Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-06-02
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 juin 1873 02 juin 1873
Description : 1873/06/02 (N1193). 1873/06/02 (N1193).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75335730
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
If. 1183.. ;.. Lundi 2 juin 1873..i*m numéro: 10 - Départements ; 15
14 prairial an 81 a M* II93.
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publication :
LES DEPRAVES
LEUR ENTENTE
4
Les journaux royalistes essayent de
persuader, et surtout de se persuader à
eux-mêmes, qu'il n'y a pas et qu'il n'y
aura pas de division entre les coalisés. Il
.paraît que c'était une profonde illusion de
notre part de croire que l'orléanisme, le
bonapartisme et le droit divin étaient
trois choses différentes; ils ne font qu'un
monarchisme en trois monarchies ; c'est
le mystère de la trinité appliqué à la po-
litique.
Du moment que c'est un mystère,
nous n'avons pas à discuter, et nous nous
étonnons même que les journaux se don-
nent la peine de chercher des preuves de
ce qui ne peut être qu'un article de foi.
Au reste, les preuves qu'ils trouvent
ne sont pas de celles qui empêchent de
croire quia absurdum. En voici une :
une preuve que ceux qui s'attendent à des
querelles entre les victorieux du 24 mai
se trompent « miférablement », c'est que
les victorieux ont tous, « sinon les mêmes
goûts, au moins les mêmes intérêts».
Au vulgaire point de vue de la raison, il
semblerait que c'est le contraire qui est
vrai, et que les alliés ont peut-être les
mêmes goûts, car aucun d'eux n'a encore
témoigné d'horreur pour les portefeuil-
les ni pour les préfectures, mais que
chacun des trois a son intérêt fort dis-
tinct de celui des deux autres : par
exemple, l'intérêt des bonapartistes est,—
ils ne le dissimulent pas,—de recommen-
cer le Deux-Décembre, et il nous est dif-
ficile d'admettre que l'intérêt des roya-
listes soit d'être encore une fois jetés par
les fenêtres de leur Assemblée et fourrés
à Mazas.
C'est sur ces espèces de preuves que les
journaux royalistes s'appuient pour dé-
clarer que « la ligue des conservateurs
sera permanente », et que les journaux
républicains sont insensés de supposer
qu'il y aura jamais. « une liquidation
de la victoire». Nous ferons remarquer
aux journaux royalistes que ce n'est pas
un journal républicain, mais un journal
bonapartiste qui a parlé de «liquida-
tion », et que ce journal a même eu
la sincérité de prévenir ses alliés que la
liquidation serait « épineuse ».
Donc, voilà qui est convenu, l'union
est indissoluble, et les royalistes sont les
amis des bonapartistes pour l'éternité. Et
au moment même où les royalistes disent
cela, les voici qui se disputent avec les
bonapartistes. Le Soleil est indigné d'une
«incroyable sommation» du Pays. Quelle
sommation? Le Pays, hier, en a adressé
une au maréchal Mac-Mahon, auquel il
demandait un Deux-Décembre ou un Dix-
huit Brumaire, au choix, le meurtre de
la République, l'étranglement de Catili-
na, etc. Ce n'est pas de cette sommation-
là que le Soleil est indigné. Quand les
royalistes entendent le bonapartisme dire
de ces choses-là, .ils sont comme de bons
bourgeois qui dîneraient chez un protec-
teur terrible, lequel, pendant qu'ils man-
geraient et boiraient, leur dirait : « Or
çà, mes chers amis, quand nous mettons-
nous à massacrer et à éventrer dans les
rues? Bombe et tonnerre 1 il y a quel-
que temps que je n'ai égorgé personne,
et jr' commence à avoir une furieuse soif
de sang! » Que peuvent faire les chers
amis? protester, se brouiller, se lever
de table? Le dîner est exquis. Les roya-
listes font semblant de ne pas enten-
dre, et, tout rouges et tout tremblants,
baissent le nez sur leur assiette.
Non, la sommation dont les royalistes
se fâchent, ce n'est pas celle que le Pays
adresse au président de la République;
c'est celle qu'il adresse au ministre de la
justice. Les royalistes n'empêchent pas
le bonapartisme de réclamer un coup
d'Etat et l'écrasement de la République
sur les pavés ; mais ils ne lui permettent
pas de demander la destitution de M.
Campenon. Toucher à M. Campenon,
qu'ils y viennent î Ici, ils perdent le senti-
ment de toute convenance et de toute al-
liance jusqu'à appeler le Pays « dénon-
ciateur ». Tous sont venus entourer le
substitut du procureur de la République
et lui faire un rempart de leurs corps. Le
Français, le premier, a déclaré que M.
Campenon ne méritait pas d'être destitué;
le Soleil dit mieux, il déclare que M.
Campenon mérite d'être avancé. Et le mi-
nistre de la justice ne doit pas être mal
embarrassé entre le bonapartisme, auquel
il faut la destitution de M. Campenon, et
le royalisme, auquel il faut son avance-
ment.
C'est ainsi que les coalisés s'entendent.
Ceci n'est qu'un détail, insignifiant en lui-
même; mais c'est un symptôme. On pres-
sentait bien que le partage des places
n'avait pas pu se faire sans difficulté;
mais jusqu'ici les compétitions avaient eu
lieu à huis-clos. L'incident de M. Campe-
non trahit le désaccord qu'il a dû y avoir
dans la distribution de postes plus impor-
tant, et les rancunes qu'elle a dû créer.
Il n'y a pas encore huit jours que le
nouveau gouvernement est au monde,
c'est un nouveau-né, la coalition fait ses
dents; et déjà les coalisés s'entremordentl
que sera-ce si leurs dents ont le temps de
pousser 1
A la place des royalistes, nous com-
mencerions à devenir rêveurs. Ils doi-
vent se souvenir du mot qu'ils disaient
jadis à l'époque de l'autre Sainte-Al-
liance : — Nos bons amis les ennemis ;
la Sainte-Alliance de l'intérieur pourrait
bien ne pas tarder à leur faire dire : -
Nos bons ennemis les amis.
AUGUSTE VACQUERIR.
