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Title : Réquisitoires de Fouquier-Tinville : publiés d'après les originaux conservés aux Archives nationales et suivis des trois mémoires justificatifs de l'accusateur public / avec une introd., des notes et des commentaires, par Hector Fleischmann
Author : Fouquier-Tinville, Antoine-Quentin (1746-1795). Auteur du texte
Publisher : E. Fasquelle (Paris)
Publication date : 1911
Contributor : Fleischmann, Hector (1882-1913). Directeur de publication
Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb304540409
Type : text
Type : printed monograph
Language : french
Format : XXX-336 p. : couv. avec portrait ; in-12
Format : Nombre total de vues : 372
Description : Collection : L'Élite de la Révolution ; 4
Description : Contient une table des matières
Rights : Consultable en ligne
Rights : Public domain
Identifier : ark:/12148/bpt6k75069k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LA32-817
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Online date : 15/10/2007
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EuaÈKE FASQUELLE, EmiEUR, 11, ;iuE DE GnENELLE, PA<us
COLLECTION « L'ÉLITE DE LA RÉVOLUTION x
&3fr.60IeYotnmoin-<8j(;sus.
Œuvres complètes de Saint-Just, avec une lntroduction et des Notes par CHARLES VEH.AY. 2vo) La Correspondance deMarat, recueillie et anrotée par CHARLES VELLAY. 1 vol. Discours et Rapports de Robespierre, avec une J?K)'odt<c<:on et des Notes par CHARLES VELLAY 1 vol. Réquisitoires de Fouquier-Tinville, publiés d'après les originaux conservés aux Archives nationales et
suivis des trois mémoires justificatifs de l'Accusa-
teur public, avec une Introduction, des Notes et des
CommeH<<!M'CS par HECTOR FLEISCHMAN~ 1 vol.
EN PREPARATION
Les Pamphlets de Marat, avec une jM~od:uc<tcw et des Notes par CHARLES VELLAY. 1 vol. Discours civiques de Danton, avec une Introduction, des Notes et des Commentaires par HECTOR l'LEtSCHMANN. 1 v~) Œuvres de Camille Desmoulins, avec une frc/nce et des Notes par JULES CuRETiE vol Les Œuyyes de Mirabeau, avec une JH~-o~Mc<<oH et des Notes par Louis LunET. 2 vol. Œuvres révolutionnaires de Bonaparte, avec une Introduction, des Notes et des Commentaires par HECTOB FLE~SCHMANN 1 vol
~')e<e<ëe~presM< ouvrée
10 exemplaires ~t~~ero~M sur jM~er de ~o~aH~. Pans.–L.HAHETHEt:x, imprimeur,), rue Cassette.–7594. 4
L'ÉLITE DE LA RÉVOLUTION
~~Ë<~uisiTom:~ DE
FOUMER-TtNVILLE
PUBLIÉS
D'APRÈS LES OI!IGL\'ACX CO.\SKRVES AUX ARCHIVES .\ATJO.\ALHS et suivis des trois mémoires justificatifs
du 1 Accusateur public
AVEC UNE INTRODUCTION, DES NOTES ET DES CO))HEKTAf):ES PAK 1%
HECTOR FLEISCHMANN
PAtUS
LIURAIRIE CHARPENTIER ET FASQUELLE [USENE FASQUELLE, ENrEUO
ii,nUE DE GRENELLE, it t
1911
'l'onsdi'oitsi't'-Fc.'v~s.
INTRODUCTION
1
C'est des plaines de l'Aisne, grasses et humides, berceau d'une race obstinée, rude, pacinque et volontaire, que sont originaires les Fouquier. La, dans un bourg proche de Saint-Quentin, aHerouë), le père du futur Accusateur public avait édifié son foyer. On sait peu de choses de lui. Des actes de procédure le qualifient « seigneur d'Herouë), de Tinville et Foreste ». En reaHte, c'étaiL un cuitivateur assez riche, sorte de campagnard devenu gentilhomme rural, exploitant lui-même ses terres, parmi lesquelles se trouvaient ceHesd'Herouel, de TinvIUe, de Foreste, d'Auroir et de VauviUers. L'aîné de ses fils, Pierre-Éloi, né le 10 mars 1744, prit, pour se distinguer de ses frères, le nom de la première de ces terres; le second, Quentin, cetic de Foreste, le dernier celle de Vauvillers. A Antoine-Quentin échut le nom de TinviHe, Avec ce nom de terre, désormais inséparable du lom de famille, il comparait devant l'histoire. C'est dans ce Vermandois, o~ Camille Desmon-
lins devait pressentir son destin civique, dans ces paysages un peu âpres, un peu rudes, où il semble que la furie des invasions espagnoles ait laissé quelque chose de sa violence passionnée, que s'écoula la jeunesse de Fouquier de Tinville. Sa première éducation, confiée à des maîtres de collège religieux, comme tous les éducateurs de l'époque, allait le marquer de cette forte empreinte de labeur, de volonté obstinée, dont il devait, toute sa vie, faire preuve. Cet enseignement n'offrait que deux issues la robe ou le barreau. De Joseph LeBon,deFouché, il faisait des oratoriens; de Fouquier il fit un procureur, comme il fit des avocats de Robespierre et de Desmoulins.
Tandis qu'Arras offrait à la jeune activité de Maximilien un champ de travail borné mais sufnsant à son médiocre orgueil, Fouquier ne pouvait se contenter de la bourgade natale. A la fin de ses études de droit à Paris, il était entré, comme principal clerc, chez Me Cornulier, alors un des célèbres procureurs de l'époque, au Châtelet. Il y restà deux ans, se perfectionnant dans l'étude de cette justice compliquée, riche en ressources de chicanes de toute espèce, qui faisait de la corporation un état dans l'État, un corps puissant et redoutable qui, après avoir tenu la Révolution en échec, devait reparaître aussi vigoureux qu'autrefois, à l'aurore de l'Empire, pour perpétuer jusqu'à nos jours toutes ses traditions, sans se résoudre à les abdiquer. Entré dans la basoche au temps de sa
puissance et de son insolente prospérité, Fouquier devait en conserver, jusque sur son siège d'Accusateur public, jusque sur son banc d'accusé, cette violence têtue d'argumentation, cette obstination volontaire dans la procédure, qui peuvent le faire proposer en modèle du magistrat de l'ancien régime.
Au début de 1774, le 28 janvier (il n'avait pas encore vingt-huit ans, étant né le 12 juin 1745), il achetait la charge de son patron et devenait procureur postulant au Châtelet et siège présidial de Paris. L'année suivante, il épousait, dans le courant d'octobre, Geneviève-Dorothée Saugnier, une ,de ses cousines. Elle avait une dot d'une importance qui permit à Fouquier de s'établir, avec un certain confort, dans un appartement digne de sa profession.
Sa vie, a cette époque, semble laborieusement remplie. D'année en année, ses charges augmentent. C'est, le 17 juillet 1776, un lils qui lui naît Pierre-Quentin; le 3 janvier 1778, une fille Geneviève-Louise-Sophie. Puis, successivement, trois filles encore Emilie-Françoise, le 7 décembre 1778; Marie-Adélaïde, 7 décembre 1779; Aglaé-José-
puîné, 20 janvier 1782. Cette dernière meurt le 21 juin suivant, et il semble que ce soit une année de désastre pour Fouquier, car, le 23 avril précèdent, il a perdu sa femme.
II se passe alors quelque chose de mystérieux et d'obscur dans cette vie si calme, si paisible et si
active à la fois. L'homme semble désorienté, frappé d'une sorte de vertige inquiet. A-t-il peur de la solitude? Songe-t-il au sort de ses enfants? Toujours est-il qu'il se remarie en décembre 1782, et il épouse Jeanne-Henriette Gérard d'Aucourt, fille d'un colon de Saint-Domingue.
Ses affaires semblent aller au plus mal. En 1783, le 6 novembre, il cède sa charge de Procureur à Me Bligny, et. il commence, à travers Paris, à errer de domicile en domicile. En 1788, il habite rue du Faubourg Saint-Antoine, ayant quitté son appartement de la rue Bourbon-Villeneuve, cette rue où. s'est commis, le 14 octobre 1791, le premier crime puni de la guillotine. En 1786, on le trouve rue Vieille-du-Temple; en 1788, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie; en 1789, rue BourgTibourg en 1791, rue des Enfants-Rouges et rue de Chartres; en 1792, rue Saint-Honore, 356. Est- ce la misère, le besoin, qui le chassent ainsi, de rue en rue, de logement en logement, avec sa femme, douce, soumise, un peu taciturne, qui l'adore, le suit et ne se plaint pas? Peut-être. Cependant, au milieu de la déroute de ses affaires, sa famille est intervenue et lui a acheté un <ye-MM de Procureur au Châtelet, mais bientôt il est forcé de le céder, et une vie continue pour lui, où on a quelque peine à le suivre.
Qu'est-ce donc qui l'a mené là, de la prospérité heureuse de 1778 à la médiocrité hasardeuse de 1788? Dans l'espace de dix années tout s'est effondré
autour de lui, fortune, paix, situation sociale. Et on cherche le motif.
Ici interviennent les accusations de libertinage, de jeu et d'ivresse. Le lieu commun historique fait à la fois de lui un débauché, un pilier de tripot et un ivrogne. C'est là beaucoup de vices pour un seul homme. Certes, ce n'est point un anachorète, mais ce n'est point non plus l'individu sans mœurs que la légende a créé et que l'histoire a presque adopté. De ce qu'il a fréquenté la Galiote, à la Chaussée de Mesnil-Montant, on tire la conséquence de débauches fréquentes. Était-ce pourtant un lupanar ou un tripot, cette taverne de la Galiote où s'organisaient des parties fines et où le bourgeois s'en venait, dans la paix dominicale, goûter le peut vin blanc de l'endroit? Il ne semble pas. « Je ne te rappellerai pas ici, mon cher Fouquier, lui écrit un de ses anciens camarades, notre ancienne liaison sur le boulevard du Temple, les dîners journaliers que nous faisions à la Galiote et ailleurs avec de braves gens. » La lettre s'applique naturellement aux années précédant le mariage de Fouquier, et laisse peu de doutes sur les prétendues « orgies » de la Ca/M~. Mais les accusateurs ne précisent point et pour cause. Le vague dont s'enveloppent leurs dires sert à merveille le réquisitoire dont ils accablent l'homme. 1. Lettre d'Etignard, commisixure national près le Tribunal du district de Corbigny, séant à Lorme (Nièvre); 20 floréal an ]) Archives nationales, série W, carton 149, pièce-
Montjoy& le dit habitué des lieux de débauche'; Des Essarts lui fait « prodiguer à des courtisanes le fruit de son imposture », car un procureur libertin ne saurait être qu'un individu coutuniier des plus honteuses besognes.
Pourtant ce libertin s'est marié deux fois, a eu cinq enfants, en aura deux autres demain, et le reproche de concupiscence, en un temps ou il lui était facile, de par ses fonctions, d'assouvir ses passions, sera le dernier de ceux qu'on lui adressera quand la Convention aura touché a la hache. Ce jouisseur effréné, qu'on nous montre s'enivrant dans des lieux infâmes, se vautrant dans les plus crapuleuses orgies, ivre des fumets des repas succulents', ce gastronome terroriste, écrira cependant à sa femme, qui le connaît, qui il lui est inutile de cacher ses goûts pour la bonne chère « Tu sçais que Je ne suis pas difficile pour le mangé je inange parce qu'il le fapt. » On peut donc le croire, car il ne ment point quand il dit qu'il a yécu à l'hôtel de la Frugalité. J~ais cela, c'est un Fouquier qui détruit trop le Fouquier de la. légende. Et quoi de plus tenace qu'une légende? S'il fallait l'admettre, quel autre nom, parmi ceu~ ds 93 et de 94, pourrait être l'injure la plus cruelle, le synonyme de la cruauté, du vice, de la bassesse et de 1. Histoire de la Conjuration de Maximilien Robespierre, nouyeUe <ditto~, p. t66; Paris, an IV (n96), in-8°.
2. E. at J. DF, GoNcocRf, ~tot't'e de la Soet~M Ffanpa~e pendant la Révolution, p. 286; Paris, Eug. Fasquelle.
l'hypocrisie? Il faut à quelques historiens le repoussoir inévitable, le monstre complaisant, facilitant les rhétoriques indignées.
Avec Fouquier, Robespierre partageait hier encore cet honneur et cette indignité.. Mais d'innombrables et savants travaux dégagent de jour en jour cette haute et noble figure des fumées qui l'enveloppaient, et seule la mauvaise foi la plus évidente peut encore charger aujourd'hui les épaules de l'Incorruptible du poids de toutes les erreurs et de toutes les fautes de la Révolution. Mais il reste Fouquier, Fouquier le cannibale, le tigre, le buveur de sang, Fouquier le débauché, Fouquier le joueur, Fouquier l'ivrogne. Que cet homme ait pu être un bon père, un époux aimant, que son foyer ait pu être un foyer paisible, on ne saurait l'admettre et le besoin des malédictions littéraires et historiques continuera encore à couvrir cette grande mémoire de la boue de tous les blasphèmes et de tous les outrages.
Et pourtant, cet homme fut aimé par sa femme il trouvait son doux sourire le soir, alors que ses terribles fonctions lui laissaient quelque repos elle lui adressait des vers le jour de sa fête, lui offrait des fleurs, et, le prenant par la main, le menait au berceau où dormaient, tragiques nouveau-nés, Antoine-Henri et Henriette, jumeaux de germinal -)793.
C'était aux jours où Fouquier avait assuré l'existence matérielle de sa famille. Le 17 août l'avait
,vu directeur du jury d'accusation du Tribunal dit du 10 août.
Grâce à ses relations avec Camille Desmoulins, alors secrétaire général du ministère de la Guerre, où venait d'entrer Danton, il avait obtenu ce poste de confiance. Jusqu'au 29 novembre 1792, jour où le Tribunal fut supprimé, il le conserva. Entré dans la procédure du nouveau régime, il ne devait point en sortir. En janvier 1793, il fut nommé substitut de l'Accusateur public du Tribunal criminel de Paris. La même fonction l'attacha, le 10 mars suivant, à Faure, nommé Accusateur du Tribunal criminel extraordinaire. Faure déclina le poste, et ce fut Fouquier qui, le 13 mars, monta au siège qui devait lui assurer une si tragique part d'immortalité.
Il
Quittant son appartement de la rue Saint-Honoré, Fouquier vint s'installer, vers la fin de mars, dans un logement de la place Dauphine, qu'il quitta le 25 floréal an II pour occuper, au Palais même, un appartement, dans les bâtiments de la Tournelle, disparus dans l'incendie de 1871.
1. Arrêté du Comité de Salut public du 25 floréal an Il.
Le décret relatif à la formation du nouveau Tribunal lui accordait 6.000 livres d'appointements annuels. Cinq mois plus tard, le 24 juillet 1793, la Convention augmentait cette allocation de 2.000 livres'. Il avait deux secrétaires à 1.800 livres, un garçon de bureau à 900 livres, quatre substituts, Greb~tval, Liendon, Royer et Grivois, à 5.333 livres. Le 28 mars, il assistait à l'audience d'installation du Tribunal, et prononçait « un discours plein de force, plein d'énergie, où respirait à chaque mot le feu brûlant, le feu électrique du plus pur patriotisme' ». Pour la première fois, il avait revêtu le manteau noir et le chapeau à la Henri IV à plumes noires', et mis au cou la médaille, insigne de ses fonctions, cette médaille que sa veuve devait pieusement conserver jusqu'à l'heure de sa mort. Bientôt sa formidable besogne allait commencer. Nous n'avons pas à suivre ici le Tribunal révo-
i. ~)K<gMt', 2S juillet H93.
2. Le Glaive vengeur de la ~~pM&H~Me Française ou Galerie révolutionnaire, par un ami cte la Révolution, des n!a*M)'s et de la yMS<:ce, p. 69; à Paris, chez Galetti, imprimeur aux Jacobins-SaintHonoré.
3. Ces plumes n'étaient pas sans mécontenter l'auditoire, si on en juge par les observations de l'inspecteur de police Latour La Montagne, à la date du 24 pluviôse am i! I.fs regards des républicains s'arrêtent toujours avec peine sar des p'umes noires qui ombragent le chapeau à 'Henri IV des magistrats du peuple, organes de la justice. Des juges sans-cutottes, disoient quelques citoyens, ne doivent siéger qu'en pantatons et en bonnets rouges. t) faut que le costume de la liberté soit le premier objet qui frappe les yeux des lâches qui l'ont trahie, n ~)'c/Ht)M national. Y, série W, carton t91.
lutionnaire dans son œuvre. Aussi bien le cadre de cette Introduction s'y oppose, et la figure seule de Fouquier-Tinville doit nous retenir. li, avait pris sa tâche d'Accusateur public à cœur, s'acharnant sur son redoutable travail et ne s'autorisant, pour l'accomplir, que quatre heures de sommeil par nuit. Il apportait là encore cette obstination de sa race, le caractère têtu d'un tempérament laborieux, soucieux de ne point trahir la confiance que' le gouvernement avait mise en lui. « La Convention était, à ses yeux, dit M. Dide, une sorte de tribunal infaillible qui devait toujours être obéi'. » De là vint, malgré qu'il la réprouvât, sa soumission Ma loi du 22 prairial. Delà encore sa diligence à poursuivre tous les délits contre-révolutionnaires dont, en vertu du décret du 3 avril 1793, il avait charge d'informer, avec pleins pouvoirs'. De là 1. AUGUSTE DIDE, ~f~MM et Révolutionnaires, p. 282; Paris, 1887,in-18.
2. (f~tr<:eJe 7. La Convention nationale rapporte l'article de son décret du 10 mars, qui ordonnait que le tribunal extraordinaire ne pourrait juger les crimes de conspiration et délits nationaux que sur le décret d'accusation porté par la Convention. ~!<'<. 7J. L'accusateur public près dudit tribunal est autorisé à faire arrêter, poursuivre et juger tous prévenus desdits crimes, sur la dénonciation des autorités constituées ou des citoyens. Art. 7~7. Ne pourra cependant ledit accusateur décerner aucun mandat d'arrêt ni d'amener contre les membres de la Convention nationale, sans un décret d'accusation, ni contre les ministres et généraux des armées de la République, sans on avoir obtenu l'autorisation de la Convention.
~t'<. IV. Quant aux autres exceptions, la Convention renvoie a son Comité de Législation pour lui en faire son rapport dans ie plus court détai.
vient aussi que M. Aulard l'appelle « une brute bureaucratique », oubliant ce que le mot a d'injurieux pour un homme qui, avant tout, eut le respect de la Loi. Ce respect, devenu chez Fouquier une obsession, méritait certes mieux que ce terme diffamatoire. D'où qu'elle vînt, de quelque parti dont elle était l'émanation, la Loi demeurait aux yeux de cet « avocat tout couvert de la poudre du barreau' » la chose inflexible, indiscutable. Dtc'a sed lex. Il ne se croyait pas le droit d'estimer cette loi trop rigoureuse, trop terrible, trop faible ou trop clémente. « Que vouliez-vous donc, écrit-il dans sa justification, que fît ce fonctionnaire public? Était-il en son pouvoir de se refuser à l'exécution de ces lois? » Plus loin, il continue « D'ailleurs un fonctionnaire pubiic a-t-il le droit de chercher si la loi de l'exécution de laquelle il est chargé est l'enet du despotisme de tel ou te! député? Peut-i!, a raison de son opinion particulière, éluder, interpréter ou modifier la loi? Où serait la chose publique si les fonctionnaires s'arrogeaient ce droit? Tolérer ces abus de la part des fonctionnaires publics, ne serait-ce pas opérer la réhabilitation de ces anciens parlements, qui, au nom du peuple dout ils ne s'occupaient jamais que pour l'asservir de plus en plus, interprétaient, modifiaient et retranchaient des lois ce qui était contraire à leurs intérêts personnels? Un fonctionnaire dans une république ne doit connaître que la loi émanée du pouvoir souverain, et sans en approfondir les causes ni les moi,ifs, la rigueur ou l'injustice, son devoir est de l'exé1. La Captivité e< <c- Fuite de ~'aM~ ~</tMf Dillon, racontées par M-m~me; publié d'après le manuscrit original appartenant à M. HEffKt TESTAnn, dans Souvenirs f< ;Mn<w'fs, n" 10, 15 avril i899.
