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Titre : Du bouddhisme / par M. J. Barthélemy Saint-Hilaire,...

Auteur : Barthélemy-Saint-Hilaire, Jules (1805-1895). Auteur du texte

Éditeur : B. Duprat (Paris)

Date d'édition : 1855

Sujet : Bouddhisme

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb300622897

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : VII-248 p. ; in-8

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Description : Appartient à l’ensemble documentaire : CentSev001

Description : Contient une table des matières

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k75201h

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-O2m-26

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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Mbut d'uno sério de docnnr<enh encouteuf


Fin d'uno <dtte dw doCumenH Meouteut


(Y~


DU BOUDDHISME.


Orties. !mp. Cohs-Gardin.


3.:

DU

B$!JMmSME 1 p.m

H. J. BARTHÉLÉMY SA!NT-HtLA!RE

~~T7~\

MEMnnE OEHNSTrru'r

iEAcp<Mmto dos Sotcncot ntoratoa et poûttqHc~)

PARIS

BENJAMIN DUPRAT, LiBRAIRE DE L'INSTITUT, Do la Bibliothèque tmptitMo, det aocMM. a~Mquo. do Paris 0 do tenthe*, de Madra< et do CatmiKa, etc.

Buo <tn CtotttC-Satnt-Benott, n' W.

~8SS



AVANT-PROPOS.

Cet ouvrage sur le BoM<M/tMNM MK/MM est on quelque sorte le pendant de celui que j'ai récemment publié sur les t~M. tt est egatemont extrait du ~OMf~ doe jSaM!)~ où it a été inséré presque entier par articles séparés, du mois de mai ~8!!4 au mois d'avril ~888. Je n'ai guère fait que réunir ces articles, qui avaient été conçus d'ailleurs dans un ensemble systématique; et comme depuis lors il n'a rien paru d'important sur ce sujet, j'ai pu n'y apporter aucun changement. On verra que cette étude est empruntée aux ouvrages, célèbres à divers titres, de MM. Hodgson, Turnour, Csoma de Kôrôs, Schmidt, E. Burnouf, Ph.-Ed. Foucaux, Stanislas Julien, Chr. Lassen, etc. Je m'y suis proposé surtout de prévenir les erreurs dont le Bouddhisme, quoiqu'il soitaujourd'hui mieux connu, pourrait continuer ù être l'objet. Il ne faut ni t'cxat- ter ni le rabaisser outre mesure. A tout prendre, c'est


une des pages les plus vastes, mais aussi tes plus tristes de l'histoire de l'esprit humain. N6 dans le centre do t Inde et sur les bords du Gange six siècles avant l'ère chrétienne, il règne do nos jours, après plus de deux mille ans, sur la meilleure partie do l'Asie; il y règnera sans doute bien longtemps encore. Mais la fortune qu'il a faite doit exciter notre curiosité bien plutôt que notre estime. Ses dogmes, quoique suivis par des peuples sans nombre, n'en sont pas moins faux et repoussants et je n'ai point été injuste en les réduisant a deux, l'athéisme et le néant. Mais, quelquo horreur que ces croyances nous inspirent, il est bon de les connaître dans toute ieur abjection ne serait-ce que pour mieux apprécier les nôtres. Si c'était !a religion chrétienne qui eût produit le Bouddhisme, comme l'a cru te zèto plus ardent qu cctah'é de quelques missionnaires, c'est un monstre qu etto aurait enfanté; et c'était lui faire bien pou d'honneur que de lu. attribuer gratuitement cette postérité déplorable.

J'ai pu rétablir, a l'aide des tégendes, l'histoire réotto du Bouddha, né fils do roi et se faisant ascète et mendiant à Fage de vingt-neuf ans, pour prêcher jusqu'~t quatre-vingts sa doctrine du salut éternel et la Loi qui devait Muver les créatures. Selon moi, cette histoire doit prendre rang désormais dans les annales do l'humanité, que le réformateur honore par son caractère, si ce n'est par ses théories. Sans doute il


serait hasardeux d'affirmer que toutes ces traditions venues jusqu'à nous au travers des âges sont fidèles; mais les faits essentiels qu'elles rapportent, tout on los transformant, sont vrais, si t'en s'en no au nombre et à l'authenticité des monuments qui les attestent. Le Bouddhisme a pour lui, dans t'tndo; dans le Tibet, dans la Mongolie, Coytan et dans la Chine, plus do témoignages irrécusabtos que n'en peut alléguer aucune autre religion aussi vioitto que lui.

A la suite de t'histoiro do ÇtUtyamouni, j'ai exposé sa moratc, et ta métaphysique sur laquelle elle se fonde; puis je les ai jugées l'une et l'autre, et c'est a une condamnation que j'ai dû aboutir. Mais si te Bouddhisme n'a rien à nous apprendre sur les grandes questions qui sollicitent et troublent la raison humaine, il mérite toute notre attention par son originalité, par sa foi énergique et austère, par ses vertus héroïques, que no compromet point son extravagante superstition, et j'ajoute, par son désespoir inconsolable autant que sincère. Un tel spectacle doit exciter tout au moins, a défaut de sympathie, un tres-doutoureux intérêt car c'est une des solutions les plus graves, et sans contredit la plus sombre, qui aient jamais été données au problème de la vie humaine.



JLogeniû indien, dans son immense dovcioppomont, a deux facos principales qu'il fautconnaitro t'uno et l'autre pour apprécier tout co qu'it cst co sont le Brahmanisme ot!o Bouddhisme. J'ai toachû, en traitant des Voaas, aux origines religieuses et phiiosophiques du prenHor; je voudraisaussi consacrer quelques études au second. Les monumonts qu'il a produits nous sont désormais accossiNea découverts, ii y a moins do vingt-cinq ans, par d'heureuses renhorches, i!s commencent Mtre publiés et traduits dans tes principales langues do l'Europe. Plus nombreux encore, s'H est possiMe, que tes monuments de la littérature brahmaniquo, fis sont d'un tout autre genre; mais iis ne méritent pas un moindre intérêt. Ils doivent môme on avoir un tout particulier aux yeux do la phitofiophio. Avec to récit plus ou moins authentique do la vie du

DU

BOUDDHISME.

1.

CHRONOLOGIE DU BOMDHiSMB.


Bouddha, ils no traitont jamais quodo doux sujets la morale ot!a métaphysique. Je no veux pas dire que dans ces questions, los plus grahdo" que puisse so proposer t'intelllgenco ttumaino, les Bouddhistes aient accompli dos cheh-d'œuvro tant s'en faut; et tours erreurs on philosophie n'ont guère d'égales que teur superstition. Mais c'est toujours un noMo spoctacio quo celui do t'hommo aux prises avec Ics probtomos d'où dépend sa destinée tout ontiôro. Lo Bouddhisme nous donnera un exemple do plus do notre grandeur et do notre fragilité. On ne peut pas so proposer un but plus e)ev6 car c'est !e salut étornol qui seul te préoccupe. On no pput pas faire do ehuto plus profonde car on voulant sauver t'hommo, <t en arrive a no lui offrir pour refuge que te néant. Comment s'est formée cotte deptoraMo croyance ? Quel on a été le fondateur? Quel était son caractère personnot? Quollo fut sa vie? Quots sont tes principes do son système? et & quollea conséquences viennent-its aboutir? Voiti) quo!quos.uncs dos questions quo jo voudrais examiner ot qui me semblent dignes do Sxcf un Instant l'attention.

Le Bouddhisme, on lu sait, est né dans le sein do la société Indienne et brahmanique, danstovn' sioctotout au moins avant notre ère, et peut htro plus anotonnomont encore. )) s'y est présonté comme uno réforme qui devait changer les croyances généralement adoptées par cotto société, et qu'cHo avait tirée! par uno tente c!aboration, des Védas regardes commodes Mvres divins, ttf'estdevc!opp6 dans!e nord do t'tnde. sur tes doux rivcsdu Gango, pendant do long" slèoles, a l'étot de système philosophique, répandu par une prédication toute pacinquo, et acceptoble comme tout autre o ta toicrance des Brahmanes. H a fait des prosélytes sans nombre parmi les pe''p!es et parmi les rois. H est descendu vers le sud s'est p< upnge a t'oucst et


dans to centro do t'tndo, et a pénétré de proche en proche jusqu'à l'lie do Ceytan. Ses conquêtes no so sont pas bornées au vaste pays qui l'avait vunaitro;tt on a dépasse !es limites, et il s'est étendu au nord et à l'est sur dos contrées bien ptus vastes encore. Puis, après avoir duré dans l'Indo plus de douze cents ans, il en a été tout & coup expulsé par une persécution violente qui l'a exterminé. Mais il s'est réfugié chez iM peuples voisins où son empire n'a fait quo s'accroître et aujourd'hui il règne sans partage au Nopal, au Kaohemiro. au Tibet, et dans la Mongolie, au nord: dans t'tio do Coylan au sud; & t'est. chez tous les peuples transgangétiqucs.au Tchampa.au Birman. au royaume d'Ava, à Siam, dans ta CochincMno et a l'extrémité do l'Asio, la Chine presque entière et te Japon no connaissent guère que lui pour religion.

Je no veux pas suivre to Bouddhisme dans son histoire; car c'est là un sujet qui no pourra Ctro traité avec quelques chances d'exactitude et do succès qu'après bien des travaux do détail; jo veux seulement montrer los origines de co grand mouvement qui a dominé presque toute t'Asio. Jetés trouve dans!es8oû:rasou livres canoniques qui passent pour renfermer !a doctrine du réformateur tocuoiitie dosa bouche. !)s ont été écrits primitivement on sanscrit et en pAli et c'est do ces deux tangues qu'ils ont été traduits à diverses époques en Chinois, en 'tibétain, en Mongo!. en Birman, etc.

Notre langue possède déjà deux de ces livres, l'un le J~Mtao~hM'a publié d'après la traduction tibétaine et revu sur l'original sanscrit par M. Ph. Ed. Foucaux; t'autre, !o to<M< la bonne loi, par M. Eug. Burnouf, onlov6 si prématurément à la science, pour laquelle i) a tant fait. quoique sa carrière ait été bien Incomplète. ti y a près do dix ans que d~'JA je me suis occupé du Bouddhisme, li


l'occasion d'un promterouvragodu M. B. Burnouf, intitulé 7H<t'o(hfc<<on à t'M~otM du Bouddhisme tmMeH. Aujourd'hui, en étudiant son ouvrage posthume, je veux rendre un nouvel hommage à ses travaux et à son génie. J'ai eu l'occasion une première fois de dire toute l'estime que le monde savant doit on faire (1) mais ses mérites sont d'un tel ordre, et peuvent être d'un si utile exemple qu'on no saurait on répéter trop souvent l'éloge. Ce n'est pas seulement une Justice reconnaissante c'est do plus un moyen do provoquer des imitations fécondes, et do continuer on quoique sorte les leçons du mattre ravi trop tôt à son enseignement. Ce que j'ai loué dans los recherches do M. E. Burnouf, c'est moins encore l'importance et la certitude des résultats obtenus que la méthode à la fois pénétrante et circonspecte à l'aide do laquelle it les obtenait. ti a toujours su demeurer dans son rôle do philologue et malgré dos exhortations pressantes que lui adressaient les juges les plus éclairés et les plus bienveillants, it n'a jamais voulu en sortir, pour entrer sur le terrain périlleux do l'histoire. Il s'est borné dans toute sa laborieuse carrière à traduire, à déchiffrer, à interpréter, à analyser des monuments et it a su no pas aller au-delà, quoiqu'il ait dû bien souvent être tenté do franchir ces limites, ït n'a point obéi à des impatiences que pout-otro ii ressentait luimOmo quelquefois, mais que surtout on ressentait autour do lui. 11 y a des esprits un pou trop prompts qui no se contentent pas des magnifiques conquêtes qu'à déjà faites la philologie sanscrite, et qui, pou soucieux d'avoir vu s'ouvrir dans l'espace d'un demi-siècle la littérature brahmanique depuis les Védos et les systèmes de philosophie (i) tournât des ~auanf), ~862, cahiers d'août et do septembro, )'f)gc9/t73et60t.


jusqu'aux drames et aux poésies légères, la littérature bouddhique du nord et du sud, depuis les Soûtras dépositaires de la parole du réformateur jusqu'aux traités do métaphysique, voudraient encore qu'on leur apprit déjà l'histoire do ces temps reculés, comme on peut leur apprendre cotte d'Alexandre et d'Auguste.

M. E. Burnoufn'a point cédé a ces entraînement)); et cette prudente réserve fait te plus grand honneur à son caractère sciontinquo. On no peut rien dire aujourd'hui que do très-incomplet et do très-vogue sur des origines qui se perdent dans ta nuit dos temps. A quelle date, dans quel temps précis ont été composés ces ouvrages que la phiiologlo explique? par quels autours? dans quels pays? sous quels princes? ?Quo!to suite d'événements so sont succède dans ces époques tointainos et obscures? Ce sont là des questions du plus haut intérêt sans doute, qu'on pourra résoudre plus tard matftfqui sont aujourd'hui prématurées. A t'heuro qu'il est. ttostimpossibto d'y répondre: et tenter mémo une solution, c'est vouloir s'exposer il d'inévitables mécomptes. Ce que doivent fatro a pr6sont les Intolligences sérieuses et sages. c'est d'étudier les monuments, qui aux aussi sont des faits; c'est do tes comprendre dans toutes leurs difficultés, et d'eotaircir tes ténèbres de langues encore pou connues. C'est tit un terrain solide, où l'on peut faire les pas les plus assurés otrecnoittir dos fruits certains. Mais. hasarder dos considérations générâtes dans un sujet qui ne comporte oncore que dos vues de détail, c'est risquer do no poursuivre que des hypothèses et do mettre trop souvent l'imagination à la place do la science. C'était lu conviction profonde do M. E. Burnouf. et c'est elle qui t'a guidé, comme elle l'a soutenu, dans ses labeurs Incessants, qui devaient abrécor pa vie. tt est d'autant plus louable d'y être demeuré <!de)o.


qu'il était doué de toutes les qualités d'esprit nécessaires pour jouer encore un autre rAie que celui qu'il a choisi et si constamment gardé. Qui peut douter qu'avec la vivacité et la justesse d'intelligence qu'il possédait, ii n'eût pu se faire l'historien brillant du Brahmanisme et du Bouddhisme, au lieu d'être le patient interprète des monuments qu'ils ont produits Mais qui peut douter aussi. quand on connaît i'etat réel des choses, qu'il n'ait été mille fois plus utile par ces travaux plus modestes en apparence. qu'll no i'eût été par des travaux plus ambitieux, mais moins sûrs? L'histoire e!io-memo doit s'applaudir que des esprits do cette puissance se contentent de lui préparer dos matériaux, et qu'ils no se hâtent pas d'élever un édiHce dont les assises no sont encore ni assez nombreuses ni assez fortes.

Le i!.o«M do la bonne loi, quo !a pieuse bienveiitanco d'un ami et d'un disoipit M. Jutes MoM et M. Théodore Pavie, a publié après la mort do M. E. Burnouf, eonnrmo los réiléxions que je viens do présenter et je no crois pas que, dans aucun do ses ouvrages, mémo dans son ComMMttat'ra <Mf ~e y~na. ses éminentes facuitésde philologue et son admirabto méthode se déploient aveo plus d'oclat et do profit. Le livre, comme son titre seul i'indiquo, so compose de trois parties distinctes d'abord ie Zo<<M do t<t bonne tôt, traduit sur l'original sanscrit, un des Soufras développés les plus vénérés au Népat, et qui fait partie des neufDharmas. ou livres canoniques, que reconnaiti'ortho. doxio Bouddhique (i) en second lieu dos notes plus ou moins longues sur chacun des vingt-sept chapitres du <.ot<M, no iaisaant aucun terme ni aucun fait un peu obs(i) M. H. Burnout, /nfrodMC«o)) d t'/(f«of''e fh) BoM~h~mc <ndfett,png')H.


cur sans une explication; etennn une suite do mémoires sur les mots les plus importants de la langue spéciale du Bouddhisme. mémoires dont quelques-uns, comme ceux qui s'adressent aux édits religieux du roi Bouddhiste Piyadasi (Açoka) formeraient des volumes entiers. C'est donc, comme on peut le voir, une ouvre toute philologique et cependant il on sort des conséquences do la plus haute portée pour l'histoire, ainsi que le prouvera la suite do cet examen. En élucidant des mots avec la sagacité infaiiiibto qu'on lui connaît, M. E. Burnouf constate des faits historiques do la dernière importance. que la philologie seule pouvait découvrir et certifier. Son mémoire sur la langue des édits retigieuxdePiyadasi pourrait te démontrer do la manière la plus déoisive. J'y reviendrai un pou plus loin.

Le fo«M de t'Mno loi n'est pas précisément uno his.toiro de la vie do Çakya-Mouni ou du Bouddha, comme le Laaltavlstara, que M. Ed. Foucaux a traduit du tibétain et revu sur l'original sanscrit c'est le récit do quotquos.unos do ses prédications, récit qui doit nous sembler trop souvont extravagant et même absurde, mais qui, aux yeux des Bouddhistes. a l'autorité d'un livre saint, et mOne on peut dire révéié. Je tirerai de ces deux monuments, dus a des savants français, et de quelques autres. qu'ont publiés des savants étrangers. MM. Hodgson. Tumeur. Schmidt, Csoma de Kôros, etc., une analyse ndëto de ia morale et do la métaphysique du Bouddhisme; et j'essaierai do faire comprendre les dogmes qui régissent depuis plus do vingt siècles la foi do trois cents millions do nos semblables. Mais auparavant je crois devoir m'arrêter quelques instants sur l'authenticité et la valeur historique des ouvrages bouddhiques, et sur la date approximative qu'on peut dès à présent assigne)' sans erreur & ia grande réforme qui


après avoir échoue dans les contrées qui l'avaient produite, et avoir été chassée de l'Inde, s'est répandue triomphante au nord, au sud et à l'est, sur des pays immenses où elle règne encore.

Je ne hasarderai en ceci aucune conjecture, et je loue trop hautement l'exemple prudent do M. E. Burnouf pour ne pas rester Sdète à ses conseils. C'est à ses propres ouvrages ou à des ouvrages qu'il a lui-même approuvés, que j'emprunterai tous les faits incontestables que je citerai, et qui sont dès à présent beaucoup plus nombreux qu'on ne serait peut-être porté à le croire, si l'on s'en tenait aux reproches tant de fois et si justement adressés à l'Indo, de n'avoir ni chronologie ni histoire. Le Bouddhisme, né dans le sein du monde brahmanique, et tentant de le changer a, si ce n'est une date précise, du moins une date minimum qui le place sept siècles avant t'èro chrétienne, et l'on verra que ce témoignage si essentiel, emprunté à des auteurs indiens et aux annates singhatakM rédigées en pâli, au quatrième siècle do notre ère, est conHrmé dans les limites restreintes où nous le prendhs ici, par les témoignages unanimes des peuples bouddhiques, népalais, cachemiriens, tibétains, mongols et, avant tous les autres, par ies Chinois, qui sont do si minutieux annalistes. C'est là un point de fait qu'il ne faut jamais perdre do vue dans tout ce qui concerne l'Inde; car on sent que, si l'on pouvait étever sur l'époque du Bouddhisme les doutes qu'on a si longtemps, quoique si légèrement entretenus, tout intérêt serait à peu près enlevé a cos laborieuses recherches dont l'Indo a été, et sera pour bien des années encore, le légitime objet.

On peut se convaincre, si l'on veut, par un bien décisif exemple de tous les progrès qu'ont faits depuis trente ans seulement ces belles et diiucites études. Pour que cet


exemple ne puisse laisser prise à la moindre hésitation. je l'applique à l'un des hommes les plus justement illustres dans la philologie sanscrite, je veux dire Colebrooke. H sumt de jeter les yeux sur les deux volumes do ses Mélangea (1), sans parler de ses autres couvres, pour reconnaltre la variété, l'étendue, la solidité de ses travaux, en même temps que ses rares qualités d'intelligence. Il n'est pas d'homme qui ait rendu pins de services aux études sanscrites, et qui fût mieux au courant de tout ce qui pouvait les servir et les développer. Dans ses Mémoires sur la philosophie indienne, que le premier it a eu la gloire de nous révéler, il en a consacré un, le cinquième (2), aux Djinas et aux Bouddhistes et l'on y peut voir combien peu de renseignements les gens les plus savants possédaient alors sur les croyances et l'histoire du Bouddhisme. Cotebrooko, avec la réserve qui le distinguo, comme elle distinguait et plus encore M. E. Burnouf croit ne pas trop s'avancer en amrmant que le Bouddhisme est originairement indien et il semble que ce soit encore une sorte d'audace à ses yeux que d'oser aller jusque-ta. ïi ne possède pas un seul des ouvrages originaux du Bouddhisme, bien qu'il sache qu'ils ont ét<: composés en sanscrit et en pâli (5) et it en est réduit, pour exposer les opinions dos Bouddhistes, qu'il veut faire connattre, à les tirer des réfutations deteurs adversaires brahmaniques. C'est sur la foi dos deux Mîmânsas, première et dernière, sur la foi du Sankhyo de Kapila qu'il analyse la philosophie du Bouddha, Il fait de Çâhyamouni, qu'il nomme Bouddha(i) .MMceM<MtMtM JFMo~, by H. T. Colebrooko, in two volumes, 8°, London, 1837.

(2) MtMeHattMMS Z~Maj/t, t. p. 378.

(3) Ibid. 1.1, p. 380.


mouni, l'auteur des Soutras, qui forment selon lui un corps de doctrine appelé Agama ou Castra. ') connaît d'ail.leurs assez précisément les quatre éco!es principales entre lesquelles se sont partagés les Bouddhistes qui ont fait usage du sanscrit pour Bxer et propager leurs croyances. Enfin, il connaît aussi la théorie du Nirvana. qu'il signale comme une des opinions spéciales de cette secte (1), sans d'ailleurs lui accorder l'importance capitale que la reiigion bouddhique lui donne.

Ainsi, on le voit Colebrooke lui-même, en 1827, époque où il lisait ce mémoire à la Société royale asiatique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande ne savait presque rien du Bouddhisme. H n'avait aucune notion précise sur la vie du Bouddha, sur la révolution qu'il avait accomplie dans le monde indien, sur les lieux où il avait d'abord prêché sa doctrine, sur les ouvrages originaux qui la renfermaient, sur i'époquo où i) avait paru et sur io rapport exact de sa croyance à la croyance brahmanique. Pour lui Çahyamouni est un philosophe comme un autre !i cherche à reconstruire son système, bien qu'il n'en ait que des fragments msuiïisants, comme it a reconstruit ceux de Kapita ou de Djaïmini. En un mot. le réformateur todt entier lui échappe, et la grandeur de sa tentative si hardie et si profonde n'apparaît pas dans les détails, assez exacts d'ailleurs, mais fort incomplets, que lui consacre l'illustre indianiste. Si Colebrooke n'a pas fait plus, c'est qu'au moment où il écrivait, il était impossible do faire davantage.

Mais quelle prodigieuse distance entre ce qu'on savait alors, et ce qu'on sait aujourd'hui 1 et que do faits nous ont appris ces vingt-cinq années à peine, écoutées depuis (i) ~MMHatMOtM JB'MHt~ t. i, r. ~tOi.


que Colebrooke composait ces mémoires fameux qui sont et qui resteront pour lui un titre do gloire impérissable ) 1 Je ne voudrais pas répéter des choses qu'on a si bien dites déjà (i), et que le monde savant adopte désormais sans contestation mais ces faits sont si nouveaux et si graves qu'on m'excusera d'y revenir encore une fois et de les résumer, pour les rendre tout ensemble plus clairs et plus frappants.

Ce fut en 1828, un an après le Mémoire de Colebrooko, que M. Brian Haughton Hodgson, résidant anglais Kathmandou, capitale du Nepai, publio pour la première fois les résultats de ses recherches dans les monastères bouddhiques do ce pays. Il y avait découvert, après de longues et patientes investigations, une foule d'ouvrages sanscrits qui passaient, au dire des moines qu'il consultait, pour les ouvrages sacrés où les disciples du Bouddha, Inspirés par lui, avaient déposé sa doctrine. M. Hodgson recueillait un nombre considérable de ces livres; et après les avoir consultés tui-memo, it tes mettait avec la plus nobio générosité a la disposition des Sociétés de Calcutta, de Londres, do Paris. Il fut bientôt constaté que ces ouvrages composés en sanscrit étaient les originaux sur lesquels avaient été faites. dans les premiers siècles do notre ère, les traductions chinoises, tibétaines, mongoles, qui avaient transplanté le Bouddhisme au nord et à l'est do t'tndo, chez les peuples innombrables qui l'avaient pieusement recueilli et qui le gardent encore aujourd'hui. Presque en mémo temps que M. Hodgson faisait sa (1) Voir, dans le 7ottn«t! (!M ~«oanfe de i8M, cahiers d'avril, mai et juin, les articles de M. Biot sur l'ouvrage do M. E. Burnout iutituM /t)<)'o(!Mct<oH t'Mftoffc (ht Fot«MA<tme indien.


grande découverte, un jeune médecin hongrois, Csoma, de Koros, on Transylvanie, enflammé du même héroïsme quo naguère notre Anquetil-Duperron, pénétrait seul et sans aucun appui au Tibet il en apprenait la langue, et il publiait quelques années plus tard. en 1834, dans )o JoMHM! de la Socidtd asiatique du Bengale, et dans les Recherche, de cette compagnie, des analyses détaittées do deux grands recueils tibétains appelés le Kah-gyour et le Stan-gyour. Ces deux recueils, dont le premier contient. on 100 volumes, 1083 traités. et dont le second, en 22S volumes, on contient près de 4,000, no sont. comme leur nom l'indiqno en tibétain, que des traductions (1) faites. au vite siècle de notre ère, par les missionnaires bouddhiques réfugiés au Tibet. La loi du Bouddha, transportée dans ce pays par des étrangers, y était devenue bientôt )n religion dominante. et le Bouddhisme tenta de faire alors pour ces contrées demi-barbares, ce que t'influence bienfaisanto du christianisme faisait pour tant d'autres durant le moyen.age. Toutes ces traductions ont reproduit avec in fidélité la plus scrupuleuse los originaux sanscrits, dont la lettre était sacrée et presque divine. Or, ces originaux étaient ceux-là mêmes quo M. Hodgson avait découverts au Népai et la totalité des quatre-vingt-huit ouvrages qu'il s'était procurés et qu'il avait communiqués si libéralement & l'Europe savanto so retrouve dans te recueil du Kah-gyour, que. par une autre libéralité non moins admirable, la Société asiatique du Bengale a offert on don a la Société asiatique do Paris, en 1835.

(t) M.Ph. Ed. Foucnux, tMdxcnoohancai-'odu Rgya «'&'?)t'ot pa, proface, pagavo, on note: M/ouf veut dire « (raduction tat ou Mo/t vaut dire cotntoonftotocnts et <'f«H ou 6<h!M, )' instructions.


Ainsi, les travaux de Csoma de Koros, complétaient de la manière la plus heureuse et la plus inattendue ceux do M. Hodgson. La traduction tibétaine tout entière était un gage irréfutable de l'authenticité du texte sanscrit. Pour connattre désormais le Bouddhisme, on pouvait indifféremment s'adresser, soit à la langue tibétaine, soit a la langue sanscrite seulement, cette dernière l'emporte sur l'autre de toute la supériorité do l'original a la copie. C'est ainsi que le AottM (~ &OHM9 loi (Saddharma poundar!ka), que M. E. Burnouf traduisait sur le sanscrit, est on tibétain dans le septième volume du Kah-gyour, et que le Rgya tcA'er ro! jM, que M. Ph. E. Foucaux. interprétant le premier parmi nous un texte tibétain, a traduit du second volume du Kah-gyour, a pu être revu par lui sur le texte sanscrit du Z.aM<<)M«or«, dont il n'est que l'exacte contre-épreuve.

it n'est que faire d'insister pour que l'on comprenne combien est importante une telle concordance, qui s'est établie entre les livres religieux do ces deux peuples, comme Jadis se sont faits aussi des échanges analogues entre les Grecs et los Arabes, qui traduisirent avec une égato ardeur les livres scientifiques do lours mattres. A ce premier témoignage du tibétain contrôlant le sanscrit, vinrent bientôt s'en ajouter d'autres. Sur les traces de Csoma, et avec le secours de ses ouvrages, M. Sohmldt, de l'Académie de Saint-Pétersbourg, qui avait étendu la démonstration en traduisant des version!; tibétaines de livres sanscrits, ainsi que l'a fait-plus tard M. Ed. Foucaux, constatait, en outre, que les traductions mongoles reproduisaient, comme les traductions tibétaines tes traités sanscrits du Népat et quelques-uns de ces ouvrages, imprimés en Mongolie ou restés manuscrits se retrouvent dans la belle collection dont M. Schilling do


Canstadt a fait présent à l'institut de France, en 1837. Ainsi les Mongols comme les Tibétains se rattachaient par l'intermédiaire des textes népalais à la religion du Bouddha.

Mais il y a plus à côté do ces témoignages étrangers. Hnde etto-méme en fournissait un plus direct encore, s'il est possible. Tandis qu'au nord do la presqu'Ho et dans le Népal, le dépôt do la loi était conservé dans les livres qu'avait découverts, après plus do deux mille ans, M. Hodgson, d'autres livres non moins authentiques le gardoient, au sud, dans l'lie do Coylon. Toute la prédication do Çakyamouni avait été consignée dans des Soûtras écrits on pAli, comme ceux du nord l'étalent en sanscrit et un autre anglais, M. Turnour, avait le bonheur de retrouver et do traduire ces Soûtras. On sait que le pAIi est au sanscrit ce quo l'italien est au latin, et que l'affinité des deux langues du nord et du sud est profondément étroite. Mais les Soûtras pAlis no sont pas une traduction dos Soûtras sanscrits. C'est une rédaction différente de la vie et d0s prédications du Bouddha cette rédaction a son originalité propre, elle n'est point une copie. Mais si la forme est dissemblable, le fonds, destiné a conserver le souvenir des mêmes faits, est absolument identique; et l'on peut voir par les traductions qu'a données M. Burnoufde quelques Soûtras singhalais (1), que t'en étudierait te Bouddhisme aussi bien dans tes uns que dans les autres. Les travaux de M. E. Burnouf devaient s'étendre à la collection singhataise, après avoir épuisé celle du Népat, et ii devait faire sortir de la comparaison do toutes deux les conséquences les mieux établies et les plus décisives; mais (!) M. E. Burnout, traduction du ~ohM do ta 6oHMto<, p.<)M,MO,63<).


quoique la mort l'ait arrêté dans ses desseins, il a cependant assez fait dans les deux volumes qu'il a consacrés au Bouddhisme indien, pour qu'on vole très-nettement la place essentielle que tes Soutras des Singhalais et tours annales doivent occuper dans toutes ces questions. Sans doute, cette seconde collection des Soutras bouddhiques est faite pour soulever les problèmes les ptus intéressants et los plus nombreux. Est-ce dans le sanscrit incorrect et ptat du Nôpât qu'a été recueillie primitivement la paroto du réformateur? Est-ce on pâti, devenu plus tard la langue sacrée do t'tto do Ceylan ? Est-ce plutôt dans un idiome populaire do l'Indo coniralo (t)? C'est ce que l'érudition aura plus tard à décider: mais ces questions, si importantes a d'autres égards, no sont rien pour le point que nous voulons mettre ici on lumière. Pour nous, la cottoction singhataisonofaitqueconttrmor pleinement tout ce quo nous ont appris tes livres du Népat. Elle nous expose sous d'autres formes. mais avec une entière Identité tes principaux faits do ta vie de Çahyamouni et les points tes plus caractéristiques de sa doctrine (2).

Ajoutez que, par une autre analogie, qui peut être aussi féconde. tes textes patts de Coyian ont été traduits en birman, comme les Soutras du Népal ont été traduits au nord en tibétain, et que selon toute apparence, ils l'ont mémo été encore dans la langue do quelques autres peuples audelà du Gange, à t'est. Ainsi tes traductions birmanes, qu'avait souvent consultées M. E. Burnouf pour ses travaux, (i) M. E. Durnouf, Introduction d t'M<to(t'e<!M Bouddhisme ùxMeH, p. i6 eti6.

(2) Ibid. p. 30, et aussi le Lotus <!o la tonne tôt, p. MO et 8B9.


pourront être aussi utttes à étudier que celles du Bot et do la Mongolie.

Voua déjà, so!on moi, un ensemble do faits phllologtques de la plus grande importance, et qui tous établirent do la manière la plus incontestable i'authenticit6 des livres bouddhiques. Mais au milieu de tous ces faits, quelque certains qu'ils soient, ii n'y a pas une seule date précise. et avec nos habitudes européennes. cotte lacuno suffit presque !) elle seuio pour innrmor et détruire tout le reste. Quand a vécu le Bouddha? A quelle époque a-t-il apparu dans la société indienne, et a-t-il tenté do la convertir & la foi nouveiie? Voilà ce quo nous voulons savoir, et tant qu'il reste du douto ou une obscurité sur co point capital, nous hésitons et nous refusons do croire à quoi que ce soit.

A ne consulter que les monuments brahmaniques, on n'aurait aucune réponse a cette question, Si les Brahmanes ont gardé sur co fait te plus complot sttonco, eo n'est pas dédain pour dos adversaires qu'ils ont vaincus et qu'ils méprisent profondément; ce n'est pas pour ensevelir dans l'oubli une croyance qu'ils détestent ils ont eu tout autant de négligence pour eux-mêmes; et le Brahmanisme, qui n'a pas fait sa propre histoire, c'est abstenu do faire cette de ses ennemis. Heureusement que les Tibétains, au nord, les Singhalois, au sud, et surtout les Chinois, à l'est, ont ou plus de soiticitudo. Ces trois peuples nous ont conservé chacun à lour manière le souvenir de cette grande époque. Mais iis no s'accordent pas entre eux et les dates nombreuses qu'ils assignent à la mort du Bouddha différent de plusieurs siècles. Dans l'incertitude qui plane encore sur cette question capitale, et après bien des recherches, M. Eug. Burnouf s'était arrêté ta date des Singhalais, o'cst.a-diro à la plus récente, celle qui place la mort


du Bouddha on l'an 343 avant t'èro chrétienne (1). Jo no mo propose pas d'entrer dans une discussion aussi épineuse, où les juges compétents ont encore tant de peine à se guider. Je préfère accepter la grave autorité de M. K. Burnouf. que io monde savant respecte autant qu'aucune autre, et la suivre sans ta soumettre à un trop difflcilo examen. Tout co quo je veux faire ici. c'est do montrer que co minimum est incontestable et quo l'existence du Bouddhisme dès cette époque est attestée do la manière ). moins douteuse par trois ordres do témoignage à pou près également respectables, tes historiens grecs Instruits par l'expédition d'Alexandre, les inscriptions indiennes récemment découvertes, et los annales chinoises

Je reprends une h une ces trois sources d'informations. en commençant par la dernière.

On sait que tes Chinois, presque seuls parmi tes peuples orientaux, ont ou do très-bonne heure l'idée fort louabie do fixer dans des documents authentiques le souvenir dos événements qui leur semblaient mériter le plus d'attention et d'intérêt. A cet égard, la Chine forme le plus frappant contraste avec tindo, qui, dans les ouvrages si nombreux et si divers qui nous restent d'oiio, n'a jamais songé à noter d'une manière un peu clalro et précise los pas du temps. Elle a taixsé les siècles s'écouler, comme sa propre vie, sa propre histoire, sans daigner on conserver aucune autre trace positive quo les œuvres de sa pensée. Loin do ta, la Chine a toujours été fort occupée do consacrer la mémoire do co qu'etic a fait ou do co qu'oiie a observé. Le gouvernement impéria! s'est chargé do co soin dès les temps les plus reçûtes. et ii n'a Jamais manqué (t) M.E Burt)ouf,7<'frof!Mf!'t'))<if'~o)'~f<tt NoMfM/tf'tMto )H<!)'e'), prt'facp, p. <)).


& cette mission dont l'histoire doit lui savoir bon gré. Do là vient que la Chine peut aujourd'hui nous en apprendre sur tes peuples voisins avecqui elle a été en relation, beaucoup plus que nous en apprennent ces peuples oux-mémt's, trop désintéresses de leur propre destinée. L'tndo. heureusement. s'est trouvée on coniact avec la Chine dès les époques les plus anciennes; et les annales chinoises, à défaut des annales indiennes. peuvent nous donner sur le Bouddhisme des renseignements incontestables. Voici déj!) quelques-uns des principaux. Je los emprunte a la science bien connue do M. §tanisias Julien qui sur la demande soit do M. Biot, soit de M. E. Durnouf, soit do M. Fouct)ux. los a tirés dos sources ouicietics, et l'on pourrait dire des archives do l'empire chinois.

Dans les annales des Man l'historiographe Pan-Kou. chargé de les rédiger sous l'empereur Ming-Tt, do t'an 58 a t'an 76 de notre ère, parle d'une expédition faite par un général chinois, dans ta troisième année do ta période Youan cheou, c'est-a-diro 120 ans avant l'ère chrétienne, contre des barbares, au nord du grand désert de Gobi, auxquels H prit une statue do couleur d'or qu'ils adoraient. Cette statue. d'après tous tes commentateurs de l'ouvrage de Pan-Kou, était cotte du Bouddha, dont ces peuples avaient des cette époque adopté la croyance et elle fut rapportée on Chine comme un trophée de la victoire (1). Ainsi, un siècle et demi tout au moins avant Jésus-Christ, le Bouddhisme avait déjà pu se répandre hors do t'tndo, et a plus do 500 lieues do son berceau, (t) Voirie 7oH)'no< des ~oanft, Mhtor ')'avrt) <M6, i"ar)io!o de M. Biotaur t'onwfegeda M. E. Bnrnout, /n<fodtte«o)t() <'A~tott'e <!« J?o)«<dtM)He <))f!~t). Ce fait était dfj'' connu par )o ~ooKouo Ki do Ai. A HOnum', p.~ti.


chez des peuples qu'il poliçait en tes convertissant. Dans ces contrées désotéea et peu habitables, le prosélytisme n'avait pasd& faire do bien rapides progrès et si les hordes du désert de Gobi étaient déjà bouddhistes, il fallait évidemment que l'apparition du Bouddhisme dans t tndo fat considérablement antérieure.

On sait que la foi nouvello fut reçue et fondée en Chine publiquement. sou< l'empereur Ming-Ti, on l'an 61 de notre ère. et que dès lors commença la traduction des livres bouddhiques en langue chinoise. Aussi M. Stanislas Julien a-t-il pu constater que le Aa~ao~ora, rapporté do l'Inde avec quelques antres ouvrages bouddhiques avait été traduit jusqu'à quatre fois. La première do ces traductions est placée par tes ténoignages les plus authentiques des historiens chinois entre les années 70 et 76 de notre Ère, tandis que la dernière descend jusqu'aux vnt" ou au !X~ siècle (i). ti y avait donc dès le commencement do l'ère chrétienne des communications actives entre les bouddhistes indiens et los néophytes chinois. Elles consistaient surtout en échange do livres; et la renommée de la religion nouvelle était assez grande pour être parvenue jusqu'aux maXrcs du céleste empire Ils envoyaient des missions dans l'Inde pour on rapporter les Soûtras bouddhiques et dans leur enthousiasme pour tant do sagesse et do sainteté, Ils n'hésitaient point à embrasser la croyance du Bouddha, dès qu'ils l'avaient suffisamment connue. !) parait que ces relations religieuses do la Chine et de l'Inde avaient commenté en l'an 2)7 avant notre ère. par le voyage d'un apôtre samanéon qui, à travers mille périts, avait pénétré te premier dans l'empire du Milieu (Voir le (1) Voirtf) note de hl. Stanfstf~Mc)) donsto /ft tc/f'o' rot p<! d"M. M. t''n)x'fn)!f, tome n, préface, p. )n't)

n


Foe Noue Ki do M. A. Hémusat. p. H). Co fait est consigna comme les précédents dans los annales chinoises, et a été rappelé par M. Landresse, dans l'excellente préface qu'il a mise en tête du Foe Kouo Ki de M. Abel Rémusat (page xxxvm).

Ce que M. Stanislas Julien a fait pour te ZaMMof~ot'a de M. Ed. Foucaux, il t'a fait également pour le Lotus de la bonne loi de M. E. Burnouf. It a constaté par ios ouvrages des historiographes chinois que )o Lotus avait été traduit trois fois en ianguo chinoise, et que la première traduction est do l'an 280 de notre ère. Mais a ce renseignement. l'historien qui ie donne on ajoute un autre plus curieux encore. H nous apprend que le Lotus <ie la bonne loi avait été composé dans l'Indo mille ans a pou près avant l'époque où ii écrit iui-mémo et comme cotte époque qui correspond a celle do la dynastie des Thang peut s'étendre do t'an (!<8 il t'an 00!. il s'ensuit quo le Zc/fM do la 6onM loi a être composé un siècle au moins, et quatre siècles peut-être, avant notre ère. M. Ë. Burnouf se proposait do discuter ces faits tout au long dans la préface qu'il devait mettre a ta traduction du J'.o<M. On ne saurait trop regretter ce travait, dont la mort nous a privas comme de tant d'autres que méditait encore M. E. Burnouf; mais ces faits réduits a eux seuls et sans les explications fécondes qu'ils lui auraient fournies, en disent assez. Les livres canoniques du Bouddhisme indien passent en Chine dès les premiers temps do l'ère chrétienne, et ils y deviennent l'objet d'un cutte fervent et d'une adoration qui ne s'est point démentie, quelque peu justifiée qu'elle puisse nous paraître.

Je me borne a ces faits parmi ceux que pourraient nous fournir les annales chinoises. Ils nous intéressent plus particulièrement, puisqu'ils concernent les deux ouvrages


d'où je veux tirer une exposition do ta morale et do la metaphysiquo du Bouddhisme. Mots je quitte cet ordre do témoignages. et je passe a ceux que nous donne t'tndo elle-méme; Ils sont a la fois plus directs et plus anciens que ceux que je viens de rappeler.

It y a vingt ans a pou près quo t'on découvrit dans diverses parties de l'Inde centrale au nord, a t'est et au sud-ouest des inscriptions gravées sur des rochers, sur dos colonnes, sur des pierres. C'était presque la premicro fois que t'tndo offrait a )a curiosité européenne des monuments do ce genre, dont jusque')& on la croyait complètement privée. Bientôt M. James Prinsep, secrétaire de la Société asiatique du Bengale, déchiffra ces inscriptions avec la sagacité et l'érudition qui lui ont fait un nom eetebro, bien que lui aussi soit mort fort jouno avant d'avoir rompt: sa carrière (1). Ces inscriptions étaient en dlalecto magadtu. c'est a-diro dans le dialecte do la province du Magadha, l'une dos contrées les plus fumeuses do t'tnde. ot celle mémo où selon toutes les traditions, to Bouddhisme avait paru et s'était le plus tôt développé. Elles contenaient dos édits d'un roi nomme Piyadasi, donnant à ses peuples des conseils de moralo, recommandant la tolérance, et favorisant l'introduction des croyances nouvelles. Peu de temps après les explications do M. James Prinsep. M. Turnour, déjà versé dans l'étude des monumonts pâtis de Coylan démontra que le Piyadasi do ces inscriptions magadhtes était le mémo qu'Acoha, roi du Magadha, qui joue un très-grand rote dans les premiers siècles do t'histoiro du Bouddhisme, et dont la conversion (t) Voir )o Journal <!e la .Xoe<<fM a«a«}t<e du Fen~ato, J tono V), p. 580 (!00, 79S, 965, p)f i. VU, p. 238, 2B6. 273, M9, etc.


dans la dixième année de son règne est racontée dans le Mahâvamsa. au chapitre V, et du chapitre XI au chapitre XX (1). Un autre ouvrage singhalais, le Dipavamsa que citait encore M. Turnour, place l'avénement d'Açoka deux cent dix-huit ans après la mort de Çakyamouni, c'est-à-dire vers l'an 52S avant notre ère, si l'on adopte la date singhalaise de 543 avant J.-C. pour la mort du Bouddha. Plus tard, d'autres découvertes du môme genre vinrent confirmer ces premières données, et l'on a retrouvé déjà dans trois endroits au moins, à Guirnar, à Dhauii, a Kapour di Guiri, sans parler de Dehti. d'Allahabad, etc., des reproductions à peu près identiques dos édits religieux de Piyadasi. Les dialectes sont un peu différents selon les provinces; mais au fond les édits sont les mêmes, et les expressions n'offrent que des variantM presque insignifiantes. On sent tout ce que de tels rapprochements donnent d'authenticité à ces révélations tout à fait inespérées.

On savait en outre que l'un des trois conciles qui avaient constitué l'orthodoxie bouddhique et avaient arrêté te canon des écritures, s'était tenu sous le règne d'Açoka et par sa protection toute-puissante. En 1840, M. le capitaine Burt a découvert, sur une montagne près do Bhabra, entre Dehli et Djaypour, une inscription de ce même roi Piyadasi qui lève tous les doutes que pourraient encore laisser les autres (2). Celle-ci écrite dans la même langue,

(I) M.Turnuur, 7o«rttat de la ~ottef~<M!a«~t«)<ht/~M~<t.V!,p.IOS/),a))Mol837.

(2) Voir l'explication du cette inscription dans le 7oM)'Ma< de la ~oo'cM Mtoft~Me du Bengale, t IX, p. 616 et suiv., année 1840.


est, comme le dit M. E. Burnouf (1), une sorte de missive adressée par le roi Piyadasi aux religieux bouddhistes réunis en assemblée dans le Magadha. Le roi indique aux membres du concile les points principaux sur lesquels doivent porter leurs délibérations. l'esprit qui doit les inspirer, et les résultats qu'ils doivent poursuivre. Ce qui donne à cette inscription de Bhabra une importance toute spéciale, c'est que te nom même du bienheureux Bouddha, dont Açoka défend ta croyance, s'y trouve répété à plusieurs reprises, tandis qu'il ne se rencontre pas dans les autres monuments (2).

Les conséquences si graves qui en sortent pour l'histoire du Bouddhisme et celle do l'Inde, ont été acceptées dans toute leur étendue par M. Prinsep, par M. Turnour, par M. Lassen (3), par M. E. Burnouf et par Ai. Albrecht Weber (4). et je crois qu'il serait bien ditnciie de contester l'autorité de pareils juges. Mais M. Wilson (5). dont le sentiment est d'un si grand poids dans ces matières. n'est pas du mémo avis; et après un examen approfondi des inscriptions de Guirnar, de Dhauti et do Kapour di guiri, il ne veut reconnaître ni le roi Açoka dans Piyadasi, ni un caractère bouddhique, ce qui est plus grave dans les exhortations morales que le monarque adresse à

(i) Lotus de la bonne loi, p. 711.

(2) Ibid. p. 724 et 725.

(3) M. Ch. Lassen /o<K<c&e ~«e~&Mm~ttttxte, p. 228 et suivantes.

?) M. Albrecht Weber, C<e ~Mxer~ /i'oMct«tt~M über <!<M aile Indien, p. 30; discours tu à la Société scientifique de Berlin.

(5) M. Wilson, 7ou)'~a< de la ~oe~M asiatique de la Grande-Bretagne, t. XII, p. 163 et 240.


ses sujets. !) est vrai que M. Wilson ainsi que le remarqua M. E. Burnouf (i), ne s'est pas occupé de t'inscrijttion de Bhabra, la plus décisive de toutes, bien qu'elle fût publiée depuis plus de dix ans. Ce n'est pas d'ailleurs que M. Wilson conteste l'antiquité de ces monuments et comme dans le 13e édit de Guirnar, il est question de plusieurs rois grecs successeurs d'Alexandre, qui y sont désignés par leur nom, M. Wilson admet sans contestation que ces édits remontent au temps qu'on leur assigne communément (2). Je ne sais ce que M. Wilson pense des objections que lui a opposées M. E. Burnouf dans son X" appendice au lo <M de la bonne loi mais on face de ces arguments nouveaux, après ceux de MM. Prinsep, Turnour ot Lasson, il no para!t pas qu'il puisse y avoir encore de doute; et si Piyadasi n'est pas l'Açoka du Magadha, it est très-certainement un roi bouddhiste imposant la doctrine de Çahyamouni à ses sujets, vers la On du tV siècle avant t'ère chrétienne.

)i n'en faut pas davantage pour l'objet qui nous occupe en co moment et j'abandonnerais les sources indiennes pour passer aux sources grecques, si je ne voulais prouver par un dernier exemple combien les découvertes que chaque jour amène dans l'Inde, conHrmcnt de tout point les grands résultats que je viens d'indiquer sommairement. Sur les parois de belles grottes creusées dans une montagne de granit, près de Bouddha-Gaya, dans le Magadha on a trouvé des inscriptions dans te même dialecte que tes grandes inscriptions de Guirnar et do Dehti. et qui nous apprennent que ces grottes ont été destinées à (t) M. E. Burnouf, /,o<)Mde<a to'otc loi, p. 7U~ note 3. (2) M. Wilson, Journal do la ~oc/e'~ royale asia(ique de la Cr<ntf~-Z~<<~<)< t. XH, p. 235.


l'habitation et à la retraite de mendiants bouddhistes par le roi Dacaratha, second successeur d'Açoka, et par Piyadasi lui-même, qui est nommé dans trois de ces inscriptions, dont chacune n'a que trois ou quatre lignes (1). Ces inscriptions ne peuvent pas être très-postérieures à l'on 226 avant notre ère (2) et bien qu'elles soient beaucoup moins importantes que les grands édits dont je viens de parler, on voit qu'elles s'y rapportent d'une manière frappante, en les contrôlant par un détait qui, tout mince qu'il est, n'en est pas moins intéressant. Je no doute pas qu'avec le temps on ne découvre pou à peu dans t'tndo une foule do détails aussi authentiques et aussi décisifs. On voit que les inscriptions de Piyadas!. quel qu'en soit l'objet, quel que soit le roi qui a fait publier ces édits en les gravant sur la pierre, sont contemporaines à peu près do l'expédition d'Alexandre. C'est une date désormais acquise à l'histoire de l'Inde et du Bouddhisme. Des faits que nous ont attestés les compagnons du héros macédonien ou leurs successeurs, jn n'en rappellerai qu'un seul qui semble démontrer que les Grecs ont connu les Bouddhistes, comme Ils ont connu les Brahmanes. Néarque (3) et Aristobuto (4~, qui suivirent Alexandre et lui survécurent, ne nomment que ces derniers, sans que rien indique qu'ils aient connu les autres; mais Mégasthène, qui, trente ans plus tard à peu près. pénétra jusqu'à Patalipoutra à la cour du roi Tchandragoupta, (i) M. It Burnouf, Lotus de la 6oHMe loi, p. 77<) et 778. (2) /&<< p. 778.

(3) Néarquo, dans Strabon, xv, p. 716; fragments de Ncar'juo.p.CO.édtt.FirminDidot.

? AristoMo, dans Strabon, xv, p. 70) fragments d'Aristnbuio, p. t06, édit. Firmin Uidot.


indique certainement les Bouddhistes dans les Sarmanai ou Garmanai, dont il fait une secte do philosophes opposés aux Brahmanes (~). et qui s'abstiennent de vin et do tous rapports sexuels. A ces traits, e~ à l'étymologie mémo du mot, d'ailleurs très-pou effacée, on ne peut méconnattre les Bouddhistes, qui se sont donné spécialement le nom de Çramana, ou d'ascètes domptant leurs sens. On ne peut les méconnaître non plus à cet autre trait que rappelle aussi Mégasthène u Les Sarmanes, dit-il, ont avec eux des femmes qui participent à leur philosophie, et qui, comme les hommes, sont vouées à un chaste cétibat. Enfin Mégasthène ajoute que ces philosophes, pleins do frugalité vivent des aliments qu'on leur donne et que personne no leur refuse. N'est-ce pas là, je le demande, une description ndèta des mœurs particulières aux Bouddhistes et que les Brahmanes n'ont jamais partagées? No se rappellet-on pas que le célibat et la mendicité sont deux conditions imposées par le Bouddha à ses religieux? Si Mégasthène est le seul des historiens grecs do cette époque a parler aussi distinctement des Bouddhistes, c'est que, selon toute apparence, it est le seul qui en ait vu. Dans ta partie du Penjab, où pénétra l'expédition macédonienne, le Bouddhisme no s'était pas ptopagé, tandis qu'il Norissait dans la contrée dont Patalipoutra était la capitale (2). Onêsicrite, Néarque, Aristobule no rencontrèrent pas do Bouddhistes sur les bords do l'Indus et do t'Hypasis; Mé«) Mégasthèna, dans Strabon, xv, p. 71f ~-a~menM des M«oy<OM, t. Il, p. <t36, édit Firmin Didot.

(2) C'est h Patalipoutra, capitale duMagadha, quo fut convoqué le concito auquel s'adresse Piyadasi dans la missive dont il a été question plus haut. Voir M. E. Burnouf, ZotMf (<e<o bonne !o<, p. 727.


gasthèno dut on rencontrer beaucoup sur les bords du Gango. Je ne doute pas non plus qu'il no faille reoonna!tro encore des Bouddhistes dans tes Pramnes (altération du mot Sarmanes), dont parle Strabon (1), adversaires des Brahmanes, dont ils se moquent et qu'ils traitent do charlatans.

A ces renseignements, qui nous ont été transmis par les Grecs, j'en ajoute un dernier. Le nom do Bouddha est cité pour la première fois par saint Clément d'Alexandrie c'est-à-dire dans le m" siècle do notre ère (2) et comme saint Clément tire de Megasthène tout ce qu'il dit des philosophes indiens it ne serait pas impossible de supposer qu'il lui emprunte aussi le nom du réformateur car l'ambassadeur de S6)eucus Nicator, l'aura sans doute entendu prononcer plus d'une fois dans te cours de son voyago, et dans une ville qui avait été d'assez bonne heure le centre do la réforme.

Ainsi les documents les plus avérés, grues, indiens, chinois (3) s'accordent et se soutiennent pour attester do la manière la plus irrécusable que te Bouddhisme existait dans l'Inde avant l'expédition d'Alexandre ainsi nous pouvons admettre sans scrupule la date minimum do la mort du Bouddha que nous empruntons dos Singhaiais (i) Strabon, livre xv, p. M)&, édit. de Cosaubon.

(2) Saint Clément d'Alexandrie, Stromat. t. p. 306, éd. de Syiburgo.

(3) Les documents arabes, fort curieux pour t'htatoiro moderuo a do l'lnde, ne nous apprennent tien sur ces temps rocuiës: on peut voir le savant mémoire do M. Meinaud sur i'~e an<cWOMfoxent au milieu d~MX)' siècle de !e oArdtte'me, ~f'moires de <c«(MH)<e des <t)ff)'~<fon~ e< tef!M hMrM t tome XVIII.


et quand nous parierons de la morato bouddhique, nous pourrons Ctro assurés que cette prédication s'est bien réellement adressée aux populations indiennes six siècles avant l'ère chrétienne, en essayant de les convertir a des croyances moilleures, et de renverser la foi ant~uo df& Védas jugée désormais insuinsanto pour conduire t'hommo au bien et au salut.

H.

CARACTÈRE ET VIE DE <;AKYAMOt:Kt.

Pour bien comprendre la réforme morale que Çakyamouni est venu tenter dans Je monde indien, il faut a la fois connaître le caractère du réformateur avec tes principaux Incidents de sa vie, et la croyance qu'il a prétendu remplacer par une croyance moiitoure. C'est fi ces deux conditions seulement qu'on peut s'expliquer avec quelque précision co que vaut le dogme nouveau qu'il a proposé au genre humain, et les fortunes diverses qu'a subies cette grande entreprise. Si le Bouddhisme, né dans l'Inde, a échoué dans son propre pays, it s'est propagé parmi tes peuples voisins, qui l'ont reoueitti avec un enthousiasme que les siècles n'ont pas refroidi et it domine souverainement encore a l'heure qu'il est, avec tes formes variées qu'il a revêtues, sur to quart tout au moins do l'humanité.

Il nous est assez facile do connaître les doctrines rotigiouses et morales de la société dans laquelle apparut te Bouddha, et qu'il essaya d'éclairer d'una lumière plus pure. t~Les Védas d'une part, et de t'autro tes systèmes de phitosophio, avec les commentaires de tout ordre qui les dovo-


loppent et les expliquent, nous sont désormais ouverts et l'esprit brahmanique, bien qu'on soit très-loin d'avoir étudie 'toutes ses ouvres, n'a plus guère de secrets pour nous. On sait d'une manière certaine ce qu'il a pensé sur les grands problèmes qui intéressent la raison humaine, sur Dieu, sur le monde et sur l'homme. On pourra bien approfondir davantage les solutions qu'il en a données, à mesure que l'on publiera les monuments où i! tes a déposées mais on ne fera pas sur ces points essentiels des découvertes imprévues, capables do renverser le jugement généra! qu'on peut, dès à présent, porter sur la religion brahmanique.

Ainsi, l'une des deux conditions qui semblent nécessaires à l'intelligence de la ~forme bouddhique est assez bion remplie. Quanta t'autro, c'est-à-dire la connaissance de la vie du Bouddha, si eiio n'est pas remplie aussi completoment, je no crois pas qu'eite soit cependant imposslblo, et il me sombto qu'on peut, a l'aide des nombreux documents que nous possédons déjà, refaire d'une manière assez plausible l'histoire du réformateur, au moins dans ses circonstances principales. Je les emprunterai aux ouvrages de MM. Hodgson Csoma de Koros. Turnour, Schmidt, E. Burnouf, Ed. Foucaux; et avec des guides aussi savants et aussi exacts, on peut être sûr do ne point s'égarer.

La source la plus abondante et la plus ancienne de renseignements, c'est le ZaMtacMtara. Ce Soûtra contient, sous des développements fabuleux un récit assez régulier et trés-acoeptaNo des événements les plus importants de la viodoÇuhyamouni, depuis sa naissance jusqu'à sa prédication a Bénarès et si on le complète par les détails extraits de cotte partie du Kah gyour tibétain, appelé le Dout-va, les recevant lui-même des autorités indiennes,


ce récit comprend une biographie tout entière (t). A côté de ces deux sources, qui suffisent déj& par elles seules, on doit puiser aussi dans les légendes presque innombrables que renferment, soit la cottt~tion du Népai au nord. soit la collection des Singhalais an sud, soit les immenses recueils des Tibétains et des Mongols, soit enfin ies ouvrages chinois. Le seul soin qu'il faiite prendre et que jo prendrai ici, c'est de laisser de côté tout ce que la tradition superstitieuse et même extravagante s'est permis d'ajouter aux faits qui composent le fond mémo du récit. Ces faits sont peu nombreux; Ils sont fort simples, et ta raison la plus circonspecte peut les accepter sans io plus tégor scrupule. J'avoue qu'il serait impossible d'affirmer absolument qu'ils sont v.'ais mais comme ils sont parfaitement vraisemblables, et qu'ils so trouvent répétés, sans d'ailleurs qu'on tes copie, chez des peuples divers et fort éloignés les uns des autres, ce serait pousser le scepticisme au-deta dos bornesque de ne pas y donner foi, parce qu'ils no seraient pas présentés dans les formes auxquelles nous autres européens et occidentaux nous sommes dès longtemps habitués. Sous la légende. dont je montrerai d'ailleurs tes défauts et les puérilités, on peut retrouver assez sûrement t'histoire; et, pour ma part, je no fais pas diiucutté da croire a la fidélité du tableau que je vais essayer do tracer. Chacun des incidents, morne les plus minces, do cette existence mémorable, ont été consacrés par la piété des fidèles, et it n'est pas un seul do ces incidents qui n'ait laissé dos traces profondes, soit dans des monuments, soit dans dos livres, dont le nombre est à peu près Incalculable. (i) Voir dans l'analyse do Csoma do Koros, ~)a<«c NeMarches, t. XX, p. 309 et suiv., et dons !e /~j/« tch'er fol p" de lit. Ed. FouM))! t. ti, p. 417 ot suiv., )o récit dota mort de çakyamouni.