LES COULISSES DE VERSAILLES
Si, m ne prenant que cinq jeurs de va
cances, Il. s coalisés ODt voulu mettre les
députés de la gauche dans l'impossibilité
de conférer avec leurs électeur?, ils n'y
ont pas réussi, car la plupart d< s députés
républicains des départements, même
ceux des départements éloignés, sont par-
tis dès vendredi soir.
Ils se proposent de conférer avec leurs
électeurs sur. la situation nouvelle 4lue las
derniers événements ont faite au parti répu
b icain, et de fortifier les populations dans
ce calme et ce respect de la légalité qui
ont déconcerté les coalisés et leur ont en-
levé tout point d'appui pour leurs tentati-
ves réactionnaires.
Les députés absents seront de retour
jeudi matin pour la reprise de la session.
—o—
MM. Magne et de la Bouillerie, les nou-
veaux ministres des finances et du com-
merce, sont d'avis, p 'tDÎL il, de maintenir
les traités de commerce de 1860 jusqu'à
leur complète expiration, d'abroger la lui
du 26 juillet sur les matières premières.
Une proposition en ce sens sera faite par
le nouveau gouvernement à l'Assemblée
a ant la discussion du budget, afin dd lais
ser le terrain complètement dégagé pour
les discussions puremeat financières.
Nous croyons savoir que les membres
influents du ceotre droit, sur un avis venu
« d'en baut», font des démarches pour at-
tirer le centre gauche dans les rangs des
partisans du gouvernement, afin de se dé-
gager de lit compromettante alliance des
légitimistes et des bonapartistes.
Les orléanistes voudraient aussi donner
le change à l'opinion publique, en lui per-
suadant qu'un certain nombre de républi-
cains font cau-e commune avec eux.
Mais, si nous sommes bien informés, les
chefs du centre gauche ont repoussé toutes
ces avances et se montrent plus fermes
que jamais dans leur union-avec les deux
autres fractions de la gauche.
Ce n'est pas sans motifs que certains
journaux de la coalition ont répandu le
bruit que le groupe Casimir Périer et son
chef songeaient à venir se fondre dans le
centre droit. C'est dans ces manœuvres
qu'il faudrait voir l'origine du bruit ré-
pandu à )a Bourse et ailleurs, d après le-
quel les partisans du nouveau gouverne-
ment songeraient à proposer la proclama-
tion défioitive de la République.
L'opinion publique doit se mettre en
garde contre ces manœuvres, qui n'ont
d'autre effet que de montrer le profond
désarroi des vainqueurs du 24 mai et la
division qui règne dans leurs rangs.
—o—
- Aucun gouvernement étranger n'a en-
core, paraît-il, accusé réception de la no-
tification faite par M. de Broglie, du chan-
gement survenu dans le gouvernement de
ia France. C'est à ce a qu'il faut attribuer
l'absence de toute réception diplomati-
que avant hier au ministère des affaires
etrangères.
Dans sa prochaine et première entrevue
avec le corps diplomatique, le nouveau
président de la République d it déclarer,
paraît-il, qu'aucun changement ne sera
apportée à la direction imprimée p*r M
Thiers à la politique extérieure de la
France.
M. Ruau, directeur du personnel au mi-
nistère des finances, a donné sa démis-
sion.
LETTRE D'EDGAR QUINET
M. Edgar Q Jnet adresse à ses électeurs la
letue suivante :
Mes chers concitoyens,
La République n'est pas un parti, elle
est la France.
De là le calme qui, sur toute l'étendue
de la République, a accueilli la nouvelle
du changement de gouvernemtnt dans la
jou-née du 24 mai.
Tous ont senti que la République, éta-
blie dans les esprits, fondée sur les inté-
rêts, les besoios, les convictions, les né-
cessités de la nation entière, est au-des-
sus du débat. Aucua trait ne peut l'at-
teindre.
Ce qui est résalté de la discussion, avec
une évidence inéfutable, c'est l'impossibi-
lité de faire autre chose que la République,
à moins de se jeter dans i'usurpatton 11 de
tomber dans le crime.
Vous avez compris que trois monar-
chies, acharnées l'une contre l'autre et se
réunissant en un seul corps à trois têtes,
ne sont pas une organisation viable. Voos
avez pensé qu'il fjut attendre que ce corps
se dissolve de lui-même, comme il arrive
de tout ce qui ports en soi la discorde et
la guerre; votre premier mot d'ordre a été :
patience.
L'effet a répondu à la parole; tous les
hommes qui, en France et dans le monde,
croient à la République, à la liberté et au
droit, ont approuvé votre conduite, com-
me la marque de la vriiie force.
Par là, vous avez dissipé les calomnies
qui ont été jusqu'ici l'arme principale de
vos adversaIres. VIIUS vous êtes montrés
ce que vous êtes : les véritables défenseurs
de l'ordre, les représentants de la conser-
vation sociale. Car la conservation, telle
que vous l'entendez, est en même temps
vie et progrès. Si elle ét.tit ce que vos
ennemis 1* font, le statu quo et le dépoui kl-
lement des droits acquis, eile ne serait que
la mort sociale et politique.
Voilà, au fond, la différence entre vous
et vos adversaires. Yous voulea empêcher
la décadence de la France ; vous êtes des
hommes de rénovation. Eux, au contraire,
ont accepté la décadence nationale, com-
me l'ordre régulier, légitime, comme le
fait aecompli, auquel il n'est pas permis
de se soustraire.
r Il s'agit, pour la France, de renaître ou
de périr. La République est la regénéra-
tion. La monarchie est la chute sans es-
poir.
La question ainsi posée, quel Français
hésitera ?
Hi, r, nons avons dit : Patience et vous
avez été patients. Aujourd'hui, j'ajoute :
Persévérance, fermeté, énergie !
EDGAR QUINET
Veuilles, 30 mai 1873.
Le Nouveau gouvernement et l'Europe
Nous sommes trop patriotes pour ne
pas désirer le succès du nouveau gouver-
nement dans toutes les questions exté-
rieures qui peuvent se présenter. Mais
c'est précisément pour cette raison que
nous ne saurions trop vivement lui recom-
mander une conduite diplomatique pru-
dente, conciliante, et, s'il le peut, libé-
rale.