Cuter et de la faire exécuter. Telle est a marche que j'ai suivie. J'ai donc exécuté les lois révolutionnaires et celle du 22 prairial. On ne peut m'imputer à crime et je ne suis responsable sous aucun rapport des malheurs et des inconvénients qui peuvent en résulter, parce que je n'étais qu'un être passif, un rouage et un ressort que faisait mouvoir la loi. Ainsi, c'est à la loi qu'il faut s'en, prendre et non à son organe, sans quoi, à l'inslar de ce qui se pratiquait dans l'ancien régime, ce serait sacrifier aux passions un agent et un fonctionnaire public qui de bonne foi a obéi aux lois, aux arrêtés et aux ordres des comités de gouvernement, dans la confiance que les actes d'exécution ainsi voulus et commandés étaient nécessaires pour soutenir le mouvement révolutionnaire et sauver la patrie. Me suis-je trompé dans les moyens d'exécution? Alors c'est une erreur due à l'imperfection de mes lumières, qui ne peut m'être imputée à crime, parce que mes intentions ont toujours été pures et droites. »
Cela c'est tou~e la psychologie de Fouquier-Tinville. A cela se borne sa défense il a exécute la Loi, il a respecté la Loi, et cette « défense, disons-le vite, est, après tout, logique et irréfutable' Cet aveu, c'est sous la plume d'un de ses plus cruels blasphémateurs que nous le trouvons, et, chez un autre d'entre eux, nous cueillons cette concession, naïve, si elle n'était odieuse « Son crime est d'avoir rempli fidèlement son office'. »
Ainsi donc, c'est proclamer la hache coupable pour avoir frappé, c'est reconnaître Fouquier coupable pour avoir ohéi? A cette singulière appré1. MARio PMTH, Le Livre Rouge, histoire </e l'échafaud en France, p. 297; Paris, 1863, in-4°.
2. G. LENOTRE, Paris MfohtHoHMt~s, IX, ut, p. 382.
dation la postérité semble, elle aussi, s'être arrêtée. Nous avons dit plus haut pour quel motif. Michelet, cependant, tente de l'excuser, mais de quelle façon! « Les Jacobins disaient à Fouquier « ~ugc ou meurs! )) Mais Fouquier jugeait-il? On oublie trop volontiers que ce n'était point là son rôle, qu'il n'était ni juge ni juré, mais Accusateur public. Qui songerait à reprocher aujourd'hui, à un Procureur général d'une Cour d'Assises, la tête criminelle qu'il obtient de la Société en vertu des lois qu'elle-même édicta? Et aujourd'hui pourtant, ce même Procureur peut-il arguer du Salut public "t se réclamer de la France égorgée, comme le fit l'Accusateur public de la Terreur?
Fouquier réclama la tête des girondins, des dantonistes, des robeapierristes, soit. Mais a ceia
aY~~·~jaiGS, s~i~. irxais â ceia
ses fonctions l'obligeaient, et n'était-ce que lui qui les réclamait? Était-ce lui qui les poussait, troupeau vociférant ou résigné, à la barre du Tribunal révolutionnaire? L'accusation venait de haut, tombait de la tribune de la Convention nationale, sur ces nuques déjà ployées par le vent de la mort. Il réclama ces têtes, parce que c'était son devoir; mais les obtint-il toutes, tombèrent-elles toutes pour le salut de la Patrie en danger?
Pourquoi oublier que Fouquier requit des acquittements, signa des mises en liberté et, accusant quelquefois, n'obtint pas le jugement réclamé souJ. MtCMEMT, La A!M~<tM ~'NKfS'M, tome VI: la y<-r~M)-,
p. 324.
vent? La plupart des accusés qui comparurent dans une des deux salles du Tribunal révolutionnaire avaient a. se reprocher un délit contre les lois existantes. L'Accusateur public était-il en droit de trouver ces lois odieuses ou exagérées? Mais cela, nous l'avons dit déjà et nous avons vu 'Fouquier lul-mênie y répondre. « J'aimerais mieux être laboureur », déclara-t-il un jour. C'était sa race qui se réveillait en lui, c'était le rude paysan artésien égaré dans la chicane qui parlait. Mais ce paysan, probe, honnête, laborieux, avait assumé une tâ.che. Il l'assuma jusqu'au bout et ce fut elle qui l'écrasa.
III
Cet homme tombe, commença la légende aujourd'hui si tenace. Rien ne manqua aux accusations dont on l'accabla. Cruauté, mépris du droit des accusés, indélicatesse, tout cela se leva contre lui. Nous n'entreprendrons pis de discuter tous ces grieis, renvoyant le lecteur aux mémoires justificatifs de Fouquier-Tinville que nous avons réédités dans la deuxième partie de ce volume.On y trouvera, preuves 'l'appui, la réponse à toutes ces accusations, la réfutation détaillée de tous ces griefs. Nous demanderons quel esprit, après une lecture calme, réfléchie, et surtout impartiale, de ces réfutations,
se refusera à considérer en Fouquier-TinviHe une des plus grandes victimes de la haine politique et de la crapule thermidorienne? Jamais défense ne fut plus complète, et plus lumineuse a la fois, n'évi- tant aucun grief, éclairant tout ce qui pouvait demeurer obscur dans une cause perdue d'avance. Fouquier n'avait, a cet égard, aucune illusion « Mon inquiétude, c'est d'être sacrifié et non d'être jugé », écrivait-il à sa femme. Déjà il s'était résigné, n'ignorant plus ce qu~ peut la passion politique quand la peur l'aveugle.
Un décret du 14 thermidor an H le frappa. A la tribune de la Convention, Fréron, Fréron aux mains ruisselantes encore du sang de sa mission a Marseille, Fréron avait dit « Je demande que Fouquier-TinviIle aille cuver dans les enfers le sang qu'il a versé. » La Convention se montra docite à la prière de l'homme qui avait à faire oublier les ombres sanglantes de son passé. Fouquier fut décrété d'accusation. Ici encore apparaît le Fouquier respectueux de la Loi, au peint d'en devenir déconcertant, si on ne l'expliquait pas par la, manière de religion puisée par le Procureur dans l'étude du droit romain, sévère et inflexible, qui fut la nourriture de sa jeunesse. A la Convention, où il se rend, il apprend le décret. U s'en va, seul. Il pourrait s'échapper, se mettre en sécurité. Y songe t-il? Pas un seul instant Il va à la Conciergerie et se constitue prisonnier, lui, l'homme de la hache, lui, i, la puissance judiciaire, il se laisse écroucr.
En prison, que ce soit à la Conciergerie ou a~t Plessis, la colère et la haine l'accueillent. Maintenant qu'on le sait tombé, la meute s'acharne sur lui. Billaud-Varenne, qui a sa tête à sauver, rejette toutes les responsabilités sur Fouquier. De même pour Collot d'Herbois, pour Barère, pour Vadier, tous les anciens membres des Comités du gouvernement de la Terreur. Eux, qui ont commandé, ordonné, assumé la responsabilité morale, se dérobent. Seul demeure celui qui a exécuté les ordres, mis en jugement ces fournées renvoyées devant le Tribunal révolutionnaire par les Comités. Mais quoi à l'heure même de leur chute, ne demeurent-ils pas les plus forts? Qu'est-ce donc que Fouquier pour eux, devant eux? Peu. Rien. On l'abandonne donc à la vengeance de la réaction, bouc émissaire de la hache, comme Robespierre le sera du principe politique de 94.
Et le procès de floréal commença, ce procès qui fut Je « champ de bataille où tous les dantonistes accoururent pour venger la mort de leur chef ». Mais ce n'était point que le parti de Danton rué en ce temps à la curée, c'étaient tous ceux que la hache de la Terreur menaça, tous ceux-là qui, suspects, devinaient l'œil de la Loi ouvert sur leurs rapines, leurs concussions, leurs trahisons
1. LoNs BLANC, Histoire de la Révolution /t'attp<!Me, tomo X, livre XI, chap. i: "Le Régime de la. terreur. note de la page 373.
Trente accusés comparurent avec Fouquier sur les gradins de la salle où il requérait jadis, Le Tribunal qui allait les juger avait été choisi par les thermidoriens. Ces hommes avaient reçu une lâche. Ils allaient s'en montrer dignes. Ayant Bertrand d'Aubagne, Godard, Grand, Gaillard-Lécard, comme juges, Liger pr~idait. Les jurés étaient Lapeyre, Bressand, Husson, Tournier, Taillerat, Lebrun, Mésange, Bouyges, Duprat, Vignalet, Laporte, Rouit-Borel, Abadie, Verduisant et Gabriel de Saint-Horrent.
Après ces quarante-cinq jours de procès, il semble bien que l'Histoire n'ait plus rien à reprocher à l'ancien Tribunal révolutionnaire. Toutes les erreurs, toutes les exagérations, tous les outrages au droit des gens, tous les mépris pour les formes égales, qui constituent le réquisitoire contre le Tribunal où siégea Fouquier-Tinville, on les retrouve ici. Que l'ex-Accusateur public eût raison, c'est bien de cela que pouvaient se soucier des gens commandés pour l'épuration thermidorienne! Pouvaient-ils être arrêtés par la puissance indiscutable des arguments du plaidoyer de l'accusé? `? Ils étaient là pour tuer et non pour juger. Fouquier l'avait pressenti. Et ils tuèrent.
Dix accusés furent condamnés à mort à l'unanimité, Fouquior; Scellier, ex-vice-président; Garnier-Launay, ex-juge; Leroy dit Dix-Août; Renaudin, Prieur, Chatolet, Girard, ex.juréa; Lanne, adjoint à la Commission de l'administration
civile; Verney, porte-clefs au Luxembourg et a Saint-Lazare. Le commis-grefuer de !a municipalité, Boyenval, et Benoît, commissaire du Conseil exécutif, le furent par dix voix contre une l'exjuré Vitale, par neuf voix contre deux; Foucault, ex-juge; Dupaumier, ex-administrateur de police; et Herman, ex-président du Tribunal, par six voix contre cinq. Quinze autres accusés furent acquittés Delaporte, Lohier, ex-juges; Trey, Beausire et Ganney, ex-jurés, à l'unanimité par dix voix con tre une Harny, ex-juge Naulin, vice-président, et Brochet, ex-juré; par neuf voix contre deux: Guyard, concierge du Luxembourg, et Valagnos, peintre; par huit voix contre trois: Duplay,. exjuré par sept voix contre quatre Deliége, exvice-président par six voix contre cinq Maire, ex-juge; Trinchard et Chrétien, ex-jurés 1. Le 18 noréal, la tête de Fouquier tombait. Sa sanglante immortalité, parmi les cris et les insultes du peuple, montait à l'Histoire et, une fois de plus, se vérifiait la grande parole oubliée de Montaigne « Combien ai-je veu de condemnations plus crimineuses que le crime »
1. Au début du procès il y eut quinze jurés. A la fin i!s c'étaient plus que onze. Pour maladies ou autres causes, quf:tt'e n'avaient pu continuer de siéger.
2. Essais, livre III, chap. xm.
ly
L'Accusateur public laissait une veuve et cinq enfants, dont les derniers avaient vingt-sept mois. La pauvre femme, après s'être dévouée en vaines démarches pour son mari, s'était refugiée en un étroit logement rue de la Harpe, au n° 242, section Ghâlier'. C'est là qu'elle reçut les dernières lettres de son mari. De ce grand naufrage, elle n'avait sauvé que peu de chose, la fonction de Fouquier ne l'ayant guère enrichi. Avec ses deux enfants en bas âge, elle vivait là pauvrement.
Un soir, un des derniers amis de l'homme maudit apporta la terrible nouvelle. Ce que la femme avait redouté, sans oser y croire, était arrivé. La clameur furieuse du peuple, accompagnant le cortège de son mari à. la place de Grève, lui apprit, le lendemain, qu'elle était veuve. E~le restait seule avec les jumeaux.
1. « Cette section, qui se tenait, en n92, dans l'élise des Mathurins, comprenait 3.000 citoyens actifs. EUe s'est appelée Section des T/tefmes de Juhen, de 1790 n92; Section BMW-epat!-e
ou Régénérée, en 1793; Section ChttLie.r, en 1794; Section des TJter-
mes R<~tte-e<s. de n93 SecKom Quartier de la ~echon M<-t-
mM ~~K6,t, de n94 a t812; <?M~ df !a So~o~M-, depuis
4843..n l4lowrrn~an-TçnNnux, lli'stoire dela Terreur (4792-1794), d'après
les documents authentiques ~M<ot?'e de/a inédites, (n92-n94),d'apt-~
doeume):~ aM~en/~Mes e< de~p~ees t)te(M;es, tome II, p. 43H:
Paris, 1862, in-8". f
Cette même année elle perdit son fils An tomeHenri. Les autres enfants de Fouquier, nés du premier lit, vivaient à la campagne; la veuve était trop pauvre pour s'en charger. Sa vie se traîna parmi le tragique souvenir de Soréa). Elle se cachait, honteuse, non de son mari, car elle l'aimait, mais de cette sanglante renommée que lui tissait la légende mensongère.
M' Fouquier s'était retirée dans une pauvre chambre de la rue de Chabanais, n° 9. Elle subsistait de quelques aumônes, gardant dans un 'tiroir les dernières lettres de son mari, une boucle de ses cheveux et sa médaille d'Accusateur public. Ces reliques furent dispersées après sa mort, survenue le 17 novembre 1827. Les papiers, les
souvenirs et les meubles furent vendus 322 fr 20'. Les lettres sont allées à la Bibliothèque de la Ville de Paris. Le reste partit, on ne sait où. L'année précédente était mort le fils ainé de~Fouquier-Tinville, Pierre-Quentin. Sa vie est obscure aujourd'hui encore, et ce qu'on sait d'elle tient en peu de lignes. A l'âge de seize ans, il faisait partie déjà de l'armée, ainsi qu'en témoigne cette curieuse lettre, trouvée dans un carton des Archives", et inédite encore. Elle est adressée au père du jeune homme, et timbrée d'Helvée
t.A.DiDE,M<.ct<p.287.
2. Archives nationales, série W, carton <3S, pièce 80.
CITOYEN,
11 ne faut pas plaindre le sort de ceux qui vont à pied ny envier celui de ceux qui vont à cheval. Depuis que j'ai eu le plaisir de vous voir, le mien a fait l'omelette et m'a roué en pleine rue; j'en ai été perclus, je vais mieux et j'irai vous le dire moi-même quand je serai guéri. En attendant voicy ce que les gens du métier m'ont appris dans les recher-/ ches que j'ai faites pour votre fils.
La nation lui donne en le nommant officier de cavalerie une somme pour se monter. Cette somme est modique, mais il est prudent de ne pas excéder cette mise dans le prix du cheval dont l'officier se monte après quelques mois, même quelques semaines d'essai du cheval, l'officier représente que sa monture ne remplit pas son objet, il y met la broderie et demande à l'échanger contre un cheval qu'il indique dans une administration nationale et il change le borgne pour un clairvoyant. Si vous prenez cette tournure, votre officier fera une bonne affaire ou bien vous n'aurez pas permis que je m'en mesle. J'ai reçu des nouvelles de mon frère et de ses enfants qui se portent bien. Recevez de votre concitoyen salut et fraternité La carrière de Pierre-Quentin devait être toute militaire. Le 8 fructidor an VII,. il. était nommé sous-lieutenant'. C'est en cette qualité qu'il fut appelé à voter, en l'an X, sur la proposition du senaLus-consulte soumettant le Consulat à vie de 1 La. lettre datée « ce 25 aoûst H93, l'an 2" de )a RépuMique une et indivisible est signée d'un nom illisible. L'adresse porte Au citoyen Fouquier-Tinville, accusateur public au Tribunal révolutionnaire 'au cydevant Palais à Paris. »
2. It l'avait été, précédemment en ~93, et destitué peu après. ainsi qu'en témoigne cette délibération de la Convention, à )a date du 13 septembre n93 ..La Convention décrète que le `, citoyen Fouquet ~c) de Tinville, nommé illégalement par )e
Bonaparte à la sanction du peuple. Le tUs de l'ancien Accusateur public était resté parmi ces officiers jacobins qui allaient demeurer rebelles & l'Empire, et dont l'opposition serait aujourd'hui bien oubiiée, s'il ne s'était trouvé, en 1SI2, le général Malet pour donner corps à leurs récriminafions étouffées dans le fracas de la ruée napoléonienne. Fils d'un père qui fut un des puissants rouages de là Terreur et que la Terreur broya, il fut un des protestataires contre le sénatus-consulte et signa non sur les registres de la commune. Rayé aussitôt des contrôles de l'armée, mis en réforme, il fut placé sous la surveillance de la haute police, comme individu suspect. Mais avec les années la surveillance diminua, et PierreQuentin Fouquier parvint à rentrer dans l'armée. C'était au temps où le& guerres impériales nécessitaient les levées dans toute leur rigueur. On acceptait les bonnes volontés, on oubliait les renseignements douteux de la police. En 1809, le fils du guillotiné de Noréal se trouve à la bataille 4'Essling. Un coup de feu lui brise la jambe et l'estropie à, jamais. Les bureaux de la Guerre lui chicanèrent une pension; il fallut plaider et se Conseil Exécutif à une sous-Heutenance dans le quatrième régi!h.ent, de chasseurs à cheval, et révoqué par les commissaires à l'armée du Nord, sera dennitivea.tent dè,&titué'de son emploi; que le sous.-of8oier.qui devait avoir cette place sera maintenu, et que le citoyen Xavier Audouin sera toandé à, la barre, séance tenante, pour rendre compta de cette nomination arbitraire et des ordres vexatoires qu'il a, donn&s pour la maintenir.') »
soumettre aux dures exigences d'une vie pauvre et médiocre. Pendant dix-sept ans, l'invalide traîna ses rancoeurs et sa misère. En 1826, il mourut. H n'était point le dernier du nom. Trente ans plus tard disparaissait sa sœur Emilie-Françoise. C'était la dernière fille de Fouquier, « le buveur de sang ». Mais, aujourd'hui encore, dans un humble village de l'humide Artois, des gens pacifiques, obstinés sur leur rude tâche, comme le fut l'homme de 93, peuvent s'honorer de ce grand nom tragique qui attend,,pour se laver de ses boues, la lumière d'une impartiale justice.
"V
Avant que de terminer ces pages, nous nous devons d'expliquer l'esprit qui présida à la composition de ce livre. Nous avons voulu accomplir à la fois une double tâche. La première consistait a é faciliter aux travailleurs et aux curieux de longues recherches. La seconde visait a dégager la figure de Fouquiet'-TinviHe des ombres de l'Histoire. En',effet, peu de ces réquisitoires que nous donnons ici sont connus dans leur ensemble. Des fragments, comme pour Charlotte Corday ou M* Roland, en ont été cités, mais nul ne s'est avise
de les donner in ca:/e?Mo. Sans vouloir en rechercher la cause, nous ne pouvons que déplorer cette lacune que nous avons tenté de combler. Ces réquisitoires sont des documents de premier ordre, le point sur lequel se basent toutes les grandes causes dénouées devant le Tribunal révolutionnaire. Pour les publier tous, plusieurs énormes volumes auraient été nécessaires, et notre ambition était plus modeste. C'est pourquoi nous nous sommes permis de faire un choix parmi eux, et de donner les réquisitoires qui offraient un intérêt historique indiscutable. Par une heureuse coïncidence, ils offraient des exemples caractéristiques de la ma nière dont Fouquier-Tinville procédait, à leur rédac tion. Sobres, simples, presque sans l'emphase chère à ces idéologues révolutionnaires nourris de JeanJacques Rousseau et fervents de Raynal, les premiers de ces réquisitoires reflètent assez exactement le caractère politique de l'époque. On les voit devenir plus rudes à l'aurore de la Terreur, et éclater, violents, enfin, quand elle se trouve mise à l'ordre du jour. Ils serrent de près les événements politiques, et le système gouvernemental apparait clairement au travers d'eux.
