, mais tous, pour l'esprit et le coeur, de la même trempe. Une espèce de petit tripot, où ils passoient la meilleure partie de leur temps à jouer et à faire d'agréables repas, étoit chaque jour leur point de réunion.

Ce monsieur de Boeil avoit un frère aîné qui, à l'occasion de quelque jalousie d'amourette., 'eut querelle et fut tué en duel, dans la rue des Orphelines à Pau,'par le sieur Forgues, d'Orthez: Le cadet- ayant recueilli par là une succession assez consid~ rable, composée soit des mêmes. terres, qui sont aujourd'hui entre les mains de ses descendants, soit = d'un gros mobiliér en effets placés, succession qui, sur la tête de l'aîné, venoit de M. de Baudreix, nom .d'une terre fesant partie de l.a baronnie de' Boeil,eut un, voyage à faire à' 'Pirts).' c'étaif. eh -1719


il s'y maria avec Catherine-Angélique; fille du marquis d'Avaray.. S'il rencontra bien, ce ne fut P$ certainement pour le caractère, puisqu'il- n'y en eut jamais de plus fantasque ni de plus bizarre, mais l'excellence du sien obvioit à tout. Il eut d'elle un garçon et trois filles.

L'aînée se comporta si mal, qu'en 1749, on dut chercher à la faire oublier. Elle avoit avec le chevalier de Mesplès-Esquiule, père de Mme de Gramont Caulet,. .de"ces abandons scabreux que la nature-excite et. justifie, mais que l'impérieuse- loi de l'honne1:}r réprouve et ne peut absoudre. Elle fut menée clan- de.stinement à Toulouse, dans un couvent de religi.euses, où elle file, dans la retraite la plus profonde, des. jours d'expiation et de pénitençe: :Dieu daigne ¡'en récompenser 1 Le fr~re, d'abord officier de cavalerie, puis colonel du régiment de Royal Cantabre-, infanterie, vivoit, à. Paris auprès de Mme d'Aub,encourt sa.. tante.maternelle. Elle ly maria richement -:en lui-assurant une partie de son bien. ` Sa veuve fille d'un homme intéress-é dans les affaires de finances, nommé Bénézech :.for.t connu à Pan*S," a .bravé le- ridicule de se mésallier. -Elle .:1.'a fait à la barbe- de tous- -les. Boeil et d'-Avaray .pas-


sibles. Ayant un gros argent, lorsqu'elle .se niaria en pren1Ïères noces, à moitié d'acquêts, elle ac_heta. :en Béarn, conjointement avec son mari, la belle bàronnie de Coarraze. A peine remlriée, elle vendit sa moitié,au .préjudice, des enfants du, premier lit, et au déses=~ poir de la famille, à un M. de Bouillaci fermier général, qui pourchassa bien vite l'autre. moitié. et l'a enfin atteinte. Le moyen de lutter d'op.ulence.

avec un homme qui ne compte que par 11lilliollS. Les. Boeil ont encore tout près de Coarraze, dans une plaine des plus délicieuses, quatre ou cinq terres, entre autres celle dont ils portent le nom. Je ne nl'étonnerois pas que, fixés à Paris, destinés à y vivre, ils finissent par s'en défaire, et que cela allât encore à .M. de Bouillac.

Il me reste un mot à dire des deux 'autres soeurs de feu M. de Boeil, Mme de Peyre et Mme d'Arbérats: Celle-ci, d'une humeur aussi gaie que son père, mourut de couches, dès. son premier enfant, et l'enfant suivit de près celle-là, dont le mariage avec le fils de M. de Peyre fut le fruit de l'amitié qui lioit les pères, n'a eu que deux filles.

Mme de Livron est l'aînée. Elle a .beaucoup d'es- prit, mais de cet esprit où se.- mêle du caprice et de la hauteur et que conséquemment on ne recherche


pas..Elle est héritière; et mariée dans 'une de nos, maisons les plus opulentes et des plus attentives à ne pas cesser de le .deVenir.-

:La. cadette-.est une jeune veuve. Elle avoit pour mariutt Sassus-Florence' beaucoup plus àgé qu'elle, jaloux.comme, un tigre, capable de toutes sortes d'extravao,,ances avec lequel elle avoit dû en- venir à une -séparation- et dont -Dieu l'1~ heureurement délivrée. Elle n'a qu'un enfant qui' a l'air de vouloir être aussi aimable qu'elle; et elle l'est beaucoup. Fille, -elle:se plaisoit un peu trop à se 1"ent'endre dire; femme, elle a mieux valu.

Lorque Mme de Peyre, la mère de ces dames, est .dans son sang froid, elle prime sur toutes nos femmes. On pourroit seulement lui reprocher d'être intarissable: =

Un mot à l'occasiôn de la famille Peyre. En 1569' on trouve.' un Peyre, gouvérneur âe la ville et du château de Pau, d'ordre duquel,-lors de l'invasion du Béarn par Terride, Guillaume Lavigne, président de la Chambre ecclésiastique Antoine Pourrat et Auger Planter, ministres, furent 'conduits' à la potence et pendus au son des tambours et. des fifres Notre Peyre d'aujourd'hui, infatué de sa noblesse, comme un .baron.allemand;'vÓudroit bien'que ce


Peyre fût accepté pour un de ses ancêtres, mais. en conscience, cela ne se peut. Sa noblesse vient, comme tant d'autres, d'entrée aux Etats dans le Grand Corps en vertu du droit attaché à quelque fief. Je dois, néanmoins, dire de feu son père, que, s'il n'avoit pas des titres d'ancien gentilhomme, il en avoit l'âme et le coeur. La municipalité de Pau dont il fut plusieurs fois le chef, n'en a jamais eu qui lui .ait fait plus d'honneur, par ses lumières, sa loyauté, sa vigilance et son courage.


SPONDE

Il.y a eu deux frères de Sponde Henry, qui a été évêque de Pamiers, et est mort en 1643, et Jean, son aîné.

He'nry fut un prélat assez savant, de qui nous avons plusieurs ouvrages son abrégé et sa continuation des Annales de Baronius, écrits en latin et traduits en françois, est celui qui l'a le plus fait connoÎtre. Recherché autrefois, il l'est beaucoup moins aujourd'hui. Henry, né huguenot, changea de religion en 1595. Mauléon petite v ille capitale du pays de Soule, fut le lieu de sa naissance. C'est à Genève, que son frère et lui avoient fait leurs études. Duperron, évêque d'Evreux, vint au secours de leur ambition et de leur pauvreté. En 1600, Henry suivit à Rome le cardinal de Sourdis qui s'y rendit pour le grand jubilé.

Inigo, père des deux Sponde, avoit été conseiller de la reine Jeanne d'Albret pendant le veuvage de cette princesse. Leur mère qui était de Bayonne, étoit fille de. Martin de Lhote, natif de P~mpel~~e,


Jean fut lieutenant-général de La Rochelle. Il commença par écrire violeminent contre ceux qui inspiroient à Henry iv de se faire catholique. Le Roi s'étant converti, Jean l'imita, et fut accusé de s'y être déterminé moins par persuasion que par ambition. Il publia une ample déclaration pour se justifier. On y répondit on l'accusa d'hypocrisie et d'avarice. Le Roi lui-même témoigna à M. Duplessis que Jean étoit un fourbe, qu'il n'avoit changé de religion que pour lui plaire, et que, dans le même obj et, il avoit porté Henry; son frère, à en faire autant. Jean mou'" rut en 1594. Le Roi l'avoit nommé son maître des requêtes, mais seulement pour la Navarre. Il est l'auteur d'une mauvaise traduction en latin des ouvrages d'Homère. Je me dispense de rapporter toutes les infamies, vraisemblablement calomnieuses, dont il fut accusé, dans les écrits du temps de la façon des religionnaires, entre autres, dans celui intitulé ~'pît~-es â Mgr l'évêque d'Evreu.~

Il paroît néannloins assez évident que ce n'est pas sans raison qu'on lui reprocha d'avoir eu la meilleure part dans la conspiration de 15 9 5, pour livrer Bayonne aux Espagnols. La cour ne fesant rien pour lui, il en conçut un violent dépit. C'est ce qui le plus l'engagea, à la mort de son père, qui lui laissoit


une succession fort mince et fort obérée. On croit qu'il avoit pour beau-père un nommé Guèrez, gentilhomme béârnois. Ce Guèrez avoit bien mérité du roi de Navarre, à la bataille d'Arques, en appelant son attention sur l'approche de l'ennemi.

« Jean Sponde, dit l'auteur de la Confession de Sancy,ayant cédé aux séductions de l'évêque d'Evreux, a sacrifié son âme. pour l'Eglise; il a été tellement trompé sur toutes les brillantes promesses que l'on lui avoit faites, qu'il a vu, avant de mourir, ses enfants aux portes, sa femme au b. sa personne à l'hôpital. »

Sponde et les siens n'avoient subsisté que des bienfaits d'Henry IV, 'qui, par une éclatante faveur, avoit même pourvu Jean de l'office de lieutenant-général de La Rochelle. Il n'y fut pas plus tôt, qu'il entreprit d'empiéter sur les attributions du maire et sur les priviléges de la ville. On le contraignit à vendre sa charge. Pour se venger, il en employa le prix à acheter quelques navires, avec lesquels il fit une rude guerre aux Rochelois. Il est probable que l'entreprise faite par lui à Bayonne, en faveur des Espagnols, est aussi de ce temps-là; touj ours est-il certain que cet armement acheva de le mettre à l'aumône. En 1602, Duperron recommandant la fortune et les


intérêts de Henry Sponde au cardinal Aldobrandin, invoque à ce propos les sacrifices de son frère jean, qui n'avoit eu à soutenir de grandes pertes et de cruelles persécutions qu'à cause de sa conversion. « J'ai pris plaisir, dit d'Aubigné, aux façons d'argumenter de ce- jeune. Henry 'Sponde. »


PÉDEMÙNT.

Excellent officier il avoit servi dans les guerres d'Italie avec distinction. On l'envoya en Corse. Il y commanda longtemps seul, à une époque où ce peuple, fier, indépendant, enragé de la perte de sa liberté, ne respirant" que pour la recouvrer, à qui les forfaits ne cofttoient rien pour se maintenir dans cette attitude aussi inaccessible à la crainte de la mort, et même des plus cruels supplices, qu'à celle du danger, étoit le plus rebelle et inquiétoit le plus le gouvernement françois il sut s'attirer la confiance et l'affection il eut peu- de coupables à punir. Sa conduite ferme, en même temps que modérée,. lui avoit mérité les plus grands éloges et les promesses les plus flatteuses, une malheureuse circonstance en arrêta l'effet..