Assurément, la France s'est trop vite et
trop glorieusement Televée de ses ruines,
et M. Thiers lui a acquis, par un emprunt
inoui, trop de prestige financier pour que
l'Europe se mêle de ses affaires intérieu-
res. Le président de la République fran-
çaise, quel que soit son nom, quelle que
s dt sa capacité, sera toujours traité par les
diverses puissances avec les égards qui
sont dus au représentant légal d'une
grande nation. A cet égard, nous n'é-
prouvons aucune inquiétude. Mais un
peuple comme le nôtre ne peut pas se
contenter d'un respect platonique ; il a
droit à sa part légitime d'influence dans
les affaires du monde ; et cette part d'in-
fluence que nous avions encore à la veille
du 24 mai, nous pourrions bien, si le
nouveau gouvernement ne prend pas tout
de suite une attitude correcte, la voir di-
minuer dans de regrettables proportions.
Il est certain que la chute de M. Thiers
a produit dans l'univers civilisé une im-
pression défavorable. Sans doute, les po-
litiques réfléchis ont bien vu que la France
n'était pas responsable de cette chute, et
que l'Assemblée elle-même ne l'avait ré-
solue qu'à une très faible majorité. Mais
le grand public, surtout lorsqu'il s'agit de
q estions étrangères, est peu habitué à
bien analyser les situations. Une seule
chose le frappe : M. Thiers, après avoir
rendu à la France des services éminents,
et au moment même où la France l'invi-
tait par des élections réitérées à faire on
mouvement vers la gauche, est renversé
par une Assemblée française et rentfBft
au profit des passions de la droite. Quitté
contradiction 1 quelle ingratitude! quelle
légèreté ! Yoilà ce que dit, voilà ce que
pense l'Europe presque entière.
Heureusement, c'est là une impression
purement morale, et, dans le temps équi-
voque de transition où nous sommes
condamnés à vivre, les impressions pu-
rement morales sont trop faibles pour
n'être pas éphémères chez tous les peu.
pies. En tous cas, le mal est fait, il est ir-
réparable, et le temps l'atténuera : l'in-
gratitude est le vice que les hommes par-
donnent le plus vite, parce qu'il est le
plus universel.
Ce qui est plus grave, au point de vue
de nos relations diplomatiques, c'est le
caractère clérical du nouveau gouver-
nement. Politiquement, on ne saurait
le définir: il est orléaniste tout d'a-
bord, mais il est aussi bonapartiste
par plusieurs de ses éléments ; il est mê-
me légitimiste. Jamais encore parmi nous
et peut-être dans le monde on n'a vu une
administration si hétérogène. Mais, au
point de vue religieux, pas de dissidences,
ou presque pas. Le nouveau gouverne*
ment est suivant le cœur de Pie IX et des
jésuites. *
Or, c'est précisément cette tendance
cléricale de tous les ministres qui rendra
notre situation très délicate parmi les
puissances, puisque toutes ou presque
toutes, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne,
la Suisse, se trouvent en hostilité flagrante
avec le parti clérical.
Il ne faut rien exagérer sans doute.
M. Thiers disait jadis à la tribune que
tout gouvernement en France est obligé
d'avoir, quel que soit le programme de
ses membres, une politique intérieure
conservatrice. Nous dirons, nous, que
tout gouvernement en France est oblige
d'avoir une diplomatie qui ne s'inféode
pas au cléricalisme. Nous ne craignons
pas que M. le maréchal Mac-Mahon et
M. de Broglie, si partisans qu'ils puis-
sent, être au fond de l'âme, du pouvoir
temporel, se mettent en guerre avec l'I-
talie pour rétablir Pie IX sur un trône
définitivement écroulé. Nous craignons
encore moins que M. le ministre des af-
faires étrangères expédie à Berlin des
notes fulminantes en faveur des jésuites
expulsés. Il y a des règles de prudence
élémentaire qui s'imposent à tous les
pouvoirs, et dont le pouvoir actuel ne se
départira certainement pas.
Mais sans rien essayer pour le rétablis*
sement de Pie IX, on peut encourager les
lointaines espérances de restauration; on
peut affecter de reconnaître ses prétendus
droits; on peut le traiter en souverain
déchu sans doute, mais enfin légitime;
on peut enfin, ou bien déplacer M. Four-
nier qui est bien vu du gouvernement
italien, ou bien le subordonner dans une
certaine mesure au représentant de la
France près le saint-siége.
Voilà ce qui est à craindre, et grande.
ment à craindre; car il est évident alors
que le gouvernement italien, sans rompre
avec le gouvernement français, prendrait
ses précautions pour l'avenir et entrerait
dans certaines alliances qui aujourd'hui,
grâce à la sagesse de M. Thiers, lui sem-
.blent suspectes, mais qui, demain peut-
être, après une seule faute de M. de Bro-
glie, lui paraîtraient nécessaires. Il im4
porte que le gouvernement garde M.
Fournier à Rome, et surtout le garde sans
l'amoindrir. Aura-t-il cette sagesse? Aura-
t-il la sagesse de laisser le parlement
italien régler la question des établisse*
ments religieux? Aura-t-il enfin la sagesse,
si le conclave s'ouvre, de ne pas y appor-
ter des influences hostiles à l'Italie?
r«nllUI«B do m~jt~
Du 2 iuiii 1873
39
LES
DÉPRAVÉS
JOld DI MOTORS C«NTI*FOÏU»aâ^
CHAPITRE TREIZIEME
Le diner des Funérailles.
(Suite.)
-Voyons, répondez à mes questions
comme si c'était vous le malade et moi le
médecin. A quelle heure précisa la petite
s'est-elle ietée par la fenêtre?
— A neuf heures, neuf heures et demie
du soir.
— Il faisait nuit.?
— Nuit noire. Le temps était couvert.
Il avait plu toute la journée.
- Elle a été arrêtée dans sa chute par
; La reproduction, même partielle, de ce
reman, est Interdite.
Voir le Rappel du 10 avril au 24 mai.
fin store qui avançait d'environ deux mè-
tres sur le trottoir, n'est-il pas vrai?
— Oui, c'est à un auvent placé au-des-
sus de la boutique du parfumeur qu'elle
doit son salut.
— Cet auvent, à quelle heure le re-
plie-t-on ordinairement ?