Mais ils font plus et mieux encore; ils évoquent Fouquier-TinvilIe tout entier. Ce que nous avons dit de lui s'y remarquera facilement son respect pour la Loi, son dévouement aux ordres de la Convention et des Comités, son obstination de Procureur que l'ancien régime a familiarisé avec toute?
les chicanes. Nul mieux que lui n'excelle à mettre en relief !es fautes de l'accusé, à déduire d'une simple phrase des choses obscures dont les événements se chargèrent, depuis, de. prouver l'exactitude. Quand on consulte, aux Archives, les pièces de la procédure, on les voit marquées de traits rudes au crayon rouge, d'un hic impérieux. La main de l'Accusateur public a passé là, soulignant ce qui s'élève contre le prévenu, mettant en valeur une phrase, souvent banale, mais qui, à l'audience, sera le meilleur grief contre celui qui l'écrivit. Le réquisitoire, c'est à peu près tout ce qui demeure aujourd'hui de Fouquier, la pièce où il convient de rechercher sa psychologie. « C'était la pièce où excellait le farouche Fouquier », écrit quelqu'un qui l'accable comme tous'. Le lecteur en jugera.
Ces réquisitoires démontreront, ennn, l'inanité de certaines accusations contre Fouquier. D'aucuns ont déclaré que son éloquence juridique était ~émalUée de b. et de f. Nous pensons que c'est la un argument auquel il faudra désormais renoncer. C'est bien mal connaître Fouquier-Tinville, ou le confondre avec le Père Duchêne, et s'attacher trop servilement à la légende familière et au lieu commun réactionnaire. On s'apercevra aisément t. Fouquier-Tinville et le Tribunal ~N~tottnatff. par M. DoMNaET, docteur en droit, juge d'instruction près .le Tribunal de première instance de Bergerac, p. 246; Paris, i878, m-8" 2. MARIO PROTH, Vol. Ct< p. 296.
fn.
que l'éloquence juridique de Fouquier avait des ressources moins populaciùres, et ce sera une des parties de la légende qu'il sera désormais difficile d'ex.ploiter.
Nous avons cru utile de compléter ces réquisitoires, qui menèrent Fouquier a l'échafaud, par la justification de sa conduite, qu'il rédigea pendant sa détention. Une fois encore on remarquera la logique de son argumentation, en même temps qu'on connaîtra ses réponses à ses accusateurs. Nous avons conservé à tous ces documents leur orthographe originale. Les exigences historiques contemporaines, a ton droit, veulent des textes authentiques, dérobés aux discrètes collaborations de leurs éditeurs. Donc, tels qu'ils furent écrits, les réquisitoires de Fouquier-Tinville sont reproduits ici.
Pour les rassembler, nous avons été admirablement aidé par M. Pierre G-aumy, un de nos jeunes écrivains en qui la science historique peut mettre ses plus belles espérances. Grâce à ses soins, nous avons pu opérer une collation rigoureuse et éviter ces changements de texte qui, s'ils n'altèrent pas le document, lui enlèvent néanmoins quelque chose de sa valeur d'exactitude. Le même souci nous a. fait donner., & chaque réquisitoire ou à chaque pièce, sa source originale, et nous avons indiqué les cotes des Archives avec le plus grand soin. Le lecteur trouvera donc ici, avec toutes les garanties de contrôle qu'exige la méthode histo-
rique moderne, non les meilleurs réquisitoires de Fouquier-Tinville, mais les principaux. Peut-être, quelque jour, nous déciderons-nous à les compl<!9r; mais, en attendant, nous avons pensé servir d'une manière sûre et sans éclat une des 'grandes mémoires blasphémées de la Terreur.
A ces lignes, écrites voici trois ans, qu'avonsnous à ajouter aujourd'hui? Au fur et à mesure que notre exploration attentive et méthodique des cartons du Tribunal révolutionnaire aux Archives nationales se poursuivait et s'achevait, nous comprenions la criminelle absurdité du procès de boréal an HI. Pas de dossier d'où ne s'échappât pour nous une preuve de l'innocence de l'Accusateur public. Pas de carton où ne se pût recueillir un témoignage de sa probité et de son humanité. On a crié au paradoxe. D'aimables imbéciles ont hoché la tête et déclaré insensé celui qui a l'honneur de signer ces pages, et d'être, le premier, à plaider aux barres de l'appel de l'Histoire la revision de cette cause célèbre, et inconnue. Nous avons aux yeux du public éta!é quelques-unes des pièces de ce procès'. Nous avons réfuté quelques chefs d'accusation contre Fouquier-Tinville. Nous i. Voyez notre volume Les coM/MM~ du 7W~M<~ ~M~t'tMttttM'e; Fou~u:et--ï'tM!):Ke Mt<:me; Paris, s. d. [19t0], in-8".
avons démontré quel criminel et injuste arrêt avait frappé cette tête soumise et innocente. Nous avons prouvé avec quelle mauvaise foi certains historiens, fantaisistes et plagiaires, comme M. G. Lenôtre, par exemple', avaient altéré les documents de ce procès. Preuves en mains, nous avons étalé l'indignité, le mensonge, la calomnie, la haine sourde et la fureur aveugle des contempteurs. Que nous a-t-on répondu? Rien.
Il faudra bien, cependant, quelque jour répondre et répliquer, convaincre l'auteur de ce procès en réhabilitation d'erreur ou. Peu importe! on trouvera des raisons et on cherchera des motifs. Mais contre des documents certains, contre des preuves émanées des accusateurs eux-mêmes, contre des témoignages arrachés aux bourreaux, enfin, qu'aura-t-on à répondre? Le silence n'est point un argument.
Il faut compter avec la mauvaise foi de quelques auteurs prétendant au titre d'historien, avec le dérangement qu'on apporte, non dans leurs idées, -en ont-ils? mais dans leurs soucis de clientèle. Avant la vérité des documents et les droits d'un mort à la justice des siècles, passe la complaisance aux lecteurs. Qu'importe qu'ils soient dupés, pourvu qu'on les amuse? Et, en vérité, H est agréable et facile de rééditer des anecdotes 1. Cf. Hector Fleischmann, .L'école du p<aj?:a< ou la mélitode historique de M. G. LeK~h'e; Paris, J9H, in 8".
d'anas, comiques et sauvages. Cela plaît et horrifie. Foin de ces documents qui les réfutent Il faudrait savoir lire, et on ne sait point. Et l'ignorance paresseuse de ces écrivains, esclaves d'une clientèle, replonge au Ténare les ombres désespérées et malheureuses de ces morts qui, du fond de leur charnier inconnu, en appellent à l'impartialité de J'avenir.
MalheuT l'avocat de ces causes perdues Malheur à celui qui, libre de tout mandat qui l'inclinerait à la complaisance et lui imposerait sa part de silence, se lève et réclame pour ces morts dont l'injurieuse légende se tire à dix éditions et mène doucement à un fauteuil d'académie Malheur au défenseur officieux qui prétend parler, les mains pleines des preuves de l'ignominie des juges et de la bassesse des accusateurs Personne qui ne se tourne contre lui; personne qui ne mêle sa voix au « haro » que prononce le clan des contempteurs. Chacun apporte sa pierre et lapide, à l'abri du voisin, ou derrière un mur protecteur. On ne peut point empêcher que le livre honni et blasphématoire paraisse, sans doute, mais il est, aux Archives, telles ruses à employer pour en ,fausser la documentation, pour en réduire le champ d'investigation. Telle collection privée contient des pièces qui réfuteraient certaines accusations la collection se ferme. L'interdit est prononcé. L'excommunié aura à lutter contre l'hypocrisie des uns, la mauvaise foi des
autres, l'hostilité de tous. Il persiste cependant il a sa volonté, sa plume, et ses droits. Son livre paraît. Silence. Que cette voix plaide dans le désert. Et elle plaide. Pour vous, ô misérables petits amasseurs de rentes? Ee croyez-vous? Cette voix parle plus haut- et parte plus loin.
Ah malheureux, que n'as-tu pris la bonne voie, l'agréable chemin Tu aurais eu, pour t'accueillir, de souriants visages pour t'aider, de doucereuses Complaisances; pour t'encourager, de fielleusés collaborations; pour te couronner, quelques-uns des quarante messieurs sur le retour, de là-bas, de la silencieuse et mortuaire crypte du Pont-desArts. Mais, voilà, tu n'as point voulu Tu as cru pouvoir parler; toi qui n'es rien et qui possèdes moins encore, en faveur de ces hommes dont FhorriSque et mensongère légende est nécessaire pour condamner le régime contemporain au béhéfice d'uTi possible régime de demain Certes, tu es un insensé Tu es sans appétits politiques ? Tu ne tends point la main? Ces rentes, qu'on gagne a. plat ventre, ne te tentent point? Arrière, jacobin 1 HECTOR FLEISCHMANN.
Mai 1908, mai 191i.
A LA MÉMOIRE DOULOUREUSE ET OBSCURE DE
ÉMILIE FOUQUIER DE TINVILLE
MORTE AVEUGLE ET PAUVRE
PREMIÈRE PARTIE
RÉQUISITOIRES DE FOUQU'ER T!NV!LLE DEVANT LE TRtBUMAL RÉVCLUT!OMNA!RE
1
PREMIER RÉQUISITOIRE
Aucune trace n'est restée du premier réquisitoire, prononcé, le 9 avril 1793, par Fouquier-Tinville, dans l'aSaire des nommés Briançon, Esperoux 3t Gallet, tous troia acquittés. C'était là la seconde affaire quejugeaitle Tribunal révolutionnaire. Le 6 avril précédent, il avait prononcé, Montané étant président, la condamnation de Guyot des Maulans. Le réquisitoire avait été dressé par Jean Mute!, directeur du jury du Tribunal du Vle arrondissement du département de Paris,l'accusê devant être primitivement traduit devant le Tribunal criminel de Paris. Fouquier n'eut pas & requérir dans la troisième affaire soumise au Tribunal révolutionnaire. Sur ses observations & l'égard du manque de renseignements sur les accusés, l'affaire fut renvoyée aune date ultérieure. Le i9mai, les deux accusés, Le Rouget et Drouchat, par décision prise en Chambre du Conseil, furent mis en liberté..
C'est donc la quatrième affaire qui nous donne le premier réquisitoire manuscrit de Fouquier-Tinville.
Le document serait de peu d'intérêt, si ce n'était celui que l'accusateur public revëti' pour la première fois de-sa
RÉQUISITOIRES
DE FOUQUIER-TINVILLE
griffe. On remarquera que, peu habitué encore aux violences qui devaient distinguer, plus tard, quelques-uns de ses réquisitoires, Fouquier-Tinville se contenta, en la circonstance, d'exposer simplement les faits. C'est précisément cette sobriété, assez rare chez lui, qui peut donner à la pièce un intérêt que n'eut point l'affaire. L'accusé Luttier (c'est l'orthographe exacte) fut condamné à mort et exécuté le 10 avril 1793.
~M<otMe-0MeM<!H~'OM~Mtef-ytnutMe, Accusateur public du Tribunal criminel e~mo~tMNM'e et révolutionnaire <~a& à Paris par décret de la Convention nationale du dix mars dernier, sans aucun recours au Tribunal de cassation, en vertu des pouvoirs à lui donnés par autre décret de la- Convention du cinq avril présent nrois par ~Wte~e second portant que rAccM~etM' public dudit Tribunal est autorisé à faire o~'e~er, poM~M:u!'e et juger sur la 6<MOKCta~'OH des NM~on<~ constituées ou des c~nt/e~*
Expose que Nicolas Luthier, cannonier de la sixième compagnie de Sorbonne, ayant servi dans le cydevant régiment du Roy-Infanterie, a été arrêté le trente-un mars dernier comme suspect d'avoir tenu dans la matinée dudit jour des propos tendants au renouvellement de la royauté en France, au coin de la rue de la Huchette, en bas du Petit-Pont, que le procès-verbal de son arrestation dressé par les commissaires du comité révolutionnaire de la section de la Cité le même jour trente-un mars dernier a été remis entre lés mains de l'accusateur pubtic, 'ensemble l'interrogatoire par lui suby au dit Comité, que Nicolas Luthier a suby un nouvel interrogatoire devant 1. Ce préambule est te même pour tous les actes d'accusation. Manuscrit sur les premiers, on ne tarda pas à l'imprimer en tête des actes d'accusation suivants. Nous le donnons ici intégralement, jugeant inutile de le répéter pour chacun des actes que nous publions.
le président du tribunal le huit du présent mois d'avril, et qu'il a été même reçu par le président différentes déclarations relatives au fait pour lequel ledit Luthier a été arrêté, qu'il résulte de l'examen fait par l'accusateur public de toutes ces pièces que Nicolas Luthier, dans la matinée du trente-un mars dernier, au coin de la rue de la Huchette, du coté du Petit-Pont cy-devant dit l'HôtelDieu, est venu aborder une troupe d'ouvriersqui y étoient rassemblés, qu'il leur a demandé s'ils étoient républicains et ayoient une âme, et que sur leur réponse affirmative, Nicolas Luthier a répliqué qu'il avoit aussy une âme, mais qu'elle étoit pour son Roy qui l'avoit payé, qu'il étoit mort mais qu'il existoit encore et qu'H paraitroit bientôt, que [a France étoit perdue s'il n'y avoit pas un Roy, parceque la France étoit trop grande pour une République, et a affecté de répéter qu'il falloit espérer qu'on eu auroit un bientôt, c'est-à-dire un Roy pour le bien de la France, et que s'il ne le connoissait pas, d'autres le connoittroient après tuy; que Luthier dans l'interrogatoire par luy suby au Comité de la Section de la Cité est convenu avoir tenu ces propos, qu'il est vray qu'il les a déniés dans l'interrogatoire qu'il a suby devant le président du tribunal, mais que plusieurs témoins ont déclaré que les propos cy-dessus rapportés avaient été tenus en leur présence par Luthier.
Pourquoy l'accusateur publie a dressé le présent acte d'accusation contre Nicolas Luthier, actuellement détenu en la maison d'arrest de t'Abbayo, et requiert que le tribunal assemblé lui en donne acte et ordonne en conséquence que Nicolas Luthier sera pris et appréhendé a'? corps et qu'il soit transféré dans le jour, a ta diligence de l'accusateur public, de la maison d'arrest de t'Abbaye en celui de justice de la Conciergerie, par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance du tribunal à intervenir'. 1. On ne saurait rendre Fouquier-Tinville responsable de toutes
Fait au cabinet de l'accusateur public du tribunal extraordinaire et révolutionnaire ce neuf avril mil sept cent' quatre-vingt-treize l'an deuxième de la République. FoUQMER-TiNVILLE.
(~tt'c/ttMS Ko;<!0?tf~fM, série W, carton 268,
dossier 4, p. 4.)
les fautes de syntaxe ou d'orthographe qui émaillent quelquefois les originaux de ses réquisitoires. Au début il est certain qu'il les rédigea entièrement lui-même, on peut l'affirmer, quoique les brouillons hormis celui du réquisitoire contre Marie-Antoinette aient disparu. Ce n'est, en effet, que plus tard que Fouquier en confia la rédaction à ses substituts, particulièrement à Grébeauval. Mais aucun acte d'accusation ne paroit qu'il n'ait été lu, vérifié et signé par moy écrivait-il au Comité de Salut public, le 16 ventôse an II. En effet, tous portent sa griffe. Les textes que nous publions sont donc ceux de la copie lue & l'audience par le greffier et mise au net par des expéditionnaires.
PROCÈS DE CHARLOTTE CORDAY
Le 9 juillet 1793, Charlotte Corday quitta Caen. Le 1 elle irriva à. Paris. Le 13 e~e acheta, pour quarante sous, un couteau au Palais-Égalité, alla chez Marat et le tua. Le 17 elle comparut devant le Tribunal révolutionnaire, et fut ~uiHottuée le même jour.
Aucun détail de ce tragique et étonnant événement ne demeure inconnu aujourd'hui, et on sait l'explosion de douleur et de colère qui éclata dans Paris, béatifia l'Ami du Peuple et le mena, quelques mois plus tard, au Panthéon. Charlotte Corday, pendant tout le cours de l'audience, présidée par Montané, fit preuve d'un calme et d'un sangfroid surprenants. Elle ne se départit qu'un seul instant de cette attitude, au moment où Fouquier-Tinville, signalant la précision du coup de couteau, ajouta M Il faut que vous vous soyez bien exercée à ce crime Elle sembla rougir et protesta avec véhémence
Oh t te monstre ) il me prend pour un assassin! Elle alla au supplice revêtue de la chemise rouge des parricides. Sa tête coupée fut souffletée par un des aides de Sanson, François le Gros. Malgré le crime de Charlotte Corday, la chose causa un scandale dont les journaux de l'époque et les mémoires des contemporains nous ont laissé l'écho encore indigné.
L'autopsie du corps de la décapitée eut lieu à l'hôpital de
II
la Charité, et les médecins la re~nnurent vierge. Elle fut inhumée au cimetière de la Madeleine.
On remarquera la sobriété apportée par Fouquier-Tinville dans ce réquisitoire d'une des plus célèbres causes du TribuDat révoiutionnaire. Sans doute, toute déclamation lui sembla inutite, et eut-il assez confiance dans le tragique et l'horreur de l'événement, pour se croire dispensé d'accabler l'accusée d'une rigueur à laquelle le jugement n'aurait fait qu'ajouter.
Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, Accusateur pM&~c du Tribunal criminel e.e~or~tHMM'c et ?'ft)o<M~tOMnaM'e,etc.
Expose que le treize juillet présent mois, sept heures trois quarts du soir, le commissaire de police de la section du Théâtre français, instruit par la clameur publique qu'il existait, dans la rue des Cordeliers, un grand rassemblement de citoyens causé par le bruit de t'assassinât qui venait d'être commis en la personne du citoyen Marat, l'un des représentants du peuple à la Convention, s'est transporté au domicile du dit Marat, où il a trouvé une femme prévenue d'avoir commis le ditassassinat, et après avoir fait constater par un chirurgien la cause de ta mort de ce député, le dit commissaire de police a fait subir interrogatoire à la dite femme, iaquelle a déclaré se nommer Marie Anne Charlotte C~rday, cydevant d'Armans, native de la paroisse Saint Saturnin des Lignerets, agée de vingt-cinq ans moins quinze jours, vivant de ses revenus, et demeurante ordinairement à Caen, et présentement à Paris, logée rue des VieuxAugustins, hotel de la Providence, que cet interrogatoire terminé le commissaire de police a remis ladite Corday aux administrateurs du département de police, avec expédition de son procès-verbal, sur le vu duquel les dits administrateurs ont ordonné que ladite Corday serait conduite à la prison de l'Abbaye et gardée à vue'par un gendarme, et que le procès-verbal et toutes les pièces
seraient envoyées au tribunal, qu'en exécution de cette ordonnance et du décret de la Convention en datte du 'quatorze juillet présent mois, portant que le tribunal révolutionnaire instruira tout de suite contre l'assassin de Marat et ses complices, toutes les dites pièces ont été remises à l'accusateur public, le jour d'hier, neuf heures du soir, en conséquence la dite Marie Anne Charlotte Corday a, ce jourd'huy, subi interrogatoire pardevant le Président du Tribunal, qu'il a aussi été reçu par différents juges plusieurs déclarations de témoins, qu'examen fait par l'accusateur public de toutes les dites pièces, il en résulte que le mardi neuf juillet présent mois, Marie Anne Charlotte Corday est partie de Caen pour se rendre à Paris où elle est arrivée le jeudi suivant, environ à midi, et s'est logée rue des Yieux-Augustins, maison dite hotel de la Providence, qu'elle dit s'être couchée et n'être sortie de son appartement que le vendredi matin pour se promener, que l'après-midi elle n'est point sortie, qu'elle s'est mise à écrire, que le lendemain, samedi le matin. vers les sept heures,et demie huit heures, elle est sortie, a été au Palais do l'Égalité où elle a acheté le couteau dont il sera ci-après parlé, a pris une voiture placé des Victoires pour se faire conduire chez le citoyen Marat, chez lequel elle n'a pu se faire introduire, qu'alors retournée chez elle, elle a pris le parti de lui écrire par la petite poste et sous un faux nom pour lui demander une audience, que vers les sept heures et demie du soir du même joun, elle a pris une voiture et s'est fait reconduire au domicile de Marat, pour y recevoir, à ce qu'elle dit, la réponse à sa lettre, que dans crainte d'essuyer encore un refus, elle s'était précautionnée d'une autre lettre, qu'elle se proposait de faire tenir au citoyen Marat, mais qu'elle n'en a pas fait usage, que des femmes lui ont ouvert la porte, mais ont refusé do la laisser pénétrer auprès du citoyen Marat, que ce dernier ayant entendu la dite Corday insister, il a tui-meme demandé
qu'elle fut introduite auprès de son bain où il était alors, qu'il fit plusieurs questions à cette femme sur les députés de présent à Caen, sur leurs noms et ceux des offi-* ciers municipaux, que la dite Corday les lui a nommes, sur quoi Marat lui dit qu'ils ne tarderoient pas à être punis de leur rébellion. C'est alors que la dite Corday a tiré de son sein le couteau qu'elle avait acheté le matin au Palais-Royal et aussitôt en a porté un coup à Marat, lequel a pénétré sous la clavicule du col droite', entre les premières et secondes vraies cotes et cela si profondément que l'index a facilement pu pénétrer de toute sa longueur & travers [e poulmon blessé, duquel coup ce représentant du peuple est mort presque à l'instant, que dans les interrogatoires subis par la dite Corday, elle est convenue de tous ces faits, ajoutant même que son intention était de tuer Marat partout où elle le trouverait, même au sein de la Convention, que lorsqu'elle a été fouillée, il a été trouvé dans son sein une gueine de couteau laquelle elle a reconnue pour celle qui servait au couteau avec lequel elle avait commis l'assassinat.