Co fut vers la fin du vu" sièclo avant notre ùro que na- -i quit le Bouddha dans la villo do Kapitavastou, capitato d'un royaume do ce nom dans t'Indo centrale (1). Son père Çouddhodana, de la famillo des Çâkyas, et issu do la grande race solairo dos Gôtamides, était roi do la contrée. Sa mère Maya Dévî était dite du roi Souprabouddhn, et sa beauté était tellement extraordinaire qu'on lui avait donné le surnom de Maya ou l'illusion, parco que son corps ainsi que to dit le JLaMtafMtaro ( chap. Ht ), semblait être le produit d'une illusion ravissante. Los vertus et les talents do Maya Dévi surpassaient encore sa beauté et olle réunissait tes quotités tt's plus rares et tes plus hautes do l'intelligence et de la piété. Çouddhodana était ()) Kapilavastou, tien do naissance du Bouddha, est par cola scui la villo la plus cotebro dos légendes bouddhiques. M. Klaproth a établi par desreehctLites, buaquolles M. K. Buruouf donne sou assentiment, qu'etto dovait être situOo sur tes bords do la riwiëro Rohin), l'un des affluons do la Raplt, près des montfgxea qui séparent le NëpM du district do Gorakpuur. (Foc A'OMeAt.p. i99; 7n<od«c«oo Il t'A~ofre du Bouddhismo fHfKex, p. </)3, on note; /~j/« tcher fo< pa do M. Éd. Foueaux, p. 3).) Dans la légonde do RoudrAyana du Pivyn avadana, il est dit que a )o Bouddha est né sur to flanc de t'Himnvat, au bord de la Bhagu!m)M. non loin do l'ermitage du Richi Kot. piia. B (7n<f0f<. d <'?)<<. <<H ~ottffdA. <t)< p. 343.) Au temps de Fa Mian, c'ost.a-diro à la On du tV siècle de notre ère, Kapitavastou était déjà on ruines (Foe Jfoxe~, p. <98}. Hiouen Thsang visita ces ruines vers i'an 632 de J.-C. tt donne au royaume do Kapllovastou <)t)0 tieuesde tour. H nopautdëtern)inor t'étonduo de la villo, mais elle devait être considérable, puisque ies nturs souts do la résidence du roi avaient b pou près une ticuo et demie do circouforeuco. (M. S)aais)NB Julien, ~«Mt't'e de la vie de ~oMett y~aMj?, p. i26. )


digne d'une telle compagne, et, a roi de la toi, il com« mandait selon la loi. Dans le pays des Çâkyas, pas un a prince n'était honoré et respecté autant que lui de toutes « les classes de ses sujets. depuis ses conseillers et les « gens de sa cour jusqu'aux chefs de maisons et aux mar« chands (~). »

Telle était la noble fami))o dans laquelle devait naître le libérateur; il appartenait donc à la caste des Kshattriyas ou dos guerriers; et lorsque plus tard il embrassa la vie religieuse, on le nomma, pour rappeler son Illustre origine. Çakya Mouni c'est-à-dire le solitaire (le moine, fM'M:) des Çâkyas. ou bien encore Çramana Gaoutama, t'ascoto dos Gotamides. Son nom personnel, choisi par son père, était Siddhértha ou Sarvarthasiddha (2). et il conserva ce nom tout le temps qu'il résida près do sa famille a Kapilavastou comme prince royal (KoumararMja). Plus tard, il devait t'échanger pour de plus glorieux. La reine sa mère, qui s'était retirée vers l'époque de l'accouchement dans un jardin de plaisance appelé le jardin de Loumbint, du nom de sa grand'mère, fut surprise par tes douleurs de l'enfantement sous un arbre (plaksha), et elle donna naissance à Siddhârtha, le 3 du mois outtaracadha. Mais affaiblie sans doute par les austérités pieuses auxquelles elle s'était livrée durant sa grossesse, inquiète aussi des prédictions que les brahmanes avaient faites sur le fils qui devait sortir d'elle (3), Maya Dév! mourut sept jours après. ann qu'elle n'eût pas ensuite, dit la légende, le cœur brisé de voir son fils la quitter, pour aihr errer en religieux et <i) /~a fe~'ert-ot ;)< de M. Ëd. Foucautt, t. Il fh. )n, p. 3t.

(2) Idem, ibid.. ch vt;, p. 97, et ch. sv, p. at6.

(3) Idem, ibid.. ch. v). p. 66 et 63.


on mendiant (i L'orphelin fut conBô aux soins de sa tante maternelle Pradjdpatl Gaoutamt, qui était aussi une des femmes de son père, et qui devait être plus tard, au temps de la prédication, une de .es adhérentes les plus dévouées.

L'enfant était aussi beau que l'avait été sa mère, et le brahmane Asita, charge do le présenter au temple des dieux, suivant l'antique usage, prétendait reconnattre sur lui les trente-deux signes principaux et les quatre-vingts marques secondaires qui caractérisent le grand homme (2), selon les croyances populaires do l'Inde. Quelle que fut la véritô.do ces pronostics, Siddhârtha ne tarda pas ajustinor la haute opinion qu'on s'était faite de lui. Conduit aux écoles d'écriture (3). il s'y montrait plus habile que ses maîtres; et l'un d'eux, Viçvamitra sous la dire )t!on do qui il était plus spécialement placé, déclara bientôt qu'il n'avait plus rien à lui apprendre. Au milieu des compagnons de son âge, l'enfant no prenait point part à tours jeux; il semblait dès lors nourrir les pensées les plus hautes; souvent il se retirait il l'écart pour méditer, et un jour qu'il était atté visiter avec ses camarades « le village de l'Agriculture (4). a il s'égara seul dans un vaste bois, où il resta de longues heures sans qu'on sût ce qu'it était devenu. L'inquiétude gagna jusqu'au roi son père, qui alla de sa personne te chercher dans la forêt, et qui le trouva sous l'ambre d un djambou, plongé depuis longtemps dans une réHexion profonde.

Cependant t'age arrivait où le jeune prince devait être (1) ~a <cA'M't'o!F<!(, do M. Ed. Foucaux, ch. vu, p. MO. (2)/~m,<6M.,ch.vM,p.i08.

(3) Idem, ?<< eh. x, p. 120,

~)) Mem, ibid., ch. x), p. 136.


marié. Les principaux vieillards des Çâkyas se souvenaient de la prédiction des brahmanes, qui avaient annoncé que Siddhârtha pourrait bien renoncer à la couronne pour se faire ascète. Ils allèrent donc prier te roi de marier son n)s le plus tôt qu'il pourrait pour assurer l'avenir de sa race. Ils espéraient enchaîner te jeune homme au trône par une union précoce. Mais le roi, qui connaissait sans douto tes intentions du prince, n'osa pas lui parler luimême il chargea les vieillards de s'entendre avec lui, et do lui faire la proposition à laquelle ils attachaient tant d'importance (1). Stddhârtha, qui craignait «tes maux du désir, » plus redoutables encore que le poison, le feu ou l'épée, demanda sept jours pour reuéohir puis, sûr de luimême après s'être longtemps consulte, et certain que te mariage, accopté par tant de sages avant lui ne lui oterait ni le calme do sa réuexion, ni te loisir do ses méditations, i) consentit à la prière qu'on lui adressait, no mettant à son union qu'une scuie condition ta femme qu'on lui offrirait ne serait point une créature vulgaire et sans retenue; peu lui importait d'ailleurs quelle serait sa caste; it la prendrait parmi les vaisyas et les coudras, aussi bien quo parmi les Brahmanes et les Kshattriyas, pourvu qu'elle fût douée des qualités qu'il désirait dans sa compagne il remettait aux vieillards une liste complète do ces qualités, destinée à les guider dans leurs recherches. Le pourohita, ou prêtre domestique du roi Çouddhonana, fut donc chargé de parcourir toutes tes maisons do Kapilavastou, et d'y découvrir, en examinant les jeunes filles, celle qui remplissait le mieux les vœux du prince. a dont le cœur, sans se laisser éblouir ni par la famille ni par la race, no se plaisait qu'aux qualités vraies et à la (t) Rgya feh'tt- roi pa, do M. Ed. Fournux, eh. xn, p. 13!.


moralité (1). » La liste des vertus exigées fu' successivement présentée à une foule de jeunes filles de tout rang de toute classe aucune ne parut y satisfaire. L'une d'elles enfin répondit au pourohita qu'elle possédait toutes les qualités que désirait le prince, et qu'elle serait sa compagne, s'il désirait l'accepter. Mandée devant le jeune homme avec une foule d'autres beautés de son âge, elle fat distinguée par lui, et le roi donna son consentement à ce mariage. Mais le père de la jeune Btte, Dandapâni, de la famille des Çâkyas, se montra moins tacite et, comme le jeune prince passait pour être complètement abandonné à !a mollesse et à l'indolence it exigea, avant de lui accorder sa fille, la bette Gopâ, qu'il f!t preuve des talonts qu'il possédait en tout genre. « Le noble jeun" <( homme, disait le sévère Dandapuni, a vécu dans l'oisi« voté au milieu du palais; et c'est une loi de no donner « nos filles qu'à des hommes habiles dans les arts jamais c à ceux qui y sont étrangers. Ce jeune homme ne connatt « ni l'escrime ni l'exercice de l'arc, ni le pugilat ni les « règles de la lutte comment pourrais-je donner ma a fille à celui qui n'est point habile dans les arts (2) ? » Le jeune Siddhârtha fut donc obligé. tout prince qu'il était, de montrer des talents que sa modestie avait cachés jusque-là. On réunit cinq cents des plus distingués parmi les jeunes Çakyas, et la bette Gopâ fut promise au vainqueur. Le prince royal t'emporta aisément sur ses rivaux. Mais la lutte porta d'abord sur des exercices plus relovés que ceux auxquels le conviait Dandapâni. Siddhârtha se montra plus habite, non-seulement que ses concurrents. mais encore que les juges, dans l'art de l'écriture, dans (t) Rgya (ct'er fotpa, de M. Ed. Foucaux, p. )33.

(2) Idem, ibid., fh. xn, p. 186.


l'arithmétique, dans la grammaire, la syllogistique, la connaissance des Védas, des systèmes philosophiques et de la morale, etc. Puis, des exercices de l'esprit passant à ceux du corps, il resta victorieux de tous ses compagnons, au saut, à la natation, à la course, à l'arc, et à une foule d'autres jeux où il déployait autant de force que d'adresse (1). Parmi ses adversaires figuraient ses deux cousins, Ananda, qui fut l'un de ses disciples les plus ndèies, etDévadatta, qui, profondément irrité d'une défaite, devint, à partir de ce jour, son implacable ennemi. La belle Gopâ fut le prix de son triomphe, et la jeune fille, qui s'était crue digne d'un roi, fut déclarée la première de ses épouses. Dès ce moment, elle prit, malgré les conseils de ses parents, l'habitude de ne jamais se voiler le visage, ni devant eux, ni devant les gens du palais (2). « Assis, debout ou marchant, disait-elle, les gens respec« tables, quoique découverts, sont toujours beaux. Le dia« mant précieux et brillant brille encore plus au sommet "d'un étendard. Les femmes qui, mattrisant leurs pen« sées et domptant leurs sens, satisfaites do leur mari, ne « pensent jamais à un autre, peuvent parattre sans voile « comme le soleil et la lune. Le suprême et magnanime « Rishi, ainsi que la foule des autres dieux, connaissent « ma pensée, mes mœurs, mes qualités, ma retenue et « ma modestie. Pourquoi donc me voilerais-je le vi« sage ? ? »

Toute heureuse qu'était cette union contractée sous de (1) Hiouen Thsang vit le lieu de la lutte qu'on montrait encore au milieu des ruines de Kapiiavastou; voir M. Stanislas Julien, mxo~e de la vie de Hiouen y~<M~, p. 129. (2) Rgya <eh'ef roi pa de M. Ed. Foucaux, t. Il eh. xn, p. 162.


tels auspices, elle ne pouvait détourner Siddhârtha des desseins qu'il avait,dès longtemps formés. Au milieu de son splendide palais et du luxe qui l'entoure, au milieu même des fêtes et des concerts qui se succèdent perpétuellement, le jeune prince ne cesse de méditer courageusement sa sainte entreprise; et, dans l'amertume et l'héroïsme de son coeur, il se disait souvent: « Les trois « mondes, le monde des dieux, celui des asouras et celui « des hommes, sont brutes par les douleurs de la vieillesse « et de la maladie; ils sont dévorés par le feu de la mort a et privés de guide. La vie d'une créature est pareille à « l'éclair des cieux. Comme le torrent qui descend do la « montagne, ette coule avec une irrésistible vitesse. Par le « fait de l'existence, du désir et de l'ignorance, les créaN tures, dans le séjour des hommes et des dieux, sont a dans la voie des trois maux (1). Les ignorants roulent « en ce monde, de même que tourne la roue du potier (2). a Les qualités du désir, toujours accompagnées de crainte M et de misère, sont les racines des douleurs; elles sont « plus redoutables que le tranchant de l'épée ou la feuille « de l'arbre vénéneux. Comme une image réfléchie, comme « un écho, comme un ébtouissement ou le vertige de la a danse, comme un songe, comme un discours vain et futile, « comme la magie etle mirage, elles sont remplies de faus« seté.etvidescommerécumeou la butted'eau. La maladie « ravit aux êtres leur lustre et fait déctinerlossens.tecorps << et les forces; elle amène la fin des richesses et des biens « elle amène le temps de la mort et de la transmigration (1) Voir le premier Mémoire sur le Sankhya, p. 126, dans les Mémoires de l'Académie des sciances morales ot politiques, t. VIII.

(2) Idem, << p. 361.


« La créature la plus agréable et la plus aimée disparait « pour toujours; elle ne revient plus à nos yeux, pareille « à la feuille et au fruit tombé de l'arbre dans le courant « du fleuve. L'homme alors, sans compagnon, sans second, « s'en va tout seul et impuissant avec la possession du fruit « de ses œuvres (!).? »

Puis, à ces réSexions pleines de mélancolie et de miséricorde, il ajoutait encore

« Tout composé est périssaMe ce qui est composé n'est « jamais stable c'est le vase d'argile que brise le moindre « choc; c'est la fortune empruntée à un autre c'est une « ville de sable qui ne se soutient pas c'est le bord sablon« neux d'un fleuve (2). Tout composé est tour à tour effet « et cause. L'un est dans l'autre, comme dans la semence « est le germe, quoique le germe ne soit pas la semence. «Mais la substance, sans être durable, n'a pas cepena dant d'interruption nul être n'existe qui ne vienne d'un « autre; et de là, la perpétuité apparente des substances. a Mais le sage ne s'y laisse point tromper. Ainsi le bois qui a est frotté, te bois avec lequel on frotte et l'effort des « mains, voilà trois choses d'où na!t le feu; mais i) ne tarde « pas à s'éteindre et le sage, le cherchant vainement dans « l'espace, se demande tKoù est-il venu? Où est-i! alié ? 2 a En s'appuyant sur les lèvres, sur le gosier et le palais, a le son des lettres na!t par le mouvement de la langue, et c la parole se forme par le jugement de l'esprit. Mais tout a discours n'est qu'un écho, et le langage, à lui seul, est « sans essence. C'est le son d'un luth, le son d'une nùte, a dont le sage se demande encore D'où est-il venu ? Où (1) ~)/a <c/t'er fotpM, do M. Ed. Foucaux, t H ch. xn), p. 186 et suiv., p. 172.

(2) /<!eM), !M., p. 173 et suiv.


ost-it atté? Ainsi de causes et d'effets naissent toutes les « agrégations et le yogui, en y réttéehissant. s'aperçoit « que les aggrégations ne sont que le vide, qui seul est « immuable. Les êtres que nos sens nous révèlent sont « vides au dedans ils sont vides au dehors. Aucun d'eux M n'a la Cxité, qui est la marque véritable de la loi (1). ). Mais cette loi qui doit sauver le monde, je l'ai comprise a je dois la faire comprendre aux dieux et aux hommes « réunis. Cent fois je me suis dit: Après avoir atteint t'in« telligence suprême ( Bodhi), je rassemblerai les êtres vi« vants je leur montrerai la porte de t'immortaiité. Les « retirant de la création, je tes établirai dans le calmo. le «bien-être et l'exemption des maladies; je les établirai « dans la terre de la patience. Hors des pensées nées du a trouble des sens, je lés établirai dans le repos. En fai« sant voir la clarté de la loi aux créatures obscurcies par « les ténèbres d'une ignorance profonde, Je leur donnerai « t'œit qui voit clairement tes choses; je leur donnerai le « beau rayon de la pure sagesse, t'œi) de ta toi. sans tache « et sans corruption (2). »

Ces pensées poursuivaient le jeune Siddhârtha jusque dans ses songes: et une nuit, l'un des dieux du Touchita, le séjour de la joie, Hridéva. dieu de la modestie, lui apparut et l'encouragea par ces douces paroles a remplir ennn la mission à laquelle il se préparait depuis de si tongucs années « Pour celui qui a la pensée d'apparaître dans le monde. dit le dieu, c'est aujourd'hui le temps et l'heure. a Celui qui n'est pas délivré ne peut délivrer; t'aveugle « ne peut montrer la route. Mais celui qui est libre peut « détivrer celui qui a ses yeux peut montrer la route. (t) Rgya tcA'ft rat pa, ch. do )'Hxhortatint), p. 174 et <76 (2) Idem, ibill., p. )76 et )7(i


« Aux êtres, quels qu'ils soient, brutes par le désir. atta« chés à leurs maisons, à leurs richesses, à leurs fils, à « leurs femmes, fais désirer, après les avoir instruits, a d'aller dans te monde errer en religieux (i). » Cependant le roi Çouddhodana devinait les projets qui agitaient son fils. Il redoubla de caresses et de soins pour lui. H lui fit faire trois palais nouveaux, un pour le printemps, un pour t'été et un autre pour l'hiver; et craignant que le jeune prince ne profitât de ses excursions pour échapper à sa famille il donna les ordres les plus sévères et les plus secrets pour qu'on surveiUât toutes ses démarches. Mais toutes ces précautions d'un père qui craignait do perdre son Sis, étaient inutiles. Les circonstances les plus imprévues et les plus ordinaires venaient donner aux résolutions du prince une énergie toujours croissante (2). Un jour qu'avec une suite nombreuse il sortait par la porte orientale de ia ville pour se rendre au jardin de Loumbini. auquel s'attachaient tous les souvenirs de son enfance, il rencontra sur sa route un homme vieux, cassé. décrépit ses veines et ses muscles étaient saillants sur tout son corps; ses dents étaient branlantes; il était couvert do rides, chauve, articulant à peine des sons rauques et désagréables; il était tout incliné sur un bâton tous ses membres, toutes ses jointures tremblaient. « Quel est <' cet homme dit avec intention !o prince à son cocher? « ïi est de petite taille et sans force; ses chairs et son sang « sont desséchés; ses muscles sont coiiés à sa peau, sa « tôte est blanchie, ses dents sont branlantes, son corps a est amaigri; appuyé sur un bâton. il marche avec pei(<) Rgya tch'~r rot pa, de hi. Ed. Foucaux, t. It, ch. xu), do l'Exhortation, p. 179.

(2) MfM),/6M.,ch.x)v,p.t80.


a ne, trébuchant à chaque pas. Est-ce la condition part< ticutiére de sa famille? ou bien est-ce la toi de toutes t< les créatures du monde? » – « Seigneur, répondit le « cocher, cet homme est accablé par la vieillesse; tous a ses sens sont affaiblis la souffrance a détruit sa force; « il est dédaigné par ses proches, il est sans guide; inha« bile aux affaires, on l'abandonne comme le bois mort « dans la forêt. Mais ce n'est pas la condition particulière ? do sa familla. En toute créature la jeunesse est vaincue « par la vieillesse; votre père, votre mère, la foule do « vos parents et de vos alliés finiront par la vieillesse aus« si il n'y a pas d'autre issue pour les créatures. » « Ainsi donc, reprit le prince, la créature ignorante et « faible, au jugement mauvais, est itère de la jeunesse « qui l'enivre, et elle ne voit pas la vieillesse qui l'attend. « Pour moi, je m'en vais; cocher, détourne prompto« ment mon char. Moi, qui suis aussi la demeure future « de la vieillesse qu'ai-je à faire avec le plaisir et la « joie? » Et le jeune prince détournant son char, rentra dans la ville. sans aller à Loumbint (1).

Une autre fois, il se dirigeait, avec une suite nombreuse, par la porte du midi au jardin de plaisance. quand il aperçut sur le chemin un homme atteint de maladie, brute de la fièvre, le corps tout amaigri et tout souillé, sans guide, sans asyle respirant avec une grande peine, tout essouuté, et paraissant obsédé de la frayeur du mal et des approches de la mort. Après s'être adressé à son cocher, et en avoir reçu la réponse qu'il en attendait c La santé, « dit le jeune prince, est donc comme le jeu d'un rêve « et la crainte du mal a donc cette forme insupportable! 1 (i) Rgya «h'ef rot pa, de M. Ed. Foucaux, H, ch. xtv, p. t82.


« Quel est l'homme sage qui, après avoir vu co qu'elle n est. pourra désormais avoir l'idée de la joie et du piai« sir? ? Le prince détourna son char et rentra dans )n vttto, sans vouloir allerplus loin (1).

Une autre fois encore, il se rendait, par la porte de l'ouest, au jardin de plaisance, quand sur la route il vit un homme mort placé dans une bière et recouvert d'une toile. La foule do ses parents tout on pleurs l'entouraient, se lamentant avec do longs gémissements, s'arrachant los cheveux. se couvrant la tête de poussière et se frappant la poitrine en poussant de grands cris. Le prince, prenant encore son cocher à témoin de ce douloureux spectacle. s'écria « Ah 1 malheur a la jeunesse que la vieillesse doit « détruire ah 1 malheur à ta santé que détruisent tant do « maladies; ah 1 malheur a la vie où l'homme reste si peu de temps. S'il n'y avait ni vieillesse, ni maladie, ni a mort! si la vieillesse, la maladie, la mort étaient pour i- « toujours enchaînées! » Puis, trahissant pour la première foia sa pensée, te jeune prince ajouta « Retournons en c arrière je songerai à accomplir la délivrance (2). » Une dernière rencontre vint le décider et terminer toutes ses hésitations (3) H sortait par la porto du nord pour se rendre au jardin do plaisance, quand Il vit un bhikshou. (i) Rgya <cA'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, p. i83. (2)M)m.76M.p.iM.

(8) Ces rencontres diverses sont hmeusas dans les légendes bouddhiques. Le roi Açoka avait faic élever dea stoupas et des viharas dans tous les lieux où le Bouddha les avait faites. Hiouon Thsang. au vu" slèclo de notre ero, vit encore ces monuments. Voir M. Stanislas Julien, lliatoire de la vic de~ouM ?7<Mt)9, p. i28; voir aussi la légende d'Açoka, /<)<)'of<Mc<ton t'A~t. ff<t ~ot<dfMtome)H(!t'<-M ,do M E. do thunouf, p. 38S.


ou mendiant, qui paraissait dans tout son extérieur oatme, discipliné, retenu, voué aux pratiques d'un hrahmatchari(i), tenant les yeux baissés. ne considérant que ta joug qui te retient, ayant une tenue accomplie, portant avec dignité le vêtement du religieux et le vase aux aumônes « Quel est cet homme ? demanda le prince. Seit< gneur, répondit le cocher, cet homme est un de ceux « qu'on nomme bhikshous; il a renoncé à toutes les joies n du désir et it mené une vie très-austère; il s'efforce do so « dompter tui-meme et s'est fait religieux. Sans passion. a sans envie, il s'en va cherchant des aumônes. Cela « est bon et bien dit, reprit Siddhartha. L'entrée on roll« gion a toujours été louée par les sages; olle sora mon « secours et le secours des autres créatures; elle devien« dra pour nous un fruit do vie, do bonheur et d'immorK tatité. » Puis le jeune prince ayant détourné son char, rentra dans la ville sans voir Loumblnt. Sa résolution était prise (3).

Elle ne pouvait rester longtemps un secret. Le roi, qui en fut bientôt instruit, devint plus vigilant que jamais (3). 11 ai placer des gardes à toutes les issues du palais et los serviteurs dévoués, dans leur inquiétude, veillaient jour et nuit. Mais le jeune prince ne devait point d'abord chercher à s'échapper par ruse; et ce moyen, qui lui répugnait, ne devait être pour lui qu'une ressource extrême. Gopa, sa femme, fut la première à laquelle ii s'ouvrit; et (i) Brahmatchari, ou celui qui marche dans la voie des Brahmanes, estte nom du jeune brahmane tout la temps qu'il étudio los Védas, c'Mt-a-diro jusque trente-cinq ans a pou prbs. La condition principale do son noviciat est uno chasteté absolue. (2) 7~(t fc/t'et- rot pf, t. Il ch. x)v, p. iM

:3) /(fen),<M(!p.I8C..


dans une nuit où, tout effrayée d'un r6ve, elle lui en demandait l'explication, JI lui confia son projet et sut la consoler, du moins pour ce moment, de la perte qu'olle allait faire (1). Puis, rempli de respect et de soumission pour son pore, JI alla le trouver cette nuit même. et lui dit a Seigneur, voici que le temps de mon apparition dans « !o monde est arrivé; n'y faites point obstacle et n'en a soyez point chagrin. Souffrez, ô roi, ainsi que votre « famille et votre peuple, souffrez que je m'éloigne. » Le roi les yeux remplis do larmes lui repondit « Que faut-il ô mon n)s, pour te faire changer de dos« sein ? Dis-moi le don que tu désires je te le ferai; moi« même, ce palais ces serviteurs ce royaume; prends « tout. »

« Seigneur, répondit Siddhârtha d'une voix douco, « je désire quatre choses accordez-les moi. Si vous pou:< vez me les donner, je resterai près do vous, et vous me t< verrez toujours dans cette demeure, que je ne quitte« rai pas. Que la vieillesse, Seigneur, no s'empare jamais « de moi; que je reste toujours on possession de la jeu«nosse aux belles couleurs que la maladie, sans aucun « pouvoir sur moi. ne m'attaque jamais que ma vie soit « sans bornes et sans déclin. »

Le roi, en écoutant ces paroles, fut accablé de douleur. K 0 mon enfant. s'éoria-t-i!, ce que tu demandes est imo possible, et je n'y puis rien. Les Rishis, eux-mêmes, « au milieu du Kalpa où ils ont vécu, n'ont jamais échappé « à la crainte de la vieillesse de la maladie et de la mort, « ni au déctin. Si je ne puis éviter la crainte de la vieil'< tesse, de la maladie et de la mort, ni le déclin, reprit « te jeune homme si vous no pouvez, Seigneur (i) ~a te~t- tôt ps, do M. Ed. Foucaux, t. ti, p. )90.


«m'actorder ces quatre choses principales, veuillez du « moins, ô roi, m'en accorder une autre qui n'est pas M moins importante faites qu'en disparaissant d'ici-bas je « ne sois plus sujet aux vicissitudes de la transmigra« tion (1). »

Le roi comprit qu'il n'y avait point à combattre un dessein qui semblait si bien arrêté, et dès que le jour parut il convoqua les ÇAkyas pour leur apprendre cette triste nouvelle. On résolut de s'opposer par la force à la fuite du prince. On se distribua la garde des portes, et tandis que les jeunes gens faisaient sentinello, los plus anciens d'entre -les vieillards se répandaient en grand nombre dans toutes les parties detaviUo pour y semer l'alarmo et avertir los habitants. Le roi Çouddhodana lui-méme, entouré do cinq cents jeunes Çakyas. veillait à la porte du palais (2). tandis que ses trois frères, oncles du jeune prince, étaient à chacune des portes do la ville, et que l'un dos principaux Çakyas se tenait au centre pour faire exécuter tous les ordres avec ponctualité. A l'intérieur du palais la tante de Siddhartha, Maha Pradjapatt Gaoutama, dirigeait la vigilance des femmes; et, pour les exciter, etto tour disait: « Si après avoir quitté la royauté et ce pays, « il allait loin d'ici errer en religieux, tout ce palais, dès « qu'il serait parti, serait rempli de tristesse, et la race « du roi, qui dure depuis si longtemps, serait tnterrom« pue. »

Tous ces efforts étaient vains; dans l'une des nuits suivantes, quand tous tes gardes fatigués par do longues veit(i) Rgya tcA'ef fo!Ft!, de M. Ed. Foucaux, t. Il, ch. xv, p.192.

(2) Idem, <6M, p. 193, et oussi dans t'.<<fM<n<cMfamsna ~ott<f«, M M, cite par M. Ed. Foucaux.


les étaient assoupis. te jeune prince donna l'ordre à son cocher Tchhandaka de seller son cheval Kantaka, et it put s'échapper de la ville sans que personne t'eût aperçu. Avant de lui céder, le fidèle serviteur lui avait livré un dernier assaut et le visage baigné de pleurs, il l'avait supplié de ne point sacrifier ainsi sa belle jeunesse pour aller mener la vie misérable d'un mendiant, et de ne point quitter ce splendide palais, séjour de tous les plaisirs et de toutes les joies. Mais le prince n'avait point faibli devant ces prières d'un coeur dévoué, et il avait répondu « ÉviH tés par les sages comme la tête d'un serpent, abandon« nés sans retour cnmmo un vase impur, o Tchhandaka, « les désirs, je no le sais que trop, sont destructeurs de « de toute vertu; j'ai connu les désirs. et je n'ai plus do « joie (1). Une pluie de tonnerres, do haches, do piques, « do flèchos, de fers enflammés. comme les éclairs étince<t lants ou le sommet embrasé d'une montagne, tombe« rait sur ma tête, que Je no renaîtrais pas avec te déstr M d'avoir une maison (3). H

Il était minuit quand le prince sortit de Kapitavastou, et l'astre Pouohya qui avait présidé à sa naissance (3), so lovait à ce moment au-dessus de l'horizon. Sur le point do quitter tout ce qu'il avait aimé jusque-là, le cœur du jeune homme fut un instant attendri; et jetant un dernier regard sur le palais et sur la vtite qu'il abandonnait n Avant d'an voir obtenu la cessation de la naissance et do la mort « dit-it d'une voix douce je ne rentrerai pas dans ta villo c de Kapiia je n'y rentrerai pas avant d'avoir obtenu la (i) ~o tch'6)' roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xv, p.203.

(5) Mem, ibid., p. 207.

(3) jMen), ibid., p. i0').


K loi suprême exempte de vieillesse et de mort, ainsi que « l'intelligence pure. Quand j'y reviendrai, la ville de a Kapita s~a debout, et non point appesantie par le som« meU (t). »

H ne devait, en effet, revoir son père et Kapilavastou que douze ans plus tard, pour les convertir à la foi nouvelle (2).

Cependant Siddhartha marcha toute la nuit; après avoir quitté le pays des Çakyas et celui des Kaoudyas. il traversa celui des Maitas (3) et la ville de Meneya. Quand le jour parut, it était arrivé à la distance de six yodjanas (4) alors il descendit de son cheval et le remit aux mains de Tchhandaka puis il lui donna le bonnet dont sa tête était couverte, et l'aigrette do perles qui t'ornait, parures désormais inutiles (S) et il le congédia.

Le tah't«t)M<ara, auquel sont puisés une partie de ces détails, ajoute qu'a l'endroit de la terre où Tchhandaka retourna sur ses pas un tchaitya fut bâti a et aujoura d'hui encore, dit l'autour, ce tchaitya est connu sous le a nom de Tchhandaka nivartana, c'est-à-dire Retour do '< Tchhandaka sur ses pas. » Hiouon Thsang vit encore ce stoupa, qui avait été bâti. à ce qu'il rapporte, par le roi (t) ~a <eA'<)- roi pa, Chapitre de l'Entrée dans )o monde, t p. 2i3.

(2) Csoma de KorOs, vie de çakyamouni, extraite des auteurs tibétains, ~<a«cMeMa<-c~ t. XX, 2° partie, p. 29&etsniv. (3) Voir M. E. Burnouf, Jnffo~. f! t'h~<. du FaMd<t/(. )nJ., p. 87.

(ù) Layodjana valant cinq milles, c'est dix lieues a peu près. Hiouon Thsang semble compter une distance beaucoup plus grande au moins soixante iiauos.

(6) M. Stanislas Mian,~<f<o<M de ta vie de ~oMeH Thsang, p.129.


Açoka (i), et qui se trouvait sur la lisière d'une grande forêt que Siddhârtha d&t traverser, et qui était la route de Kouçinagara, où il devait mourir.

Resté seul, le prince voulut se dépouiller des derniers insignes de sa caste et de son rang. D'abord i! se coupa les cheveux avec son glaive, et les jeta au vent; un religieux ne pouvait plus porter la chevelure d'un guerrier {2). Puis, trouvant que des vêtements précieux lui convenaient moins encore, ii échangea les siens, qui étaient en soie de Bénarès (de Kaçi) avec un chasseur qui en avait de tout usés de couleur jaune. Le chasseur accepta non sans quelque embarras (5); car il s'apercevait bien qu'il avait affaire à un personnage de haute distinction.

A peine s'était-on aperçu dans le palais de l'évasion de Siddhârtha, que le roi avait envoyé à sa poursuite des courriers qui ne devaient pas revenir sans lui. Dans leur course rapide, Us rencontrèrent bientôt le chasseur qui était couvert des vêtements du prince et peut-être lui eussent-ils fait un mauvais parti, quand la présence de Tchhandako vint les calmer. Il leur raconta la fuite de Siddhârtha; et comme les messagers, pour se montrer obéissants aux ordres du roi, voulaient poursuivre leur route jusqu'à ce qu'ils eussent atteint le prince, le cocher (1) M. Stanislas Julien Histoire <ï< vie de JfM<MM yAMH~,p.i30.

(2) 7~0 <ct'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xv, p.2i4; Hiouen Thsang dit que le Bouddha se fit couper les cheveux et non qu'il les coupa toi-m8me, opération assez diMcile eneHetaveo un glaive. Voir M. Stanislas Julien, Histoire <h ta vie de Niouen Thsang, p. i80.

(3) Rgya <ch'effotpa,de M. Ed. Foucaux, n, ch. xv, p.2i6.


los en détourna « Vous ne pourrez pas le ramoner, leur « dit-il; le jeune homme est forme dans son courage et « dans ses promesses. H a dit Je ne retournerai pas dans « la grande cité de Kapilavastou avant d'avoir atteint t'in- 1 « telligence suprême, parfaite et accomplie, avant d'être « Bouddha. Il ne reviendra pas sur ses paroles; et comme « il l'a dit, cela sera !o jeune homme ne variera pas (1). M Tchhandaka ne put offrir d'autres consolations au roi ii rendit à Mahâ PradjâpaM Gaoutama les joyaux que Siddhartha lui avait remis; mais la reine ne pouvant regarder ces ornements qui lui rappelaient de trop tristes souvenirs, les jota dans un étang, appelé depuis lors l'Étang des ornements (Abharanapoushkarl). Quant à Gopâ la jeune épouse de Siddhârtha. elle connaissait trop sa fermeté inébrantabio pour se flatter qu'il reviendrait bientôt. comme on voulait le lui faire espérer et toute préparée qu'elle était à cette affreuse séparation, elle ne pouvait s'en consoler, malgré le glorieux avenir de son mari, que lui rappelait le fidèle Tchhandaka.

Après avoir séjourné chez plusieurs Brahmanes, qui lui offriront successivement l'hospitalité, le jeune prince arriva de proche en proche dans la grande ville do Vaicaii (2). 11 avait a se préparer encore à la grande lutte qu'il allait engager avec la doctrine brahmanique; trop modeste pour (1) Rgya <e&'e)- fo< pa ,< p. 217.

(2) Située dans l'Inde centrale, au nord de Patalipouttra, sur ia rivière de Hiraoyavat!, ia Gandaki des modernes, presque en face de Patna, et sur tes confins du Mithiia. M. E. Burnouf croit que Csoma s'est trompé en identifiant VaieaM avec Allahabad, l'ancienne Pray&ga, /n<fo< à t'&<<(. dya J?OH< ind., p. 86. Voir aussi M. Stanislas Julien, Histoire de Iliouen Thsang, p.i3S.


se croire déjà en état de la vaincre, il voulut se mettre tui-meme à répreuve, et savoir en même temps ce que valait précisément cette doctrime. H alla trouver le brahmane Arata -Kâtama, qui passait pour le plus savant des maîtres, et qui n'avait pas moins de trois cents disciples, sans compter une foule d'auditeurs. La beauté du jeune homme. quand il parut pour la première fois dans cette grande assemblée, frappa tous les assistants d'admiration, à commencer par Kâiâma lui-même mais bientôt il admira davantage encore la science de Siddhârtha, et il le pria de partager avec lui le fardeau de l'enseignement. Mais le jeune sage se disait déjà « Cette doctrine d'Arata a n'est pas vraiment libératrice la pratiquer n'est pas une c vraie libération, ni un épuisement complet de la misè« re. » Puisil ajoutait dans son cœur: «En perfectionnant a cette doctrine, qui consiste dans la pauvreté et la resa friction des sens, je parviendrai à la vraie délivrance « mais il me faut encore de plus grandes recherches (1). a !t resta donc quelque temps à Vaiçâll. En la quittant, il s'avança dans le pays do Magadha (2) jusqu'à Radjagriha, qui en était la capitale. La réputation de sa sagesse et de se beauté l'y avait précédé; et le peuple, frappé d'étonnement de voir une telle abnégation dans un si beau jeune homme, se porta en foule à sa rencontre; la multitude qui ce jour-tà remplissait les rues de la ville, cessa, dit la légende, ses acl ats et ses ventes, et s'abstint même do boire des liqueurs et du vin, pour aller contempler le noble mendiant qui venait quêter l'aumône. Le roi lui(1) ~~ateh'w )-o!po,deM. Ed.Foucaux.t.tI, ch. xvi, p.228.

(2) Le Bihar moderne. Voir aussi M. Stanislas Julien, N«toire de ta vie <!< ~<OMeM Thsang p. 236 et suivantes.


même, Bimbisâra (1) l'apercevant des fenêtres de son palais où l'avait amené cette émotion populaire le fit observer jusqu'au lieu do sa retraite sur le penchant du mont Pandava; et dès le lendemain matin, pour lui faire honneur, il s'y rendit de sa personne, accompagné d'une suite nombreuse. Bimbisâra était du même âge à peu près que Siddhârtha et profondément ému de la condition étrange où il voyait le jeune prince, charmé de ses discours à la fois si élevés et si simples, touché de sa magnanimité et de sa vertu, il fut dès ce moment gagné à sa cause et il ne cessa de le protéger durant tout son règne. Mais ses offres les plus séduisantes ne purent ébranler le jeune ascète et après avoir demeuré assez longtemps dans la capitale, Siddârtha se retira loin du bruit et de la foule sur les bords de la rivière Nairandjâna (2).

Si l'on en croit le Mahâvamsa, cette chronique singhataise rédigée en vers au v" siècle de notre ère, par Mahânama, qui la composa sur les plus anciens documents bouddhiques. le roi Bimbisâra se convertit au Bouddhisme, ou, pour prendre les expressions mêmes de l'auteur. so réunit à la congrégation du Vainqueur, dans la seizième année de son règne. Il était monté sur le trône à l'âge do 15 ans, ot il n'en régna pas moins de cinquante-deux. Son père était lié d'une amitié étroite avec le père do Siddhârtha et c'était là sans doute aussi l'un des motifs qui avaient (1) M. E. Burnouf croit qu'il vaut mieux dire Bimbisâra que Bimbasâraou Vimbasâra. (Voir l'Introd. 4 <M/. du Bouddh. ~d..t<. 1~6.) La transcription chinoise vient l'appui de l'opinion de M. E. Burnouf. Voir iWMoM-e <!e la vie <~ ~M:M)tThsang, par M. Siaulslas Julien, p. 137.

(2) Le Phatgou des modernes. Cette rivière se réunit au Gange près du village de RouinaUân.


disposé Bimbisâra à tant de bienveillance (1). Son flls Adjatâçatrou, qui fut son assassin, ne partagea point d'abord ses sentiments pour le Bouddha et il te persécuta assez longtemps avant de recevoir sa doctrine, ainsi que nous le verrons plus tard.

Cependant, le Çramana.Gaoutama, malgré l'accueil enthousiaste qu'il recevait des peuples et des rois eux-mêmes, ne se croyait pas encore suiBsamment prêt à sa grande mission. I) voulut faire une dernière et décisive épreuve des forces qu'il apporterait dans le combat. Il y avait à Râdjagriha un brahmane p)us célèbre encore que celui de Vaiça)!. ït se nommait Roudraka, fils de Râma et il jouissait d'une renommée sons égale dans le vulgaire et même parmi les savants (2). Siddhârtha se rendit modestement auprès de lui, et lui demanda d'être son disciple. Après quelques entretiens. Roudraka, aussi sincère que t'avait été Arata-Katama, fit de son disciple un égai. et rétablit dans une demeure d'instituteur, en lui disant « Toi et moi nous enseignerons notre doctrine à cette Il multitude. )) Ses disciples étaient au nombre de sept cents. Mais, comme à Vaicai!, la supériorité du jeune ascète ne tarda point à éclater et bientôt il dut se séparer de Roudraka « Ami, lui dit-il, cette voie ne conduit pas à FmdiHérenco pour les objets du monde, ne conduit pas a a l'affranchissement de la passion, ne conduit pas à !'em<' pêchement des vicissitudes de l'être, ne conduit pas au a calme, ne conduit pas à l'intelligence parfaite, ne conduit pas à l'état de çramana, ne conduit pas au Nir(I) M. Georges Tumeur, traduction du A/aMo<MMo, p. 9 ot 10. Voir plus loin, p. 73.

?) Rgya teh'fr ~of pa, do M. Ed. Foucaux, t. eh. xvn I. 233.


« vana. » Puis, on présence de tous les disciples do Moudraka il se sépara de lui.

Parmi eux. il s'en trouva cinq qui, séduits par l'enseignement de Siddhartha et la clarté de ses leçons, quittèrent leur ancien maure pour suivre le réformateur. Ce furent ses premiers disciples (1). Ils étaient tous les cinq de bonne caste, comme le dit la légende. Siddhartha se retira d'abord avec eux sur le mont Gaya; puis il revint sur les bords de la Nairandjanâ dans un village nommé Ourouviiva, où il résolut de rester avec ses compagnons avant d'aller instruire le monde. Désormais i) était fixé sur la science des brahmanes ii en connaissait toute la portée ou plutôt toute i'insuNisance. Il se sentait plus fort qu'eux. Mais il lui restait à se fortifier contre lui-même; et bien qu'il désapprouvât les excès do t'ascétisme brahmanique i) résolut do so soumettre pendant plusieurs années aux austérités et aux mortifications. C'était peut-être un moyen de gagner une considération égale à ceiie des Brahmanes auprès du vulgaire; mais c'était peut-être aussi un moyen de se dompter iui-méme.

Siddhartha avait vingt-neuf ans quand il quitta le palais de Kapilavastou (2).

Ourouvilva est illustre dans les fastes du Bouddhisme par cette longue retraite, qui ne dura pas moins de six ans, et pendant laquelle Siddhârtha se livra, sans que son courage failltt un seul instant, aux austérités les plus (I) La tradition a conservé leurs noms, bion qu'ils n'aient joué aucun r0!e considérable c'était Adjnana-Kaoundinya. Açvadjit, Vashpa, Mahanama, Bhadrika. Voir M. Ed. Fou. eaux, Rgya «iA'ft- ro: pa t. !I, ch. t, p. 2, et eh. xvu, page 285.

(2) M. Georges Turnour A~MpftmM, p. 9.


rudes, c dont les dieux eux-mêmes furent épouvantés, » U y soutint contre ses propres passions les assauts les plus formidables, et nous verrons plus tard comment la légende a transformé ces luttes tout intérieures, en combats où le démon PapiyAn (io très-méchant), avec toutes ses ruses et ses violences, se trouve enBn terrassé et vaincu malgré son armée innombrable, sans avoir pu séduire ou enrayer le jeune ascète qui. par sa vertu, détruisait l'empire de Mara, le pêcheur. Mais au bout de six ans de privations et de souffrances inouïes, et de jeûnes accablants, Siddhârtha, persuadé que l'ascétisme n'était point la voie qui mène à l'intelligence accomplie, résolut de cesser des pratiques aussi insensées et il reprit une nourriture abondante, que lui apportait une jeune niiedu village, nommée Soudjata. Il recouvra en peu de temps ses forces et sa beauté détruites dans ces macérations af.freuses. Mais ses cinq disciples qui lui étaient restés fidèles et l'avaient imité pendant ces six années, furent scandalisés do sa faiblesse; ils le prirent en dédain, et l'abandonnèrent pour s'en aller à Bénarcs, au lieu dit H~Atpa<ano, où il devait iui-memo les rejoindre bientôt.

Resté seul dans son ermitage d'Ourouvilva, Siddhârtha continua ses méditations, s'ii ralentit ses austérités. C'est dans cotte solitude qu'il acheva, selon toute apparence d'arrêter pour jamais et les principes de son système, et les règles de la discipline qu'il comptait proposer a ses adhérents. H prit dès lors personneiiement la tenue et les habitudes qu'il devait leur imposer plus tard; et, par son exempie, ii crut devoir prévenir les résistances que ses préceptes austères pourraient rencontrer parmi les sectateurs mémo les plus enthousiastes. Depuis six ans qu'il errait do villes en villes, de forêts en forêts, le plus souvent sans abri, et ne reposant que sur le sol les vêtements que io chasseur


lui avait jadis codés tombaient en lambeaux. Il fallait les renouveler; voici comment il les remplaça. Une esclave de SoHdjata. la fille du chef d'Ourouvilva, qui se montrait si dévouée pour lui et qui continuait à le nourrir, de concert avec dix de ses compagnes, était morte. On avait enterré cette femme dans le cimetière voisin. Son corps avait été enveloppé d'une toile de çana. espèce do lin assez grossier. SiddMrtha, quelques jours après, creusa la terre et reprit le linceul. Puis. « voulant montrer ce que doit faire un religieux. o il lava ce linceul tout rempli da terre dans un étang, et le façonna do ses propres mains en le cousant. Le lieu où il s'assit en ce moment reçut depuis lors le nom de Pançoukoutasivana. c'est-àdire, la couture du linceul ~). Uc là vient que dans ia suite, il ordonna que ses reiigifjux ne se couvrissent que do haillons rapiécés qu'ils devaient recueillir dans tes rues. sur les routes et mémo dans tes cimetières. Qui d'entre eux aurait osé se plaindre ou résister, quand le rejeton Illustre d'une grande famille roya)o. l'unique héritier des Câkyas. abandonnant la puissance.et ta richesse, avait imposé ces lugubres vêtements à sa jeunesse et à sa beauté? 2

Cependant le terme de ces longues et pénibles épreuves approchait. Stddhartha n'avait plus qu'un seul pas à fran. chir. tt connaissait ses futurs adversaires; ii se connaissait (<) M. Ed. Foueaux, Rgya <cA'<:)' roi eh. xvm p. 256. L'esclave de Soudja~, dont le Bouddha re~tit le funèbre v6tement, s'appelait BMM. Pour les détails qui précèdent et ceux qui vont suivre, il faut toujours comparer )o Foe ~otM et l'histoire de/Kot~ Thsang avec )o /.aK<ot-.tta<« et la légende d'Açoka dans l'lntrod. (t rA.«. du BoH~ ind., do M. E Durneuf, p. 382 pt suit.


tui-meme il était sûr do leur faiblesse et de ses forces mais sa modestie éprouvait quelques derniers scrupule* Chargé du salut des créatures, il se demandait s'il avait enfin obtenu cette vue déNnitive et immuable de la vérité qu'il devait enseigner au monde a Par tout ce que j'ai « fait et acquis, se disait-il quelquefois, j'ai do beaucoup « dépassé la loi humaine; mais je no suis pas encore art< rivé à distinguer clairement la vénérable sagesse. Ce n'est « pas là encore la voie de l'intelligence. Cette voie ne peut « mettre un terme irrévocable ni à la vieillesse. ni à la « maladie, ni à la mort (1). » Puis il revenait aux méditations de son enfance; i) se rappelait ces premières et splendides visions qu'il avait eues jadis dans le jardin do son père. à l'ombro d'un djambou; et il se demandait si sa pensée, mûrie par l'âge et par la réflexion, tenait bien toutes les merveilleuses promesses que s'était faites sa jeune imagination (2). Pouvait-il bien être !o sauveur du genre humain ? q

Dans une do ces fréquentes extases qu'avait to jeune solitaire, après une méditation qui paraît avoir duré, presque sans interruption, pendant une semaine, SiddhArtha crut pouvoir, dans toute la sincérité do son cœur, se répondra à tui-meme aairmativement « Oui. il avait « enfin trouvé la voie forte du grand homme, la voie du « sacrifice des sens, la vole Infaillible et sans abattement, « la voie do la bénédiction et de la vertu, la voie sans tache, sans envie, sans ignorance et sans passion (3); la (1) M. Ed. Foucauit, /f~a tcA'et- roi pa, 1. ti, ch. xvu), p. 263.

(2) /f!em, <&<<<.

(3) /<<<-M,<tM,t.i!,ch.x)x,p.261.


« voie qui montre le chemin de la délivrance. et qui fait a que la force du démon n'est pas une force; la voie qui « fait que les régions de la transmigration ne sont pas des « régions la voie qui surpasse Çakra, Brahma, Mahésvara a et les gardiens du monde; la voie qui mené à la posses« sion de la science universelle, la voie du souvenir et du « jugement, la voie qui adoucit la vieillesse et la mort, a la voie calme et sans trouble, exempte des craintes du « démon, qui conduit à la cité du Nirvana (1). a En un mot Siddhârtha crut à ce moment suprême pouvoir se dire qu'il était enfin !e Bouddha parfaitement accompli c'est-à-dire, le sage dans toute sa pureté, sa grandeur, et dans sa puissance plus qu'humaine, plus que divine. Le lieu où Siddhârtha devint enfin Bouddha est aussi fameux dans la légende que Kapilavastou ie .eu do sa naissance, Ourouvilva le lieu de sa retraite des six années, et Kouçinagara, le lieu do sa mort. L'endroit précis où se révéla le Bouddha est appelé Bodhimanda, c'est-à-dire « le siége de l'intelligence (2); et la (1) M. Ed. Foucaux, Rgya tcA'eft-o: pa, t. i!,ch. x)x, p. 262. (2) Idem, <6M. Voir aussi M. E. Burnouf. /t)<)-o<<. d t'A~t. du Bouddh. ~d., p. 386, et le Foe Aot<e Ni. p. 281 et suiv. li ne faut pas confondre Bodhi avec Bouddhi. Les deux mots ont le mOrne sens en sanscrit, et 'eus deux signifient rinteitigonce seulement le premier s'applique plus particulièrement. cet état d'intelligence qu'atteint le Bouddha quand il est parfaitement accompli; l'autre n'exprime que l'intelligence en général. Voir. pour la Bodhi, le Lotus de !a bonne loi do M. E. Burnouf, p. 796, appendice n" xu. Tout ce récit se retrouve dans une légende chinoise traduite par M. Klaproth. Vo!r!o~oe~OMe~, ch. xxx), p. 285 et suiv. D'après le /.o«M <<e la tonne toi, il semblerait que Bodhimanda 6taH situé dans l'intérieur d'une


tradition a conserve les moindres détails de cet acte solennel. En se rendant des bords de la Nairandjana à Bodhimanda, le Bodhisattva (1) rencontra près de la route, a sa droite, un marchand d'herbes qui coupait « une herbe « douce, flexible, propre à faire des nattes et d'une odeur « très-suave. )) Le Bodhisattva se détourna de son chemin, et, allant à cet homme, nommé Svustika, il lui demanda de l'herbe qu'il fauchait; puis, s'en faisant un tapis, la pointe du gazon en dedans et la racine en dehors. it s'assit, les jambes croisées, ta corps droit, et tourné à l'orient, au pied d'un arbre qui est appelé « t'arbro do l'intelligence, » Bodhidrouma (2). « Qu'ici, surco siège. « dit-il en s'asseyant, mon corps se dessèche que ma « peau, ma chair et mes os se dissolvent, si, avant d'avoir a obtenu l'intelligence suprême, je soulève mon corps do « ce gazon où je l'assieds (3). » tt y resta tout un jour et ville appelée Gaya voir la traduction do AI. E. Burnouf, p. itj. D'après le /~<t tcA'er roi pa, Bodhimanda serait près du nn.nt Gaya voir la traduction do M. Ed. Foucaux, p. 378. ~'OMM Thsang ( voir l'histoire de sa vie, par M. Stanislas Jution, pago ~0) parle d'une ceinture de montagnes près do Bodhimanda (<) Le Bodhisattva est le futur Bouddha, e'est-a.dire l'êlro qui a toutes les qualités requtsea pour dovfnir Bouddha, mais qui no l'est pas encore entièrement.

(2) M. Ed. Foucauit, Rgya <cA'er roi pf!, t. 11, eh. x))(, p. 262, 273,277. On appelle aussi cet arbre Tarâyana, c'est-a dire, qui fait traverser t'ocëan de la vie. /<iom, ~M., p. 366. (3) La position que prit te Bodhisattva a Bodhimanda est cellequelui donnent tous tes monuments Dgurés, statues, basreliefs, tableaux etc., qu'on a découverts ou observés dans t'tndo. Voir, pour un récit un peu ninerpnt, le ZotMs de bonne loi, do M. E. Burnouf, p./tta


toute une nuit sans mouvement, et ce fat à la dernière veille, au moment du lever de l'aurore, à l'instant où l'on est !e plus endormi, ot comme te disent les Tibétains, à l'instant où l'on bat le tambour (1), que s'étant revêtu do la qualité de Bouddha parfaitement accompli et do colle de l'intelligence parfaite et accomplie, it atteignit la triple science (Trividiyâ): a Oui, s'écria-t-il alors, oui, a c'est ainsi que je mettrai fin à cette douleur du monde. » Et frappant la terre avec sa main a Que cette terre a ajouta-t-il soit mon témoin; eitc est la demeure do a toutes les créatures; o)io renferme tout ce qui est moabito ou immobile; elle est impartiate; elle témoignera « quo jo no mens pas (2). »

Silo genre humain n'était pas sauvé, comme put to croire à ce moment Siddhartha, du moins, une religion nouvotto était fondée. Le Bouddha avait alors trente-six ans.

L'arbre sous lequel il s'assit & Bodhimanda était un figuier de l'espèce appelée pt'ppft<a (3); et la vénération des fidèles no tarda pas & l'entourer d'un culte fervent. qui dura do longs siècles (4). Dans l'année 632 do notre èro, c'ost-a-dtre onze cents ans tout au moins après ta mort (i) ~<t<eh'erfo< pa, M. Ed. Foucaux, t. tt, eh. M)), p. 331 et 336.

(2) jMem, <6M., p. 336 et 30&.

(3) Voir Fa Hian dans le Foe Tïoxe ~< do M. AbotRamusat, ch. xxxtv, p. 276, avec tes notes tros.instructives do M. Klap. roth, et Mf~to~o de la vie de /Kot<en y~fan~ el de Ma voya~M, par M. Stanislas Julien, p. 1~ On dit aussi que cet arbre était un s6!a ou un tata. Voir te foe AoMo A<, p. 290, nota extraite d'une légende chinoise par M. Kiaproth.

?) D'après l'Açoka foja~ana ou ~e'xfe d'~ota, c'oat le roi Açolla qui nt construire dos stoppas dans tous los iienx consa-


du Bouddha, Hiouen.'fhsang. le péterin chinois. vit encoro le Bodhidrouma. ou l'arbre qui passait pour t'être. C'étaM à peu près à quinze lieues de Radjagriha. la capitale du Magadha (1). et non loin de la Natrandjana. comme l'indique le Lalitavistara (2). L'arbre était protège par des murs en briques trés-étovés et fort solides qui avaient une étendue considérable do l'est il l'ouest et se rétrécissaient sensiblement du nord au sud. La porte principalo s'ouvrait & l'est, en face de la rivière Nairandjana. La porte du midi était voisine d'un grand étan~ sans doute celui où Siddhârtha avait lavé !o linceul. A i'ouest était une ceinture do montagnes escarpées, et la partie du nord communiquait avec un grand couvent. Le tronc do t'arbro était d'un blancjaune; ses feuittcsétaicn' vertes et luisantes, et, d'après ce qu'on dit au voyageur, elles no tombaient ni en automne, ni en hiver. Seulement, lui diton aussi, io jour anniversaire du Nirvana du Bouddha. elles so détachent tout d'un coup pour ronalire le lendomain plus bellos qu'auparavant (5). Tous les ans, los rois. cres. Voir M. E. Burnouf. Jnhod. <; t'f. dit Bouddh. <nd<M. p. 380, 388. Un ramoau du Bodhidrouma fut miracuicusontent transporte & Cey)an, /.beAo)<a~<, p. 343.

(1) ~o<Md'~OHfny/tMK~,p. <39.

(2) Compnrer entre elles les citations qui viennent d'utro faites un peu plus haut, d'après ta Rgya fcA'er roi pa, do M. Ed. Foucalll. On peut volraussi dansia M~)~ d'Açoka, Introd. <! <“<. 't<t ~OM~. indien, de M. E. Burnouf, p. 393. comment la femme du roi Açoka, Tishya RatMita, essaya do faire périr t'arbro Bodhi, pour lequel le roi faisait d'énormes dépenses. Voir aussi Fa Hian dans te~eAoxcAt, do M. A. deBémusat et). MXU.

(3) ~(.~ do la vie d'~OMM yAta~ <-< (le sos coyaj/M par M. StauistMJu)ien,p. i39, i<)0, lOZ.


les ministres et les magistrats se rassemblaient encore à pareil jour, au-dessous de cet arbre, l'arrosaient avec du lait, allumaient destampes. répandaient des fleurs et se retiraient après avoir recueilli les feuittes qui en étaient tombées.

Près de l' « arbre de l'Intelligence N. Hiouen Thsang vit une statue du Bouddha devant laquelle il se prosterna on en attribuait l'érection à Maitréya, l'un des disciples les plus ronomtxés du maître. Tout à l'entour de l'arbre et do la statue, et dans un espace tres.resserré, on voyait une foulo de monuments sacrés qui rappelaient chacun quelque pieux souvenir. Il no fallut pas moins de huit a neuf jours au dévot chinois pour les adorer tous l'un après l'autre (1). C'étaient des stoûpas et des viharas ou monastères, do diverses grandeurs et de diverses formes. On y montrait surtout à l'admiration des ndetes te Vadjrâsanam, c'est-à-dire le Trône de Diamant (2), l'un des sièges sans doute dont quelque prince avait fait présent au Bouddha, et qui devait disparaître un jour quand les hommes seraient moins vertueux, à ce que croyait la superstition populaire.

Je n'hésite pas à penser qu'à l'aide des indications si précises que nous donnent la J~Mtao'otara Fa Hian et Hiouon Thsang, it no fut possible do retrouver Bodht«) /fMto<fe d'~MoMM 7'~any, p. IM.