On fit passer dans ce pays-là, en 1748, le marquis de Curzai, maréchal de camp, comme général- commandant .les troupes données par le Roi à la 'République de Gênes pour réduire les Corses rebelles il y parvint il pacifia l'isle. Il .contraria depuis-


les vues politiques d'un chevalier de Chauvelin, envoyé extraordinaire de France en 1750, auprès de cette République, envoyé qui haïssait les Corses, qui ne cher choit qu'à les opprimer et à les écraser. C'étoit le fruit de l'argent de leurs ennemis. La résistance de M. de Curzai, homme aimable et d'un vrai mérite, lui déplut. Il ne songea désormais qu'à le perdre. La faveur dont il jouissoit à la cour et auprès des ministres lui donnoit beau jeu. Il sut en profiter, ou, pour mieux dire, en abuser. Il n'ignoroit pas que M. de Pédemont alloit du meilleur accord avec le général, que l'amitié la plus intime les lioit ensemble. Il entreprit de le lui enlever.. Il voulut le corrompre, l'associer à ses dénonciations, lui faire partager ses mesures de haine et de vengeance. Il lui étaloit des grades, des pensions, toutes les voies possibles de gloire et de fortune. M. de Pédemont, qui étoit]a vertu même, n'y répondoit que par le dédain et l'indignation. C'en fut assez pour l'envelopper dans la disgrâce éclatante de M. de Curzai, qui fut traduit prisonnier à la citadelle de Montpellier.

Enfin, longtemps après, la vérité se montra. On leur rendit justice, mais ce fut assez foiblement, tant le crédit de M. de Chauvelin prédominoit ~encor.e.


M. de Pé.delnont fut nommé brigadier, et ses pensions. augmentées. Cela lui paroissoit bien tardif; l'idée d'être, déjà presque sexagénaire et si peu avancé en grade, le porta à faire une folie, à n'envisager, dans le poste de commandant général des troupes légères de l'armée qui, en 1758, lui fut offert par le prince de Soubise; aux ordres de qui il étoit, que le seul moyen de ré.parer~ le' temps perdu, de parvenir ràpidèment aux~; gtâdes supérieurs ou de périr. :En effet; dès l'année. 1761, se précipitant à tête perdue dans. une de ses*po'ursuites désespérées et à forces inégales, où' la mort est presque c-ertainë, il se fit tuer de mille coups rde. fusil le plus étourdirrient possible. o' Je;!e 'r.egrettai amèrement; je le lûi .devais, -encore plus 'par le sentiment, équitable et prÓfond de ce qu'il valoiti que..var reconnaissance: de sèsbolités particulièr'7e -S. qu4o'lquè j j? en fusse.comblé. Il tenoit de. près à ma, mère les leurs étoient ~sôeûrs: Il y tenoit encore davantage par une amitié des plus te-ndres et des plus réciproques

Ditrant ses séjours à Pau, il venoit volontiers, quand ses semestres ou des congés le lui permèttôient, il logeoit chez nous. Il aimait à nous donner de s'a société- 1 plus qu'il pou~~oit; il préféroit nôtre. Il avoit,: ainsi que' tant d'autres, la prétention d'une' 16


ancien.ne noblesse. Je c'rois que c'étoit mal à propos. Je n'ai rien trouvé de sa famille avant 1630. A cette époque, un de ses ayeux étoit tout simplement procureur du Roi du parsan d'Orthez. Je ne dis pas que cet état exclu'e la noblesse, mais je dis que i e suppose qu'elle est accommodànte. En 163 4, le même devint conseiller au Parlement, en se démettant de l'office de greffier civil et criminel en faveur d'un sieur Théophile de Bénévent. En 1645,' cette charge de conseiller passa sur la tête de M. de Pédemont le fils. C'est alors que les Pédemont s'allièrent aux Gassion et aux Bésiade, aujourd'hui- Avaray. Quand, vers la fin du règne de Louis XIV, le Gassion, père du -cordon bleu, mort de l'opération de la pierre, en 1747 ou 1748, eut l'agrément. de lever un .régiment de son nom, il le- forma presque- en entier de Bêatnois~ et comme leur 'serment favori est du Diu bibant, on l'avoit surnommé assez plaisamment le régiment' des au Diu bibant. La lieutenance-colonelle en fut donnée au père de 'feu M. de Pédemont, comme* proche parent, du chef de son ayeul qui étoit un Colotniès-Goès.

Feu M. de Péd-emon't'n'avoit pas été marié. Avec lui ont fini les mâles:' M!1le d'Abidos, sa soeur -lui succéda.


LE PRÉSIDENT DUPLAA.

Il a des armes où l'on voit deux paons juchés l'un sur l'autre, se rengorgeant et fesant la roue. Il étoit appelé, par l'état de son père et de son ayeul, à la magistrature. Le premier s'étant démis en sa faveur de la. charge de conseiller en notre Parlement, il y entra très jeune. Il avoit été élevé à Paris; et né avec infiniment d'esprit et d'ambition, il en fut de cette circonstance comme de toutes celles qui-lui ont succédé, elle fut mise heureusement à profit. Venu en province, il débuta dans la société avec tout plein d'avantages, et tira, en partie de'leur réalité, en partie de son extrême confiance naturelle, celui de marquer bien vite sa supériorité, de primer d'emblée sur tous ses confrères ou camarades. Il fit plus il les subjugua à ce point, que c'étoit presque se vouer à l'obscurité et à la nullité que de ne pas, po ur ainsi dire, servir sous ses drapeaux.

Le marquis de Charrite d'alors, plus connu sous le nom de potestact, parce qu'en effet la terre de Charrite, située en Soule, en est une des sept potestateries,


laissa, en mourant, une héritière immensément riche, et à laquelle presque aucun de nos jeunes gens n'avoit droit d'aspirer; il y en eut seulement deux ou trois, M. Duplaa osa se mettre du nombre on en fut surpris. On le fut bien davantage de n'être pas longtemps à pouvoir douter qu'il ne fût le mieux vu; la mère et la fille en étoient également engouées, et tout lui présageoit une préférence.

En effet, tous les efforts possibles de la part des parents conj urés, tous ceux des envieux et des rivaux qui les secondoient, mille mémoires, mille lettres, -avec signature ou sans signature, tout s'en t,nêloit, tout lui étoit communiqué,'tout de'venoit un objet d'amusement et de dérision, et le mariage il' en eut lieu que plus résol:âment et plus promptement. Non seulement. il acquéroit par là dans nos colonies, où les Charrite possédoient, en commun, les plus belles habitations, près de 200 mille livres de rente, mais encore la plus digne et la plus méritante de toutes les femmes. Elle su ccomba,il y a quelques années, sous une longue maladie de langueur. Elle aimoit éperduement son mari, et ne cessa de lui en donner des preuves à la vie et à la mort. Elle joignoit à d'excellents principes de vertu et de morale, un caractère ferme et inébranlable, un coeur vraiment bon, mais aussi implacable dans ses


haines que vif et constant dans ses affections, bien supérieure là-dessus à son mari. Ce n'est pas qu'il -rie soit -connu par plusieurs traits de générosité et de témoignage d'un vif intérêt qui lui font honneur, mais dont le vrai mobile étoit au profit de sa vanité et de sa considération au dehors. Au reste, je puis attester, par mon propre fait, que, pour qui a besoin de lui, le résultat est. le même. Despote insupportable dans ses opinions où le pour et le contre se succèdent indifféremment, on ne peut lui contester du feu et d'abondantes idées, de l'agrément, de l'imagination et des expressions rapides, correctes, piquantes; tout cela néanmoins se trouve encore un peu déparé par un rire satisfait et moqueur..

Son bisayeul étoit un mince propriétaire. de Lasseube. Il passa en Espagne, s'adonna au commerce et gagna beaucoup de bien. Il termina ses jours à Saragosse négociant estimé, sa mémoire y est encore en vénération. Il avoit deux filles, qui furent mariées, l'une chez Franclieu, de Lascazères en Armagnac, l'autre chez Navailles-Mirepeix..

Le président Duplaa maria sa fille unique au chevalier Bayard,' dont elle étoit cousine, sous la condition pour celui-ci de prendre le nom et les armes de Duplaa. Arrêt du Conseil vérifié et enregistré à Pau dans toutes les formes.


Le gendre est mort. La veuve, malgré les quatre enfants, trois garçons et une fille, et les fureurs du président, s'est mariée en secondes noces à un Candau-Lucarré; de la famille de Neys, ex-conseiller, presque sans fortune et plus jeune qu'elle, mais beau blond. C'est une femme qui de toutes manières auroit de quoi être très aimable, si elle vouloit, mais en qui le caprice et l'humeur, quelquefois même l'impertinence, font qu'elle ne l'est que très rarement.

C'est du chef de son père que le président Duplaa a eu les terres d'Escout, Escou et Herrère; l'abbaye de Gelos, fesait partie des biens du sieur Lostau, conseiller au Parlement; il avoit aussi, dans la rue des Capucins à Pau, une vieille maison qui a été démolie, et sur l'emplacement de laquelle son bel hôtel se trouv e bâti. On s'aperçut, en travaillant aux fondations, que cet emplacement étoit un ancien cimetière, on y trouva quantité de cadavres.

Feu M. Duplaa père étoit lieutenant de maire à Pau en 1708. Il fut depuis conseiller au Parlement. Je l'ai connu dans sa grande vieillesse; il étoit singulièrement attaché à ma famille, il me combloit de carésses il étoit plein d'esprit, affectueux et d'une société tout-à-fait .-agréable. Il avoit pour femme une demoi-


selle du pays Basque, de la famille d'Artaguiette. C'est par elle, dont un des frères établi à Paris avoit fait une grosse fortune, qu'un mariage de sa fille ou nièce transmit aux d'Escars, que l'aHiance avec ceux-ci s'est formée.



LE MARQUIS DE JASSES.