D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Marie Anne Charlotte Corday, pour avoir méchament et de dessein prémédité, étant à Caen, formé le projet d'attenter à la représentation nationale, en assassinant Marat, député à la Convention, et pour l'exécution de cet infame projet, de s'être transportée à Paris, et le surlendemain de son arrivée en cette ville de s'être fait conduire, à deux fois différentes, au domiciiedu dit citoyen Marat, pour chercher à s'introduire aaprhs de lui, qu'ayant réussi à la seconde fois, de l'avoir frappé d'un couteau qu'elle avait acheté à Paris à cet effet, duquel coup ce représentant du peuple est mort presque à l'instant, ce qui est contraire à l'ar~'c~eyMah'g section h'oM du <t~'e~feHKe!' et à l'<M'<tf~ i. Souligné dans l'original de l'acte.
onze section pfMKert' du <t<t'e second du code jrjeHa~ En conséquence l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte de la présente accusa:.on, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence, et par un huissier du tribunal, porteur de l'ordonnance à intervenir, la dite Marie Anne Charlotte Corday, actuellement détenue en la maison d'arrêt dite l'Abbaye, sera prise au corps, arrêtée et transportée sous bonne et sure garde de la dite maison en celle de Justice de la Conciergerie du Palais à Paris, où elle sera écrouée sur les registres d'icelle, comme aussi que ladite c'donnanee à intervenir sera notifiée à la municipalité de Paris.
Fait au cabinet de l'accusateur public ce seize juillet mil sept cent quatre vingt treize, l'an second de la république.
FOUQUIER-TINVILLE.
(Archives !ta!<!ona~es, série W, carton 277,
dossier 82, pièce 50.)
1. Souligné dans l'original de l'acte.
Adam-Philippe de Custine, élu député aux Ëtats-Généraux, le 16 mars 1789, par le bailliage de Metz. fut nommé, en l':92, commandant de l'armée du Mhin. Après la défense de Landau, il prit Spire, Worms, et entra, le 21 septembre, à Francfort-sur-le-Mein, d'où il iança, un mois plus tard, la fameuse proclamation où le land-grave de HesseCassel était appelé « un monstre, un caporal. un tigre », et où il annonçait que « le jour du jugement était arrivé pour les princes de l'Allemagne ». Après ces premiers succès, ce furent les revers, et ayant été battu à Bin~en et. obligé de battre en retraite, Custine offrit sa démission à la Convention. Celle-ci l'ayant refusée, il se trouva attaqué par les jacobins pour sa lettre où il conseillait la dictature militaire. Envoyé néanmoins,ea remplacement de Dampierre,à l'armée du Nord, comme général en chef, il se vit, par ordre du Comité de Salut Public, rappelé à Paris. Décrété d'accusation il fut écroué à l'Abbaye, et c'est de là que,.le 30 jui'.iet 17~, Fcuquier-Tinvitle donna l'ordre de l'extraire pour le transférer à la Conciergerie'. Ce transfert avait été, sur l'ordre de Pache au commandant de la garde nationale, en" 1. Lettre de Fouquier-Tinville à l'huissier du Tribunal révolutionnaire, signée aussi de Roussillon, vice-président du Tribunal révolutionnaire. (Collection de feu M. PAUL DAnuN.)
PROCÈS DU GÉNÉRAL CUSTINE
III
touré de gran.tes précautions, car « il importe, écrivait-il, qu'une tête prévenue d'un aussi grand crime n'échappe pas au glaive de la loi' ». Elle ne devait point y échapper. Commencé, le 15 a~ût, dans la salle de la Liberté, le procès se termina, le 28, par fa condamnation à mort d~ Custine. Il alla à la guillotine accompagé d'un prêtre, ce qui rit, crier par la foule, ditLe Glaive vengeur de la République /'t'aM{!a)'se « Ah! le )âch~! »
H avait cinquante-trois ans.
Antoine-Quentin /~OM~M!er-?'tMU!'M< /)<;CMS6[<eM~ public du ?'t't&un"/ c<'tn:<Me/ e.)'/M<?r~t?!<rc et ~~o~M/MMMMM'e, etc.
Expose que, par décret de la Convention nationale du vingt-neuf juillet dernier, Adam Philippe Custine, cydevant généra) en chef de l'armée du Nord et des Ardennes, a été traduit au tribunal révolutionnaire pour y être jugé comme prévenu d'avoir trahi les intérêts de la République, que depuis les pièces concernant les causes do son arrestation ont été remises à l'accusateur public, tant par la voye du Comité de Salut public de la Convention nationale que par celle du Comité de Sûreté générale, qu'examen fait des dittes pièces par l'accusateur publie, il en résulte que Custine, dès l'origine. do la guerre que la République soutient avec toutes les puissances coalisées a refusé un moment de s'emparer des gorges de Porentruy suivant l'ordre qu'il en avoit reçu du maréchal Luckner, lors général en chef, que passant ensuite en Allemagne à la tête d'une armée considérable et suivant la conduite tenue par le traitro Dumourier dans la Belgique, il s'est emparé sucessivement et avec rapidité des villes de Spire, Mayence et Francfort.
Que ces conquêtes faites, Custine, pour mieux couvrir sans doute la trahison qu'il tramoit, a dénoncé le général Kellermann comme un traître ou un ignorant dans l'art 1. Collection de feu M. PAUL DABUN, n" 276.
militaire, et l'a accusé de l'avoir empêché de pousser ses conquêtes plus loin en ne lui portant pas les secours qu'il attendoit de lui.
Que quoiqu'il fut instruit que l'opinion des habitans de Francfort n'étoit pas favorable à )a Révolution française qui la haïssoit même ainsy que les François, ce qu'il n'est pas permis de douter d'après la manière infamo don ces habitans en ont usé envers eux lorsque les Prussiens ont repris cette ville, quoiqu'il fut également instruit que cette ville abandonnée à ses propres forces et quelqu'en fut la garnison n'étoit pas en état de soutenr siège, Custine a néanmoins laissé dans cette ville une garnison d'environ trois mille hommes au commandement d'un étranger qui bientôt a livré cette ville aux Prussiens qui, conjointement avec les habitants de Francfort, ont tué et massacré é une grande partie des braves François qui composoient cette garnison, de manière qu'il s'en est sauvé à peine huit cents.
Que quoique Custine ne put jamais ignorer que la ville de Mayence abandonnée à ses seules forces ne résisterait pas tost ou tard-aux efforts de l'armée combinée des puissances coalisées, et que ce seul motif fut suffisant non seulement pour se déterminer à n'y pas jeter de l'artillerie, mais au contraire en faire retirer celle qu'il y avait trouvé, Custine, par un système tout opposé et- qui ne peut être que l'effet d'un complot profondément combiné, ainsy que l'expérience nous l'a appris depuis, Custine, disons-nous, a dégarny la place de Strasbourg d'une grande partie de son artillerie et l'a fait jetter dans la ville de Mayence, nonobstant toutes les réclamations qui lui ont été faittes à cet égard, en annonçant à la Convention et au conseil du pouvoir exécutif que cette ville était inexpugnable et qu'elle serait le tombeau des Prussiens et des Autrichiens, tandis que; dans le fonds de l'ame, il ne pouvoit se dissimuler que cette-ville seroit au contraire le tombeau d'une partie des braves François qui
en composoient la garnison et de l'artillerie immense qu'il y avoit fait jetter.
Custine, semblable en tout au traître Dumourier, a, au mois de février dernier, sous prétexte d'indicipline, Ucentié la gendarmerie qui lui étoit si nécessaire tandis que cette gendarmerie n'avoit d'autre tord que d'avoir réclamé auprès de ce général despote la même paye que celle qui lui étoit accordée avant d'aller aux frontières, au lieu de cette de vingt sols par jour, à laquelle il l'avoit arbitrairement fixée et réduite.
Custine enfin, de son autorité privée et sans aucune forme, et toujours sous prétexte d'indicipiine, a fait fusiller différents officiers et gardes nationales volontaires, notamment trois ou quatre, dans des vignes, près de Spire, au moment où ces volontaires étoient à manger du raisin; et Custine, après avoir fait faire cette fusillade, s'est écrié.: « Voilà comment on établit la discipline. » Malgré la conviction dans laquelle Custine devoit être que ta ville de Mayence, abandonnée à ses propres forces, ne pouvoit tenir contre les attaques réitérées de l'armée combinée des puissances coalisées, dans la crainte sans doute que cette ville ne tombât pas assez tôt au pouvoir des ennemis, lors de la retraite de cette ville, il la laissat sans vivres et sans munitions suffisantes, au point que la garnison a été réduite à manger des rats, des souris et du cuir.
Custine feignant, lors de sa retraite de Mayence, vouloir sauver une partie do la garnison et de l'immense artillerie qui y étoit, donne l'ordre a une partie de ta garnison de partir avec une partie de cette artillerie. Mais quel temps choisit-il pour faire exécuter cet ordre? Celui .où le renfort qu'attendoient les armées combinées est arrivé. Plus un ordre n'a pu être exécuté; la garnison et l'immense artillerie sont restées dans Mayence, et, lors de sa reddition, cette immense artillerie est devenue laproye des ennemis de ta République.
Tandis que la ville de Mayence étoit ainsy abandonnée à ses propres forces et que Custine, malgré la forte garnison qui y étoit, scavoit que cette ville dépourvue des choses les plus nécessaires ne pouvoit résister, il écrivit à la Convention qu'il n'y avoit rien à craindre sur le sort de cette ville, qu'elle se soutiendroit et que l'armée de la Mozelle ne devait aller à son secours que vers le douze du présent mois d'aoust.
Tranquillisant ainsy d'un côté sur le sort de cette ville et parafysant de l'autre l'armée de la Mozelle, Custine, par cette manœuvre criminelle, a obligé la garnison de Mayence à capituler le vingt-trois juillet dernier, et a, par cette capitulation forcée, fait perdre à la République une artillerie aussy précieuse qu'immense. Cependant Custine n'avoit jamais ignoré un instant l'état do détresse de Mayence, puisque, dès le commencement du blocus de cette ville, te général Dumouriez a eu une conférence avec un agent de Custine, en présence du général prussien, et que dans cette conférence l'agent de Custine a glissé au général Dumouriez un billet signé de la main de Custine, mais écrit par une main étrangère, par lequel billet le général Dumouriez étoit engagé à entrer en Négociations pour la reddition de cette ville, et que le citoyen Rowbeit, commissaire de !a Convention et les citoyens Dorsincourt, Kléber, Le Dieudeville et Beaupuy ont assisté à ces conférences et ont eu connaissance du billet en question.
Custino, lors de sa retraite de Mayence, s'est opiniâtré, 'nonobstant les représentations qui lui ont été faittes, à ne vouloir pas conserver l'importante place de Guernesin, poste d'autant plus intéressant qu'en le conservant on avait empêché que les ennemis eussent jamais pu pénétrer sur le territoire français par la frontière de Landau, et que sa perte empêchera les armées françaises de pouvoir rien entreprendre sur le Palatinat.
Custine a annoncé, le quinze may dernier, à l'armée du
Rhin et de la Mozelle, dont il étoit alors le général en chef, qu'il venait d'être nommé générât en chef de t'armée du Nord et des Ardennes, qu'il avoit accepté ce commandement, et qu'il partiroit le soir même ou le lendemain matin. Cependant, nonobstant cette annonce et le même jour, Custine forme un plan d'attaque généraile il écrit à Chamberliac, commandant au fort Vauban, de passer le Rhin avec deux mille hommes et d'attaquer les ennemis sur l'autre rive qui étoient au nombre de dix mille. Custine écrit le même jour quinze may à Houchard et lui ordonna de faire marcher toute l'armée de la Mozelle pour s'emparer du château-fort de Curourback, et Custine s'exprime ainsy « Après l'expédition finie, vous « vous retirerez, mon cher Houchard, dans votre position « actuelle, emmenant avec vous le plus de prisonniers que « vous le pourrez; ce sont des Prussiens; it ne faut pas « tout tuer; mais quant aux Autrichiens et Hessois, je « vous les abandonne, faittes en chair à patée. » Ces deux plans devoient s'exécuter te dix-sept; mais heureusement que Chamberliac désobéit à Custine, qui n'était plus son général; car sans cette désobéissance, la République, d'après toutes les mesures prises par Custine, éprouvoit encore un échec dans cette partie.
Le même jour, dix-sept may, Custine fait marcher trente mille hommes pour en attaquer six mille en avant les lignes de la Loutre; mais ses ordres sont tellement donnés ou si mal exécutés que les colonnes, arrivant sur l'ennemy décousues ou sans ordre de bataille, sont repoussées avec beaucoup de perte et ne peuvent se rallier qu'à une certaine distance. Alors Custine paroit, et malgré la demande réitérée des troupes de retourner à l'ennemy, donne l'ordre de la retraite et quoi qu'il ne fut plus général de cette armée, il y reste jusqu'au vingt-trois may dernier et y commande toujours, et ordonne des attaques démontrées fausses et nuisibles aux intérêts de la République, et le même jour, vingt-trois may, l'armée
du Nord demeurée sans 'général est défaitte et le camp de Famars enlevé.
D'après un plan convenu entre Houchard et Guillëmin, tout étoit préparé pour que Harlon fut attaqué le neuf juin dernier, huit heures du matin, par les deux armées combinées. Cette attaque n'a été faitte que par la colonne commandée par Delasge et deux mille hommes commandés par Beauregard venus de l'armée des Ardennes, parce que Custine avait donné contre-ordre à Guillemin d'exécuter ce plan, attendu qu'il ne vouloit ny prendre Harlon, ny bruler ses magasins; et si la bravoure de douze mille hommes n'eut fait enlever ce poste, il seroit impossible de calculer les suites funestes qui devoient en résulter pour la République.
Custine est si peu républicain que quoiqu'il affectât sans ce' se et eh toute occasion de se le qualiffier, un soir étant à souper chez lui, à Mayence, et entouré d'un grand nombre d'officiers, vers la fin de janvier dernier, en parlant du cydevant Roy, il dit « Tout est finy, » Puis gardant un morne silence qui ne fut interrompu que par une exclamation « Ce n'étoit pas mon avis; il falloit garder « le Roy pour otage et non le faire mourir. » D'après un pareil propos, il ne faut pas être étonné des expressions de Barbaroux dans sa lettre imprimée dattée de Caen du dix-huit juin dernier, lorsqu'il y parle de Custine « Heureusement, dit Barbaroux dans sa lettre, Custine « commande sur cette frontière. » ny de celles que l'on trouve dans un imprimé et intitulé Bulletin o/~cM~ du Bureau de con'MpoK~emce de l'armée centralle séante à Rennes -cinq ~Mt/~<. « L'assemblée centrale a arrêté « qu'il sera écrit au général Custine pour l'inviter à res« ter à son poste, quand même la fraction de la Conven« tion ou le pouvoir exécutif le destitueroit, et lui décla« rant qu'il mérite toujours la confiance du peuple. )} Cette manière de' s'exprimer des rebelles sur le compte de Custine ne permet.pas de douter un seul instant des
motifs qui ont déterminé ce dernier dans la conduite qu'il a tenue pendant qu'il étoit généra).
Custine, arrivé à l'armée du Nord et des Ardennes ne s'est pas démenty. Il a fidélement suivi la marche qu'avoit tenu le traitre Dumourier lors de sa retraite de la Belgiquo. Custine, sous le vain prétexte que cette armée étoit désorganisée et indisciplinée, la laisse dans l'inaction la plus répréhenstbie, ne s'est occupé par aucun moyen de protéger les villes de Condé et Valenciennes et les autres villes frontière!! qu'il savoit assiégées, de façon que, par cette indigne manœuvre, Condé et Valenciennes sont maintenant au pouvoir des ennemis, avec une artillerie formidable et comparable à celle que Custine a fait perdre à Mayence, que les autres vIHes frontières sont menacées et attaquées dans cette partie, et qu'en un mot le territoire français est entamé par les puissances coalisées, ce qui ne seroit pas arrivé si Custine avoit fait faire le plus léger mouvement à l'armée du Nord et des Ardennes pour protéger les deux villes prises et celles menacées. Mais, loing d'avoir ordonné ces mouvemens, Custine a au contraire (pour consommer sans doute plus à loisir sa trahison), cherché a faire tirer de la ville de Lille, deja menacée d'un nouveau siège, soixante-seize bouches à feu pour les transporter au camp de la Madeleine; et nonobstant les représentations) à lui faitteh par Favart commandant cette place importante par sa lettre du vingt-cinq juin dernier, Custine a par sa lettre d'u deux juillet dernier, persévéré à vouloir faire extraire de cette place soixante-seize bouches à t'eu, de sorte que, non content d'avoir, par son inaction coupable, exposé ces villes de Condé etVatencionnes à être prises comme elles l'ont malheureusement été, son intention criminelle étoit, en dégarnissant ainsy Lille d'une artillerie qui luy étoit nécessaire, en cas de nouveau siège-dont cette vitto étoit menacée, de la livrer plus aisément au pouvoir des ennemis; et ce qui caractérise davantage cette intention criminelle do Custine, c'est
que Lamarlière, autre général aux ordres de Custine; s'occupait de son coté de dégarnir la ville des approvisionnements dont eUe étoit pourvue. Telle est la manière perfide et combinée qu'omptoyoit Custine pour anéantir cette liberté si chère à tout être pensant, et étouffer et pulvériser jusqu'à la plus légère trace la République naissante.
D'après l'exposé cy- dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Adam Philippes Custine, cy-devant général en chef de l'armée du Nord et des Ardennes, pour avoir méchamentet à dessein abusé de sa qualité de général des armées et avoir, à la faveur de cette qualité, trahi les intérêts de la République, en entretenant des manoeuvres et intelligences avec les ennemis de la France, et par suite de ces manoeuvres et intelligences d'avoir facilité l'entrée des ennemis dans les dépendances de la République, et de leur avoir livré des'villes, forteresses, magazins et arsenaux appartenants à la République, ce qui est contraire à l'article quatre de la Section 1 ru du titre premier de la deuxième partie du Code pénal. En conséquence, l'accusateur pubtic requiert qu'il lui soit dot.aé acte par le tribunal assemblé de la, présente accusation, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, le dit Custine, actuellement détenu en la maison d'arrést de la Conciergerie, sera écroué sur les registres de la ditte maison comme maison de justice, comme aussy que l'ordonnance à intervenir sera notifiée à la municipalité de Paris.