(2) .M~ ~M, p. 240. LeVradjraaanan!. dans l'aveugle crédulité des populations bouddhiques, passait pour être coutomporain de)u création, ou plutôt il s'était élevé eu même temps que le ciel et la t9r[o.fout bodhisattva qui voulait devenir Bouddha devait s'asseoir sur ce trône. S'il s'assayaitaitieurs, la terre perdrait son equiiibro. Id. ?.. p. 143; voir aussi M. E. Burnouf, ~th-oft. <t <<. dit FoM~A. <t!(< p. 387.


manda et je ne serais pas étonné que quelque jour un des officiers de l'armée anglaise, si intelligents et si courageux, ne nous apprit qu'il a fait cette découverte; elle vaudrait certainement toutes les peines qu'elle aurait ooûtées, et que probablement on ne se donnerait pas en vain. La configuration des lieux n'a pas changé et si les arbres ont péri, les ruines de tant de monuments doivent avoir laissé sur le sol des traces reconnaissables.

Cependant la retraite du Bouddha sous le Bguier sacré de Bodhimanda.sousieTarâyana, n'était pas si étroite qu'il n'y fut déjà visité. Sans compter Soudjata et ses jeunes compagnes, qui nourrissaient le Bouddha dateurs aumônes, il y vit au moins deux autres personnes, qu'il convertit à la foi nouvelle. C'étaient deux frères, tous deux marchands, et qui passaient près de Bodhimanda revenant du sud, et remportant au nord d'où ils étaient partis, des marchandises considérables. La caravane qui les suivait était nombreuse, puisqu'elle conduisait plusieurs centaines de chariots. Quelques attelages s'étant embourbés, les deux frères, qui se nommaient Trapousha et BhaHiiM s'adressèrent au saint ascète pour sortir d'embarras; et, tout en suivant ses avis, ils furent touchés de sa vertu et de sa sagesse surhumaines. « Les deux « frères, dit le t<)K<<!t)M(<~< ainsi que tous leurs compagnons, allèrent on refuge dans la toi du Bouddha (1). » Malgré ce premier succès de bon augure, le Bouddha hésitait encore. Il était désormais certain d'avoir la pleine (i) jR~a <e&'<a- fo< pa, de M. Ed. Foucaux, t. !t, ch. xxtv, p. 357 et 363, et M. E. Bnrnouf, 7tt«-ot:. à <'M~. des ~OM<MA. indien, p. 389. Le vase d'or dans lequel les deux frères avaient ottert au Bouddha !e lait de leur vache, se nomma depuis ~f6o«<c~'an~r< c'est-e-diro, qui rassasie.


possession de la vérité. Mais comment serait-elle acoueittio par les hommes? Il apportait aux créatures la lumière et le salut; mais voudraient-elles ouvrir les yeux ? entreraient-ettes dans la voie où on les conviait a marcher! Le Bouddha se retira donc de nouveau dans la solitude; et y étant resté dans la contemplation, it méditait ainsi en son cœur « La loi qui vient de moi est profonde, lumineuse, « déliée, difficile à comprendre elle échappe à t'oxamen « elle est hors de la portée du raisonnement. accessible u seulement aux savants et aux sages; elle est en opposi« tion avec tous les mondes. Ayant abandonné toute idée d'individualité, éteint toute notion, interrompu toute « existence par la voie du calme, elle est invisible en son a essence de vide; ayant épuisé le désir, exempte de « passion, empêchant toute production des êtres, elles M conduit au Nirvana. Mais si, devenu Bouddha vraiment « accompli, j'enseigne cette loi les autres êtres no la M comprendront pas et elle peut m'exposer à tours inn suites. Je ne me laisserai point aller à ma miséri« corde (1 ). Trois fois le Bouddha fut sur le point do succomber à cette faiblesse (2); et peut-atro oût-it renoncé pour jamais a sa grande entreprise, satisfait d'avoir trouvé pour lui seul le secret de la délivrance éternetto mais une suprême rénexion vint le décider et trancher sans retour ses irrésolutions. « Tous les êtres, se dit-il, qu'ils « soient infimes, médiocres ou élevés, qu'ils soient très(i) ~~<! teA'ef roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. JI, ch. xxv, p. 368.

(2) ldem, <6M. p. 370. On pourrait montre)' comment la légende fait intervenir l'armée innombrable des dieux dans ces délibérations du Bouddha. Ici je ne le considère qu'h un point do vue tout individuel et tout humain.


a bons, moyens ou très-mauvais, peuvent être rangés en a trois classes un t' ;rs est dans le faux et y restera un « tiers est dans le vrai; un tiers est dans l'incertitude. « Ainsi un homme au bord d'un étang voit des lotus qui a ne sont pas sortis de l'eau d'autres qui sont au niveau « de l'eau, d'autres enfin qui sont élevés au-dessus de a l'eau. Que j'enseigne ou que je n'enseigne pas la loi (c cette partie dos êtres, qui est certainement dans le faux, a ne la connaîtra pas; que j'enseigne ou que je n'enseigne « pas la loi, cette partie des êtres. qui est certainement « dans le vrai, la connaîtra mais cette partie des êtres qui est dans l'incertitude, si j'enseigne la loi la con« naîtra si je n'enseigne pas la loi, elle ne la connaîtra « pas (1). a

Le Bouddha se sentit alors « pris d'une grande pitié « pour cet assemblage d'êtres plongés dans l'incertitude M et ce fut une pensée de miséricorde qui le décida (2). Il allait ouvrir aux êtres, depuis longtemps égarés dans leurs pensées mauvaises, la porte de l'immortalité (3), en leur révélant tes Quatre vérités sublimes qu'il venait enfin de comprendre, et l'Enchaînement mutuel des causes. Une fois fixé sur les bases de sa doctrine, et résolu de tout braver pour en propager les bienfaits, Siddhartha se (t) Rgya "M' vo! po, p. 364, 368, 372.

(2) Idem, ibid. p. 373.

(3) Idem, <6M. p. 371. Voir aussi un passage très-curieux du JP~tM atamMfo cinghalais ZottM de la bonne loi do M. E. Burnouf, p. 376. Pour les Quatre vérités sublimes dont il sera question plus bas dans l'examen de la métaphysique du Bouddhisme, voir la mémoire spécial de M. E. Burnout, ~o<<M de ta bonne loi, p. 6} 7, Appendice n" 6; pour l'Enchaînement mutuel des causes, ibid. p. 630, Appendice n° 6.


demanda quels seraient teux à qui d'abord il la communiquerait. Sa première pensée fut pour ses anciens maîtres de Râdjagriha et de VaiçaM. Tous deux l'avaient naguère accueilli; il les avait trouvés tous les deux purs, bons, sans passion, sans envie, pleins de science et de sincérité. Il leur devait de partager avec eux la lumière nouvelle qui l'éclairait lui-même, et qu'ils avaient jadis vainement cherchée ensemble. Avant d'aller prêcher sa doctrine à Varanac!, la ville sainte, il voulait instruire Roudraka le fils de Râma, et Arâta Kâtâma dont il avait conservé un souvenir reconnaissant; mais dans l'intervalle tous deux étaient morts (i). En l'apprenant, le Bouddha fut saisi d'un profond regret; it tes eût sauvés l'un et l'autre, et ceux-là certainement n'eussent point tourné en dérision l'enseignement de la Loi. Sa pensée se reporta donc sur les cinq disciples <. <. avaient longtemps partagé sa solitude et qui l'avaient entouré de soins pendant qu'il pratiquait ses austérités. Il est vrai qu'ils l'avaient quitté par un excès de zèle; mais « ces cinq personnages de bonne caste n'en étaient pas moins très-bons, faciles à discipliner, « à instruire, à purifier complètement; ils étaient faits n aux pratiques austères évidemment ils étaient tournés n vers la route de la délivrance, et déjà ils étaient aiîranM chis des obstacles qui la fermenta t~t d'autres (2). » Eux non plus ne feraient point d'injure au Bouddha. Il rt.. otut de les aller trouver.

(<) M. Ed. Foucaux, Rgya tcher roi pa, ch. xxvt, p. 376, 377. Compare!; aussi le ZotM de la bonne toi trad. de M. E. Burnouf, p. 19, 25, 62 et 69. Le Bouddha entrevoit do grandes difficultés à faire accepter la toi.

(2) Rgya <eh'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. Il, ch. xxvt, p.378.


Il quitta donc Bodhlmanda, en se dirigeant au nord franchit le mont Gaya qui en était peu éloigné (i), et où il prit un repas (2), et s'arrêta successivement à Rohitavastou, Ourouvilvakalpa, Anâta et SâratM (3) où des maîtres de maisons lui offrirent l'hospitalité. H parvint ainsi à la grande rivière Gangâ, le Gange. Elle coûtait à pleins bords dans cette saison, et elle était extrêmement rapide. Le Bouddha dut s'adresser à un batelier pour la passer mais comme il n'avait pas de quoi acquitter le péage, ce ne fut pas sans peine qu'il put traverser à l'autre rive. Dès que le roi Blmblsàra apprit la diiïtcuité qui l'avait arrêté quelques instants il abolit le péage pour tous les religieux.

A peine arrivé dans la grande villo de Bénarès, le Bouddha se rendit auprès de ses cinq disciples qui se trouvaient alors dans un bois appelé le bois do l'Antilope (mriga dava), lieu a~eié aussi Rishipatana (4). Ceux-ci aperçurent de loin Siddhartha, et tous leurs griefs contre lui se révoinèrent ils n'avaient pas oublié ce qu'ils appelaient sa faiblesse, quand il avait cru devoir cesser d'inutiles austérités et pendant qu'il s'approchait d'eux, Ils se dirent « ït ne faut rien avoir de commun avec lui; il no ()) J~s teA'er n~ pa, de M. E. Foucaux, t.11, ch. xxvt, p. 378. (2) Idem <&M. p. 380. Gaya est aussi le nom d'une ville qui 60 trouvait dans le voisinage, voir M. E. Burnouf,/M<rod.<t Il <<M<of)'e dn Bouddh. ind., p. 387, en note.

(3) On no sait rien de plus sur ces différenies villes. (4) ~t 'ey~f rot pa, de M. Ed. Foucaux, t. 11, ch. xxtv, p. 38i, et M. Stanislas Julien, Histoire do la vie dWoMMt MM~, p. 132. Le ~aM~acMftfa, ch. nt, p. 21, donne uno nïpucanon do ces deux noms do Mrigadava et do RiahipfUana mais pour io dernier l'explication est absutdomeot fabuleuso.


K faut ni aller au-devant de lui avec respect ni se lever a il ne faut lui prendre ni son vêtement de religieux ni a son vase aux aumônes il ne faut lui donner ni breuM vage préparé, ni tapis, ni place pour ses pieds; s'il « nous demande à s'asseoir, nous lui offrirons ce qui dén passe de ces tapis, ou nous garderons nos sièges (t). » Mais cette froideur et cette malveillance ne purent pas tenir longtemps. A mesure que le ma)tre s'approchait, ils se sentaient mal à l'aise sur leurs sièges, et ils voulaient se lever par un instinct secret qui les dominait maigre eux. Bientôt, no pouvant plus supporter la majesté et la gloire du Bouddha ils se levèrent spontanément sans tenir compte de leurs conventions. Les uns lui témoignent leur respect les autres vont au-devant de lui ils lui prennent sa tunique, son vêtement de religieux, son vase aux aumônes; ils étendent un tapis et lui préparent de t'oau pour ses pieds, et lui disent Ayoushmat (soi« gneur) Gaoutama (2) vous êtes le bienvenu, daignez « vous asseoir sur ce tapis, Puis après l'avoir entretenu de sujets propres à le réjouir, ils se placèrent tous d'un seul côte auprès de lui, et Ils lui dirent Les sens Il d'Ayoushmat Gaoutama sont parfaitement purinés sa « peau est parfaitement pure le tour de son visage est a parfaitement pur. Ayoushmat Gacutama, y a-t-il en « vous, bien au-dessus de la loi humaine, le discerne« ment de la science vénérabtc ? »

Le Bouddha leur répondit Ne me donnez pas ta titre (i) Rgya tcA'er t~ pa, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xxv<, p. 381. Fa Hian dans le foe /foMe ~f< de bl. Abel RemuMt, eh. xxxtv, raconte les mêmes faits en tes abrégeant. (2) Idem, ibid. p. 382. Gaoutama est le patronymique do Gotanm, c'est a dire duscondant da Gotama Gotamido.


« d'Ayoushmat. Longtemps Je vous suis resté inutile; je a ne vous ai procuré ni secours ni bien-être. Oui, je suis n arrivé à voir clairement t'immortaiité et la voie qui « conduit à l'immortalité. Je suis Bouddha; je connais « tout, je vois tout. j'ai effacé les fautes, je suis maitre « en toutes lois; venez que je vous enseigne la Loi; écou« tez, prêtez attentivement l'oreille; je vous instruirai en « vous consentant et votre esprit étant délivré par la « destruction des fautes et par la connaissance manifeste n de vous-mêmes, vous achèverez vos naissances, vous « arriverez à être brahmatcharis, vous aurez fait ce qu'il « faut faire, et vous ne connattrez plus d'autre existence n après celle-ci; voilà ce que vous apprendrez. Puis il leur rappela avec douceur le langage peu bienveillant que quelques instants auparavant its tenaient sur lui (i). Les cinq disciples, honteux de leur faute, la confessèrent en se jetant à ses pieds et reconnaissant dans le Bouddha l'instituteur du monde, ils se donnèrent à lui avec foi et respect. Durant ce premier entretien, et jusqu'à la dernière veille de la nuit, le Bouddha leur expliqua sa doctrine; ce furent les premières conversions un peu importantes qu'il opéra.

VarAnaçi, que nous avons appelée Bénarès, est plus sainte encore aux yeux des Bouddhistes que pour les Brahmanes. C'est à Bénarès que le Bouddha prêcha pour la première fois, ou comme s'exprime le mysticisme bouddhique, qu'il fit tourner pour la première fois la roue de la Loi, langage symbolique et sacramentel qu'ont adopté toutes les sectes du Bouddhisme. au Nord, au Sud, a à t'Est, depuis le Tibet et le Népat jusqu'à Ceytan et à la

(!) Rgya fet'ef fot pa p. 383.


Chine (i). Bénarès, si l'on en juge par la description qu'en fait Hlouen Thsang au vu" siècle de notre ère (2). ne devait point avoir, au temps du Bouddha, l'importance qu'elle acquit plus tard. Ce devait être cependant dès cette époque une ville assez considérable et l'un des principaux foyers du Brahmanisme. C'était pour cela sans doute que le Bouddha s'y était rendu. Si à Vaiçâli, à Mdjagriha, les brahmanes avaient des écoles de trois cents et de sept cents disciples, ii est probable qu'à Bénarès leurs auditeurs étaient encore plus nombreux. Le Bouddha ne pouvait trouver un théâtre plus vaste ni plus redoutable pour produire sa doctrine.

Malheureusement, nous avons peu de détails sur son séjour à Bénarès (3). Le ~«MaoM~t'a, qui nous a surtout guidé jusqu'à présent, cesse précisément avec la prédication du Bouddha à ses cinq disciples et ne va point audelà. Les autres Soûtras, qui ne sont point, comme le taMt~MtoM. une biographie régulière deÇukyamouni, (i) C <o rappelle les curieux détails qu'a donnés M. Biot sur les roues b prières des Tibétains, qui ont pris au propre cette fit pression Bgurëo des premiers Soûtras, et qui, pour prier ta Bouddha, font tourner par tours lamas de grandes roues sur lesquelles sont inscrites des formules sacrées. Voir le Journal dos .yau<M<<, cahier de juin iM6.

(2)Hiouen Thsang donne à Bénarès deux lieues de long sur une de large; il y vit entre autres monuments un stoupa haut de cent pieds, et une colonne de pierre haute de soiMnte.dix, qu'avait etovës Açoka sur l'endroit même où le Bouddha avait fait, pour la première fois, tourner la roue do la Loi. Voir M. Stanislas Julien, Histoire de la vio d'JKotMt Thsang, p. 132 et 133.

(3) Voir le .Foe ~o)M /ï< do M. A. Rémusat, note de M. Klaproth sur le ch. xxu, p. 826.


nous apprennent peu de choses sur los luttes qu'il eut vraisemblablement à soutenir contre les Brahmanes de Varanac!. Au point où nous en sommes arrivés de sa vie, et après avoir assisté à la lente élaboration de ses idées, it eût été curieux de savoir quels furent ses premiers succès et ses premiers revers. Mais il faut nous passer de ces renseignements, tout intéressants qu'ils seraient, en attendant que, peut-être, la publication de quelques nouveaux Soûtras nous les procurent. Dans aucun de ceux qui ont été traduits jusqu'à ce jour, nous ne trouvons, pour la suite de la carrière du Bouddha, un récit aussi complet que celui du t«KhM!«aMt. La plupart des Soufras ne comprennent qu'un des actes de sa vie, une de ses prédications il n'en est pas un seul, si l'on en excepte celui-là, qui se soit attaché à une exposition de son histoire. !) nous est possible cependant, à l'aidedes matériaux divers qu'ils nous offrent de reconstruire cette histoire et de J'achever. La vraisemblance n'y fera pas défaut plus qu'au reste seulement l'ordre des faits y sera moins certain. Les événements principaux do l'existence du Bouddha y seront racontés un pou confusément, et il nous sera difficile do dire, avec toute l'exactitude désirable, comment ces événements se sont succédé.

Il pnrait probable que le séjour de Çakyamount à Varanaçl ne fut pas très-prolongé, bien qu'il y ait fait eucore quelques autres conversions. La plus grande partie des Soûtfas connus jusqu'aujourd'hui nous le montrent soit dans le Magadha à Radjagriha, soit dans le Kocota n Çravastt. C'est dans ces deux royaumes qu'il passa presque tout le reste de sa vie, qui devait durer encore environ quarante ans. Les rois do ces deux contrées te protègent, et Ils embrassent l'un et l'autre te Bouddhisme. Bimbtsara est le roi du Magadha, et nous avons déjà vu quelle bien.


voillance il avait témoignée à Siddhârtha (1). quandio jeune prince commençait à peine son apostolat religieux. Cette bienveillance ne se démentit point pendant toute la durée d'un très-long règne. Aussi le Bouddha se plaisaitil beaucoup à séjourner à Râdjagriha, qui était à peu près au centre du royaume (2), et à visiter de là les contrées voisines. Tous ces lieux devaient lui être chers comme ils devinrent sacrés plus tard pour ses sectateurs. Bodhimanda, Ourouvilva, ainsi que je l'ai dit. étaient à peu de distance (3). A deux ou trois lieues de la ville, s'élevait la montagne appelée le pie ou la tour du Vautour (Gridhrakoùta parvata), dont l'un des sommets, vu de loin rappelle en effet la forme de cet oiseau, si l'on en croit le témoignage d'Hiouon Thsang. Le Bouddha aimait à fréquenter cette montagne où se trouvaient de magnifiques ombrages, de fraîches fontaines et des aspects pittoresques et grandioses. C'est là qu'entoure do ses religieux il prêcha le ZottMJe ta bonne M. ie Mahaprajnâ paramita soûtra, sans compter un grand nombre d'autres So&tras (.1). «) Voir plus haut, p. 62.

(2) W«o)'M (!e la vie d'~<ot<Mt Thsang, de M Stanislas Jution, p. 163.

(3) Voir plus haut, p. 6S et 57.

(<)) Histoire de la vie d'o)Mn ï'&<an~ de M. StanMait Ju))e)), p. i6<): Foe/foMe ?, p. 253, 269, 270 Zot~ de bonne loi, de M. E. Burnouf p. 1 et 287, et aussi i'httfod. <t <'A<«. du ~ouddA. <nd., p. i00 et 529. Le mot do Gridhra)<oûta s'est Bn partie conservô dans la dénomination actuelle do Guiddhaur ou Guiddoro. Les Anglais ont ôievé une citadelle sur le point culminant do cette montagne. Il par~t d'ailleurs quo co lieu, naturellement fort, avait, dès los plus anciens temps, servi d'asyio a des proscrits. D'après la citation do M. E. Burnouf, )')~MtMfot«rp')n«p())Mn. ch. XLtx, et. 173G, t. !ii,


Aux portes mêmes do la ville, au nord, se trouvait un superbe vihara. où le Bouddha résidait souvent. Ce Mou s'appelait Kaluntaka ou Katanta vénouvana, c'est-à-dire le Jardin des bambous do Kalanta. D'après Hiouen Thsang (1), Katanta était un marchand fort riche qui avait d'abord donné son jardin à des brahmanes quand il eut entendu la Loi sublime, JI regretta de le leur avoir donné, et il le leur retira. Yt y fit construi une superbe maison qu'il offrit au Bouddha. C'est là que le Bouddha convertit plusieurs de ses plus fameux disciples, Cûripouttra, Maoudgalyâyana et Katyâyana (2); c'est là aussi que devait se réunir le premier concile do ses religieux après sa mort. A une distance plus éloignée de Radjagriha, il y avait aussi un lieu nommé Nsianda où le Bouddha parait avoir fait d'assez longs et d'assez doux séjours, si l'on en juge par la richesse et le nombre des monuments qu'y y éleva plus tard la piété des rois Bouddhistes. Dans l'origine, ce lieu était un jardin de manguiers (amras) appartenant a un riche maître de maison et situé près d'un étang. Cinq cents marchands t'avaient acheté pour en faire don au Bouddha, qui, pendant trois mois, leur avait expliqué la Loi en cet endroit. Aussi les rois qui succéderont à Bimbisara, s'étaient-its attachés à orner ce lieu des plus splendides construotions c'étaient des cou vents appelés du p. A28. éd. de Calcutta) parle do Kehattriyas vaincus qui ao sont retirés & Gfidhfahoûta, pour fuir la vengeance d'un prince. (1) ~MtOtM do la vie tt'J~OtMM yAsNH~ « de <!M MO~M par AI. StanMas Julien, p. <65 ot 166; /%<! /fotM TH. de M. A. Rën)usat, ch. xxx, p. 272.

(2) Csoma do KorOs ~fe de ~d&t;omo«n<, d'aprbs tes autours tibéloins, ~f<f. ~MMfeA., t. XX, t!° partto, p. 2'M foe ~oue /«. <to M. A. Kontusat, cil. itxx, p. 272, et la note doM.KtopM'h.p. 27~).


nom particulier de Sangharamas ~tcux d'assemblée) ils étaient au nombre do six, tous plus grands les uns que les autres, et un roi tes avait fait entourer d'une nouvelle muraille de briques pour les réunir en un seul. Quand Hiouen Thsang tes vit, il les admira comme les plus vastes et les plus beaux édifices do ce genre qu'il eût rencontrés dans l'Inde entière. On y comptait encore, si on l'en croit. dix mille religieux ou étudiants, qui étaient entretenus par les libéralités du roi sur te revenu do plusieurs villes chargées tour à tour do tes nourrir. Chaque jour il y avait cent chaires ouvertes dans l'intérieur do cet immense couvent, où les étôvcs no montraient pas moins do zéto que les maîtres (~. Par une tolérance non moins surprenante, tes sectateurs des dix-huit écoles différentes du Grand Véhicule s'y trouvaient réunis en bonne Intelligence; et l'on y enseignait les Védas en mémo temps que les Soutras bouddhiques sans oublier la médecine et les sciences occultes. Je veux bien que le voyageur chinois ait exagéré les choses; mais it n'en demeure pas moins avéré que cot antique séjour du Bouddha était resté pendant de longs siècles l'objet d'une vénération profonde. Cet établissement pieux n'avait pas moins de sept cents ans de date quand Mioucn Thsang te visita, et y reçut plusieurs mois une hospitalité généreuse et cordiale.

Bimbisara. qui était monté fort jeune sur le trono, no régna pas moins de trente ans encore après sa conversion au Bouddhisme (2) mais son Nts et son successeur Adjata. (1) Histoire de ta~<o<i'Jf<o)<M y/tsanjy, par M. Stanislas Junen.p.lM.iMetsuiv.

(3) AfaMoamM, do M. Georges Turnour, p. 10. On so Mppelle que BitnMs~a avait oté mis par son pbro b la tOto du myaumo, étant peino ng6 do quinze ans; ii on régna cinquantodoux, et n :o convertit dans la sotiitemo annéo do son rosno.


eatrou, qui avait romplacé son père on l'assassinant, no se montra pas d'abord très-favorable il la nouvelle doctrine il dressa plus d'un plége au Bouddha, d'accord avec Dévadatta, le perfide cousin do SiddMrtha (1); mais U se laissa toucher enfin aux vertus et aux conseils du Bouddha, et se convertit en faisant l'aveu du crime qui lui avait acquis le pouvoir suprême. Tout un soutta singhatais, le Samanna phala soutta, est consacré au récit de cotte conversion qui semble avoir et6 l'une des plus diinciies et dos plus importantes du réformateur (2). Adjataçatrou figure parmi les huit personnages qui se partagèrent les reliques du Bouddha et qui avaient droit a los réclamer, à ce que raconte le Dout va tibétain (tome Xt. p. 65S).

Quelle que fût l'affection que te Bouddha put avoir pour te Magadha. pays témoin de son rude noviciat et de ses éclatants triomphes. il parait qu'il y résida moins fréquemment encore que dans le Kooata. Cette dernière contrée, dont Bénarès fait partie. était un peu plus au nord et à l'ouest que le Magadha elle avait pour capitale Çravastl, où résidait le roi Prasenadjit.otdont l'omplacement devait être assez près des tieu;< où est aujourd'hui Fizabad, l'une des villes les plus riches du royaume d'Aoudh (3). Le Bouddha n'était venu a Çravastt qu'avec t'assonti(i) foeAo)t<)/H(teM.AbeiRemasa).ch.M,p.i7Aeti86: Ilistoiro do la oio d'~ouen M<an~ de M. Stanislas Julien, p. i 68 pour DevattaHa at sa haine contre Siddhltrtha, voir on pox plus haut, p. 36.

(2) On pem iiro le Stmanna phaia eoutta dans ta ~anM la bonne loi de M. E. Burnouf, p. ~M9 !) ~88.

(3~ Fn<t'oft«c. <'A<«. du FotKMA. fnd. do M. E. Burnouf, p. 22 et M. Wttson, 7oH)~)ft! o/'f/t~ ''«! a<<at. <ocff< 1. V, p. ~3.


mont du roi Bimbisara (1), et sur l'invitation formelle de Prasénadjtt.

C'était tout près de ÇrâwasH qu'était situé Djétavana. le fameux jardin d'Anâtha Pindika ou Andtha Pindada; !e Bouddha y nt presque toutes tes prédications dont les Soûtras ont consacré le souvenir (2j. D'après ce que rapporte Hiouen Thsang Anatha Pindika, qui devait son nom glorieux à M bienfaisance sans bornes pour les pauvres et les orphelins avait fait présent de ce magnifique jardin au Bouddha. Ministre de Prasénadjit, ii l'avait acheté tui-m~me, au poids de t'or, du fils a!né de ce roi, appelé Djeta, d'où le nom Djétavana, le bois de DJeta (3). Anatha Pindika avait fait construire au milieu et sous les ombrages les plus frais, un vihara dont )o Bouddha fit pendant vingt-trois ans sa principale résidence. Prasénadjlt )ui-m6mo, quand it se fut converti. éleva pour lui une saiio do conférences aituéo t'est de la ville, et dont Blouen Thsang vit encore tes ruines surmontées par un stoûpa (4). (1) Avadana Çataka, cité par M. E. Burnouf, ~n<fod. à t'A~t. dH Bot~ctit. ind., p. ail, et PfMMrye soû'ra, M., ibid., p. M7.

(2) M. E. Burnoof a remarqué que huit sofUMs b pou près sur dix commençant par la formule suivante < Voici ce qui a été entendu par moi Un jour le bienheureux se trouvait h Çravaa'), & Ojotavana, dans le jardtn d'Ana)ha Pindiha. H /H~o<<. d t'A~. '<M Bouddh. indien, p. 22.

(3) Djéta veut dire w le vainqueur, Il nom qui convenait trèsbion h un prince royal db :a caste des KehaUriyas.

M Voir i'A<<to~e dota m'e~e Iliouen y~atty do M. Stanistas Julien, p. i2&. Avant Htouon Theong, Fa M' avait aussi visité ce monastère, Foe ~oua ~< de M. Abol R~musot, p. t79. Voir aussi )o ~'<3t<M'« :o)!<a<<« N<M~a auafMna cité par M K. Bur')ouf,/n()'od. t'Axf. <{f BMddn. indien., f. i76.


Non loin de là s'élevait une tour, restes de l'antique vihâra de Pradjâpat!, la tante du Bouddha. Ce détail et quelques autres donneraient à croire que la famille de Siddhârtha. ou du moins une partie de sa famille était venue le retrouver dans ces beaux lieux oùit était si bien accueilli, et où il se plaisait à rester. Mahâ Pradjapatt était la première femme à laquelle il eût permis d'embrasser la vie religieuse (1), sur les pressantes instances de son cousin Ananda, converti avant elle. A six ou sept lieues de la ville au sud, on montrait encore au temps d'Hiouen Thsang le Heu où le Bouddha revit son père pour la première fois après douze ans d'absence (2). Çouddhodana, désolé de l'éloignement de son fils, avait fait de continuels efforts pour le rapprocher de lui. Il lui avait envoyé successivement Jusqu'à huit messagers; mais tous séduits par l'éloquence et l'ascendant du prince étaient restés avec lui et s'étaient faits religieux. Enfin il lui avait adressé l'un do ses ministres, nommé Tcharka, qui s'était converti comme les autres, mais qui était revenu vers le roi pour lui annoncer la visite que son fils comptait bientôt lui faire (3). Il parait que le père avait prévenu ce voyage on allant personnellement auprès du Bouddha. Mais le Bouddha n'en rendit pas moins au roi de Kapitavastou la visite qu'it en avait reçue. A en croire les auteurs tibétains!, les Çaj!) M. E. Surcoût, /n<M<<. d t'A~t. <ht J9o)<(M/t. <t)< p. 378; M. Abel Rémueat, ~oe/fo«a Ki, p. 3; Csoma de KCr8s, ~<ot. NeMafcAM.t.XX, p. 90.

(2) M. Stanislas Julien Ntst. do ta o~d'~tOM~ Th8ang, p. i26. Fa Hian avait déjà vu 220 ans auparavant le Stoûpa éiavô on ce lieu, yoe ~oxo /ift do M. A. Rémusat, ch. xt)t, p. 108. (3; Csoma deKOrOs, Pie ~amoHKt, ~<<a<. ~MMt'. ehM, t.XX,2'parUo,p. MB.


kyas adoptèrent le Bouddhisme à l'imitation de leur roi. ce qui n'a rien d'improbable et i!s prirent pour la plupart le caractère religieux, que revêtirent aussi los trois femmes du Bouddha, Gopa.YacodbaraetOutpatavarna (1), suivies par bien d'autres.

Malgré la protection des rois et l'enthousiasme populaire, il semble que le Bouddha eut à soutenir les luttes les plus vives et les plus persévérantes contre les Brahmanes. Ces rivalités furent même parfois dangereuses. Il est vrai que le Bouddha ne ménageait pas les critiques à ses adversaires. Non content de les convaincre d'erreur ou d'ignorance sur te fond même do leur système. il les traitait d'hypocrites, de charlatans, de jongleurs, reproches d'autant plus blessants qu'ils étaient mérités (2). Son influence ne s'étendait qu'aux dépens de la leur. et it n'est pas de moyens qu'ils ne prissent pour arrêter des progrès aussi menaçants; leur vanité n'y était pas moins intéressée (1) Csoma deKoK's, Pie de C<i~amouH<)'a<. ~Meare..e<, t. XX, 2' partie, p. 296. Dans los croyances Bouddhiques, to plus grand service qu'un fils pouvait rendre !< ses parents, c'était do les convertir; voir la légenda de Pourna, /n<)'o< <) )'M«. du Bouddh. ind. de M. E. Burnouf, p. 270 et 278. Aussi la légende Mconto.t.eile que )e Bouddha remonta dans le ciel des frayas. tritncatspour enseigner la Loi a sa mère, qu'il n'avait pas connue, mais pour qui il ne ressentait pas moins une affection reconnaissante, Foe /fotte/KdoM. A. BemuMt.chap.xvu, p. i2~, et chap. x~, p. t7i, et ia note de M. Klaproth. Un des devoirs les plus étroits de tous los Bouddhas, c'est de convertir leur mère.

(2) Rgya <eh'er fo! po, do M. Ed. Foucaux, cb. !VM, p. 236, 230etsuiv.; M. E. Burnouf, /H«-e< à t'/tM. ~H~o)«M~. M-, p. M8 et suiv.; /.of<M <te la CoMtto loi, p. ~M, dans le Tôvidjdja Soutta du Mgha Nihaya singhatais.


que leur pouvoir. Une légende, intitulée te Pr~tM~a .SMMfa, est consacrée presque entière au récit d'une grande déMte que subirent tes Brahmanes vaincus par le Bouddha en présence de Prasénadjit (1 ) c'est comme un tournoi dont le roi et le peuple sont les juges. Dane une autre tégende, plus curieuse encore, on voit les Brahmanes faire promettre au peuple de la petite ville de Bhadramkara (2). qu'<!< dominent à leur gré, de ne point recevoir le Bouddha, qui s'approche. On convient d'une amende contre quiconque oserait se rendre auprès de lui et le peuple consent à tout ce que veulent tes Brahmanes. Mais quand Bhagavat est entré dans la ville, une Brahmine de Kapilavastou, mariée dans le pays, enfreint la défense. Elle sort pendant la nuit. escalade tes murs avec une échelle, et va se jeter aux pieds du Bouddhf pour entendre la Loi. Elle sait se faire suivre bientôt d'un des plus riches habitants de la ville, appelé Mendhaka, qui harangue le peuple et l'entraîne en un instant auprès du libérateur que les Brahmanes voulaient humilier et proscrire (3). Les choses allaient encore quelquefois plus loin, et autant qu'on peut en juger par tes traditions qu'ont rapportées Fa Hian et Hiouen Thsang (4). le Bouddha dut être assez souvent menacé dans sa personne et jusque dans sa vie. H n'y a (i) M. E. Burnout, /t)<M(!. !'M«. <!« Bot«M~. M)<t., p. 162 et suiv.

(2; Bhadramkara était à 66 ycajanas ou 86 lieues au sud de Badjagdha, Zo<MO de la bonne tôt de M. E. Burnout, p. 689. (3) Men~ato avaddna, dans le Divya avaddua, cité par M. E. Burnouf, jhttrot:. d !'Mt<. <h< Bouddh. M~ p. 190 at suivaNtes.

(ù)foe~oMeJ:tdoM.d6Remusat,ch.xx,p. 173,183 et267; N<«o<re de la vie ~'Jif<o«ett y~o~, de M. Stanislas Julien, p. 126,163,26& et 200.


rien en ceci ~ui puisse nous étonnf et s'il est quelque chose qui doive nous surprendre, c'est que le Bouddha n'ait point succombé aux embûches dont il fut certainement entouré.

S'ti reste des obscurités dans quelques parties de son existence, il n'y a pas le moindre doute sur le lieu de sa mort. Toutes les légendes, Sdns exception, s'accordent à le placer à Koucinagart ouTïoucinâra, en Pâ!i (i), dans !e royaume de Koucinagara, qui faisait sans doute partie du Koçala au temps de Prasénadjit. Le Bouddha, âgé de quatre-vingts ans, revenait de Radjagriha dans le Magadha (2); il était accompagné d'Ananda son cousin et d'une foule innombrable de religieux et do disciples (3). Arrivé sur io bord méridional du Gange et sur io point de io passer, it se tint debout sur une grande pierre carrée, regarda son compagnon avec émotion et lui dit C'est pour la der« nière fois que je contemple de loin la ville de Md)a(i) Voir la légende d'Acoka, dans i'/H~od. à fht<<. du /?OM(!dh. dnd. de M. E. Bm'nou!, p. 389; voir aussi, dans !o même ouvrage, la note de la page 86 et le AohM de la bonne loi, p. <)M; Foe Kouo ~'< de M. A. Rémusat, ch. xx)v, p. 236 et 236; ~totfo de la vie dTKotMt yAtan~, par M. Stanislas Julien, p. i30.

(2) Ceci est une induction que 1e tire de l'itinéraire d'Hiouen Thsang. Autant qu'on peut le suivre au milieu de détails assez confos, il semble que le Bouddha quitte le Magadha au sud du Gange, qu'il passe le fleuve en se dirigeant au nord, et qu'il atteint le royaume de Kouçinagara en allant versKapilavastou, qu'il désirait peMt.Ore aussi revoir avant de mourir. (3) Foe ~otM de M. A. Rémusat, ch. xxtv, p. 236, avec la note de M. Klaproth, p. 337, et ch. xxvu), p. 336 et i'~<toire d'B'<oweM 77t<aM~, par M. Stanislas Julien, p. <3i et 283.


« griha et le Trône de Diamant (Vadjrâsanam) (1). ? » Après avoir traversé le Gange, it visita la ville de VaioaU, à laquelle il fit, dans les mêmes termes à peu près, d'aussi touchants adieux, et il ordonna tui-meme plusieurs religieux, dont le dernier fut le mendiant Soubhadra 12). II était à une demi-lieue tout au plus au nord-ouest de la ville de Koucinagar!, dans le pays des Maiias et près de la rivière Atchiravati (3), quand il se sentit atteint de défaillance. Il s'arrêta dans une forêt de catas, sous un a '<re de cette espèce (shorearobusta), et y mourut; ou bien comme le disent les légendes bouddhiques, il entra dans le Nirv&na. Hiouen Thsang vit encore quatre calas d'égale hauteur sous lesquels, disait-on le Bouddha s'était assis pour rendre le dernier soupir (4). Le Bouddha mourut la (1) Histoire de la vie d'NtOMM Thsang, par M. Stanislas JuUen, p. 139.

(2) /detM, <Md., p. 136, et M. E. Burnout, Jntrod. A M'" du Bouddt. ind., p 78 et 87, ~tra de J)f<!H~d«-f, dH Divya «t'addna, et aussi p. 23&; Lotus do la Sonne loi, p. 336. (3) D'après une note de M. E. Bornouf, ~o«M do la bonne loi. p. Mi, i'~e~traoaH ou Nf''ao~ca« serait la Nap« des modernes, dont te nom ne serait qu'une abréviation mutuéedn mot ancien. Voir aussi i'jrntfod. d rM«. <!« Bouddh. <n< p. 86. Le major Canningham, qui est allé sur les lieux, plaçait la forêt de ÇMas, dont parle Hiouen-Thsang, entre la Rapt! et la petite GandaM; il croit aussi que les ruines de Koucinagad se retrouvent actuellement dans le voisinage, au lieu appelé Koasta (7ot<ft. of <ht '-oy. a<<at. <'oc<e< tome XVU, 1" partie. p. 30). Dans uno de ses notes, M. E. Burnouf se promettait de revenir sur ce dernier voyage que fit Ç&kya de RMjagriha Koucin&ra; la mort l'en a empaeM.

(ù) ~<o<re de la vio d'N'ctteM Thsang do M. Stanislas Julien, p. 130 et 36~. Les légendes bouddhiques no parlent ordi-


huitième année du règne d'Adjataoatrou, si l'on s'en rapporte à la chronologie singbalaise (NoM~tMa de M. Turnour, p. 10).

Le Dout va tibétain raconte en grands détails les funérailles qui lui furent faites. Elles eurent toute la solennité de celles qu'on réservait alors aux monarques souverains appelés Tchakravartins (1). Le plus iiiustre de ses disciples, Kacyapa, l'auteur de i'Abhidharma, qui était alors à RMjagriha, et qui allait jouer un si grand rote dans le premier concile (2). se rendit en toute hâte & Koucinagart. Le corps du Bouddha ne fut brute que le huitième jour. Après des contestations qui faillirent devenir sanglantes et qu'on ne put apaiser qu'au nom do la concorde et de la douceur toujours prechées par le réformateur, ses roliques furent divisées en huit parties, parmi lesquelles on n'oublia pas cotte des Çahyas de Kapilavastou. Tetie est, dans ses traits principaux, la vie de Çakyamouni (3). Tous les faits qu'ello renferme sont tellement naturels, tout grands qu'ils sont, que je n'hésite pas & les nairement que de deux calas au Heu de quatre. Voir te ~mttra de .itMn<M<KW, /<tff0t! d t'AMf. du FoM<MA. t'txT., p. 87, et le yoc~MM ~t de M. A.Remueat, ch. <:[)v, p. 236, avec la note do M. Ktaproth, p. 2!)7.

()) Csoma de KorOi', tmd. du Z~OM! va, t. XI, p. 635, ~'af. ~eMar., tomo XX, 2° partie, p. 309 et suiv.

(2) Histoire (tWoMett y~MH~ de M. Stanislas Julien, page 186, et 7tt(fo< d MM. <tM ~ot«!d~. <)td. de M. E. Burnouf, p. ~6 et 446; Foe Roue ~< do M. A. Romusat, ch. M)t, p. 240. (3) Htouen Thsang en donne un rpsumo succinct; voir t'/f<<foire de sa vie el de <M oo~M, par M. Stanislas Julien, pago 282; et aussi i'Acoha avadane, donsl'Introd. <t t'A~t. <<H~o)«!d/t. ind., do M. E. Burnout, p. 382 et suiv.


croire vrais, d'après tant de témoignages et conoordants qui nous les attestent, Je l'ai racontée telle qu'elle ressort des documents de toute sorte qui sont déjà connus, et que des documents nouveaux pourront seulement compléter. sans devoir y rien changer d'essentiel. Lafigure du Bouddha nous apparaît dans les conditions les plus simples et les plus croyables. Si elles nous révèlent la grandeur de son génie, elles nous expliquent non moins clairement l'immense empire qu'il a exercé sur les esprits. Mais Je dois to dire en historien sincère j'ai transformé les légendes bouddhiques en leur empruntant le récit vraisemblable qu'elles m'ont fourni. Je t'en ai extrait fidèlement et je n'y ai rien changé. Mais ces faits sont trop simples pour avoir suit! à l'imagination superstitieuse des peuples indiens. Les légendes les ont noyés dans une foule do détails extravagants et fabuleux, que je dois faire connattre aussi, du moins dans leur caractère général, ann qu'on sache avec précision ce que valent les livres canoniques du Bouddhisme, pour avoir fait une si grande fortune dans le monde asiatique. Le lecteur sourira quelquefois en parcourant ces légendes, qui, le plus souvent, courront grand risque de lui causer un insupportable ennui. Mais ces foties aussi font partie de l'histoire de l'esprit humain, qu'il faut toujours étudier sans dédain, marne alors qu'il s'égare dans ces rêveries monstrueuses. Ceci d'ailleurs, pourra contribuer à nous faire mieux connattre l'intelligence des peuples auxquels s'adressait le Bouddha, et qu'il devait réformer.


Ili.

LÉGENDE DE ÇAKYAMOUNI.

Voici t'analyse exacte du AaK<ac<~ar<t, dans sa partit) fabuleuse je donnerai ensuite colle du ~o«M de la bonne loi.

C'est Ananda, cousin du Bouddha, qui porte la parole et qui est cens6 l'autour de ce Soûtr! classé parmi les So&tras dévctoppos ou de Grand Véhicule. Ananda se borne a rappeler ce qu'il a personnellement entendu, comme l'indique oetto formule par laquolie débutent tous les Soûtras et qui en fait des dépositions do témoins irrécusables aux yeux do l'orthodoxie « Ce discours a été a un jour entendu par moi. Bhagavat, le Bouddha, est à Çravast!. à Djotavana. dans le jardin d'AnAtha Pindika. ït est entouré de douze mille bhihshous. parmi lesquels figurent au premier rang ses cinq disolples, et do trente deux mille bodhisattvas « tous assujetia à une soule et « dernière no~sanoe tous vraiment parvenus à l'état do « hodhisattvas. tous arrivés à l'autre rive, eto., etc. » A la première veille de la nuit, Bhagavat fut plongé dans la méditation calme, appelée Arrangement des ornements du Bouddha. A peine y fut-il ptonge qu'une excroissanee s'étant élevée au sommet de sa tête, elle le fit souvenir exactement do tous les Bouddhas antëdours; et la lumière de la science sans passion s'étant produite, il éolalra aveo elle les demeures des dieux et d'un nombre incalculable de fils do dieux. Toutes c"s divinités. appelées par des stances d'exhortation, qui sortent des réseaux de lumière dont est enveloppé te TatMgata. se rendent auprès de lui, et le supplient do vouloir bien leur enseigner cette partie de la Loi qu'on nomme io Zo!«a~a. Bhagavat,


touché de compassion pour ces bodhisattvas mahasattvas, ces mahacravakas, pour los dieux, les hommes, tes Asouras et le monde, consent par son silence à la prière qu'Os lui adressent; et il prend la parole pour leur raconter luimême le Z.aHttK~htfa.

Tel est te premier chapitre, et nous voyons déjà. sans qu'il soit besoin d'aller plus loin à quelle patience il faut nous préparer pour ne pas repousser dès te début, tout examen do telles extravagances mais it faut s'armer do courage et continuer.

Adoré par ceux qu'on adore recevant les hommages de Çakra de Brahma. de Mahésvara, des gardiens du monde et do tous les dieux inférieurs, la Bodhisattva quitte le Touchita te séjour do la joie et il se rond au grand palais do Uharmotchaya (nœud do la toi). C'est ta qu'it doit instruire l'immense assemblée qui l'écoute et qui se monte à soixante-huit kotis de personnes, o'ost-àdire à six cent quatre-vingt millions d'ôtrcs, tous assis sur des sièges splendides (1). Bhagavat annonce d'abord quo ce n'est que dans douze ans que le Bouddha doit entrer dans le sein d'une mère et pour que cet événement s'accomplisse avec toutes les conditions nécessaires, il so livre aux quatre grands examens, ce sont l'examen du temps, l'examen des continents, l'examen des paya et l'examen des familles (2). C'est que les Bodhisattvas, au premier développement du monda, lors du rassemblement (1) T~s ?&'<)<' roi pa de M. Ed. Foucaux, t. H, chap. li, p. <0 et H, et chap. u), p. <8.

(2) .MM), <&M., p. iSetSi. Voir aussi une légende chinoise, traduite par M. A. Rémusat, qui a reproduit tous ces dëtatia, en tes puisant sans douta dans ta ZaMts~tora, fooAot<e7ï<, notes du chapitre x, p. 72.


dos êtres, n entrent pas dans le sein d'une mère. Mais quand le monde s'est manifesté tout entier, et que sont apparues la vieillesse, la maladie et (a mort, c'est alors que tes Bodhisattvas entrent dans le sein d'une mère. Voita pourquoi Bhagavat fait l'examen du temps. S tt examine les continents, c'est qu'un Bodhisattva ne peut naitro dans un continent de la frontière il ne peut naltre davantage dans )o Vidëha do l'est, ni dans le Godani de l'ouest. ni dans le Kourou du nord. tt no peut nattro que dans ta continent du sud. le Ujamboudvipa (t'tndo). tt ne saurait naître non plus dans un pays do la fronttofo. « parmi des hommes stupides, aux sens lourds. d'une nature muette comme cotte des moutons, et incapables do distinguer te bon enseignement du mauvais, o tt no natt que dans un pays du milieu. Si onnn le Bodhisattva so livre a l'examen dos familles. c'est quo les bodhisattvas no naissent point dans une famille objecte, eotto d'un <ctMnda)a, d'un joueur de Mto. d'un charron ou d'un domestique. Ils no naissent que dans doux castes, celles des brahmanes ou dos hshattriyas. MÎon que t'une ou l'autre est la plus respectée dos peuples à co moment.

Cependant la mute des dieux so demandent a voix basse « dans qaettopbrto do famille n nattra to Bodhisattva. On propose d'abord la famiUe de Vatdeht. du pays do Magadha. Mais cette famitte n'est trouvée assez pure, ni pour la descendance de la mère, ni pour la descendance du t.ôro. Eito est d'ailleurs pou retigteuso, ello est sauvage insconstante et mobile. Elle no peut donc convenir au Bodhisattva. On propose ta famille do Kocato. Mats pa nliation n'est pas non plus assez noblo; on remontant a son origine, on y trouverait du sang do Matangas (paria): d'ailleurs elle n'est pas assez riche. et sa considération n'est point sumsanto. h'autros proposent la famillu du roi


Vadsa mais elle est issue d'hommes étrangers ctto n'est pas assez illustre; « et le roi y parle de destruction. » Après cos trois premières familles, cella de Vaiçai! est égalemont renoussée. Cette ville sans doute est magnifique et trôs- upteo mais M on ne s'y accorde pas dans los entretiens; on n'y observe pas la Loi. on n'y respecte ni supérieur. ni homme mûr, ni vieillard ni chef. Chacun se dit Je suis roi; et en pensant: Je suis roi, nut no vout se soumettre à la discipline, ni à la toi (t ) La famille do Pradyota, dans la oitod'Oudjayant. est puissante a ta guerre; mais on y est emporté violent et cruol. La viHo do Mathoura semblerait convonabto pour la naissance du Bodhisattva mais le roi Soubahou, qui la commando, est n6 dans une famille M qui a toujours eu des vues fausses, » et it règno sur des hommes pareils aux barbares (2). On repousse encore ta famille d'Hastinapoura, bien qu'etto descende dos Pandavas, parce que sa généalogie est trop confuse et enfin cello do Mithita, parco que ta roi Soumitra est trop vieux, et qu'il a déjà do nombreux enfants (3).

Les dieux, embarrasses et no sachant sur quelle famillo arrêter leurs conjectures, s'adressent au Bodhisattva luimeme. Le Bodhisattva tour répond en énumérant les soixante-quatre signes dont est douée ta famille qu'il n choisie Il les nomme un a un, et ce sont autant de vertus. Cette famille est noble otto est d'une descendance acfomptie elle n'est pas ambitieuse elle a dos mœurs pures, elle est sago et elle fait de ses richesses le plus magniflquo emploi ctto est cnnatnnto dans son amitié elle con(<) ~f< fcA'e)- rot t'«, do M. Kd. t-'ouMux, t. tt, chaf. m, p. 28.

<2) Mem, ibicl.

(3) Mcm, «ttff.


na!t ses devoirs elle ne se conduit pas par le désir. par la passion, par l'ignorance, par la crainte; elle est ferme dans son héroïsme oMe honore tesrisMs elle honore les dieux, les Tchaitvas, les mânes; elle ne conserve pas d'inimitiés; en un mot, cette famille est parfaite on tout (1). La femme dans le soin de laquelle entrera !o Bodhisattva, n'est pas moins accomplie car elle possède les trente-deux espèces do qualités elle est exempte do tous tes défauts des femmes. Les dieux dont la curiosité est plutôt éveillée que satisfaite, cherchent quelle peut eue cette heurt, aso famille, et cotte femme plus heureuse encoro et ils no voient dans le monde quo la race des Çakyas, te roi Çouddhodana et la reine Maya-Dov! qui réunissent tant de vertus et de perfection. C'est aKapitavastou. et do ces deux êtres accomplis que nattra le Bodhisattva a car aucune autre femme n'est capable de porter ce proM mior des hommes (2). »

Sur te point do quitter les dieux du Touchita pourdcfi. cendre en ce monde. le Bndhisattva, du haut do son trono. veut s'adresser une dernière fois à eux pour tour rappeler les préceptes do la Loi. U leur en Indique d'abord « tea portes évidentes, a qui sont au nombre de cent huit. et dont los principales sont ta foi, la pureté. la retenue, la Menveittanco. ta piti6, la modestie, !a connaissance do soi-même (atmadjnata), le respect; mais où sa trouve aussi l'acquisition des formutos magiques (3). Puis, après cette longue ot complète unumeratton.it ajoute, en se (f) /<!W <eh'<~ ~< ff, ~M. M. i-'uuca))!(, ii. chap. M, p. 36.

(3) ~fem, ?<< ch. ))), p. 20.

(3) Aynn,~M.,c)) tv,}'. Mu'~t'


séparant des dieux, qui racontent dans le plus respec. tuoux silence:

« Evitez bien toute immodestie. Tous les plaisirs divins a et purs, nés de l'esprit et du cceur, sont le fruit d'une « ouvra vertueuse. Ainsi, souvenez-vous de vos actions. <' Pour n'avoir point amassé ces vertus antérieures, vous « niiez aujourd'hui là où, loin du bien-être, on éprouve la misère et l'on souffre tous les maux. Lo désir n'est <' ni durable ni constant il est pareil a un songe, au « mirage, a unoiiiusion. nt'cciair, a i'écumo. Observez « tes pratiques de ta Loi; à qui observe bien ces pratiques « saintes..i n'arrive point do mal. Aimnntia tradition, la morale et l'aumône, soyez d'une patience et d'une puret6 accomplies. Agissez dans un esprit do bionvoiitanco réolproquo, dans un esprit do secours ()). Souvenezvous du Bouddha, do la Loi et de i'Assombtee. Souvoa noz-vous de la modestie. Tout co quo vous voyez en mot de puissance surnaturelle, do science et do pouvoir, « tout cola est produit par t'muvre de la vertu. qui en « est la cause tout cola vient de la tradition, do la moraie et do la modestie. Vous aussi agissez avec cette « retenue parfaite. Ce n'est ni par des sentences, ni par H des paroles. ni par des eris qu'on peut atteindre la doctrine de ta vertu. Acquérez-la en agissant; comme vous parlez. agissez; que des efforts continuels soient faits par vous. tt n'y a pas de don pour tous ceux qui ont H agi; mais qui n'agit pas n'obtient rien. Abandonnez t'otguoi). la Morte ot t'arroganee toujours doux et ne « déviant jamais du droit chemin, faites diligence dans la voie du Nirvana. Exorcrx-vous a t'cxamon do la route (<) ~t M'f)' fott'tt, du M Ed t-'nuMux, 1. )t, chi))). tv, j'. /)8.


« du salut, et dlssipea complètement te ténèbres de ngnoe rance avec la lampe do la sagesse. Débarrassez-vous n du Ntet dos fautes ~uo le ropontir accompagne. Mais « qu'est-il besoin d'en dire davantage? La Loi est remplie a de sens et do pureté. Au temps où l'intelligence sua promo aura été obtenue par moi, au temps où tombera a la pluie de la Loi qui mène à l'immortalité, en possesa ston d'esprits parfaitement purs, revenez pour entendre <' do nouveau la Loi que je vous oxpHquorai (I). Malgré cette exhortation solonnello, les dieux n'en sont pas mains désolés du départ du Bodhisattva mais afin d'apaiser leur douleur, it leur laisse le Bodhisattva Maitréya, qu'il sacre en lui mettant do sa main sur la tête sa tiare et son d)ad6me. C'est Maitréya qui doit lui succéder en qualité do Bouddha, quand ie monde perverti aura perdu tout souvenir do la prédication duÇaky&mouni (2). Le Bodhisattva descend don" dans te sein do sa mère; et n pour accomplir la prédiction contenue dans les BrahmAnas et tes Mantras du Rig.Vétta, a ii prendra la forme d'un éléphant, armé do six défenses, couvert d'un réseau d'or, à la tête rouge et superbe. à la mâchoire ouverte et d'une formo majestueuse. Huit signes précurseurs annoncent sa venue dans la demeure de Çouddhodana. Le palais se nettoie de tui-méme tous les oiseaux do l'Himavat y accourent, témoignant leur allégresse par tours chanta los jardins se courent de fleurs; les étM)gs sa remplissent do lotus hs n)o!s do toute espèce paraissent toujours entiers quoiqu'on !cM emploie en abondance tes instruments do musique rendent d'eux-mêmes. et sans (t) ~a (cA'er roi pa, do M. Ed Foucaux, t. H, chap. IV, p. M.

'2) /(f<'M). <&M.,t)t. Y, )). 6t.


qu'on tes touche, des sons mélodieux tes écrins do pierres précieuses s'ouvrent spontanément pour montrer leurs trésors; enfin le palais est ittuminé d'une splendeur surnaturelle qui efface celle du soleil et de !a lune (i). Tel est le prologue, en quelque sorte, du drame qui se développa dans to i.aM<a))M<ara ta scène se passe dans te ciel avant do s'ouvrir sur la terre. Cette exposition no manquerait pas d'une certaine grandeur, si la forme et le stylo répondaient & la majesté do t'ideo mais on sent trop que c'est une puro fantaisie d'esprit, et que l'auteur morne du récit se joue de ce qu'il raconte. Mo plus, tes détails dans l'original sont tellement longs et si fastidieux. que la conception première disparatt presque entièrement, pour faire ptaco a des répétitions sans fin, et aux Invraisemblances les plus nauséabondes, quand elles no sont pas les plus monstrueuses.

Lorsque le Bodhisattva, venant se poser sur le sein fortuné de sa m6re. descend du Touchita c'est a la vue de tous les dieux it est entoure do Bodhisattvas et de centaines de millions do divinités (2). Maya-Dôv!, sa mère a fait cependant un songe otto a vu entrer dans son soin un éléphant. Tout effrayée do ce présage, elle communique ses craintes au roi Çouddhodana on appotto, comme nous l'avons vu. des Brahmanes très-habites à expliquer la sens du Rig-Véda et des Castras et on leur demando d'interpréter le songe. Los Brahmanes rassurent le roi et la reine, en leur laissant toutefois un doute sur t'avenir de leur fils, qui pourra bien un Jour abandonner la couronne pour se faire religieux.

(1) ~t/« (eh'er roi pa, de M. M. Foueoux, ch. v, p. 53 et 6<< ZottH <fe <a bonne toi, do M. Ë. Uurnouf, p. 302. (2~ /fh-H), ibid., p. {'8


pondant tout le temps que le Bodhisattva demeura dans le sein de Maya-Dév!, it y resta toujours du côté droit, et assis, ~as jambes croisées. Voilà les étranges détails où légende sacrée croit devoir entrer mais ceci n'est encore rien, et ce qui suit est bien plus extraordinaire et bien plus insensé. Quelques-uns dos fils des dieux sont tout étonnés que le Bodhisattva M pur et exempt do toutes « taches, bien élevé au-dessus do tous les mondes, le plus « précieux de tous les êtres, H demeure ainsi dans te sang impur d'une mère, quand les simples rois des Gandharvas. dosKoumbhandas. desNagas. et dos Yakshas, dieux inférieurs évitent toujours la souilluro d'un corps humain. Alors, devinant cette pensée dos fils des dieux, !o Bouddha se fait faire une question par Ananda; et, pour y répondrn, it lui apprend quelle a été son occupation dans le soin do sa mère. ce qu'on appelle « te pré« ciaux exercice du Bodhisdttva. Lo Bouddha raconta donc, avec les détails les ptus protides et tes plus confus. la visite que Brahma, le mattre des créatures, est venu lui rendre dans le sein do MAya.Dév! (1). Brahma, après avoir salué avec la tête les pieds do Bhagavat, lui a offert une goutte de rosée qui contient tout ce qu'il y a d'essence, do vitalité et de tiqueur génératrice dans les trou grands milliers de mondes. A la suite de Brahma, Çakra to mettre des dieux tes quatre grands rois des dieux inférieurs, quatre déesses et une multitude do divinités viennent adorer le Bodhisattva, le servir et recevoir do lui l'enseignement de la Loi. c En ce moment, Bhagavat n dit & Ayoushmat Ananda Ananda, vois-tu ta précieux exercice do t'ouvre du Bodbisattva, qu'il fit Jadis quand (t) /ft tc/t'f)' roi )'a do M. Ë!). t'oucaux t tt, ''h. Y), )'. (M.