Le .vrai nom de famille est Casanlajor. L'ayeul du président d'aujourd'hui mourut à 90 ans. Je l'ai beaucoup connu dans sa vieillesse, nous étions assez ses voisins de terre, nous avions l'avantage de l'y voir souvent. Ç'avoit été ce qu'on appelle un scélérat aima-ble. Il avoit commencé par être très dissipateur, il finit par être très avare. Je ne sais par quelle étrange bizarrerie la plupart des hommes ne sont jamais plus dévorés de la faim d'amasser, que lorsqu'ils ont le moins à se flatter de pouvoir jouir longtemps; de pareils exen:¡ples ne sont pas rares. Néanmoins, son fils fut tout autre. Il dissipa toute sa vie, qui, à la vérité, terminée à 6o ans, fit plus que suffire à sa ruine. La maison qu'il avoit étoit criblée de dettes qu'à peine les biens qu'il laissoit équivaloit. Malgré tout, elle se soutint, d'abord par la très judicieuse et très habile administration de la veuve, durant le.cours d'une longue tutelle, et puis par de magnifiques successions. A ce défaut près d'une vanité mal combinée et mal entendue qui le portoit à des dépenses çxc~ssiyes ct vouloir paroï-


tre beaucoup plus que ses revenus ne le comportoient, on ne sauroit en trop faire l'éloge. Revêtu d'une charge de président à mortier, sans avoir des lumières fort étendues, parce qu'il n'avoit ni le goût, ni guère le loisir de l'étude, il suppléoit par un jugement exquis, par une aptitude merveilleuse à saisir les affaires, et par une extrême intégrité. Il y joignoit le talent de persuader et de concilier. Les procès- les plus importants étoient souvent soumis à son arbitrage, et les parties n'en appeloient «jamais. Il étoit sitigulièrement cher à la plupart des' membres de sa compagnie, et c'en étoit le plus distingué. Elle étoit divisée en deux partis celui du premier président.Gaubert et le sien. Il triomphoit peu, parce que, sous le grand chancelier d'Aguesseau, le chef du Parlement n'avoit jamais tort;:mais la considération, la confiance et tous les agréments qui y sont attachés le dédommagèrent. On étoit sans cesse chez lui. Il tenoit table ouverte. Elle étoit servie avec autant de délicatesse que de profusion, c'est ainsi qu'il se dérangea. Il avoit dans la figure, l'air, le ton, les manières, une noblesse et une aisance infinies. Le président d'aujourd'hui, désiré, attendu vingt ans, et qu'à peine il vit naître, ne lui ressemble en rien. Ce n'est pas qu'il soit sans esprit, ni même .sans cœur, ce dont


certains de ses amis, j'entends de ceux qui, dans la société, dans les cercles, dans les tourbillons du monde, et surtout à raison de la commensalité quotidienne, donnent et reçoivent ce titre si libéralement et à si peu de frais, tirent quelque avantage; mais, à cela près, quoique appelé par sa naissance, son rang, son état, sa fortune, en un mot par toutes les considérations les plus décisives, à avoir de la consistance et de la contenance, il a le moins profité de l'une et de l'autre. C'est un être toujours en l'air pour des riens, qui va, vient, entre, sort, s'assied, se- lève à tous les instants qui, quand il,- v ous parle, ne le fait jamais qu'à part et au creux de l'oreille qui, à la faveur de cet air mystérieux, est bien aise que les nullités dont il vous repaît, en acquièrent un d'importance qui encore a le tort d'affecter d'être bien- auprès de toutes les femmes, et qui ne l'est qu'auprès des grisettes à chien et à chat, et de qui pourtant, tout compté, on peut dire comme disait Marot: « Au de-. meurant, le meilleur fils du monde ».



CASAMAJOR

D'ABORD BARON, PUIS MARQUIS D'ONEIX.

Orgueil, fatuité, bavardage, c'est sur quoi, lui et ses soeurs sont d'une excellence dont rien n'approche. Leurs ayeux originaires. de la ville de Sartveterre y eurent la charge de sénéchal. Ce relief est absolument le seul qu'on leur connoisse. Ce n'est -pas la peine d'en crever.

Le père vint à Pau, sa fortune était peu de chose. Il y fut néanmoins conseiller au Parlement. Le moyen lui en fut procuré par son mariage avec une héritière horriblement laide, mais dont il -eut beaucoup de bien. Elle avoit succédé à un oncle marchand fourbisseur, connu sous le nom de Dufau le riche, qui effectivement, à ce métier, le devint beaucoup. Son principal commerce étoit en Espagne, ~11 finalement il faillit à lui en coûter cher. Il s'agissoit d'épées dont la poignée étoit d'une matière de sa composition qu'il vendoit comme pur argent et qu'on découvrit, au contraire, être très fort impur. On chercha à l'arrêter. Il dispa-


rut et regagna le Béarn, le plus à propos. C'est de lui que sa nièce eut toutes ces maisons situées à Pau dans le centre de la grande rue, et qui sont si rentables. Elle étoit de son nom de famille Forcade.

En 15 63, Antoine Forcade tailleur, à Pau, fut reçu voisin. En 1571, Arnaud Forcade; marêchal ferrant des écuries de la reine Jeanne, fut gratifié par elle d'une.place oignant le portail de la ville. On y bàtit la maison connue sous le nom de Forcade-13iaix. Elle fut anoblie depuis avec droit d'entrée aux Etats. Le possesseur actuel est M. Vergez, avocat. Ce sont là des ancêtres de la dame de Casamajor. Ils le sont aussi des Forcade établis en Prusse, leur huguenotisme et la révocation de l'édit de Nantes les a forcés à se réfugier. Le fameux général dont Frédéric fi fesoit grand cas, ayant cédé au désir que Mme de Casamaj or témoigna d'avoir son portrait, il orne, chez elle, comme de raison, la chambre d'assemblée. Quand la tête n'en a pas tourné à tout ce monde-là, mais surtout au fils, je dis que ces têtes sont d'une excellence dont rien n'approche. Quant à la mine du fils et à sa structure, personne assurément ne se seroit douté que ce fût un homme à oser se* marier deux fois. Cependant, à;peine veuf de sa première femme; qu'une couche funeste enleva à.la fleur de l'âge, et


dont il n'a eu qu'une fille, il se hâta de chercher à prévenir le malheur d'exposer son nom à tomber en quenouille. Il fit un voyage à Paris, il prit une seconde femme Mlle Mellon, de la province du. Perche. C'est inutilement que, jusqu'à ce moment, il s'est évertué pour en avoir un mâle; mais outre que le gros argent qu'on lui a porté, adoucisse un peu cette mauvaise chanc'e, elle a encore assez de jeunesse, et lui-même une vocation assez âpre, pour que le mal ne soit peut-être pas irrémédiable. Je le désire pour sa gloire, ,et non moins, comme il est évident, pour celle du Béarn.



OSSUN.

Conquête par droit de voisinage, d'ailleurs assez autorisée par des alliances avec nos Navailles-Poe3r_ferré, nos Sorbério et peut-être d'autres elle en vaut un peu la peine.

Plusieurs de nos historiens ou de nos mémorialistes, plus particulièrement Brantôme, dans un article particulier, ont parlé avec éloge d'un Pierre d'Ossun, que, par une fausse orthographe, ils écrivent d'Aussun, Il servit au xme siècle sous trois de nos rois de France. Il avoit touj ours été réputé, dit- Brantôme, pour un très vaillant et fort hardi et hasardeux capitaine.

Il débuta par les guerres du Piémont, sous le maréchal de Termes, où sagesse de Termes et hardiesse d'Ossun étoient passées en proverbe. En un mot, sa vie militaire avoit été, durant quarante ans, un tissu d'exploits et d'actions de la plus haute valeur et de la plus grande intrépidité. Ses contemporains disoient de lui « le brave d'Ossun », comme depuis 'lui, sous Louis xiv, on a dit « le brave Gassion, le brave Rantzau »


Eh bien le dernier trait de cet homme d'une bravoure si remarquable, et si longtemps éprouvée, fut, en 1562, à la bataille de Dreux, où il se trouva au nombre de ceux qui lâchèrent pied et piquèrent et gagnèrent au grand galop jusques à Chartres. Une grosse fièvre l'y arrêta; et de rage qu'il eut, aj oute Mézeray, à sa manière véridique et dure, que;le trouble de son esprit eftt offusqué son courage, il se condamna lui-même à la mort par l'obstinée résolution de se priver de toute .nourriture~ Qu'est-ce que notre frêle et misérable machine ? Mais, qu'ici c'est bien le cas d'en gémir Les exemples de tel-poltron dont on a pu dire, il fut brave une fois, ne sont pas rares; mais qu'un homme réellement brave et constamment.brave se démente par un trait de foiblesse et de poltronnerie, c'est ce qui confond et qu'on n'a guère vu. Quoique cet Ossun soit le premier dont l'histoire fasse mention, il n'en passe pas moins pour constant que sa' maison est très ancienne et celle dont la Bigorre s'honore le plus. Il est encore plus vrai que c'est moins à cela et à son mérite réel qu'à des circonstances heureuses et purement fortuites, que le d'Ossun de nos jours, mousquetaire en 1713, et successivement .capitaine dans Condé-dragons, guidon de laçompagnie des gendarmes de la Reine, brigadier de


cavalerie, ambassadeur extraordinaire à Naples, n1aré. chal des camps, ambassadeur et plénipotentiaire. à Madrid, grand d'Espagne de la première classe pour lui et ses successeurs, et de retour en France, cordon bleu, conseiller d'Etat d'épée, -ministre d'Etat, a dû d'entasser sur sa tête tant de si suprêmes distinctions; son long temps d'ambassadeur, d'abord à Naples, ensuite à Madrid, en le mettant à même d'inspirer au roi le plus inepte de l'univers, une amitié particulière et la plus. entière confiance, est le seul titre qu'on lui connût à tant de bonheur.

Le seul fils qu'il ait laissé en mourant, et qui, mort lui=même sans enfants m~les, a, je crois, mis fin à tous ceux de cette maison, étoit fort au-dessus de son père du côté de l'esprit; il en avoit beaucoup et l'avoit gai, aimable et plein de saillies; mais, en revanche, il étoit bien au-dessous par la sagesse et la bonne con'duite.

Sa mère étoit une Hocquart, soeur puînée de comtesse douairière de Cossé, de la marquise de Montesquiou, de la marquise de Pons, teutes les quatre filles de M. Hocquart, fermier général. Elle fut la troisième femme de M. d'Ossun.

C'est de ce dernier mariage que le fils naquit en 175o-. Le beaucoup d'esprit que la nature lui donna,


avec assez de laideur et un petit corps relevé d'une grande bosse, n'était, ainsi qu'on voit, que l'acquittement d'une dette, qu'une compensation dont,.dans ce cas, elle se fait d'ordinaire une loi. Il fut marié à M lle de Gramont, fille de la'comtesse, aitnable et pleine dé, mérite comme elle. Elle a eu la douleur de le voir, à force de dissipation, de dettes et d'inconduite, être forcé à s'enfuir à Saint-Domingue, ne pouvant faire raison à ses créanciers qui le poursuivoient. C'est là qu'il est mort, et, malheureusement pour eux, tout à fait insolvable. Indépendamment des droits de la jeune veuve, c'est à: leur fille unique, la jeune duchesse de La Force, que les biens, qui, je crois, sont tous, ou presque tous, en Bigorre, passent en entier par l'effet d'une substitution.

Leur nom d'Ossun, le seul que cette famille ait jamais eu, ..est celui d'une belle terre érigée en marquisat.~ Les habitants, en signe de féodalité, avoient été de tous temps assuj ettis à porter une espèce de livrée. L'étoffe en étoit, pour les hommés, un gros drap bleu céléste, la forme du vêtement étoit à l'antique il se composoit de culottes très larges, d'une espèce de soubreveste bordée sur toutes les coutures d'un cordon blanc, tel à peu près que celui de la ceinturè desmoines franciscains. Ils couvroient leurs têtes


d'un de ces bonnets de laine que, en Béarn, nous appelons des bérets, à cette. différence près que les leurs étoient tout blancs. Les couleurs bleue et blanche distinguoient aussi, en entier, tout ce dont leurs femmes étoient vêtues. C'étoit aussi d'étoffes à peu près les mêmes.