— En même temps qu'on ferme la
boutique, je suppose. Il paratt que la par-
fumeuse aurait dit : a Un quart d'heure
plus tard, elle était morte. J'avais déjà
répété trois fois à la bonne de poser les
volets. »
— Ah! il y a une bonne ! Et où loge
ce parfumeur ?
— Dans la maison même, immédiate-
ment au-dessus de sa boutique. En allant
voir la blessée, j'ai tenu à me faire expli-
quer tous les obstacles qui avaient pu
amortir une pareille chute.
— Aucune lumière spéciale n'éclaire la
marquise et n'a pu permettre à Gene-
viève de se rendre compte du point où elle
irait tomber?.
— Mais songez donc qu'elle s'est pré-
cipitée du cinquième étage : à une telle
hauteur, que voulez-vous qu'on dis-
tingue ?
— Ainsi, vous êtes convaincu qu'elle
s'est bien réellement jetée de sa chambre
sur le pavé, et qu'un miracle a pu seul.
— Pas un miracle, mais le hasard.
— Que le hasard, si vous y tenez, est
l'unique puissance qui l'ait arrêtée dans
sa descente et déposée mollement comme
dans un hamac sur la toile d'une mar-
quise fortuitement tendue pour la rece-
voir?
— Sans aucun doute, j'ai cette con-
viction, répondit le docteur surpris. J ai
vu les supports en fer tordus par le poids
du corps. J'ai vu la toile de l'auvent dé-
chirée : j'ai vu le morceau de percale ar-
raché du jupon de Geneviève par la vio-
lence de la rencontre.
— Eh bien ! moi, qui n'ai rien vu de
tout cela, je suis persuadée que votre fu-
ture bru, dans l'espoir fondé, comme
vous voyez, de le devenir, vous a préparé
une jolie petite comédie en trois actes et
en prose dans - laquelle - elle vous - destine
un rôle important : celui du père Ducantal
dans les Saltimbanques.
— Vous avez raison, s'écria Clémen-
tine au comble du ravissement; il faut
croire à un suicide pour rire. C'est excel-
lent, je n'aurais jamais trouvé celle-là.
— Mais, interrompit Houzelot décou-
vrant enfin le but du minutieux interro-
gatoire qu'il venait de subir, je sais, à
n'en pas douter une minute, que Gene-
viève s'est élancée du cinquième sans au-
tre pensée que celle de mourir. J'ai cau-é
avec elle une bonne heure : sa sincérité
ne peut être suspectéè. Elle m'a reçu au
lit avec un pied foulé et des compresses
plein la tête.
- Moi aussi, j'aurai quand je voudrai
des compresses plein la tête, et vous n'y
verrez que du feu, tout membre de la Fa-
culté de Médecine que vous êtes. D'ail-
leurs, en admettant que pour vous le sui-
cide ait été sérieux, il faut pour tous les
autres qu'il ne le soit pas. Et voilà 1
- Certainement, voilà! répéta Clé-
mentine.
— Et vtus vous imaginez comme ça
tout bonnement que Max, qui est fou,
littéralement fou de Geneviève, va vous
accorder à vous plus de confiance qu'à
elle?
- Et si on lui démontre, à votre Max, si
on lui prouve aussi clairement que deux
et deux font quatre, qu'il a été dans toute
cette affaire roulé comme un adolescent,
refait comme un Jocrisse de l'amour,
croyez-vous que l'amour-propre ne le fera
pas cabrer?
,- Je serais en tous cas assez désireux
de connaître les arguments que vous em-
ploiriez pour le convaincre.
— Pourvu que ces arguments aient le
pouvoir d'établir, pour M. Max comme
pour tout le monde, que sa maîtresse,
avant de se laisser choir, avait non-seule-
ment fait tendre une toile tout exprès,
mais qu'au lieu de plonger du cinquième
elle est tombée du pr mier où elle avait
eu soin, de descendre, afin d'avoir un
chemin moins long et surtout moins dan-
gereux à parcourir dans l'espace ; pourvu
en En que votre enfant prodigue vous re-
vienne, c'est tout ce que vous demandez,
n'est-il pas vrai? Le reste me regarde. Je
vous supplie seulement de ne pas me con-
trecarrer. Avez-vous une servante sur la-
quelle nous puissions absolument comp-
ter ?
— Il n'y a à la maison que deux do-
mestiques mâles.
— C'est d'une femme que j'ai besoin ;
mais je ne puis opérer moi-même, dit en
riant Agathe ; tout Paris me connaît. Si
vous mettiez la main sur quelque mal-
heureuse aussi obscure que disposée à
tout, ne la laissez pas échapper et en-
voyez-la-moi dans les quarante-huit
heures.
La tête noirâtre d'Elvire, la bonne de
Mathussem, se présenta la première à
l'esprit du docteur. — Celle-là ne peut
rien nous refuser, pensa-t-il ; on la pé-
trira comme une cire molle.
— Allons, voilà qui est convenu, reprit
Agathe. On étouffe ici. Mets ton chapeau,
Clémentine, et filons.
Clémentine obéit et Agathe lui dit,
tout en l'aidant à s'habiller : — J'espère
que tu es contente de moi?
— Oh ! madame, répondit Clémentine,
que vous êtes bonne 1
- Allons, viens. Vous, docteur, atten-
dez pour sortir que nous soyons descen-
dues. Il est inutile qu'on nous voie en*
semble.
Houzelot s'empressa de laisser partir
les deux femmes sans Jui et resta pour
payer l'addition. Quand il se retrouva
seul dans ce cabinet auquel sa conversa-
tion avec Agathe et Clémentine venait
d'imprimer de nouvelles souillures, il se
sentit pris d'un frisson de dégoût.
— Me voilà à cette heure en intrigue
réglée avec deux filles de joie et une in-
fanticide, se murmura-t-il.
L'image de Max et de Geneviève lui
passait devant les yeux. Mais celle de la
tribune française, avec ses huissiers à la
base et son verre d'eau sucrée au som-
met, chassa insensiblement l'autre. —Au
fait, dit-il tout haut, tant pis pour eux;
pourquoi s'obstinent-ils à m'empêeher
d'être député ?
Il regarda la pendule : comme dans
tous les salons de restaurant, elle était
arrêtée. Il tira sa montre, qui marquait
neuf heures.