« il demeurait dans le sein de sa mère ?Ana.M reponn « Bhagavat, je le vois Sougata je le vois. Quand le « Tathâgata l'eut fait voir à Ayoushmat Ananda, à Çakra, «temaitre des dieux, aux quatre gardiens du monde. « aux autres dieux et aux hommes, tous alors furent rem« ptis do satisfaction, de joie et d'allégresse. Brahma, le «maître des créatures, l'emporta dans le monde de « Brahma pour lui bâtir un tchaitya, et l'y déposa (1). » Je ne citerais point ces folies, si elles ne servaient d'abord à faire connaître la singulière tournure d'esprit des Bouddhistes. et ensuite à montrer à quelle distance ils placent leur Bouddha au-dessus de tous les dieux du Panthéon brahmanique. Brahma, Indra et tout ce que ce Panthéon renferme de plus vénéré et de plus grand, sont à peine dignes de servir le Bodhisattva et avant même qu'il ne soit né, les Bouddhistes prosternent devant lui les objets les plus respectés de la superstition populaire. Le t.aH«tM«<M-<t, comme nous l'avons dit (2), n'est pas t'œuvre des disciples immédiats du Bouddha; et, selon toute apparence. ils no tenaient pas, du temps du maître et aussitôt après sa mort, ce langage arrogant. Mais, en trois ou quatre siècles au plus, la doctrine nouvelle avait fait assez de progrès pour qu'on pût traiter avec ce mépris insultant les adorations du vulgaire. Parfois cet excès même d'outrage semble avoir scandalisé l'autour qui se le permet; et le roi Çouddhodana, qui assiste comme spectateur à toutes ces évolutions des dieux devant son n)s, qui n'est pas encore né, ne peut se défendre de quelque scrupule. Tout joyeux qu'il est d'être le père du futur Bouddha, il s'étonne et se dit « Celui-ci est bien le dieu (1) B~« <e&'er roi pa de M. Ed. Foucaux, 1.1!, eh. vt, p. 79.

(2) Voir plus haut, page IU.


« des dieux que les quatre gardiens du monde, que « Brahma, Indra et les dieux réunis entourent de si grands « respects; celui-ci sera bien véntaMement Bouddha. e Dans les trois mondes, un dieu, un Naga, Indra, Brah« ma, les gardiens du monde, pas un être enfin ne souf« frirait une pareils adoration, sans que les autres ne lui « brisassent la tête et ne le privassent de la vie. Mais « celui-ci parce qu'il est plus pur que les dieux souffre « toutes ces adorations (1). »

Je ne raconte pas les signes précurseurs qui annoncent la naissance du Bouddha, ni les soins dont sa mère MâyaDévi est entourée par les Dieux dans le jardin de Loumbint o& elle accouche sous l'ombrage d'un plaksha debout, et appuyée, pour se soutenir, sur une des branches de l'arbre Indra, le roi des dieux, et Brahma, le maître des créatures. se tenaient devant elle et ce sont eux qui reçoivent l'enfant (3). Ils le baignent et le lavent de leurs mains, précaution assez inutile, puisqu'il n'avait été souillé d'aucune tache dans le sein de sa mère, dit la légende, et que de plus il en était sorti tout enveloppé d'un superbe vêtement de soie de Kaçi (Bénarès) (4). Aussitôt (i) .?~0 tcA'ef roi pa, de M. E. Foucaux, t. tt, ch. M, p. 85. (~ ~a <eA'ef)'o< pa, de M. Ed. Foucaux, t. il, ch. vo, p. 87. Ce sont la tes détails qui sont reproduits dans tous tes monuments bouddhiques où l'on a représente la naissance du libérateur. Voir le bas reitet du musée de Calcutta qu'a donné M. Ed. Foucaux à la suite du Rgya <c&'<r roi pa. (3) Une autre légende, l'MHteMfamaHS, plus décente, suppose qu'Indra, pour éviter a Mâya-Dëv! la honte d'accoucher devant lui, se change en vieille femme. Mais, sons cetto forme, l'enfant ne veut pas de ses soina; et il le repousse, sans se laisser toucher par lui, quoiqu'il le reconnaisse pour Indra. (4) La superstition bouddhique atitibua plus tard ce singu-


né, il descend à terre et s'assied sur un grand lotus Manc, qui venait de pousser spontanémbnt du sol à l'endroit môme qu'avait touché son pied (~). Puis, sans être soutenu par personne, il Bt sept pas du côté des régions orientales, pt pas au midi, sept pas à l'ouest, sept pas au nord et sept pas vers les régions inférieures, en annonçant de chaque côté la mission qu'il venait accomplir sur la terre « Je vaincrai !e démon et t'armée du démon en « faveur des êtres plongés dans les enfers et dévorés par « !e feu de l'enfer, je verserai Ja pluie du grand nuage de « la Loi, etiis seront remplis de joie et de bien-être (2). » Mais !e Bouddha, qui est censé raconter toutes ces choses à ses disciples dans Çravast!, interrompt son récit, et s'adressant à son cousin Ananda, ii lui prédit que bien des esprits douteront de tous ces prodiges. a Dans un « temps à venir, certains Bhikshous, ignorants, inhabiles, « ners, orgueilleux, sans frein, à l'esprit mobile scepc tiques, sans foi, devenus la honte des Çramana. )) ne voudront pas croire à la puissance du Bouddha et Ils s'étonneront qu'ils soit né dans le sein d'une femme. Ils ne comprendront pas, les insensés. que s'it était venu dans la condition d'un dieu. au lieu do venir dans le monde lier privilége à bien d'autres saints. Voir t'~Xot'fe de la vie d'~HofeM ?AMn~. de M. Stanislas Julien p. 70, à propos de ÇanakavaM.

(!) Rgya (eA'sr roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. IJ, ch. vu, p. 88,

(2) j~(t h~'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. IJ, ch.vn, p. 89. Les sept pas du Bouddha au moment de sa naissance sont une des circonstances qui paraissent avoir le plus frappé les imaginations. Ce détail se trouve reproduit dans toutes los légendes voir le Foe Aoxe ~< de M. A. Rémusat, p. 199 et p. 220, avec la note de M. Klaproth.


des hommes, il n'aurait pas pu faire tourner la roue de la Loi, et les êtres seraient alors tombés dans le découragement. Mais ces créatures, qui ont ntéi'inteiiigencedu Bouddha, seront, aussitôt après leur mort, précipitées dans l'Avitchi, le grand enfer ~). tandis que ceux qui auront eu foi au Bouddha, deviendront les fils du Tathagata ils seront délivrés des trois maux; Ils se nourriront do la nourriture du royaume Ils briseront les chaînes du démon, et ils auront dépassé le désert de la vie émigrante ~2). La légende raconte ensuite. avec d'assez longs détails comment l'enfant fut apporté de Loumbini à Kapilavastou après la.mort de sa mère. et comment il fut confié, du consentement des Çakyasetdo leurs femmes, qui se le disputaient, à sa tante Mahapradjâpat!(3). La iégendo insiste beaucoup sur la prédiction du brahmane Asita ( io noir), qui descend tout exprès de i'Himavat. où il habite, pour venir reconnaître sur le corps du nouvoau-né les trente-doux signes du grand homme et les quatre-vingts marques secondaires, qu'il a bien soin do citer une à une, tout extraordinaires qu'elles sont parfois. Le grand Rishl, en constatant que c'est bien le Bouddha, s'amlge d'être si vieux, et de ne pouvoir entendre un jour l'enseignement de la Loi pure. Puis il se retire comblé des présents du roi, que sa prédiction a charmé, et il retourne à son ermitage comme ii en est venu, par la voie de l'air, où ii s'est magiquement élevé, en compagnie de son neveu N~radatta. (i) R~a tch'er ro! pa de M. Ed. Foucaux, t. ch. vn p.9<).

(2) Idem, ibid. Ces menaces contre les incrédules et les impies sont traquantes dans les légendes bouddhiques. On le comprend sans peine.

(3) /<ten), <6M.. p. 102.


Mais it semble que la parole d'Asita, toute grave qu'eito est, ne suint pas; et après lui un fils des dieux, suivi de douze cent mille autres dieux, vient de nouveau vériner tes signes et les marques, pour ainrmer encore une fois à Çouddhodana que son nis est bien le Bouddha qui sauvera le monde (1).

On se rappelle que l'enfant fut présenté solennellement par son père au temple des dieux; mais la légende ajoute qu'à peine le Bodhisattva eût-it posé le pied dans le tempte. que tout ce qu'il y avait d'images inanimées des dieux, y compris Indra et Brahma, se levèrent de iours places pour aller saluer les pieds du Bodhisattva (2). Puis tous ces dieux, montrant leurs propres images. prononcèrent ces stances, ou GAthas, que je cite, parce que j'y trouve une inspiration poétique qui est en générât presque inconnue du Bouddhisme, quoique la moitié au moins desSoûtras développés soit remplie de vers « La plus grande des « montagnes, le Mérou, roi des monts, ne s'incline jamais a devant te sénevé. L'océan, demeure du roi des Nagas, t< no s'incline jamais devant t'eau contenue dans le pas « d'une vache. Le soleil, la luno, qui donnent la lumière, « ne s'inclinent pas devant le ver luisant. Celui qui sort « d'une famille sage et vertueuse, et qui est rempli lui« même de vertu, ne s'incline pas devant tes dieux, quets « qu'ils soient. Le dieu ou l'homme, quel qu'il soit, qui (i) ~a teA'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. Il, ch. vn, p. 107 et 112.

(2) 7!~t<<t tch'er roi ~a, de M. Ed. Foucaux, 1.1!, ch. vm, p. 116. 'voir ce que je viens de dire un pou plus haut sur )o mépris des bouddhistes pour les dieux brahmaniques (p. 92-93 ci.dessus), et aussi i\rn<M(!.(H'M<<.<h<FoH(M~. M<deM. K. Burnouf, p. 132.


« persiste dans l'orgueil, est pareil au sénevé, à l'eau con« tenue dans le pas d'une vache et au ver luisant. Mais, a semblable au Mérou, à l'océan, au soleil et à la lune a Svayambhou, l'êtro existant par tui-meme, est le pret< mier du monde et le monde qui lui rend hommaga « obtient le ciel et le Nirvana (1). a

On doit voir assez ctairoment par tout ce qui précède ce qu'est la légende, et comment elle a taché de transformer et d'embellir & son point de vue, les faits réels qui composent la vie do Siddhartha. Pour achever de la faire connaltre, je ne m'arrêterai plus qu'à un épisode qui tient non-seulement une très-grande place dans io AaMfftBxti!)!, mais qui figure dans presque tous les soûtras c'est la lutte que Siddhartha, sur le point do devenir Bouddha, soutient contre te démon appelé Mara le pécheur ou PâplyAn. le très-méchant (2) dieu de l'amour, du péché et de la mort.

Siddhartha est & Ourouvilva dans la retraite que nous savons (5), livré depuis six ans aux austérités les plus dures. Sa mère MâyA Dét!, effrayée des souffrances do son nts, et craignant qu'il ne meure bientôt, est venue le supptier de mettre fin à ces excès de mortineation. ti a con(i) Rgya feA'ef roi pc. de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. v))), p. ne.

(2) M. E. Burnouf, /nt. t'M«. <iM ~OMddA. <nd.. p. 76, et ~ohM de ta bonne loi, p. 388 fM /îoMe ~<, do M. A. Ré. musat, ch. xxv, note de M. Ktaproth, p. 3~7. Dans la plupart dessoûtras, le démon est nommé Mara, dana le sootrado Mandha)ri, dans le Pratthafya soufra du Divya avadana, dans le Lotus de la bonne !o<, etc. Mais, dans le /~a tc~'er ~'o~pa~1~'p?Pa~ipe~é Pâpty~n, do son surnom.

O~oir'.ptuâM~p. 63.


soie sa more. mals il ne lui a pas cédé (i). Mara vient à son tour essayer de !e vaincre, et d'une voix douée it lui adresse ces paroles flatteuses « Chère créature. i) faut « vivre, c'est on vivant que tu pratiqueras la Loi. Tout ce « qu'on fait durant la vie doit être fait sans douleur. Tu « es amaigri tes couleurs ont paii tu marches vers la « mort. Quelque grands que soient de tels mérites, que a resuitera-t-ii du renoncement? La voie durenonce« ment, c'est la souffrance la victoire sur l'esprit est dif« Hciie à obtenir. n Siddhartha lui répond « Pap!yan « aitio de tout ce qui est dans le délire, tu es donc venu « cause do moi Quoique mes mérites soient bien petits. « te but n'en est pas moins connu. La tin inévitable de la « vie étant la mort, Je no cherche point à éviter la mort. « J'ai l'intention, le courage et la sngesse; et Je ne vois a personne dans le monde qui puisse m'ebranier. Démon, a bientôt jo triompherai do toi. Los désirs sont tes pre« miers soldats les ennuis sont tes seconds tes troMomes « sont la faim et la soif; les passions sont tes quatrièmes « l'indolence et le sommeil sont tes cinquièmes; tes ctain« tes sont les sixièmes; les doutes que tu inspires sont « tes septièmes la colère et l'hypocrisie sont les hui. « tièmes; l'ambition, les panégyriques, les respects, la « fausse renommée, la louango do sol-même et te Marne « des autres, voilà tes noirs alliés, les soldats du démon a brûlant. Tes soldats subjuguent tes dieux ainsi que !o a monde. Mais je les détruirai par la sagesse et ators, « esprit malin, que foras.tu (2) ? a

(i) ~M" 'ch'M' roi pa. do M. Ed. Foucaux, t. it, ch. x~t), page 246.

(!) ~a tcA'ef fotjpt, de M. Ed. Foucaux, t. H, ch. xt)n, page 2b3.


Mara humilié et confus disparaît pour revenir bientôt mais tesOts des dieux viennent à leur tour livrer à t'ascëto un combat peut-être plus dangereux encore. !ts lui proposent de Mo pas prendre de nourriture; Ils tut feront pénétrer par les pores la vigueur dont Ha a besoin, et qu'it a l'intention de réparer par tes aliments et tes moyens ordinaires. Mais le jeune Siddhartha tes refuse, et se dit: « Certes, je pourrais jurer que je no mange pas; et les « habitants qui demeurent dans la ville voisine de mon a district. diraient que le Çramana Gaoutama no mango a point, tandis que les fils des dieux, respectueux pour « un être affaibli. feraient pénétrer la vigueur par mes « pores: mais ce serait de ma part un grand mensonge. )i Le Bodhisattva, pour éviter une faute aussi bMmabte p n écoute pas les paroles do ces fils dos dieux. et Il échappe encore à ce plégo (1).

Cependant, avant d'atteindre à la Modhi, il doit valncro te démon it to provoque donc, tandis qu'il est à Boahimanda, en faisant partir du milieu do ses sourcils, do la touffe de poils appelée Ourna, qui est un des trente-deux signes du grand homme. un rayon do lumière qui va illuminer et faire trembler toutes les demeures des démons (3). Paptyan. épouvante do cette splendeur subite et de trente-deux rûvesaurouxqu'tt vient do faire, con(I) ~j/s tcA'ef fo<pa, de M. Ed. Foucaux, t. il, eh. MV)u, p. 26<). Tous ces détails eo retrouvent dans la légende chinoise traduite par M Kiepro'h, .Foe/ih)Ha/H, p. 288. On peut voir aussi la Pradjna paramUa, en huit millo articles, Ao«M de la bonne toi, de M. E. Burnout, p. 386.

(2) Idem, <6M., p. 286. Ce rayon do lumière a un nom spéolal, QtUB'appoiie Satvamaramondatavidhtansanaha~, « qui opère la destruction de toutes les provinces do Mara n ou du démon.


voque aussitôt ses serviteurs et toutes ses années. Son empire est menacé! il veut engager le combat. Mais d'abord X prend les consens de ses n!s, dont les uns te poussent & céder et à s'épargner une défaite certaine, et dont tes autres le poussent a la lutte où la victoire leur parait assurée. Los deux partis, t'un noir, l'autre blanc, parlent tour à tour et les miiio fils du démon, ceux-ci à sa droite, ceux-là à sa gaucho. opinent successivement et en sens contraire (1). Quand te conseil est Uni, Paptyan se décide nu combat et son armée, composée de quatre corps de troupes, s'avance contre le Bodhtsattva. Elle est forte et courageuse mais elle est hideuse à Mre dresser les cheveux. Los démons qui la forment ont la fnouMé do changer do visage et do se transformer do cent miiiicns do manièros Ils ont les mains et tes pieds cnlacés do cent mi'te serpents; ils portent dos épées, dos arcs, des flèches, dos pique:), des javelots, dos haches, dos massues, des pilons, des chaînes, des cailloux, des bâtons, dos disques, des foudres teur tête, tours yeux, leur visage flamboient i leur ventre, tours pieds, tours mains, sont d'un aspect repoussant; teur visage étincoUe d'une splendeur sinistre i Ils ont des dents énormes, des défenses effroyables. la langue épaisse, grosso ot pendante; tours yeux sont rouges et ennammës comme ceux du serpent noir rempli do venin, etc.. etc.. etc. (2). J'abrège cette longue description, qui tient plusieurs pages dans le toHtat~fafo, et oit i'imaginatlon inNienna se donne carrtoro pour inventer tes ligures les plus bigarres et les plus monstrueuses. On dirait un onfar de Cottot.

(t) ~a!/a «~'M* roi pf, do M. Ed. Foucaux, t. H, ch. Mvn), P. 206.

(2) Mem, <6M., t. !t, ch. xo, p. 80t et :.)tv.


Ii va de sot que toutes les attaques des démons sont parfaitement impuissantes contre le Bodhisattva. Los lances, les piques, les javelots, les projectiles de toutes surtes, les montagnes mémo qu'ils lui jettent, se changent en ftours et restent on guirlandes au-dessus do sa tête. Paptyan voyant que la violence est vaine, a recours a un autre moyen it appelle ses filles, les belles Apsaras. et it les envoie tenter le Bodhisattva en lui montrant les trente-deux espèces do magies des femmes. Elles chantent et dansent devant lui; elles déploient tous leurs charmes et toutes tours séduction! cttes lui adressent les provocations les plus Insinuantes. Mata lours caressas sont inutiles comme l'ont été les assauts de leurs frères et toutes honteuses d'elles. mêmes elles on sont réduites atouer dans leurs chants celui qu'elles n'ont pu vaincre ot faire succomber. Elles retournent donc il leur père lui apprendro une seconde défaite plus triste encore que ta prom)ëro (1). Pautyan est confus; mais tes fils des dieux ~ouddhavasahaytt<as viennent mettre le combte a son dépit, on to bafouant par les Insultes les plus poignantes et les sarcasmes les plus amers. Cependant )o démon ne se rend pas « Jo suis le seigneur du désir, dit-il au Bodht"« sattvo, Je suis le mattre du monde entier: les dieux la « foute des (Mnavas, les hommes et les bûtes assujaiis par moi sont tous tombés en mon pouvoir; comme « eux. venu dans mon domaine, lève-toi et parle comme « eux. )) Le Bodhisattva lui répond « Si tu es le soigneur '< du désir, tu no l'os pas de la lumière; regarde-moi c'est moi qui suis te seigneur do la Loi impuissant que « tu es, c'est & ta vue quo J'obtiendrai l'intelligence su()) ~<t teA'er roi t'a, do M. Ed. t-'o))ca)))t, t. tt, ch. M), )'. 300, 3<8 o) HtH.


« preme (1). M Papïyân essaie un dernier assaut, en réunissant de nouveau toutes ses forces mais il succombe encore une fois. Son armée en désjrdre se disperse de toutes parts, et il a la douleur de voir ceux de ses n)s qui dans le conseil avaient opiné contre la bataille aller se prosterner aux pieds du Bodhisattva. et l'adorer avec respect (2). Déchu de sa splendeur, pâte, décoloré, le démon so frappe la poitrine, pousse dos gémissements it so retire à l'écart, la tête baissée, et traçant avec une nécho des signes sur la terre, it se dit. dans son désespoir « Mon empire est dépassé, »

Après ce triomphe décisif, le Bodhisattva arrive à fin" telllgence suprême, à la Bodhi it devient Bouddha, d va faire tourner la roue do la Loi & Bennes.

Tel est le Lalitavistara dans sa partie mythologique indispensable peut-étro pour les peuples auxquels oiio s'adressait, mais qui & nos ;oux n'est qu'une extravagance. bonne seulement à faire douter des faits historiques et vrais que ce Soufra renferme. Je passe au to<M< (!e la bonne loi.

Le Lotus (te la bonne lui, qui sans aucune trace d'bistoire n'a que lu légende fabuhusa, comme la comprennent les Bouddhistes. est moins Intéressant que le ~«?0.o~at'a et selon toute apparence, Ii lui est un peu postérieur. Bbagavatse trouve à Kadjagriha (3) sur la montagne (i) jR~a fcA'ef roi pa do M. Ed. Foucsn!t, t. tt, eh. xx), p. 320.

(2) Idem, <M., ch. xxt)!, p. 3~i. Ces nta du démon sont appelés « ceux du côté blanc. a

(3) /.o(tM t!e la bonne loi do M. E. Hurnouf, eh. ), p. ). Voir plus haut, p. 71.


appelée to pio du Vautour (Gridhrahôuta) (i). tt est entourede douze cents religieux. tous arhats ou vénéraMes, et grands auditeurs (Mahâoravatas). d'Ananda son cousin, de doux autres milliers de religieux. do six mille religieuses, ayant à leur tête Mahapradjapat!, la tante du Bouddha, et Yacodhara, l'une de ses femmes, de quatrevingt mille Bodhisattvas de seize hommes vertueux do Çakra, l'Indra dos Devas. avec vingt millo Htsdos dieux, de Brahma, avec douze mille nts des dieux, d'une foulo d'autres divinités, et enfin d'Adjaootrou. )o roi du Mngadha, nis de Vaidéni (2). Bhagavat. après avoir exposé le Soûtra nomme la Grande Démonstration, gardait )o silence plongé dans la méditation appelé )a Place do la Démonstration. Une pluie do ttours divines tumbo sur lui et sur l'assemblée qui le contemple, quand tout coup un rayon s'etance d~. cercle de poii qui croissait dans t'intervaito do ses sourcils, et va illuminer ics dix-huit mtito terres do Bouddha situées & t'oriont, jusqu'au grand enfer Avitcht. et jusqu'aux timites do l'existence (3). Tous tes assistants sont frappés do ce prodige, et l'un d'eux le Bodhisattva, Mahasattva Maitraya, s'adressa a Mandjoucr!, qui est auprès do lui pour savoir ce que signifie cette apparition merveilleuse. Maitréya expose sa question en cinquante-six stances de deux vers chacune (4). Mandjouçr! tui répond dans le même style, prose et vers, que ce rayon de lumière présage que !o Bienheureux va expliquer le Soûtra développé, appelé toJ!.ot<M de bonne toi (8). (1) ZoHM (<e la bonne toi, de M. E. Burnout, ch. <, p. <Voir plus haut, p. 71.

(2) Idem, teM., p. 3.

(3)jf<fem,<oM.,p.<).

(~) /(f<M, <BM., p. 6 ut p. Mb, A('j)0))d)t:o ))' 3. (6) /(toM, ?<<< p. iC.


C'est, comme on le voit, une introduction analogue à celle du MtMMStaro, avec moins de grandeur, et s'il est possible, avec encore moins de vraisemblance, puisque la scène est placée sur la terre au lieu d'être supposée dans le ciel.

Bhagavat sort de sa méditation et répondant a Çaripouttra (<). qui no l'avait point interrogé, it lui expose d'abord en prose, et ensuite dans dos vers qui ne sont guère qu'une répétition. les difficultés que présente l'on.seignement de la Loi. A ce moment même. cinq mille religieux incapables do la bien comprendre, viennent de quitter l'auditoire, et le Tathagata s'en féticito (2) puis it apprend à son disciple que pour enseigner la Loi, il use de cent miito moyens variés, bien qu'au fond i) n'y ait qu'une seuto route, un sout véhicule pour arriver au salut. t) lui répète en cent quarante-quatre stances ce qu'il vient do lui dire en une prosn suit~ammont diffuse et pour lui donner un exemple dos moyens qu'il applique à t'instruction doa créatures. il lui propose une parabole (3). Un vieux père de famille trouve en rentrant chez lui sa maifon tout en feu. Ses jeunes enfants y sont renfermés insouciants do ce qui se passe et courant risque d'être brutes. Le père les appelle en vain tes enfants, qui ne voient pas l'incendie, ne veulent pas le croire et ils résistent à ses prières. Pour les séduire, it leur promet, s'its sortent, dos jouets magninquos; et entr~ autres, il leur donnera à ce qu'it leur assure trois espèces de chars propres à les amuser et à les ravir. Les enfants une fois sortis sains et saufs, le père. au lieu de leur donner des (i) AofMt df<o &o"He loi, do M. E. Bumo'jf, ch. il, p. lu. (a)/<tem,~M.,P.26.

(3)/(~m, t6<d.,ch. <)),)'. ~6.


chars de trois espèces, teor présente à tous une seule espèce de chariots. Mais ces chariots sont superbes et trèsrichement ornés. Ce père a-t-il donc commis un mensonge (1) ? Non, sans doute. Eh bien do même le Tathagala, prenant pitié de la légèreté puérile des hommes. qui. au milieu des misères de lu vie, jouent, s'amusent et se divertissent, s'aecommode a leur faiblesse. I) leur offre. pour les faire sortir de l'esclavage des trois mondes, trois véhicules divers. celui des Çravahas. celui des PratyékaBouddhas. et celui des Bodhisattvas. Les créatures, séduites comme les enfants do la maison embrasée. sortent de ta réunion des trois mondes et le Tethagata ne leur donne alors qu'un seul véhicule. le grand véhicule du Bouddha, qui mène au Nirvana complet (2).

A cette parabole. quatre des principaux disciples du Bouddha Soubhout). Katyayona. Kacyapa et Maoudgat*yayana répondent par une autre, nun d'excuser les inclinations misérables qui on<p6chont les hommes d'écouter et do suivre la Loi (3). Ils sont comme le fils d'une riche famille qui abandonnerait ses parents pour aller courir le monde, que te hasard ramènerait, après bien des fautes et des traverses, auprès de son père, qu'il no reconnaltrait pas et qui soumis à de longues épreuves heureusement subies rentrerait enfin dans la bonne route, et dans ]a possession do son héritage compromis par son inconduite (4). Bhagavat leur propose encore plusieurs para()) ~o«« de la bonna loi do M. E. Buraout, ch. m, P. M.

(2) <MeM, ibid., p. 63, et aussi eh. li, stenco 68, p. Si. (3) /<fem, <6M.,ch. tv, p. 62.

(/)) Mem, ibid. p. 68.


Mes, dont l'une est très-remarquabte (i). Un aveugle de naissance se disait « H n'y a ni couleurs, ni formes « belles ou laides il n'y a pas de spectateurs pour les a voir; il n'y a ni soleil ni lune ni étoi!es. ni constel« lations. » On veut dissuader cet aveugle de cette grossière ignorance. !i résiste, et soutient ses assertions jusqu'à ce qu'un habile médecin lui rende la vue. L'aveugte alors passe à un excès contraire, et se dit « Certes j'étais « un insensé moi qui jadis ne croyais pas & ceux qui « voyaient et ne m'en rapportais point eux. Maintenant « je vois tout; je suis délivré do mon aveuglement, et il « n'est personne en ce monde qui l'emporte en rien sur « moi. » Mais de sages Rishis, témoins de cet aveuglement plus redoutable encore que le premier, cherchent & calmer cette vanité insensée « Tu n'as fait, ô homme « lui d!sent-i!s, que recouvrer la vue; et tu ne connais (1 encore rien. D'où te vient donc cet orgueil ? Tu n'as « pas la sagesse et tu n'es pas instruit. Quand tu es assis « dans ta maison, tu ne peux rien voir de ce qui est en a dehors tu ne distingues pas les pensées de tes sembla« Nés tu ne perçois pas à la distance de cinq yodjanas M !e bruit de la conque et du tambour tu ne peux te « transporter même à la distance d'un kroça sans te servir « de tes pieds. Tu as été engendré et tu t'es développé « dans le ventre de ta mère, et tu ne te rappelles rien de « tout cela. Comment donc es-tu savant? Comment donc « peux-tu dire Je connais tout? Comment peux-tu dire « Je vois tout? Reconnais, ô homme, que ce qui est la a clarté est l'obscurité, que ce qui est l'obscurité est la « clarté, a L'aveugle, honteux de sa présomption, se fait instruire par les Rishis dans tes mystères de la Loi et bientôt les yeux de l'esprit lui sont donnés, comme na(1) Z<o<<M de la bonne loi, par M. E. Burnouf, ch. v, p. 89.


guère ceux du corps lui ont été rendus par l'habile médecin, qui n'est autre que le Tathagata (1).

Suivent ici, dans le ~o<Ms de la bonne loi, plusieurs chapitres qui sont consacrés aux prédictions du Bouddha. Ces prédictions ne sont pas compromettantes. Le Bouddha prédit à quatre de ses auditeurs, Kaçyapa et !eb trois autres, qu'ils deviendront Bouddhas à leur tour (3). Il leur désigne le nom sous lequel ils renattront dans l'univers dont il seront les sauveurs. I) prend même la peine de décrire pour chacun d'eux, en prose et en vers, la beauté du monde dont ils seront les chefs de fixer en eninres précis, quoique fabuleusement énormes, la durée de leur règne, etc. Il en fait autant pour l'un de ses auditeurs moins Illustre que les quatre autres, Poûrna. qui avait jadis abandonné une immense fortune pour suivre le Bouddha (5). Ces prophéties splendides éveillent, comme on peut le croire, les désirs, si ce n'est t'envie. de ceux qui écoutent Bhagavat. Douze cents de ses auditeurs ont tous en même temps cette pensée Si Bhagavat pouvait aussi nous prédire à chacun séparément notre destinée future, comme ii a fait pour ces grands Çravakas (4)1 Bhagavat devine la pensée qui s'élève en eu: mais ii se contente de prédire que cinq cents religieux, tous arhats, deviendront Bouddhas sous ie nom de Samantaprabhasa, qui (i) &o«M de la bonne loi, de bl. E. Burnouf, ch. v, p. M. (2) /<!em, ibid., ch. vt, p. 89. Voir plus haut sur KAçyapa, page 81.

(3) Idem, ibid., ch. vut, p. 121, at la légende do Poûrna, dans r7tt<rod. à t'Atft. du .BoMfHt. <M< p. 236 et suiv. (~~ Idem, <6M., p. 126. Hiouen Thsang parla aussi de prédictions faites par io Bouddha a Kaçyapa ot !) Maitréya, pendant qu'ils séjournaient a Bénarès, p. 133 do la traduction de M. Stanislas Jutict).


sera commun à tous (1). Cependant Ananda, cousin du Tathagata, Rabouta son fils, avec deux mille autres religieux, conçoivent le même désir, et il faut que Bhag'<t prédise à chacun d'eux la destinée qui l'attend; ils seront tous aussi des Bouddhas sous des noms et dans des univers différents (2).

Voilà déjà bien des détails extravagants et tout à fait inutiles, puisque l'exposition de la Loi, promise par le Lotus, n'est pas donnée mais en voici de bien plus absurdes encore.

Pendant que Bhagavat déroule ces prédictions qui pénètrent de joie, de contentement, de plaisir, de satisfaction, d'atiégresse tous ceux qui en sont l'objet, ou mémo qui les entendent sans en profiter. tout à coup apparaît un stoûpa merveilleux, sortant du sol au milieu de l'assemblée, fait de sept substances précieuses, haut de cinq cents yodjanas et d'une circonférence proportionnée (5). H s'éteve en l'air et se tient suspendu dans le ciel, aux regards de t'assemblée, qui a tout le loisir de to contempler, et d'en admirer les milliers de balcons jonchés de Meurs, les milliers de portiques, d'étendards, de drapeaux, de guirlandes, de clochettes, sans parler do l'or de l'argent, des perles, des diamants. des cristaux des émeraudes. etc. Une voix sort de ce stoûpa pour louer Bhagavat de l'exposition qu'il vient de faire de la Loi. ou plutôt de promettre. C'est la voix d'un antique Tathagata nommé Prabhoûtaratna (4), qui vient offrir ses hommages (I) Lotus de la Bonne loi, de M. E. Burnout. ch. vnt, p. i26. (2) Idem, <6M., ch. M, p. i30.

(3) Idem. ibid. ch. n, p. 1M.

(ù)/<tem, ibid., p, 147. Voir pour les stuupM, t'/tttfod. ~7 t'Mt. du Bouddh. <t~ de M. E. Burnouf, p. 3/)9.


au Bouddha, et prendre sa part de l'enseignement. Après avoir réuni des centaines de mille de millions, de myriades de hotis de Bodhisattvas pour honorer cet Illustre vIsiteur, le Bouddha avec l'index de sa main droite sépare le stoupa par ie milieu et t'on y voit le TathAgata Prabhoûtaratna. assis sur son siége, les jambes croisées, ot ayant les membres desséchés, sans que son corps eût diminué de volume, et comme plongé dans la méditation. li sort cependant de son extase; et c'est pour inviter le Bouddha, qu'il accable d'éloges, a venir s'asseoira coté de lui dans !e stoupa. Le Bouddha se rend à cette prière, i et tous les deux se tiennent dans les airs, parlant à l'assemblée qui s'est élevée comme eux dans l'espace par la puissance surnaturelle de Bhagavat (1).

Puis les prédictions recommencent, et cette fois c'est à des femmes qu'elles s'adressent. La tante du Bouddha. Mahapradjapat! la Gotamide deviendra elle aussi, un Bouddha saton son désir. Yaeodhara, la mère de Rabouta. jouira du mémo bonheur; et les milliers de religieuses qui les suivent deviendront des interprètes de la Loi. Il est probable que pour remplir cette mission surhumaine, les femmes changeront de sexe et si la légende ne le dit pas pour celles-ci elle l'annonce formellement pour la Site de Sagara. roi dos Nagas. qui, pleine de sagesse dès l'Age do huit ans, se transforme en homme pour devenir un Bodhisattva en récompense de sa piété (2).

Je sens vraiment un grand embarras à exposer toutes ()) to<tM de la bonne loi, de M. E. Burnout, p. <61 et i62. (3) Idem, ~M., ch. XM, p. t63, et ch. X), p. i)6J. Dans la Lotus de la bonne loi, ch. vm, p. 128, il est dit formellement qu'il n'y aura plus de femmes dans les univers des Boudohos.


ces absurdités, qui ont aussi peu de grâce que de raison, dans le style des Bouddhistes; et je voudrais les épargner au lecteur, si je ne tenais à lui donner une idée fidèle de ces monuments vénérés par tant de peuples, tout étranges et monstrueux qu'Hs sont. Mais pour en nnir, je dois faire une dernière citation qui, Je crois, dépasse tout ce qu'on peut trouver dans les Soûtras bouddhiques en niaiserie et en grossière stupidité. C'est dans le chapitre xx du to<M de la tonne loi, intitulé Effet de la ptMMOHce <tM'<M<Mr<~a du JM~yato. Des centaines do mille de myriades de kotis de bodhisattvas, on nombre égal à celui des atomes contenus dans mille univers. sont sortis des fentes de la terre, après qu'un rayon de lumière est parti du milieu des sourcils de Bhagavat (1). Ils adorent, les mains jointes, le Bouddha qui vient de les réunir, et lui promettent, quand il sera entré dans le Nlrvâna complet, d'exposer la Loi à sa place. Le maître les remercie. Puis le bienheureux Çakyamouni et le bienheureux Prabhoùtoratna, qui sont toujours assis sur le trône de leur stoùpa, se mirent à sourire ensemble. Leur langue sortit de leur bouche, et atteignit jusqu'au monde de Brahma (2). Ils s'en échappa en même temps plusieurs centaines de myriades de kotis de rayons, Les Tathagatas Innombrables dont les deux personnages sont entourés les imitent; iis tirent leur langue comme eux et its opèrent « cet enet de leur puissance surnaturelle a pendant cent mille années complètes. A la fin de ces cent mille années. its ramènent à eux leur tangue et font entendre en même temps le bruit qu'on produit en chassant avec force la voix do la gorge, et celui qui s'entend quand on fait craquer ses doigts.

(1) Zo«M <<e la bonne loi, de M. E. Burno"t, ch. xo, p. 93&. (2) ~em,<6M.,p.28<).


Vraiment la plume me tombe des mains et si je ne me disais que ces niaiseries misérables sont dans un livre canonique, je renoncerais à poursuivre. Mais heureusement la tâche, comme on a pu le voir, n'est pas toujours aussi ingrate, et nous trouverons plus tard dans l'exposition de la morale bouddhique des compensations à tant do sottise et de dégoût.

Le reste du to<<M de la bonne loi ne mérite pas une analyse particulière. Le chapitre xxt et les suivants sont consacrés à peu près exclusivement à énumérer les avantages que doit procurer aux fidèles la lecture deeosoûtra;et on lour promet entre autres des formules magiques qui les préserveront de tout danger (1). Enfin, au vingt-septième chapitre, Bha<!avat confie le dépôt de la Loi à t'Assemblée qui vient d'en écouter l'explication, et congédie ses auditeurs ravis de l'avoir entendu (2).

J'en ai fini avec l'analyse des deux so&tras que je vouJais faire connaître Ce travail, tout fastidi' m'it a été parfois, était nécessaire. En voyant les al i Ions des livres qu'on répute pour inspirés, on comp~.tdra mieux aussi les erreurs bien autrement graves qu'a commises le Bouddhisme dans sa métaphysique, source de croyances déplorables pour des peuples sans nombre. Le J!.o«M de ta donne lui, ainsi qu'on a pu s'en convaincre, est fort inférieur au ZoH~aoMMra.et tous deux représentent assez exactement, quoi qu'a des degrés divers, la classe des soûtras bouddhiques qu'on appelle de Grand Dévf'oppement, et qui appartiennent plus particulièrement aK Népat (i) tohMde la bonne loi, de M. E. Barnouf, ch. M), p. &37 etù)8. M. E. Burnoufa a donné ces formules en sanscrit; eo sont pour la plupart, des mots sans suite et dcsa))ttëra))ons. (2) /(!fm, <6M., ch. xxv)), p. 282.


et au Nord. Los soùtras simples sont en généra! oxempts de ces extravagances et bien qu'on y puisse trouver une diffusion insupportable et des rêveries fnrt ridioules, on n'y trouve point de ces monstruosités révoltantes (1). Ils sont plus rapproches de la prédication même du Bouddha, et fis gardent la trace do la réalité, tout en la faussant. Au (I) Voir la dissertation de M. E. Burnouf sur ce point spécial, J'MhfO<:<tet<o<t<t <'M<fo<)-e du Bouddhisme <t)f}t'en,!p. 70 et suiv. La distinction entre les soûtras simples oties soufras dé'eioppës est do la plus haute importance. Los premiers étant, MM aucun doute, antérieurs, c'est & eux qu'il faut demander la tradition exacte de l'histoire et de la doctrine do Çf~yamouni. Les soutras d~te)oppës(mahaMipoutiya soufras. mahnyaua soufras) sont venus plus lard, et lorsque déjà le sens des croyances pti. mitiMS commençait a s'otterer sous t'amas des superstitions et des commentaires dont elles étaient l'objet. Mais., si cette dis. tinetionost très-importante, elle est en général aussi tros-difuciie! et comme ces monuments, tout sacrés qu'ib peuvent être, sont, pour la plupart, sans nom d'auteur et sans date prëeisf, il est extrêmement deticat de discerner des nuances que tes Bouddhistes eux momcs se sont hien gardé do fixer. Après una étude attentive et sagace, voici tes différences principales que M. E. Burnouf a reconnues enlro ces deux classes de soufras, qui passent d'ailleurs, tes uns et tes autres, pour avoir été recueillis de la bouche mémo du Bouddha par des auditeurs dont le témoignage est irrécusable i" ie soufra simple est en prose le soufra développé est en prose et en vers, tes vers ne faisant que répéter, comme dans le ZohM de ta bonne loi, ce qui vient d'être dit en prose. Quand it y a par hasard dos vers dans les soufras simples, ce ne sont quo des stances fort courtes, qui. sans doute, avaient pour objet de mieux graver dans la mémoire des Cdetes certains préceptes importants, et qui remon. font h Çahyamouni M.m8ma (ZotM de la :onn« toi, da M. B. Burnout, p. 7i8); 2' ta langue des deux classes de soufras est différente. Las soufras simples, prose et stances, sont en san.


contraire, la réatitoa disparu presque entièrement dans les soûtras développés pour faire place aux inventions d'une imagination déréglée qui touche à t'insanie. It faut ajouter pour être juste, que les soufras du Sud, les soûtras singhalais, sont en général beaucoup moins déraisonnables que ceux du Kepât et c'est là une prouve certaine do leur antiquité (1).

scrit ordinaire, peu correct mais uniforme dans les soufras développés, les vers sont on un sanscrit barbaro o!) so trouvant confondues des formes sanscrites, p&iies et pracrifes. Selon toute apparence, cotte partie desiivros canoniques a été rédigée hors do t'Indb en deçà do l'Indus ou au Kaehemiro) 3" tes soufras simples sont beaucoup plus concis que tes soufras développés; ~jamais un bodhtsattva n'y parait cOté do Çakyamouni; il os: toujours M)egu6 dans ioTouchita, en attendant qu'il descende dans !o monda après quo !o Bouddha on sera sorti:it n'est pas question dans les soufras simples do ces bodhisaftvas en nombre innni, qui tiennent tant de place dans )o cadre des soufras développés. L'invention de ces bodhisattvas dola contemplation, comme tes appoitant les Bouddhistes eux mémos, n'appartient pas aux premiers temps du Bouddhisme; 6' il n'y a pas dans los sootras simples de formules magiques, tandis qu'il y on a sou. vent dans les soufras développés (lotrod. <) t'AM. dtt Bouddh. ind., do la page 99 e la page 126), M. E. Burnout attache to plus d'importance & la cinquième do ces dMerences. C'est d'ailleurs dans les soûtras simples peu près exclusivement et dans les légendes (ovadanas) qu'il faut chercher les défaits historiques sur la société brahmanique, au mitteu de laquelle nah et vit le réformateur. Les soûtras développés no donnent en gônôrat aucun renseignement dont i'histoiro puisse profiter. Ils no sont que des oeuvres d'imagination où la réalité n'apparaît plus. (<) On peut se convaincre do t'exactitude de cette assertion on lisant tes soûtras singhatais qu'à donnés M. E. Burnouf dans les appendices du ~o<M< do ta bonne loi, pages ~~9, ~90 et 63~.


Avant do quitter la légende do Çakyamouni.jo veux. pour la compléter, donner t'expUoaHon des principaux noms par lesquels nous avons vu désigner la réformateur; i)s sont très-nombreux et tous ont do l'importance au point de vue du dogme et do la doctrine philosophique. Ils peuvent se diviser en deux classes, selon qu'ils sont tatqucs ou rellgloux. Les noms !aïquos nous sont connus i celui que le jeune prince reçoit do son père au moment de sa naissance est Siddhartha. comme nous le savons. On se rappelle aussi ce quo signifient les doux noms do Çâkyamouni (1), et de Çramana Gaoutama.

t,o nom de Bouddha, le plus cotebro do tous parce qu'on en a tiré celui d'uno religion no signino pas autre ehosoquo le savant, t'ec)a<r6 (2). H vient do la racine Boudh. connaitre. Ce titre est assez modeste, si on le compare au ro!o Immense joué par celui qui t'a reçu ou qui l'a pris; mais Il montre en mémo temps la haute idée quo le génie tndion a'est faite do la science, qui selon lui est seule capable de sauver l'homme et de lui assurer, avec dcspouvolrs plus que divins, une immortalité que tes dieux mêmes no peuvent atteindre. Comme Jo mot do Bouddha n'est pas un nom propre, U no (autjamats l'omptoyer pour désigner personnoUement Çahyamount, sans y joindre l'article et sans dire le Bouddha. C'est une simp)o qualité ajoutée ou substituée au nom sous lequel !o prince de Kapiiavastou était connu dans le monde (3). (t) On rappe!)o a"ssi assez eou<ant ÇatyaBinha !o lion des Ç~yas n, au ttou de « !<t solitaire des ÇahyM '). Voir !o Zo<u< <te <f< bonno loi, c)'. t, stances 93 et 08.

(2) 7nfro~. (t t'At~otre <~ J?OH~A. ~)J-, de M. E. Burnouf, 71, on note.

(3) jf~m. Mhf. L'usage du mot Bouddha pris comme nom propre est une faute qui est commise encore trea'souvcnt, et


Tathogata, l'un des titres les plus élevés qu'on donne au Bouddha, et qu'il paraît s'être donné tui-mome, signine « Celui qui est allé comme ses prédécesseurs, celui qui a parcouru sa carrière religieuse de la même manière que les Bouddhas antérieurs. » Par ce titre, la mission de Çakyamouni se rattache à celle de tous les sages qui l'ont devancé, et dont it ne fait qu'imiter les exemptes (1). Sougata, ou te Bienvenu. est uno épithète semblable, sous le rapport do l'étymologie, à colle do Tathugata i mais on voit que )o sons historique et philosophique on est moins profond. Rite atteste simplement que dans la croyance bouddhique Çahyamouni est venu pour sauver to monde et faire le bonheur des créatures (2).

Bhagavat, qu'on no peut guère rendre que par a to bienheureux, ou le fortuné 0. est io nom le plus ordinaire du Bouddha dans les soûtras du Népal. C'était un titre assez fréquemment appliqué aux grands personnages dans la langue du Brahmanisme (3) mais dans cotte des Bouddhistes, Il t'est à peu presexetusivemont au Bouddha, ou bien à t'être qui sans être encore Bouddha est sur le point de le devenir. Il faut pour le mériter dans toute sa valeur, avoir accompli envers los créatures tous les actes d'un dévouement sans bornes) et comme c'est précisément qu'on fera bien de corriger aujourd'hui qu'on en peut sonur, t'importanco.

(1) /t)tro(<. <) t'A~t. <!M FoM<Mt. ind. de M. E. Burnouf, p. 76 et 76, on note: Foe ~OHS ~f, p. <0t; CsonM do KOros, ~o(. ~tMareAt, t. XX, p. MA; M.Schmidt, ~m. do t'~cad. <fMM<encM de ~afn(-jP~fM6oMf(/,t. I, p. i08, vf série; M. Hodgson, 7oMn). of Iho Mfat. soc. of ~ensrat, p. 3M; M. Turnour, ~fa~<ScaMa, intfod-, p. M).

(2) E. Bornent, ~ntrod. d i'h~t. (t«J?ou~<!A. fn(! p. 77. (3) yftem, ZottM (te ta tonHe to<, p. <t8~.


par une telle abnégation que le Bouddha devient ce qu'it est, !e titre de Bhagavat ne convient réellement qu'a lui; i aussi d'ordinaire, c'est pour lui qu'il est réservé (i). Le non de Bodhisattva présente dos nuances un peu plus compliquées. Grammaticalement, il signifie « celui qui a l'essence de la Bodhi ou de l'intelligence suprême, d'un Bouddha (3). Or, pour acquérir etto intelligence suprême, it faut avoir victorieusement subi tes plus rudes et les plus longues épreuves, dans une multitude d'existences successives. On est mûr alors comme on dit en stylo bouddhique, pour obtenir l'état de Bouddha parfaitomont accompli. Mais la volonté la plus énergique et la plus constante no sufflt pas il elle seule la vertu ellemémo est impuissante pour que t'etre arrive à ce degré supérieur do sainteté. Il faut. en outre, qu'il gagne la faveur d'un ou do plusieurs des ancIens Bouddhas. Quand Il a su la gagner, il va, dans l'un des cieux qui s'élèvent au-dessus de ta terre, attendre l'instant do son apparition dans le monde. Mais, même après qu'M y est descendu, it reste toujours bodhisattva, et n'est pas encore Bouddha. Il ne to devient enfin qu'après avoir ict-bas montré, par les austérités, par ta pratique do toutes tes vertus, par la science et l'étude. qu'il est digne d'instruire les créatures (t) 7nffa(f. A t'A<«. <rM Foxm. ~:d., de M E. Burnoul, p. 7t, en note. t) parqua la mot de Bhagavat. appliqué au Bouddha, est fort ancien dans la langue des Bouddhistes du nord; car on la trouvo d~!t dans rinseripUon de Bhabra, découverto,cn<840. par M. le capitaine Burt.otquieBt un édit du roi Piyadasi. Voir piushau), p. 22; 7om'noto/t~<t~a(. soc. o/ ~en~at, t. tX, u'pnrtio, p. 616, et M. E. Burnouf, Zo~ <fa ta bonne loi, Appendice v x, p. 7<0.

(9) ~nffcd. (H'AM. (ht~ott~A. ~)< de M. F. Burnouf, p. <00. Pour )aBodh),Yo)rp)M haut, p. 67.


et de sauver l'univers dans lequel il a paru. C'est à ces conditions seulement que ie bodhisattva devient Bouddha. On se rappelle que c'est là justement toute la série dos progrès successifs que nous avons trouvés dans le JM~at~at'a. D'abord nous avons vu le Bodhisattva dans to clol Touchita, séjour de la joie. La H s'entretient, avant do s'incarner dans le sein d'une fomme, avec les dieux qui le servent et auxquels ii enseigne la toi. Puis nous t'avons retrouvé à Bodhimanda se soumettant durant six longues années aux mortifications les plus oiïrayantos. C'est ainsi que. de degrés en degrés. après avoir pénétré, par la méditation ia plus profonde. la verUù et les iois des choses. it devient Bouddha sous l'arbre appelé le Tarayana (1). Jusqu'à ce moment suprême. Siddhartha n'a été que bodhisattva, o'cst-a-diro, en qusiquo sorte, aspirant Bouddha. Si, durant le reste do son existence, et même après qu'il est devenu Bouddha, on l'appelle encore bodhisattva, c'est par une espèce de Hconco orthodoxe. La mission du Bouddha n'est vraiment complète, elle n'est achevée que quand Il entre d6B))itivemont dans te Nirvana. et l'on peut jusqu'à co moment lui conserver une dénomination qui ne lui convient plus parfaitement. Mais. une fois que le Bouddha est entré dans le Nirvana, to titre do bodhisattva no doit plus lui être applique car i) y a longtemps qu'il l'a dépasse.

Souvent on joint au mot do bodhisattva celui do mahasattva, qui signifie a celui qui a la grande essence, a ou (i) Voir phMhaut.p. 68; /t)«-o(!. <t ~of.<!)t FoM<HA. ~)(<. do M. E. BunMuf, p. <40. La Bodhisattva doit encore fouruir une existence, tandis que !o Bouddha est désormais soustfait h ta toi do )a transmigration mats, comme 10 Bodhisattva est un futur Bouddha, il no peut nxistor dans !o m0)))0 monde 'n) Bodhisattvn ut un Bouddhe.


bien a grand être, grande créature (1). » Cette seconde épithète affaiblirait plutôt le sens de la première, quand on songe à tout ce que renferme l'idée de la Bodhi pour les croyants. On peut voir du reste dans !e Lotus de la bonne loi, au chapitre Intitulé La Position commode, et dans !e Pradjna pAramita, toutes tes conditions que doit remplir un bodhisattva mahasattvo (2).

Un dernier nom qu'on donne quelquefois au Bouddha, et qui est moins éieve que tous ceux qui précèdent, est celui d'arhat ou de vénérable que prennent aussi les religieux du degré supérieur (3). Mais. quand il s'applique au Bouddha, on le oompieteotonio relève en disant: a Le vénérable du monde a ou « le véneraMo du siëoie M, autant du moins qu'on en peut juger d'après la traduction chinoise (4).

Les Bouddhistes no se sont pas contentés de faire du Bouddha un idéal de vertu, de science, de sainteté, do pouvoirs surnaturets its en ont fait aussi un ideat do beauté physique; et la m6me tournure d'imagination qui a produit les développements extravagants des grands Soûtras, s'est exercée avec autant de diimsion et de pue. rilité dans le portrait du Tathagata. Il est assez probable tt) M. E. Burnouf, /n<)-o~. <) fhiat. du ~o)«fdA. ind., p. ù65, en note.

(2) Z.o«M de la tonne <o<, da M. E. Bm-aouf, oh. xm, p. <67 et suiv., et dans la PfadjnA paramtta, ch. t", /n<fo< d <*Af«. du .Cot«MA. <n(! de M. E.Burnouf, p. M6 et suit. Les détails dans lesquels entrent ia Lotus et la Pradjna sont des plus con. fus et des plus obscurs.

(3) Introd. (; !'M)<. (fM FoofMt. ind., do M. E. Burnouf, p. 80 et 29&, et ZohM do la bonne tôt, p. 287 et 292.

(4) ~bc ~otteAt, de M. A. Bomusat, p. 68,i0t et ti3. N<<tof)'e(te<at)f<)<fWo))c)) rAMny, do M. Stanislas Jutien, p. i2! i68 et passim.


que, de même que la légende renferme quelques faits rée!s et historiques, de même le portrait du Bouddha doit avoir conservé quelques-unes des particularités de la physionomie personnelle de Siddhartha (i). Mais)! est bien difficile encore ici de faire le discernement du vrai et du faux. Dansles trente-deux signes caractéristiques du grand homme et dans les quatre-vingts marques secondaires, ii y a des impossibilités naturelles, ou plutôt des exagérations qui vont jusqu'à l'impossible. Toutefois, il ne faut pas négliger ces défaits car i)s attestent quel était dans ces temps reçûtes le goût de ces peuples. et Ils sont comme une parUe do leur esthétique, sans parler des renseignements qu'ils peuvent fournir a l'ethnographie. Cette nomenclature exacte des trente-doux signes et dos quatrevingts marques secondaires remonte aux premiers siècles du Bouddhisme, puisqu'elle se trouve déjà dans le Lali<(tUMtora (2) elle a do plus une valeur égaie chez les Boud.dhistes du sud et chez les Bouddhistes du nord. C'est donc une partie importante, quoique tout extérieure, des croyances bouddhiques t'en a voulu en faire en quelque sorte un signalement, que peuvent vériner les intelligences les plus vulgaires avant de donner leur foi.

M. E. Burnouf a consacré & cette étude un dos appendices les plus considérables du ~o<<M la bonno M. tt a pris la peine d'étudier et de comparer sept listes différentes (i) M. E. Burnouf a discuté ce point de vue, qui semble assex probable, Lotus ~ata !~nKe to<, p. 619, Appendice n" vm. (2) ~« <c~ fotpa, de M. Ed. Foucaux, t. H, p. i07 et suiv. M. Abel Rémusat a renversé pour jamais l'hypothèse do Williams Jones, qui avait voulu faire un nègre de StddMrtha, parce que ses images io représentent avec dos cheveux frises. Vnirto mémoire spécial surles signes caractéristiques d'un Bouddha, ~Man~M asiatiqucs, 1.1, p. iOi e) i(!8.


données par des ouvrages Népalais et Singhalais d'abord celle du faH«!CM<<n-a; puis cette du vocabulaire pentaglotte de M. Abel Rémusat (1) une troisième, cette qu'a empruntée M. Hodgson au Dharma sangraha, terminologie religieuse et philosophique des Bouddhistes du Népai (2) une quatrième et une cinquième puisées à un ouvrage spécial sur ce sujet, le Lakkhana soutta de Ceylan, qui se trouve dans le recueil intitu!é Dfgha nikaya enfin, une sixième et une septième, toutes deux singhalaises aussi, tirées l'une du Mahâpradhâna soutta, qui fait partie du même recueil, et l'autre du Dharma pradtpika, ouvrage moitié singhalais moitié pâli (3).

Je ne veux pas énumérer un à un les trente-deux signes. ni encore moins les quatre-vingts marques secondaires je n'en citerai que les plus remarquables. Le premier signe est une protubérance du crâne sur le sommet de la tête. Rien n'empêche de croire que cette singularité de conformation n'ait appartenu à Siddhartha. Le second signe c'est d'avoir des cheveux bouclés tournant vers la droite d'un noir foncé et à reuets changeants. La chevelure tournée vers la droite rappelle sans doute l'acte du jeune prince coupant ses cheveux avec son glaive; et les boucles (1) Abel Rémusat, ~<Mt~eo a~at~HM, t. p. 164. (2) M. Hodgson, ./owM. of the roy. <Mtfj<. society of Great Britain, t. p. 31/), et 7o«~. asiot. Me. of Bengal, t. V, p.91.

(3) M. E. Burnouf, Lotus ~e <ft6o!tne:o<, p. 667, Appendice n<' vnt. Ces sept listes ne diffèrent en général entre elles que par l'ordre d'énumération, et, selon toute apparence, elles dérivent d'un seul et même original. Il y a cependant quelques caractères que ne contient pas IeZoM(<MM/<!Mt, et qu'ont les autres listes. Voir !o tableau comparatif do M. E. Burnouf, Lotus de la bonne loi, p. b77 Mi.


écourtées, que l'on avait prises à tort pour celles d'un nègre, confirment cette tradition, qui vivait encore chez les Bouddhistes de Ceylan quand le colonel Mackensie les visitait en 1797 (1). Ce second signe est tout aussi vraisemblable que le premier. Le troisième, qui est un front large et uni. ne l'est pas moins. Le quatrième. au contraire, semble bien de pure invention c'est la fameuse touffe de poils, oùrna, naissant entre les sourcils, et qui doit être blanche comme de la neige ou de l'argent. Suivent deux signes qui se rapportent aux yeux. Le Bouddha doit avoir des cils comme ceux de la génisse, et i'œi! d'un noir foncé. Les dents doivent être au nombre de quarante, égaies, serrées et parfaitement blanches. La description passe ensuite à la voix, qui doit être celle de Brahma à la langue, à la mâchoire, aux épaules, aux bras, qui doivent descendre jusqu'aux genoux, beauté que nous comprenons peu, mais que les poèmes indiens ne manquent jamais de donner à leurs héros (2) puis à la taiiio, aux poils, qui doivent être tous séparés et tournés vers la droite à leur extrémité supérieure puis aox parties les plus secrètes du corps de là aux jambes, aux doigts, aux (i) M. le colonel C. Mackensie, ~«a~c R6searchs, t. VI, p. 453, éd. de Londres, in-4".

(2) Cette forme particulière des bras est célébrée comme uns beauté des héros dans le Mahâbh&rata et dans le R&mayana M. E. Burnouf, Lotus ~e ta bonne toi, p. 618. Aux citations que fait M. E. Burnouf on peut joindre la Bhagavad gu!t&, lect. I, sloka 18, qui donne de grands bras » à l'un des héros que nomme Ardjouna. Dans !o 7!<Ma, 3' ashtaka, lecture 8, hymne ù (p. 363 de l'édit. de M. Max. MuUer, et p. 2M, t. H, do la traduction do M. Langtois), !c divin Savitri est appelé Il dieu aux longs bras. »


mains, et enBn aux pieds, qui, entre autres signes, et outre le coup de pied saillant, doivent être parfaitement droits, et bien posés.

Les quatre-vingts marques secondaires ne font qu'ajouter des caractères moins saillants aux trente-deux qui précèdent (1). tt y en a trois pour les ongles, trois pour les doigts. cinq ponr les lignes de la main dix pour tes membres en général, cinq pour la démarche, trois pour les dents canines, une pour le nez six pour les yeux cinq pour les sourcils. trois pour tes joues, neuf pour les cheveux, etc., etc.

ïi ne faut pas attacher à toutes ces minuties plus d'importance qu'il ne convient; mais ii ne faudrait pas non plus les négliger entièrement. Quelques-unes ont donné naissance des superstitions qui tiennent une grande place dans te Bouddhisme. Ainsi. le trente et unième signe du grand homme, c'est d'avoir sous la plante dos pieds une figure de roue. De là les Bouddhistes deCeyian, du Népa). du Birman, de Siam, du Laos, etc., ont cru retrouver en divers lièux l'empreinte du pied du Bouddha (2) c'est le fameux Prabhât ou ÇrtpMa, le pied bienheureux dont l'une des traces tes plus cetèbres se trouve sur le pic d'Adam à Ceylan, et où la superstition singhataise croit reconnaître Jusqu'à soixante-cinq figures do bon augure (5). (t) Lotu8 de bonne loi, de M. E. Burnouf, p. 683 et suiv. Appendice n° vm.