C'est sous le nom de burrayres, qui leur vient de ce que, dans le principe, ils n'avoient guère d'autre commerce que celui du beurre, que toutes nos provinces méridionales en jouissent, soit pour cette denrée, soit pour les fruits secs qu'on tire du Languedoc et de la Provence, et même, depuis quelques années, pour le débit de toutes sortes d'épiceries, de j~mbons, de toiles et mouchoirs de Béarn. Les voitures étoient encore un article important ils étoient nos principaux rouliers. Ayant comme Ossunois des priviléges propres, des exemptions de droits de douane, on avoit tout d'eux à meilleur marché on s'y adressoit de préférence. Aujourd'hui que, gràce aux récentes. modifications leurs priviléges ont disparu avec leur costume, je ne sais s'ils s'en trouveront mieux. Ce que, pour en finir, j'eusse pu -dire des filles de cette maison, mariées en Béarn, chez Sorbério et chez Navailles-Poeyferré, se retrouvera ailleurs.



SÉRILL y ET D'ÉTIGNY,

INTENDANTS.

Leur nom de' famille est Megret, ils étoient frères~ L'administration en France n'a pas eu de sujets qui lui aient fait plus d'honneur. Ils manquoient de naissance et cherchoient si peu à le cacher que c'est de M. d'Etigny lui-méme que j'ai sçu que leur père, après avoir fait un petit commerce en Auvergne, passa de là à des affaires plus importanes et plus lucra-. tives, fut receveur général des finances sous la régence de Philippe., duc d'Orléans, ce qui le fixa à Paris, et le mit à même de laisser une succession considérable.

L'éducation qu'il procura à ses enfants se ressentit de la fortune qu'il avoit acquise et justifia le pressentiment qu'il avoit du degré d'élévation où leurs talents naturels, ainsi cultivés, devoient les faire.. atteindre. Les deux furent intendants du Béarn, pas immédiatement. Il y eut de 1'un.à l'autre un intervalle de cinq à six ans, rempli en grande partie par M La-


bove, qui ne put que faire ombre au tableau, et le reste du temps par M. d'Aligre, assurément très propre à y figurer avec avantage, si son règne eût été moins court, mais on l'appela presque immédiatelnent à l'intendance d'Amiens, où son caractère fier et hautain l'exposa à des altercations avec le duc de Chaulnes, gouverneur de la province, qui: firent beaucoup de bruit, et qui durent en faire, puisqu'il en résulta un cartel d'éclat. = M. de Sérilly étoit doué des qualités les".plus. tr.anscendantes. Le Béarn le posséda trop peu. première intendance du royaume, celle d'Alsace, vint à vacquer et lui fut donnée. C'est un choix qu'il justifioit admirablement. Énfin, il en étoit à être nommé contrôleur général des finances, lorsque la mort l'arréta au niilieù de sa glorieuse carrière. Sa femme étoit une fille de Joly de Fleury, procureur général au parlement de Paris. Il n'avoit pas d'enfants. Ce fut son frère qui lui succéda. De grandes vues pour le Béarn, presque tout, en matière d'objets politiques et administràtifs;étoi encore si peu défriché, si tristement arriéré, vues quet M. de Sérilly n'avoit guère eu'le temps de concevoir, c'est M. d'Etigny qui les. exécuta..

C"est à lui que nous. devons ces superbes routes


dont tout le pays est entrecoupé, qui, pour des communications faciles dans toutes les parties de l'intérieur, et non moins au dehors vers -Bayonne, Bordeaux, Toulouse et toutes nos frontières avec l'Espagne, ont ouvert au commerce de nos vins, de nos jambons, du produit de nos manufactures, en un mot de nos denrées et de nos marchandises, un essor qui-- l'a- centuplé, et s'il ne nous a pas enrichis, ce que nos moyens physiques extrêmement bornés, et d'ailleurs trop -contrariés par la nature, l'inclémence du climat,. ne comportent pas, nous a au moins valu plus d'industrie et d'aisance.

Si la mémoire des deux frères, et surtout du dernier, n'étoit à "jamais gravée en traits de feu dans. l'âme des Béarnois, ce seroit une énorme ingratitude. Elle le seroit d'autant plus, que c'est par une suite de dévoué- ment pour nous que ses jours ont été abrégés. En 1765, lors de la grande querelle contre feu. M. de Lacaze, premier pré~ident du parlement de Pau, et les membres de cette compagnie, M. d'Etigny fut envoyé en qualité de commissaire du Roi. Sa mésintelligence. connue avec le chef sur ses droits de place, qui précédetnment les avoit divisés et brouillés, la très intime liaison dont il vivoit avec ce qu'il y avoit de mieux. parmi ces. Messieurs, lui décélèrent


aisément dans sa mission un pi~ge. Il étoit trop plein d'esprit et trop clairvoyant pour pouvoir s'y méprendre. Il sentit donc tout le danger, niais sa belle âme et son bon cœur l'emportèrent. Il ne s'occupa que de' faire en sorte que les démissions 'n'eussent pas lieu; que d'amener, par tous les meilleurs efforts, uQe.conciliation; que de faire adopter cette mesure si louable et si sage aux Etats de la province où il se rendit, où-il. parla comme un ange de paix, où sa candeur, sa franchise, tout ce caractère de vérité qui étoit si fort. le sien, se démontrèrent d'une manière qui émut j us-. qu'aux larmes. J'en puis parler, j'y étois et payai mon contingent avec largesse.

Les Etats, sur son invitation, ainsi exprimée -et motivée, se oignirent volontiers à lui, passèrent. même par dessus ce dont les corps sont le plus jaloux, je veux dire ces vains et puérils préalables, de. forme contre lesquels des déterminations, des démarches. d'un intérêt majeur pour le bien public, ont souvent échoué; mais il n'étoit plus temps, les démissions étant déjà résolues et délibérées au moment où l'on reçut une note officielle de la part des Etats relative à des députés nommés et qui alloient se rendre. Ce fut inutile, on remercia, elles- prévalurent.


Le chef du Parlement étoit à Paris avec sa maison. Il avoit à Pau pour agent, le sieur Danty, son secrétaire, qui, comme membre lui-même des Etats, avoit été à portée de nous espionner et de recueillir jusqu'aux moindres circonstances. Le déloyal syndic que nous avions alors, l'aida de toute sa perfidie et de tous les moyens peu avo uables un courri er extraordinaire partit sur-le-champ avec leurs dépêches.. Le ministère de ce moment étoit tout acquis à M. de Lacaze. Il avoit plus particulièrement pour lui M. de Maupeou et M. Bertin, et au fond (il faut en convenir, je crois m'en être expliqué à l'article Lacaze) la bonté de sa cause. Son air de bonhomie fit que le Parlement chercha à revenir sur des droits de place, pour lesquels, à la suite des débats les plus âpres et les plus opini~,tres; il avoit été pleinement humilié et battu par M. de Gaubert; l'exercice p~isible et non interrompu qui s'en étoit suivi, ajoutoit encore. Aussi M. de Lacaze eut-il un triomphe. complet.

La conduite de M. d'Etigny fut taxée d'irrévérence et de crime. Il fut mandé à la cour; une sorte de respect attaché à son grand mérite et au souvenir de ses grands- services empêcha qu'il ne fût disgracié. Il conserva l'intendance, mais pour retourner à Auch et n'en plus bouger jusqu'à nouvel.ordre.


Le chagrin dont il fut dévoré ayant pris le dessus, il en eut sa santé attaquée; et, quoique très robuste, il tomba insensiblement dans un état de langueur qui l'enleva dans la force de l'âge. Le jour même de sa mort, il ecrivit une lettre au Roi. C'étoit un chefd'oeuvre de sentiment et d'éloquence, tous les papiers publics en firent mention. Il fesoit l'aveu de sa faute il y témoignoit ses regrets. Il recommandoit aux bontés du Roi, une veuve respectable, un fils chéri, auxquels il avoit le malheur de transmettre une fortune des plus dérangées, quoique la rente de son patrimoine eût excédé 5o mille écus.

Le fils qu'il laissa étoir conseiller au parlement de Paris. Il dut, pour obvier au mauvais état des affaires, renoncer à sa charge, profiter des dispositions bienveillantes et généreuses de M. de Pange, son oncle maternel. M. de Pange avoit dans la finance une charge superbe et d'un grand rapport. C'était celle de trésorier général de l'extraordinaire des guerres. Il en demanda pour son neveu la survivance et l'adjonction. Il obtint l'une et l'autre. Cet office, alors alternatif, entre M. de Pange et M. de Boullongue, devint, par l'effet des révolutions subséquentes, unique sur la tête de M. de Sérilly. En réunissant ainsi tous les gages, émoluments et casuels, il en tiroit un produit


immense; malgré cela, il a fini par la plus déplorable déconfiture, à la suite d'imprudentes spéculations. Il s'est retiré je ne sais où, pour se vouer à une vie obscure.

La parenté des Megret avec nos Boeil vient de feu Mme de Boeil qui étoit une Beziade d'Avaray. Une soeur de MM. de Sérilly et d'Etigny épousa en 173 5 le marquis d'Avaray, mort en 1746, de la petite vérole à Anvers, avec le grade de maréchal des camps.



C'est non du père, président à mortier, et homme assez mince. dans tous les sens, que j'ai le plus affaire, mais du fils qui est bien autre chose. Otez à ce dernier le rire d'amour-propre et d'approbation qui succède bruyamment à toutes ses phrases, et certain ton pédantesque qu'il contracta au collége, dont jamais il n'a pu se défaire, et qui dépare beaucoup ce qu'il dit, c'est pour l'esprit, la sagacité, les connoissances, la droiture, le liant de l'intimité et des moeurs sociales, tout ce qu'on peut désirer de mieux. Je l'ai pour bon ami; j'en ai eu des preuves, et je suis bien le sien. Il a la plus digne mère. Elle étoit faite à tous égards pour jouir de bien plus de bonheur qu'elle n'en a eu. Fille unique et héritière de feu M. Dej eanLezons, conseiller au Parlement, elle porta dans la maison d'Esquille, entièrement obérée, et qui, sans ce mariage, se seroit relevée difficilement, au moins 400 mille livres. Je lui étois très attaché. Dès l'âge de vingt ans, je lui fesois assidûment ma cour. Je dus cesser à quarante, parce qu'alors, quoique encore

D'ESQUILLE.


assez jeune, elle eut une attaque de paralysie dont ses facultés intellectuelles se ressentirent fort. Je fus vivement touché de ce malheur j'aimois son commerce, je le préférois à tout autre. Elle avoit une grande bonté, un caractère sûr, un esprit pénétrant, solide, nourri' d'excellentes lectures, sans que le tic assez ordinaire aux femmes de se parer de leur érudition, fût jamais le sien.

Elle avoit été parfaitement élevée. Elle le devoit en partie à l'amitié et aux soins de Mme de Sorbério, soeur du marquis d'Ossun, qui, par l'esprit, les connoissances, et tout ce qui distingue une personne. du premier mérite, étoit supérieure à son frère~ et comparable.aux hommes qui en ont le plus.