Fait au cabinet de l'accusateur public ce quatorze aoust mil sept cent quatre vingt treize, l'an deuxième de ta République, sur une feuille et une demie feuiUe. FOUOUIER-TMVILLE.
(~trc/tMM Hoh'otM~es, série W, carton 280,
dossier 124, p. i2.)
Outre l'acte d'accusation, Fouquier-Tinville avait rédigé quelques Notes et quelques questions, dont il eut l'occasion de se servir au cours des débats, pour réfuter le système de défense du général. L'original fait partie, aux Archives M6[<tona~e.<, de la série W, carton 13S, pièce 55.
Depuis le blocus de Mayence, qu'a fait Custine pour délivrer cotte viiïe? Aucun mouvement. H le pouvait 't cependant avec l'armée du Rhin et de la Mozelle, Il y à même été excité.
Le citoyen Montault, l'un des commissaires envoyés à cette armée vous a déclaré que sa mission était de faire protéger Mayence.
Le 15 may pourquoy Custine donne-t-il une bataille sans prendre aucunes mesures, lorsque le quinze il n'était plus général de cette armée?
Pourquoy, à peine arrivé à l'armée du Nord, donne-t-il, de son propre mouvement et de son autorité privée, des ordres pour extraire de la place importante de Lille,, déjà menacée, soixante-seize bouches à fou?
Pourquoy nonobstant les représentations du général Favart consignées dans sa lettre du 25 juin, insiste-t-il par la sienne du 2 juillet pour que ces ordres soient éxécutés?
Pourquoy, au mépris de différentes décisions prises par le conseil du pouvoir exécutif, souffrait-il que Lamarlière s'immisçât dans le commandement de la ville de Lille dont Favart seul est commandant?
Pourquoy, depuis qn'il a pris le commandement en chef de l'armée du Nord et des Ardennes, n'a-t-il fait faire aucun mouvement pour aller au secours de Condé et de Valenciennes?
Pourquoy a-t-il, par sa lettre dattéo do Cambray du 4 'juin, donné contre-ordre au général Guillemin d'exécuter le plan de diversion convenu?
Pourquoy Custine, dans tous les temps, n'a-t-il
demandé au pouvoir exécutif provisoire et aux commissaires près des armées que des hommes entachés d'aristocratie pour le seconder dans ses opérations militaires? Pourquoy enfin, nonobstant la suspension prononcée par les commissaires de Villemory, Blanchard et Bust, a-t-it, de son autorité privée, levé cette suspension, et s'est-it Tante qu'il ne s'embarassoit pas s'ils étoient aristocrates, qu'il avoit jette au feu ces suspensions et qu'il en faisoit autant des décrets de la Convention qui ne lui convenoient pas?
Coutanier député et un secrétaire ont attesté ces faits. Quand les débats furent terminés, Fouquier-Tinville les résuma dans ces quelques mots écrits de sa main, et dont l'original fait partie du dossier ci-dessus cité (série W, carton 15S, pièce 43).
Après avoir ainsy retracé tous les faits qui conduisent à établir que Custine est un de ces généraux qui, par leurs manoeuvres criminelles, perfides et combinées, ont trahi les intérêts de la république,
I! ne me reste plus, citoyens jurés, qu'à vous inviter à les examiner, peser et apprécier dans votre sagesse et dans toutes leurs nuances et circonstances, ensemble le degré de confiance que vous devez avoir plus ou moins dans les réponses et deffenses présentées dans le jour des débats pour l'accusé'.
1. Fouquier-Tinville prit souvent, au cours des audiences, des notes pareilles àcelle-ci. Nous en avons trouvé une, concernant l'audience du il juin 1793 où fut condamné à mort un tapissier, Louis Béguine. Nous la reproduisons ici avec ses lacunes ou ses parties illisibles.
« Citoyens jurés,
Le délit qui fait l'objet de l'accusation dirigée contre Louis Béguinet est de nature à mériter de votre part la plus sérieuse
De cet examen approfondi naîtra naturellement cette conviction de l'ame, si nécessaire pour donner votre opinion dans une affaire qui intéresse aussy essentiellement le salut de la République.
attention. Au reste, citoyens jurés, est-il un acte plus dangereux, plus criminel que celui dont est prévenu accuse qui de deS'endre sa patrie, mais qui nourrit dans son âme le poison atroce de séduire dès camarades pour les engager tourner leurs armes contre leur patrie, ou de se réunir aux révoltés qui portent un fer pernicieux dans le sein de notre mère commune.
Le 14 mai. fois à la caserne de la rue. Le 15 en sortant de la caserne de la rue resté (?), ils ont d!ne chez un m'' de vins, au coin de la rue des frondeurs et d'angoumois.
s'y Son père agent de change envoie de l'argent aux émigrés. (~eA!'t;M nationales, série W,. carton n4, p. 3.)
PROCES DE MARIE-ANTOINETTE
Par l'article VI de son décret du 1- août 1793, la Convention nationaïf renvoya la Reine devant le Tribunal révolutionnaire. Extraite du Temple, elle fut écrouée, le 2 août, a la Conciergerie. Un mois devait s'écouter avant son premier interrogatoire. Dans ce temps, Fouquier se préoccupait de réunir les pièces nécessaires à l'accusation. Il les réclamait au président de la Convention, lequel l'adressait au Comité de Salut publi dont les membres le renvoyaient au garde des Archives. C'est dans les dossiers du procès de Louis XVI que l'Accusateur public devait trouver les éléments de son réquisitoire.
Ces retards impressionnaient fâcheusement le peuple, a qui les bruits de la conspiration de l'OEilletet des diverses tentatives d'enlèvement étaient parvenus.
Billaud-Varenne, à la séance de la Convention du 3 octobre, s'en fit l'écho, en réclamant un jugement prompt, une procédure moins lente. Satisfaction lui fut donnée par le décret du même jour, ordonnant « Le Tribunal révolutionnaire s'occupera sans délai et' sans interruption du juge1. n Article VL Marie-Antoinette est renvoyée au Tribunal extraordinaire; elle sera transférée sur le champ à la Conciergerie. »
ment de la veuve Capet.')) Onze jours plus tard, le lundi 14 octobre, les débats s'ouvraient dans la salle de la Liberté, sous la présidence d'Herman.'Fouquier occupant son siège d'Accusateur public.
Le procès occupa deux audiences. A quatre heures du matin, le 16 octobre, le jugement fut rendu, à l'unanimité. Le jury était composé d'Antonelle, ci-devant député a la Législative; Renaudin, luthier; SouberbieHe, chirurgien; Fiévé; Besnard; Thoumin; Chrétien, limonadier; Ganney, perruquier; Trinchard, menuisier; Nicolas, imprimeur du Tribunal révolutionnaire; Lumière; Desboisseaux; Sambat, peintre; Baron, chapelier; et Devéze, charpentier. Coffinhal, Maire, Donxé-Verteuil et Deliège siégeaient comme juges aux côtés du président. La défense fut présentée par Tronson-Ducoudray et Chauveau-Lagarde. Six heures après que le jugement avait été rendu, la Reine quitta la Conciergerie. Elle était en déshabillé blanc couvert d'un grand dchu de mousseline croisé sousle menton. Pendant le trajet elle conserva « une tranquillité féroce écrit le Compte-Rendu aux S(t)M-Ct~o«es. A midi la tête tomba place de la Révolution. Le corps fut porté au cimetière de la Madeleine et inhumé par le fossoyeur Joty,'qui réclama six livres pour la bière et vingt-cinq livres pour la fosse. Le réquisitoire que nous donnons ici fut d'abnrd rédigé par Fouquier-Tinville sous forme de brouillon, et surchargé de nombreuses ratures et corrections. C'est à la dernière version, qui fut lue au début de l'audience, que nous nous sommes arrêtés. Il est incontestable que ce fut là le document définitif et le seul qui puisse être donné comme tel. Àn(o:He-()tMH<tM ~OM~Mte)'-?' /lccM.t'a<eM)' public ~'s 7Vt&M!Mt< crttMMe~ extraordinaire et )'ët)o~t<t'o))KaM'e, etc.
Expose que suivant un décret do la Convention du premier août dernier, Marie-Antoinette, veuve de Louis Capet, .a <~te traduite au Tribunal Révolutionnaire, comme pré1. ~'<)<M 'M/oH~e.f, série W, carton 290, dossier i'?9, pièce 56.
venue d'avoir conspiré contre la France; que par autre décret de la Convention, du 3 octobre, il a été décrété que te Tribunal Révolutionnaire s'occuperoit sans délai et sans interruption du jugement; que l'accusateur public a reçu les pièces concernant la veuve Capot, les 19 et 20 du premier mois de la seconde année, vulgairement dits 11 et 12 octobre présent mois; qu'il a été aussitôt procéddé, par l'un des juges du tribunal, à l'interrogatoire de la veuve Capet; qu'examen fait de toutes les pièces transmises par l'accusateur public, il en résulte qu'à l'instar des Messalines Brunehautj Fredegonde et Médicis, que l'on qualifioit autrefois de reines do France, et dont les noms à jamais odieux ne s'effaceront pas des fastes de l'histoire, Marie-Antoinette, veuve de Louis Capet, a été, depuis son séjour en France, le fléau ét la sangsue des Français; i qu'avant même l'heureuse révolution qui a rendu au peuple Français sa souveraineté, elle avoit des rapports politiques avec l'homme qualifié de roi de Bohême et de Hongrie; que ces rapports étoient contraires à l'intérêt de la France; que non contente, de concert avec les frères de Louis Capet et l'infâme et exécrable Calone, d'avoir dilapfdé les Finances de la France'(fruit des sueurs du peuple), pour satisfaire à des plaisirs désordonnés et payer les agents de ses intrigues criminelles, il est notoire qu'elle a fait passer à différentes époques, à l'empereur, des millions qui lui ontservi et servent encore à soutenir la guerre contre la République, et que c'est par ces dilapidations excessives qu'elle est parvenue à épuiser le trésor national;
Que depuis la Révolution, la veuve Capet n'a cessé un seul instant d'entretenir des intelligences et des correspondances criminelles et nuisibles à la France, avec les puissances étrangères et dans l'intérieur do la République, par des agens à elle affidés, qu'elle soudoyoit et falsoit soudoyer par le cydevant trésorier de la liste civile; qu'à différentes époques, elle a usé de toutes les manœuvres
qu'elle croyoit propres à ses vues perfides pour opérer une contre-révolution; d'abord ayant, sous prétexte d'une réunion nécessaire entre les cydevant gardes du corps et les officiers et soldats du régiment de Flandre, ménagé un repas entre ces deux corps, le premier octobre mil sept cent quatre vingt neuf, lequel est dégénéré en une véritable orgie, ainsi qu'elle le désiroit, et pendant le cours de laquelle les agents de la veuve Capet, secondant parfaitement ses projets contre-révolutionnaires, ont amené la plupartdesconvivesà à chanter, dans l'épanchement de l'ivresse, des chansons exprimant le plus entier dévouement pour le trône et l'aversion la plus caractérisée pour le peuple, et de les avoir insensiblement amenés à arborer la cocarde blanche et à fouler aux pieds la cocarde nationale; et d'avoir, par sa présence, autorisé tous ces excès contrerévolutionnaires, surtout en encourageant les femmes qui l'accompagnaient à distribuer des cocardes blanches aux convives; d'avoir, le quatre du môme mois d'octobre, témoigné la joie la plus immodérée de ce qui s'était passé à cette orgie; en second lieu, en ayant conjointement avec Louis Capet, fait imprimer et distribr~r avec profusion, dans toute l'étendue de la République, des ouvrages contre-révolutionnaires, de ceux même adressés aux conspirateurs d'outre-Rhin ou publiés en leur nom, tels que les « pétitions aux émigrans, la réponse des émigrans, les émigrans au peuple, tes plus courtes fotios sont les meilleures, le journal à deux liards, l'ordre, la marche et l'entrée des émigrans ') d'avoir mémo poussé la perfidie et la dissimulation au point d'avoir fait imprimer et distribuer avec la même profusion des ouvrages dans lesquels elle étoit dépeinte sous des couleurs peu avantageuses, qu'elle ne méritoit déjà que trop en ce temps, et ce, pour donner le change et persuader aux puissances étrangères qu'elle étoit maltraitée des Français, et les animer de p.ius en plus contre la France; que, pour réussir plus promptement dans ses projets contre-révolutionnaires, elle avoit,
par ses agents, occasionné dans Paris et les environs, les premiers jours d'octobre mil sept cent quatre vingt onze, une disette qui a donné lieu à une nouvelle insurrection, à la suite de laquelle une foule innombrable de citoyens et de citoyennes se sont portés à Versailles le cinq du même mois; que ce fait est prouvé d'une manière sans réplique par l'abondance qui a régné le lendemain même de l'arrivée de la veuve Capet à Paris et de sa famille; Qu à peine arrivée à Paris, la veuve Capet, féconde en intrigues de tout genre, a formé des conciliabules dans son habitation que ces conciliabules, composés de tous les contre-révolutionnaires et intrigans, des assemblées Constituante et Législative, se tenoient d~s les ténèbres de la nuit;. que l'on y avisoit aux moyens d'anéantir les droits do l'homme et les décrets déjà rendus, qui devoient faire la baze de la Constitution; que c'est dans ces conciliabules qu'il a été délibéré sur les mesures à prendre pourfaire décréter la révision des décrets qui étoient favorables au peuple; qu'on a arrêté la fuite de Louis Capet, de la veuve Capet et de toute sa famille, sous des noms supposés, au mois de juin mil sept cent quatre vingt onze, tentée tant de fois et sans succès à différentes époques; que la veuve Capet convient dans son interrogatoire que c'est elle qui a tout ménagé et tout préparé pour effectuer cette évasion, et que c'est elle qui a ouvert et fermé les portes de l'appartement par où les fugitifs sont passés; qu'indépendamment de l'aveu de la veuve Capet à cet égard, il est constant, d'après les déclarations de LouisCharles Capet, et de la fille Capet, que Lafayette, favory sous tous les rapports de la veuve Capet, et Bailly, lors maire de Paris, étoients présents au moment de cette évasion, et qu'ils l'ont favorisée de tout leur pouvoir; que la veuve Capet, après son retour de Varennes, a recommencé ces conciliabules; qu'elle les présidait elle-même, et que d'intelligence avec son favory Lafayette, l'on a fermé les Tuilleries, et privé par ce moyen les citoyens
d'aller et venir librement dans les cours et le ci-devant château des Tuilleries; qu'il n'y avait que les personnes munies de cartes qui avoient leur entrée que cette clôture, présentée avec emphase par le traître Lafayette, comme ayant pour objet de punir tes fugitifs de Varennes, étoit une ruse imaginée et concertée dans ces conciliabules ténébreux, pour priver les citoyens des moyens de découvrir ce qui se tramoit contre la liberté dans ce lieu infâme; que c'est dans ces mêmes conciliabules qu'a été déterminé l'horrible massacre qui a eu lieu le dix-sept juillet mil sept cent quatre vingt onze, des plus zélés patriotes qui se sont trouvés au Champ de Mars; que le massacre qui avoit eu lieu précédemment à Nancy et ceux qui ont eu lieu depuis dans les divers autres points de la République ont été arrêtés et déterminés dans les mêmes conciliabules; que ces mouvements, qui ont fait couler le sang d'une foule immense de patriotes, ont été imaginés pour arriver plus tôt et plus sûrement à la révision des décrets rendus et fondés sur les droits de l'homme, et qui par là étoient nuisibles aux vues ambitieuses et contrerévolutionnaires de Louis Capet et de Marie-Antoinette; que la Constitution de l'!91 une fois acceptée, la veuve Capet s'est occupée de la détruire insensiblement par toutes les manœuvres qu'elle et ses agens ont employées dans les divers points de la République; que toutes ses démarches ont toujours eu pour but d'anéantir la liberté et de faire rentrer les Français sous le joug tirannique, sous lequel ils n'ont langui que trop de siècles; qu'à cet effet, la veuve Capet a imaginé de faire discuter dans ces conciliabules ténébreux et qualiCés depuis longtemps, avec raison, de Cabinet Autrichien, toutes les lois qui étoient portées par l'Assemblée législative; que c'est elle, et par suite de la détermination prise dans ces conciliabules, qui a décidé Louis Capet à opposer son ug<o au fameux et salutaire décret rendu par l'Assemblée législative contre les ci-devant princes, frères de Louis Capet et les émigrés,
et contre cette horde de prêtres réfractaires et fanatiques répandus dans toute la France; veto qui a été l'une e des principales causes des maux qu'à éprouvés depuis la France;
Que c'est la veuve Capet qui faisoit nommer les ministres pervers, et aux places dans les arn.~es et dans les bureaux des hommes connus de la nation entière pour des conspirateurs contre la liberté que c'est par ses manœuvres et celles de ses agents, aussy adroits que perfides, qu'elle est parvenue à composer la nouvelle garde de Louis Capet d'anciens officiers qui avoient quitté leurs corps lors du serment exige; de prêtres réfractaires et d'étrangers, et enfin de tous hommes réprouvés par la plupart de la nation, et dignes de servir dans l'armée de Coblentz, où un très grand nombre est en effet passé depuis, leur licenciement
Que c'est la veuve Capet, d'intelligence avec la faction liberticide qui dominoit alors l'Assemblée législative, et pendant un temps la Convention, qui a fait déclarer la guerre au roi de Bohème et de Hongrie, son frère; que c'est par ses manoeuvres et ses intrigues toujours funestes à la France, que s'est opérée la première retraite des Français du territoire de la Belgique
Que c'est la veuve Capet qui a fait parvenir aux puissances étrangères les plans de campagne et d'attaque qui étoient convenus dans le conseil; de manière que, par cette double trahison, les ennemis étoient toujours instruits à'l'avance des mouvements que devoient faire les armées de la république d'où suit la conséquence que la veuve ,Capet est l'auteur des revers qu'ont éprouvés, en différents temps, les armées françaises
Que la veuve Capet a médité et combiné, avec ses perSdes agens, l'horrible conspiration qui a éclaté dans la journée du 10 août, laquelle n'a échoué que par les efforts courageux et incroyables des patriotes; qu'à cette fin, elle a réuni dans son habitation, aux Tuilleries, jusques dans
des souterrains, les Suisses qui, aux termes des décrets, ne devaient plus composer la garde de Louis Capet; qu'elle les a entretenus dans un état d'ivresse depuis le neuf jusqu'aux dix, jour convenu pour l'exécution de cette horrible conspiration; qu'elle a réuni également, et dans le même dessein, dès le neuf, une toute de ces êtres, qualifiés de chevaliers du poignard, qui avoient figuré déjà dans ce même lieu le vingt-trois Février mil sept cent quatre-vingt-onze, et depuis, à l'époque du vingt Juin 1792 Que la veuve Capet, craignant sans doute que cette conspiration n'eut pas tout l'effet qu'elie s'en étoit promis, a été dans la soirée du neuf aoust, vers les neuf heures et demie du soir, dans la salle où les Suisses et autres à elle dévoués travailloient à des cartouches; qu'en même temps qu'elle les encourageoit à hâter la confection de ces cartouches, pour les exciter de plus en plus, elle a pris des cartouches et a mordu des balles. (Les expressions manquent pour rendre un trait aussy atroce.) Que le lendemain dix, il est notoire qu'elle a pressé et sollicité Louis Capet à aller dans les Tuilleries, vers cinq heures et demie du matin, passer la revue des véritables Suisses et d'autres scélérats qui en avoient pris l'habit, et qu'à son retour elle lui a présenté un pistolet, eu disant « Voilà le moment de vous montrer, » et que sur son refus, elle l'a traité de lâche; que quoique dans son interrogatoire la veuve Capot ait persévéré à nier qu'il n'ait été donné aucun ordre de tirer sur le peuple, la conduite qu'elle a tenu le neuf, sa démarche dans la salle des Suisses, les conciliabules qui ont eu lieu toute la nuit et auxquels elle a assisté, l'article du pistolet et son propos sur Louis Capet, leur retraite subite des Tuilleries et les coups de fusil tirés au moment même de 'leur entrée dans la salle de l'assemblée Légistatra, toutes ces circonstances réunies ne permettent pas de douter qu'il n'ait été convenu, dans le conciliabule qui a eu lieu pendant toute la nuit, qu'il falloit tirer sur le peuple, et que Louis Capet
RÉQUISITOIRES DE FOUQUIER-TINVILLE
ennemis des plans de campagne et d'attaque convenus et arrêtés dans le conseil; 3° D'avoir, par ses intrigues et manœuvres et celles de ses agents, tramé des conspirations et dos complots contre la sûreté intérieure et extérieure de la France, et d'avoir à cet effet allumé la guerre civille dans divers points de la république et armé les citoyens les uns contre les autres, et d'avoir par ce moyen fait couler !e sang d'un nombre incalculable de citoyens; ce qui est contraire à l'article quatre de la section première du titre premier de la deuxième partie du code pénal, et à l'article second de la deuxième section du titre premier du même code.