(8) Zo<<M tteto toHnetot, de M. E. Burnoat, p. 646. (3) M. E. Burcouf, Lotus de la bonne loi p. 623 et suiv., a énuméré et discuté ces soixante-cinq ugures, d'après to Dharma pradtpika singhalois et les descriptions de divers voyageurs. Cette superstition du Çr!pada est assez ancienne dans le Bouddhismp. Le Mahavan~a, au tv< siecio de notre ère, en pario dojh,


J'ai tenu à entrer dans tous ces détails, à la fois sur la vie réelle de Çâkyamouni et sur sa tégendo pour qu'on pût voir nettement les deux cû~és du génie bouddhique. D'une part, une grandeur d'amo peu commune; une pureté morale presque accomplie avec uno métaphysique profondement incomplète et fausse; une charité sans bornes; une vie héroïque qui ne se dément pas un seul moment. De l'autre part, une superstition qui ne recule devant aucune extravagance. et qui ne se rachète que par une admiration enthousiaste pour la vertu et pour la science; des deux côtés, de très-nobtes sentiments avec des erreurs déplorables le salut du genre humain cherché avec une égale ardeur et la plus louable sincérité des chutes désastreuses, trop juste position d'un orgueil qui ne s'est point connu et d'un aveuglement que rien ne peut éclairer. Tottos sont les deux faces les plus générâtes du Bouddhisme. Nous allons les retrouver dans sa morale et sa métaphysique.

ch. t, p. 7, trad. de M. Turnour au v siècle, Fa hian vit uno empreinte dans !o royaume d'0udy& et deux autres Ceytan, Foe ~otM /H, de M. Abel Rémusat, ch. vm, p. ù5 et 63, et ch. xxxvM, p. 832 et 3Mt. Au vue siècle, Hiouen Thsang vit un très-grand nombre d'empreintes dans les royaumes du nord de l'Inde, dans celui de Kapitha, dans celui du Magadha près de Radjagriha, et dans divers royaumes de t'tndo occidentale, Histoire de la vie dWotMK yAMn~, de M. Stanislas Julien p. 1H, i38,207,210, etc. Le roi Açoka avait fait construire des stoûpas dans tous tes lieux qui passaient pour avoir conservé la trace des pas du Bouddha.


IV.

DE LA MORALE BOUDDHIQUE.

Bien que Çakyamouni soit un philosophe, et qu'it n'ait jamais prétendu être autre chose, on aurait tort d'exiger de lui un système méthodique et régulier. A vrai dire. il n'a point enseigné, quoique les légendes nous le représentent toujours entouré do ses disciples, et qu'il eût étudié longtemps aux écoles des Brahmanes, Il a plutôt prêché toute sa vie; et en s'adressant à la foule il n'a pas du employer tes formes sévères que la science demande, mais que n'auraient point comprises ses nombreux auditeurs, et que le génie brahmanique tui.meme n'a que fort imparfaitement appliquées. Chargé par la mission qu'il s'était donnée, de sauver le genre humain et les créatures. ou mieux encore les êtres et t'unh qrs entier, l'ascète devait prendre un langage acces~Mo à tous, c'cst-a-dire !e plus simple possible et !e plus vu)gairo(l). Des procédés rigoureux et scientifiques auraient échoué auprès de ces esprits peu cultivés, qui n'apportaient aux discours du réformateur que leur enthousiasme de néophytes et la sincérité d'une foi aveugle. Le Bouddha se vante, dans le Ao«« <~ la tonne loi, de t'habitaté des moyens dont il use pour (1) M. E Burnouf a remarqué avec sa sagacité ordinaire que cette condition nécessaire du Bouddhisme expliquait son infériorité littéraire b t'ëgard du Brahmanisme. L'art, sous toutes sas formes, est resté a peu près inconnu du Boud. dhisma; et l'ort du 9ty!e, en particulier, lui est complètement étranger. La lecluro des soufras est presque insoutenable. Voir i'7H(fo~<e</oM <! <o~ <ft< Fot«M/)~Mto indien, p. <M.


convertir et toucher les êtres (i) mais ces moyens, au fond, se réduisent à l'ardeur de la conviction personnelle qui l'anime, et au besoin de croire non moins vifdont ceux qui i'éooutent sont animés comme tut.

Ainsi les idées du Bouddha, quoique très-arretéosdans son propre esprit, quoique toutes-puissantes sur l'esprit de ses adeptes, ont été peu précises dans la forme. Le Bouddha lui-même n'avait rien écrit, et ce furent ses principaux adhérents qui, réunis en concile aussitôt après sa mort, fixèrent dans tes soûtras les paroles du maitre et la doctrine qui, tout à l'heure, allait devenir un dogme. Deux autres conciles, après le premier, rédigèrent définitivement les écritures canoniques telles que nous les avons, et que les reçurent, en les traduisant, tous les peuples soumis au Bouddhisme (2). Ce travail de rédaction suo(i) Tout un chapitre du AohM de la bonne loi, le second, do la page i9 a la page 38, est consacré h exposer i'Habiioté dans i'emploi des moyens.

(2) Les deux sources principales pour l'histoire encore incomplète de ces conciles sont ie Doul va tibétain, dont Csoma de KOros a donné l'analyse, ~<ot. ~MMfchM, t. XX, p. &i 9t et 297, et io AfoMcoxM singholais, qui a consacré trois longs chopitres eux trois conciles qu'il appelle dharnmsagga!t!s, Assemblées de la Loi (Mahavansa do M. G. Turnour, de la page il h la page ù2). Les deux récits, d'accord sur les points essentiels, dînèrent sur plusieurs faits très-importants. D'après le Maha~ansa, les dates dos trois conciles seraient 6M, M3 et 309 avant i'ero chrétienne. D'après les Népalais et les Tibétains, ce serait 643, M3 et IM. Voir aussi i'JM«. de la vie d'~eMen y~M~, de M. Stanislas Julien p. 96 et 156, et le Foe Aowc ICi de M. Abel Rémusat, ch, xxv, p. 2<)7, note de M. Klaproth, et ch. xxxvt, p. 3i9, note de b1. Landresso. M. Tur. nour a publio, d'après les Singhatais, !o récit officiel, et l'on


cessivo était fini deux siècles au moins avant nchc ère. Par suite de ces circonstances diverses, tes théories do Çakyamouni doivent être en morale et surtout en métaphysique peu nombreuses et fort simples. Elles sont en général très-claires et très-pratiques. ce qui n'exclut ni la justesse ni mtme la profondeur. En un mot, c'est une philosophie qui doit être bientôt une religion.

On sait d'ailleurs que !e premier concile réuni à Radjagriha, sous la protection d'Adjâtacattrou, partagea les écritures canoniques en trois grandes classes, que ne changèrent point tes rédactions subséquentes les Soutras ou discours du Bouddha, le Vinaya ou la discipline, <- i'Abhidharma ou la métaphysique. Ananda fut chargé do compiler les Soûtras Oupaii, le Vinaya; et Kaçyapa. qui avait dirigé toutes les délibérations, se réserva la métaphysique (1). Les Soûtras, qu'on nomme aussi Bouddha vatchana. ou parole du Bouddha etMoûtagrantha.io Livre du texte, sont considérés avec toute raison par les Bouddhistes du nord comme les textes fondamentaux (2). C'est évidemment aux discours qu'il a fallu puiser tout le reste.

pourrait dire le proees.vorbat des opérations du premier concite, Journal do fa Me<<M oofaM~Me dM Fen~tc, t. Vt, p. 6t9 et suiv.

(I) Ces trois classes des écritures bouddhiques forment co qu'on appelle ie <f<p«o!!a, 00 les Trois.Corbei))es. Voir la préface du JMNMcanM de M. G. Turnour, p. 65, et i'/ofrod. <t t'n~t. d«~OMMn. ind. do M. E. Burnout, p. 36 et suiv. (2) Idem, <&M., p. 86 et i(M. tt no faut pas confondre tes soufras bouddhiques avec tes soufras des écoles philosophiques du Brahmanisme. ëtymotogiqoementt 10 mot de eoûtra no si.gniBo que discours attachés ou cousus onsemNe; et par suite, aphorismes, axiomes.


La première théorie qui se présente, et qui, au point de vue de !a méthode. doit on effet précéder toutes les autres, c'est celle des Quatre vérités sublimes (âryani satyani). E)te est connue do tous les Bouddhistes sans exception elle est adoptée au sud et & l'est aussi bien qu'au nord; à Ceylan, au Birman, au PéGu, à Siam, à la Chine, tout comme au Népat et au Tibet (1).

Ces quatre vérités, les voici

D'abord, c'est i'extst'jnco de la douleur, dont l'homme est atteint sous une forme ou sous une autre, quelle que soit la condition éclatante ou obscure dans laquelle il nalt ici-bas. C'est là un fait malheureusement Incontestable, bien qu'il no porto pas toutes les conséquences qu'y a vues le Bouddhisme; et c'est comme une base inébrantabto donnée à tout l'édifice du système.

En second lieu, c'est la cause do la douleur, que le Bouddhisme n'attribue qu'aux passions, au désir, à la faute.

La troisième vérité sublime, propre à consoler do la triste réalité des deux autres, c'est que la douleur peut cesser par le Nirvana, ce but suprême et cette récompense de tous les efforts de l'homme.

Enfin. la quatrième et dernière vérité, qui tient encore plus étroitement aux croyances particulières du Bouddhisme, c'est le moyen d'arriver à cette cessation de la (<) Le soûtra le plus ancien o!) l'on trouve cette énumération des Quatre vérités est io Mahavastou, antérieur a)) Lanta' vistara, qui an répète t'énonce presque dans ids mêmes termes. Voir l'lntrod. d t'Mot. du Bouddh. <n<< p. i86, 390, 517 et 629, de M. E. Burnouf, et l'Appendice spécial qu'ii a consacré aux Quatre véritea sublimes. Voir aussi !o/~« fcft'cf t'ot p<t, de M. Ed. Poucaux, p. tM et 892.


douleur, c'est ta voie qui conduit au Nirvana ( marga en paii magga).

La voie ou la méthode du salut a huit parties, et ce sont autant do conditions qt.a t'hommo doit remplir pour assurer sa délivrance éternelle. La première do ces conditions, selon !o tangage bouddhique, est la vue droite, c'est-à-dire la foi et l'orthodoxie; la seconde, c'est le jugement droit, qui dissipe toutes les incertitudes et tous les doutes la troisième, c'est )o langage droit, o'est-adire la voracité parfaite, qui a horreur du mensonge et qui le fuit toujours, sous quelque forme qu'ii se présente !a quatrième condition du salut, c'est de se proposer dans tout ce qu'on fait uno fin pure et droite, qui règle la conduite et h ronde honnête la cinquième, c'est de no demander sa subsistance qu'h une profession droite. non entachée do péché, en d'autres termes. a la profession religieuse la sixième, c'est J'application droite de l'esprit à tous les préceptes do la Loi; la septième est la mémoire droite, qui garantit te souvenir des actions passées do toute obscurité et do toute erreur et la dernière enfin, c'est la méditation droite, qui conduit dès ici-bas l'intelligence aune quiétude.voisine du Nirvana (1). (t) ~a M'ef rotpa, de M. Ed. FouMUt, t. Il, p. 392; i Zo<<M de la bonne loi, de M. B. Burnouf, paga ii, ch. t, et p. 332 et M9;~oea&M<s~pmM~o«e, section XXXI, dans ta t. ï" des ~Man~M (Mto~jtMM de M. A. R~muaat. Les Bouddhistes de Ceylan appellent la voie h huit parties d'un sent mot, atthagga magga (Mhthanga.morga). !) pMoitque les Bouddhistes d'Ava entendent ces huit parties du Marga en un autre sens t suivant eu*, ce sont tes quatre degrés ëtaMis dans la hiérarchie bouddhique entre les reMgiau!t, d'après leur vertu et leur marite. Chacun de ces degrés est at)Miyit6 en deux autres, selon


Les Quatre vérités sublimes sont celles que Siddhartha comprit enfin à Bodhimanda, sous t'arbroBodhi, après six ans do méditations et d'austérités; ce sont celles qu'il enseigna tout d'abord à ses cinq disciples quand tt Ot tourner pour la première fois la roue de la toi à Bénarès. C'est parce qu'il les a comprises qu'it est devenu Bouddha; et quand it prêche sa doctrine au monda. c'est toujours aux Quatre mérites qu'il donne la préférence sur les autres parties de son enseignement. Dans sa grande tutto contre les Ttrthyas du Koçala, en présence do Prasénadjit, lorsqu'il a défait ses adversaires, et que les Brahmanes s'enfuient en criant « Nous nous réfugions u dans la montagne nous cherchons un asile auprès des « arbres. des murs et dos ermitages, o Bhagavat leur adresse ces paroles do dédain et d'adieu: « Beaucoup n d'hommes chassés par la crainte cherchent un asllo dans « tes montagnes et dans les bois, dans les ermitages et « auprès des arbres consacrés. Mais ce n'est pas le ptua « sûr des asiles ce n'est pas le plus sûr des refuges. Ce«lui au contraire, qui cherche un refuge auprès du « Bouddha, de lu Loi et de l'Assemblée, quand it voit, « avec l'aide do la sagesse, les Quatre vét'.téssubttmes, que les personnages qui les formant sont encore dans la vota particulière où its marchent, ou qu'ils ont atteint te but du voyage entrepris par eux. Cette seconde mantefo d'entendre le Marga me semble postérieure & l'autre, et elle est moins conforme a l'esprit générât du Bouddhisme. tt serait peut.6)ro d'oilleurs assez facile de concilier ces doux intBrpratatioae. Parmi les cent huit portes de la loi qu'énumero le ZaMtaofttara, ch. tv, les huit parties du Marga tienHont leur place, et elles y sont expliquées assez longuement, /a <o&'ef roi pa, deM.Ed.Foucau]t,t.n,p.M.


« qui sont: la douleur, la cause de la douleur, l'anéantis« sement de la douleur, et le chemin qui y conduit, la « voie formée de huit parties. sublime, salutaire, qui « mené au Nirvana celui-là connaît le plus certain dos a asites, le plus assuré des refuges. Dès qu'il y est par« venu, i) est délivré de toutes les douleurs (1). » Si l'on en croit !o tradition des Mongols et des Tibétains, la théorie dos Quatre vérités occupa presque seule io premier concile et ses travaux se bornèrent à rédiger tes soûtras qui l'exposent (2). Eito est. en quoique sorte ta source et fo résumé do toute ta doctrine bouddhique on t'a réduite, pour l'usage des fidèles, enunostanco composée do doux vers que tous les Bouddhistes savent pur cceur, et qui est pour eux un véritable acte de foi (3). Les religieux la répètent sans cesse.

(t) Prd«Mr;/o ~o<Mf<t, dans le Divya avadana. Voir /H<rodMC. d t'A~t. dx J?oH<<dA. <n<f. de M. E. Burnouf, p. 166, et Csoma do K0r09, ~<<<t< res., t. XX, p. 90.

(a).Mcm, <M(t.,p.683,etM.Sohn)idt, CMeMcA<a<feroft. ~/o~o~,p. i7e<3i6.

(9) Cette stance a été connue pour la premi~ro fois par la dëcomerto qu'on titM.J.S'ephenson,dan9!o!t ruines d'une ancienne villa prts do Hakhra (JoMft). o/'(Ae a)<of. MO. o/'Ben~a<. tV, p. <at et suiv.) Elle était insorito eur te piédestal d'une statue mutilée du Bouddha. Quelquo temps après, ou la re. trouta gravée sur une pierre enfouie dans ta topo de SarnM:. e près Bonares et presque toutes tes statuettes du Bouddha qu'on a découvertes, depuis vingt ans. dans les diverses parties de t'tnde et dans les contrées voisines, la reproduisent. Ce fut Prin sep qui, te premier rarvint b la dé'ihiffer et h l'expliquer (7out'n. of tAa Of<at. <oc. of ~on~at, toc. toutt.) Après lui t MM. Csoma do KorOs, Mi)), ttogdson, Burney, tLasson et Bur-


A la suite des Quatre vérités sublimes. et immédiate.mont après ettes. il faut placer un certain nombre do nouf en ont successivement compiétô l'interprétation. Voici la traduction que j'en donne, en modifiant un peu à mon tour, toutes colles dn mes prédécesseurs a De toutes les lois qui prof cèdent d'une cause antérieure, c'est toTathagata qui en dit « la cause; et quolle est la ccMation de ces lois, c'est ta grand « Çrâmana qui l'a dit également." On reconnaît sans peine dans ces deux vers les Quatre vérités sublimes los lois, ce sont la douleur ot l'oxistonce actueno qui ont pour cause des f. utes passeos; la cause, c'est la production de la doutour; la cessation do ces lois, c'est )o Nirvana; enfin, l'enseignement du 'fathagata et du grand Çramana, c'est la voie ou marga qui mono au Nirv&na. Des deux rédactions sanscrites ot paiies do eetto fo.mule, M. E. Burnouf, s'appuyant sur des observations tresdélicates de motriquo, a prouvé qun )a rédaction pâlio devait Ctre la plus ansionno, Zo<M< da la bonne loi, p. 622 et suiv. A cotte stance, qui est sacramenteHo, on on Joint souvent une seconde, qui, a un autre point do vue résume aussi la doctrino du Bouddha. Csoma doKorost'a trouvëo a la suite de la première dans les ouvrages tibétains qu'il consuitait (Jour. o/ <Ae a<<at. Mo. o/ ~m~at, t. !!t, p. 6i, et t. ÏV, p. ji36): elle est reproduite fréquemment dans les so&tras ainghaiais. La voici: Abs« tention de tout péché, pratique constante do toutes tes vertus, a domination absolue do son propre cceur, têt est l'enseigne. <' ment du Bouddha. » Deux autres stances d'un caractère analoguo se représentent plus souvent encore dans tes eeûtras népalais; on les rapportait b Çahyamouni tui-memo i) les avait fait mettre sous son portrait, que Bimbisara envoyait en présent a Roudrayana, roi do Rorouha Commencez; sortez de la « maison; appliquez-vous & la toi du Bouddha; renversez Parmeo de la mort, comme un éléphant renvorso une hutte do « roseaux. Celui qui marchera sans distraction dans celle


préceptes moraux qui sont fort simples sans doute, mais que le Bouddha ne devait point négliger, non plus que ne t'a fait aucun réformateur. Les cinq premiers decespréceptes sont ne point tuer, ne point voter, ne point commettre d'adultéré. ne point mentir, et ne point s'énivrer, A ces prescriptions, on en ajoute cinq autres qui sont moins graves, mais qui no laissent pf-tnt que d'avoir de l'importance s'abstenir de repas pris hors de saison; c'est défendre la gourmandise; s'abstenir de la vue des danses et des représentations théâtrales. chants, instruments do musique, etc.; s'abstenir de porter aucune parure et de se parfumer s'abstenir d'avoir un grand )it; enfin s'abstenir de recevoir de t'or ou de l'argent (t). Ce sont là les dix a discipline de ta loi, après avoir échappé à la révolution des a naissances. met'ra un terme & ta douleur. 0 (Roudr&yana ava(!ana,Btahn)ana Mriha, D)yotish)<a..PratihâryaSoOtrae< Avadena Çataita, M. E. Burnout, /nh-o<f. d fMot du BoMfMA. ind., p. 342, tM et 203, et Zo<'M de la bonne <o<, p. 629 ¡ Csoma de Koros, analyse du Doul va tibétain, ~ot.NMMff~). t. XX, p 79.)

(t) Les listes de pèches varient beaucoup dans les différente M&tfM. Voir M. E. Burnouf, Zo«M de la Canne loi, p. M&, Appeodtce. n° 2, sur la volour du mot ~pa, le vice ou le mal moral; mois cette que j'ai donnée peut être regardée comme la ptne commune. On la retrouve dans le F'<tt<nMAMa-~o«Mf' des Singhateis, qui n'est probablement qu'une autre rédaction du ~<-<t<(mo~(!oM«'a des Népalais, et qui, comme lui. est une espèce do traité de casuiatique. Le ~rotfmo~Aa.~etXfa est cannu par t'anatyse qu'en a donnée M. Csoma de K<Ms, d'après le Co!<ea. (~'at. Resear. t. XX, p. 59 et 80.) MM. E. Durnouf et lassen ont donné la table des chapitres du Pdtitneft&Aa.~oMtM dans leur ~'Ma< aur <e pdM, p. 20i M. Spie. ge) t'a également publiée dans son /fommaM~a. p. 36.


aversions ou répugnances (véramants) que doivent ressentir tous les novices, ou ptutOt tous les hommes qui ont foi au Bouddha. Les cinq premières règles surtout sont obligatoires pour tout le monde, sans aucune exception; mais on peut croire que les autres regardent plus particulièrement les religieux, qui ont d'ailleurs un code spécial dont je parlerai plus loin. On comprend que les règles même les plus générales prennent pour eux un caractère de sévérité qu'elles ne peuvent pas avoir pour les simples laïques; et c'est ainsi que les religieux ne doivent pas seulement s'abstenir de l'adultère, it faut, en outre, qu'ils gardent la plus Inllexible chasteté.

Des ouvrages entiers, au nord et au sud. ont été consacrés à la classification méthodique des péchés et des fautes 0);mais ces ouvrages, un peu postérieurs ait temps du Bouddha sont moins une reproduction exacte qu'un dévetoppoment de sa doctrine. et je ne crois pas devoir m'y arrêter, tout curieux qu'ils sont, parce quejo ne recherche ici que les pensées mêmes de Çakyamouni. A voir la direction toute pratique que le Jeune ascète do Bndhimanda voulait donner à sa prédication, on peut douter que ce soit lui qui ait divisé les règt"s morales qu'il prescrivait en deux cent cinquante-trois articles, comme le veut le ~««mo~Aa-SoMM des Népalais (le Soûtra de l'affranchissement); ou en deux cent vingt-sept, (t) Outre le .Pfattmo~tt ~ottffa népalais et )o P<!«ma&Mo~oMf<<t de Ceylan, le recueil Bingbaiais oppelé Digha. ~VtM~a contient quatre 8outios au moins q<)i ne traitent guère que de ce sujet capital le &hMM<Mof«..yo«Mo le ~oMMt. ~otttfa, répétition du précédent le Ft'cAMC-Z~o Soulla et ta ~'oMtopfMft-.yoMKa. M. E. Durnouf traduit te premier dqros M)))ta! toftM de la bonne loi, p. M9 et auiv.


comme le veut le MttttoAMa des Singhalais (1) ou en deux cent cinquante, comme le veut l'ouvrage chinois dont M. Abel Rémusat a fait connaltre le curieux résumé. (Foe ~OMO .Eï. p. 104 et suiv.) Des distinetions'si nombreuses, et parfois si peu tranchées, ne vont point à un réformateur qui veut convertir la foule; il lui faut des idées moins subtiles et plus frappantes. Ces analyses minutieuses conviennent peut-être à i'écote elles ne seraient pas écoutées de la multitude. Il est bien diittcite aussi de croire que ce soit !e Bouddha qui ait mis sur la même ligne que les cinq premiers péchés les cinq suivants dire du mal du Bouddha dire du mal de la Loi, dire du mal de l'Assemblée des religieux. élever une hérésie, violer une religieuse et qui ait fait de la réunion de ces fautes très-diverses et très-inégales la liste des dix éléments de destruction (en p&ii, ~OM-M~aMay~t) en d'autres termes, les dix péchés mortels (2).

Mais on doit penser que c'est bien le Bouddha lui-même qui a prescrit à ses religieux et à ses religieuses les douze observances suivantes, dont les ouvrages singhatais et chinois nous ont conservé le souvenir (3) elles sont fort (1) M. E. Burnouf, lntrod. A <'Mo<. du Bouddh. ind., p. 300 et 303.

(2) Id. ~o<tM<!e!<!6oMt)e!o<,p. M5, Appendice, n°H, sur la valeur du mot &f:«.

(3) M. Abel Bémnsat, dans son Foe ~oMe ~t, p. 60 et suiv., a donné l'analyse du Livre sacré des douze observances (en chinois, C/tt-E'M!-yAeou-?Tto-~H~), qui paratt avoir été traduit sur )o sanscrit ou sur le pâli. On retrouve cette liste des observances religieuses dans le vocabulaire pentag!otte, section Mv, et dans le dictionnaire singhalais de M. Ctough, t. H, p. 242. Il est fort probable qu'on découvfirapius tard, soit dans la col-


sévères, mais Sidduârtna les avait pratiquées lui-même durant de longues années avant do les imposer aux autres et quand un jeune prince avait donné 'cet héroïque exemple, il n'était permis à personne parmi les croyants d~hésiter à le suivre. H ne faut pas perdre de vue que ces règles ne concernent que les religieux, c'est-à-dire les hommes d'une piété supérieure, qui ont renoncé au monde, et qui doivent désormais dédaigner tous ses intérêts et toutes ses jouissances.

La première observance, c'est de ne se vêtir que de haillons ramassas dans les cimetières, sur les tas d'ordures et sur tes routes.

La seconde, c'est de n'avoir tout au plus que trois do ces misérables vêtements, qu'on a dû coudre de ses mains, à l'imitation du maître (1).

Ces haiiions doivent être couverts d'un manteau do laine jaune, qu'on se sera procuré par les mêmes moyens. Voilà pour le vêtement.

La nourriture sera plus simple encore. s'ii est possible. La quatrième observance et l'une des p:us strictes c'est de ne vivre que d'aumônes on ira les chercher de maison en maison, dans le vase do bois qu'on pourra posséder à cet effet.

lection du Népal, soit dans celle de Ceylan des traités spéciaux sur ce sujet, qui intéresse si directement la discipline; ils feraient partie du ~MM~a. Voir M. E. Burnouf, MMd. <'A!<f. du FoMfHA. <<)< p. 305 et suiv.

(1) Hiouen Thsang nous apprend que, dans une nuit trèsfroide, le Tathâgata dut se couvrir de trois vêtements. C'est pour cela sans doute qu'il permit à ses religieux d'avoir jusqu'à trois de ces vêtements faits de haittons. Voir bi. Stanislas Ju. lien Pie d'Hiouen Thsang p. 209.


ta cinquième lieu, on no fera qu'un sent repas par Jour; et, parla sixième observance, on se gardera do Jamais prendre des aliments après midi, mémo de simples friandises. On peut voir dans une foule de So&tras que le Bouddha iui-mome, aussitôt après son révëii, sort du vibâra pour aller quêter les aliments dont il doit vivre, et que son unique repas est toujours fait avant midi. Le reste du jour est donné à l'enseignement et à la méditation.

Les règles relatives au logement ne sont pas moins rudes. On vivra dans la forêt c'est la septième observance. Tous les Soûtras nous montrent le Bouddha, et en général les religieux, quittant les bois où ils ont passé la nuit. pour venir mendier dans la vile voisine. La huitième observance est de ne s'abriter que sous le feuillage des arbres; la neuvième, de s'asseoir le dos appuyé sur le tronc de l'arbre qu'on a choisi comme refuge. Pour dormir, il faut rester assis, et non point se coucher; c'est la dixième observance la onzième, c'est de laisser son tapis, une fois qu'on i'a étendu, sans le changer deplace (i). L'ascétisme bouddhique a, comme on le voit, presque égalé l'ascétisme brahmanique, et sauf les jeûnes excessifs dont le Bouddha sembte avoir condamné la pratique, le Bouddhisme est à peu près aussi sévère que la religion qu'il prétendait réformer. On doit mémo remarquer que (i) Ces règles, qui prescrivent l'habitation en plein air, semblent en contradiction avec l'institution des viharas,ou maisons de refuge pour tes religieux, qui remontent cependant auxpremiers temps du Bouddhisme, tt est facile de concilier cette opposition apparente, en supposant que les vMras ne devaient servir que dans la saison des pluies, et que le reste du tamps, l'ascèto devait vivre dans la forfit.


dans le Brahmanisme l'ascétisme recommandé par les sages n'a rien d'obligatoire; la philosophie peut le conseiller mais l'orthodoxie védique no l'impose à personne. Au contraire, le Bouddha, tout en voulant adoucir tes habitudes brahmaniques qu'il condamne, prescrit à ses religieux un régime austère dont ii leur est défendu de s'écarter sous peine do dégradation.

A ces onze observances s'en ajoute une douzième d'un tout autre genre. qui les complète et en fait très-nettement comprendre le but commun. Los religieux se rendront de temps à autre, la nuit, dans tes cimetières pour y méditer sur t'instabiiité des choses humaines (1). U me semble qu'après ces détails on doit mieux comprendre la portée do ces noms par lesquels les Bouddhistes se désignent eux-mêmes je veux dire ceux de Bhikshou, mendiant qui ne vit que des aumônes qu'il recueille, et de Çramana, ou ascète qui dompte ses sens. Le Bouddha n'avait pas dédaigné de les prendre t'un et l'autre. I! s'appelait tantôt n le grand mendiant a mah& Bhikshou; et tantôt at'ascète desGotamides.w Çramana Gaoutama. La mendicité attestait assez qu~ le Bouddhiste avait renoncé à tout ce qui fait les convoitises et les attachements du monde et son chaste célibat lui refusait m~me les affections les plus permises de la famille, en lui assurant. it est vrai, l'empire sur la plus redoutable des passions humaines. Je ne dis pas que ce soit ainsi qu'on puisse faire des citoyens utiles à la société; mais certainement c'est ainsi qu'on peut faire des saints.

(<) J'ai mis cette observance la dernière, bien qu'etto soit placée la dixième dans la liste du vocabulaire pentaglotte: Mais en la laissant au dixième rang, elle interrompt la série des autres qui se rapportent toutes à l'habitation des religieux; voir l'lntrod. <) t'A(o<. <<« Bouddh. ind., do M. E. Burnouf, p. 3U.


Les règles relatives au vêtement méritent une attention particulière, et dans !e monde indien ce sont elles peutêtre qui formaient l'originalité la plus frappante des ascètes bouddhiques. Les Brahmanes admettaient la complète nudité de tours sages et ils se nommaient eux-mêmes par une expression à la fois juste et spirituelle a tes gens « vêtus de l'espace digambaras (i). Les Grecs, compagnons d'Alexandre, qui les avaient vus sur les bords de t'Indus, les avaient nommées par analogie des gymnosopMstes; et c'était, à ce qu'il semble, une mode reçue dans ta première caste de vivre, même au sein des villes, dans un état de nudité que les sauvages ne supportent qu'avec peine. Ce n'est pas à dire que la société indienne se montrât indifférente à cette impudeur, que les ascètes brahmaniques prenaient sans doute pour do la piété; et ce n'était pas seulement les femmes d'un rang étevé. comme Soumagadha, la ntte d'Anatha-Pindika. qui étaient révoltées de ce cynisme (2) c'étaient tes courtisanes ellesmêmes, comme celle qui se moquait du mendiant Pourâna Kaçyapa, quand, de dépit d'avoir été vaincu par Bhagavat, it allait une pierre au cou ao noyer dans un étang (3).

(<) Ils s'appelaient aussi Les gens vêtus de la ceinture do la Loi. /t)t)'od. <t t'Mot. du Bouddh. M., de M. i!. Burnouf, page 487.

(2) Soumagadh& disait tristement en voyant tous ces mendiants nus qui venaient prendre leur repas dans la maison de sa belle-mère Il Si les personnes respectables ont cette tenue, 1 « comment seront donc les pécheurs? (Soumagadha avadaoe, VntfOttMC~oH A !'A&<o<re du Bouddhisme indion,'p. 3i2.) (3) PrMh&rya-Soûtra dans le Divya avaddna, jfM<fOt<MC<<oM <t <*AMo~ <<M Bouddhisme <M<Mea de M. B. Bumouf, page i88.


La vie religieuse était un idéat que le Bouddha seul avait rempli dans toute son étendue; mais si tous les hommes ne pouvaient l'atteindre, tous du moins pou.vaient, quelle que fût leur position dans la vie, pratiquer certaines vertus que te réformateur regardait, après « les « préceptes de l'enseignement comme les plus importantes. Elles sont au nombre de six l'aumône ou la charité, la vertu la patience, le courage, la contemplation et la science. Ce sont là tes six vertus transcendantes (paramitas) « qui font passer l'homme à l'autre rive » ainsi que l'indique t'étymotogie du mot par iequet on les désigne (1). L'homme en les observant n'est pas encore arrivé au Nirvana it n'est encore que sur le chemin qui (t) Chacune de ces vertus sont exprimées respectivement parles mots dana, cita, kchan'i, v!rya, dhyAna et pradjna, suivis du mot paramita. Ainsi l'on dit la vertu transcendante de l'an* mono, dana paramita, cita paramita, etc. Le mut paramita no peut signiOerqnet'idea de passer l'autre rive, pârom et ita. Mais on peut te prendra égatoment, soit pour un substantif, soit pour un adjectif qui devient l'attribut du mot aveclequel il se compose. Par exemple, dana paramita peut vouloir dire tout aussi bien la vertu transcendante de t'anmone, et la perfection de t'aum6t)e, que l'aumône passée t'autre rive, en d'autres termes conçue et pratiquée comme la conçoit et la pratique te Bouddhisme. Au point de vue de la grammaire cotte double nuance peut présenter quelque embarras; et M. E. Burnouf n'avait pas pu trancher cemptetemeHt cette dtMcuttô (/n<f0<<. à ~'A~toire du ~o<t<!d&. ind., p.M3, et~o<M«to <a6ont!e!o<, t pages B&& et suiv., Appendice n° vu sur tes dix perfections) mais !o sens général ne peut être douteux; et ces six vertus transcendantes sont évidemment celles que le Bouddha recommande le plus expressément aux hommes. Voir aussi le ~c fc~r roi pa, de M. Ed. Foucaux, 1.1!, ch. ù, p. 46.


y mène mais sur la route de la foi. il a quitté ces rivages ténébreux de l'existence où l'on s'ignore; it sait désormais où il doit tendre; et s'ii manque le but, ce n'est pas du moins faute de le connaltre (1).

L'aumône. telle quela comprend te Bouddhisme, n'est point la libéralité ordinaire qui donne à autrui une partie des biens qu'on possède C'est une charité sans bornes, qui s'adresse à toutes les créatures sans exception. et qui impose tes sacrifices les plus douloureux et tes plus extrêmes. Il y a telle légende, par exemple, où le Bouddha donne son corps en pâture à une tigresse affamée qui n'avait plus la force d'aitaiter ses petits (2). Dans une autre c'est un néophyte se jetant dans la mer pour apaiser ta tempête qui menace le vaisseau de ses compagnons, et qu'a suscitée ta colère du roi des Nagas (5). Le Bouddha n'est venu en ce monde que pour sauver tes êtres; tous ceux qui croient en lui doivent suivre son exemple et no reculer devant aucune épreuve pour assurer le bonheur des créatures. La charité doit éteindre dans le cour do et) Ce n'est pas toujours ainsi que l'on comprend les six ver.tus transcendantes; et il y des soutras qui semblent en faire des attributs spéciaux du Bouddha ou des BoddMsattvas. Maia au temps d'Hiouen Thsang, on comprenait les paramitaa comme je le fais ici; ~«. de la vie d'Z~oHMt Thaang de M. Stanislas Julien, p. 67.

(2) Koûpafati avadana, dans te /~otf<t avaddua, /o<rod. (t t'Af«. dM Bouddh. <nd., p. )69. Voir la «M dW<o«Mt y~a~, de M. StanistasJutien, p. 89. Plusieurs fois le Bouddha fit l'aumône de son corps, Idem <M< p 87 et 89 et passim Foe /rotta ~<, de AI. Abel Rémusat, p. 6&, 6C et 7~) et <f&'er fo! pa, do M. Ed. Foucaux, p. 167, ICO, 161. (3) Légende de Samgha Rettehitha, dans le J9(o~ avaddiau, ~n<)'of!. d PM~t. du Bouddh. ind., de M. E. Burnouf, p. 317.


l'homme tout égoïsme ou comme on dit en styte bouddhlque, « elle conduit à la maturité parfaite de l'être « égoïste, n

La vertu « conduit à la maturité parfaite de l'être vi« cieux; M c'est-à-dire qu'elle détruit tous les vices dont l'âme humaine peut-être souillée. Elle lui fait franchir les régions ténébreuses et tes quatre existences misérables, cette de damné dans l'enfer, cette d'animal, cette de préta et celle d'asoura.

La perfection de la patience « conduit à la maturité « parfaite de t'être a l'esprit méchant. M et lui fait abandonner toute espèce de matice, de désir de nuire, d'orgueil. de fierté et d'arrogance (1).

La perfection du courage ou de t'énergie conduit & la « maturité parfaite de l'être indolent, » ft ranime en lui toutes les semences languissantes de vertu. Elle lui fait traverser « ces régions désertes et ces landes stériles vides « do tous mérites elle tui fait cuttivertes germes féconds « que la pratique du devoir dépose toujours dans le cœur « d'un être doué do moralité. a

La cinquième perfection est une conséquence de la précédente c'est la perfection de la contemplation a qui con« duit à la maturité parfaite de l'être à l'esprit Inattentif, « et qui lui fait produire en lui toutes tes sciences et les (<) Cette déOniHon de la patience ne répond guère b t't. que le mot même exprime et qu'on s'en fait d'ordinaire. Autours le Bouddhisme comprend cette vertu comme nous ta comprenons noos-mOtnes; etto Mitavtstara loue le Bouddha « de c s'être plu dans la patience, d'avoir supporté de la part des « êtres, l'abandon, les persécutions, les injures, tes meurtres « et les emprisonnements multipliés, n /~a teA'er roi pa, de M. Ed. Foucaux, t. JI, eh. xm, p. IM.


« connaissances surnaturelles. a En d'autres termes. c'est une puissance magique que le Bouddhisme promet à la orëduitté de ses adeptes, en récompense de leur vertu. En cela, le Bouddhisme n'est pas coupable d'innovation et le Brahmanisme, longtemps avant lui avait fait ces trompeuses promesses, ou plutôt s'était Natté de cette illusion déplorable (1).

La sixième et dernière perfection, c'est celle de la sagesse « elle conduit à la maturité parfaite de t'être qui a « une fausse science, et lui fait abandonner les doctrines «hétérodoxes, les préjugés, les ténèbres, l'obscurité. « l'erreur et l'ignorance (2). a

A côté do ces vertus, qui peuvent paraître essentielles, (i) ti faut dire, pour être juste, que, bien souvent, dans les soufras on trouve do virulentes critiques contra l'art de h divination et de la magie exerco par les Brahmanes. Le Bouddha M&mo énergiqusment ces pratiques et les détend à ses religieux; voir on particulier le Brahma Djata Souna, Zo~M fa bonne loi, do M. E. Durnouf, p. MS, et la Samanna phala soutta, /&M., p, M8 et suiv. Si le Bouddha fait des miracles tui.mamo comme ses adversaires, ce n'est que pour abaisser et confondre leur orgueit, dans Hntërat des créatures, ~'JMMf~a ~o<)(fa, dans le Divya avedâna, /t«t'od'. (t <Wo<. du Bouddh. tnd~H, page 17i.

(2) A ces six vertus ou perfections, on en ajouta plus tard quatre autres, qui ne sont pas aussi essentielles, et qui d'aiiteurs rentrent a pau près dans les précédentes. Je ne les cite pas, attendu que culte addition, assez peu utile, est tres'posterienro a la ptédieation du Bouddha. Voir le Zo<<M de fa bonne loi, do M. E. Burnout, p. 649. Le Brahma D.jaia goutta, paii, divise la morale en trois parties la morale fondamentale, la morale moyenne etla grande morale, Ibid. p. 495. Cette classification n'appartient pas non plus au Bouddha.


il en est d'autres qui, pour être do moindre importance, ont ~ussi leur utilité, et dont le Bouddha recommande la stricte observation. Ainsi, non-seulement il ne faut pas mentir, mais, de plus, il faut éviter avec un soin presque égal la médisance, la grossièreté de langage, et même les discours vains et frivoles (1). Ne pas commettre ces fautes, c'est contracter des habitudes respectables ( arlya voharâ); s'y laisser aller, c'est contracter des habitudes dignes de mépris. Le religieux, pris en ceci comme le modèlo des hommes, a de l'aversion pour ia médisance il ne va pas répéter ce qu'il a entendu pour brouiller les gens entre eux loin de là, it roconciite ceux qui sont divisés il ho sépare pas ceux qui sont unis; ii se p!a!t dans la concorde; et comme il est passionné pour elle il tient un langage propre à la produire. JI n'a pas moins d'étoignoment pour toute parole grossière. Le langage doux, agréable aux oreilles aftectuoux, allant au cœur. poli, gracieux pour les autres, est coiuiqu'ii emploie. Enfin comme ii a renoncé à tout discours frivole, Il ne parle qu'à propos; il dit ce qui est, d'une manière sensée, seion Ja Loi et la discipline son discours est toujours plein do choses, comme il est aussi toujours convenable (3). Dans une légende, ceiie de Samgho Mahshita, on voit des religieux punis de peines fort graves en enfer pour avoir proféré des paroles inconvenantes, et pour n'avoir point gardé dans leur langage toute la mesure désirable (3). Si l'on en croit les traditions roeueiiiies par Hiouen Thsang à Gravas)!, un bhiksbou nommé Kouhaii, et uno Jeuno (i) Aofoa <fe la bonne toi, de M. E. Burnouf, p. ù96 et A97. (2) Samanna pha)a eoutto, id. <M(f., p. M&.

(3) Samgha Rahshita avadana, dans le Divya avadana, 7n<ro~. à i'~ft. ~t NoxftttA. <n(t, p. 329.


brahmine, qui avaient ca!omni6 le Bouddha, furent enfouis tout vivants dans l'enfer (1). Au temps du peierin chinois. on montrait encore les fosses où i!s étaient disparus, disait-on, en expiation de cotte fautp.

Une vertu d'un autre ordre que le Bouddha prêche avec une égaie insistance, et qu'it no cesse do pratiquer, c'est l'humilité. Çakyamount n'a pas compris certainement tous tes maux que l'orgueil entraîne et les fatales conséquences qui le suivent d'ordinaire mais it sentait trop profondément la misère et la faiblesse radicales do l'hommo pour l'onivror folio ment des vertus qu'il peut avoir, et no pas lui proscrire la simplicité du coaur et le renoncement à toute vanité. Lorsque io roi Prasenadjit, provoqué par les 'itrihyas. engage io Bouddha, qu'ii protège à faire des miracles qui doivent imposer silence il ses ennemis le Bouddha, tout en consentant à ce que le roi exige, lui tepond « Grand roi. je n'enseigne pas la Loi a mes audi« tours en ieur disant Allez, 0 religieux, et devant les « Brahmanes et les mattrosda, maison, opérez, à l'aide « d'une puissance surnatureHo, dos miracles supérieurs à M tout ce que l'homme peut faire; mais je lour dis, on « leur enseignant ia Loi Vivez. A religieux, en cachant H vo8)boones(Buvros et on montrant vos péchés (8). H (i) M. Stances Julien, Histoire <a rio d'j~otMH ~Mny, p. <2. Ces traditions prouvent quo, dans ia doctrine du Bouddha, la médisance et la calomnie passaient pour des pécMs fort graves, et qu'on les croyait punis par des châtiments tros-rudes; voir aussi ioJF~M ~OMe Ni, de hl. Abel Remusat, ch. tx, p. 174.

(2) Pratiharya Soûtra, difya avadana, cite par M. E. Burnouf, /t)fro<t. d ~t. ttu BoHffdA. ind., p. i70, ot légendedo i'u0rno,~(f.,p.26<.


C'est évidemment on comptant sur co sentiment d'humilité, plus naturel d'ailleurs qu'on ne pense, que le Bouddha put inf' tuer la confession parmi ses religieux. et même parmi tous les ndètes. Deux fois par mois, à la nouvelle et à la pleine lune, les religieux confessaient tours fautes devant !o Bouddha et devant l'Assemblée, a haute voix. Ce n'et'ut que par le repentir et par la honto devant soi-même devant les autres qu'on pouvait se racheter. Dos rois puissants confessèrent au Bouddha des crimes qu'its avaient commis, ainsi quo nous le verrons plus tard pour Adjatacatrou et ce no fut qu'au prix do ce pénible aveu que les coupables expieront les plus odieux forfaits (1). Cette institution du Bouddha, quoique d'une application bien diiuoiie, subsista longtemps après lui; et dans les édits religieux do Piyadast, le pieux monarque recommande à ses sujets la confession générale et publiquo de leurs fautes tous les cinq ans au moins (2). tt paratt qu'on rassemblait le peuple a ces époques pour lui (t) Le Samaona phaia soutt~ tout entier est consacré b t'entfOtien do Bhagavat'et d'Ad~atacatrou (Zotus de la &0t)))e loi, do M. E. Burnouf, p. M9 et euiv.). La roi io termina en avouant qu'il a tua son pbre, et on promettftnt do M MumaUfe désormais H au frein do la régie. B (/6M., p. ~8t). Col aveu suMt pour l'expiation et ii n'est suivi d'aucun acte do pëniteuco, quoique ta roi sa soit converti. Voir aussi Csotna do KOros, Analyso du Bout va, ~of. ~<-Mon~M, t. XX, p. 68,78 et 79; at M. E. Durnouf, ~XMtt. <t ~'A~f. dM J?oM<î<<A. <t)tt., p. 300. (2) Voir le premier édit séparé de Dhauti et te troMemo édit do Guirnor, qui se répète b Dhauiiot b Kapour'di-Guir). ~o«M la 6o)me tôt, de M. E. Burnouf, p. C83 et 684; /n«-o<f. d <'A<«. (fH~OH~A. M-, p. 3M; 2%oZro'M 7!f<. do M. Aboi Itdmusat, p. 20, ot ~f~ot're <te ta vie JWouen Thsang, de M.S)anMa9Ju)ien,p. t<3. t"


rappeler tesprineipea de la Loi et pour engager chacun à faire l'aveu de ses fautes. Cette cérémonie De devait durer quetroisjours.

Une chose assez étonnante, c'est que le Bouddha, tout en prêchant le renoncement absolu et Fascétisme au sein du célibat, n'en a pas moins respecté tes devoirs de la famitto, qu'il a mis au premier rang. Personnellement, il s'est toujours montré plein de respect et de tendresse pour le souvenir de sa mère, bien qu'it ne t'eût pas connue, puisqu'il l'avait perdu sept jours après être né; mais les Mgendes nous le représentent sans cesse préoccupé de la convertir, et il va plusieurs fois au ciel des Trâyastrimcats, où elle réside, pour lui enseigner ta Loi, qui doit la sauver (1). Dans une des légendes tes plus simples et les plus belles, Bhagavat s'adresse ainsi aux religieux, qui i'écoutent dans le jardin d'Anathapindika, à Djétavana, prèsÇravasti « Brahma.ô religieux, est avec « les familles dans lesquelles le père et la mère sont a parfaitement honorés, parfaitement vénérés, parfaite« ment servis. Pourquoi cela ? C'est que, d'après la Loi. « un père et une mère sont, pour un Sis de famille, Brahma a M-mamo. Le Précepteur, A religieux est avec tes ia« milles dans lesquelles le père et la mère sont parfaite« ment honorés, parfaitement vénérés, parfaitement ser« vis. Pourquoi cela? C'est que, d'après la Loi. un père « et une mère sont, pour un fils de famille, le Précepteur « tui-méme. Le feu du sacrifice, 0 religieux, est avec les (i) !i parait, d'après le récit d'Hiouen Thsang, que le roi Prasênadjit avait fait élever une statue au Bouddha, pour conserver le souvenir de sa piété filiale; ZMff. de la vie <t'~ot«M MMtt~ do M. Stanislas Julien, p. 125; voir aussi le Foe Xo<M m, do M. Abel Rémusat, ch. xx, p. 17t.


« familles dans lesquelles ie père et la mère sont parfaite« ment honorés, parfaitement vénérés, parfaitement ser« vis. Pourquoi ceta?C'est que, d'après la Loi, un père et M une mère sont, pour un fils de famille, le feu dusacrinoe « lui-même. Le feu domestique, o religieux est avec les a familles, etc. Le Déva (Indra, sans doute) est avec les « familles etc. (1). Dans une autre légende, Bhagavat explique les causes de la piété filiale: « lis font, & roit« gieux, une chose bien difficile pour leur enfant, le père « et la mère qui le nourrissent, qui t'été vent. qui le font « grandir, qui lui donnent à boire leur lait et qui lui font « voir les spectacles variés du Djamboudvipa. ? Le fils n'a qu'une manière de reconnaître dignement les bienfaits de ses parents et do leur rendre ce qu'il leur doit c'est de les établir dans la perfection de la foi, s'ils ne t'ont pas; c'est de leur donner la perfection de la morale, s'its ont de mauvaises moeurs celle de ta libéralité. s'ils sont avares celle de la science s'ils sont ignorants (2;. Voilà comment un <iis, qui pratique la Loi, peut faire du bien à son père et à sa mère, sans parler de tous les soins dont il les entoure; voilà comment il peut s'acquitter de sa dette envers ceux dont il a reçu l'existence.

On peut trouver que le Bouddhisme qui a une telle (i) Avadana'Çataka.cite par M. E. Bu[nout,/n<o< <tt'M«. jM NOMMA. <nd.. p. i33. Je n'achevé pas la citation; la suite est évidente de soi. On peut trouver ici un exemple de ces répétitions si familières au styte bouddhique. Dans ce passage, du moins, elles produisent un certain effet; mais elles sont le plus souvent poussées si loin, qu'elles rendent la lecture tout-a.fait insupportable.

(2) M. E. Burnouf,Jn(fod. A t'A<«. du Bouddhisme ind., p. 270, légende de Poûrna.


horreur de la vie, n'a guère le droit de prôner des devoirs et des liens sans lesquels la vie ne serait pas mais c'est là une contradiction qui l'honore et dont il est même possible de le disculper. Le Bouddha, pour atteindre à toute sa perfection et parvenir au Nirvana, doit nécessairement passer par la condition humaine; et, sous peine d'une ingratitude coupable, il ne peut que chérir et vénérer les êtres sans lesquals la voie du Nirvâna ne lui serait point ouverte (1).

Je me borne aux théories qui précèdent en ce qui concerne la morale bouddhique et Je crois que, toutes concises qu'elles sont, elles en renferment la plus grave et la meilleure partie. On peut les attribuer au Bouddha luimême, tandis que les autres, plus subtiles et moins pratiques, n'appartiennent qu'à !'éco)e et à la casuistique que l'école a fondée.

Je veux terminer ce que j'ai à dire ici par quelques considérations sur le moyen qu'empioyait te Bouddha pour propager sa doctrine. Ce moyen unique, qui a aussi son côté moral, c'est la prédication. H ne parait pas que le réformateur ait jamais pensé qu'il pût en employer d'autre. Soutenu et protégé par les rois, 11 aurait pu avoir recours à la force et à la persécution, dont rarement le prosélytisme se fait faute, pour peu qu'il ait d'ardeur. Mais toutes les légendes, sans aucune exception, sont unanimes sur ce point. Le Bouddha n'a choisi ses armes toutes puissantes que dans la persuasion. I! appelle à lui les hommes de toutes les castes et l'ensemble des créatures, depuis les plus élevés des dieux jusqu'aux êtres tes plus dégradés; il les exhorte à embrasser la Loi, qu'il leur (1) M. t. J. Schmidt, ~em. <!e t'~M«!. ~~atM<<eM6ow~, t. II, p. 36; et M. E. Burnouf, Lotus.de ht bonne !ot, p. 353.


jxpose; il les charme par ses discours; il les étonne quelquefois par sa puissance surnaturelle. Il ne songe jamais à les contraindre. Souvent il vient au secours de leur fatblesse par des paraboles, dont quelques-unes sont fort ingénieuses il leur cite des exemples pour les encourager à l'imitation il puise dans l'histoire de ses existences pas.sées le récit de ses propres fautes, pour instruire ses auditeurs en les effrayant des châtiments dont elles furent suivies; il se ptait même à ces aveux, du moment qu'ils sont utiles, et il raconte ses chutes pour les épargner à ceux qui l'écoutent, et leur apprendre le moyen de les éviter..

Ne se nor qu'au pouvoir de la vérité et de la raison c'était se faire une noble et juste idée de la dignité humaine, méconnue d'ailleurs à tant d'autres égards; et nous allons voir que les individus comme les peuples ont répondu à l'appel du Bouddha par des vertus délicates et sincères, qu'on ne s'attendrait point à rencontrer dans ces temps reculés.


v

INFLUENCE DE LA MORALE DE ~RYAMOt)M.

H faudrait, pour bien juger de t'inOuence exercée par la morale de Çâkyamonni, connattre en grands détails t'état des mœurs publiques et particulières dans la société à laquelle il s'adressait, et l'histoire exacte des peuples qu'il a tenté do convertir en leur prêchant la foi nouvelle. Les renseignements de ce genre, sans nous manquer complètement, sont encore trop peu nombreux pour qu'on puisse en tirer des informations suffisantes. Mais, à leur défaut, les Soûtras peuvent nous offrir une foule de traits qui nous montrent bien nettement l'action du réformateur sur les âmes. Quelques-uns de ces traits sont vraiment admirables et il est juste de les rapporter au Bouddhisme, puisque c'est lui qui les a provoqués; car s'il est un fait général qui ressorte des légendes de tout ordre, c'est que la société indienne est profondément corrompue au moment où le Bouddha y parait. Yi n'annonce pas directement le projet de la corriger en la critiquant; mais, en faisant do la vertu le seul moyen de salut éternel, il lui apporte le remède dont elle a besoin, et l'idéal qui doit la conduire en l'améliorant. I) est vrai, comme le dit la légende (i). que at'etforttonté par un homme ordinaire « pour louer les qualités personnelles du Bouddha ou « pour les embrasser par la pensée, est aussi vain que la (i) ~<tta alamkara, ouvrage pMi, consacré, comme son titre l'indique, h t'énumeration des perfections du Bouddha. citant le Brahmadjàla soutta, Lotus de la 6onHetof,deM. i!. Burnouf, p.86t


a tentative de percer un diamant avec la trompe d'un pu« ceron. Mais quand on dit que la perfection d'un Boud« dha no peut être ni décrite ni imaginée par un homme « ordinaire (en sanscrit pWtAa~ma, en pâti pouthoudj« <$<Mo), on ne prétend pas pour cela défendre à cet homme a de J'essayer; on veut seulement dire que les qualités du « Bouddha ne peuvent appartenir qu'à lui seul, on ce sens « qu'elles sont inconcevables et sans égaies. Si, en effet, « un homme ordinaire ne s'occupait pas sans cesse à célé« brer et à se rappeler la perfection du Bouddha, com« ment pourrait-il être affranchi de la douleur de la « transmigration? Par quette voie atteindrait- à l'autre « rive du Nibbâna ? Comment croitrait-it en foi. en mo« raiité. en savoir, on générosité, en sagesse? De même « qu'une graine de moutarde ou de jujubier, jetée dans « le grand Océan, n'y pompe l'eau que proportionnellea ment à son propre volume, de même tes hommes or- · « dinaires saisissent chacun une qualité du Bouddha proa porttonnetiement à leur propre science, si ce n'est « proportionneUement à ces quatités mêmes car il est un « texte qu dit: «Je déclare très-proNtaMeio simple acte « de penser aux conditions de la vertu à bien plus forte a raison, la stricte observation de ces conditions en ac« tion et en paroles. » Et de même qu'un homme qui n'a a vu qu'une partie de l'Océan s'appelle néanmoins un « homme qui a vu i'Ocëan, de même celui qui se rappelle « sans interruption, ne fût-ce que la plus petite portion « des quaHtés du Bouddha, qui est à sa portée, est un « homme qui se rappelle le Bouddha; et il en retire un a grand avantage, »

Le type de la perfection est donc posé dans le Bouddha; chacun tâche de s'en rapprocher le plus qu'il peut, et non


sans espoir de l'atteindre, puisque après tout le Bouddha n'est qu'un homme, malgré la supériorité incommensura.ble de sa vertu. Je choisis quelques exemples dans tes légendes pour montrer ce que le Bouddha faisait des cœurs qu'il avait éclairés. Je citerai de simples particuliers et des rois.

Poûrna est le nts d'une esclave affranchie, que son mattre, sur ses pressantes instances, a honorée de sa couche pour la rendre libre. Elevé dans la maison paternelle avec trois autres frères, ii se distingue de bonne heure par son intelligence et son activité. Non-seulement it fait sa fortune dans le commerce lucratif auquel il se livre, mais aussi généreux qu'habile, il fait celle de sa famille, dont il n'a pas d'ailleurs toujours à se louer. Il va souvent sur mer pour son négoce, et d'heureuses spéculations l'ont bientôt porté à la tête de la corporation dos marchands, dont it devient le chef. Dans un de ses voyages, il a pour compagnons, sur le vaisseau qu'il commande, des marchands do ÇrâvasH qui, la nuit et à l'aurore, lisent à haute voix des hymnes saints, des a prières qui conduisent à l'autre rive, des textes qui découvrent la vérité, les stances des Sthaviras et des Solitaires. Ce sonttesSoûtras et tes propres paroles du Bouddha. Poûrna. ravi de ces accents si nouveaux pour lui, est & peine revenu qu'il se rend à Çrâvast!, et que se faisant présenter à Bhagavat par Anathapindika. il embrasse la foi dont son cour a été touché, ïi entre dans la vie religieuse; et le Bouddha, « à qui l'on ne peut faire un plus doux présent que de lui amener un homme à convertir, a ne dédaigne pas d'ordonner et d'instruire M-meme le néophyte. Il lui apprend en quelques mots que la loi tout entière consiste dans le renoncement; et Poûrna, mort désormais au monde, veut


aller vivre et se fixer chez une tribu voisine qu'il doit gagner à la religion du Bouddha, mais dont les mœurs farouches pourraient enrayer un courage moins résolu. Bhagavat cherche à le détourner de ce dessein péritteux « Les hommes du Çronâpar&nta, où tu veux fixer ton sé« jour, lui dit-il, sont emportés, cruels, colères, furieux « et insolents. Lorsque ces hommes, û Poûrna, t'adrosse« ront en face des paroles méchantes, grossières et inso« tentes quand ils se mettront en colère contre toi et t'in« jurieront, que penseras-tu?- Si les hommes du Çro« nAparanta, répond Poûrna, m'adressent en face dos « paroles méchantes, grossières et insolentes, s'ils se « mettent en colère contre moi et m'injurient, voici ce « que je penserai Ce sont certainement des hommes « bons que les Çronaparântakas. ce sont des hommes <( doux, eux qui ne me frappent ni de la main, ni à coups « de pierre. Mais si les hommes du Çronaparanta to « frappent de la main et & coups de pierre, qu'en pon« seras-tu2 Je penserai qu'Us sont bons et doux, puis« qu'ils ne me frappent ni du bâton ni de l'épée. – Mais « s'ils te frappent du bâton et de l'épée, qu'en penseras« tu ? Je penserai qu'Us sont bons et doux, puisqu'il « ne me privent pas complètement de la vie. Mais s'ils « te privent de la vie. qu'en penseras-tu? Je penserai « que les hommes du Çronaparanta sont bons et doux de « me délivrer avec si peu do douleur de ce corps rempli « d'ordures. – C'est bien, Poûrna, lui dit te Bouddha tu « peux, avec la perfection de patience dont tu es doué, « nxer ton séjour dans le pays des Çronaparantahas. Va « donc, û Poûrna; délivre, délivre; parvenu à l'autre « rive, fais-y parvenir les autres; consolé, console; arrivé au Nirvana complot, fais que les autres y arrivent


a ainsi que toi. » Poûrna se rend en effet dans la redoutable contrée; et par sa résignation imperturbaNo, ii en adoucit tes féroces habitants, auxquels il enseigne les préceptes de la loi et les formules de refuge (1).