Pour n'avoir pas à revenir à elle par un article particulier, qui néanmoins lui seroit bien dû, j'aj oute, en passant, que le Sorbério, chevalier d'honneur au Parlement, qu'elle'eut pour mari, l'homme du monde le plus extraordinaire et le plus sauvage, néanmoins brave et franc du collier, ainsi qu'il le témoigna dans quelques occasions connues, étoit d'extraction assez ancienne du moins dans la robe car, soyons de bonne foi et convenons franchement qu'eri Béarn, la meilléure noblesse ne'vient que de là ou du droit d'entrée aux Etats généraux du pays, dont la simple acquisition avoit le même effet..


COll1mc ce que je dis de l'ancienneté d'extraction de M. de Sorbério est contraire à" opinion de bien des gens, qui, le fesant, avec raison, originaire de Bielle, chef-lieu de la vallée d'Ossau, prétendent que des biens nobles d'assez de valeur, que sa famille possédoit dans, cette vallée, ne remontoient pas à une époque plus éloignée que l'acquêt, et que les devanciers de celui-ci étoient peu de chose, il est juste que j'explique sur quoi je me crois autorisé à présumer différemment.

Des éclaircissements que j'ai cherchés avec soin dans les ouvrages imprimés ou dans les manuscrits concernant le Béarn, il résulte que nous n'avons j amais eu d'autre famille de ce nom qu'en 15.69, lors de la fameuse invasion de Terride et avant l'arrivée de Montgonmery qui reconquit le Béarn si rapidement et si "rudement, les Etats assemblés exclurent des fonctions civiles tout ce qui n'étoit pas cathol~ique que Gassion fut obligé de quitter le Conseil que les autres juges religionnaires prirent le mènlè parti, et que, n'étant resté que quatre membres, l'un d'eux étoit Bernard Sorbério, hoynyr~e sage.

Je trouve encore, que, peu de temps apr~s, Montgonmery maître absolu, à son tour, chassa de ce même Conseil Souverain lesdits quatre membres et 18


que Sorbêrio se r etira en Espagne. Je trouve, .enfin, qu'en r622, il fut expédié des provisions de conseiller au Parlement en faveur de M. de Sorbério, à la place de M. de Marca fait président à mortier. S j'avois pu suivre la descendance de ce conseiller, je ne doute nullement qu'elle l1I'eût mené au chevalier d'honnel1:r. Du mariage de.ce dernier avec Mlle d'Ossun est issu un fils unique dont l'éducation fut extrêluement. soignée par. la mère, avec tout le succès possible. Il n'est pas exempt de singularités et vit un peu trop en philosophe, c'est son seul défaut. Il. avoit servi, ce me semble, dans le régiment du Roi. Il est chevalier de Saint-Louis _et colonel par brevet. Attiré à Paris, il y a quelques années, par le feu_ marquis d'Oss~n~}J eût.pu continuer la ~arriè~e. des armes avec avantage son.insouciance naturelle s'y opposa.

Le Béarn, où, malgré les plus grands revers dans sa.. fortune survenus .sur la tête du père, à la suite d'un malheureux procès avec le feu baron de Capdevill~ i! conserve, en biens-fonds, de 4 à 5,000 livres de rente,, ne le reverra ,plus. Il est à Paris pour.le reste de-ses jours. Il mourra garçon, par son nom s'éteindra, et ses biens passeront aux enfants du baron d'Aren dont lamè~e est une Sorbério. Je, reprends les d'Esquille. On lit dans certain gros


Dictionnaire de la Noblesse, que la .leur est originaire de Panlpelune dans la Haute-Navarre qu'elle est très ancienne; que les ancêtres y ont possédé des biens considérables et des places distinguées dans la robe et daus l'épée, avec des pensions à titre de récompense de services, jusqu'au temps de l'usurpation de ce royaume, en I 5 I2, par Ferdinand d'Aragon sur Jean d'Albret et Catherine de Foix, sa femme Henry d'Albret, leur fils, tenta inutilement de le reprendre la reine Jeanne, fille unique de celui-ci, et femme d'Antoine de Bourbon, ne fut pas plus heureuse. Les d'Esquillè, attachés à leurs souverains, et dans l'espoir que ces derniers se rétabliraient dans la Haute-Navarre, y restèrent privés des emplois et des grâces. de cour sous Ferdinand, Charles v et Philippe ii, jusques à 1579; alors Jean "d'Esquille Icr du nom, désespérant de voir ses véritables souverains rétablis, vint se fixer avec les siens en Basse-Navarre deux incendies, l'un de sa maison de Saint-Palais en 1627, l'autre de son château de SOll1b~rraute, et encore --celui du. palais du parlement de Navarre, en 1716, où les titres, papiers et provisions des charges de cette famille ont été consumés, font ignorer son origine, qui étoit ancienne, avant son établissement en Basse-Navarre les services rendus à Henry i~7


et à ses successeurs ont mérité aux d'Esquille les dignités dont ils ont été revêtus. Ensuite, vient, depuis 1604, une ample et longue énumération de ces dignités et d'alliances flatteuses, en un mot, de tout ce dont l'amour-propre aime à se repaître.

On peut prendre pour certain que tout ce qui précède cette énumération est de pure fantaisie; qu'en 15 go, époque au-delà de laquelle les d'Esquille s'élancent inutilement, leur Jean d'Esquille 1er du nom, simplement greffier de la Chancellerie de Navarre, obtint des provisions de l'office de garde-sacs, vacant par décès de François de Goyénèche, de Garris que c'est de là, et du zèle intelligent avec lequel. ce Jean concourut aux vues d'Henry iv, et ensuite de LouisXIII, pour le rétablissement de la religion catholique en Navarre et en Béarn, et celui des ecclésiastiques dans leurs biens, qu'il faut partir pour la fortune et l'élévation de cette famille que le père de ce Jean étoit un maçon. On m'a montré à Saint-Palais-la maison, où, pour mieux dire les ruines et l'emplacement de la maison, qu'ils y possédaient, et qui"d'après sa profession, portoit et porte encore le non de Maçondo. Ainsi, si c'est méchamment, ce n'est pas du moins calomnieusement, que l'abbé Puyau a dit, dans sa satire des nobles du aéarn, que la robe- couvroit d'Esguille la truèle.


Je sais bien qu'il existe une magnifique généalogie d'après laquelle l'auteur du Dictionnaire de la Noblesse a rédigé l'article, mais je sais aussi qu'elle est fondé e sur des titres forgés, pour lesquels feu M. de Lezons appela de Toulouse un notaire très habile, et l'eut deux mois à Pau. J'en puis parler sciemment, je l'ai vu.

Au reste, six présidents à mortier, de père en fils, dans une famille, plusieurs bonnes maisons auxquelles ils s'allièrent, la plus relevée et la plus sonore de toutes ces alliances par Jeanne d'Esquille, fille de Jean n, qu'Arnaud de Labarthe, vicomte de Rébénac, son oncle, institua pour héritière, et qu'il maria en 1672 au fils du marquis de Feuquières, dé cet excellei-.t officier dont on a des mémoires; mariage dont il n'y eut qu'une fille, mariée en 1698 au marquis de Souvré, second fils de Louvois, ministre sous Louis xiv, tout cela, dis-j e, qui est incontestable, auroit pu raisonnablement t dispenser d'exciter des vérités fâcheuses sur ce qui précède et qui n'est évidemn1ent que forfanterie.

C'est pis, soit dit en passant, de M. de Lezons, .qui, non content d'av oir niché si brillamment les d'Esquille dans ce Dictionnaire, a imaginé. d'y. nicher de même son nom de famille. qui étoit Dej ean, et qui, du moins,


pour le Béarn, est mort avec lui et feu son frère, grand viçaire et chanoine de Lescar et abbé de Sa intPé en Bigorre. Leur noblesse, pour laquelle je renvoie à ce livre où elle est étalée tout au long, n'empêche pas qu'il résulte d'un de nos registres de la municipalité de Pau, que, en 1640, le sieur Dej ean, marchand, fut reçu voisi~Z. J'ai connu assez particulièrement les deux frèr.es. Ils avoient infiniment d'esprit et de connaissances.. L'aîné avoit plus de liant dans la société, @ mais il étoit d'une avarice extrême. Le cadet avoit au contraire un caractère altier et étoit très g~néreux. La pauvre Mme d'Esquille, fille de l'un, nièce de l'autre, que j'ai déjà citée, n'en avoit que:le bon En la citant encore, je ne fais que me ra1J1enerà ce que la justice et le coeur m'inspirent.. M. le président d'Esquille, dernier mort, bon gros petit homme, avoit été marié deux fois: la première, à une demoiselle de Saint-Macary, soeur cadette de l'héritière mariée chez Lons il n'en eut que le vieux président actuel. La seconde, à une demoiselle Bergeret, fille d'un praticien, et d'une figure très appétissanté.

De ce second mariage, devenu nécessaire, naquirent trois garçons et deux filles, sçavoir l'abbé d'Fsquille, chanoine de Lescar, le chevalier d'Es-


quille, mousquetaire, un second chevalier d'Esquille qui est aux Gardes-Wallonnes, Mme Renaud) leur soeur, mariée au pays de Labol1rd, et Mlle d'Esquille, soeur cadette, restée fille par la faute et les caprices de sa mère, et qui, par son caractère, auroit été très propre à.faire le bonheur d'un mari.

Le marquis, fils du vieux président, a un frère très bon suj et, qui sert aussi dans les Gardes-Wallonnes, et deux soeurs mariées, l'une dans"le Nébouzan, à M. de Sacerre, seigneur d'Escanecrabe, l'autre en Chalosse, tout près .de Tartas, à M. d'Urbons. Le caractère froid et taciturne de M. de Sacerre le rend d'une société assez peu attrayante c'est dommage, car elle a d'excellentqs qualités. Pour Mme d'Urgons; séparée de son mari, elle prouve que beaucoup -d'imagination et d'esprit peuvent souvent jeter dans le s'écarts, et servent moins au bonheur de la vie qu'ils n'y nuisent.



LOS1'AL.

Quoique par sa liaison, ses attentions et surtout son apathie devant des boutades et des haut-lecorps; il. ni'ait soufRé sur la succession de feu mon oncle M. de C. c'est-à-dire de-l'homme le plus bizarre et le plus extraordinaire qu'il y ait jamais eu, i 2,_000 livres placées sur M. le président Duplaa, et un mobilier précieux en argenterie, meubles, et imn~ensément de très beau linge, je n'en ai pas moins continué à le cultiver et à l'aimer comme le parent qui ni-a toujours été le plus attaché.