En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte, par le tribunal assemblé, de la présente accusation qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du Tribunal, porteur de l'ordonnance à intervenir, llfarie-Antoinette,, se qualifiant de Lorraine d'Autriche, veuve de Louis Capet, actuellement détenue dans la maison d'arrêt, ditte la Conciergerie du palais, sera écrouée sur les registres de la ditte maison, pour y rester comme en maison de justice comme aussi que t'ordonnance à intervenir sera notiûée à ta municipalité de Paris et à l'accusée. Fait au cabinet de l'accusateur public, le premier de ta troisième décade du premier mois de l'an second de la république, une et indivisible.
A. Q. FououtEH.
(/i)'c/H!)M )ta<tOM~, Armoire de Fer, carton 13.)
En suivant, par ordre chronologique, la plupart des grands procès jugés par le Tribunal révolutionnaire, le lecteur pouvait espérer trouver ici le réquisitoire de FouquierTinville dans le procès des vingt et un Girondins. Il n'en est rien. La Convention simplit1a la tâche dt l'Accusateur public en lui adressant le rapport, lu par Amar, dans la séance du 3 octobre 1793, et que sanctionna le décret d'accusation contre les Girondins. Fouquier le fit simplement lire par le greffier au début de l'audience, et la lecture finie, le président, c'était Herman, dit aux Girondins
Voilà ce dont les représentants du peuple vous accusent. Vous allez entendre les dépositions orales qui sont à votre charge.
Et le procès continua. 11 durait déjà depuis six jours quand 1 impatience des Jacobins, la rumeur de la foule, commencèrent à murmurer sur la longueur des débats' « Braves bougres qui composez le Tribunal, disait Le P~.e Dttc/t~e, ne vous amusez donc pas à la moutarde. Faut-il donc tant de cérémonies pour raccourcir des scélérats que le peuple a déjà jugés? » Harcelée par toutes ces protestations, la Convention s'émut, et fut saisie d'une double proposition 1° la suppression des formes qui étouffent la conscience et empêchent la conviction du Tribunal révolutionnaire 2° la faculté pour les jurés de déclarer leur cons-
PROCÈS DES GIRONDINS
cience éclairée au bout de trois jours de débats. A l'instant où elle discutait ces deux points, parvint cette lettre de Fouquier, que publie le WoHteMr du 30 octobre 1793 « La lenteur avec laquelle marchent les procédures instruites au tribunal criminel extraordinaire nous force à vous présenter quelques réflexions; nous avons donné assez de preuves de notre zèle pour n'avoir pas à craindre d'être accusés de négligence nous sommes arrêtés par les formes que prescrit la loi.
« Depuis cinq jours, le procès des députés que vous avez accusés est commencé, et neuf témoins seulement ont été entendus chacun, en faisant sa déposition, veut faire l'historique de la Révolution; les accusés répondent ensuite aux témoins, qui répliquent à leur tour. Il s'établit une discussion que la loquacité dos prévenus rend très longue, et après ces débats particuliers chaque, accusé ne voudra-t-il pas faire une plaidoirie générale? Ce procès sera donc interminable. D'ailleurs on se demande pourquoi des témoins? La Convention, la, France entière, accusent ceux dont ce procès s'instruit; les preuves de leurs crimes sont évidentes; chacun a dans son âme la conviction qu'ils sont coupables; le tribunal ne peut rien faire par lui même, il est obligé de suivre la loi c'est à la Convention à faire disparaître toutes les formalités qui entravent sa marche. »
Et la Convention rendit son fameux décret du 29 octobre « Art, I. Après trois jours do débats le président du Tribunal sera autorisé à demander aux jurés si leur conscience est assez éclairée. S'ils répondent négativement, l'instruction du procès sera continuée jusqu'à ce qu'ils déclarent qu'ils sont en état de se prononcer. Art. II. Le Tribunal extraordinaire portera désormais le nom de Tribunal révolutionnaire. »
Le lendemain, les Girondins étaient condamnés à mort et Valazé se suicidait dans la salle du Tribunal. Fouquier requit-il, comme l'affirma le greffier Robert Wolff, plus tard, dans le procès de l'Accusateur public, l'exécution du cadavre? La chose est peu probable, car on a à cet égard un témoignage formel, celui du jugement lui-même, lequel déclare
« Le tribunal, après avoir entendu l'accusateur public dans son réquisitoire, ordonne que le cadavre dudit Valazé sera dans une charrette qui accompagnera celles qui transporteront ses complices au lieu de leur supplice, pour, après leur exécution, être inhumé dans la même sépulture que lesdits condamnés ses complices. » C'est donc bien que Fouquier requit la seule présence du cadavre à l'exécution et non cette exécution elle-même. Quant au réquisitoire que nous ne pouvons publier ici, n'étant pas l'oeuvre de Fouquier, on le trouvera dans le Moniteur du 4 octobre 1793.
PROCÈS DE PHILIPPE-ÉGALITÉ
Le 16 brumaire an H, te ci-devant duc d'Orléans et de Chartres, PhiHppe-Ëgatité, comparut devant le Tribunal révolutionnaire. Nous ne possédons, pour cette affaire, aucun réquisitoire manuscrit de Fouquier-Tinville. Comme pour le procès des Girondins, le rapport d'Amar tint lieu d'acte d'accusation. Le greffier en donna lecture au début de l'audience. Quand il entendit cette lecture, dit Baudot', tl réptiqua: « Mais,en vérité,, ceci a l'air d'une plaisanterie. » On procéda ensuite a l'interrogatoire de l'accusé et à J'audition des témoins. Le citoyen Veidel présenta la défense et Fouquier résuma l'accusation. De ce résumé aucune trace n'est restée. Le co-accusé de Philippe-Egalité. Coustard, fut avec lui condamné a la même peine. L'exécution eut lieu le même jour, a quatre heures, et ce qu'on remarqua de particulièrement curieux, ce fut un nègre inconnu qui pleurait parmi la foule °.
1. MAHC-ÂNTOINE BAUDOT, ~Vo<M /<M<0)'~Mfs Sio' la Co~eM/t'o;: )is<to):a<e, le D:')-ec<o:e, <H:p:)'e el l'exil des M<n):<4', page 204; Paris, 1893. i o
2. Les ï'?'o:'s Décades ott le Mois Républicain, n" n, septidi 17 brumaire an U (jeudi novembre n93), p. C8.
PROCÈS DE MADAME ROLAND
La. condamnation de M"" Roland fut le dernier coup porté par la Montagne à la Gironde expirante. Tous les détails de la détention et du procès de la reine de la Gironde ont été popularisés par ses Jtfe'moh'es. Aussi bien est-il superflu d'y revenir.
Le 18 brumaire, elle comparut devant la première section du Tribunal, dans la salle de la Liberté. Le procès fut court et rapide. A quatre heures et demie, avec Lamarche, directeur de la fabrique des assignats, la condamnée montait dans la charrette. « Sa mise était soignée )', a dit le comte Beugnot qui la vit. C'était une froide journée de novembre. Arrivée a l'échafaud, elle demanda a écrire ses dernières pensées. Sanson ne put quejrefuser. Elle monta tes marches, fit le signe de la croix et la tête chut.
~t.K<otNC-QMeM<t)t /~OM~Mte<7'tMUtMe, Accusateur public ~M Tribunal crinainel ë~'aO~MaM'e e< ?'<~0/M<MMNCtM'e, etc.
Expose que le glaive de la loi vient de Irapper plusieurs des principaux chef (sic) de la conspiration qui a existé 1. BM~e<:M du Tribunal c)':Mt;!e~'e'foht<:OMia!)'e, n" S9.
contre t'unité et l'indivisibilité de la République, contre e la liberté et la sureté du peuple français'; mais un grand nombre d'auteurs et complices de cette conjuration existent encore, et ont su, jusqu'à présent, par une tache fuite, se soustraire à la juste punition que méritent leurs forfaits; de ce nombre est Roland, ex-ministre de l'intérieur, principal agent dos conspirateurs. La fuite des uns n'a point rompu la correspondance entre tous ceux qui étant restés a Paris, tant libres qu'en état d'arrestation correspondaient avec ceux qui étaient réfugiés dans d'autres villes de la République. Roland en fuite avait laissé sa femme à Paris, laquelle, quoique mise en état d'arrestation dans une maison d'arrêt, correspondait avec les conspirateurs retirés à Caen, par l'intermédiaire d'un de ceux restés à Paris. Cette femme intrigante connue pour avoir reçu et réuni chez elle en conciliabules les principaux chefs de la conspiration, conciliabules dont elle était l'âme, quoiqu'on prison recevoit des lettres de Barbaroux et autres réfugiés à Caen et y répondait, et toujours dans le sens de favoriser la conspiration.
Que la preuve de cette correspondance résulte d° d'une l'ettre (sic) dattée d'Evreux le 13 juin dernier écrite par Barbaroux à Lauze-Duperret, dans laquelle on lit « n'ou« blie pas l'estimable citoyenne Rolland et tâche de lui « donner quelques consolations dans la prison en lui « transmettant les bonnes nouvelles, etc. »; 20 d'une autre l'ettre dattée de Caen le 15 dudit mois de juin du memeaum~mo dans laquelle on lit: «Tu auras sans « doute encore remplie ma commission à l'égard de « M" Rolland, en tâchant de lui faire passer quelques « consolations, etc., fais tes efforts pour la voir et pour « lui dire que les 22 proscrits, que tous les hommes de « bien partagent ces maux, etc. Je te remets ci-joint 1. Les Girondins.
« une lettre que nous écrivons à cette estimable citoyenne « je n'ai pas besoin de te dire que toi seul peut remplir « cette importante commission etc. Il faut à tout prix «qu'elle tente de sortir de sa prison et de se mettre en « sûreté etc. »; 3" D'une autre l'ettre écrite par LauzeDuperret à la ditte femme Rolland dans laquelle on lit: « J'ai gardé plusieurs jours trois l'ettres que Bar. et « Bu. m'avaient adressé pour vous sans qu'il m'ait « été possible do vous les faire parvenir; et ce qu'il y a « de plus fâcheux, c'est qu'au moment où je pourrai le « faire en profitaut de la voye que vous me fournissés la « chose est devenue impossible, attendue qu'elles se « trouvent entre les mains de Pet. à qui j'avais crue « devoir les remettre, le croyant mieux à même que « tous autres de vous les faire passer et qui est partis « sans avoir pu y réussir; j'en avertirai dès aujourd'hui « ces citoyens à qui j'ai écrit par une voye sure et les « préviendrai du moyen que j'ai maintenant de pouvoir « mieux remplir leurs commissions etc. »; 4° d'un billet datté du 24 juin écrit par elle, femme Rolland à Duperron, par lequel elle lui annonce qu'on l'a fait sortir de l'Abbaye, qu'elle croyait revenir chez elle, mais qu'avant d'y entrer on l'a arrêtée pour la conduire et l'engage de no pas l'oublier; 5° Et enfin de trois autres lettres par elle pareillement écrites à Lauze Duperret, la première en datte du 6 juin, la seconde sans datte et la troisième en datte du 24 juin dans la seconde, on lit « Les non« velles de mes amis sont le seul bien qui me touche « vous avez contribué à me le faire gouter. Dites leur « que la connaissance de leur courage et de tout ce « qu'ils sont capables de faire pour la liberté me tient « lieu et me console de tout. Dites leur que mon estime, 1. Barbaroux.
2. Buzot.
3. Pétion.
« mon attachement et mes vœux les suivront partout. « L'affiche de B. m'a fait grand plaisir etc. » D'après le contenu des dittes l'ettres, on ne peut douter que la ditte femme Roland ne fut un des principaux agents et complices de la conspiration.
Ce considéré, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Marie-Jeanne Philipon, femme Rolland, cydevant ministre de l'Intérieur, pour avoir méchamment et à dessein participé à la conspiration qui a existé contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la tibertf et la sûreté du peuple français, en réunissant chez elle en conciliabules les principaux chefs de cette conspiration et entretenant avec eux des correspondances tendentes à faciliter leurs projets liberticides. Pourquoi l'accusateur pubfiu requiert qu'il lui soit donné acte par le tribunal assemblé do l'accusation par lui porté contre Marie-Jeanne Philipon, femme Rolland, en conséquence, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, la ditte Marie-Jeanne Philipon, femme Rolland, sera pris au corps, arrêté et écroué sur les registres de la maison d'arrêt de la Conciergerie du Palais à Paris, où elle est actuellement détenue, pour y rester comme en maison de justice, comme aussi que ta ditte ordonnance sera notifié tant à t'accusée qu'à la municipalité de Paris.
Fait au cabinet de l'accusateur public le dix-sept brumaire de l'an second de la République Française une et indivisible.
A. Q. FououiER.
(~'c/:M)M Mt<tO)t<~M, série W, carton 290,
dossier 227, pièce 31.)
PROCÈS DE BAILLY
Arrêté, le 8 septembre 1793, à Melun, l'ancien maire de Paris fut traduit, le 9 novembre, devant le Tribunal révolutionnaire, présidé par Dobsen, assisté de ~Maire, David et Naulin. Le principal grief invoqué contre lui fut la fusillade du Champ-de-Mars. Aussi le jugement le condamna-t-il à être exécuté sur )e lieu témoin du crime, « sur la place de l'esplanade entre le Champ-de-Mars et la Rivière de Sesne o le 21 brumaire Arrivé à la place de l'exécution sous une pluie battante, Bailly vit démonter ]a guillotine par le peuple furieux, voulant éviter la souillure de ce sang coupable à la terre sacrée de la .Fcd!<')'ft<tOM. L'échafaud fut remonté plus loin, et cet incident retarda l'exécution de plus d'une heure.
1. Ordre d'exécution adressé par Fouquier-Tinville à Sanson (.iUtMee Gt'f~Mt).
2. M. Campardon (Le 7'f~MMS~ ?'e'fo/M<M)MHaM'e de Paris, tome H, p. 3T!) place l'exécution de Bailly au 20 brumaire. Bailly fut condamné le 20, mais l'exécution remise au 21, pour permettre à Sanson de dresser la guillotine au Champ-de-Mars. Le 24, c'est la date expresse indiquée par Fouquier dans l'ordre adressé le 20 au bourreau.
Antoine-Quentin ~'OM~MlSr-7'tMUt//e,AcCMSC[<eM!' public du ?'<'t6ttNN< criminel e.r<faot'Ha!~ et ~eMO~M<!OKnaire, etc.
Expose qu'en vertu du mandat d'arrest par lui décerné le quatrième jour de la seconde décade de Brumaire de l'an second de la République française une et indivisible,' il auroit fait extraire de la maison d'arrêt de la Force et traduire en celle de la Conciergerie, le nommé Jean Silvain Bailly, ex-maire do la municipalité de Paris, arrêté par mesure de Sureté générale dans l'étendue du district de Melun et contre lequ'el diverses pièces avaient été remises à l'accusateur public dès le vingtième jour du mois de vendémiaire dernier.
Que dès le même jour, quatorze du présent mois, ledit Bailly a été interrogé par l'un des juges du tribunal. Que de l'examen des pièces il résulte qu'abusant de la confiance du peuple, Bailly, de concert avec Lafayette, a emploié tous les moiens qui étoient en sa puissance pour favoriser l'évasion de Capet, de la femme et de la famille du tiran, qu'il paroit même qu'il se proposoit de le suivre ou de se soustraire par la fuite si le projet manquoit, d'après les préparatiis qui se sont faits dans l'intérieur de sa maison à cette époque.
Que Capot arrêté à Varennes, ayant été ramoné à Paris, l'assemblée constituante de laqu'elle Bailly étoit membre, aiant laissé prévoir la molesse et la partialité qu'elle se proposoit de mettre dans son jugement et le peuple manifestant son opinion à cet égard, Bailli, servilement vendu au tiran, n'a pas rougi d'emploier les moiens les plus odieux pour étouffer la voix des patriotes qu'il traitoit hautement et à l'assemblée et à la municipalité d'anarchistes et do rebelles aux loix.
Secondant de tous ses efforts le traître Lafayette, il sorvoit ainsi que lui, le complot perfide ourdi aux Thuilleries contre la liberté et la souveraineté du peuple. Que plusieurs citoyens ayant, conformément a la loi
dont Bailly avoit toujours le nom àla bouche, déclaré à la municipalité qu'ils entendoient s'assembler au Champ de Mars pour y rédiger une pétition à présenter à l'assemblée nationale, celui-ci feignit d'ignorer cette déclaration légale, e) au mépris d'icelle osa mettre en vigueur l'odieuse loi martiale contre ce même peuple qui l'avoit investi de sa confiance et porté à la première magistrature. Que pour parvenir à son but qui étoit d'armer les citoyens les uns contre les autres, et de profiter de son ascendant, ainsi que de celui de son complice La Fayette, sur une portion des habitants de Paris, pour faire massacrer les patriotes qui osoient dire la vérité sur le compte du tyran, il se permit les plus odieuses manœuvres. Qu'il supposa, entre autres choses, qu'il venoit d'éclater une émeute violente au Champ-de-Mars et ce contre l'attestation de trois officiers municipaux, envoyés sur les !ie'tx en qualité de commissaires, et dont le procèsverbal établit sans réplique la fausseté des assertions et allégués de Bailly.
Qu'il fit décider alors, et contre la réclamation des commissaires, la proclamation de la loi martiale et se mit à la tête de la municipalité et d'une force armée considérable pour aller jouir du plaisir barbare de faire égorger ses frères.
Que ce qui prouve la scélératesse de sa conduite et établit qu'elle était la suite d'un complot, c'est que loin de se conformer à la loi qui exige trois proclamations avant d'en venir à l'extrême rigueur, il n'en a été faite aucune, à moins que Bailly ne veuille compter celle qu'il a fait faire sur la place de la maison commune et que tout porte à croire n'avoir été que le signal aux malveillans et aux gens affidés pour se rendre au Champ de Mars y provoquer la force armée par des injures, des menaces et quelques pierres, dans le dessein sans doute de couvrir l'action infame d'avoir fait feu avant les trois proclamations prescrites par la loi.