Voilà pour la foi courageuse du missionnaire, bravant la mort dans un dangereux apostolat. Voici maintenant des héroïsmes d'un autre genre, mais aussi dimoites. Le Bts du roi Açoka est à Takshaciià (Taxile), où son pèrai'a envoyé pour gouverner cette partie de ses Etats, et où il s'est fait adorer de tous les sujets, quand un ordre royal arrive qui prescrit d'arracher les deux yeux à Kouna!a; c'est le nom du jeune prince. Cet ordre cruel est envoyé par la reine Rishya.Rakshita, l'une des femmes d'Açoka, qui abuse du sceau de t'Ëtat et qui veut punir par cette vengeance affreuse les dédains du jeune prince, qui n'a point accueilli des avances criminelles. Les habitants de Takshaçiiâ ne veulent pas accomplir eux-mêmes cet ordre, qui leur semble inique. On s'adresse vainement ù des Tcbandalas, qui répondent « Nous n'avons pas le courage d'être ses bourreaux. » Le jeune prince, qui a reconnu le cachet de son père, se soumet à son triste sort; et quand s'est présenté enfin un homme lépreux et difforme qui se charge de l'exécution, Kounata. se rappelant les leçons de ses maîtres les Sthaviras. se dit « C'est parce « qu'ils prévoyaient ce malheur que les sages qui con« naissent la vérité me disaient naguèros «Vois; ce monde (1) Poiirna .~)o<Mna, ou ~ende de jPottnMt, dans l'Intro. <h<e~o<t <! <'A~. du Bouddh. ind., de M. E. Burcouf, p. 236 & 276.etBurtoutp.S63; voir aussi l'analyse du mat ggyour et du ~Mo«<t)<! <t'M<a!'M, par Csoma de KOrOs, ~<a<. ~tMar<AM,t.XX, p. 6i.


« tout entier est périssable; personne n'y reste dans une « situation permanente, a Oui, ce furent pour moi des amis « vertueux recherchant mon avantage et voulant mon « bonheur, que ces sages magnanimes, exempts de pas« sion, qui m'ont enseigné cette loi. Quand je considère « la fragilité de toutes choses et que je roSechis aux con« seiis de mes maîtres, je ne tremble plus à t'idéo de ce « supplice; car je sais que mes yeux sont quelque chose « de périssable. Qu'on me les arrache donc ou qu'on me « les conserve, selon ce que commande le roi. J'ai retiré « de mes yeux ce qu'ils pouvaient me donner de meilleur, « puisque j'ai vu, grâce à eux. que les objets sont tous « périssables ici-bas, » Puis, s'adressant à l'homme qui s'était offert pour bourreau «Allons, dit-il, arrache d'a« bord un œit, et mets-le moi dans la main. » L'homme accomplit ce hideux ouice, malgré les lamentations les cris de la toute; et le prince prenant son œit qui est dans sa main « Pourquoi ne vois-tu plus les formes, dit-il, « comme tu faisais tout à l'heure, vii globe de chair? « Combien ils s'abusent et qu'ils sont à plaindre les in« sensés qui s'attachent à toi en disant: C'est moi! La second œii est arraché comme le premier. En ce moment Konnaia. qui venait do perdre les yeux de la chair, mais eu qui ceux de la science s'étaient purinés. prononça cette stance: « L'œii de la chair vient de m'être enlevé, mais « j'ai acquis les yeux parfaits et irréprochabios do la sa« gesse. Si je suisdétaissé par le roi, je deviens le Nis du « roi magnanime de la Loi, dont je suis nommé l'enfant. a Si je suis déchu de la grandeur suprême qui entraîne à « sa suitetant de chagrins et de douleurs, j'ai acquis la « souveraineté de la Loi qui détrait la douleur et te cha. '< grin.H »

Kounaia met le comble à tant de résignation et d énor-


gie par une égale magnanimité; et quand bientôt après il apprend qu'il est victime des intrigues de Rishya-Rakshita, il s'écrie « Ah 1 puisse-t-elle conserver longtemps le « bonheur. la vie et la puissance, la reine Rishya-Rah« shitâ, pour avoir employé ce moyen qui m'assure un si « grand avantage » Le reste de la légende n'est pas moins touchant. Le prince aveugle erre de lieux en lieux avec sa jeune femme qui guide ses pas en chantant ses malheurs et ses consolations. H arrive ainsi jusqu'au palais de son père qui, dans sa juste fureur, veut faire périr la reine coupable de tant de maux. KounaM intercède pour elle, et no rejette que sur lui seul le malheur qui l'a frappé, et qu'il avait mérite sans doute par quelque faute commise dans une existence antérieure (1).

Vraie ou fausse, cette légende ne doit pas avoir moins de prix pour nous. Que ce soit le récit d'une aventure réeMe, ou la simple invention de l'auteur du SoutrA, peu importe. C'est un conseil si l'on veut. au lieu d'une bistoire mais les sentiments n'en sont ni moins nobles ni moins grands; et c'est toujours la doctrine du Bouddha qui les inspire.

Dans une autre tégendo, je trouve un exemple délicat et frappant de chaste tempérance et d'austère charité. Il y avait à Mathcura (2) une courtisane célèbre par ses charmes, nommée Vasavadatta. Un jour que sa servante (i) Açoka avaddna, dans le Divya avaddna, /M<fod. d <'At)t.<h< FoMtMA. ind., de M. E. Burnouf, p. 368 h 436 at sur. tout p. M8.

(2) Ville située sur la rive droite de la Yamouna, visitée par Fa Hian ot Hiouen Thsang, foe Aot«t ~< de M. A. Rémusat, p. 99 et t')2, et /Ho<. do ta vie d'~<o«M Thsang, de M. St.Julien, p. 103.


revenait d'acheter dos parfums chez un jeune marchand appelé Oupagoupta, elle lui dit « Ma ohôre, it parait que ce jeune homme te plalt beaucoup puisque tu achètes toujours chez lui. a « Fiito de mon maître, répondit la « servante, Oupagoupta le Sts du marchand, qui est doué « de beauté, de talent et de douceur, passe sa vie à obser« ver la Loi. w Ces paroles éveillèrent dans Vasavadatta do la passion pour Oupagoupta et quelques jours après elle lui envoya sa servante pour lui dire « Mon intention « est d'aller te trouver je veux me livrer & l'amour avec toi. » La servante s'acquitta de la commission mais le jeune homme la chargea do répondre à sa maîtresse « Ma « sœur, il n'est pas temps pour toi do me voir. » La courtisane s'imagina qu'Oupagoupta la refusait parce qu'il no pouvait pas donner le prix qu'elle fixait d'ordinaire a ses faveurs. Elle lui renvoya donc la servante pour lui dire « Je ne demande pas au fils do mon mattre un seul « karshapana je veux seulement me livrer a l'amour « avec lui. » Mais Oupagoupta lui fit répondre encore « Ma sœur, i! n'est pas temps pour toi de me voir. » A quelque temps do ta, Vasavadatta pour se vendre a un riche marchand qui la convoitait, assassina l'un do ses amants dont otio redoutait la jalousie. Le crime ayant été découvert, le roi de Mathoura donna l'ordre qu'on coupât les mains, les pieds, les oreilles et le nez à la courtisane, et qu'on l'abandonnât ainsi mutitéo dans le cimetière. Au récit de ce supplice, Oupagoupta se dit « Quand son c corps était couvert do bettes parures et de riches orne« ments, le mieux était de no pas la voir pour ceux qui a aspirent à l'affranchissement et qui veulent échapper a « la loi de la renaissance. Mais aujourd'hui que mutitéo a par !o glaive, e)!o a perdu son orgueil, son amour et sa


« joie, il est temps do la voir. » Alors Oupagoupta, sa faisant accompagner d'un jeune serviteur pour porter !e parasol qui l'abrite, se rend au cimetière avec une démarche recueillie. La fidèle servante, qui n'a point quitté vacavadatta !o voit s'approcher elle en avertit sa mattresse, qui. par un reste de coquetterie. au miUeu d'atroces souffrances, lui recommando de ramasser les membres épars et do les cacher sous un morceau do toile. Puis Vasavadatta voyant Oupagoupta debout devant elle. lui dit « Fils do mon mettre quand mon corps était doux « comme la fleur du lotus, qu'il était orné de parures et f do vêtements précieux, qu'il avait tout ce qui peut attirer if les regards, j'ai été assez malheureuse pour ne point to a voir. Aujourd'hui pourquoi viens, tu contempler en co « Hou un corps dont on ne peut supporter la vue. qu'ont s abandonné les jeux io plaisir la joie et la beauté, qui a n'inspire que t'Épouvante, et qui est souillé de sang et M do boue ? a « Ma sœur. lui répond Oupagoupta, jo a no suis point venu naguères auprès de toi attiré par « l'amour du plaisir; mais je viens aujourd'hui pour cona nattre la véritable nature des misérables objets M? a jouissances do l'homme. a Puis ii consulo Vasavadatta par l'enseignement do la Loi et sos discours portant le calme dans i'Ame do t'infortunéo. ello meurt on faisant un aoto de foi au Bouddha « pour ronattro bientôt parmi « les dieux (<). n

Je passe maintenant à d'autres traits non moins remar. quables que la légende attt' me a dos rois. Je commence (1) ~MmfOM avaddua, dans io C<c~a avaddna, traduit par M. E. Burnouf, M<-o<<. !) t'~M. '< J?o«<t<<. ind., p. i<t7.


par Bimbisara, le protecteur constant du Bouddha, et le premier parmi les princes contemporains qui se soit converti. Avant de transférer le siège du royaume à Radjagriha, Bimbisâra résidait d'abord à Koucagara. La population y était fort nombreuse les habitations, pressées les unes contre les autres, et sans doute en bois. avaient ou très-souvent à souffrir dos ravages du feu. Le roi, pour prévenir ces désastres, rendit un décret qui menaçait ceux qui, faute d'attention et de vigilance, laisseraient prendre le fou & leur maison, d'être transfères dans la Forêt froide. Dans ce pays, on appello do ce nom « un « tiou abhorré où l'on jette tes cadavres, » un cimetière. Mais pou do temps après le fou prit dans le palais. Le roi dit alors « Je suis to maître des hommes; si je viole moi-même mes propres décrets. je n'aurai plus io « droit do réprimer les écarts do mes sujets, » Lo roi ordonna donc au prince royal do gouverner il sa p)aoe, et H alla "tomourer dans la Forêt froide, dans ta cimetière.

Totto est la tradition que rapporte Htouen Thsang, et qu'il trouva vivante encore au vue slèolo do notre ère quand it visitait les ruines do Hadjagriha, où Bimbisara avait construit des fortitloatlona, dont los restes jonchaient te sol (1). tt serait dinictto d'ainrmor que la tradition soit exacte; mais to caractère que toutes les légendes prêtent à BimMsara n'y répugne point; et elle atteste tout au moins que dans l'opinion des peuples bouddhistes, les (i) Nttt. dots vte dWoMu 7'AMH~, do M. StantatasMien, p. i69. P!ua do la vio transporta ta do & Stanislos Jnlian, p. 169. Plus tard Açoka Iransporlo la capitale fi POll1l1potlUrl1, comme BfmMaara, ou son nt9 Adja<a;atreu, t'avait d~ja <ranseommo BlmbisAea, ou eon Als Adjritaçatrou, l'nvait dbjb teans- portdo h Hadjagrtha.


rois devaient être les premiers à observer les Ma qu'ils rendaient.

On se rappelle qu'un soutta singhalais, que j'ai déjà cité plus baut (1), est consacré tout entier au récit d'un entretien entre le roi Adjatacatrou, fils de Bimbisara, et le Bouddha, qui doit avoir à cette époque environ soixantedouze ans. Ce roi cruel, assassin de son père et persécuteur de la foi nouvelle, n'est point encore converti. On est au temps de l'ouposatha c'est-à-dire de la confession générale, qui avait lieu parmi les bouddhistes, toutes tes quinzaines, à la nouvelle et à la pleine lune. La nuit est splendide; et le roi entouré de ses ministres sur sa terrasse, où ii prend le frais, admire ce grand spectacle. H se sent ému et se rappelant sans doute le souvenir de son forfait, ii veut, à l'époque où tant de coupables font l'aveu dateurs fautes, aller témoigner son respect a quelque Brahmane, pour qu'en retour le saint homme rende un peu do calme à son Ame déchirée par le remords. Ses ministres lui proposent divers Brahmanes; mais l'un d'eux cite. Bhagavat et le roi se décide à se rendre sur le champ auprès do lui à la lueur des torches, ti va le trouver dans un bois de manguiers, où sont réunis autour de lui treize cent cinquante religieux et il lui demande un entretien, que la Bouddha lui accorde. Le roi ne lui découvre pas d'abord le vrai motif qui l'amène et avant d'en venir a l'aveu qu'il médite, ii lui pose une question qui s'y rattache assez étroitement, quoique d'une manière indirecte, et qu'll a vainement posée à tous les Brahmanes qu'il a consultés jusqu'à ce jour « Peut-on dès cette vie annon(<) Voir plus haut, p. 1M.


« cor d'une manière certaine aux hommes le résultat « prévu et général de leur conduite? M Le roiexpose tes doutes que lui ont laissés les réponses des gens les plus habiles et it veut avoir l'avis du Bouddha, qui par une longue et savante démonstration, que termina l'exposition des Quatre vérités sublimes, n'hésite pas à lui affirmer que les actions humaines ont un résultat prévu et inévitable. Le roi, éclairé par cette lumière de la Loi, comprend toute t'énormité de son crime; et, pénétré de repentir, il dit au Bouddha « Je me réfugie auprès de Bhagavat, « auprès de la Loi, auprès de t'Assemblée. Consens, ô « Bhagavat, à me recevoir comme Mè!o, aujourd'hui que « je suis arrivé devant toi et que je suis venu chercher un '< asile près de toi. Un crime m'a fait transgresser la loi. « seigneur, comme à un ignorant, comme à un insensé, « comme à un criminel. J'ai pu, pour obtenir le pouvoir « suprême, priver de la vie mon père, cet homme juste. « ce roi justel Que Bhagavat daigne recevoir de ma bou« che l'aveu que je fais de ce crime afin de m'imposer « pour l'avenir le frein do la règle. » Bhogavat, conformément à ta Loi, lui remet sa faute, qu'ii vient d'expier on t'avouant devant toute cette nombreuse assemblée (t).

Un autre roi, bien plus puissant que ne l'avait été Adj&tfcatrou, Açoka, si fameux d'abord par sa cruauté et ensuite par sa piété fastueuse, donne dans une légende un exemple d'humilité, moins pénible que celui-là sans doute, mais dont peu de rois seraient certainement ca(I) .MMNMo phala soulta, du M~a M<Mya, voir la Zo<!M de la bonne loi, de M. E. Burnouf, p. M9 & 482. Un outre soutta singhatai! ta Sou6ha MMMs, rapporte t'entretien d'Adja. tacatrou et de Bhagavat dans les mêmes termes.

A1


pables. H vient de se convertir, et H est dans toute la ferveur d'un néophyte. Ausi chaque fois qu'il rencontrait des ascètes bouddhistes, a des fils de Çâk~a. » soit dans la. foule soit isolés, ii touchait leurs pieds de sa tête et les adorait. L'un de ses ministres, Yaças, quoique converti lui-même, s'étonne de tant de condescendance; et il a le courage de représenter à son mattro qu'il ne doit pas se prosterner ainsi devant des mendiants sortis de toutes les castes. Le roi accepte cette observation sans y répondre; mais, quelques jours après, il dit à ses conseiiiers qu'il désire connattre la valeur de la tête des divers animaux, et leur enjoint de vendre chacun une tête d'animal. C'est Yaças qui doit vendre la tête humaine. Les autres têtes sont vendues à des prix différents mais celle'ia, personne n'en veut; et le ministre est forcé d'avouer que, même gratuitement, il n'a point trouvé à la placer. « Pourquoi donc, dit le roi, personne n'a-t-il voulu « de cette tête humaine?– Parce qu'elle est un objet « méprisable et sans valeur, répond le ministre. Estn ce cette tête seule qui est méprisable, ou bien toutes « les têtes humaines le sont-eiies? Toutes les têtes hu« matnes, dit Yaças. –Eh quoi! dit Açoka est-ce que « la mienne aussi serait méprisable? a Le ministre retenu par la crainte, n'ose dire la vérité; mais le roi lui ordonne de parler selon sa conscience et ayant obtenu de sa franchise la réponse qu'il en attendait: «Oui. « ejoute-t-it, c'est par un sentiment d'orgueil et d'enl« vremeut que tu veux me détourner de me prosterner « devant les religieux. Et si ma tête, ce misérable objet K dont personne ne voudrait pour rien, rencontre quel« que occasion de se purifier, et acquiert quelque mérite, « qu'y a-Ht là de contraire à l'ordre? Tu regardes la caste dans les religieux deÇahya, et tu ne vois pas les


a vertus qui sont cachées en eux. On s'enquiert de la caste « quand il s'agit d'une invitation ou d'un mariage, mais « non quand il s'agit de la Loi; car les vertus ne s'in« quiètent pas de la caste. Si le vice atteint un homme « d'une haute naissance, on dit « C'est un pécheur, a « et on le méprise. Mais on ne fait pas de même pour un « homme né d'une famille pauvre et s'il a des vertus M on doit l'honorer en se prosternant devant lui. » Puis, interpellant plus directement son ministre, le roi poursuit « Ne connais-tu pas cette parole du héros compaa tissant des Çakyas Les sages savent trouver de la va« leur aux choses qui n'en ont pas? Lorsque je veux « obéir a ses commandements, ce n'est pas une preuve « d'amitié de ta part que d'essayer de m'en détourner. « Quand mon corps, abandonné comme les fragments de « la canne à sucre, dormira sur la terre, il sera bien in« capable de saluer, de se lever et de réunir les mains en « signe de respect. Quelle action vertueuse serai-je alors « en état d'accomplir? Souffre donc que maintenant je M m'incline devant les religieux; car cetui qui sans exa« men se dit « Je suis le plus noble » est enveloppé « des ténèbres de l'erreur. Mais celui qui examine le « corps à la lumière des discours du sage aux dix for« ces (I), celui-là ne voit pas de diiférenco entre le corps « d'un prince et celui d'un esclave. La peau la chair. les « os la tête, sont les mêmes chez tous les hommes les « ornements seuls et les parures font la supériorité d'un (1) Dapabala, « celui qui a les dix forces, » est un des surnoms les plus fréquents et tes plus élevés du Bouddha voir le Zot<M do la bonne loi, de M. E. Burnouf, Appendice n" H, oh cette question est traitée spécialement.


« corps sur un autre. Mais ressentie! en ce monde, c'est « ce qui peut se trouver dans un corps vit et que les « sages ont du mérite à saluer et à honorer (1). » Je ne sais pas trop ce que nous pourrions ajouter aujourd'hui à ce noble et stoïque langage; mais que le roi Açoka l'ait tenu réellement ou qu'on le lui prête, il n'en est pas moins remarquable dans des ouvrages qui sont antérieurs de deux ou trois siècles à notre ère. Maintenant je quitte les légendes, dont l'autorité peut toujours être contestable, et j'aborde le terrain solide de l'histoire. Ce même roi Açoka, dont nous venons d'entendre les opinions si hautes et si sensées sur l'égalité des hommes, est celui qui, sous le nom de Piyadasi. a promulgué ces édits gravés sur la pierre dont j'ai déjà fait usage pour établir la date authentique du Bouddhisme (3). Ces inscriptions, dont il n'a été question que sous le rapport de la chronologie, sont encore plus intéressantes par leur contenu que par l'époque à laquelle elles se rapportent et qu'clles constatent. On le croirait à peine, mais ce sont des leçons omoieltos de morale que Plyadasi donne à ses sujets dans les édits qu'il a fait graver on vingt endroits de l'Inde, à l'ouest, à l'est, au nord ce sont des édits de tolérance qu'il a rendus, et l'on ne peut attribuer des idées si généreuses et si avancées qu'à l'influence des doctrines du Bouddha, dont Piyadasi s'était fait le toutpuissant protecteur. Qu'on en juge.

Je commence par l'édit qui est placé à Guirnar le huitième, et qui se trouve répété avec quelques variantes (<) Açoka ~M<Mtt<t, dans le Divya ~foaddna, 7n<f0(!. à t'M«. <h<JSot«MA. ind., de M. E. Burnouf, p. 37<). (2) Voir plus haut, page 21.


peu importantes à DhauM et à Kapour-di-Gulri. C'est celui où le pieux monarque annonce à ses peuples sa conversion à la foi du Bouddha « Dans le temps passé, dit « Piyadasi, les rois ont connu les promenades de plaisir o c'était à la chasse et à d'autres divertissements de ce « genre qu'ils se livraient alors. Mais Piyadasi, le roi « chéri des Dévas, parvenu a la dixième année depuis « son sacre, a obtenu la science parfaite qu'enseigne le' « Bouddha et la promenade de la Loi est désormais la K seule qu'il lui convient de faire ce sont la visite et a l'aumône faites aux Brahmanes et aux Samanas, la vi« site aux théras, la distribution de l'or en leur faveur, « l'inspection du peuple et du pays, l'injonction d'exécu« ter la Loi. tes interrogations sur la Loi; voilà les seuls « plaisirs qui charment désormais Piyadasi, le roi chéri « des Dévas, dans cette période de temps différente de « celle qui l'a précédée (1). »

A cette première déclaration, qui marque une ère toute nouvelle et comme nous dirions, un changement de système dans le gouvernement du roi Piyadasi, j'en ajoute une autre qui la complète et qui révèle encore mieux ses intentions magnanimes. Je ia trouve dans le dixième de ses édits, répété comme le précédent a Guirnar. à Dhauti e' à Kapour-di-Guiri, dans des endroits (1) On peut voir la traduction de cet édit par Prinsep, Jourtta< c~a~Mt. soc. o/~H~)<, t. VI et VI!; par M. Wilson, 7oM)'n. of the ro~. ~<ta<. Me. of Cn)a< Ff«oh), t. XII, p. M9, et par M. Lassen, Jnd~che ~Mer~Mms&Mn~, t. Il, p. 227, et par M. E. Burnouf, AohM de la tonne loi, p. 767. Il tant Hro d'aillours tout f'ntier !o savant travail do M. Ch. Lassan.surto regno d'Aco!<a otsongouvorncmont./Htt. ~<fe<-<&. t. tt, p. 216 a 27').


éloignés de plusieurs centaines de lieues les uns des autres.

« Piyadasi, le roi chéri des Dévas, pense que ni la « gloire ni lu renommée ne sont d'un grand prix. La « seule gloire qu'il désire pour lui-même, c'est de voir t< ses peuples pratiquer longtemps l'obéissance à la Loi. « et accomplir tous les devoirs que la Loi impose. Tetto « est la seule gloire et la seule renommée que désire « Piyadasi, le roi chéri des Dévas; car tout ce que Fiyan dasi, le roi chéri des Dévas, peut déployer d'héroïsme, « c'est en vue de l'autre monde. Qui ne sait que toute « gloire est peu profitable, et que souvent au contraire « elle détruit la vertu? C'est une chose bien dimcite quo « le salut pour un homme médiocre comme pour un « homme de haut rang, à moins que par un mérite su« prémoii n'ait tout abandonné; mais le salut est plus «difficile encore dans un rang élevé (1). »

Ces déclarations solennelles ont précédé, comme ollos ont suivi, la convocation du troisième concile qui se tint à Patalipoutra sous la protection de ce même roi, dans la 17" année do son règne. J'ai parlé plus haut de la missive qu'il avait adressée aux religieux réunis à cette grande assemblée (2). La voici telle qu'ctte résuite do (<)0a peut comparer pour cet éditcomma pour l'autre les traductions diverses qu'en ont données Prinsep, M. Wilson pt M.E. Burnouf, Journal of the <M(a<MC.of~e~s<,t.VH, l'" partie, p. 240 et 268; Journal of the roy. aoiat. aoe. of Gfea< JMfa<M, t. Xit, p. 209 et 212 et Zo<<M de la bonne loi, p. 669, Appendice n" x, § <, sur le mot Anyatra. La traduction de M. E. Bnraout, quo j'ai surtout suMo, ditlero dos deux autres dans sa do'nieto partie.

(2) Voir plus haut, p. 23.


l'inscription dite de Bhabra qu'a découverte M. le colo ne! Bart. Je la donne toute entière, quoique la iln seule nous intéresse pour te point spécial que nous étudions en ce moment

a Le roi Piyadasi à t'assemblée du Magadha, qu'il fait « saluer, souhaite peu de peines et une existence agréaMe. « ït est bien connu, seigneurs, jusqu'où vont et mon resa pect et ma foi pour le Bouddha pour la Loi, pour « t'Assemblée. H n'y a que ce qui a été dit par te biena heureux Bouddha qui soit bien dit. Il faut donc mon« trer, setgneurs, quelles en sont les autorités; c'est « ainsi que !a bonne Loi sera de longue durée; etvoiia ce que je crois nécessaire. Mais en attendant que vous « ayez prononcé, voici, seigneurs, les sujets qu'embrasse« la Loi tes règles marquées par le Vinaya (on la disci« piine), les facuités surnaturelles des Arlyas, les dangers « de l'avenir les stances et le soûtra du solitaire la doc« trine d'Oupatissa et l'instruction de Mhoula (Laa ghouia), en rejetant les doctrines fausses. Voilà tout ce « qui été 'par ie bienheureux Bouddha. Ces sujets « que la Loi embrasse, seigneurs, je désire, et c'est la « gloire à laquelle je tiens ie plus, que les religieux et «les religieuses les écoutent et tes méditent constam« ment. aussi bien que les fidèles des deux sexes. C'est a dans cotte vue, seigneurs, que je vous ai fait écrire « ceci; telle est ma volonté et ma déclaration (1). a (i)J. S. Burt, Journal o~e<M<a<.Mc. of~at.IX, p. 6i6; M. E. Burnouf, Lotus de la bonno loi, p. ?26. la tra.iuction de M. E. Burnouf, que t'ai reproduitf, diftëre beaucoup de celle des Pandits do Calcutta mais Je crois pouvoir affirmer quo notre savant confrère a touto raison contre les docteurs indi. gènes.


A partir de sa conversion jusqu'à la un do sa vie, Açoka ne cessa point d'adresser à ses peuples des exhortations aussi utiles, et il put s'applaudir bientôt du succès de ses eiforts. Voici quelques fragments d'un édit qui est daté de la douzième année de son règne. et qui atteste que ces prédications royales, propagées par les seuls moyens dont on pouvait disposer alors, n'étaient pas restées sans effet

« Dans le temps passé, pendant de nombreux siècles. a on vit pratiquer uniquement le meurtre des êtres vi« vants, la méchanceté envers les créatures le manque « de respect pour les parents. et !o manque de respect « pour les Brahmanes et les Çramanas. Aussi en ce jour. « parce que Piyadasi, le roi chéri des Dévas. pratique la « Loi, le tambour a retenti la voix de la Loi s'est fait « entendre. Ce que depuis bien des siècles auparavant on a n'avait point vu, on l'a vu prospérer aujourd'hui par « suite do l'ordre que donne Piyadasi le roi chéri des a Dévas, de pratiquer la Loi. La cessation du meurtre « des êtres vivants et des actes de méchanceté à l'égard dos « créatures, le respect pour les parents, l'obéissance aux a pères et mères, l'obéissance aux anciens, voiià les « vertus, ainsi que d'autres pratiques recommandées par « ia Loi. qui se sont accrues. Et Piyadasi, le roi chéri des <t Dévas. fera croître encore cette observation de la Loi « etiesiiis, et les petits-fils et les arrière-petits-Bis do t< Ptyadasi, le roi chéri des Dévas. feront croKrecetto « observation de la Loi jusqu'au Kaipa de ia destruc« tion (<). »

()) Voir !a trad'icuon de M. Wilson dans 7oHfH. o/ </<e ro~. N<<at. soc. of Great jC)'«a<t!, t. XII, p. J77; )a traduction pa)tieiio do M. 0). Lasson, ~(t. Alterth., t. H, p. 226, et cc)to do


Cet édit est le quatrième de ceux qui sont inscrits sur la colonne de Guirnar. Dans le onzième, qui !o reproduit en partie, on trouve la confirmation et le développement da ces préceptes moraux.

« Piyadasi, le roi chéri des Dévas a parlé ainsi It n'y a a pas de don pareil au don do la Loi, ou à t'étoge de « !a Loi. ou à la distribution de la Loi, ou à la concorde « dans la Loi. Et voici comment la Loi s'accomplit La « bienveillance pour les esclaves et pour les serviteurs a « gages, et l'obéissance aux pères et mères sont bien; ta « libéralité envers les amis, les compagnons et tes pa« rents. envers les Brahmanes et les Çramanas est bien « te respect de la vie des créatures est bien. Voilà ce qui « doit être dit par un père. par un fils. par un frère, par « un ami, par un compagnon, par un parent et même par « de simples voisins. Tout cela est bien et tout cela est a un devoir. Celui qui agit ainsi est honoré dans co « monde; et pour l'autre, un mérite infini résulte do ce « don do la Loi (1). »

Dans un règne qui no dura pas moins de trente-sept ans (263-226 avant 3. -C.) Açoka poursuivit avec persévé rance les réformes morales qu'il avait entreprises et voici t'édit de la vingt-sixième année de son sacre, Il est M. E. Burnouf, Lotus (!e la bonne <o<, p. 731. Appendice n" x. On pont remarquer que Piyadasi met dans ses édits tes Brahmanes avant les Çramanas; mais dans ceux qui ont 6t6 promulgués après !o concile, ii met toujours las Çramonos avant les Brahmanes. (i) Voir tes traductions de Prinaep, 7oM<-n. of ~e fo! ««<'<. soc. o/e~o<, t. VII, p. 240 et 269; do M. Wilson, 7oMrn. of thé ro~. a<(a<, Me. of Great jBW<a<n. '.Xtt, p. 2t3 de M. H. Hurnouf, Zo<tM <!e la bonne loi, p. 736. Appendice h" x, ft couo do M. Lossoo, qui est paftiuiio, /n't. ~ff'rM., 11, p. 229.


inscrit sur le pilier de DehU, à la face qui regarde le nord, et répété sur les colonnes de MatMat), de RadMau et d'Allababad.

« Piyadasi, le roi chéri des Dévas, a parlé ainsi La « vingt-sixième année depuis mon sacre, j'ai fait écrire « cet édit de la Loi. Le bonheur dans ce monde et dans «l'autre est dunette à obtenir sans un amour extrême do « la Loi, sans une extrême attention, sans une ~rémo a obéissance, sans une crainte extrême, sans une extrême « persévérance. Aussi est-ce là mon commandement que « la prattque de la Loi et l'amour do la Loi s'accroissent « a t'avenir, comme itsse sont accrus, dans le cœur do « chacun do mes sujets. Tous mes gens, tant les premiers a que ceux des villages et ceux de rang moyen. doivent « obéir à cet ordre et t'exécuter sans y mettre jamais de « négligence. C'est également ainsi que doivent agir les « grands ministres eux-mêmes car ceci est mon ordre « que le gouvernement ait lieu par la Loi, le commande« ment par la Loi, la prospérité publique par la Loi, la « protection parla Loi (l).t t)

'Ces instructions morales ne pouvaient porter tous leurs fruits que si elles étaient fréquemment répétées; et dans l'un de ses édita. le second des deux édits séparés de DhauM, Pivadasi ordonne qu'elles seront lues au peuple tous les quatre mois au moins par l'Assemblée des rettBieux, et dans l'intervalle. mêmo par un seul religieux isolément (2). C'était une sorte de prédication publique (i) M. E. Burnouf, ZottM de la 6oH"e loi, p. 6B6; t. Prlnsep, JoxM. of the fM<at. MO. o~Ben~at, t. VI, p. 677t Ch. Lassen, /nit. ~tewt-, p. 368, note t.

(2) M. E. Burnonf, AonM de ta tonne loi, p. 706 et 706 J. Prinsep, 7o)~M. of thé <M<«<- Me. of ~et~at, t. V!t, p. ~~7; Il. Ch. Lasson, fn(!. ~«eftA., t. p. 268, note e.


faite dans les termes mêmes qu'avait décrétés la pieuse sollicitude du monarque; et it est facile de comprendre qu'au bout d'assez peu de temps, le sermon royai, si souvent entendu, devait être su par coeur à pou près par tous les sujets. Dans le premier des deux édits spéciaux de Dhauii. le roi ordonne, en outre, que la confession générale dos fautes aura lieu au moins tous les cinq ans; et il enjoint au prince royal qui gouverne comme vice-roi à Oudjdjayint (Oudgein), de faire procéder à cet acte important sans déranger les gens du peuple do leurs travaux (1).

Dans i'~M aMM~a, la légende d'Açoka, dont j'ai déjà cite plus haut quelques passages (2), on aiïirmo que to roi Açoka, désolé qu'un de ses ordres, mai interprète eût coûte t.: vie a son frèro, abolit la peine de mort dans ses Ëtats, après l'avoir prodiguée durant do longues années avec une cruauté vraiment effrayante (3). Je ne sais jusqu'à quel point cette tradition. recuaitiie dans!as soatras népalais, peut répondre à un fait historique; mais l'Açoka de nos édits. sans aller aussi loin. se montre cependant très-charitaMe envers tes criminels qui ont été condamna à mort. JI veut quo, entre la sentence et l'exécution, on teur Msse trois Jours de sursis, aSn qu'ils (<) M. t. Burnouf, Lotus (!e la 6o)MM tôt, p. 683; J. Prlnsop, Journ. o/~<~0 astal. MC. o/'FM~at, 1. VH, p. ~63; M. Ch. Ltssan. 7nd. ~Mefth., t. Il, p. 228, note 2. voir aussi le foeAoue-M da M. A. Rémusat, p. 26. et la légende d'Aco)t9, /ntro<t. il <'<tM<. du Bouddh. ind. de M. E. Durnouf, t.t, p. 39~, note 2.

(a)Voirp)usiMUt,p.M2.

(3) Intrud. <t t'~<«. ~ouftdh. <"d du M. K. Uurnout, p. /<2<<, Açoka aM<Mns.


aient te temps de se préparer à mourir. Ils pourront, par le repentir, par des aumônes ou par des jeûnes, racheter leurs fautes et adoucir les châtiments qui les attendent dans l'autre monde (1).

JI paraît que pour le strict accomplissement de toutes ces mesures morales et religieuses, si neuves parmi les populations Indiennes, Piyadasi avait créé un corps tout spécial de fonctionnaires chargés d'en surveiller et d'en diriger l'application. H est plusieurs fois question dans les édits do ces oinciors royaux qui étaient, en quelque sorte, les gardiens de la morale publique (3). Ils se nommaient les gens du roi (f~a&aa).

Voiia déj& bien des révélations étonnantes qui nous montrent la réforme bouddhique sous un jour tout nouveau, dans son action sur les gouvernements et les peuples; mais voici quelque chose qui doit nous surprendre encore bien davantage. Ce roi, l'ardent promoteur do la foi, précepteur religieux do ses sujets, si vigilant à former et à conserver ieura meurs. est en même temps plein de tolérance, ti croit au Bouddha do toute la puissance d'une conviction qui se traduit par les aotes les plus décisifs et cependant, loin d'inquiéter les croyances différentes do coiie.i!), Il les protège et les défend contre (I) Voir io second édit de HeMi, côté de l'ouest, répotô h Aitahabad, & MattMoh et h Radhtah, ZohM de la bonne loi, do M.E.Burnouf,p.7<)t.

~) M. Ch. LMMn, ~Mt!. ~«o~, t. tt, p. 260, et M.E. Burneuf, <&M., p. 7&0 et sutv. 11 faut lire surtout dons M. Lasapo iea recherches qu'ii a consacrées au regoo d'Acotta; elles eont des plus curieuses, et i'on comprend encore mieux, oplès Ics uvoir tues, i'hnpoftmca capitalo qu'à )o rbgno do ce grand roi )'uuri'histo)ro du Bouddhisme, et pour co))o do t'indo, qu'il n OtricMo des monumonts les ptusptccioM.


toutes les attaques. Il ne se contente pas de les laisser lui même on paix dans ses États it veut de plus que chacun do ses sujets dns sa sphère étroite, imite ce grand exemple et respecte la conscience de ses voisins, tout opposée qu'ello peut être à la sienne. Dans te septième édit de Guirnar, reproduit comme !a plupart des autres a Dhauii et à Kapour-di-Guiri, Piyadasi s'exprime ainsi « Piyadasi. !e roi chéri des Dévas, désire que les as« cètes de toutes les croyances puissent résider en tous « lieux. Tous ces ascètes professent également, et l'empire « qu'on exerce sur soi-même, et la pureté de l'âme. Mais « te peuple a des opinions diverses et des attachements « divers les ascètes obtiennent donc tantôt tout ce qu'Us n demandent, et tantôt lis n'en obtiennent qu'une partie a seulement. Mais pour celui même qui no reçoit point « une large aumône, it est bien de conserver l'empire « sur soi-même, ia pureté do t'amo, la reconnaissance ot « une dévotion solide qui dure toujours (1). » La pensée, qui ne sa montre pas lettres-nettement. éc!ate dans un autre édit, qui ne laisse plus subsister la moindre obscurité sur les intentions du roi c'est te douKiérne des édits de Guirnar

Piyadasi, le roi chéri des Dévas, honore toutes les « croyances, ainsi que les mendiants et les ma!tres de maisons Il les honore par des aumônes et par diverses « marques d'honneur et de respect; mais le roi chéri des Dévas n'estime pas autant tas aumônes et les mar« ques de respect, que ce qui peut augmenter essontto)« lement la considération de toutes ces croyances et leur (i) Voir los traductions do M. Prinsop, 7ot))rn. o/'<ho ostat. soc. of~at, t. Vll, p. 338 et 368; do M. Witson, 7ot)t-n. oftAet-ot;. asiat. soc. o~ Ct-eat ~W<.t.Xn,p. i98; et do M. E. Buroouf, AohM <<e la bonne tôt, p. 768, Appendice n''x.


« bonne renommée. Or, l'augmentation de ce qui est essentiel pour toutes les croyances est de plusieurs genres; « mais pour chacune d'elles le point capital. c'est d'être « iouée en paroles. On no doit honorer que sa propre (1 croyance; mais il ne faut jamais blâmer celle des autres, « et c'est ainsi qu'on ne fera de tort à personne. Il y a t< même des circonstances où la croyance des autres doit a être aussi honorée; et, en agissant ainsi selon les cas, M on fortifie sa propre croyance et on sert celle des autres. n Ceiui qui agit autrement diminue sa croyance person*« ne)ie et nuit à celle d'autrui. L'homme, quel qu'il soit, « qui, par dévotion à sa propre croyance, l'exalte et « biamo la croyance des autres, en se disant « Mettons « n~tre foi en iumièro, » ne fait que nuire plus grave« ment à la croyance qu'il professe. Ainsi, ii n'yaquf a ie bon accord qui soit bien. Bien plus que tous les « hommes écoutent avec déférence et suivent !a!o! des « uns et des autres; car tel est le désir du roi chéri des Dévas. Puissent les hpmmps de toutes les croyances « abonder on savoir et prospérer en vertu Et ceux qui Il ont foi à une religion particulière doivent se répéter ceci Le roi chéri des Dévas n'estime pas autant les t< aumônes et les marques de respect que ce qui peut a augmenter essentiellement la bonne renommée et le « développement de toutes les croyances. » A cet euot, « il a été établi des grands ministres de la Loi et de « grands ministres surveillants des femmes, ainsi que des t( inspecteurs des choses secrètes et dos agents d'autre « espèce. Et le fruit de cette institution, c'est que le dé« vetoppement des religions ait lieu promptement, ainsi a que la diffusion do la Loi (1). ? »

(i) Voir les traductions do M. Prinsop, ,/oMnt. o~ <~ <Mtat. MC. o/BM~, t.Vi!, p. 369; celle do M. Witson,yoM~. o/'t/te


Je ne pousserai pas plus loin ces recherches et ces citations, parce que je crois que la démonstration doit être complète, et que l'immense et très-heureuse inuuence de la morale bouddhique sur les individus et sur les peuples est maintenant hors de doute. C'est un très-grand résultat que je tenais à constater, et qui doit occuper désormais sa place dans l'histoire de l'humanité. Mais je ne veux pas quitter cet ordre do considérations sans y ajouter un fait plus irrécusable encore que tous ceux qui précèdent. Je veux parler de cette ardeur de prosélytisme et de conviction que le Bouddhisme a su communiquer aux nations les plus éloignées. Au v° et au vue siècle de notre ère, des pétertns chinois ont traversé, au milieu des plus affreux dangers, les contrées qui séparent la Chine du nord et de l'ouest de l'Inde, pour venir chercher au berceau du Bouddhisme les livres saints, les pieuses traditions, et y adorer les monuments de toutes sortes élevés en l'honneur du Bouddha. Nous avons actuellement dans notre langue deux de ces ouvrages traduits, sans parler do plusieurs autres qui, sans doute, le seront bientôt; ce sont ceux do Fa-Hian que nous devons à M. Abel Rémusat, at Mf«toM-e de la vie et des voyages <jy«KMH Th8ang que nous devons à ta science de M. Stanislas Julien. roy. a8iat. MC. o/Cfeaf Fn<a<n, t. XM, p.2i6; celle de M.LasMn,quie6tparHaUe,7H(!. ~f<Mr<A. t. U, p.26ù; et ceMo do M. qui Burnoaf, Zotut <!e ta 6oHne h)<, p. 762, Appen* celle de AI. E. Durnour. Logu8 de la bonne loi, p.762. Appon. dicon"x. Toutes tes foscrtpuons de Piyadasi sont en un dta!ecte encore pan connu et los interprétations qu'en ont données tous ces savants indianistes sont parfois différentes! j'ai suivi plus particulièrement celle de M. E. Burnouf, qui est la dernière; mais j'ajoute qu'il no peut pas y avoir !o moindre doute sur lu teneur générato do ces édits.Los divergences ne portent que sur dos détails.


Fa-Hian partait de Tchhang'an. au nord de la Chine, aujourd'hui Si-an-Fou, en 399 de l'ère chrétienne, traversait toute la Tartarie. franchissait tes montagnes du Tibet, les plus hautes du globe, passait plusieurs fois l'Indus, suivait les bords du Gange jusqu'à son embouchure, s'embarquait pour Ceylan, qu'il visitait, relâchait àJava, et revenait dans sa patrie après quinze ans d'absence, ayant fait environ douze cents lieues par terre et deux miite au moins par mer, uniquement dans l'intention de rapporter des versions plus exactes des textes sacrés dont le sens commençait à se perdre en Chine (1). Après tant d'épreuves et de souffrances, rentré seul à son foyer, d'où il était parti avec de nombreux compagnons, voici en quels termes modestes et dignes, Fa-Hian appréciait son héroïque dévouement « .~n récapitulant ce que j'ai « éprouvé, mon cœur s'émeut involontairement. Les « sueurs qui ont coulé dans mes périls ne sont pas !o sujet de cette émotion. Ce corps a été conservé par les a sentiments qui m'animaient. C'est mon but qui m'a fait « risquer ma vie dans des pays où l'on n'est pas sûr de sa « conservation, pour obtenir a tout risque ce qui faisait « l'objet de mon espoir (2). a

Hiouen Thsang, qui voyage deux cent vingt ans environ après Fa-Hian, est beaucoup plus instruit que !ui; mais il n'est pas plus courageux. !i recueille beaucoup plus de matériaux et son récit, que nous ne connaissons encore que d'après l'analyse de deux de ses disciples, est une mine inappr6ciab!e de renseignements de tout gen.'e sur le Bouddhisme indien auvH" siècle, ainsi que j'aurai (i) M. Landresse, préface au Foe ~fo<M Ki, de M. A. Remamt, p. &0.

(2 Foe ~fo«e Ki dp M. A. Remasat, ch. xt., p. 363.


prochainement l'occasion de le fa' o voir; mais ii n'apporte pas à son entreprise ni plus d'énergie ni plus de ténacité. Il reste seize ans absent depuis son départ do Liang-Tcheou, au nord-ouest de la Chine, en ?9, jusqu'à son retour à Si'-an-Fou, en 645. Arrivé dans t'tndo par le pays d'Oïgous, la Dzoungarie, taTransoxano. où dominait dès lors la nation turque, et par l'Hindou Kouch. it commence dans le pays d'Attok et d'Oudyana, ses explorations saintes. 11 visite les parties septentrionales du PenjAb, le Kaehemire; et redescendant au sud-est, il parvient à Mathoura il parcourt tous les royaumes compris entre le Gange, la Gandak et tes montagnes du JSspal, Ayodhyâ, Prayâga, Kapilavastou, berceau de Çakyamouni, Kouçinagara, où i! mourut, Bénarès, où Il fit ses premières prédications. le Magadha,it a passé sa vie. et les royaumes situes au nord-est et à l'est du Gange. Do là, ii revient au sud, parcourt une grande partie de la presqu'ile méridionale, sans aller jusqu'à Ceylan et so dirigeant à l'ouest, it parvient dans le Goudjarat, remonte dans le Mouttan, revoit teMagadha, le Penjab, les montagnes de t'Hindou-Kouch, et rentre dans le nord-ouest de la Chine par les royaumes de Kacngar, de Yarkand et de Khotan, rapportant des reliques et des statues du Bouddha, mais surtout des ouvrages sur toutes tes parties de la doctrine bouddhique, au nombre de six cent cinquante-sept ~). »

Les travaux de ces pélerlns n'étaient point finis avec leurs péNiMef voyages. Rentrés dans la patrie, deux soins nouveaux tes occupaient écrire la relation de leur entre(i) Voir t'~Mfe da ta vie et <!M eo~M <Mffo«eH 2'AMH~, traduite par M. Stanislas Julien, préface, p. M a 67, et dans t'ouvmgo, livre VI, p. 293 et suiv.


prise, et traduire les livres qu'Hs avaient conquis au prix de tant de fatigues et de périls. Ainsi Hiouen 'fhsang consacrait les vingt dernières années de sa vie à faire passer dans la langue chinoise les principaux documents qu'il avait recueillis, auprès des plus éminents docteurs du Bouddhisme (i). Quelles nobles existences quels héroïs.mes que de desintéressement et de foi Et, quand on pénètre dans le détail des actions, queiio douceur 1 quelle résignation 1 quelle simplicité! 1 quelle droitm-t Mats aussi quel admirable témoignage pour une doctrine qui, à douze cents ans de distance, peut encore inspirer à ces âmes généreuses tant de eonaanco, de courage et d'abnégation Pourtant les principes sur lesquels cette morale repose sont profondément faux et los erreurs qu'ils renferment sont au moins égaies aux vertus qu'ils propagent. (t) Voir les quatre derniers livres do l'ouvrage précité.


VL

DE LA MÉTAPHYSIQUE DE ~KYAMOMi).

On no saurait douter que Ç&kyamouni. bien que songéant par dessus tout à la pratique, ne se soit fait uno théorie. It avait été l'élève dos Brahmanes. et la direction toute méditative do son propre génie devait le conduire à rechercher les bases essentielles do sa doctrine. Il n'a point, it est vrai, sépare formellement la métaphysique de la morale; mais de la morato il a dû. par la nécessité même des choses, remonter à des principes plus hauts; et, dans son enseignement. il )' joint aux préceptes qu'il donnait sur la discipline do la vie. les axiomes qui justifiaient ces préceptes en les expliquant. De là vient que dès le premier concile, ses disciples Hrent do la métaphysique sous !o nom d'Abhidharma t'un des recueils, l'une des M trois corbeilles » (tripitaha) entre lesquels on partagea t'ensomNe des livres canoniques (t). Ainsi quojo l'ai dit (2). KAçyapa io plus ittustre des auditaurs du maitro et des arhats, se chargea de la rédaction de l'Abhidharma, a qui n'avait point eto oxposé directement par le BoudN dha, » comme !a remarque un commentateur (3), mais (i) M. E. Burnout, ~(fo<<. A t'M". <<" Fon~/t. <n< p. 35 et M. Cette division de la Triple cotboitto est acceptée par tous tesBouddMateB; voir le foo~oMe~K do AI. A. Rëmoeat, p. <M et i08; et l'Histoire d'JMo«en y~an~ da M. Stanislas Jutien, p. i67.

(2) Voir plus haut, p. 81.

(3)Y('comitro, autour d'nn commeutaifo fortimportanUntftuMJM«~«~ ~f« t' c'~t.h dire ..(-o,mo..teitu


qui ressortait, au même titre que le Vinaya,de tous tes discours qu'il avait prononcés, et dont les Soûtras conservaient le Mèie souvenir.

Abhidharma veut dire en sanscrit: « lois manifestées. !a manifestation des lois ou do la loi; M et notre mot do métaphysique y correspond assez exactement, si on le renferme dans les limites do l'orthodoxie bouddhique. L'Abhidharma comprend donc !a partie la plus etovép drs croyances préchées par Çahyamouni; et la supériorité on a été tellement sentie par les peuples bouddhistes, qu'ils l'ont toujours considérée comme la source théorique do tout le reste. Aussi ont-ils appelé i'Abhidharma d'un nom qui marque à la fois leur respect. et l'on pourrait dire leur an'ection pour lui. Ils l'appellent la Mère (Matrika; en pâli, MatiM; Youm ou Ma-Mo. en Dbétain) (i). Los Bouddhistes de Ceylan prétendent môme quo t'Abhidharma s'adresse aux dieux et a été révélé en leur faveur, tandis que les Soûtras ont été laissés aux hommes (2). sur to trésor de la métaphysique. Il Le ff~of Je ht m~f!pAj/«que, ~6Af(!&f)t'm(t ~opa, est de Vasoubandhou qui vivait dans les premiarsBiocias doi'ere chrétienne. M. E. Burnout, 7n<ft)<t. d ('Met. < Bouddh. <ad., p. 41, 663 et suiv.

(i) introd. d t'A<<<. dit J?ot«<M. <«(< de M. E. Burnouf, p. M et M.

(2) Idem, «'M-, p. 3i7, note 2. Une remarque importante qu'it faut faire c'est que, des trois parties du Tripitaka, les édite de Ptyadasi ne nomment que io V inaya et tex Soûtras; ils no parlent pas de l'Abhidhaema, ou métaphysique, h moins qu'on ne suppose qu'Us ne le désignent par les gAthas, ou a stances du Solitaire. Les gau)us dea Suutras simples sont en générât tes axiomes auxqueis lu Bouddha semble attacher le plus do prix, ZottM <!o ta bonne toi, do M. E. Burnouf, p. 7~5 et ??.


L'ouvrage qui passe pour re :<mor plus parMcutteroment la métaphysique bouddhique, so nomme la Pro<~H<< p~a<x)«!, c'est-à-dire « la Sagesse transcendante. a C'est le premier des neuf dharmas, ou tivres canoniques des NepaMs. Il y en a trois rédactions principales l'uno on cent mille articles l'autre en vingt-cinq miiie, et Fautro en huit miiie les plus dévctoppees ne faisant guère qu'ajouter des mots a l'exposition plus concise de l'autro (1). 11 faut même dire pour toutes ces rédactions diverses, que, si ellos contiennent des conséquences nouve!)os, elles ne donnent point un seul principe nouveau, et qu'en dÉtinitivc, pour connaître la véritable métaphysique doCakyamouni, c'est encore aux Soûtras simples qu'il convient do puiser, en ce qu'ils sont beaucoup plus voisins do la prédication (2).

On doit s'attendre a trouver dans la métaphysique de ÇMtyamouni, comme dans sa morale plus d'axiomos quo do démonstrations, plus de croyances données pou (i) M. E. Burnouf, /t)<t'o< t'h~t. dit ~ottfMh. <n(! p.~66.

(2) Satan loule apparence, !a ~)'«~n<!j)(h'am«f! oo fut composée que trois ou quatre cents ans aptes )e Bouddha. Etia servait de )exta eux doctrines do rceota des Madhyafnikaa, fondeo par le farnonx Nngardjouna cent cinquante ans environ avant notre 6ro. M. E. Burnouf a donn6 un spécimen de la rédaction en huit miDoaMieies, qu'il avait traduito presque ontiaro. et qu'it avait comparéo avec ]a rédaction en cent initie articles, Colle comparaispn, exacte autant quo possible, nu lui avait offert aucune diMronce do doctrine, yntrod. f; !'h~<- <<'< J?o«M/t. <n(t., p. &68. Si ron en croit ia tradition ticetoine, ia ~ra~txt ))<)MtmfM aurait 616 exposée par Ç&hyatnouni lui m6m9, .'ioiïo ans après qu'il était devenu Bouddha, c'est-h-diro fi i'Ofto de cinquante et un ans h pnu près.


d«s dogmes quo de développements systématiques et réguliers. Mais il faut toujours so rappeler que nous avons à faire à l'Inde, et que nous ne sommes ni dans la Grèce ni dans l'Europe moderne, Les doctrines n'en sont pas moins graves mais la forme sous laquelle elles s'expriment n'a rien desctentinqao, même quand on essaie, ce qui est Rssez rare. do lui donner quelquo rigueur.

La première et la plus inébrantaMe théorie de la me taphysiquo du Bouddhtsmo, empruntée d'ailleurs au Brahmanisme, c'est celle de la transmigration. L'homme a fourni une multitude d'existences les plus diverses, avant do vivre de la vie qu'il mène tci.bas. S'i! n'y applique sf.s efforts les plus sérieux il court rlsquo d'on fournir une multitude plus grande encore et son attention la plus constante et la plus inquiète doit être do so soustraire a !a loi fatale que la naissance lui impose. La vie n'est qu'un tong tissu de douleurs et de misères le salut consiste & n'y jamais rentrer. Telle est, dans !o monde indien tout entier, dans quelque partie qu'on le considère, à quolquo époque qu'on !e prenne, la croyance déplorable que chacun partage, et que professent los Brahmanes et les Bouddhistes de toutes tes écoles, do toutes tes sectes, do toutes les nuances, de tous les temps. Le Bouddha subit cette opinion communo, contre iaquoMo it no semble a personne qu'M puisse s'élevor la moindre protestation et sa seuio originalité sous oo rapport ne consiste que danaie moyen nouveau do libération qu'it oifro à ses adoptes. Mais le principe tui-'mome, il t'accepte! ti ne le discate pas. Je jugerai plus tard ta valeur de ce principe, ou plutôt tes eunsequences désastreuses qu'il a eues chez tous tes peuples qui l'ont adopté. Pour le moment, je me borne à signaler sa domination toute puia.ante etabsoittment incontestée. J'ai fait Vf.~ en traitant des Vêdns, qu?


cette doctrine monstruoaso ne s'y trouvait pas (i). et J'ai fait de co silence un éloge pour l'orthodoxlo védique. Elle est do l'invention des Brahmanes, et elle doit remonter jusqu'à lorigine do la société et de !a religion qu'ils ont fondées, Çakyamouni no se distingue donc en rien quand it l'adopte.

Mn!s jusqu'où s'étend cette idée de ta transmigration P L'hommo. après avoir perdu la forme qu'il a dans cette vie, reprend-il seulement une forme humatne?Peut-it indfneromment reprondro une forme supérieure? ou reprendre, a un cchcton plus bas une forme un)mate ? q Peot-U mûmo descendre encore au-dessous do l'animal et s'abatMor. selon ses actions en co monde, a ces formes où toute vie disparait et où il no rcsto plus que l'exlstenco, avec ses conditions les plus générales et los plus confuses? Pour les Brahmanes orthodoxes, je serais assez embarrasse do répondre a cette question et dans tout ce que je connots do tour titteratare, Jo no vois rien qui détermine la Mmito précise où s'arrêtait pour eux l'idée de la transmigrattnn (2). Quant aux Bouddhistes, la réponse peut êtro décisive: oui, Hdeo do la transmigration s'étend pour !o Bouddttismo aussi loin que possiMo o!to embrasse tout, depuis le Bodhisattva, qui va devenir un Bouddha parfaitement accompli, et depuis l'homme jusque la matière tnerto et morto. L'ctro peut transmigrer sans aucune exception dans toutes tes formes queitesqu'eHes soient; et (i) Vo)r!9yo«''nat(tM~acan~,6" artMo sur los Védas, cahier do février i86&, p. ti8; et cohlor d'avril, p. 313. J2) Pour la transmigralicii dons le S)'81611\0 de Koplla voir (3) Poor io tMnamfgfation dans !e ay6t6me de Kaptit), voir mon ffom~f m<'mo~o ~xr ~dHM!/o, memotrM de t'Aca. d~mio dos sciences n)0)atM ci potXiqucs, t. Vit!, p. /)M ot suiv.


suivant tes actes qu'H aura commis, bons ou mauvais, il passera depuis tes plus hautes jusqu'aux plus infimes (1). Les textes sont si nombreux et si positifs, qu'M n'y a pas lieu au plus i~ar doute, quelque extravagante que cette Idée puisse n(~ paraître.

On se rappetie que, selon la légonde du ~~M-~ra le Bodhisattva entre dans le soin de sa mère sous !a forme d'un joune otophant blanc arm6 do six défenses (2) et. sur le point do devenir Bouddha parfaitement accompli Il repasse dans sa mémoire tes naissances Incalculables, les centaines do mille do kotis d'existences qu'i) a déjà parcourues. avant d'arriver il cette qui doit être la dernière (3). Dans d'autres légendes. te Bouddha raconte tes transformations qu'il a subies iui.momo. ou collcs qu'ont subies les personnages dont <t veut oxpllquer !a prospérit6 ou les malheurs (4). Hiouon Thsang vit & Bonarestes nombreux et sptondMos stoupas élevés dans tes lieux où «} tt faut dono fa!ro une très-grando dfMKnco entre la TanamtafaOon et la tnatompsychoeo telle quo l'entendaient les P~hf)f!0t)c)on!), et qu'ils bontatont. selon touto appatenco, & ta eerio animale c'est du moins l'opinion du plus récent historien do la philosophie, M. HonrtMttter. Voir son Histoire de la pA«MopM.aMfMM. 1.1", p. 360 do la traduction française do M. J. -r)9so(. !t tout voir aussi ce qu'en dit Ar)a)o)a, ï-~tM t d. liv. ch. tu. § 23, p. i34 de ma traduction. (2) Voir plus haut, t. XXX, p. i3~o (eh.e, Mtpa, do M. Ed. Foucaux, t. !t, ch. v). p. 6L

(3) F~a <eA'~ t-otpa, do M. Ed. Foueaux, t. H, ch. M). p 330

M Voir tes Légendes de Samgha.Rahshita, d'Açoka, du Concllo, “) pt~eura autres. /<ro<t. d t'Af~. (h, ~o.<(MA. <n(<. 'to M. K. Murnouf, p. 83< ?6 et


!o Bouddha avait pris, pondant ses diverses existence* la forme d'un éléphant, d'un oiseau. d'un cerf, etc. (1). Les Z(~<At!A(M slngbalais, au nombre do cinq cent cinquante, contiennent le récit d'autant de naissances du Bodhisattva et les Singhatais ont été mémo fort modères en se bornant à co nombre; car c'est une croyance reçue généralement que !a Bouddha a parcouru toutes tes existences de la terre, do la mer et de l'air, ainsi que toutes )os conditions do la vie humaine Il a même 6te arbre et plante (? si l'on en croit le Bouddhisme chinois. Dans une tegondo fort intéressante par les détails qu'oiio donne sur la vie intérieure des religieux dans tes viharas, cotto do Samgha-Mahshita. la transmigration a !ieu, dit-on, sous la forme d'un mur, d'une colonne, d'un arbro, d'une nour, d'un fruit, d'une corde, d'un baloi, d'un vase, d'un mortier, d'un chaudron, etc. n Quelle « est faction dont ces métamorphoses sont la consé« quenco ? demande Samgha-Itakehlta a Bhagavat tui r6pon<! « Los êtres que tu as vus sous In forme d'un mur 't ont été des auditeurs de Kapyapa (un ancien Bouddha); H lis ont sali do leur morve et do leur salive )o mur de la « satto do t'assemblée; te résultat de cette action est c (lu'ils ont été changés en murs. Ceux quo tu as vus « sous la forme de colonnes ont cte changes pour la (t) Z~/o~'a <~ <a <~ ~M voyagea dWotMH yAMHj/, do M.StaniatesJHiien, p. J30.