Ce n'est pas un beau màle..Il a le teint olivâtre, de la grossièreté dans les traits, pas mal dans le son de voix et dans ses manières, lnédiocrement de l'esprit, mais néanmoins assez pour qu'avec la franchise et la loyauté qui y sont jointes, son commerce ne déplaise à personne, et pour.dirigeradmirablement ses affaires; aussi so nt-elles en très bon état.- Au reste, quoique économe et sans cessè sur le qui-vive de l'emploi de ses revenus, il les dépense honorablement. Il est plein de probité, et sûr dans ses promesses aussi a-t-il, princi-


~pal~ment à Oloron où il réside, des amis dont il peut disposer comme de lui-même. Sa fortune consiste dans un très bon et très beau fief parfaitement assorti et qu'il peut appeler une mère nourricière, un vignoble à Monein, un autre bien de la valeur de 20 mille livres en Soule, une maison à Oloron; et -:70 mille livres d'excellentes créances.. Le premier -bien; situé Haget, gros village prés de- la ville, d'Oloron, est celui de ses pères. .Marié du premier bond avec. une héritière soulet~ine; Mlle de Po urtau Elle. étoit très jolie;élevée".à Pau au «couvent de la Foy, -bon..parti-. Il -en. eut un garçon -et une fille. Le garçon mourut à l'âge -de treize -ou -quatorze ans la fille mariée à l'âge de.djx~ huit ans avec M. de Péborde, eut -le même sort,= dès sa première couche, et l'enfant qu'elle mit au '.monde étant mort aussi, M. de Lostal eut le désir. de ~e.~ reina-t- rier. -Ce fut moi qui lui. fis avoir pour femme'Mlle ~de Dombidau 1"aînée. <. e Il- m'avoit donné pleinement- sa confiance; et~. crus qu'en tournant mes vues et mes. démarches.. de ce côté-là, c'étoit le meilleur moyen de la justifier.-» PeUt-être eussérjeréfléchir davantage- qu'étant brune,. jolie, sémillante, et n'ayant que dix-sept;ans@, eUe.pouvoit ,donner,.cn plus-d'un_sens, d~e~:la, ta~lature


à un. mari qui en avoit soixante; si j'eus quelque motif d'encouragement, c'étoit par le grand renom .que. ses énormes moyens physiques lui avoiént valu, de tous les temps, auprès du beau sexe.- Quoiqu'il en soit, à quelques petites diversions près; cette union paroit aller rondement. Il y a deux enfants, mâle ët femelle: Voilà qui, à bon compte, obvie. avec assez de. succès à.la crainte que le père avoit que l'extinc;tion de son nom ne fût prochaine.

.Ce: nom. est bon à conserver. :Les Lostal sont originaires de la Basse-Navarre.' Ils. y étoient mêmc assez distingués: Sous. Henry: m; en .r- 5 8~, .un de-ces Lostal-fut.~pourvu de l'office de vice-.chancelier de Na: varre; sur la résignation du sieur dé Lamothe;' son beau-p.ère, en~ considération 'des 'servicesde. ce derïiier et de:ceux rendus par MathieuDupa~; chancelier- de Navarre, ayeul.maternel de Lostal. En 1 61 l,SOUS Louis XIII, egrege .Pierre; de Lostal, vice-chancelier de Navarre (c'étoit le .même), obtint des- lettres d'anoblissement pour sa- maison d'Oromocolo, située. à Saint-Palais. En 1621, -le mêmè obtint un office de conseiller detat.

Ce fut ce Lostal qui, lors dé l'assassinat d'Henry IV, passionné pour ce prince, autant par reconnais sance q l1e; par uste inc.1inatiot:l;:fit uneespèçç de. çon1~


plainte intitulée la NavaYre en deuil; on l'imprima. Il y exprime ses regrets d'une manière assez extravagante. Il s'était fait connoître précédemment par un autre ouvrage intitulé le Soldat Suédois. Je ne le connois que parce que le P. Bouhours, jésuite, dans sa Manière de bien penser srcr les ouvrages d'esprit, cite celui-ci comme tout ce qu'il y a au monde de plus saugrenu, et pour qu'on en juge mieux, il ajoute que les quatre premiers inots sont « Ma plume en l'air. » C'est, ce. me semble, dans le Pem-oniana qu e ce Lostal occupe un article aussi peu flatteur, et qu'il est qualifié de vice-chancelier de Navarre, seigneur de Sendets et Maucor. En effet, il eut ces deux terres,. et peut-être quelque autre, par -son mariage avec la fille unique héritière du sieur de Lamothe mentionné cidessus, à qui ces terres appartenoient. Je crois en avoir la preuve dans quelques titres qui sont en mes mains. Sendets, seigneurie contiguë au Pont-Long et au- territoire de Morlaas, appartient aujourd'hui à M. de Perpigna.

C'est dans la famille. d~Oihénart, savant auteur Na~. varrois, que la postérité masçuline en .ligne directe du vice-cbançelier Lostal a fondu. J'en ai connule dernier mâle, homme bien estimable,qui mourut très ~-ieux. L'Oihénart de nos jours, qui, comme héritier de sang


le plus proche, succéda à ses biens, et qui, je crois, n'a laissé, en mourant, que des filles, possédoit unebibliothèque précieuse, surtout en manuscrits, entre autres celui de toutes les lettres d'Henry iv à sa maîtresse Corisande d'Andoins. Il le vendit à M. d'Hérouville, lieutenant-général des armées du Roi, auteur, j e crois d'un ouvrage sur l'art militaire intitulé Traité des Légions, mais qui eût mieux fait d'en étudier quelqu'un sur la fidélité à remplir ses engagements. Le prix convenu de l'acquisition fut environ 5;000. livres payables à un terme assez éloigné, qui, quoique échu depuis longtemps, est encore à payer en grande partie.

Les Lostal d'Oloron étoient une branche cadette. C'est aujourd'hui la seule du nom qui soit existante. Notre Lostal avoit un oncle paternel au service de la Hollande, qui, ayant passé à Batavia (plusieurs voyageurs, entre autres, l'abbé de Choisy, le nomment Saint-Marfin, nom d'une métairie, qui lui fut donné dès son enfance et qu'il conserva touj ours), y fut major général. C'était une espèce de royauté dont son mérite le rendoit très digne. Malgré le peu de temps que la brièveté de ses jours lui permit d'en jouir, etles très grands frais que ses obsèques occasionnèrent, il en revint à la famille, de la fortune qu'il avoit lais-


sée, près de 100 millelivres en argent, et un rare polissoir d'agate, orné d'un cachet d'or massif, dont l'empreinte n'offre que le chiffre des lettres initiales de son nom.

C'est à la faveur de ces 100 mille livres que quatre demoiselles de Lostal, tantes du Lostal d'aujourd'hui, furent établies: l'aînée chez Péborde, la première cadette chez Pédemont, la seconde chez.Casaucau, la dernière, pour laquelle on rencontra infiniment moins bien à tous égards, chez Hauquet, à Navarreins. Voilà l'explication exacte du noeud de ces diverses parentés. Si notre Lostal actuel fût mort sans postérité, il auroit eu pour successeur de sang M. de Péborde, syndic-général de Béarn, et m'auroit rendu par son testament, ainsi qu'il me l'a confié et répété à plusieurs reprises, le capital dont feu mon oncle l'avoit gratifié à mon préjudice. Je l'aime assez pour que la privation m'en soit moins pénible que sa satisfaction d'avoir des enfants ne m'est agréable.




Les norrrs cn gros caractères sont les titres des srotices.

ABBADIE, 183, 187.

Abbadie (d'), 136.

Abbadie de Ca¡nblong(Mlled'), 68.

.AJ3JD.OS (d'), l, 4.

Abidos (Mme d'), 1 3, 242. Abidos (Mlle d'), 6.

Aguesseau (d'), 250.

.Alp.érpni (le cardinal), 121. Albret (Henri d'), 2 15.

Albret (Jean d'), 275.

Aldobrandini (le cardinal), 238. Aligre (d'), 264.

Andoins (d'-), 167, 168.

Andoins (Corisande d'), 285. Andoins (Mlle d'), 1 3

Anlézy (le comte d'), lOI. Arbérats (Mme d'), 232.

Aren (le baron d'), 274.. ~ristote, 17°..

DES NOMS DE PERSONNES.

Armendaritz (les d'), 13 2. Armendaritz (d), 2.

Armendaritz (Mlle d'), 131. Arnaud, 113.

Arnaud, seigneur de Bretagne, 187..

Arripe (d'), 143.

Arros (le baron d'); 99, 110., 154, 2I6..

Arros (d'), seigneur d'Arance, 43.

Arros d'Argelos (?4'le d'), 129. Arros-Viven.(Ie baron d'), 129. Artaguiette (à-l11e d'), 247. Artigole (d'), 5.

Artiguelouve (d'), 154.

Artigues (d'),~ ~3.~

Artois (le comte d'),. 149, 1 S 3, 178, 210.

Assat ( Ai 11e d'), 113.

TABLE


Aubencourt (Mme d'), 231. Aubigné (d'), 238.

Audaux, voy. Gontaut.

Auger (l'abbé), 210.

Auture (d'), 39, 41.

Avaray (marquis d'), 23 i, 269. Avaray (Catherine-Angélique d'), 23I.

Avaray (les d'1 242.

Avignon (évêque d'), i.

Aydie (les d'), 2°7.

Bacquencourt (de), voy. Dupleix.

Badet-Plaisance (de), 40..

Baillenx (le comte de), 100. :Balirèse (de), 6. Baltayorck (baron de), 9.

Baluze, 15, 180.

Barrau (de), 12.

Batsalle (de), 47.,

Baudreii (de), 230.

Bayard (le chevalier) 214, 215.

Bayard-Duplaa (lé chevalier), 245. ·

Bayle, 174.

Béarn (Antoine de), 193. Béarn (Bernard de), 216.

Béarn (Catherine de) I93 ·

Béarn (Gabriel de), 21S, 216. Béarn (Jacques de), 216.

Béam, (Jacques de),.seigneur de Sévignac, baron de Doumy, 193.

Béarn (le baron de), 2 13.

BÉ1\RN (les barons del, 2I}. Béarn-Gerderest (Mlle de), 215. BELA (de), 2 1.

Bela (le chevalier de), 21 à 2 3, 13~.

Bela (Mlle de) 23.

Belle-Isle ( le "maréchal de ), 132.

Belloc, 100.

Belloc (de), 167.

Belzunce (de), 47,. ~8..

Belzunce (~lle de), I~, 129. Bénévent {Théophi~e de), 242. Bénézech, 231.

Bergeret, lOS.

Bergeret (M11e), .H~S, ~7~. Bertin, mmistre, 91, 2<>9~ ~67. Bésiade (les), 24.2.

Bésiade d'Avaray (~lle "de), 269..

BLAIR (de), 9.

Blair (Ale II de), 9. Blair {Aléxandre iii de), 9. Blair (Alexandre iv de), 9.


Blair (Alexandre v dej, 9. Blair (Alexandre vide), 9, 10. Blair (Melchior de), 9.

Blair (Samuel de), 9.

Blair (le chevalier de), i 3e 14. Blair-Boisemont (de), 9, 10, 12,

IS.

BOEIL. (lé baron de), 229. Boeil (Jean de), 229.

Boeil (Péès de), 230.

13oeil (Marie de), 100.

Boeil (Mme de), z3I,~26g. Boei~ \les), 269-

Boisgelin ( de ) archevêque d'Aix, ~8. Bonafon, 13..p.'