Que ce qui convertit ce soupçon en certitude, c'est qu'il paroit constant qu'au lieu de diriger )e feu sur les assaillans placés sur les banquettes ou gradins environnans le Champ de Mars, l'on a tiré sur les citoyens paisibles et sans armes étant sur les gradins ou à t'entour de l'autel de la patrie, qui avoient à peine vu arriver la municipatité et la force armée, qui n'ont été avertis qu'en recevant la mort et que l'on a inhumainement massacré, soit avant qu'ils puissent se croire punissables, soit lorsqu'ils cherchoient â échaper par la fuite à la fureur de leur premier magistrat, du commandant Lafayette, des deux hommes enfin qui ont quitté l'honorable fonction de deffensours des citoiens pour en devenir les bourreaux. Qu'une nouvelle preuve matérielle de la perfidie et de la profonde scélératesse de Bailly résulte du soin qu'il avoit mis à rendre le signal de la mort le moins apparent possible, que l'on ne peut, sans frisson d'horreur et d'indignation, voir l'espèce deluxe apporté dans ta fabrication du funeste drapeau dont nul homme ne pouvoit se charger sans trembler considérez surtout le petit volume anquo! on l'avoit réduit, lorsque l'humanité commandoit qu'il fut assez grand pour être apperçu bien au delà de tout l'espace que peut parcourir le plomb meurtrier.
Qu'il résulte encore de l'examen des pièces d'autres preuves de l'impopularité de Bailly et de sa soif du sang du peuple, dont on ne peut douter en examinant sa conduite envers les membres du Comité de la section de la fontaine de Grenelle, lors de l'affaire dos Théatins, en l'entendant lui, maire, sur l'observation des commissaires de cette section que l'éxécution do sa volonté à force ouverte auroit peut-être fait périr cinq cens hommes, répondre c'eM< e/jMH ma//teM<\ mais t~a'<< o~e~ D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Louis Silvain Bailly ex maire de la municipalité de Paris, pour avoir méchamment, do dessein et de complicité avec Louis Capet, Mario-Antoi-
nette et Moitié, dit La Fayette, tramé ia fuite de Capet et de sa famille, ce qui tendait à allumer la guerre civile en France, avoir, en outre, de complicité avec les mêmes, tramé des complots contre la sureté intérieure de la France et cherché à allumer la guerre civile et armer les citoyens les uns contre les autres, notament lors de l'affaire des Thêatins et plus particulièrement lors de l'affaire du Champ-de-Mars où it a fait massacrer un nombre incalculable de citoïens, en supposant faussement une émeute, un rassemblement contraire a la loi, rigoureusement observée par les pétitionnaires, et en violant, au contraire, de sa part, les dispositions impérieuses de celle dont il voulait voiler son crime, ce qui est contraire aux dispositions de l'article deux du titre premier de la deuxième section de la seconde partie du code pénal, et encore aux dispositions de l'article cinq du titre premier de la cinquième section du même code, même partie. En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte par )e tribunal assemblé de la présente accusation, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance a intervenir Louis Silvain Bailly, ex maire de Paris, actuellement détenu dans la maison d'arrest dite la Conciergerie du Palais, sera écroué sur les registres de ladite maison pour y rester comme en maison de justice, comme aussi que l'ordonnance à intervenir sera notifiée à la municipalité de Paris et à l'accusé. Fait au cabinet de l'accusateur public le septième jour de la seconde décade de brumaire, l'an deuxième de la République française une et indivisible.
A. Q. FOUQUIEH,
(~c/t!'Ms M<!OM<M, série W, carton 294,
dossier 23S, p. 77.)
PROCÈS DE LA DU BARRY
Le réquisitoire de Fouquier, dans le procès de l'ancienne maîtresse royale et de ses banquiers, est assurément le plus curieux de tous ceux qui furent prononcés devant 4e Tribunal révolutionnaire. Jamais il ne décrivit, avec une indignation aussi sincère, et, on peut bien le dire, bourgeoise, un accusé coupable du crime de lèse-morale. Sa rhétorique mêle le mépris à la colère, use de toutes les ressources des effets faciles, et va jusqu'à insinuer que la maîtresse du « Sardanapale moderne » (c'est de Louis XV qu'il s'agit) a pu être aussi celle de « l'infâme Pitt ». C'est un des rares réquisitoires où l'Accusateur public sacrifie a la littérature et la mêle aux faits stricts et secs de la prévention.
Condamnée à mort le 16 frimaire, la Du Barry fut exécutée le 17, et on sait que ses cris, ses supplications, ses hurlements tirent, ainsi que le dit Michelet, qu'on douta que la guillotine, ce supplice si doux, ne fût rien.
AH<OMe-~MM<t'H ~M~M'tef, /tcCMSa(CMt' public ~M ?'n&!<Ha/ ~Hoht/tOHHNM'e, etc.
Expose que par délibération du Comité de Sûreté gênérate et de Surveillance de la Convention Nationale du vhgt neuf brumaire dernier, il a été arrêté que Jeanne Vaubernier, femme du Barry, Jean Baptiste Vandenyver,
Edme Jean Baptiste Vandenyver et Antoine Augustin Vandenyver seroient traduits au tribunal révolutionnaire, qu'en conséquence la nommée Vaubernier femme du Barry a été constituée prisonnière dans la maison d'arrêt dite Sainte Pélagie, et que les nommés Vandenyver père et fils, banquiers hollandais, furent également constitués prisonniers dans la maison d'arrêt dite la Force, que les pièces concernant cesdifférerisaccusés,ont été aportées à l'accusateur public le 30" jour brumaire et qu'ils ont été interrogées les deux, quatre et sept frimaire suivant par l'un des juges du tribunal.
Qu'examen fait des dites pièces par l'accusateur public, il en résulte que les playes profondes et mortelles qui avoient mis la France à deux doits (sic) de sa perte avoient été faites à son corps politique bien des années avant la glorieuse et impérissable Révolution qui doit nous faire réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a délivré pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous tenoient enchainés sur l'héritage de nos pères;
Que pour prendre une idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jetter un coup d'œil rapide sur les dernières années pendant le cours desquelles le tyran français, Louis quinze du nom, a scandalisé l'univers en donnant la surintendance de ses honteuses débauches a cette célèbre courtisane;
Qu'en 1769, jce Sardanapale moderne se trouvant blazé sur toutes les'jouissances qu'il avoit poussées a l'excès dans le parc aux cerfs, se')'a~ infame ou le ~es/tonMCMf d'une !'t)/ttM<ë a!e /a.mtMM honnêtes /M/ consommé', s'abandonna lâchement aux vils complaisans qui l'entouroient pour réveiller ses feux presqu'éteints qu'un de ces odieux complaisans ayant fait laconnoissaticed'un cidevant comte du Barry noyé de dettes et le plus crapuleux libertin, eut 1. Souligné dans l'original.
occasion de voir chez lui la nommée Vaubernier, sa mattresse, qui n'étoit pressée dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le cidevant comte du Barry, à qui tous les moyens éioient bon (sic) pour parvenir à appaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder la Vaubernier, s'it parvenoit à la faire admettre au nombre des subalternes du crime couronné; que cette créature déhontée lui fut en effet présentée, et qu'en peu tems elle parvint par ses rares ta)ens a prendre l'empire le plus absolu sur le foible et débite despote. Bientôt des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus célèbres furent occupés aux chef découvres les plus dispendieux; elle devint la cause universelle des cidevant grands; les ministres, les généraux, les ci-devant princes de l'Eglise furent nommés ou cutbutés par cette nouvelle Aspasie, et tous venaient bassement faire fumer leur encens à ces genoux,~Le faste le plus insolent, les dépravations et les débordemens de tout genre furent affichés par elle; le scandale était à son comble, elle puisait à pleine mains dans les coffres de la nation pour enrichir sa famille et combler l'abime de dettes du cidevant comte du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au peuple, en se plaçant à coté d'elle dans les chars les plus brillans et la promenant ainsi dans différons lieux;
Que, pour ne pas effaroucher sa pudeur, l'accusateur public ne soulevera pas le voile qui doit couvrir a jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année mil sept cent soixante quatorze, époque à laquelle celui à qui des esclaves avoient donné le nom de bien-aimé, disparut de la terre, emportant dans ses veines le poison infect du libertinage et couvert du mépris des Français. Que la Dubarry fut reléguée à HothoI-Mazarin 3t de là a Meaux, dans la ci-devant abbaye do Pont-aux-Dames,
S
que dans cette retraite salutaire, elle aurait du faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des grandeurs et sur les désordres de sa conduitte, qui avait ontrainée la ruine de son Pays, mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier tyran des Français, il lui conserva non seulement la dépouille du peuple, mais encor la combla de nouvelles prodigalités, et lui conserva le château de Lucienne, où elle se forma bientôt une nouvelle cour à la qu'elle se présentèrent en foule les plus vils courtisans qui avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle, qu'elle les tint tous enchaînés u son char jusqu'à l'époque mémorable où le peuple français, fatigué du poids de ses chaînes, se leva, brisa ses chaînes, et en frapa la tête des despotes. Tous les soi-disant grands d'alors se voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale s'enfuirent épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depui-i trop longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté; mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu~à ceux qui ont épousé leurs projets sanguinaires. Que la Dubarry ayant vu se disperser l'essaim de ses adorateurs, et réduite à regarder' seulement sur son nombreux domestique, ne retrancha non seulement rien de son faste, mais forma le projet d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre de ses amis qui étoient restés en France et qui trouvaient chez elle un azile assuré, notamment Laroche, cidevant grand vicaire d'Agen, condamné à la peine de mort par jugement du tribunal. Que pour procurer d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un stratagème qui lui donne la facilité de faire quatre voyages à Londres, qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamans et autres effots dans la nuit du dix au 11 janvier 1791, t..Ri')!er?
et que les voleurs étaient passés en Angleterre où il fallait qu'elle se rendit pour en poursuivre la restitution, que ce vol n'était qu'un jeu concerté entré elle et un nommé Forth le plus rusé des espions que le cabinet britannique ait envoyé en France pour soutenir le parti de la cour et s'opposer aux progrès de notre révotution que pour poursuivre les autours de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différens passeports tant du ministre des affaires étrangères que de la municipalité de Lucienne et du département de Seine-et-Oise, dont plusieurs membres la protégeoient ouvertement, et particuUèrement le nommé Lavalerie, qui depuis s'est donné la mort; qu'au moyen de ces passe-ports, clandestins elle se joua impunément de la loj contre les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y étaient réfugiés, et auxquels elle a porté des sommes d'argent considérabtes, ainsi qu'il sera démontré par la suite, qu'elle avait également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus puissans, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et particulièrement avec l'infame Pitt, cet ennemi implacable du genre humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime qu'elle rapporta, dans la République française, une médaille d'argent portant l'effigie de ce monstre. Qu'elle favorisait également de tout son pouvoir les ennemis de l'intérieur auxquels elle prodiguait les trésors immenses qu'elle possédait qu'elle fit compter une somme de deux cens mille livres ex constitution de rente à Rohan-Chabot, qui possède des terres considérables dans fa Vendée, sur i'étendue desquelles s'est formé le premier noyau de rebelles, selon la commune renommée que par l'entremise d'un nommé Descours, cidevant chevaMor, elle prêta une pareille somme de deux cens mille livres à Laroche-
foucault, ancien évèque de Rouen que ce même Descours, détenu à la Force, le nommé Labondie, son neveu, et le cidevant vicomte de Jumilhac, émigré, ont reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle provoquait des rassemblemens dans son pavillon de Lucienne, dont elle voulait faire un petit chateau fort, ce qui est suffisamment prouvé par les huit fusils que son bon ami, ce scélérat d'Angremont, excroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que c'était la municipalité de Lucienne qui demandait ses (sic) fusiis; qu'elle contenait' tellement sur la contre-révolution à laquelle elle travaillait si puissamment qu'elle avait fait cacher dans sa cave sa vaisselle platte et autre argenterie; qu'elle avait fait enterrer dans son jardin ses diamans, son or, ses pierres précieuses, avec les titres de noblesse, brevets etc., de l'émigré Graillet; qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus riches et les bustes de la Royauté, et qu'elle avait dans un grenier un magazin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle avait nié l'existence qu'il a été trouvé chez elle une collection rare d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires que lors de son séjour à Londres elle a publiquement porté le deuil du tyran.
Que cette femme enfin, qui a fait tout le mal qui était en elle, et dont Forth le fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument utile aux cours des Thuitteries et de Londres, entretenait des correspondances et des liaisons avec Crussol, Depoux, Canonet, Calonne, Daiguillon, Beauveau, Chavigny, Mortemart, Brissac, FrondeviHe, Coigny, Brancas, Deneste, Lavau,palière, Durfort, Maussabie, Breteuil, Boissesson, Narbonne, Rohan-Chabot, Larochefoucault et une foule d'autres dont il serait trop long de donner l'énumération, 1. HsM coHt~)<a!)<.
qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français en étaient chassés ou persécutés, ce qui ne peut laisser aucun doute sur le rote odieux que jouait cette femme que l'on doit regarder comme un des plus grands Héaux de la France et comme un gouffre effroyable dans lequel s'est englouti une quantité effrayante de minions.
Qu'il résulte encore des pièces que la caisse des nommés Vandenyver père et fils était un trésor inépuisable, et que ces agioteurs fameux versaient l'or à grands flots sur les émigrés en remettant des sommes immenses à la Dubarry, lors de ses voyages en Angleterre, pour leur être délivrées; et que ce sont ces perHdos étrangers qui avaient fait passer à Amsterdam les diamans de cette dernière pour y être convertis en numéraire Que sous le stupide prétexte de son procès, ils lui donnèrent une lettre de crédit de six mille livres sterlings, lors de son voyage en Angleterre, en mil sept cent quatre vingt onze; que pour un autre voyage ils lui en donnèrent une do deux mille livres sterlings, une autre en mil sept cent quatre vingt douze de cinquante mille livres sterlings, et enfin une autre inimitée, que les Vandenyver ont aussi fourni les deux cents mille livres pour Rohan-Chabot de la part de la Dubarry et les deux cents autres mi!Ie livres pour le cidevant évêque de Rouen, Larochefoucault, qu'il est à remarquer que ce dernier prêt s'est fait par les ordres de la Dubarry, pendant son séjour à Londres, que ces manœuvres constatées au procès sont trop grossières pour qu'il soit possible de résister à la persuasion intime qui na!L naturellement que ces sommes prodigieuses n'étaient destinées que pour les émigrés, qu'ils étaient si bien accoutumés à ce manège qu'ils partageaient avec la majeure partie des autres ban uiers do Paris ce qui nous a causés tant de mal;
Qu'ils fournirent encore des fonds à la Dubarry postérieurement à la loi contre les émigrés, et qu'ils la rangeait dans cette classe, puisque, par leur lettre du mois de novembre mil sept cent quatre vingt douze, ils lui conseillèrent de rentrer en France, parceque, est-il dit dans cette lettre, les décrets de la Convention nationale sont fulminans contre les sujets absents qu'on qualifie tous d'émigrés
Que ce qui prouve encore d'une manière irrésistible que les Vandenyver ont toujours été les ennemis de la France, à laquelle ils ne tenaient que par intérêt, c'est qu'ils étoient complices du complot abominable qui exista en 1782, entre le dernier de nos tyrans et celui d'Espagne, pour opérer une banqueroute chez les deux nations et en~.outir la fortune publique, que par suitte de cet agiotage infernal Vandenyver, Pierre La Laune, Girardot, Haller, Le Coulteux et Antoine Pacot, mort en 1786, sont devenus propriétaires d'un mandat au porteur ou cédule d'un million de piastres fortes tiré par le roi d'Espagne sur son trésor de la Havanne (dans lequel il n'y avoit pas un sol) laditte cédule à l'ordre des banquiers Cabarrus et Laloune, négotians à Madrid, le sept décembre 17M, et que par un revirement de finance, que l'on peut qualifier de brigandage effréné, dans lequel ils firent un profit connu d'eux seuls, on voit l'exécrable Calonne devenir à son tour propriétaire de cette inscription fantastique, qu'il noya dans l'emprunt des rentes viagères créées en 1783;
Qu'enfin, pour combler tant de forfaits ténébreux, les Vandenyver père et fils sont prévenus de s'être trouves au nombre des chevaliers du poignard, dans la journée du 10 aout, et d'avoir tiré sur le peuple.
D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public a dressé le présent acte d'accusation contre Jeanne Vaubernier, femme Dubarry, Jean Baptiste Vandenyver, Edme Jean Baptiste Vandenyver, et Antoine Augustin Vandonyver,
pour avoir méchamment et à dessein, savoir, Jeanne Vaubernier femme Dubarry, conspiré contre la République française et favorisé le succès des armes de ses ennemis sur son teiritoire, en leur procurant des sommes exhorbitantes dans les différents voyages qu'elle a faits en Angleterre, où elle a émigré elle-même et dont elle n'est de retour que depuis le mois de mars dernier; avoir entretenu des correspondances et des liaisons intimes avec les émigrés et autres ennemis de la liberté et de l'Egalité; avoir porté, à Londre, le deuil du tiran et y avoir vécu familièrement avec le parti ministériel, et particulièrement avec Pitt, dont elle a rapportée et conservé précieusement l'effigie empreinte sur une médaille d'argent; avoir completté une collection d'ouvrages et estampes contre-révolutionnaires; avoir fait enterrer les lettres de noblesse d'un émigré, ainsi que les bustes de la cidevant cour; et enfin, avoir dilapidé les trésors de l'Etat par ses dépenses eurénées.
Et Jean Baptiste Vandenyver, Edme Jean Baptiste Vandenyver et Antoine Augustin Vandenyver père et fils, pour avoir également méchamment et à dessein conspiré contre la République française et favorisé les armes des ennemis sur son territoire en leur fournissant des sommes prodigieuses par le ministère do la Dubarry, lors des voyages de cette dernière en Angletterre; avoir aussi favorisé les projets des ennemis de l'intérieur, en donnant deux cents mille livres à Rohan-Chabot, et deux cents autres mille livres à La Rochefoucault, cidevant évèque de Rouen avoir été les instrumens et complice d'un plan de banqueroute générale, qui aurait perpétué l'esclavage des Français et sauvé la tête du-tyran; et avoir enfin coopéré au massacre du peuple, dans la journée mémorable du 10 août, étant au nombre des chevatiers du poignard, dans ]e cidevant château des Tituilleries. En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte par le tribunal assemblé do l'accusation
qu'il porte contre Jeanne Vaubernier, femme Dubarry, actuellement détenue dans la maison d'arrêt dite SaintePélagie, et contre Jean Baptiste Vandenyver, Edme Jean Baptiste Vandenyver, et Antoine Augustin Vandenyver actuellement détenus dansla maison d'arrêt dite la Force; qu'il soit dit et ordonné qu'à sa diligence, et par un huissier du tribunal porteur de t'ordonnance à intervenir, la ditte Vaubernier, femme Dubarry, et les Vandenyver, père, et ses deux fils, seront retirés, sous bonne et sûr '(sic) garde, des maison d'arrêt de Sainte-Pélagie et de la Force, pour être transférés dans la maison d'arrêt, dite la Conciergerie, sur les registres de taqu'etle ils seront écroués, pour y rester comme eh maison de justice comme aussi que l'ordonnance à intervenir f.ora notifSée à la municipalité.
Fait au cabinet de l'accusateur public le treizième jour de frimaire, l'an deuxième de la République française une et indivisible.
A. Q. FououtËR.
(M«see des /t)'C'/Kt)f.S' ?M<tO!:f<<tM.)
PROCÈS DES HÉBERTISTES
Au moment où la Commune anarchique et autonome, ayant à sa tête et comme principaux moteurs insurrectionnels Pache, Chaumette et Hébert, devenait un danger pour les Comités, elle fut frappée d'un coup si brusque que rien ne la put sauver. Renvoyée devant le Tribunal révolutionna.ire, elle se vit accusée de complicité avec l'étranger, ce qui était pour le moins exagéré. Sa rëvotte contre le gouvernement jacobin suffisait, a-t-on dit. Si ses projets avaient réussi, nous aurions eu une nouvelle Saint-Barthétemy 1 L'on se serait égorgé les uns les autres sans savoir pourquoi » Cela, c'est un propos qu'un policier note, parmi les groupes, sur la route des charrettes, le 4 germinal. Et ce propos, c'est presque le jugement de l'Histoire sur les hébertistes et leur politique.
AK/OMC-()M(.M<tM 7~0M?MM! ~CCt<~«eM<' public ~t 7')'&t<na/ ~uo/M<tOMMa!'7'c. etc.