- J'ai encore le temps de voir Mathu*
sem avant demain, pensa-t-il,
(A sufvrt,}
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LES DEPRAVES
LEUR ENTENTE
4
Les journaux royalistes essayent de
persuader, et surtout de se persuader à
eux-mêmes, qu'il n'y a pas et qu'il n'y
aura pas de division entre les coalisés. Il
.paraît que c'était une profonde illusion de
notre part de croire que l'orléanisme, le
bonapartisme et le droit divin étaient
trois choses différentes; ils ne font qu'un
monarchisme en trois monarchies ; c'est
le mystère de la trinité appliqué à la po-
litique.
Du moment que c'est un mystère,
nous n'avons pas à discuter, et nous nous
étonnons même que les journaux se don-
nent la peine de chercher des preuves de
ce qui ne peut être qu'un article de foi.
Au reste, les preuves qu'ils trouvent
ne sont pas de celles qui empêchent de
croire quia absurdum. En voici une :
une preuve que ceux qui s'attendent à des
querelles entre les victorieux du 24 mai
se trompent « miférablement », c'est que
les victorieux ont tous, « sinon les mêmes
goûts, au moins les mêmes intérêts».
Au vulgaire point de vue de la raison, il
semblerait que c'est le contraire qui est
vrai, et que les alliés ont peut-être les
mêmes goûts, car aucun d'eux n'a encore
témoigné d'horreur pour les portefeuil-
les ni pour les préfectures, mais que
chacun des trois a son intérêt fort dis-
tinct de celui des deux autres : par
exemple, l'intérêt des bonapartistes est,—
ils ne le dissimulent pas,—de recommen-
cer le Deux-Décembre, et il nous est dif-
ficile d'admettre que l'intérêt des roya-
listes soit d'être encore une fois jetés par
les fenêtres de leur Assemblée et fourrés
à Mazas.
C'est sur ces espèces de preuves que les
journaux royalistes s'appuient pour dé-
clarer que « la ligue des conservateurs
sera permanente », et que les journaux
républicains sont insensés de supposer
qu'il y aura jamais. « une liquidation
de la victoire». Nous ferons remarquer
aux journaux royalistes que ce n'est pas
un journal républicain, mais un journal
bonapartiste qui a parlé de «liquida-
tion », et que ce journal a même eu
la sincérité de prévenir ses alliés que la
liquidation serait « épineuse ».
Donc, voilà qui est convenu, l'union
est indissoluble, et les royalistes sont les
amis des bonapartistes pour l'éternité. Et
au moment même où les royalistes disent
cela, les voici qui se disputent avec les
bonapartistes. Le Soleil est indigné d'une
«incroyable sommation» du Pays. Quelle
sommation? Le Pays, hier, en a adressé
une au maréchal Mac-Mahon, auquel il
demandait un Deux-Décembre ou un Dix-
huit Brumaire, au choix, le meurtre de
la République, l'étranglement de Catili-
na, etc. Ce n'est pas de cette sommation-
là que le Soleil est indigné. Quand les
royalistes entendent le bonapartisme dire
de ces choses-là, .ils sont comme de bons
bourgeois qui dîneraient chez un protec-
teur terrible, lequel, pendant qu'ils man-
geraient et boiraient, leur dirait : « Or
çà, mes chers amis, quand nous mettons-
nous à massacrer et à éventrer dans les
rues? Bombe et tonnerre 1 il y a quel-
que temps que je n'ai égorgé personne,
et jr' commence à avoir une furieuse soif
de sang! » Que peuvent faire les chers
amis? protester, se brouiller, se lever
de table? Le dîner est exquis. Les roya-
listes font semblant de ne pas enten-
dre, et, tout rouges et tout tremblants,
baissent le nez sur leur assiette.
Non, la sommation dont les royalistes
se fâchent, ce n'est pas celle que le Pays
adresse au président de la République;
c'est celle qu'il adresse au ministre de la
justice. Les royalistes n'empêchent pas
le bonapartisme de réclamer un coup
d'Etat et l'écrasement de la République
sur les pavés ; mais ils ne lui permettent
pas de demander la destitution de M.
Campenon. Toucher à M. Campenon,
qu'ils y viennent î Ici, ils perdent le senti-
ment de toute convenance et de toute al-
liance jusqu'à appeler le Pays « dénon-
ciateur ». Tous sont venus entourer le
substitut du procureur de la République
et lui faire un rempart de leurs corps. Le
Français, le premier, a déclaré que M.
Campenon ne méritait pas d'être destitué;
le Soleil dit mieux, il déclare que M.
Campenon mérite d'être avancé. Et le mi-
nistre de la justice ne doit pas être mal
embarrassé entre le bonapartisme, auquel
il faut la destitution de M. Campenon, et
le royalisme, auquel il faut son avance-
ment.
C'est ainsi que les coalisés s'entendent.
Ceci n'est qu'un détail, insignifiant en lui-
même; mais c'est un symptôme. On pres-
sentait bien que le partage des places
n'avait pas pu se faire sans difficulté;
mais jusqu'ici les compétitions avaient eu
lieu à huis-clos. L'incident de M. Campe-
non trahit le désaccord qu'il a dû y avoir
dans la distribution de postes plus impor-
tant, et les rancunes qu'elle a dû créer.
Il n'y a pas encore huit jours que le
nouveau gouvernement est au monde,
c'est un nouveau-né, la coalition fait ses
dents; et déjà les coalisés s'entremordentl
que sera-ce si leurs dents ont le temps de
pousser 1
A la place des royalistes, nous com-
mencerions à devenir rêveurs. Ils doi-
vent se souvenir du mot qu'ils disaient
jadis à l'époque de l'autre Sainte-Al-
liance : — Nos bons amis les ennemis ;
la Sainte-Alliance de l'intérieur pourrait
bien ne pas tarder à leur faire dire : -
Nos bons ennemis les amis.
AUGUSTE VACQUERIR.
LES COULISSES DE VERSAILLES
Si, m ne prenant que cinq jeurs de va
cances, Il. s coalisés ODt voulu mettre les
députés de la gauche dans l'impossibilité
de conférer avec leurs électeur?, ils n'y
ont pas réussi, car la plupart d< s députés
républicains des départements, même
ceux des départements éloignés, sont par-
tis dès vendredi soir.