Borda, 85.

Borda (~me.de), 15 3

Bordenave (Mllek de), 4 5. Bordenave-Abère (de), 174. Bordenave-Abère (les), 217. Bordenave-Cassou (de), 64.. Bouhours (le P.), ~84. Bouillac (de), 232. Boullongne (de), 268.

B9YRIE (de), 71"

Boyrie (Mme de), 72.

Boyrie (le 'chevalier de), 75. BraÍ1debourg(l'électeu~ de), 216 Bra'i1tôme, I~S, zo8, 213,257.

Brtteuil (Mme de), 138.

Brienne (de), 93..

Broca (Mlle de); 200.

Brosser (de), 208.

Boué, 187.

Calonne (de), 226.

Camblong (M~e de), 46. Camou-Blachon (Mme de), i S 3 · Candau (de), 4.

Candau-Lucarré (de), 246. Capdeville (les), 212.

Capdeville (le baron de) seigneur d'Aydie, 20), 206} 274.

Capdeville (Mlle de), 45. Caplane (le baron de), 216. Capuran, 2 S

Capuran (MUe de), 25.

Casamajor, 249.

Casamajor (de), 55. ·

Casamajor (GuizarQaud de ), S à 58.

Casamajor (Théophile de), 58. Casamajor (Mme de), 254. Casamajor, de Sauveterre; 59. Casafuajor-Chéraute (de), 58. Casamajor de Vianne, 1 }9.

Casamajor-Disse (Pierre de), 57, 58.


CASAMAJOR-ONEIX ( ), S9~ 253.

Casamajor-Rey (de), 58.

Casamajor-Salabert (de), 58. Casatnajor-Treslay (de), 58, 80. Casaucau (de), 286.

Casaucaué-Ledeuix (de) 174, I75~ -~206.

CASAUS (de), 63, 65, 66, 68, 69, 97.

Casaus (le marquis de), i 3, 66, 67..

Casenave (Mine de), 75. ·

Castetnau (Mlle de), 134. Catherine de Bourbon, 56. Caumia'Baillenx (de), 100. Chalais (M~e), 22.

.Charles VI, 205.

Charles IX, i..

Charles II, roi d'Angleterre, 9, 10.

Charles 275.

CHARRITE- (de), 5 s, 59. Cht1rrit~ (le marquis de), 243. Ch3rrite (le président de), 2 3 44,55,59;60,62,93.

Charrite (le vicomte de), 179. Chauite (la présidente de), 60, ` 61.

Charrite (Mme de), 93. ·

Charrite (Mile de), 150.

Charri te (les .de), 44, 45, 244 Charrite-Bela, 2 3

Chaulnes (le duc de), 264. Chauvelin (le chevalier de), 240.

Choiseul (le duc de), 142, 143 145) 147, 198.

Choisy (l'abbé de), 285.

Claverie (Mlle de), 129.

Coarraze (Jeanne de), 20S. Coigny (le comte de), 165. Colbert (Mile de), 195,2°5. Colbert du Terron, 103.

Colin de Saint-Marc, S o, 52, 54.

COLOMIÈS, 173, 175. ·

Colomiès (Paul)', 173.

Colomiès-Goès, 24 2.

Conflans (le maréchal de), 146. Corberon (de), t 5 0.

Cossé (la comtesse de), 259. COURBONS' (de), 123.

Courbons (la marquise de) 12 3. Courrèges (le chevalier de), 40. Courrèges d'Agnos, 156.

Courrèges-Doumy (de), 40. Curzai (le marquis de), 239, 240.


DANTY. 194, 225, 267.

Danty (Mme), 226.

Darret, 8 1.

Darret (M»e), 79, 80.

Darsin, 112.

Daumon, 22.

Davant (Jean de), 230.

David, 124.

Day-Castillon (de), 102.

Dejean, 277, 278.

ne jean-Lez on s, 271, 277. Denguin (de), 158.

Desbrets, 194.

Desbrets (Mlle), 193. ·

Descartes, 170-

Desclaux (Marie}, 99.

DESCLAUX-MESPLÈS, baron de Navailles, 1:3°, 191 Desclaux-Mesplès (Dominique), 195.

D~scIaux-Mesplèsaoseph) 19 5. Desdaux-Mesplès (les), 205. Disse (l'abbé de), 58.

Disse (MUe de); 58.

DOAT (de), 29.

Doat (le président de), 29, 31. DOMBIDAU, 77.

Dombidau (l'abbé), 78.

Dombidau (de), 78.

Dombidau (Mlle de), 282.

Du Bellay '(le cardinal), 219. Domezain, 2.

Doumy (Mme de), 178.

Dufau, 253.

Dufour, 100.

Dupac (Mathieu), 283.

Duperron (le cardinal) 23 5, 237.

Duplaa père, 246.

DUPLAA (le président), 55, 243, 281.

Duplaa ( la présidente ), S 5 244.

Duplaa (Mile), 245. ·

Dupleix de Bacquencourt, 1 so, 156, 179, 22 5

Duplessis, 236.

Dupont, 6 5.

Echaux (le vicomte d'), 2. Epernon (le duc d'), 176. Escanecrabe (de Sacerre, seigneur;d'), 279-

Escars (le comte d'), 149, 178. Escars (les d'), 247.

Escout (Bernard d), Io9. Espalungue (d'), 3.

Esparre (d'), 110.

ESPOURREINS (d'), 17.

ESQUILLE (d'), 271, 274,276.


Esquille (Jean 1 d'), 276.

Esquille (Jean m d'), 277.

Esquille (Jeanne d'), 277. Esquille (l'abbé d'), 105, 129, 278.

Esquille (le dJevalicr d'), mousquetaire, 50, 105, 278.

Esquille (le chevalier d'); io5, 279.

Esquille (le président d'), 278. Esquille (Mme d'), 30, 271 278.

Esquille (Mlle d'), 105, 279. Esquille (le marquis d'), 147. Estandau, 156.

ÉTIGNY (d'), 263 à 268. Etigny (d') fils, 268.

Fabri, 68.

Fanet (de), 141, 179.

Faget (l'abbé de), i 15, 180. Faget (Mlle de), .180.

Faget-Doumy (Mme de), 40. FAGET-POMPS (de), 147, 15 J, 177.

Ferdinand le Catholique, 275. Feuquières (Je marquis de), 277.

Fleuriau d' :lrmenonvill~ (Mlle .de), 101.

Foix (Catherine de), 27~ FONDEVILLE, 25.

Fondeville (Jean de), 25.

Fontenelle, 105.

Forcade (Antoine), 254.

Forcade (Arnaud), .254.

Forcade, général, 254.

Forcade (les), 254.

Forgues, 23°.

Fouquet, 169.

François 1er, I 5 6.

Franclieu (de), 245..

Frédéric II, roi de Prusse; 254'~:rcxo (Jean de), 13°.

GASSION~. (de), 63, 65, 97-Y I 54..

Gassion (les), 205, 242.

Gassion(]acquesde',99, 100. Gassion (]ean\ 98, 168. Gassion ( Jeanne de), i95. Gassion (de), évêque. d'Oloron, 100.

Gassion (le maréchal de), Ioo, 134, 257. Gassion. (le marquis de~, io3 Gassion (la marquise de), 103. Gaubert (de), 87'- 1231- 25ô, 267.

Gaubert (de) fils, 12'3.- -=


Gaubert (le chevalier de), 127. Gerderest (de;, 4.

Gerderest .(le baron de!, 21 S.. Gestas (de), S 5. ·

GILLET DE LACAZE, 87. Gillet, sieur de Lacaze, 90. Gisors (le comte de), 132 à 134. Goas (de), 4.

Goas ou Goez, 17.5, 176. Gontaut (Armand de), seigneur d'Audaux, 3

Gouze (le seigneur de!, 3. G.oyhénèche:O?rançois de), 276. Gramont (Antoine, duc de), 155..

Gramont I~ran.çoise-Marguerite-Bayonne de), 1 S S. ·

Gramont (les), 93, i 58, I95 Gramont (la ducliesse de), 198. Gramont.(la comtesse dej, 78. Gramont (Mlle de), 26o. Gramont-Caulet (Mme de), 126, 129, 231.

Gudane (M!le. de), i S 2.

Guèrez, 237.

Guirauton. (-Ml~~de), 12.

Hauquet, 286..

Henri iv, 56, 99, I2C~, 2I S, 236, 237, 27.5, 276,283, ~8).:

Henri Il, roi de Navarre, 65, 275.

Hérouville (d' 285.

Hiton (de;, 193.

Hocquart, 259.

Hocquart (Miles), 259.

Homère, 236.

Hondagné ainé, 1 3.

Hozier Id' 146, 147.

Invermeith Jean, baron d'l, 9. Jasses !de', 5 à 57.

Jasses (les de), 14.

JASSES le marquis de', 63, 249.

Jasses (la marquise de', 46, 67. Jàsses (le président de 5 5. Jeanne d'Albret, l, 2, 26, 4r, 64, 65, 68, 69, 74, 98, 99, 168, 173, ~I5, 235,254.

JÉLIOTTE, 117.

Joly de Fleury, 264.

J~~eu, 174

Labaig (Jacob), 193.

Lab~ig-Viella (de;, 192.

Labarthe (Arnaud de), 277. LABORDE (de), 12, 30, 141, 177.


Laborde, de Bielle, 146, 147. Laborde (Mile de, 48, 148, 178.

Labove, 263.

Lacassaigne, 180.

Lacaie (de 88, 134, 225, 265, 267.

Lacaze (de) fils, 148.

Lacaze (le marquis de), 94, 135.

Lacaze (Mme de), 88, 89, 138. Lacaze voy. Gillet de Lacaze. La Chaussée, 31.

La Chesnaye des Bois; 213. LACLÈDE, 15 9.

Laclède- (de cadet, 165.

Laclède (de) oncle, i65.-

Lafargue (de ~2:

Lafargue (les 74.

Lafargue (jean), 74.

Lafitole (le marquis de), 30, 147-

La Force (de', 99, 110.

La- Force lJacques-Caumont) 229.

La Force (la duchesse de\ 260. La Gardé (Jacob; bàron de), 100.

Lalanne (Mlle de), 127. Lalongue (Jean dei, 216.

Lalongue (l'abbé -laïque. -de)~ 216.

Lamothe (de), 283, 284.

Lapeyrousc (de), 149.

LAPLACETTE, 183~

Larabaudange (Mme de), '196~ Laran (Mme), 45.

Largenté (Mlle de), 73.

La Rochefoucimt (le chevalier de), 4S, 206.

Larrezat (Mlle), 48. Lassale-Bela, 23" t 'Lassalle (de), 49.

Lassalle ide%, 230~

Lassalle (Mme de', 49. à 5,1. L.ateul«ade (baron -dé),'> i 5;' .Latourette, i 66.

Latourette (Mlle), 165

Laudinat (l'abbé io3. r' Laugar (jean de~, 229: r

Laugai-" (Mlle de), 18 Laur (de), 3. Laur (Marie de), 193.

a Vallicre {de~, 'i02.'