(2) Voir le Foe ~ooe do M. Abc) RemuMt, o) une noto ms-cuttauso de M. Londresse sur les n~tf)t<as singbeiais. Uphom on a donna la liste, ~ereft cfnft n~fo~M< Foo~ o~ C~OM, t. !)!, p. 209. bl. E. Burnoutovnit traduit quet'juest.unB des plus Imporlnnls.


a même raison; ceux quo tu as vus sous la forme d'arbres, a do fouilles, de neurs et de fruits, ont revêtu cette forme « parce qu'iie ont Jout Jadis. dans uu int6r6t tout person.« ne!, des <!euM et des fruits rio l'assemblée. Un autre, « qui s'est servi avec !o morne ogoïsmo do la corde do « t'assemblée, a 6t6 change en corde un autre, pour « n'avoir pas fait un meilleur usage du balni de l'assem« Moe, a été métamorphose on balai; un novtco, qui « venait do nottoyor les coupes do l'assemblée, eut ta « dureté de refuser à boire à dos rctfgioux étrangers faita gués d'u..e !onguo route. il a été changé on coupe cealui que tu as vu sous la forme d'un mortier est un Stha« vira qui demanda jadis h un novtca, avec des paroles grossières, un insh'umfnt do cogenro, etc. (i). » Ainsi, l'on n'en peut douter: le système do Ja transmtgration va pour tes Bouddhistes jusqu'à cette exagération monstrueuse où la personnnittA humaine, méconnue et détruite, se confond avec les choses les ptus vues de ce mondo.

Mafa poursuivons.

Ln cause unique do ces transformations, c'est la conduite qu'on a tenue dans une existence antérieure on est récompensé ou puni solon ses vertus et ses vices. Mais do quelle manière a commença cette longue série d'6preuves ? Pourquoi t'hommo est-i) soumis? Quelle a été l'origine de cotte sucoMsion sans Hn do causes et d'oifets ? C'est là cosombto, uno question fondamentaio dans to (i)Mgo))(!o do S"mgt)n HaMtUa, du ))!vyn ovodano, J'))<ro<y. dFA~f. dM~oMfth. ~)(!do M. E. B.unouf p. 323, et dans t'anatyso du ~oH<o(t tibétain, )!o Csoma de Kor09, ~<<f)<. ~Mear., t. XX, p. M.


système bouddhique htt-momo mats, chose étrange. Çahyamouni ne para!t )'as l'avoir jamais soulevéo, et !o Bouddhisme tout entier après lui ne t'a pas tratteo davantage. Est-ce oub!t ? c'est peu probable. Est-ce prudence? Y Et, sur un problème si obscur, le Bouddha s'est-il dit qu'il valait mieux garder !e sttenco? Ce qui est certain, c'est quo nulle part, dans les Soûtras, on no trouve mêmo un essai do solution, pas un mot, pas une théorie, pas une discussion, Tout ce qu'on peut inforer do quelques passages très-rares, c'est que to Bouddha, seton toute apparence, a cru à t'oternité des otfes, je n'ose pas dire des amos. et que, pour lui, tes maux qu'il venait guérir, la naissance, la vlelllesso, ta maladie et la mort. s'ils pouvaient cesser par le Ntrvana. étaient pourtant sans commencement (i). L'univers est oréô par les œuvres do ses habitants i) en est t'cMët et si par impo:.s)b!o, comme le dit M. E. Burnour d'après los Soufras houddhtques, H n'y avait pas de coupables, Il n'y aurait pas denfors ni dottoux do ehathnont (2).

!.o Bouddha, malgré la science sans bornes qu'il possèdo, no veut donc pas expliquer les choses de cet univers on remontant Jusqu'aux ténèbres do tour orlglno. !t los prend, en quelque sorte, telles qu'it tes trouve, sans leur demander d'où elles viennent; et comme la vie sous que!(i) ï.eseeuhpMsagea un pou deetaifs que je puisse citer & co point de yuasout celui du ZoMMo~tafa, ~ya fcA'ef M<pf<, de M. Ed. Foucaux, t. Y), ch. xon, p. 337, et celui do t'~M<dAarma topa ~(!My< deYacomitm, commentatour du V)" on va' eiacio do notre efe, /M<rod. ft fh~t. dit J9o<t(Mh. <nd., do M. H. Bumouf, p. 678.

(2) /;ot(H de da &onHC to~, do ht. R. Bufnouf, p. N3B.


que aspect qu~it la regarde, no tut semble que « unf; « grande masse de maux,M voici comment il la comprend Douxe conditions, tour à tour effets et causes tes unes des autres, s'enohatnent mutuellement pour produire la vie. A commencer par la triste un qui la termine, la vlelltcsso avec ta mort (djaramarana) no serait pas sans ta naissance; en d'autres termes, si t'homma no naissait pas, it no pourrait ni vieittir ni mourir. La mort est donc un effet dont la naissance est la cause. La naissance (djat)} est etto-momc un effet, et etio no serait pas sans l'existonco. Cette idée, tout étrange qu'elle peut nous paraître, est très-conséquente dans io système bouddhique qui croit !) l'éternité dos êtres. On existe longtemps avant do naître et la naissance. sous quelque forme qu'elle se présente (humidité, œuf, matrice ou métamorphose. pour les Bouddhistes comme pour tas Brahmanes), n'est qu'un effet do l'existence qui l'a précédée; car, sans t'existonco ~hawa), la naissance no serait pas posslblu. Mais H ne s'agit point loi do l'existence dans son acception gènerate et vague c'est l'existence avec toutes les modiHcattons qu'y ont apportées les éprouves antérieures c'est l'état moral do t'être, selon toutes tes actions qu'it a successivement accumulées, vertueuses ot vicieuses, dans la durée tnnnte des âges. Ainsi, l'existence détermine ta naissance; et, suivant ce qu'on a été précédemment, on renalt dans une condittop diiïerente, ou plus haute, ou plus basse.

L'existence a pour cause l'attachement (oupadana) (1). (<) Co terme d'oupMana est fort difOctte. M. E. Burnout to rond d'ordinairo, ainsi que M. Foucaux, pttr « concepuon. N Jo n'ai pas cru devoir adopter cette traduction qui mo semble lu.


sans l'attachement aux choses, t'ûtro ne revêtirait pas, no prendrait pas un certain état moral qui le mène à reDaltre do nouveau. L'attacitomont est, en quelque so"'o, une chute qui le fait retomber sous la toi fatale de la transmigration. L'attachement, cause de l'existence, n'est tui-memo qu'un effet; co qui io cause, c'est te désir (trtohna, mot a mot tf soif). Le d~sir est cet Insatiable besoin de rechercher ce qui nous p!a!t, et do fuir ce qui est désagréable, tt a pour cause la sensation (védana), qui no's fait percevoir et connaître tes choses, et qui nous indique leurs quotités, dont nous sommes affectés au physique et au moral. La sensation, cause du désir, a pour cause te contact ;sparca). tt faut que tes choses nous touchant, soit a l'extérieur, soit à t'interteur, pour que nous tes sentions et c'est ainsi qu'on peut dire que les Bouddhistes font de la sensation la source unique do ta connaissance. Mais, comme p)'rmi tessons, lis comprennent aussi le sons intime, ou manas, leur doctrine n'est pas aussi matérialiste qu'on pourrait d'abord le croire. Le contact, cause do la sensation, est t*e<!0t, à son tour, des six places ou six sièges dos quatités sensibles et dos sons. Ces six sièges (shadâyatanos) sont la vue, t'ouKe, l'odorat, le goût, le toucher, auxquels it faut joindre to manas uu le cœur. qui comprend aussi ce que nous appellerions les sentiments moraux.

terrompro la suite des Macs. Parfois aussi M. Burnouf le rend par prise, capiton, adhérence, attachatncnt. <) J'ai prtiMre co dernier mot comme beaucoup plus ctair; voir t'/offodMc~OM <) t'/t<«. de CoMfHh. ~n(! p. <)?; XottM de la bonne loi, p. J09, 63i et suiv.t Ryga fcA'ejf roi p'a, do Ed. FoucoHx, p. 33i ct805;fof)~ouc/f<de M. A. Rommat, c)).)t:<t, p.~87, ovoc tes notes do M. Ktoprom.


Voilà déjà huit des douze conditioasquiproduisentia vie. se liant entre elles par les rapports de causes à effets. H en reste encore quatre autres pour terminer cette évolution complète qui, suivant !e Bouddha, embrasse et explique la destinée humaine tout entière.

Les six sièges des sens et des objets sensibles ont pour cause le nom et la forme (namaroupa, en un seul mot. comme plus haut djàramarana, la vieiiiosseetlamort). Sans le nom, sans la forme, ies objets seraient indistincts; ils seraient pour nos sens, tant ceux du dehors que ceux du dedans, comme s'ils n'étaient pas; ils entrent en contact avec nous d'abord par la forme matérieHe qu'ils revêtent, et ensuite par le nom qui les désigne et les rappelle au manas, à l'esprit. Le nom et la forme que les Bouddhistes confondent en une notion unique, sont donc ce qui rend les objets perceptibles; et c'est ainsi qu'its sont la cause des sens. Mais le nom et la forme ne sont eux non plus, que des effets. Ils ont pour cause ia connaissance ou la conscience (vidjnana). qui distingue les objets les uns des autres et leur attribue à chacun, et le nom qui les représente et les qualités qui leur sont propres. La conscience est la dixième cause. Les concepts (samskaras) sont la onzième; ils composent les idées qui apparaissent à l'imagination; ce sont tes illusions qu'elle se forge et qui lui servent à constituer l'univers factice qu'elle se crée. Enfin la douzième et dernière cause c'est l'ignorance (avidya) qui consiste tout entière à regarder comme durable ce qui n'est quo passager, à croire permanent ce qui nous échappe et s'écoule, en un mot, à donner à ce monde une réalité qu'il n'a pas.

Tel est l'Enchatnement mutuel des causes; et cette théorie, jointe à celle des Quatre vérités sublimes, forme


le fond le plus ancien et le plus authentique de la doctrine du Bouddha (1).

C'est dans le Lalieauistara qu'il faut voir toute l'importance que Çâhyamoani lui donne. Quand il l'a décou- verte à Bodhimanda, il croit avoir découvert enfin te secret du mond(, It peut sauver les êtres en la leur enseignant c'est parce qu'il l'a comprise, après les plus longues méditations soutenues des plus terribles austérités, qu'it se croit et qu'il est devenu le Bouddha parfaitement accompli. Tant qu'il n'a pas saisi le lien mystérieux qui enchaîne ce tissu de causes et d'effets, il ignore ia Loi et le chemin du salut. Une fois qu'il en a dem6ié la trame, il est en possession do la vérité qui eciaire et qui délivre les créatures (2). 11 connaît la route du Nirvana, qu'il peut désormais atteindre lui-même et faire atteindre aux autres êtres.

Les Bouddhistes, en général, et surtout ceux du nord et du sud ont cotte théorie dos causes et des effets on grande vénération des Soutras entiers, sans parler de leurs commentaires, sont consacrés à l'exposer dans tous ses détails avec une prolixité que rien ne peut ni épuiser ni fatiguer (3). Le Pratitya samoutpada, comme on l'appelle, est pour les disciples, comme pour le maître, la (i) Cette théorie prend on sanscrit le nom très-célèbre do Pratttya samou(pMa, c'est-à-dire « la production connexe des causas réciproques. Voir le Zo!<M <!e da 600x9 loi, de M. E. Burnouf, p. H, 109, 332 et 630.

(2) ~ya <eA'effo< pa, de M. Ed. Foucaux, 1.1!, ch. xxu, p. 331 et auiv.; M. E. Burnouf a traduit aussi ce morceau capital du LaHtaviatara dans son jMfOt!. <t !'A<st. du .Co«<MA. <<td-, p. 486 et suiv.

(3) C'est ainsi que !o Soutta paU, la MaMmd&na eo&tta, le


o)ef de la destinée humaine; et tant qu'on ne la tient pas, on ne sait rien de l'organisation et du jeu de l'univers car il faut bien le remarquer, par la croyance de la transmigration, l'homme n'est plus un être à part; il est .noté à tout; et ce qui explique sa nature, expliqué du même coup la nature entière et l'ordre universel des choses.

Nous venons de parcourir la série des effets et des causes, en remontant de l'état actuel de l'être à son état primitif. De la vieillesse et de ia mort nous sommes arrivés par douze degrés successifs jusqu'à l'ignorance, qui, à un certain point do vue, peut se confondre avec le non-être; car l'objet de l'erreur n'existe pas et s'ii était, on ne se tromperait pas en croyant à son existence. Mais au lieu do remonter la série, on peut la descendre, et prendre l'ignorance pour point do départ, au lieu de la prendre pour terme et pour but. On renverse alors l'enchaînement des causes et des effets, qui d'ailleurs n'en restent pas moins unis; et l'on commence par où l'on finissait d'abord. Ainsi, de l'ignorance ou du néant. viennent les concepts qui en sont l'effet; dos concepts vient la conscience; de la conscience, le nom et la forme; du nom et de la forme, les six sièges des sens; des six sièges des sens, io contact; du contact, la sensation; de la sensation, le désir; du désir, l'attachement; de l'attachement, l'existence; do l'existence, la naissance; de la naissance enfin, la vieillesse et la mort. Cet ordre inverse est celui qu'adopte la Pradjna paramita (1) et que suivent SoOtra des grandes causes, n'a pas d'autre objet. M. E. Burnouf i'a traduit tout entier, Lotus de la bonne loi, p. 63ù ot suiv., Appendice n° vi.

(1) Ou peut voir Io morceau do la ~t'a~nt! pdramtM, qu'a


aussi quelquefois lrs Slnghalais (t). Ce n'est pas la méthode, il est vrai, qu'a recommandée le Bouddha, par son exemple, à Bodhimanda; mais elle est peut-être plus conforme à l'esprit général du Bouddhisme primitif, qui, sans nier précisément la réalité des choses, comme le fit plus tard taPradjnâp&ramita, ne croit point cependant à la permanence d'aucun de leurs éléments, et qui ne trouve d'immutabilité que dans le vide ou le néant. Non pas que je veuille accuser le Bouddha des excès de scepticisme où la plupart de ses adhérents se sont laissé emporter; mais jusqu'à certain point ii en est responsable,.parce que c'est lui qui en a déposé io germe dans ses doctrines principales. On ne peut douter qu'il n'ait admis des axiomes analogues à ceux que lui prêtent quelques Soûtras; et qu'il n'ait, par exemple, soutenu ceuxci a Tout phénomène est vide; aucun phénomène n'a traduit M. E. Burnout, dans son ~<)<ro< (t <7o'«. (<)' Bouddh. <Hd., p. M5 et auiv.

(i) Clough .MMj~at. J~ct~tmat~, t. 11, p. 435. Uans !o MaAdfMdtts Mt<«a singha)ais,on donne, tour !) tour, les deux énumérations dans l'ordro direct et dans l'ordre renversé. Dans )9 ZoKM de la tonne toi, ch. vn, stance 7~, le Tathagata con. menco sou enseignement par )'igno)-a))e8.!i faut ajouter qu'au lieu d'énumérer les douze nidanas ou causes eoton l'idéo do lotir production, on ios énumère aussi selon ridëodo lour destruc tion; ot l'on ee demande, par exemple Quelle est ta chose qui n'existant pao, fait que la vieillesse et la mort n'existent pas? Cost la naissance. Quelle est ta chose qui n'existant pas, fait quo la naissance n'existe pas? etc., etc. Puis l'on descend et l'on re. monte a son gré la série de destruction, comme on a remonté ou descendu celle de la production. Voir Io morceau du ZaM<oo~<(tr«, cite plus haut. f'2


« de substance propre (t). Toute substance est vide (3). c Au dedans est te vide; au dehors est le vide (3). La « personnalité eMe-mûmo est sans substance (4). Tout « composé est périasabio: et comme l'éclair dans le ciel « il ne dure pas longtemps (5), M n est encore très-probable que voulant condenser tout son système en un seul axiome qui le résumât, c'est lui qui a dit « Cela est pas« sager cela est misère cela est vide (6), M faisant de cette connaissance de la mobiiité des choses, des maux de la vie et du néant, la science supérieure qui renfermait et remplaçait toutes les autres, la triple sci'*nco (trividya) qui suint à éclairer et à sauver 'f'homme. Enfin on peut mémo croira sans injustice que te Bouddha fit do la sensibilité la source unique et absolue do toute information pour l'tntoiiigonoe; et que le grossier sensualisme do ses disciples. avec les conséquences sceptiques qu'il (i) Ce premier principe est dans )a ~-«f~nd pdfHmM; maisle second qui est identique se trouve dans !o Z(t<«f<t:Mfo) o; voir rVtKMf!. t't~<. <ht FoMftdA. tnd., do M. E. Burnnuf, p. 462, et )o ~"teA'efrotpo, de M. E. Foucaux, t. !uh. xxt, p.324.

,2) Idem, ibid.

(3) ~em,<&M.

(A) Idem, ibid., p. 296; et dans ta .Prs<~ F~amM.~tttrod. <t i'M<t. du Boudh., ind., do M. E. Bufnouf, p. <t77. La .Pfa~ndp~amM va memepiustoin, et elle aMrma que le nom même du Bouddha n'est qu'un mo), 7tM., p. ù6ï et ~t)8. (6) ~o te~'er fotpa, de M. Ëd. Foucaux, t. it, p. 172; ~ot!ffa de ~MndAd~t, /t)H-od. d t'Aht. du FoMddA. M., de M. E. Burnout, p. M et ~62.

(C) AohM do la &onHe tôt, de M. E. Burnouf, p 372, et ~nft'od. d t'nht. du ~ottddA. ind., p. 202 et 462.


ontratne, lui est imputabio.sansqu'ii l'ait précisément enseigné.

Nous arrivons maintenant à la dt'rniuro et il la ptus importante des théories du Bouddhisme; je veux dire celle du Nirvana. Le nirvana, est, on )e sait, le but suprême auquel tend le Bouddha; c'est la délivrance a !aquelle il convie toutes les créatures c'est !a récompense qu'il promet a !a science et à la vertu; en un mot, c'est le satutéternet. Qu'est-ce ou juste que le nirvana ?Mst.ce une immortalité plus ou moins déguisée ? Est-ce le néant? Est-ce un simple changement d'existence? Est-ce une annihilation absolue ? Chose bien singulière et bien remarquable) Çakyamounta laissé piano-sur t'idéodu nirvana une obscurité presque complète i'oa no pourrait citer un seul Soûtra où il se soit appliqué a la déttnir comme tant d'autres idées qui en valent beaucoup moins la peine. Tout au plus va-t-il jusqu'& réfuter les tansses notions qu'on s'en faisait dans te monde des Brahmanes (1) ou TtrthahaMs mais ces explications négatives, si elles font comprendre dans une certaine mesure ce que n'est pas le nirvana, no disent jamais ce qu'il est et c't'st là cependant ce qu'it importo de savoir.

Si l'on s'adresso a t'étymotogte du mot, olle apprend assez peu de chose; il se compose do t))f qui exprime la négation, et du radical <~ qui signifie souiner. Le nirvAna est donc l'extinction, c'est-à-dire i'état d'une chose qu'on ne peut plus soumer, qu'on ne peut plus éteindre en Bouiuant dessus; et de là vient cette comparaison si fréqueute dans les livres bouddhiques, d'une tampo qu! s'c(1) Voir le morceau fort obscur du ~«ddAat'ma AaM~MM<<!ro qu'a traduit M. E. Burnouf, /tXfo<<. A M~t. fftt FoMttfM. nd p. 6t7 et suiv.


teint et qui ne peut plus se raMumer (i). Mais cette anai) so, tout exacte qu'elle est, reste à la surface des choses; et cette expression du nirvana, ainsi entendue, si elle suint à représenter une image de la mort, ne nous dit rien dt i'etat qui la suit, selon te système de Çâkyamouni. Quand te Bouddha meurt à Koucinagart. son cousin Anourouddha, qui raccompagne ainsi qu'Ananda, prononce la stance suivante restée célèbre dans la tradition t< Avec un esprit qui ne faiblissait pas, it a souffert l'agoM nie de la mort comme l'extinction d'une lampe, ainsi ci a ou iiou l'affranchissement do son inteiiigenco (2). » bi. Eugène Burnouf, dont l'autorité doit être si grande. n'héslto pas. Selon lui, le nirvana est l'anéantissement complet, non-soulement des éléments matériels de l'oxistnnce. mais do plus et surtout du principe pensant. H a vingt fois exprime cotte grave opinion, soit dans son premier ouvrage i'/oh'o~Mtt'OK <!) t'Antotre (ht BotxffMXme 'n<<)M, soit dans io Aotua de ta bonne loi publié à huit ans de distance avec le secours dos documenta les plus nombreux et los piusdcoMfs (3). Ses premières études comme (1) Colobrooke, Af<M~. A'Mat/o, t. ï, p. 401 et M2 E. Buroout, Appendico aur le mot Nirvana, /nffod. d t'AM.dM ~o)t<î<<&. fn(! p. 589,

(2) AfaMparm<6Mn<t xoxMa, Jo Soutra du grand Nirvana compta), en pa)i; citôpar Ai. G. Turnour, 7ourn«t o~t~e~«a<. <oc. o/FM~at, t. VM,p. 1008, et par M. E. BMnouf, Zotos (te ta bonne loi, p. 339.

(8) Jo citerai etiëctatemont, dans t'7t)tfo<t. d t'AM. ~M ~OM<M~. t'nft., tas passages auivanta, p. 83, iM, 166 et surtout p. 62!. Dans !o Lotus <? la 6onno loi, )oat indique que M. E. Bar' tjout consorvnit coHa première opinion que rien na patatt avoir cbM))icoen!ui;voirp. 388.


ses dernières ne lui ont jamais laissé d'incertitude sur co point capital et l'on sait de reste avec quelle exactitude scrupuleuse il examinait toutes les questions, et avec quel jugement a peu près infaillible i) tes tranchait. A ce témoignage de M. Eugène Burnouf, on peut ajouter le témoignage de tous ceux qui se sont ocoupés des mêmes matières. MM. Hodgson, Clough, Turnour, Schmidt, Foucaux, sans avoir eu a se prononcer positivement. no se sont Jamais fait, ce semble une autre idée du nirvana. Coiebrooho, qui n'avait pus pu, it est vrai. pénétrer aussi profondément dans ces recherches alors trop nouvoites. déclare cependant que le nirvana, tel que les Bouddhistes t'entendent, se confond avec un sommeil éternel ~). Si l'on intorroge tes rares et incomplètes dcunitions qu'on peut trouver dans les Soufras, on arrive a la mémo conclusion. Presque toujours le nom du nirvana est suivi d'une épithèto qui veut dire « Oit tt no reste plus rien dn « l'aggrégation (2): oit il no reste plus rien do l'exis.« tenco (3); oui) no reste plus rtcn absolument (4).)) U faut ajouter quo les Brahmanes dans leurs accusations contre les Bouddhistes, leur font surtout un grief « do « croire il une destruction comptete a et it les netrissfnt (!) Colobrooko, MocettaneoM Mtajy't p. 30t. 9M, ~'Ot ot402.

(2) Ao<tM de tonne <o<, do M. K. Burnouf, ch, t. p. et 335,MaAdtMWM<66<!na<'oM«a<!o))st9~<tf«)~<<t,et!f'Ao)tp9uom~H, id., 'M~.

(3) ~o))<f«(fe~(!n<!M<W, danstoMt'N" o~aMna, /oMff. d t'A~f. <tHJ?OHf!f~. <"[! do M. E. Butnouf, p. 83. (&) Tfeoadd~ft <on<ff<, dans )o Digha n~(~< cite par M. E. nornoHf, dans te Ao(M< de la 6on"e loi, p. fHf'.


des surnoms do Sarvavamaoihas et do NastiMs, qui no et. «ninont pas autre ohoso (t), et que les Bouddhistes euxm6mcs adoplont )o)n do le repousser.

Ainsi l'étymologie, les phitotoguos contemporains les plus cotatres, les textes eux-mêmes. et enfin les optiques des adversaires du Bouddhisme. tout se réunit pour démontrer que to nirvana n'est au fond quo t'anoantissemont donn))if et absolu do tous tes éléments qui oomposont t'nxtstonco. Pour ma part. io me range h cet avis et sons pllrler des considération'' qui procédant, on volet une dont on n'a pout-otro pas tenu assez de compte et qui me décide o'est ta théorie du dhyana on do la contemplattnn, qu'on peut appeler on quoique sorte la méthode et In prottfjuo du ntrwnna (8).

Dans une foule do passages empruntes aux Soufras do tout ordre on distingue ontro !o ntr~na complot te erand ntr~Moa complot. et )o ntrwana simplement dit. Le nirvana complot est celui qui suit la mort, quand on a su d'ailleurs s'y préparer par ta foi. !a vertu et ta science, tandis que le simple nirvana peut être acquis mémo durant cette vin, en adoptant certains procèdes que te Boud(1) (Mabfooho, M~MM. MM~, p. S70, 391 ot 993. La socondo brancha do l'écolo dea Svabh~iitns déclaro formeiicmont qu'eito croit i'nnfanttssampn), tondis qno i'aun'o branche croit b i.t poretstnnMdoif) p3f<ont)aUt6 offmnnhto; voir M. HodHSon, ~<fst. V~Mr.. t. XVI, p. M7, et M. E. Bmnouf, 7nff0f!. ft t'M)t. du ~otfMA. ind., p. &~t.

(2) Vo)ri'Appond)''o n° xn), epfctatoudityana, ZoftM<teta bonne tôt, do M. E. B!)rnouf, p. 800. PorMs le nirvana n'est qno « l'extinction do t'inMndto du vice, comme dons le ~tna atantAoro, )'<!H, ~oftM do la 6om'e loi, d" M. E. Buntouf, p. 3S)'.


dhlsme oMefane et dont te Mouddha tui'mama avait donné l'exemple. Ainsi dans le tn<«< de bonne loi, des Sthaviras s'approchent de Bhagavnt pour lui soumettre tours doutes; et «a lui avouent tour faiblesse etieur vanité en ces termes « Épuisés par t'ago. nous nous disons « Nous avons obtenu le nirvana nous nous imaginons a être arrivés au nirvana, parce que nous sommes acca« blés par t'age ot par tes maladies (1). Dans d'autres passages plus clairs encore. s'iiestpossiMo.i) est dit: « Los hommes qui vivent avec fa connaissance do ta Loi t< exfmpto d'imperft'otion, nnt atteint le nirvana (2). Ce« lui qui Pnit usage du véhicule des Çravakos a atteint to « nirvana (3). Los Çravahas M Hgut'ent qu'ils ont atteint M te Nirvana; mais io DJina iour dit Ce n'est )a qu'un « lieu do repos oo n'est pas ta nirvana (4). M

t.o nirvana est donc jusqu'à un certain point compatlblo avoo la vio. dans los croyances bouddhiques; et on peut tu conquérir mémo avant d'être mort. bien que oo ne soit pas encore là <o nirvana véritable. )Lo procède pour atteindre à co nirvana Incomplet, gago do celui qui io suit on restant éternel, c'est le dhvona ou ia contemplation, et, pour parler plus nettement, c'est t'extaM. Lo dhyonaa a quatro degrés qui so succèdent dons un ordre reguiter. Pt Il Jouo un grand rôle dans les circonstances les plus impo) tnxtt's de la vie du Bouddha. Dans le Villago do l'agriculture, sous t'ombra du djambou, quand sa fam!t)o, ciîrayed de son absence, le cherche en vain, )e jeune Siddhartha est occupé à passer par los quatre méditations (1) ZotM) de la tonne loi, do M. E. BurnoMt, p. 68. (2) /~m.<&M., p. 80, etanco 80.

(3) /(h)m, l6id., p. 06.

(/<) MMt,<M(t ,p. 88,stM))''o 7t, t


qu'il connaît déjà (t). A Bodhimanda quand Çakyamouni a vaincu le démon, il se prépare à sauver le monde on devenant Bouddha par les quatre méditations (2). A Koucinagart. quand te Bouddha va mourir, il franchit une première fois les quatre degrés du dhyana et il expire dans un nouvel effort avant d'avoir atteint le qua.Même (3).

Quels sont donc les quatre degrés du dhyAna ou de la contemplation? Les voici. tels que les donnent les Soutras de Nepât et ceux de Ceylan, pleinement d'accord sur cette théorie fondamentale. !t est presque Inutile d'ajouter que io religieux qui se livre au dhyana est dans la soli. tudo la plus complète, et que, délivré do tous tes soins mondains et à l'abri do tous les troubles qu'ils entratnent, i) no pense qu'au salut éternel, au nirvana, sur lequel seul sa pensée est désormais nxeo.

Le premier degré du dhyana est le sentiment intime do bonheur qui natt dans t'ame do t'asceto. quand il se dit qu'il est onnn arrivé à distinguer profondément la nature des choses. L'ascète alors est détache do tout autre désir que eeiut du nirvana ) itjuge et ii raisonne encore mais il est affranchi do toutes les conditions du péché et du vice; t et la contemplation du nirvana, qu'il espère et dont it s'approche, te jette dans une extaso qui lui permet do franchir le second degré.

tt) Voir p!us haut, p. 33, ~t/« tcA'e~fo! pa, de M. Ed. Foucaux,t.!t,p.)2B.

(2)Mcm,<6M.,et7oHft)ot<fM.?aoat)h, cahier do)ai))(< t <86~p.AH.

(3) M. G. Tufnour, Jouroa! o~ Me a8iat. MO. o/' Bengal, t. Vit, p. t008, et M. E. Butnouf, Zo<MS (!t la bonne loi, Ap. pond)con°<8,p.80t.


A ce second pas, la pureté de l'ascète reste la même le vice et te péché no le souillent plus; mats, en outre, il a mis de côté le jugement et le raisonnement; et son intel.ligence, qui ne songe plus aux choses et ne se fixe que sur le nirvana. ne ressent que te plaisir de la satisfaction intérieure, sans te juger ni môme le comprendre. AU troisième degré, le plaisir de la satisfaction a disparu la sage est tombé dans l'indifférence à t'égnrd même du bonheur qu'éprouvait tout à l'heure encore son iutoiiigenoe. Tout le plaisir qui lui reste. c'est un vague sentiment du bien-être physique dont tout son corps est inondé. Il n'a point perdu cependant la mémoire des états par lesquels it vient de passsor, et il a encore une conscience confuse de tui-memo. malgré le détachement à peu près absolu auquel tt est arrivé.

Enfin au quatrième degré, l'ascète ne possède plus ce sentiment de bien-étro physique, tout obscur quit est U a également perdu toute mémoire bien plus. il a même perdu te sentiment de son indifférence (1); et désormois, libre do tout plaisir et de toute douleur, quot qu'on puisse être l'objet, soit au dehors, soit au dedans. (i) Sur cette explication du quatrième degré du dbyllna, jo suis en désaccord avec tes explications qu'en donne M. Eogano Burnouf, Lotus de la bonne to<,p.806. Selon lut, la mémoire et t'indinerenco, au tiau d'otro dttruites & ce degré suprême, sont au contraire perfectionnées ) mois je ne puis contprendre en ce sens to mot do cffOHfMAaM, dont sa sert le text'? eanskrit. Ce mot eigniNe M puriOé » plutôt que f perfectionne a et je penso qu'on effet it faut qu'au quatrième degré i'asc&to soit pur do toute mémoire et même da toato indtfMrence pour quo ce degré se distinguo du troisième et qu'il eoit te plus 'Mo~<i do tous.


t! est parvenu & l'impassibilité, aussi voisine du nirvana qu'eue peut t'être durant cette vie (1). D'auteur cette impassibilité absolue n'empêche pas l'ascète d'acquérir en ce moment même Fomnisoienco et la puissance magique, contradiction flagrante dont les Bouddhistes ne s'inquiètent pas plus que de tant d'autres.

Tels sont les quatre degrés du dhyana, d'après toutes les autorités bouddhiques. Ils M'ont rien qui puisse surprendre ceux qui ont étudié le mysticisme, et qui savent par quelles éliminations successives on réduit i'amo à ce néant passager qu'on appelle l'extase. Les mystiques d'Alexandrie, ceux du moyon-ngo et de la renaissance, ont connu. comme les Bouddhistes et les Brahmanes, ces élaborations intérieures do l'Anie luttant contre oiio-momo pour arriver enfin à détruire momentanément toutes ses puissances. Plotin Gorson. sainte ThereM croient par là s'unir a Dieu iui.môme se confondre avec iut (2). Les Bouddhistes n'ont pas cette prétention. puisqu'ils ne connaissent point da Dieu, et que, dans tout le système de Çakyamount, cette grande ideo de Fetro inuni n'apparatt pas un seul instant.

On voit maintenant ce qu'est pour les Bouddhistes i<* dhyAna, route et conquête préliminaire du nirvana. Mais, comme si la pensée n'était pas assez claire, le Bouddhisme ajoute aux'quatre degrés du dhyana, tei que nous venons de les énoncer, quatre autres degrés superio~fs, ou si l'on (i) Pour cette théorie du dhyana, it faut consulter surtout la J~aMMu~ofa, teMmaHna pAa/a <o«Ma, pa)i, et !a mémolro spéolal qu'a cot)Mcr6 h cette queauon M. E. Burnontt~oKM de la bonne W, Appendice n" xm, p. 800 et Buiv.

(2) Voir mon rapport sur i'J~eote d'~Mean~r~, préface, t p. M et suiv.


vent. correspondants ce sont tes quatre rég!ons du monde sans formes. L'ascète qui a franchi courageusemont les quatre premiers pas en est récompense en entrant dans tes régions de t inanité en espace de là il monte un degré nouveau. dans ta région de t'innnité en intelligence. Parvenu à cette hauteur, il atteint une troi.slème région, coite où il n'existe rien. Mais, comme dans ce néant et ces ténèbres, on pourrait supposer qu'il reste du moins encore une idée qui représente & l'ascète le néant même où il se plonge, il faut un dernier et suprême effort, et l'on entre dans ta quatrième région du monde sans formes où it n'y a pius ni idées, ni morne une idée de t'absecco d'idées (1).

Je no sais ai je mo trompe; maisit me semble que la doctrine du dhyanaestun commentaire décisif do celle du nirvana et que si, par cet état transitoire do t'o~ase, c'est déjà un néant transitoire comme elle et anticipé que l'on poursuit, on ne peut chercher dans le nirvana iui-momo qu'un néant éternoi et définitif. Si eo n'est pns ia to véritable sons qu'il faut donner au nirvana des Bouddhistes, (i) Voir, pour lus quatre régions du monde sans formes, !o ~Oj~Mttt MM«a, pa)i, dont M. E. Burnout a traduit ie passage te plus imponant, ~otuft de ta bonne foi, p. 8t&. M. Aboi lié.musnt a été le premier qui se soit occupé de ces obscures théories, bien plus difficiles enf-ora a comprendre au travara des noductiona chinoises. On peut remarquer on outre que, dans la théorie des sept places de t'inteUigenco, h dernière et la ph'a haute est celle où tt n'ottsto absolument rien; (~«Mnt. (!dn« ~OM"«, pa'i, 7.ot<M <~ ta bonne loi, do M. E. Burnouf, 1 p. 642), at quo le parfait affranchissement des retigiem dans ta théorie dea Huit aifranchissements est t'anMOtisaemcnt dos idées et des sensations. » Mem, <6M., p. B~)3 et 82f).


qu'on dise alors quel est positivement celui qu'il y faut attacher. Le Bouddhisme n'a pas de Dieu; il n'a pas même la notion confuse et vague de l'esprit universel, dans lequel selon la doctrine orthodoxe du Brahmanisme et du Sankhya, va se perdre t'âme humaine. I) n'admet pas non plus de nature proprement dite et il ne fait point cette distinction profonde do l'esprit et du monde matérie!. qui est le système et la gloire de KapMa enfin il confond l'homme avec tout ce qui l'entoure, tout en lui prêchant la vertu. ïi ne peut donc réunir l'âme humaine, qu'il ne nomme même pas, ni à Dieu qu'il ignore (1). ni à la nature qu'il ne connaît pas davantage. H ne lui reste qu'un parti à prendre, c'est de l'anéantir; et pour être bien assuré qu'elle ne reparattra point sous une forme quelconque, dans ce monde qu'il a maudit comme le séjour de l'illusion et de la douleur, il en détruit tous les étéments. ainsi qu'il a bien soin de le répéter mille fois lui-même. Que veut-on do plus? Si ce n'est pas là le néant. qu'est-ce donc que le nirv&na ? 2

Je reconnais tout ce qu'il y a de grave dans une telle amrmation oui, je l'avoue quand on pense que le Bouddhisme compte aujourdhui sur la surface du globe tant de sectateurs, et qu'il est la croyance du tiers de l'humanité, expliquer le nirvana comme je le fais, c'est dire que le tiers à pou près de nos semblables adorent Je néant et ne placent qu'en lui leur espoir contre les maux de l'existence. C'est une foi hideuse, sans doute, mais ce n'est pas calomnier le Bouddhisme que deiatui Imputer; et l'histoire se manquerait à etie-momo en reculant do(1) Voir un passage décisif dans te Mettra M«««, du Digha nikâya, J!.o~M do la bonne loi, da M. E. Burnouf, p. 49<).


tant cette vérité déptoraNe, qui jette d'ailleurs tant do jour sur les destinées du monde asiatique.

On le voit donc la morale et la métaphysique do Çakyamouni se résument en quelques théories fort simples, quoique très-iausses les quatres vérités sublimes ia transmigration, t'encha!nement mutuel des causes et to nirvana, qu'explique !e Dhyâna, quiie prépare et le précède. li ne me reste plus qu'a juger la valeur de ces théories, en rendant justice aux parcelles de vérité qu'elles renferment, et en condamnant sans pitié tant d'erreurs monstrueuses que couvre vainement une grandeur apparente.


vu.

CRITIQUE DC SYSTÈME DE ~M'AHOMfi.

Puisque j'ai à dire beaucoup de mai du Bouddhisme je préfère commencer par le bieu qu'on lui peut justement attnbuer et que J'en pense. Ces éiogos. tout limités qu'iis devront être, auront du moins ce résultat de tempérer la sévérité du jugement dont Ils seront suivis. La condamnation, précédée de cet adoucissement équitable, ne para!tra point une injustice ni une cotére et après avoir loué les bons côtés de cette grande doctrine. il sera moins pénibte d'en biamer les aberrations et d'en signaler les fatales conséquences.

Voici donc pour !a part du bien je ne veux pas l'exagérer mais je ne voudrais pas non plus la réduire iniquement.

Ce qui me frappe d'abord dans le Bouddhisme, je ne parle que do celui du fondateur, c'est sa direction toute pratique. Le Bouddha se propose un très-grand objet, qui n'est pas moins que le salut du genre humain ou mémo le salut de l'univers; et il marche a son but par les voles les plus directes et ies plus faciles. Il est vrai que se donnant pour pbitoscphe, la spéculation, avec ses analyses et ses profondeurs, ne lui serait point interdite mais les Brahmanes en avaient fait un tel abus, que le réformateur aura cru devoir s'en abstenir. En effet, il faut bien prendre garde, en voulant descendre jusqu'aux principes des choses, de s'enfoncer dans des ténèbres inutiles et de ne parler qu'a une école au lieu de s'adresser à la foule. La phtto*


sophie, lors mémo qu'elle ne prétend point devenir une religion ne doit jamais perdre do vue son devoir suprême, qui est de servir l'humanité et le philosophe est assez pou digne de ce nom, qui est !e seul à se comprendre, et à se sauver par la vérité qu'il découvre. Si cette vérité devait rester un avantage individuel elle n'aurait point tout son prix et comme pour la masse des hommes. la pratique de la morale importe bien plus que les principes sur lesquels elle repose, i) faut savoir gré. aux chefs des intelligences de tes pousser à bien vivre plutôt encore qu'à bien penser. La réforme, avant qu'oa ne la tente. peut avoir été précédée et affermie par ces longues études que la science exige; mais quand le réformateur paratt ennn sur le théâtre du monde. son enseignement, qui n'est désormais qu'une prédication, doit être aussi oiair et aussi simple que possible, ïi parle au vulgaire et non point aux savants. M doit conduire tes esprits plus encore que les éclairer; ii promulgue des préceptes plus qu'il n'approfondit des théories. Cependant, tout on voulant convertir et guider la multitude, Çakyamouni no cherche point à l'attirer par de grossières séductions, tt ne flatte point bassement ses convoitises naturelles; et les récompenses qu'il lui promet n'ont rien de terrestre ni de matériel. Loin d'imiter tant de législateurs religieux, il n'annonce à ses adeptes ni conquêtes, ni pouvoir, ni richesse; Il les convie au salut éternel, ou plutôt au néant, qu'il prend pour to salut, 9 par la voie de la vertu, do la science et des austérités (1). (t) Je ne parte pas du pouvoir magique et des facuMssurna)nrei)M que, dans les doctrines bouddhiques, la science et la vertu contèrent 11 ceux qui sont parvenus aux degrés supérieurs de la sainteté. Les légendes sont pleines de ces superstitions et


C'est présumer sans doute beaucoup des hommes; mais ce n'est pas présumer trop. C'est un bonheur d'entendre ces nobles appels à la conscience humaine dans des temps si reculés et dans des pays que notre civilisation un peu hautaine s'est habituée à trop dédaigner. Nous croyons que ces grandes aspirations n'appartiennent qu'à nous seuls, et nous sommes surpris autant que charmés d'en découvrir ailleurs des traces et des reflets. Dans les Védas et dans la religion qui en était immédiatement sortie, le réformateur ne trouvait rien de pareil (1) et ce n'est point là qu'il a puisé des leçons de renoncement et d'abnégation. blais la philosophie brahmanique s'était étevée plus haut que ce culte égoïste où l'homme ne demande aux dieux que de le faire vivre, en échange des hommages ou plutôt des aliments qull leur offre elle avait porté ses regards dans les régions supérieures de l'esprit et le système do Kapita sufflt pour attester qu'en prêchant le salut éternel, Çâkyamouni no fait point une innovation (2). Tout le monde, dans l'Inde brahmanique, a cette do ces extravagances, qui sont à l'usage des Brahmanes long. temps avant que le Bouddhisme no les adopte et tes sanctionna b son tour. Voir mon Premier mémoire <Mf <e MnM~a, dans les Mémoires de t'Académio des Sciences morales et polilfqnos, t. VUI, p. <93 et 389. Maisje ne crois pas que le Bouddha )ni.même ait jamais fait do ces promesses fallacieuses H laissait ce charlatanisme et ces jongleries a des adversaires qu'il méprisai). (t) J'ai essayé, dans mon travail sur les Yéaes, de faire voir combien la religion qu'ils avaient fondée était étroite et iatéresséo voir le Vom'nat dM MoanM, cahier d'avril i86~), p.209.

(2) Voir le Premier mffMOM'e aMr te S<btMj/a, Mémoires do t'Académio dos Sciences morates ot politique~ tomo Yitï, p. 377)}


préoccupation sotenneuo t'asceie des (~âkyas ta partage mais ne la crée pas.

La gloire qui lui est propre. et que nu) no lui dispute, c'est ce)to charité sans bornes dont son âme paraît embra- .J sée. Le Bouddha ne songe point à s'assurer personnellement le salut et la libération it cherche par-dessus tout à sauver les autres étres; et c'est pour tour montrer la voie infaitttbio du Nirvana qu'it a quitte le séjour de la joie. le Touchita. et qu'il vient subir les hasards et les épreuves d'une dernière existence. tt ne rachète pas les créatures en s'immolant pour elles dans un sacrifice su b)ime;.it se propose seulement do Ics instruire par son enseignement et par ses exemples. !t les conduit sur la route ou l'on no peut plus errer. et it les guide au port d'où t'en no revient plus. Sans doute l'esprit chrétien connaît des doctrines plus belles et ptus hautes; mais six ou sept siècles avant qu'il ne renouvelle le monde c'est déjà une bien grande idoo quo celle d'associer tous les hommes tous tes êtres dans une foi commune, et do )o~ confondre dans un égale estimo et dans un égal amour. Voilà comment le Bouddha a pu dire sans orguoil et sans erreur que fi sa toi était une loi do grilce pour tous (t) a et comment, sans attaquer le régime odieux et dégradant des castes, il a ruine cependant ce fondement de la société brahmanique. Il n'a pas vu, Jo t'avunc, le vrai principe de l'égalité humaine, puisqu'il n'a jamais (i) Le Bouddha le dit en propres termes, en inondant aux railleries des Brahmanes qui se maquent d'} h)i, fptand i) convertit S'aga'a. tents d'un marchand tomuù dans la plus hideusu misero. ~t-<a<« ~M<MM, dans )o Divya Atadana, cité parM. E. Bumouf, Vtttroft. <) t'/f~t. ffM ~«ftd/t. <n(! p. t)Si Sa'uauti'pra~'ukatn mu <;A?i't)a)u, dit ~kyan)uu))i.


compris l'égalité morale. Mais s'il n'a pas connu la véritable nature de i'homme. il a su du moins que tous les hommes sont égaux devant la douleur. t't qu'ils doivent l'être aussi devant la délivrance. 11 veut leur apprendre a s'affranchir pour jamais de la maladie, de la vieillesse et do la mort; et comme tous tes êtres sans aucune excop. tion sont exposés à ces maux nécessaires, Os ont tous droit à renseignement qui dnit les y soustraire en les ectai'ant. Devant l'identité do la misère. il fait tomber les distinctions sociales. ou ptutOt il no les aperçoit pas; t'es*c)ave est pour lui tout autant que les ttts de rots (1). Ce n'est pas il dire qu'il n'ait point déploré les nbus et les maux do la société dans laquelle it vivait; mais il a été frappé bien plus encore dos maux inséparables do l'humanité mémo, et c'est & ceux-là qu'il s'est dévoué, parce que les autres on comparaison doivent sombler bien peu de chose. Le Bouddha no s'est point attaché à guérir la société indienne; il a voulu guérir le genre humtin. 11 faut louer cette grandeur et cette géneratito do vue. L'homme certainement n'est pas tout entier dans la douleur: et en cela la théorie est fausse; mais ii est vrai que tous los hommes y sont plus ou moins soumis, et c'est une entreprise généreuse que do vouloir les en délivrer. Les moyens qu'emplolo le Bouddha pour convertir et purifier les cœurs ne sont pas moins conformes a la dignité humaine Ils sont pleins d'une douceur qui ne se dément point un seul instant dans le ma)tro. et qui subsiste aussi tendre, aussi invincible dans ses disciples les plus éloignes (2). it ne songe Jamais a contraindre les hommes, «) Si. parmitospfiuoira"x(iiK)ptesdeÇahynmoHni,Kocyapa ..toi) nn Brohomne, Ouputi et Katyi)yf))[) étaient des Çoadra~. (2) On peut voir 'ou)o ta biographto (i'Hfouen-tfMMg nnns in traducnon de M. Stanislas Julien.


it se borne à tes persuader, ti s'accommode mOno a ieur faiblesse; ii varie de mille manières les moyens do tes tuuchpf et quand MM langage trop direct <') trop austfro pourrait les rebuter il a recours aux insinuations plus douces de la parabole. H choisit les exemples les plus vutRaircs, et il se met a ja portée de ceux qui J'écoutont par la naKveté des formes dont ii revêt ses leçons. Il leur apprend à soulager le poids do leurs fautes par la confessien, et a les expier par la sincérité du repentir. It va même plus loin. Comme c'est un grand mal déjà que d'avoir à réparer la faute. l'essentiel serait do montrer aux hommes à no point la commettre. Puisque c'est la vertu qui doit les racheter, ii faut faire on sorte do les rendre impeccables s'ils no font pas do chute, ils n'auront point il se relever. I)o )h. dans la doctrine de Çakyamouni, ces préceptes si sages et si positifs, ces défonses toujours si justes et parfois si doiicates do certaines actions. C'est une iutto incessante contre le corps et ses passions qu'il entreprend et qu'il conseille )o corps est à ses yeux te seul ennemi de l'homme et bien qu'il ne donne pas tui-memo à sa pensée une expression aussi formelle, son ascétisme n'a pas d'autre objet, JI faut que l'homme dompte le corps; it faut qu'il éteigne les désirs bruiants qui le consument. Si le Bouddha proscrit plus particulièrement aux religieux engagés dans tes ordres un cétibat absolu, it n'en recommande pas moins a tous les iidetes la chasteté et la pudeur, que le Brahmanisme offensait sans aucune retenue, et dont un instinct secret révèle a tous les hommes l'obligation et le chnrmo. A ces vertus déjà bien diittciies. il en ajoute d'autres plus difficiles encore et non moins utiles c'est ta patience, c'est la résignation. qui n'exclut point l'énergie a sonurtr courageusement des maux inévitables c'est t'indinerence


et t'hero<smo sons le coup do toutes tes infortunes et do tontes les douleurs o'e& t t'humittté surtout, cet autre renoncomont aux biens et aux splendeurs du monde, que n'ont point pratique seulement les pauvr''s mendiants, « fils do Çak)a, a mais les rois eux-mêmes au fa!to do la toute-puissance. Do t'humitito au pardon des offensos, it n'y a pas loin; et bien que le Bouddha n'en ait pas fait l'un do ses préceptes étroits, sa doctrine tout entière mono il cette to)eranco mutuelle dont tes hommes on société ont tant besoin. Ln croyance mémo do la transmigraUon l'oid.tit singutieromont. Devant une insutto, un outrage, uno violenco, io premier St'ntimont du Bouddhiste n'est pas de s'emporter. 11 no s'indigne pas, attendu qu'il no croit pas a l'injustice. 11 se dit que dans une existence antérlouro Ii a commis te) pèche qui, dans cetto-ci, lui attire et lui mérite to) châtiment, 11 no s'en prend qu'a lui seul du maihour qui io frappe; e~ au lieu d'accuser son ennemi ou son oppresseur, it n'accuse que lui-même. Loin do penser a se venger, it no voit qu'une leçon dans les maux qu'it enduro, et bon unique soin c'est d'éviter désormais la faute qui I- a rendus nécessaires, et qui on se ronouvolant ronouvetterait aussi )a punition qui a déjà dû la suivre. Quand le jeune prince Kounata, dont les légendes racontent ta touchante histoire 0), est soumis a un supplice aussi douloureux qu'inique, it pardonne a ta marâtre qui te poursuit, il pardonne a un pèro abuse; et it ne pense qu'aux fautes passées par tosquettea il a prov'jque contre tui-momo tant do désastres.

(0) Voir plus ha')t. pnge ')6f), t'hlsloiro du prince Koux.~a, nh tht fameux roi Acol<o, qui régnait sur ta plus g)f)))()o pattie do la ptesqu'Ho inuienno. On se tappotte qua ce prixco a les yeux arrachés.


Cette résignation qui, dans les faibles, peut si aisément tourner à la peur et à la iachote, rend sans doute trop facile aux forts et aux méchants la domination et le despotisme sans doute elle favorise la tyrannie dans ces ctimats qui n'ont jamais connu qu'otto. Mais. entre dos mains inteiiisentos, quel élément d'ordre et de paix sociale quoi apaisement fie toutes ces passions qui troublent trop souvent la concorde et font na!tro dos guerres imptacobtes! 1 Joignex-y l'horreur du mensonge, ce rfspect de la parole humaine, cette sainteté du iton qui met tes intettigences en communication joignez-y cette réprobation de In médisance et même des discours frivoles; Joigneï-y encoro le cotte do la famttio. la pieuse vénération pour les patents. la considération et l'estime pour les femmes jugées dignes de tous les honneurs roiigteux il i'ega) des hommes; et vous serez étonnes quo tn Bouddhisme, avec tant do vertus sociales, n'ait pu parvenir à fonder, même en Asie. une société ni des gouvernements tolérables. D'abord it a échoue dans t'tndo etto-memo où il est ne; et dans los pays où it s'est réfugié, son innuenco. toute hourouse qu'olle a pu être a certains egnrds, n'a point prévalu Jusqu'à reformer los meaurs politiques de ces penntM. Ils sont restés partout soumis au joug io plus avilissant et le plus arbitratro. Los trop faibles germes déposes por !c Bouddha dans sa doctrine, et que devetoppaient quelques rois comme Piyadasi. ne se sont point fécondes; et uujourd'hui notre civilisation mémo ne peut leur rendre in vie, en pénétrant dans ces contrées où )o Bouddhisme nardo encore toute sa vigueur. t) est il croindro que tous nos efforts bienveillants et libéraux ne soient vains contre ces institutions déplorables, qui ont pour elles )n MncOon des siootes, les habitudes invétérées des peuples, leur indiffet'enco et leurs superstitions incurables. Sans doute, je ne


voudrais pas juger le Bouddhisme tout entier sur ce seul signe et il ne faudrait pas le condamner sans autre examen, par cela soul que les sociétés qui le pratiquent sont mal organisées. Mais cependant on peut trouver une mesuro des religions dans les institutions sociales qu'cttos inspirent ou qu'cllos tolèrent et certainement l'une des marques les plus ooiatnntes de ia graodour du christianisme, c'est d'avoir produit ces sociétés et ces gouvernemonts iibros qui marchent chaque jour, sous les yeux et aux apptaudfssemonts de l'histoire, a do nouveaux progros, il une nouvelle perfection. On no découvre rien de sombtabto duns les sociétés bouddhiques; et en fait do politique et do législation, le dogme du Bouddha est reste fort au-dessous du Brahmanisme tui-memo. H a bien pu instruire et sanctifier quptquM Individus prenant pour modèio et pour appui en noble Idéal do Çahynmouni mats pour les nations, il est resté impuissant plus encore quo ses adversaires, et il n'a presque rien pu faire ni pour les constituer, ni pour tes régir équitablement.

Il est donc assez probablo, rien qu'à une première vue, que le Bouddhisme, mntgr6 ses mérites apparents, renfermo dos vices cachés qui font rendu sterito je vais m'attacher a les découvrir et il les montrer. J'ai fait la part du bien; ii faut en venir maintenant a eeite du mal, qui sera beaucoup plus grande.

Toute cette morale a beau otHehor le renoncement el l'abnégation: au fond elle est utroito et intéressée. Elle ne repose que sur une soule idt'e, qui n'est ni la plus juste ni ta plus haute, celle du salut éternel. entendu encore commo les Bouddhistes t'entendent, dans te sons du néant ou Nirvana. C'est )n récompense offerte a tous les efforts de rhnmnx' c'est le but suprême tic ia Loi c'est le prix ineffnhh' promis a toutes ses vertus. Sa vie s'ord"nno sur


cette Hn d'apte tes enseignements et tes exemples du )na«fe; mais il n'agit jamais qu'en vue du ta remnoeration qu'il espère. U éteint toutes tes autres convoitises; mais H garde ce!te-)a; il dompte tous les autres désirs; mais il grandit ce désir insatiable de tous ceux qu'it lui sacrifie. Je dis qu'il y a là do quoi fausser ta morale tont entière; ot J'attribue sans hésitera cette préoccupation égoïste dn la récompense et à l'idée du Nirvana presque toutes los fautes du Bouddhisme.

L'homme fait bien sans doute de songer durant toute cette vie que quoique chose doit ta suivre. U fait bien d'< se régler sur cotte conséquence Inévitable, quelle qu'ciio soit d'aittours scton tes croyances qu'il adopte il fnit bien do penser a t'oternite. qui lui peut expliquer a ta fois et d'où il vlont et où il retourne. En face do cotte Rrando Idée, it peut sentir également et toute sa faiblesse et toute sa valeur elle peut lui donner la clef do son destin, s'il sait ('interroger avec discrétion et sagesse. Mais ii doit sa gqrder do l'abaisser et de la détruire, en n'y voyant et on M'y cherchant qu'une récompense, qui, tout élovée qu'f)to peu), paraître, n'en devient pas moins un salaire. La pansée du salut éternel n'est plus alors uno vertu c'est un calcul et comme rien n'est plus mobile et plus changeant que le calcul et t'inté) 6t, t'hommo se trouve Jot6 sur une vole où ne peut faire que des faux pas. Dans une religion plus vraie et plus sainte, it peut s'en remettre à ta justice do Dieu du soin do récompenser ou de punir éternellement; mais, dans une religion qui ne reconnaît point de Dieu, malheur irréparable ta religion bouddhique, l'homme demeura son propre Juge; c'est lui qui. do son autorité privée, décide de ce qui mérite le salut ou de ce qui s'on éteigne Il prononce dans sn propre causn et co n'est guère le moyen do demeurer équitable et infaillible,


tt croit pratiquer la vertu, tandis qu'en réa!it6 H ne pratique qu'un incessant égoïsmo, qui se cache et se fortino jusque dans les austérités les plus rudes et dans les détachements tes plus orgueilleux. On ne fait jamais que son propre salut; on ne peut faire celui des autres; tout au plus peut-on, comme le Bouddha, leur montrer la vote. Mats i) faut qu'ils y marchent, et l'on ne saurait y marcher pour eux. Le salut -est donc exclusivement individuel; it mot t'hommo dans un Isolemont complet. Plus l'homme s'en préoccupe, plus it s'éteigne de ses semblables, qu'it négtigo tout au moins, quand ii no va pas Jusqu'à les mépriser et Il les fuir. Aussi les religieux, qui sont comme la milice de la religion nouvelle et qui en représentent les champions les plus fidèles et tes plus accomplis, sont-ils a peu près étrangers a la société, qui pourtant les nourrit. Us y passent leur existence enacéo autant qu'Jnutite. en y vivant des aumônes que leur prépare le travail d'autrui, et en y portant des haillons que leur humilité no dédaigne point, mais que leur main n'a point tissus. L'asoete est ravi tout entier au monde dans lequel il vit, par le monde auquel il aspire; et en admettant qu'une paresse qui s'ignore par fois cite-mémo ne trouve pas son compte secret a cette prétendue sainteté, h qui cette sainteté peut-elle servir, si ce n'est t'aseete tui-mOmo! Que deviendrait la société, y compris les anachorètes qu'elle soutient par sa facile tibéretité. si chacun voulait imiter de si pieux exemples ? Le renoncement est une belle chose sans doute mais quand on prétond, comme Çahyamouni, sauver le genre humain, il faut songer il tous les hommes sans exception il ne faut pas songer a quelques privitégiés. Vous abolisse:! les castes que vous trouvez établies, en ne vous arrêtant point aux limites illégitimes qu'elles prescrivent; c'est bien mais vous crée:! vous-même une autre caste,


qui n'est ptus large qu'en apparence, et qui de fait teste plus étroite encore que les autres. Par la nature mémo des choses, la pensée du salut, à moins qu'on ne la restreigne dans de justes bornes, devient dangereuse autant qu'eiie est fausse si elle envahit toutes les actions de t'homme. elle les gâte et, sans parier du mal qu'elle peut faire à la société, elle corrompt t'âme de l'individu, qui ne songn plus qu'à soi. et qui, matgré sa vanité d'initié et d'adepte, ignore profondément ce que doit être le véritable et unique mobile de toute sa conduite ici-bas.