Ils se proposent de conférer avec leurs
électeurs sur. la situation nouvelle 4lue las
derniers événements ont faite au parti répu
b icain, et de fortifier les populations dans
ce calme et ce respect de la légalité qui
ont déconcerté les coalisés et leur ont en-
levé tout point d'appui pour leurs tentati-
ves réactionnaires.
Les députés absents seront de retour
jeudi matin pour la reprise de la session.
—o—
MM. Magne et de la Bouillerie, les nou-
veaux ministres des finances et du com-
merce, sont d'avis, p 'tDÎL il, de maintenir
les traités de commerce de 1860 jusqu'à
leur complète expiration, d'abroger la lui
du 26 juillet sur les matières premières.
Une proposition en ce sens sera faite par
le nouveau gouvernement à l'Assemblée
a ant la discussion du budget, afin dd lais
ser le terrain complètement dégagé pour
les discussions puremeat financières.
Nous croyons savoir que les membres
influents du ceotre droit, sur un avis venu
« d'en baut», font des démarches pour at-
tirer le centre gauche dans les rangs des
partisans du gouvernement, afin de se dé-
gager de lit compromettante alliance des
légitimistes et des bonapartistes.
Les orléanistes voudraient aussi donner
le change à l'opinion publique, en lui per-
suadant qu'un certain nombre de républi-
cains font cau-e commune avec eux.
Mais, si nous sommes bien informés, les
chefs du centre gauche ont repoussé toutes
ces avances et se montrent plus fermes
que jamais dans leur union-avec les deux
autres fractions de la gauche.
Ce n'est pas sans motifs que certains
journaux de la coalition ont répandu le
bruit que le groupe Casimir Périer et son
chef songeaient à venir se fondre dans le
centre droit. C'est dans ces manœuvres
qu'il faudrait voir l'origine du bruit ré-
pandu à )a Bourse et ailleurs, d après le-
quel les partisans du nouveau gouverne-
ment songeraient à proposer la proclama-
tion défioitive de la République.
L'opinion publique doit se mettre en
garde contre ces manœuvres, qui n'ont
d'autre effet que de montrer le profond
désarroi des vainqueurs du 24 mai et la
division qui règne dans leurs rangs.
—o—
- Aucun gouvernement étranger n'a en-
core, paraît-il, accusé réception de la no-
tification faite par M. de Broglie, du chan-
gement survenu dans le gouvernement de
ia France. C'est à ce a qu'il faut attribuer
l'absence de toute réception diplomati-
que avant hier au ministère des affaires
etrangères.
Dans sa prochaine et première entrevue
avec le corps diplomatique, le nouveau
président de la République d it déclarer,
paraît-il, qu'aucun changement ne sera
apportée à la direction imprimée p*r M
Thiers à la politique extérieure de la
France.
M. Ruau, directeur du personnel au mi-
nistère des finances, a donné sa démis-
sion.
LETTRE D'EDGAR QUINET
M. Edgar Q Jnet adresse à ses électeurs la
letue suivante :
Mes chers concitoyens,
La République n'est pas un parti, elle
est la France.
De là le calme qui, sur toute l'étendue
de la République, a accueilli la nouvelle
du changement de gouvernemtnt dans la
jou-née du 24 mai.
Tous ont senti que la République, éta-
blie dans les esprits, fondée sur les inté-
rêts, les besoios, les convictions, les né-
cessités de la nation entière, est au-des-
sus du débat. Aucua trait ne peut l'at-
teindre.
Ce qui est résalté de la discussion, avec
une évidence inéfutable, c'est l'impossibi-
lité de faire autre chose que la République,
à moins de se jeter dans i'usurpatton 11 de
tomber dans le crime.
Vous avez compris que trois monar-
chies, acharnées l'une contre l'autre et se
réunissant en un seul corps à trois têtes,
ne sont pas une organisation viable. Voos
avez pensé qu'il fjut attendre que ce corps
se dissolve de lui-même, comme il arrive
de tout ce qui ports en soi la discorde et
la guerre; votre premier mot d'ordre a été :
patience.
L'effet a répondu à la parole; tous les
hommes qui, en France et dans le monde,
croient à la République, à la liberté et au
droit, ont approuvé votre conduite, com-
me la marque de la vriiie force.
Par là, vous avez dissipé les calomnies
qui ont été jusqu'ici l'arme principale de
vos adversaIres. VIIUS vous êtes montrés
ce que vous êtes : les véritables défenseurs
de l'ordre, les représentants de la conser-
vation sociale. Car la conservation, telle
que vous l'entendez, est en même temps
vie et progrès. Si elle ét.tit ce que vos
ennemis 1* font, le statu quo et le dépoui kl-
lement des droits acquis, eile ne serait que
la mort sociale et politique.
Voilà, au fond, la différence entre vous
et vos adversaires. Yous voulea empêcher
la décadence de la France ; vous êtes des
hommes de rénovation. Eux, au contraire,
ont accepté la décadence nationale, com-
me l'ordre régulier, légitime, comme le
fait aecompli, auquel il n'est pas permis
de se soustraire.
r Il s'agit, pour la France, de renaître ou
de périr. La République est la regénéra-
tion. La monarchie est la chute sans es-
poir.
La question ainsi posée, quel Français
hésitera ?
Hi, r, nons avons dit : Patience et vous
avez été patients. Aujourd'hui, j'ajoute :
Persévérance, fermeté, énergie !
EDGAR QUINET
Veuilles, 30 mai 1873.
Le Nouveau gouvernement et l'Europe
Nous sommes trop patriotes pour ne
pas désirer le succès du nouveau gouver-
nement dans toutes les questions exté-
rieures qui peuvent se présenter. Mais
c'est précisément pour cette raison que
nous ne saurions trop vivement lui recom-
mander une conduite diplomatique pru-
dente, conciliante, et, s'il le peut, libé-
rale.