Lavigne (Guillaume), s3 3 · Lavigne (de), 168. Ledru, ioo.

Lezons n'abbé de~, 278. :thoté(MariiIîde},2~35;

Lhote (Mlle de, 2 3 5


Lichos (Magnifique de), 129. Livron (le chevalier de), 137. Livron ~Mme de), I; 5, J 36, 232.

LIVRON DE,H9URS(de), 13 J LONS, 1 SI.

Lons (de), 184..

Lons (Antoine de;, 55.

Lo,n.s J4ntoi~e, .ri1;irquis de~,

'8}.

Lons (Augustine de), 1) 3. Lons (Jean de), 4 1

Lons (Philippe, baron de), 1 S 5.. Lons (le marquis-de), 1 '-4, .1 SI. Lons (la baronne.de), 155. · Lons la marquise de), I S 2, 1 S 3..

Lons (Mme de), 2'~8.

Lons (les de), ,145..

LOSTAL, 28.1.

Lostal (Pierre-de), 283, ~84.. Lostal (Mme de;, 282.

Lostal (Miles de), 286..

Lostal, d'Oloron (les), _285. Lostau, :;4E.

Louis XIi,' 2i4.

Louis XIII, 2, 83, 111, 160,. 173, 276,~83,

Louis XIV, 9. ,H)4,. t69. 242, 277.

Louis xv, 101 J t 20, 208. Louis XVI, 210.

Louvois, 277.

Luxe (Charles, comte de), 2. Lusignan (Mlle de), 30.

Luzignan, roi delérusalem, 147.

Luzina ou Luzignan~ 147.

Mailly (de), 102.

MARCA (de:,6s, J07.

Marca (Galatoire de;, 112. Marca (Jacques de), 109 à I I I Marca Uérôme~, 109, III. Marca (Pierre de), 107, 1 II 117, 154, 168 à 180,274. .Marca (Mlle de; 112..

Marie-Antoinette, 1 5, 160,~IO. Marie-Thérèse (l'impératrice), 145.

Marot,251., >'

Marque Qeaune de}, 2 16.

Marrens, baron de Sus, 198 Õ MARSAN (le chevalier de),-203. Marsan (Mlle de), 203.

Ma rville (de), 156, 179, 225. Maupeou (de), Z25,26~ Megret, 263

Megret (les), 269.

Méliand,. 15 5 7.


Mellon (Mlle), 2 5 5.

Mesplès (César-Anchot ~n -de), 129.

Mesplès (Guilhem' de), 13°.. Mesplès (Guixarnaud de), 129. Mesplès (jean de 129.

Mesplès (Paul de), 130.

Mesplès (le baron de 195 à 201 Mesplès (le chevalier de), 126. Mesplès (l'abbé de), 128.

Mesplès (le chanoine de), 128. Mesplès-Ancbot (de), 128.. Mesplès-Ancliot. (Mlle de), 19 1. Mesplès-Aren (le baron d'), 13 0- Mesplès-Esquiule (le chevalier de), 231.. Mesplès-Esquiule (le. président de), 126.

Mesplès-Esquiule (Mme:de),.J2)' Meyrac (de), 167.

Mézeray, 129. Minvielle, i oo..

Miossens (le baron de3, .a t 5 Mossens (Angélique de), 83. Miossens (MUe de), I 5 1-57-' MoncIus, 39.

Monein (de), ·

Monluc, }'76.

Monsieur, frère du roi, 146,' fi8, 2 io, f

Montaut-Bél1ac (Philippe- dè), 192. Montengon, 40~

Montesquiou (la marquise de), 259.'

Montgonmery (le comte de); 1 t 3, 98, 109, 176,c2'15-273. e Montillet ( de ) archevêque d'Auch, .60.'

Montmorency-Bouteville (Louis d~), 2.

Mourot,' 226:

Mourot. (MII~)', 226-. Moustrou (les barons de), 208.

Navailles, baron de Mirepeix, 112. Navailles (le vicomtc'.de), -¡4' Navailles-Angaïs (de), 120. NavaiI~~Mirept;~k, (dé;, '1")8;" 245 Navailles-Poeyferré (les}~" 257, 26I. Navarre (roisde),6s, 215, 2~5:= Nemours (Gaston de Foix, duc de), 213, 9IS- Nettine (Mme), 145.

Neys (de), 246.

Noailles (le maréchal de), I2S. Noailles (les de),90.


NOÉ (de), 205:-

Noé (de\ chambellan, 205. Noé (de), évêque de Lescar, 42, 194, 209 à 212.

Noé (Mme de, 208.

Noé (Mlle de), 194.

Noé (les de}, 208.

Nogué (de, 149.

Nogué-Peyroulet (de\1 50. Noguès (de), 167, I 69 ï

Noguès (le chevalier de), 197. · Noguès-Gerderest (de), 40. Noguès-Gerderest, dame d'Abidos, 4.

Nozeilles (de), 73.

Ogilby (Isabelle 9 Oihénart, 28q..

Olhagaray, 176.

Orléans (duc d'), 91, 263. Oroignen (Mlle d'), 157-

OSSUN, 257.

Ossun Pierre d'), 2 5 7, 258. Ossun .(le marquis d'j, 258, 259,.2~2, 274.

Ossun (Mme d'), '259. ·

Ossun (Mlle d'i, 274.

Ossun (Miles d'), 261.

Pange (de), 268.

Pardiac- (de), 4.

PARDIES; 167 à 169.

Pardies (de), 98.

Pardies (Ignace-Gaston de.), 169.

Péborde, curé, 203

Péborde (de), I67, 199, 282,' 286.

Péborde (Mme deli 282.

Pédemont, 7, 239, 286.

Péguilhem iBernard,-seigneur de;, 205.

Perié, 216 à 2'18.

Perié (Mme), 2I8.

Perpigna (de;284.

Petel (MUe), 73.

Peyre (le comte de\, 63 I OI 102.

Peyre (de), 230, 232, 233. Peyre (Mme de', 102, 232, .233.

Peyré (Mme de), 84.

Peyré (Mlle de), 84, 85.

Philippe ii, d'Espagne, 275. Piera, 186, 187..

Pinon, 15 o.

Planter (Auger), 2 3 3 ·

Poix (le prince de), 149.

Polastron (le comte de), I6b. Polignac (la comt~sse de', I~:


Pompadour (Mme de" 120. Pomps (de), 177, 178.

Pomps (Mme de), 30.

Pomps (Mlle de~, 179. ·

Pons (de, 208.

Pons (la marquise de), 259. Pontis, 83.

Pourquier, 117, 118.

Pourquier(I'abbé), 117.

Pourrat (Antoine), 233.

Pourtau (Mlle de), 282.

Puyau (l'abbé), 157, 192, 205, 2°7, 2.76.

Rantzau (le maréchal de), 2 S_ Rébénac (le vicomte de), 277. Recoupé (La ), 13.

Renaud d'Elissagaray 104, 105.

Renaud,I~5

Renaud (Mme), 279.

Ribagé (Mme de), 148.

Richelieu (le cardinal de', 173. Richelieu le maréchal de), 13, 14.

Richelieu ()es), go. Rouillé, 101.

Rousseau (Jean-Jacques), 45. Sacerre (de), 279.

Sacerre (Mme de), 279.

Saint-Christau (de), 21.

Sainte-Colomme (de), 4. Saint-Gemme (Mlle de~, 1 i Saint-Geniès, 3.

Saint-Macary (de), 157.

Saint-Macary (Mlle de), 157, 278.

Saint-Marc (Mme de), 5 2.

Saint-Martin, 285.

Saint-Martin (Bidou, vicomte de), 112.

Saint-Martin (le vicomte de); 206.

Saint-Martin (MII~ de), 206, Saint-Saudens (de), 42.

SAINT-X, 3 3 ·

Saint-X (Mme de), 38.

Salettes (de), 65.

Salles (de), 2, 4-

Salles (Jean-Bertrand de), 2. Samsons (Bernard de), 83. SANADON, -22, 219.

Sassus-Florence (de), 2 3 3 Saxe (le maréchal de), 21. Ségure (de;, 75.

Ségure (Mme de), 75.

SÉRILLY (de), 263, 264. Sérilly (de) fils, 228.

Sérilly (Mme de), 264..


Sérilly (Mlle de), 269.

Sorbério (Bernard), 273, 274. Sorbério (de), 168, 169, 272, 273.

Sorbério (Mme de), 272.

Sorbério (les', 257, 261.

Sordes (doin), 221.

Soubise (le prince de~, 34, 241. Sourdis (le cardinal de), 235. · Souvré (le marquis dé;, 277. · SPONDE, 35.

Sponde (Henri), 235, 236, 238. Sponde (Inigo), 235. ·

Sponde (Jean), 235 à 237. Stanislas (le roi), 137.

Sus (le baron de), 198.

Termes (le maréchal de', 257. Terrav (l'abbé), 14-3, 225. Terride (l'abbé de), 6.

Terride (le vicomte de~, I à 4, 98, 109, 110, 215, 233,273. Terride {vicomte de), 5.

Tessereau, go.

Tisnès (de), 154.

Tourdonnet (MUe de), 153. · Treslay (de), 81.

Treslay (Mme de), 81.

Tréville (le comte de), 13 2. Urgons (d'), 279.

Urgons (Mme d'), 279.

Ussau (Bernard d'), 216. Ussau (le baron d' ), 216. Ussau (la dame d'), 216. Vandeuil (de), 226.

Vandeuil (Mlle de), 226. Vendôme (le duc de), 12 1. Vergez, 254.

Vernage (de), 35.

Vernage (Mme de), 3 5 3 8. Verthamon (de), 126.

Verthamon (Mmc de), 126, i28, Viella (M. de), 193, 194. Viella (Mme de), 174.

Viella (les), 212.

Vignancour, 22.

Vivié de Campagne, 125.

Voltaire, 165 S


CORRECTIONS.

Page 4, 1. 5. q ue n'avions, lisex que nous n'avions. P. 5, 1. 25. il eut, lisez: il eût.

P. 6, 1. 21. il devint, lise~ il devînt.

P. 12, 1. 2. on remarque, liseZ on en remarq~e. P. 14, 1. 14. filles .déjà grandes, lise~ filles, déjà grandes. P. 157, 1. 9. coutet, lisex coutèt.

P. 193, 1. 24. Desbrest, liseZ: Desbrets.

P. 224, 1. 11. méchante, lisez Méchants.

P. 227, 1. 1. très-ébrêchée, liseZ très ébréchée. P. 241, I. 3 sexagénaire et si, liseZ: sexagénaire, si. P. 249, 1. 17. équivalait, lise~: équivaloient. P. 264, 1. 21. étoi, lisex étoit. 1. 22, quet, lisex que. P. 265, 1. 1. pour, lisex par.

P. 269, 1. 6. Beziade, lise~: Besiade.


PAU. TYPOGRAPHIE VERONESE.