C'est qu'en effet it n'y a point à présenter à la conscience humaine, surtout quand on se croit philosophe. d'autre mobile que l'idée du bien. Ce n'est pas simplement la plus désintéressée et la plus noble dos idées c'est encore ia plus vraie et la plus pratique. Pour peu que t'homme veuille descendre en iui-mCme, il la trouve au fond de son fOBur vivante et infaittibie te plus souvent, sans !o savoir, c'est sur elle qu'il règle la plus grande partie do son activité. Si l'on veut remonter jusqu'à son origine, elle nous mène a Dieu, dont elle nous revoie la vraie nature si on )a suit dans ses conséquences, elle nous explique le monde, qu'elle seule peut faire comprendre. Placéo au faite des idées les plus évidentes et les plus hautes, c'est elle qui éclaira toutes les autres, comme c'est elle qui ies engendre. Et) bien 1 cette idée. qui est te fond même de notre Orne, de notre raison, de notre intelligence, comme oiio est le fond do l'univers et de Dieu, n'apparait point dans le Bouddhisme. Çahyamouni ne semble pas s'être douté qu'elle existât. Dans la philosophie grecque, Sorrate et Platon se sont fait la gloire impérissable d'avoir donné a l'idée du bien sa véritabie place dans t'ame de l'humme, dans le monde et en Dieu. Ce flambeau, une fois allumé par leurs mains, n'a fait que jeter de jour en jour plus de


lumière et d'éclat parmi nous. Dans le Bouddhisme, au contraire, pas une lueur de cette flamme divine ne s'est montrée pas une étincoiie durable n'en a jailli; et ce soleil des intelligences, comme Platon le nomme, ne les a jamais éclairées dans le monde indien. Les cœurs, les âmes, les esprits, y sont restés plongés dans les plus noires ténèbres; et les siècles, loin de dissiper cette obscurité, n'ont fait que i'épaissir. L'idée de la récompense, substituée à celle du bien, a tout perverti. Un voile impénétrable et sombre a été répandu sur toutes choses; et l'homme n'a pu désormais rien comprendre ni à tui-meme, ni à la nature dans laquelle il vit, ni à Dieu, qui les a faits l'un et l'autre. C'est de cette première et capitale erreur que toutes les autres sont découlées.

Une des conséquences les plus certaines et les plus fata!es, c'est d'abord que l'idée du bien, une fois méconnue, le Bouddhisme a, du même coup, ignoré celle du devoir. Chose étrange! dans un système où le mot de devoir (dharma) apparaît à chaque ligne des ouvrages sans nombre qu'il a produits, la notion mémo du devoir a complètement échappé. On y voit bien l'obéissance à la loi du Bouddha, une soumission aveugle à ses leçons, une vénération sincère pour ses vertus qu'on s'efforce d'imiter. Mais un conseil, un ordre, n'oblige pas moralement tout ce qu'il peut faire, c'est de contraindre extérieurement. et tant que la conscience et la raison n'ont point parié, te devoir n'apparaît point. On n'est pas lié parce qu'on obéit; on n'est point obligé parce qu'on se courbe sous un joug. ce joug fût-il te plus raisonnable et le plus salutaire. C'est donc au for intérieur, aux arrêts seuls de la conscience que le législateur moral doit toujours s'adresser, et surtout quand il se condamne, comme Çahyamouni, à se passer de Dieu, source supretKt) de tout bien et de tout devoir.


Autrement il fait peut-être de fervents adeptes, et, au besoin, de très-Bdètes sujets mais il ne fait pas des hommes. ï) n'enseigne ni n'inspire la vertu tout au plus enseignet-il la prudence. Quand le jeune Oupagoupta résiste au~ séductions d'une belle et riche courtisane (1), ce n'est pas en se disant que la continence est un devoir et qu'il fait bien de combattre de coupables désirs c'est en pensant qu' « il est mieux pour ceux qui aspirent à l'affranchisse« ment et qui veulent échapper à la loi de la renaissance, '< de ne point aller voir cette femme. » Ainsi il calcule son salut; et, comme il craint de le risquer en succombant', il s'abstient, non pas par vertu, mais par intérêt. Il c'a donc point compris le devoir, tout en accomplissant une louable action; it n'est point moralement vertueux, tout en restant vainqueur dans cette lutte délicate contre luimême. J'avoue que c'est déjà beaucoup que le bien se fasse, quel que soit d'ailleurs le motif dont l'acte s'inspire. Mais le mérite moral n'est réei et complet que si l'agent se guide uniquement par la pensée du devoir, qui n'est au fond que l'idée même du bien. L'une et l'autre manquent absolument à la doctrine du Bouddha.

On peut signaler une seconde conséquence non moins fâcheuse; c'est le scepticisme. Sans doute ii n'est pas poussé aussi loin dans les Soûtras de la prédication qu'ii le fut plus tard dans la Pradjna Paramita. qui en arrive à nier tout à la fois et l'objet connu et le sujet connaissant, la réalité des choses et la réalité même de la conscience. Mais, sans être tombé dans ces excès, Çakyamouni ne proclame pas moins résolument la vanité et le néant (t) Voir ci-deM))9 p. i66. J'ai loué plus haut la chasteté d'Oupagouptt) ici je tache de faire voir ce qu'il y a de moralement incomplet dans le motif qui le décide.


de toutes choses, en face du Nirvana, qui seul à ses yeux est immuable. « Tout est vide est un do ses axiomes favoris, sur lequel il appuie avec le plus de sécurité to renoncement qu'ii proche aux hommes. Certainement, parmi les phénomènes au milieu desquels nous devons vivre, il en est beaucoup qui sont transitoires et passagers. U en est bien peu qui soient permanents et qui portent « le « caractère de la nxité, ce vrai signe de la Loi, comme !e disait le jeune Sidcthartha dans ses premières méditations (1). Mais tous les êtres ne sont pas « vides au dehors, vides au dedans, » ainsi qu'il le pensait; et s'il avait su s'interroger lui-même avec un peu plus d'attention et d'exactitude, i) aurait trouvé le terrain solide et inébran.lablo où l'homme peut poser d'infaillibles pas. L'hommo peut nier tout ce qui l'entoure; ii peut douter de tous les phénomènes qu'il porte en lui. Mais il a beau faire; il ne peut douter de sa propre conscience quand elle lui reproche la faute qu'il a commise, ou qu'elle le loue du bien qu'il a fait (2). ti ne se demande peut-être pas, comme le prétend une doctrine plus subtilo encore qu'elle n'est vraie, si le principe en vertu duquel it agit peut devenir une loi universette mais il se dit assurément qu'il doit lui-même toujours agir comme il le fait, et que tout être raisonnable doit agir comme lui. Quand l'homme trouve ainsi l'ordre au dedans de son propre coeur, il lui est assez facile de le transporter dans le monde du dehors; et le bien qu'il a découvert dans sa conscience, il le reconnatt aussi évident et plus immense dans l'univers, que le bien (!) Voir plus bout, p. 38, et le Journal <!M ~aoaHtf, cahier de juin 186&, p. 860.

(?) Je prends ici le mo,t de coMMt'MM daus le sens vulgaire: it h'* serait pas juste de demander davantage au Bouddhisme.


seul régit et anime. line croit plus dès lors au vide; ot les êtres acquièrent pour lui autant de substance qu'ils participent au bien. H ne doute de teur réalité que dans la proportion même où ils s'en étoiRnent; et sur la ferme base où il s'est tui.memo placé, toutes les notions do son intelligence se raffermissent en même temps qu'elles s'ordonnent. S'il en est quelques-unes qui chancellent encore, c'est qu'elles ne valent pas la peine qu'on les observe ou qu'on tes fixe.

L'idée du bien bannit donc de t'âme le scepticisme; non-seulement ello éclaire l'homme; mais, de plus, ello le fortifie. En face de sa conscience, (lui lui parle si haut, même alors qu'elle dépose contre lui, il n'est plus tente de croire avec Çâkyamouni au seui témoignage do ses sons; et sans les récuser absolument, il sait désormais quel est le juste degré de confiance qu'il leur doit. Quand on ne regarde que le monde matériel. on peut à toute force nier que le bien ou le mat s'y trouvent; mais quand l'homme se regarde tui-mcmo, i) no peut repousser )u distinction du bien et du mal moral, à moins que sa perversité no lui en fasse un criminel intérêt (1). A mon sens, ceci explique très-bien le caractère )o plus saillant du Bouddhisme, et le plus douloureux do tous ceux qu'it présente à notre observation, je veux dire sa profonde et irrémédiable tristesse. Quand on ne croit (i) Comme dans le système de Çitkyamouni, il y a tes meilleurs instincts, si ce n'est les théories les plus conséquentes, le Bouddha, tout sceptique qu'il est, combat énargiquement to scepticisme corrupteur des Brahmanes. tt faut tire parUeutiorement, pour bien juger de cette contradiction, le Mmanna phala M<!M< pMi, ZohM <~ la toMe loi, de M. E. Burnottf, p. <)63 et suiv.


au bien, ni dans l'homme, ni dans le monde, Il est tout simple qu'on les prenne i'un et l'autre en aversion et qu'on ne cherche de refuge que dans le néant. De là cet aspect désespéré de la vie qui, sous toates ios formes, se retrouve dans toutes les parties de cette doctrine, et qui l'assombrit sans cesse. On se croirait dans un sépulcre; et lorsque le Bouddhisme parle de la délivrance, ii dit toujours du Nirvana, qu'il vient détruire dénnitivemcni pour l'homme « ce qui n'est qu'une grande masse do maux. » Dès qu'on se fait do la vie uno telle opinion, il semble qu'il n'y ait plus qu'a se débarrasser de cet odieux fardeau, et que le suicide soit le seul parti que l'homme ait à prendre en cette affreuse extrémité. Plus d'une légende nous prouverait qu'assez souvent les adeptes du Bouddhisme en ont tiré cette conséquence aussi logique qu'abFurde. Mais Çak)amouni, par une contradiction qui l'honore, a voulu que l'homme employât sa vie à se racheter de la vie môme par la vertu, i) a voulu que, pour cesser de vivre à jamais, on commençât par vivre selon toutes les lois de la raison, telles du moins qu'il les comprenait, et que l'on conqutt une mort éternelle par l'existence lit plus puro et la plus sainte. Cette haute idée qu'il se fait de la vertu, seul gage du salut éternet. aurait dû. ce semble, éclairer le philosophe. La vie n'est donc pas si peu de chose qu'il le croit, puisque, après tout, elle permet à l'homme cet admirable emploi de ses facultés. Mais les ténèbres sont trop épaisses pour que cette tumière, toute vive qu'elle est, les traverse et les dissipe. Çahyamoum ne voit dans l'existence que la douleur; et moitié par compassion pour ses semblables, moitié peut-~tre aussi par faibiesso et par un assez iacho retour sur lui-même, it consacre les efforts de son génie a soustraire i'homme a la loi fatale de ia renaissance.


Mats ae dirait-on pas vraiment que la vie n'est qu'un long tissu de douleurs et de souffrances? Sans doute, ii faut reconnattre tes maux nombreux qu'elle renferme et qui la déparent ce serait folie que de tes nier. Mais sans parler dos enseignements salutaires que l'homme peut tirer des maux mêmes qu'il endure, et dont trop souvent sa volonté deprnveo est la seule cause, est-il donc vrai qu'il n'y ait que des maux dans la vie? Et les joies de toute sorte qu'elle nous prodigue, depuis les joies naKvea de l'enfance qui s'ignore jusqu'aux joies austères de la réflexion mûrie par l'expérience et de la conscience fortifiée par la sagesse depuis les plaisirs des sens jusqu'à ceux do l'entendement depuis le spectacle incessant et splendide de la nature jusqu'à cetui de t'ame qui s'immole au devoir; depuis tes affections de la famille jusqu'aux passions héroïques du patriotisme, que l'Inde elle-même n'a point ignorées, qu'en fait-on? Prétend-on aussi les nier? Mais si l'on tient tant de compte des maux, croit-on qu'il est bien justo do dédaigner tant de biens incontesMtties? Est-ce apprécier équitablement les choses que de ne tes considérer que sous une seule des deux faces contraires qu'elles présentent? tt ne serait peut-être pas beaucoup plus saga de nier tes maux de la vie aussi énergiquement que le Bouddhisme tes aCtrmo. Mais l'optimisme, s'il n'est pas parfaitement vrai, l'est sans comparaison beaucoup plus que te désespoir. il soutient du moins tes courages en tos rassurant: s'it fausse un peu t'esprit. Une l'abat point; il l'élève au lieu de te dégrader; it lui donne certainement plus de lumières quo la thèse opposée, puisque dans la vie humaine et dans le monde, la somme des biens l'emporte sur la somme du mai aux yeux des juges Impartiaux et pour des cœurs un peu virils.


tt y a, en outre, je no sais quello pusillanimité à ne songer qu'aux maux tout extérieurs, la vieillesse, la maladie et la mort, et à oublier les autres maux bien autrement graves et redoutables, en soi et par leurs conséquences, qui attaquent i'ame et qu'on appelle des vices. ~o Bouddhisme s'est donné h peine, dans une casuistique rauinée et savante, do classer avec le soin le plus minutieux toutes les nuances du Zf~fa; o'e;t par centaines qu'ii il les a distinguées. Et pourquoi, je le demande, tout ce labeur? Au fond ce n'est pas le vico que le Bouddhisme vent éviter, et qu'il déteste c'est le Nirvana qu'il reoherche ot qu'il veut conquérir et comme le vice peut empêcher le salut et la délivrance. on craint le vice et on ne le repoussa qu'indirectement. Ce qu'on redoute uniquement et par-dessus tout, c'est la douleur qui fait frémir d'effroi une sensibiifté trop peu courageuse, c'est te déclin de t'age qui fane les belles couleurs do la jeunesse, c'est la vieillesse qui détruit les forces, c'est la mort, enfin, qui n'est qu'un passage de cette existence do douleurs n une autre existence plus douloureuse encore. Co qu'il faut éviter à tout prix, et même au prix do la vertu, ce n'est pas la dégradation morale, suito du vice; c'est cette dégradation corporelle qui, loin de désoter te sage, doit, au contraire, le fottiiier en l'instruisant. !i serait injuste d'aiier jusqu'à prétendre que Çakyamouni nes'inqutoto en rien du moi moral et qu'il n'en fait aucun état. Mais co qui est vrai, c'est qu'il le subordonne, et que le mal physique est le principal objet de ses craintes et de ses préoccupations.

Et ici, admirez la contradiction. Tout en redoutant outre mesure les maux de la vie, et en cherchant à s'en délivrer éterneitemont par le néant, le seul moyen, ou du moins te plus eiïicacc quu t'en trouve do se guérir do


l'existence, c'est d'en faire une torture et un supplice pendant les cours instants qu'on la possède en l'exécrant, Quel code que celui que Çâkyamouni impose a ses adhérents les plus aimés et les plus Hdètes! quelles observances que celles qu'il prescrit à ses religieux et qu'il pratique lui-même 1 Des haiitons et des linceuls pour vêtements, des forêts pour abris, des aumûnas pour nourriture, des cimetières pour lieux de méditation, la plus rigide abstinence, la proscription do tous les plaisirs, même les plus innocents, le silence habituel qui éloigne les plus chers entretiens t c'est presque déjà la tombe. Sans doute t'austérttémémodo cette doctrine, qu'on no tmntopasoun clottro, mais qu'on prêche au monde, prouve l'ardeur sincère de la foi qui )a recommande. !) fout une bien énergique conviction pour so prescrire de si douloureux et do si longs sacrifices. Mais si la vie est déjà un aussi grand mal, pourquoi aggraver encore co mal nécessaire ? 5! Pourquoi à ces misères inévitables ajouter volontairement ces mortifications sous lesquelles io corps succombe? No serait-it pas plus conséquent a ia doctrine qu'on enseigne de faire do la vie une continuelle jouissance, et du plaisir la seule occupation do l'homme? No faut-il pas tâcher d'atténuer la douleur loin de l'irriter encore? tt est vrai qu'on ne touche pas les hommes en leur prêchant !o plaisir, et quo cette tache doctrine, qui peut séduire quelques esprits corrompus, n'est pas faite pour entraîner les foules tout ignorantes et sensuelles qu'elles sont. Çakyamouni n ou raison de ne pas descendre à cette bassesse que sa grande âme eût repoussée; mais l'ascétisme n'était pas l'application qu'il devait logiquement tirer de ses principes.

Ainsi, ignorance de la notion du bien; égotsmo aveugle; méprise absolue sur le devoir; scepticisme a pou près uni~


versel aversion fanatique de la vie qu'on meoonnatt; pusittanimite devant ses douleurs; tristesse inconsolable dans un monde que l'on comprend mal, voilà déjà bien des erreurs; mais le Bouddhisme en commet de bien plus fortes encore. Il est assez prouvé que la nature véritable de homme lui complètement échappé, et que, tout on instituant contre la corps une lutte incessante et implacable, ce n'est pas au profit de i'amo qu'it a travaillé. 11 ne distingue pas t'ame du corps, ni l'esprit do la matière. Réduisant l'intelligence tout entière à la sensibilité extérieure, il no paratt pas avoir soupçonnû dans l'homme les deux principes qui le compo 'nt et qui expliquent toute sa destinée. Le Sânkhya du moins avait tracé profondément cette démarcation essentielle; et tout en se trompant sur les conséquences qui la suivent, ii avait fait à l'esprit une largo part, sans lui faire d'ailleurs sa part véritable. Çâkyamouni est sous ce rapport bien au-dessous do Kapita. tt reste atheo comme lui; mais à un spiritualisme tres-decidô quoique bâtard, il substitue, on s'adressant à la multitude, un matoriaUsmo grossier qu'it acooupto aux ptus mystiques austérités.

Non-seutement it confond dans l'homme les doux principes si opposes qui to forment; it confond de plus l'homme fui'mémo avec tout ce qui l'entoure. itto confond d'abord avec les animaux, qui le servent, et qui parfois le dechtrout quand its ne le fuient pas; avec les plantes, qui to nourrissent et parfois t'empoisonnent; enfin, chose pres..que incroyable avec la matière brute, où tt n'y a plus trace d'organisation ni do vie, et que l'homme façonne à son gré, quand il veut y appliquer ses mains industrieuses. Oui, l'idée de la transmigration porte jusquo-ta pour Çakyamouni, o'ost-a-diro jusqu'à ta monstruosité la plus itagrante. 1) y a parmi nous des doctrines qui ravalent


l'homme au niveau do la b6to, et qui ne veulent reconnattre en lui qu'un animal un pou plus parfait que les autres. C'est déjà pousser assez loin la méprise c'est déjà observer bien mal et bien peu. Mais qu'est-co quo cette erreur, toute grave qu'olle est, auprès de cotte où s'abimo le Bouddhisme? L'homme selon lui, n'est en rien distinct do la plus vile matière. Dans les existences successives et infinies qu'il peut fournir il peut être toutes choses sans exception, depuis te plus relevé des êtres jusqu'au plus informe; depuis l'organisation )a piusmorveitteuso et la plus compliquée jusqu'à l'absence mémo do toute organisation. Si les textes n'étaient aussi formots et aussi nombreux si cette croyance n'était en parfait accord avec tout le reste du système, qui la suppose ot no peut se passer d'eito, on douterait vraiment qu'un para. doxo do cet ordre ait jamais pu séduire des intelligences humaines. Mais malheureusement to doute n'est pas permis, ainsi que jo l'ai fait voir (1). C'est l'idée de l'unité do substance poussée aussi loin qu'elle peut t'être. dans toute son étendue et dans toute son absurdité. Spinosa et nos panthéistes modernes, qui se croient sans doute fort audacieux et fort conséquents. le sont bien moins quo Çahyamouni. tt va jusqu'au bout do ses idées, tondis qu'eux ils ne voient qu'une partie des tours et s'arrêtent à mi-chemin. Par une sorte d'instinct qui tcur fait sentir te gouffro ouvert devant eux, ils rfoutont sans le savoir et bien qu'ils ne fassent point à t'hommo sa juste part dans tours systèmes, où tous les êtres s'effacent et se confondant sous une obscure Identité, ils n'osent point avouer ces blasphèmes dégradants où le Bouddhisme s'est complu. It est vrai que, sous un autre rapport, ils ont fait à (t) Voir plus haut, pag. i83 et auiv.


pou près comme lui en ne voulant reconnattre d'autre Dieu que l'homme tui-memo. Mais de nos Jours, ces extravagances impies sont moins faciles; on en sait long sur !'amo do l'homme quand on a derrière soi la philosophie platonicienne et la méthode do Descartes, et qu'on vit dans le sein de la civilisation chrétienne. On peut encore m6oonna!tfe tout ce qu'apprend la psychologie, et tacher, sinon de la réfuter, au moins de t'éluder on semblant t'ignorer mais on a beau faire dans cette voie déplorable, le sens commun résiste; le philosophe qui s'égare sont confusément l'erreur où iise perd sa propre conscience. en protestant contre lui ôto a son système une partie do sa force et sa conviction ébranléo suffit à peine à le dominor tui-meme, loin do pouvoir entratnor les autres. Mais dans ta monde indien ta véritable science n'a Jamais été connuo, où la psychologie est restée ignorée profondement. mémo dos Brahmanes, quoique spéculatif qu'ils soient, toutes tes aberrations, toutes les folles sont possibles et il n'a fallu qu'un esprit énergique et résolu pour les pousser à bout. tt est allé, sans que rien pût l'arrêter, aussi avant que la logique le menait et comme l'observation psychologique lui restait fermée plus encore qu'a ses adversaires, il n'a senti aucune des fautes, ou plutôt des inepties dans lesquelles Il tombait. Rien n'a surpassé la grandeur do sa conviction que la grandeur do son aveuglement.

Je crois qu'il est assez facile maintenant de comprendre comment le Bouddhisme est nécessairement athée. Quand on méconnalt à ce point la personnalité de l'homme, il est absolument impossible de se faire la moindre fdëo de Dieu. Cette dernière face do la doctrine de Çakyamouni mérite do nous arrêter encore quelques instants elle est sans comparaison la plus fâcheuse de toutes. Mais notre


examen doit aller jusqu'à sonder ces plaies hideuses de l'esprit humain en détourner les yeux, ce ne serait pas faire assez pour essayer de les guérir.

C'est une chose bien singulière à dire, mais plus déplorable encore: dans tout le Bouddhisme, it n'y a pas trace d'une idée do Dieu. Cette grande notion, de quelque côté qu'on !a prenne. lui a complètement échappé, Il ne l'a pas niée précisément, et ii no t'a pas combattue; mais it n'a pus semblé se douter qu'ello existât dans t'amo humaine et qu'elle lui fut indispensable, t) l'a ignorée do la manière la plus absoiuo. Le Brahmanisme. & ce point do vue du moins, est bien ptus élevé et bien plus savant. S'il n'a point compris l'unité do Dieu, it i'a cherc))éo sans cesse sous l'esprit universel du monde; et cotte préoccupation, qui no io quitte point un seul instant, lui fait parfois entrevoir la véritable tumiero. Dans quelques hymnes des Védas, dans quelques-unes des Oupanishads surtout, on voit !e génb brahmanique tout près de faire cette grande découverte do la raison. Il la pressent, ii !a touche; et si l'on s'en tenait & son langage, on pourrait croire quelquefois qu'il possède toute la vérité. S'i) no l'a point encore, il est cependant sur la route où on la trouve et l'on peut espérer, grâce a des lueurs éclatantes, bien que fugitives, qu'elle ne lui échappera pas longtemps. Dans le Bouddhisme, au contraire, ces lueurs se sont éteintes entièrement, et pas une étincetto n'indique qu'elles puissent se ranimer et revivre. Tout est ténèbres; et l'homme, réduit à fui août, se trouve si faible et si dé!oiss6 qu'il se jette avec une sorte de frénésie dans la mort et dans le néant, d'où il est sorti et où i! a hâte do retourner. Spectacle navrant et bien propre a susciter tes réflexions Ics plus douloureuses! Nous nous étions habitués a supposer quota notion de Dieu ne manque Jamais, & un degré ou à


un autre. & l'intelligence humaine. Cette notion peut être confuse et obscure, disions-nous; mais elle n'est point ab.sente; et nous nous imaginions la retrouver jusque dans la grossièreté brutale des peuplades les plus sauvages. Eh bien 1 voilà une grande doct< ino, résultat des plus longues et des plus sincères méditations; voilà un système de philosophie, si ce n'est très-profond, au moins trèsconséquent et très-étendu; voilà une religion acceptée et pratiquée par des nations innombrables, où cotte notion essentielle qui nous semblait indéfectible, n'apparait pas, môme dans sa nuance la plus effacée, et où l'homme se perd si absolument dans son égoïsme et ses terreurs pué.riles, qu'il ne voit absolument rifn en dehors do lui-même. 11 croit à son malheur de toutes les forces de sa iacheté, et pour se délivrer, il n'en appelle qu'a lui seul, tout misérabto qu'il est. Ce serait merveille si te Bouddhisme, sur un toi chemin, parvenait au port; et quand on se rappoito d'où ii part, it n'y a pas lieu de s'étonner qu'il soit arrivé au naufrage.

La personne humaine a été méconnue par lui dans ses signes les plus extérieurs et les plus manifestes. Mais elle l'a été bien plus outrageusement encore dans sa nature intime et dans son essence (1). La liberté, qui en est le caractère éminent, avec tout le cortège de facultés et de conséquences qui raccompagnent, est oubliée, supprimée. détruite. L'homme agit durant toute cette vie sous te poids, non pas précisément de la fatalité, mais des exis'tences antérieures dont il a fourni l'incalculable série. !i (1) Dans un soutra pAli consacré spécialement à l'exposition de la théorie dos causes, msMn<<M)«! MM«a, il est dit en propros termes c C'est io nom qui fait que l'individu se connaît tui-mOme. Zot<« de la 6ofme loi de M. E. Burnouf, p. 369.


n'est pas puni du mat ni récompensé du bien actuol qu'it fait 0 paie ici-bas !a dette d'une vie passée qu'il ne peut réformer, dont il subit les résultats nécessaires, et dont il ne se souvient pas, quoiqu'il puisse en reconnattre tes suites fatales. La transmigration le poursuit dans la vie présente; et, s'il n'y prend garde, elle va la ressaisir pour le rejeter encore dans le corote qu'il a déjà parcouru, et d'où il ne pourra sortir. It est vrai qu'il semble dépendre do lui d'écouter le Bouddha et de se sauver à sa voix, ou de fermer l'oreille et de se perdre. Mais cette option même, le seul point où l'homme paraisse libre encore, lui est a peine accordée; sa liberté n'est pas entière dans ce choix décisif; elle est entravée par un passé dont it ne dispose pius. et l'endurolssement à la ici libératrice qu'on lui prêche, peut-être le châtiment de fautes jadis commises, et que suit une faute nouvelle. L'homme n'est donc pas libre en cette vie. L'a-t-il jamais été ? A-t-it dépondu de lui au début des choses de commencer ou de ne pas commencer cet enchaînement d'existences successives ? Qui l'a fait tomber pour la première fois sous te coup de cette redoutable loi? '1

A toutes ces questions le Bouddhisme croit répondre par la fameuse et puérile théorie de l'Enchaînement connexe des causes réciproques. Do degrés en degrés, il remonte de la mort a 1aquello nous sommes soumis ici-bas, jusqu'au néant d'où ii fait sortir les êtres, ou plutôt les ombres qu'il reconnatt en ce monde. Sans doute, c'est la naissance qui engendre la vieillesse et la mort; et tout naïf que cet axiome puisse paraître, ii faut bien accorder que si l'on n'était point on no serait point exposé à mourir. Mais c'est jouer sur les mots que do dire que la vie est cause de la mort; elle n'en est que l'occasion. Sans douto encore une fois, si l'on ne naissait point, on ne mourrait


point mais la vie est si peu cause do la mort que vous reconnaissez la mort à son tour pour cause de la vie. La cause devient effet; et cet effet devient sa propre cause; c'est-à-dire qu'au fond vous vous contredites vous-mêmes, et que la véritable notion de cause vous échappe comme vous a échappé celle de la liberté. Le Bouddhisme lui-même semble faire aveu d'impuissance; et dans cette échelle qu'il parcourt, en la remontant ou en la descendant à son gré, c'est par le néant ou l'ignorance qu'il débute c'est par l'ignorance ou le néant qu'il termine. Mais si l'ignorance est le point de départ de vos recherches, et si elle en est le terme, il est bien permis de douter de votre prétendue science si vous partez du néant pour aboutir encore au néant, it vaudrait mieux avouer que vous ne connaissez rien, et que vous ne croyez à rien. C'est ce qu'a fait plus tard l'école de la Pradjnâ pâramitâ, plus audacieuse dans son nihilisme et plus conséquente que le fondateur même du Bouddhisme. Mais Çakyamouni n'a point osé le dire, ou plutôt il s'est abusé lui-même en abusant les autres.

Ainsi, aucune idée de la personnalité humaine, aucune idée de la liberté, aucune idée de cause, voilà les éléments que le Bouddhisme emploie et qu'il croit avoir tirés de l'observation exacte et attentive de la réalité. Qu'avec de tels matériaux, il n'ait pas mémo tenté de construire l'édifice de la théodicée. il n'y a rien là qui. doive nous étonner. Quand on comprend l'homme si imparfaitement, quoiqu'il pose sans cesse devant nos yeux et qu'on le porte en soi-même, ii est tout simple que l'on comprenne aussi mal le monde, qu'on étudie encore moins, et que l'on ignore Dieu, que l'homme en effet ne peut comprendre qu'a l'aide de lui-même et du monde.

Mais ce qui doit surprendre à bon droit, et ce qui n'est


pas moins étrange que tout le reste, c'est que le Bouddhisme n'ait pas divinisé le Bouddha. Destitué de l'idée vraie de Dieu. il pouvait essayer de se. donner le change, et, guidé par l'instinct secret dont la raison humaine ne peut s'affranchir absolument, il pouvait, à la place de Dieu, substituer une idole. Loin de là, le Bouddha reste homme, et ne cherche jamais à dépasser les limites de l'humanité, au-delà de laquelle il ne conçoit rien. L'enthousiasme de ses disciples a été aussi réservé que luimême et, dans le culte innocent qu'ils lui rendaient, leur ferveur s'adressait à un souvenir consolateur et fortifiant, jamais leur superstition intéressée ne s'adressait à sa puissance. Le Bouddha s'est mis personnellement, ou plutôt a mis l'homme, fort au-dessus de tous les dieux, absurdes et cruels du panthéon brahmanique; ses sectateurs lui ont conservé cette place éminente et suprême mais ils ne sont pas aiiés plus loin. Ni l'orgueil de Çàkyamouni, ni ie fanatisme des croyants n'a conçu un sacritége. Le Bouddha, tout grand qu'il se croit, n'a point risqué l'apothéose; et la tradition même, toute pieuse qu'elle a pu être, toute ardente qu'elle a été dans ses adorations, ne l'a point risquée non plus pour lui. Les temples et les statues lui ont été prodigués. Des milliers d'ouvrages ont été consacrés à raconter sa vie et même à célébrer sa puissance surnaturelle, mais jamais personne n'a songé à en faire un dieu. Il ne faudrait pourtant pas faire honneur de cette retenue au bon sens des peuples bouddhistes. S'ils ont été aussi sages sur ce point délicat, c'est par des motifs assez simples que la raison ne dictait point, et qui, d'ailleurs, s'accordent trop bien avec l'aveuglement dont ces peuples ont donné le triste spectacle. Dans leur croyance, le Bouddha est si loin d'être un Dieu qu'il a été précédé de plusieurs autres Bouddhas, aussi saints que lui, et qu'il aura


pour successeurs d'autres Bouddhas non moins accomplis et non moins vénérables. ïi a sauvé l'univers par sa doctrine mais c'est l'univers où il a paru, comme les autres ont sauvé ou sauveront l'univers dont ils seront ou dont ils ont été les guides. Le Tathagata lui-méme n'a-t-il pas prédit à une foude de ses auditeurs des destinées non moins brillantes que les siennes? Ne leur a-t-it pas appris qu'ils seraient des Bouddhas aussi bien que lui ? Ne leur a-t-il pas décrit point par point les mondes splendides où ils régneront? N'a-t-il point nxé la durée de leur règne ? Tout homme peut donc, comme le Bouddha luimeme, atteindre, par la vertu et par la sainteté, à cette haute dignité et tout adorable qu'est le Bouddha, tout Ineffables que sont ses qualités, il n'est pas de discipie, quelque obscur qu'il soit, qui ne puisse les atteindre et les égaler. Si le Bouddha était un Dieu, par hasard, il y aurait autant de dieux possibles qu'ii y a d'hommes capables de comprendre « les Quatres vérités sublimes, ou i'En. « chainement connexe des causes réciproques, et de « suivre la Voie aux huit parties, qui mène au nirvana, » Voilà un premier motif qui a empêché les Bouddhistes, malgré la plus ardente et la plus sincère dévotion, de faire un dieu du Bouddha. En voici un second qui, pour être tout aussi puissant, n'est guère plus honorable pour leur raison.

ti est vrai que le Bouddha, dans tout le cours de sa vie. après le grand triomphe de Bodhimanda, n'a pas cessé do faire des miracles, et que les puissances les plus extraordinaires et les plus surnaturelles ont été son partage. Mais d'abord les Brahmanes, ses adversaires, inttaicnt avec lui. et faisaient assaut de prodiges. Ce n'était donc pas un privilége exclusif de Çâkyamouni. H était plus fort que ceux qu'il combattait parce que sa science était plus grande que


la teur. t! les surpassait en puissance, parce qu'il les surpassait en vertu. Et puis, ne sait-on pas que la science confère à l'homme des pouvoirs surhumains? Ne sait-on pas que le yogui, quand il a passé par tous les degrés de l'initiation, parvient infaitiibtement à la puissance magique, et qu'il est désormais au-dessus de toutes les conditions de la nature? Le Brahmanisme le plus éclairé a toujours eu cette ferme croyance; les systèmosde philosophie les plus sages l'ont propagée tout le monde dans l'Inde y a foi; et le Bouddhisme, s'il l'avait répudiée, se serait mis, par cela seul, fort au-dessous de ses antagonistes. Les miracles du Bouddha n'ont donc rien qui le distinguent. tt est donné à tous les hommes de parvenir à en faire de non moins étonnants. A ce titre il n'est pas plus Dieu qu'il ne l'est à tout autre.

C'est, on le voit, par un sentiment d'orgueil tout ensemble et par une superstition insensée que le Bouddhisme a été conduit à ne pas diviniser le Bouddha, sans parler de son incapacité insurmontable à concevoir en rien l'être infini.

On doit pouvoir maintenant se rendre compte assez bien de l'entreprise générate du Bouddhisme. Par une impuissance radicale de remonter plus haut, ou par une perversité de raison, il n'a demandé, pour comprendre et sauver l'homme, que l'homme lui-même. Il en a fait le plus grand des êtres, en quoi il ne s'est pas trompé s'il a voulu s'en tenir à ce monde; mais il on a fait un être subsistant par tui-meme. n'ayant de supérieur ni pour son origine, ni pour sa fin, ptaoé seul dans cet univers qu'il remplit de sa personnalité vague et partout répandue, sous les formes les pius contraires, ne s'occupant que de lui exclusivement, et ne songeant ni à la nature avec laquelle il se confond dans ses métamorphoses infinics, ni à Dieu


qu'il no conna~ pas. Je ne dis point que l'idée manque d'une certaine grandeur apparente; mais je dis qu'elle manque de vérité, et que l'homme ainsi conçu n'est qu'un monstre qui, malgré ses prétentions, se prendra bientôt en horreur parce qu'il ne pourra parvenir à se comprendre. Mais ii ne serait point équitable de combattre !e Boudhisme avec la théodicée de Platon ou de Descartes, c'est-à-dire avec les lumières de peuples et de temps plus favorisés. Il faut n'employer contre lui que ses propres armes et puisqu'il a fait de la douleur l'homme tout entier, ii faut voir ce que la douleur est dans l'homme et ce qu'elle y suppose. Par cette voie comme par toute autre, ii est possible à l'homme d'arriver à Dieu. Le chemin est plus pénible pour notre faiblesse, mais il n'est pas moins sûr: et Dieu n'éclate pas moins dans les maux que dans les biens de l'humanité.

J'ai reproché plus haut à Çâkyamouni d'avoir donné trop d'attention à la douleur physique (1); mais j'ai dit aussi qu'il avait fait une certaine part à la douleur moraie. ïi veut délivrer l'homme à jamais do la maladie, de la vieillesse et de la mort, en le délivrant de la loi de la renaissance; mais ii veut aussi le soustraire au vice. Il ne nie donc pas que si l'homme souffre dans son corps, ii ne puisse soutfrir aussi, et plus vivement encore dans une autre partie de son être. Le ~Mfa comprend, dans sa vaste extension, le mal corporel et le mai moral; et quand Adjatacatrou vient faire au Bouddha iui-meme l'aveu de son forfait parricide, c'est qu'il est déchiré par le remords. Il confie le secret de ses tortures au sage qui doit le soulager et le guérir. Ainsi le Bouddhisme reconnatt la douleur sous sa terme la plus poignante et la plus vraie, (t) Voir plus haut, pag. 223 ot 224.


quoique la moins apparente et la plus cachée. Seulement it insiste trop peu sur cette grande observation qui pouvait lui révéler toute la nature de l'homme, et le faire monter en mema temps plus haut que l'homme lui-même. On doit le demander au Bouddhisme Y a-t-il au monde un autre être que l'homme qui puisse éprouver ces douleurs que la conscience lui impose dans certains cas, et que vous connaissez bien, puisque vous vous chargez de las apaiser par vos conseils et par les expiations solennelles que vous recommandez? Croyez-vous que les êtres dont l'homme est entouré éprouvent comme lui ces supplices intérieurs auxquels les plus puissants des rois, tout assurés qu'ils sont de l'impunité, ne savent point se soustraire ? On vous concède, si vous l'exigez, que l'homme, avant de revêtir sa forme actuelle, a passé par tous les états de la matière, depuis ta plus inerte jusqu'à la mieux organisée; mais dans la disposition présente des choses. niez-vous que l'homme soit seul à subir ces tourments, suite de ses fautes et parfois de ses crimes? Croyez-vous que les animaux les sentent comme lui? Croyez-vous que la matière brute, que vous placez vous-même au-dessous des animaux, puisse également les sentir? Non sans doute; et malgré tous vos aveuglements, vous n'êtes point descendus jusqu'à celui-là. L'homme a donc le prlvilége de cette douleur qui n'est qu'à lui. C'est un fait qu'on ne saurait contester; on peut le déplorer, comme on déplore la vieillesse et la mort; mais on ne peut pas dire qu'il n'existe point.

D'où vient cette douleur à l'homme? Et qui la cause en lui, quand elle arriva bouleverser tout son être. empoisonner toutes ses joies, et le mettre à l'agonie, au milieu de tous les enivrements du pouvoir? Vous même vous répondez à cette question l'homme n'éprouve ces affreu-


ses douleurs que parce qu'il se sent coupable d'avoir transgressé la tôt. S'H ne se disait point qu'il devait et pouvait agir autrement qu'il n'a fait, il n'aurait point le remords qui l'amène à vos pieds humble et soumis, maigre son orgueil et toute sa puissance. Mais cette loi qu'il a violée et qui le punit, ce n'est pas vous qui l'avez faite pour lui car ce grand coupable, quand il a commencé à se repentir, ne vous connaissait pas, et il ignorait que vous eussiez défendu io meurtre. C'est Mon moins encore ce coupable tui-mome qui a fait une loi dont le juste chati. ment l'accable. Loin de la promulguer contre lui, il la détruirait, si l'abolir était en son pouvoir. Il effacerait, s'il ne dépendait que de lui, jusqu'au souvenir de sa faute, pour guérir en mémo temps les blessures que ce souvenir lui cause et rouvre sans cesse. Mais cette loi est supérieure l'homme, elle no relève pas de lui; et en dépit de toute sa perversité, qui parfois la brave, il ne peut faire taire dans son propre cœur cette voix implacable, qui va peut-être trouver tout ù l'heure des échos non moins terribles dans le cœur de ses semblables.

Je sais bien que le Bouddhisme peut répondre, si ce n'est par Çakyamouni, du moins par Nagàrdjouna, autour de la Pradjna paramita, que si l'homme éprouve des douleurs morales de cet ordre, c'est par cet unique motif qu'il est ainsi fait; que c'est sa nature (svabhava) qu'il n'est pas besoin de chercher une autre e~ptication que les êtres sont ce qu'ils sont par leur nature propre; que l'homme a la sienne, comme les animaux, comme les plantes, comme les minéraux ont la leur; et enfin que vouloir aller au-delà est inutile. Cette réponse n'explique rien au fond, précisément parce qu'ollo refuse d'expliquer quoi que ce soit c'est une fin do non-recevoir universelle. M faut se borner à observer des faits sans jamais prétendre


remonter jusque !cur cause la douleur morale qui suit !e crime est un fait, le Bouddhisme t'avoue et par l'organe de sa plus grande école de métaphysique, il déclare qu'il s'en tient là, et qu'il n'a point à s'enquérir d'où vient ce fait et quelle est son origine. Mais le Bouddhisme a beau se couvrir de cet argument facile, il s'est interdit à tui.meme cette défaite trop commode. La réponse peut être à l'usage du scepticisme de disciples qui n'ont pria dans les leçons du maître que la moins bonne partie, et qui s'en tiennent à la plus sèche logique mais to maître ce peut l'admettre il n'a point passé avec cette hautaine indifférence devant la douleur morale, et loin d'y voir un effet de la nature propre de l'homme, o'est-a-dire un effet immuable, ii a misses soins les plus attentifs et son espoir le plus noble à guérir ces maux qu'il no croyait point incurables. Il a donc reconnu, non pas seulement que l'homme viole une toi supérieure à lui quand il commet la faute, mais de plus qu'il peut, d'une certaine manière, réparer le mal commis et rétablir entre lui et cette loi violée le rapport qu'a brisé son crime. Le Bouddha n'avait plus qu'un pas à faire c'était d'attribuer cette loi, que sa vertu trouvait juste apparemment, à un être plus puissant que l'homme, et ami de l'ordre et du bien, qu'il sait révéler et maintenir par ces moyens énergiques et secrets. !t semble même que le Bouddha pouvait encore aller un peu plus loin dans cette voie. tt n'avait qu'a interroger son âme héroïque et vertueuse et à comparer la paix profonde et inaltérable dont il jouissait en sa conscience, avec les tempêtes dont it voyait l'Ame des coupables agitée. Cette quiétude des bons, devant la toi qu'ils accomplissent, était un fait non moins certain que le trouble des méchants. Le Bouddha personnellement en était un admirable exemple. Il pouvait donc se dire que si l'auteur


de la loi morale punit !e mal, M récompense aussi le bien, et que sa mansuétude égale au moins sa rigueur. Ces simples réitexions sur la douleur morale no dépassaient point certainement le génie de Çakyamouni et s'll les avait faites, elles étaient de nature à modifier le cours entier de ses pensées et à changer tout son système. Par cette voie sans parler do tant d'autres que le spectacle do la nature extérieure lui pouvait ouvrir, it serait arrivé à mieux comprendre t'hommo i 11 serait arrivé surtout à calmer cette épouvante qui l'aveugle et le précipite dans le désespoir. En face de t'etre tout-puissant qui est juste et qui sait être tout à la fois bienveillant et sévère. son âme se serait rassurée. Loin do voir dans ia vie un supplice, it aurait reconnu une épreuve qu'il dépend de nous de rendre moins pénible. L'homme n'a point à déplorer sa condition ici-bas. puisqu'il peut l'améliorer et l'embellir. II n'est pas perdu dans cet univers, puisqu'il se sent sous le joug de lois raisonnables et bienfaisantes. ït lui a été donné de s'y soumettre et de les comprendre. S'U peut les renverser, it peut aussi s'associer à elles en y obéissant. Bien plus, i) peut, dans une certaine mesure s'associer à ceiui qui les a faites et qui les lui révèle également par la vertu et par le crime. Ce n'est donc pas à un dominateur ou à un tyran que le c<Bur de l'homme s'adressc, c'est plutôt à un père et il doit se dire que loin d'être égaré ou orphelin en ce monde. it peut y vivre comme dons une vaste famille, où il occupe un bien beau rang, puisque ce rang est le second.

Mais ce coté des choses, qui n'est pas seulement le plus grand. et qui est aussi le plus vrai, n'a pas touché Çakyamouni. ït n'a regardé que le côté misérable de l'hommo et il s'est abandonné sans mesure à la douloureuse sympathie que lui causait ce spectacle lamentable.


Parce que l'homme meurt ioi-bas après y avoir plus ou moins bien vécu, it l'a condamné a mourir étornettemont. L'espérance du néant lui a paru devoir suture a cet être uniquement préoccupe du souci d'échapper a~ la douleur. On souffre dès qu'on existe et le seul moyen de no pas souffrir, c'est de ne pas être. Le nirvana est le seul refuge assuré; on est bien certain de ne plus revenir, du moment qu'on ne sera plus.

Mats it est temps de clore ces considérations déjà bien longues sur le Bouddhisme, et que je pourrais étendre encore on traitant ces grands sujets. Je résume mes critiques en les appliquant à quelques théories fondamentales La transmigration. qui est le point de départ de toute cette doctrine, n'est qu'une hypothèse insoutenable, que le Bouddha n'a point inventée sans doute; mais qu'il a acceptée et dont it a tiré les ptus déplorables conséquences

Sa morate est incomplèto et vaine en ce qu'clle s'appuie sur une vue très-fausse do la nature de l'homme et de la vie;

Le nirvana, ou le néant. est une conception monstrueuse qui répugne à tous les instincts de la nature humaine, et à la raison et qui implique l'athéisme. Réduit à ces termes, le Bouddhisme devrait inspirer encore plus do pitié que de mépris; et c'est à peine s'it serait digne dos regards de l'histoire mais it a dominé pondant des siéoies, comme il domine encore sur des peuples sans nombre; et i! offre a leur crédulité les tristes doctrines que je viens de passer en revue comme seul aliment do leur foi, qui est d'autant plus ardente qu'elle est plus absurde. tt les plonge, par l'idée de la transmigration, dans un monde fantastique qui ne leur permet de rien comprendre aux vraies conditions do celui dans


lequel ils vivent. Sa morale, qui n'a pu sauver les peuples, o'a pu surtout les organiser en sociétés équitables et intelligentes. Sa doctrine du nirvana les a ravalés même audessous des brutes, qui ont au moins sur l'homme cet avantage do ne point déïHer !o néant, auquel elles no songent point. En un mot. it a méconnu, de quelque point do vue qu'on l'envisage la nature, les devoirs la dignité do la personne humaine. H prétendait la délivrer, it n'a fait que la détruire it voulait t'éciairer, it t'a jetée dans les plus profondes ténèbres. Ses intentions ont pu être généreuses: mais son action générato sauf quelques rares exceptions, a été fatalo et l'on peut M demander avec une trop juste anxiété, si les nations qu'il a perdues pourront jamais trouver, ni mémo accepter, un remède J aux maux qu'il leur a faits et qu'il leur fera longtemps encore.

Sans doute le Brahmanisme. quand ii expulsa do son soin la réforme bouddhique, par une persécution impiacabto. ne se dit point contre elle tout ce que nous pouvons lui reprocher au nom do la religion, de la philosophio et do la raison. Pendant près de mille ans, la société brahmanique out pour les Bouddhistes une tolérance qui l'honore; etto les laissa répandre en paix leurs théories, comme elle laissait à d'autres prétendus sages une égale liberté. Solon toute apparence quand la persécution commença pour ne s'arrêter qu'après l'extermination, ce fu' rent dos motifs assez pou relevés qui la décidèrent et la rendirent si terrible. Des rivalités d'influence et d'intérêts, des luttes de domination et d'orgueil, poussèrent los Brahmanes à tant de rigueur après tant do longanimité et le Bouddhisme serait demeuré dans l'Inde qui l'avait vu naitro. si par d'incessants progrès, it n'eût menacé l'organisation des castes et les privilèges do la plus puissante.


Mats, cependant. il est permis do croire aussi que le Brahmanisme, sans bien comprendre tout ce qu'avaient do hideux es doctrines bouddhiques. ressentit contre eues quelque chose de l'aversion qu'elles nous donnent. Il n'avait pas le droit si l'on veut, de les répudier, car c'était lui qui les avait provoquées et il les partageait à plus d'un ég"rd; it croyait a la transmigration et s'il n'admettait p~ le nirvana. il laissait planer sur les destinées de l'âme humaine une incertitude péritieuse ou bien il l'absorbait dans la nature et l'esprit universel du monde. Mais le Brahmanisme ne voulut pas se reconnaître dans les affreuses conséquences tirées de ses principes, ït est possible que to Bouddhisme n'eût que le tort d'être trop logique et qu'on partant de certaines données admises par tout le monde dans la société indienne. il ne se fût pas trompé dans ses déductious aussi rigoureuses qu'absurdes. Mais on eut horreur do lui on redouta son mortel poison quoiqu'on t'eût préparé et l'on renvoya ses ravages chez des peuples qui pouvaient vivre do ces doctrines déiéteres sans y succomber. C'était déjà trop que l'Inde eût été la berceau du Bouddhisme on ne voulut pas souffrir qu'oite en devînt le séjour et le foyer durables.

L'histoire ne possède rien do précis ni do complot sur les phases do cette persécution on ignore a peu près entièrement quottes en furent los causes particulières et les diverses péripéties. On sait beaucoup mieux comment le Bouddhisme naquit et se développa dans l'Inde, qu'on no sait comment il y mourut, bien que ces derniers événements soient plus rapprochés de nous de onze ou douze cents ans tout au moins. Mais en attendant que des découvertes nouve)!os nous dévoilent l'histoire de ces temps malheuroux et nous expliquent les déiaifs de ce fait im-


mense, les causes générâtes n'en peuvent être douteuses c'est l'intérêt matériel des Brahmanes, ce sont les intérêts moraux de la société indienne qui ont exigé cette expulsion violente. La prétendue réforme qu'apportait le Bouddhisme n'était qu'un mal plus grand. Le Brahmanisme, tout défectueux qu'il est, valait encore mieux que lui; et par une de ces réactions que ne comprennent jamais les peuples qui les font et qui en profitent, on détruisit, à l'avantage d'erreurs anciennes et respectées, des erreurs nouvelles encore plus fâcheuses. La réforme disparut pour laisser une place méritée à la vieille croyance, et elle fut réduite à n'infecter que les nations voisines, si dégradées qu'elles purent encore y trouver un progrès. L'Inde n'y pouvait trouver qu'une chute dont elle se préserva peutêtre avec plus do sagesse que de clémence. C'était un présent bien étrange que d'apporter aux hommes l'athéisme avec l'espoir du néant mais it y avait des hommes et des populations immenses pour qui c'était t& une lumière, et que le Bouddhisme, tout monstrueux qu'il était, appelait du moins à une vie morale qu'elles n'avaient jamais connue. C'était beaucoup que de leur offrir t'idéai du Bouddha, même déparé par ces extravagantes ou abominables doctrines.

A la fin du xvn" siècle et dans le aiéoto suivant. une question s'était élevée entre quelques esprits éminents, à l'occasion de la Chine, que l'on commençait alors à mieux connaître on 6'était demandé s'it était possible qu'une société d'athées existât, et si l'accusation d'athéisme portée contre ce vaste empire avait quelque apparence de raison et de probabilité. Bayle rendit !a discussion fameuse en se prononçant pour l'anirmative, que Voltaire devait contredire après lui. Les opinions furent trés-partagées, ot la question sembla demeurer indécise, on l'absence do


faits suNtsamment connus pour la trancher. Aujourd'hui et en face des révélations si complètes et si évidentes que nous font les livres du Bouddhisme découverts et expliqués, le doute n'est plus permis. Les peuples bouddhiques peuvent être sans aucune injustice regardés comme des peuples athées. Ceci ne veut pas dire qu'ils professent l'athéisme. et qu'ils se font gloire de leur incrédulité. avec cette jactance dont on pourrait citer plus d'un exemple parmi nous; ceci veut dire seulement que ces peuples n'ont pas pu s'élever, dans leurs méditations les plus hautes, jusqu'à la notion de Dieu. et que les sociétés formées par eux s'en sont passées, au grand détriment de lour organisation et de leur bonheur. Mais. en fait, ces sociétés existent, très-nombreuses quoique impuissantes, fort arriérées quoique très anciennes, corrompues et rafnnéos. et profondément malheureuses par une ignorance et par des vices que les siècles ne font qu'accroître. loin do les corriger. Bayle avait donc raison do soutenir que de telles sociétés étaient possibles; nous savons aujourd'hui qu'eues sont réettes. Mais. peut-être aussi, faut-il dire avec Voltaire « Ces peuples ne nient ni n aNtrment « Dieu; lis n'en ont jamais entendu parler. Prétendre « qu'ils sont athées, est la même imputation que si l'on « disait qu'ils sont anti-Cartésiens ils ne sont ni pour ni « contre Descartes. Ce sont de vrais enfants; un enfant « n'est ni athée, ni déiste il n'est rien (1). » Ce jugement de Voltaire est encore ie plus vrai et le plus consolant. Cakyamouni n'est pas plus un athée que Kapila seulement it a eu la faiblesse et le malheur d'ignorer Dieu; il aurait fallu qu'il l'eût combattu pour qu'on pût avec équité lui reprocher son athéisme. Les peuples auxquels (1) Voltaire, ~Mc«oMta<~ eH~cto~~e, article ~<A<'«mo.


sa doctrine devait convenir étaient aussi aveugles que lui, et H a été prouvé par !a science de nos jours qu'ils ne connaissent pas Dieu, mémo de nom. M. Abel Rémusat a constaté que les Chinois, les Tartares et les Mongols, auxquels on pourrait, je crois, ajouter les Tibétains. n'ont pas de mot dans leur langue pour exprimer l'idée de Dieu (1). En présence d'un phénomène aussi curieux et aussi déplorable, que confirme d'ailleurs toute une religion, on pourrait se demander si l'intelligence de ces peuples est faite comme la notre, et si, dans ces climats où la vie est en horreur et où l'on adore le néant à la place de Dieu, la nature humaine est bien encore celle que nous sentons en nous. D'ailleurs, la foi de ces peuples, tout insensée qu'eUe peut nous parattre a été si exclusive qu'ils lui ont consacré leur pensée tout entière i ils n'ont de livres que leurs livres sacrés; ils n'ont pas permis à leur imagination, toute déréglée qu'elle était, de se distraire ou de s'égarer sur d'autres; et la plupart des nations bouddhiques n'ont de littérature que celle des Soûtras (2).

Si j'ai tant insisté sur le Bouddhisme, c'est d'abord à cause de son importance historique dans le passé et mémo dans le présent de l'humanité; mais c'est aussi pour prévenir, autant qu'il dépendra de moi, l'illusion qu'il peut faire à quelques esprits. Sans doute, il n'est pas à craindre que son enrayant as'étisme fasse des prosélytes parmi nous; la transmigration et le néant avec l'athéisme ne comptent pas je crois, beaucoup de fidèles dans nos (1) M. Abel Rémusat, Foe Kouo ~<, page i38.

(2) C'est là sans doute, ce qui fait que les Soûtras sont à la fois si nombreux et si extravagants; ils doivent tenir lieu de tout aux peuples qui croient au Bouddha.


rangs. Mais le'Bouddhisme a certains eûtes par lesquels il peut séduire. Le personnage du réformateur lui-même est fort grand; et l'on peut dire qu'il est accompli. Dans sa vie, telle que nous la connaissons, il n'y a pas une faute, pas une tache. Les vertus qu'il a inspirées ont été très-sincères et parfois éclatantes, si d'ailleurs ses principes étaient faux. Héros lui-même, i! a produit d'héroïques imitateurs. Cette morale tout erronée qu'elle est, rachète du moins ses erreurs par une austérité que rien ne peut désarmer; ses vices n'ont rien de vulgaire ni de bas le renoncement poussé à ce point, même quand il s'égare, est encore digne de quelque estime; on peut plaindre la folie de l'ascète, mais on ne la méprise point. Je ne m'étonne donc pas que le Bouddhisme, surtout quand il était moins connu, ait provoqué quelque admiration. Les ressemblances même qu'il pouvait offrir avec le christianisme n'ont pas laissé que de tromper, nonseulement des esprits hostiles à la foi chrétienne, mais aussi des croyants. Les uns ont voulu y trouver un rival de la religion qu'ils combattaient les autres y voyaient un reflet des doctrines, objet de leur culte. Je crois qu'aujourd'hui toutes ces méprises, également insoutenables, doivent se dissiper. Le Bouddhisme est parfaitement original en ce sens qu'il n'a point emprunté à des peuples étrangers ou à des civilisations meilleures des principes et des théories qu'il a corrompus il est exclusivement indien, et 11 est sorti tout entier du passé de l'Inde ellemême sans le Brahmanisme qu'il a prétendu réformer, sans les systèmes philosophiques qu'il a propagés, peutêtre à son insu, il n'eut pas été possible, et il ne se comprendrait pas. Mais si le Bouddhisme n'a pas pris de leçons du christianisme, ce serait une erreur bien plus grande encore de supposer qu'il puisse lui en donner. Le


Bouddhisme est fort intéressant à connattre, je t'avoue, et des travaux comme ceux de MM. Burnouf, Hodgson Schmidt, Csoma Turnour, Stanislas Julien, Ch. Lassen, Fouoaux, etc., méritent toute notre gratitude. Ils nous révèlent une page jusqu'à présent inconnue ou mal comprise des annales humaines; ils nous font pénétrer dans la vie morale et intellectuelle de ces peuples qui. après tout, sont nos frères, si ce n'est tout à fait nos semblables. Mais hors de là le Bouddhisme n'a rien à nous apprendre, et son école serait désastreuse pour nous. Malgré des apparences parfois spécieuses, il n'est qu'un long tissu de contradictions et ce n'est pas le calomnier que de dire, qu'à le bien regarder c'est un spiritualisme sans âme, une vertu sans devoir, une morale sans liberté, une charité sans amour, un monde sans nature et sans Dieu. Que pourrions-nous tirer de pareils enseignements Et que de choses il nous faudrait oublier pour en devenir les aveugles disciplesl Que de degrés il nous faudrait descendre dans t'écheite des peuples et de la civilisation 1

Le seul, mais immense service que le Bouddhisme puisse nous rendre, c'est, par son triste contraste, de nous faire apprécier mieux encore la valeur inaalimable de nos croyances, en nous montrant tou~(~;qu'Jt'o&te à t'humanite qui ne les partage poit~~


ERHATA

t'nges.

1~. tigne 25. ait i'e" de mois, <«M années. H9. note 2, «M lieu d6 Williams, ~oe. WiHiam. i2!. note2. e~'ace~ pag. 363 de )'éd. deM. Max. Mû)ter et. 1~3, tigno 14. OM ~M de position. «'M punition. t66. ligne i9. «ttheM ~e troisième. ~'M: second. tH4. ))QK~«~ tome xxx. p. 13. ~M p. 90.


TABLE ))HS MATH~HS

Pagas.

AvAttr-PnoPos. vavu 1. Chronologie du Bouddhisme. 1 H. Caractère et vie de ÇAkyamouni. 28 111. Légende de Çàkyamouni. 83 IV. De la Morale bouddhique. '24 V. –ïnauencedetaMoratedeÇakyamouui. t50 Vt. De la Métaphysique de Çakyamouni.. 179 VU. Cnttque~ht~ystème de Çnkyamouut.. 206 ~T< 249

OtteaM.–Imp.deCotM-GatJi)).


Ot!<t!na) en courut MFX~-lïO-e