Assurément, la France s'est trop vite et
trop glorieusement Televée de ses ruines,
et M. Thiers lui a acquis, par un emprunt
inoui, trop de prestige financier pour que
l'Europe se mêle de ses affaires intérieu-
res. Le président de la République fran-
çaise, quel que soit son nom, quelle que
s dt sa capacité, sera toujours traité par les
diverses puissances avec les égards qui
sont dus au représentant légal d'une
grande nation. A cet égard, nous n'é-
prouvons aucune inquiétude. Mais un
peuple comme le nôtre ne peut pas se
contenter d'un respect platonique ; il a
droit à sa part légitime d'influence dans
les affaires du monde ; et cette part d'in-
fluence que nous avions encore à la veille
du 24 mai, nous pourrions bien, si le
nouveau gouvernement ne prend pas tout
de suite une attitude correcte, la voir di-
minuer dans de regrettables proportions.
Il est certain que la chute de M. Thiers
a produit dans l'univers civilisé une im-
pression défavorable. Sans doute, les po-
litiques réfléchis ont bien vu que la France
n'était pas responsable de cette chute, et
que l'Assemblée elle-même ne l'avait ré-
solue qu'à une très faible majorité. Mais
le grand public, surtout lorsqu'il s'agit de
q estions étrangères, est peu habitué à
bien analyser les situations. Une seule
chose le frappe : M. Thiers, après avoir
rendu à la France des services éminents,
et au moment même où la France l'invi-
tait par des élections réitérées à faire on
mouvement vers la gauche, est renversé
par une Assemblée française et rentfBft
au profit des passions de la droite. Quitté
contradiction 1 quelle ingratitude! quelle
légèreté ! Yoilà ce que dit, voilà ce que
pense l'Europe presque entière.
Heureusement, c'est là une impression
purement morale, et, dans le temps équi-
voque de transition où nous sommes
condamnés à vivre, les impressions pu-
rement morales sont trop faibles pour
n'être pas éphémères chez tous les peu.
pies. En tous cas, le mal est fait, il est ir-
réparable, et le temps l'atténuera : l'in-
gratitude est le vice que les hommes par-
donnent le plus vite, parce qu'il est le
plus universel.
Ce qui est plus grave, au point de vue
de nos relations diplomatiques, c'est le
caractère clérical du nouveau gouver-
nement. Politiquement, on ne saurait
le définir: il est orléaniste tout d'a-
bord, mais il est aussi bonapartiste
par plusieurs de ses éléments ; il est mê-
me légitimiste. Jamais encore parmi nous
et peut-être dans le monde on n'a vu une
administration si hétérogène. Mais, au
point de vue religieux, pas de dissidences,
ou presque pas. Le nouveau gouverne*
ment est suivant le cœur de Pie IX et des
jésuites. *
Or, c'est précisément cette tendance
cléricale de tous les ministres qui rendra
notre situation très délicate parmi les
puissances, puisque toutes ou presque
toutes, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne,
la Suisse, se trouvent en hostilité flagrante
avec le parti clérical.
Il ne faut rien exagérer sans doute.
M. Thiers disait jadis à la tribune que
tout gouvernement en France est obligé
d'avoir, quel que soit le programme de
ses membres, une politique intérieure
conservatrice. Nous dirons, nous, que
tout gouvernement en France est oblige
d'avoir une diplomatie qui ne s'inféode
pas au cléricalisme. Nous ne craignons
pas que M. le maréchal Mac-Mahon et
M. de Broglie, si partisans qu'ils puis-
sent, être au fond de l'âme, du pouvoir
temporel, se mettent en guerre avec l'I-
talie pour rétablir Pie IX sur un trône
définitivement écroulé. Nous craignons
encore moins que M. le ministre des af-
faires étrangères expédie à Berlin des
notes fulminantes en faveur des jésuites
expulsés. Il y a des règles de prudence
élémentaire qui s'imposent à tous les
pouvoirs, et dont le pouvoir actuel ne se
départira certainement pas.
Mais sans rien essayer pour le rétablis*
sement de Pie IX, on peut encourager les
lointaines espérances de restauration; on
peut affecter de reconnaître ses prétendus
droits; on peut le traiter en souverain
déchu sans doute, mais enfin légitime;
on peut enfin, ou bien déplacer M. Four-
nier qui est bien vu du gouvernement
italien, ou bien le subordonner dans une
certaine mesure au représentant de la
France près le saint-siége.
Voilà ce qui est à craindre, et grande.
ment à craindre; car il est évident alors
que le gouvernement italien, sans rompre
avec le gouvernement français, prendrait
ses précautions pour l'avenir et entrerait
dans certaines alliances qui aujourd'hui,
grâce à la sagesse de M. Thiers, lui sem-
.blent suspectes, mais qui, demain peut-
être, après une seule faute de M. de Bro-
glie, lui paraîtraient nécessaires. Il im4
porte que le gouvernement garde M.
Fournier à Rome, et surtout le garde sans
l'amoindrir. Aura-t-il cette sagesse? Aura-
t-il la sagesse de laisser le parlement
italien régler la question des établisse*
ments religieux? Aura-t-il enfin la sagesse,
si le conclave s'ouvre, de ne pas y appor-
ter des influences hostiles à l'Italie?
r«nllUI«B do m~jt~
Du 2 iuiii 1873
39
LES
DÉPRAVÉS
JOld DI MOTORS C«NTI*FOÏU»aâ^
CHAPITRE TREIZIEME
Le diner des Funérailles.
(Suite.)
-Voyons, répondez à mes questions
comme si c'était vous le malade et moi le
médecin. A quelle heure précisa la petite
s'est-elle ietée par la fenêtre?
— A neuf heures, neuf heures et demie
du soir.
— Il faisait nuit.?
— Nuit noire. Le temps était couvert.
Il avait plu toute la journée.
- Elle a été arrêtée dans sa chute par
; La reproduction, même partielle, de ce
reman, est Interdite.
Voir le Rappel du 10 avril au 24 mai.
fin store qui avançait d'environ deux mè-
tres sur le trottoir, n'est-il pas vrai?
— Oui, c'est à un auvent placé au-des-
sus de la boutique du parfumeur qu'elle
doit son salut.
— Cet auvent, à quelle heure le re-
plie-t-on ordinairement ?
— En même temps qu'on ferme la
boutique, je suppose. Il paratt que la par-
fumeuse aurait dit : a Un quart d'heure
plus tard, elle était morte. J'avais déjà
répété trois fois à la bonne de poser les
volets. »
— Ah! il y a une bonne ! Et où loge
ce parfumeur ?
— Dans la maison même, immédiate-
ment au-dessus de sa boutique. En allant
voir la blessée, j'ai tenu à me faire expli-
quer tous les obstacles qui avaient pu
amortir une pareille chute.
— Aucune lumière spéciale n'éclaire la
marquise et n'a pu permettre à Gene-
viève de se rendre compte du point où elle
irait tomber?.
— Mais songez donc qu'elle s'est pré-
cipitée du cinquième étage : à une telle
hauteur, que voulez-vous qu'on dis-
tingue ?
— Ainsi, vous êtes convaincu qu'elle
s'est bien réellement jetée de sa chambre
sur le pavé, et qu'un miracle a pu seul.
— Pas un miracle, mais le hasard.
— Que le hasard, si vous y tenez, est
l'unique puissance qui l'ait arrêtée dans
sa descente et déposée mollement comme
dans un hamac sur la toile d'une mar-
quise fortuitement tendue pour la rece-
voir?
— Sans aucun doute, j'ai cette con-
viction, répondit le docteur surpris. J ai
vu les supports en fer tordus par le poids
du corps. J'ai vu la toile de l'auvent dé-
chirée : j'ai vu le morceau de percale ar-
raché du jupon de Geneviève par la vio-
lence de la rencontre.
— Eh bien ! moi, qui n'ai rien vu de
tout cela, je suis persuadée que votre fu-
ture bru, dans l'espoir fondé, comme
vous voyez, de le devenir, vous a préparé
une jolie petite comédie en trois actes et
en prose dans - laquelle - elle vous - destine
un rôle important : celui du père Ducantal
dans les Saltimbanques.
— Vous avez raison, s'écria Clémen-
tine au comble du ravissement; il faut
croire à un suicide pour rire. C'est excel-
lent, je n'aurais jamais trouvé celle-là.
— Mais, interrompit Houzelot décou-
vrant enfin le but du minutieux interro-
gatoire qu'il venait de subir, je sais, à
n'en pas douter une minute, que Gene-
viève s'est élancée du cinquième sans au-
tre pensée que celle de mourir. J'ai cau-é
avec elle une bonne heure : sa sincérité
ne peut être suspectéè. Elle m'a reçu au
lit avec un pied foulé et des compresses
plein la tête.
- Moi aussi, j'aurai quand je voudrai
des compresses plein la tête, et vous n'y
verrez que du feu, tout membre de la Fa-
culté de Médecine que vous êtes. D'ail-
leurs, en admettant que pour vous le sui-
cide ait été sérieux, il faut pour tous les
autres qu'il ne le soit pas. Et voilà 1
- Certainement, voilà! répéta Clé-
mentine.
— Et vtus vous imaginez comme ça
tout bonnement que Max, qui est fou,
littéralement fou de Geneviève, va vous
accorder à vous plus de confiance qu'à
elle?
- Et si on lui démontre, à votre Max, si
on lui prouve aussi clairement que deux
et deux font quatre, qu'il a été dans toute
cette affaire roulé comme un adolescent,
refait comme un Jocrisse de l'amour,
croyez-vous que l'amour-propre ne le fera
pas cabrer?
,- Je serais en tous cas assez désireux
de connaître les arguments que vous em-
ploiriez pour le convaincre.
— Pourvu que ces arguments aient le
pouvoir d'établir, pour M. Max comme
pour tout le monde, que sa maîtresse,
avant de se laisser choir, avait non-seule-
ment fait tendre une toile tout exprès,
mais qu'au lieu de plonger du cinquième
elle est tombée du pr mier où elle avait
eu soin, de descendre, afin d'avoir un
chemin moins long et surtout moins dan-
gereux à parcourir dans l'espace ; pourvu
en En que votre enfant prodigue vous re-
vienne, c'est tout ce que vous demandez,
n'est-il pas vrai? Le reste me regarde. Je
vous supplie seulement de ne pas me con-
trecarrer. Avez-vous une servante sur la-
quelle nous puissions absolument comp-
ter ?
— Il n'y a à la maison que deux do-
mestiques mâles.
— C'est d'une femme que j'ai besoin ;
mais je ne puis opérer moi-même, dit en
riant Agathe ; tout Paris me connaît. Si
vous mettiez la main sur quelque mal-
heureuse aussi obscure que disposée à
tout, ne la laissez pas échapper et en-
voyez-la-moi dans les quarante-huit
heures.
La tête noirâtre d'Elvire, la bonne de
Mathussem, se présenta la première à
l'esprit du docteur. — Celle-là ne peut
rien nous refuser, pensa-t-il ; on la pé-
trira comme une cire molle.
— Allons, voilà qui est convenu, reprit
Agathe. On étouffe ici. Mets ton chapeau,
Clémentine, et filons.
Clémentine obéit et Agathe lui dit,
tout en l'aidant à s'habiller : — J'espère
que tu es contente de moi?
— Oh ! madame, répondit Clémentine,
que vous êtes bonne 1
- Allons, viens. Vous, docteur, atten-
dez pour sortir que nous soyons descen-
dues. Il est inutile qu'on nous voie en*
semble.
Houzelot s'empressa de laisser partir
les deux femmes sans Jui et resta pour
payer l'addition. Quand il se retrouva
seul dans ce cabinet auquel sa conversa-
tion avec Agathe et Clémentine venait
d'imprimer de nouvelles souillures, il se
sentit pris d'un frisson de dégoût.
— Me voilà à cette heure en intrigue
réglée avec deux filles de joie et une in-
fanticide, se murmura-t-il.
L'image de Max et de Geneviève lui
passait devant les yeux. Mais celle de la
tribune française, avec ses huissiers à la
base et son verre d'eau sucrée au som-
met, chassa insensiblement l'autre. —Au
fait, dit-il tout haut, tant pis pour eux;
pourquoi s'obstinent-ils à m'empêeher
d'être député ?
Il regarda la pendule : comme dans
tous les salons de restaurant, elle était
arrêtée. Il tira sa montre, qui marquait
neuf heures.
- J'ai encore le temps de voir Mathu*
sem avant demain, pensa-t-il,
(A sufvrt,}
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