Expose que par décret de'ia Convention du seize ventôse, l'accusateur public est chargé d'informer sans délai contre les auteurs et distributeurs de pamphlets, manusi. Rapport de l'inspecteur de police Pourvoyeur, 5 germinal. /<c/ttf(M Ha/tona~if, série W, carton 174, pièce 65.
crits, répandus dans les halles et marchés, et qui sont attentatoires à la liberté du peuple françois et à la représentation nationale, et de rechercher en même temps les auteurs et agents des conjurations formées contre la sûreté du peuple, et les auteurs de la méfiance inspirée à ceux qui apportent des denrées et des subsistances à Paris, qu'en exécution de ce décret, il a été procédé à des informations et auditions de témoins qu'en onséquence du résultat de ces dépositions et des pièces remises, l'accusateur .public a décerné mandats d'arrest et traduit au tribunal révolutionnaire
'1" Charles Philippe Ronzin, âgé de quarante-deux ans, né à Soissons, département de l'Aisne, demeurant à Paris, boulevard Montmartre, commandant de l'armée révolutionnaire.
2° Jacques René Hébert, âgé de trente-cinq ans, natif d'Alençon, département de l'Orne, agent national près la commune de Paris.
3° François Nicolas Vincent, âgé de vingt-sept ans, secrétaire générât du département de la guerre, natif de Paris, y demeurant, rue des citoyennes, section de Mutius Scevola.
4° Antoine François Momoro, âgé de trente-huit ans, né à Besançon, département du Doubs, demeurant à Paris, rue de la Harpe, n° ni, imprimeur libraire et administrateur du département de Paris.
5° Frédéric Pierre Ducroquet, âgé de trente et un ans, né à Amiens, cydevant perruquier coefïeur et commissaire aux accapareinens do la section de Marat, rue du Paon, n° 2.
6" Jean Conrard Kock, âgé de trente-huit ans, né à Husden, en Hollande, banquier, demeurant à Passy. Michel Laumur, àgé de soixante-trois ans, né à Paris, cydevant colonel d'infanterie, maintenant gouverneur de Pondichéri, demeurant rue Croix des PetitsChamps.
8° Jean Claude Bourgeois, âgé de vingt-six ans, demeurant à Paris, rue des sans-culottes, section de Mutius Scœvola.
9" Jean Baptiste Mazuel, âgé de vingt-huit ans, né à Ville-Affranchie, chef d'escadron dans l'armée révolutionnaire, demeurant à Versailles, boulevard do l'Égalité. 10° Jean Baptiste Laboureau, âgé de quarante une (sic) ans, natif d'Arnay-sur-Aron, département de la Côte d'Or, médecin et premier commis au conseil de santé, demeurant rue do la Harpe.
11° Jean Baptiste Aucar, âgé de cinquante deux ans, employé au département, au bureau des recherches des émigrés, natif de Grenoble, demeurant à Paris, rue fhs mauvais garçons.
12° Armand Hubert Leclerc, cydevant chef de division au bureau de la guerre, demeurant à Paris, rue GrangeBatelière.
13° Jacob Pérore, âgé de cinquante un ans, né à Bayonne, département des Basses-Pyrénées, manufacturier de tabac, demeurant a Paris, rue Saint-Denis, n° 55. 14° Marianne Latreille, femme Quétineau, âgée de trente quatre ans, née à Montreuit-BeUay, près Saumur cy-devant cultivateur, demeurant à Paris, rue de Rohan, chez la citoyenne Corbet et depuis rue et maison de Bussi.
15° Anacharsis Clootz, âgé de trente huit ans, né à Clèves, demeurant a Paris rue de Ménards n" 563, section Le Pelletier, cydevant député à la Convention nationale, homme de lettres.
16° François DefMeux, âgé de trente neuf ans, né à Bordeaux, demeurant à Paris rue des Filles Saint Thomas section Le Pelletier, marchand de vins de Bordeaux. 17° Antoine Decomble, âgé de vingt-neuf ans, né à Besançon, département du Doubs, demeurant à Paris, 1. Lisez M~HM.
rue Saint Croix de la Bretonnerie, section des droits de l'homme, secrétaire-greffier de la ditte section. 18" Jean Antoine Florent Armand, âgé de vingt-six ans, né au Chailat, département de l'Ardèche, élève en chirurgie, demeurant à Paris rue et maison de Bnssy. 19° Pierre Ulric Dubuisson, âgé de quarante-huit ans, né à Laval, département de la Mayenne, demeurant à Paris, rue Saint-.Honoré, section de ia Montagne n° 1443 homme do lettres.
20° Pierre Jean Berthold Proly, âgé de quarante-deux ans, né à Bruxelles, demeurant à Paris n" cydevant négotiant; actuellement sans état.
Qu'examen fait tant des interrogatoires que des pièces et charges, il en résulte que jamais il n'a existé contre la souveraineté du peuple françois et sa liberté de conjuration plus attroce dans son objet, plus vaste, plus immense dans ses rapports et ses détails que celle ourdie par les prévenus, et que l'active vigilance dévoilée par la convention vient de faire échouer en la dévoilant et en livrant au tribunal ceux qui paraisssent en avoir été les instruments principaux.
En effet, cette exécrable conspiration, dirigée par des individus qui avoient trompé la nation entière par les dehors les plus spécieux du patriotisme, avoit pour objet principal d'anéantir à jamais la souveraineté du peuple, la liberté françoise et de rétablir le despotisme et la tyrannie, en usant de tous les moyens pour priver ce même peuple des subsistances, et en projettant de massacrer et faire massacrer les représentants du peuple, les plus énergiques et les plus zélés deffenseurs de sa liberté. Le tiran indiqué pour asservir le peuple françois, ne devoit d'abord luy être présenté que sous le titre do grand juge, ainsi que la preuve en est établie dans les informations.
La représentation nationale devoit être anéantie et disparoitre avec les représentants du peuple qui auroient,
en périssant sous les poignards des conjurés, expié )e crime impardonnable, pour ces féroces agents de la tyrannie, d'avoir soutenu courageusement les droits du peuple.
Le gouvernement anglais et les puissances coalisées contre la République sont les véritables chefs de cette conjuration, dont les perfides agents masqués d'une profonde hipocrisie, qui se replioit en toussons pour faire ittusion, les uns étrangers et les autres sortis du sein de quelques autorités revêtus de la confiance du peuple qu'ils avoient usurpé, comblés de ses faveurs, élevés pour la pluspart aux fonctions publiques.
Les Ronsin, les Hébert, Monmoro, Vincent, des corrupteurs par état, et des généraux et des banquiers étrangers étoient les intermédiaires entre ces chefs et les agents qui me vouloient de la Révolution que des honneurs et des places, pour satisfaire leur ambition, et surtout des richesses avec lesquelles à t'instar des tirans ils parvinssent à entretenir leurs vices et à alimenter leurs débauches, en insultant aux généreux sacrifices du peuple pour sa liberté.
Cette conjuration méditée, suivie depuis longtemps sous les dehors du patriotisme touchoit à son exécution M moment où elle a échoué. Plusieurs factions qui seront rapprochées dans le cours de l'instruction usoient au même instant dés mômes moyens, excitoient les mêmes troubles pour arriver les unes et les autres à la destruction du gouvernement républicain, de la représentation nationale et à la ruine des meilleurs detiensours du
peuple.
II paroist que c'est chez le banquier hollandois Kock, à rT~ rendoient les principaux conjurés Ronsin, X~ ~"T~ après avoir médité dans 1 ombre leur révotte criminelle et les moyens d'y parvenir, ils se livroient, dans l'espoir d'un succès complet, à des orgies poussées fort avant dans la nuit.
Il paroit que ces conjurés s'étoient distribué chacun leur rolle. L'on voit Ronsin parcourant de son autorité privée toutes les maisons d'arrest de Paris avec l'un des sous-commandants Mazuel. On les voit faire des listes dans ces mêmes prisons, contenant les noms de ceux des détenus qu'ils croiroient propres à exécuter leurs infames complots'. L'on voit Hébert et Vincent dénoncer tantôt les mauvais citoyens, tantôt les courageux deffenseurs du' peuple, pour égarer l'opinion publique et confondre dans une ruine commune la représentation nationale et tous les patriotes comme auteurs de la disette des subsistances, tandis qu'il est prouvé qu'eux seuls, de concert avec leurs complices Ronsin et Mazuel, tenoient dans l'inaction la plus coupable une partie de l'armée révolutionnaire. L'on voit ces mêmes conjurés et leurs complices Monmoro, Ducroquet, Laboureau, Aucar et Bourgeois leur proposer de porter une main parricide sur ce qu'il y a de plus sacré, sur les droits de l'homme et les couvrir d'un voile funèbre. On les voit enfin dans tous les lieux publics et particuliers, avilir la représentation nationale en calomniant les patriotes les plus énergiques, oser même les qualifier d'hommes usés propositions faites et suivies sous toutes les formes par l'aristocratie. On les voit enfin calomnier également et avec un acharnement criminel sous tous les rapports les membres des comités de Salut publics et de Sureté générale et se permettre en un mot de demander le renouvellement de la représentation nationale. Ne calculant que le désespoir où ils auroient conduit le peuple, et méconnaissant sa vertu supérieure à tous les dangers, ils formoient l'espoir sacrilège de 1. L'on peut dire que le système de la conspiration dM prisons, qui servit, sous le régime do la loi du 22 prairial, à faire condamner à mort tant de suspects, est en germe dans cette phrase. Cette accusation sera reprise trois mois plus tard contre les détenus de Bicetre, du Luxembourg, des Carmes, de Saint-Lazare, des Oiseaux.
luy faire demander l'esclavage. C'est à ce plan -de conjuration qu:il faut attribuer les manoeuvres employées par Ducroquet, ses agents et ses complices pour empêcher, par tous les genres d'oppression, les approvisionnements, soit en dépouillant les vendeurs, soit en arrachant des mains des acheteurs, soit en laissant corrompre partie des denrées qu'il avoit indument saisi, soit en s'appropriant les autres.
Le système d'affamer Paris en écartant les approvisionnements de son enceinte, est suivi et exécuté par tous les complices dans le même tems et des fonctionnaires publics font les deffenses les plus sévères de laisser passer les provisions destinées pour Paris, des arrêtés pris par différentes communes, prononçant même des amendes contre quiconque apporteroit des denrées à Paris, prouvent .jusqu'à quel point les conjurés avoient porté l'excès des mesures qui pouvaient préparer et amener la crise effroyable qui devoit reproduire le despotisme et la tirannie.
L'on voit aussi que le projet de Ronsin et .de ses complices étoit moins de faire servir {'armée révolutionnaire pour l'intérest général de la République que de la réserver pour l'exécution de leurs affreux complots. Si, comme le disoit Ronsin luy-même, il parvenoit à porter t'armée révolutionnaire à cent mille hommes au lieu de six, ce plan d'une force armée aussy considérable de la part de Ronsin et de ses complices qui manifestait hautement le désir d'être un Cromwell, ne fut-ce que pour vingt quatre heures, démontre qu'il voulait, ainsi, que tous les usurpateurs, fonder sa domination sur les armes et les crimes de tous les genres.
Aussi s'ost-on apperçu bientôt des progrès rapides que faisoit chaque jour ce sistème de disette factice imaginé par les conjurés pour arriver plutôt à l'exécution de leur noir complot.
Les conjuré? suivants avec la plus active perversité le
cours de leurs trames en tiroient )e parti le plus utile à leurs projets, tandis qu'ils aigrissoient le peuple sur ses besoins journaliers. Ils en attribuoient la cause à ses représentants contre lesquels ils dirigeoient leurs coups. Vincent n'a pas craint de déclarer qu'il se proposoit d'habiller des manequins en représentants du peuple, et qu'il les placeroit dans les Tuileries en appettant le peuple autour de luy et en disant « Voyez les beaux représentants que vous avz; ils vous prêchent la simplicité et voilà comment ils se harnachent », projet qui tient évidemment au sistème d'avilissement de la représentation nationale formé par Vincent et ses complices selon les vues des despotes coalisés.
D'autres conjurés, les Deffieux, les Pérère, Proly, Lacombe, Anacharsis Clootz, Dubuisson;ia femme Quétineau, Leclerc etc., préparoient aussi de leur côte, par l'avilissement de la représentation sa dissolution et ne cratgnoient pas de publier leurs projets assassins en désignant les représentants du peuple qu'ils se preposoient de faire tomber sous leurs coups meurtriers. Ces conjurés commençoient par jetter les brandons do la discorde entre les membres des deux sociétés populaires' réunies jusqu'à ce jour pour écraser les traîtres et les despotes, et delà ils tentèrentles mémos manœuvres dans d'autres endroits soit publics, soit particuliers. Dans le moment où ces conjurés formaient le projet do la tévotte criminelle contre la souveraineté du peuple et le gouvernement révolutionnaire, tours émissaires se rëpandoien~ de toutes parts à Paris et dans les communes environnantes pour exciter par des placards incendiaires le rébellion envers la représentation nationale et les autorités constituées.
Do tous côtés, des pamphlets, des écrits distribués dans les halles, marchés et autres endroits publics, provo1. Les Cordeliers et les Jacobins.
quaient le peuple au retour de la tirannie, dont le rétablissement étoit préparé par cette horde de conjurés, en demandant hautement l'ouverture des prisons pour reu" io.'cer le nombre de leurs complices, arriver plus promptement et plus sûrement au massacre des représentants du peuple. Déjà même tout indique que de nouveaux instruments de mort se préparoient.
A cette fin, de fausses patrouilles devoient égorger les citoyens de garde aux maisons d'arrest. Le trésor public et la maison de la Monnaye devoient devenir la première proie des conjurés et de leurs complices.
H est à remarquer que le moment ou cette conspiration a éclaté est celuy où la Convention avait rendu un décret sévère entre les conspirateurs et assuroit leurs biens aux malheureux. C'est ainsi que ces conspirateurs, dont les forfaits devoient surpasser ceux même des despotes coalisés contre ie peuple françois, se proposoient de rétablir la tirannie et d'anéantir, s'il étoit jamais possible, la liberté qu'ils n'avoient paru deffendre que pour t'assassiner plus sûrement.
D'après l'exposé cy dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Ronsin, Hébert, Momoro, Vincent, Laumur, Kock, Proly, Deffieux, Anacharsis, Clootz, Pérére, la femme Quétineau, Armand, Ancor, Ducroquet, Leclerc, Mazuel, Laboureau, Dubuisson et Bourgeois pour avoir conspiré contre la liberté du peuple françois et la représentation nationale, pour avoir tenté de renverser le gouvernement républicain pour y substituer un pouvoir monarchique, pour avoir ourdi le complot d'ouvrir les prisons afin de livrer le peuple et la représentation nationale à la fureur des scélérats détenus, pour avoir coïncidé entre eux à la même époque dans les moyens et le but de détruire la représentation nationale, d'anéantir le gouvernement et livrer la république aux horreurs de la guerre civile et do la servitude pas- la diffamation, par la révolte, par la orruption des mcjurs, par
6.
le renversement des principes sociaux et par la famine qu'ils vouloient introduire dans Paris pour avoir suivi un sistème de perfidie qui tendoit à tourner contre le peuple et le régime républicain les moyens par lesquels le peuple s'est affranchi do la tirannie.
En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il luy soit donné acte de la présente accusation, qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, les nommés Ronsin, Hébert, Momoro, Vincent, Laumur, Kock, Proly, DefHeux, Anacharsis Cloots, Pérére, la femme Quétineau, Armand, Ancor, Ducroquet, Leclerc, Mazuel, Bourgeois, Laboureau, Dubuisson et Decomble, actuellement détenus en la maison d'arrest de la Conciergerie, seront écroués sur les registres d'icelle pour rester comme en maison de justice, comme aussi que l'ordonnance à intervenir sera notifiée tant à ta municipalité de Paris qu'aux accusés.
Fait au cabinet de l'accusateur public, le trente ventôse l'an second de la République française une et indivisible.
A. Q. FouounsR.
(Archives nalionales, série W, carton 339,
dossier 617, pièce 25.)
PROCÈS DES DANTONISTES
L'accusation contre les dantonistes fut scindée en cinq parties. Fouquier rédigea un acte d'accusation contre Westerma"n, joint aux accuses le 14 germmal; un autre acte contre Lullier qui fut acquitté, et un troisième acte enfin contre Gusman, les deux frères Frey, d'Espagnac et Diederichsen. C'est ce dernier que nous donnons ici. Quant à Danton, Desmoulins, Hérault de Séchelles, le rapport de Saint-Just servit contre eux d'acte d'accusation; pour Fabre d'Ëgîantine, Chabot, Delaunay (d'Angers) et Bazin, ce fut le rapport d'Amar. Commencé le 13 germinal, le procès s'acheva le 16 par la condamnation des accusés, qui furent exécutés le même jour. Une note de Fouquier, sur la feuille d'exécution adressée au bourreau, le prévint du besoin de « Tt'OM voitures ». Les cadavres, furent inhumés au cimetière des Errancis (Monceau), ouvert depuis le 5 germinal précédent.
AM<otHe-<.)«6H.<:M Fouquier, ~ccM~<t<eut- public du 7'W&M'ta~ révolutionnaire, etc.
Expose que par décret de la Convention Nationale du vingt un ventose dernier, il a été décrété qu'il y avoit lieu
à accusation contre Delaunay-Dangeres', Julien de Toulouse, Fabre d'Egtantine, Chabot et Bazire.deputés,comme prévenus d'avoir participé à la conjuration ourdie contre le peuple français et sa liberté, la ditto conjuration tendante à diffamer et à avilir la représentation nationale et à détruire, par la corruption, le gouvernement républicain et les accuse d'y avoir pris part, savoir le dit Chabot, Delaunay-Dangeres, Julien de Toulouse et Fabre d'Eglantine en trafiquant de leur opinion, et en devenant auteur? ou complices de la suppression et de la falsification du décret du dix-sept vendémiaire concernant la compagnie des Indes, et en y substituant ou ayant concouru à y substituer un faux décret promulgué sous la datte du même jour, et ledit Bazire pour s'être rendu leur complice en gardant le silence, soit sur les révélations qui lui ont été faites de leurs manœuvres criminelles, soit sur les propositions intéressées qui lui ont été faites, et a renvoyé les dénommés au dit décret, à l'effet d'y être jugés conformément aux lois; en conséquence elle a décrété que le raport, les pièces à conviction et autres instructions relatives à cette affaire seroient adressés sans délai à l'accusateur public.
Qu'en conséquence, d'après l'examen fait du raport, des pièces et des interogatoires subis par le dit Chabot, Delaunay-Dangeres, Fabre d'Eglantine et Bazire, le vingt deux frimaire dernier et jours suivans, par devant les réprésontans du peuple et les membres du Comité de Sureté Générale, l'accusateur public a décerné mandat d'arrêt et traduit au tribunal révolutionnaire Jean Frédéric Deiderichsen, agé de cinquante un ans, avocat, né dans les états allemands du roi de Danemarck dans le Holstein.
André Marie Gusman, espagnol, âgé de quarante un ans, né de Grenade en Espagne, ancien colonel à la · I. Lire d'~H~cM.
suite de la cavalerie, demeurant rue Neuve des Mathurins.
Marie René d'Espagnac, ex noble et ex abbé, âgé de quarante un ans, né à Brive, demeurant rue de l'Université.
Siegmann Gottelob Junius Frey, agé de trente-six ans, né à Brune, en Moravie, demeurant à Paris rue d'Anjou, faubourg Honoré.
Emmanuel Frey, agé de vingt-six ans, né de Brune, en Moravie, demeurant rue d'Anjou Honoré.
Tous deux frères et beaux-frères de Chabot, comme prévenus d'être les auteurs, fauteurs, instigateurs de la trame ourdie pour avilir, par la corruption de quelques uns de ses membres, la représentation nationale et parvenir à sa dissolution.
Qu'en effet il résulte du dit rapport, pièces et interrogatoires desdits Chabot, Bazire et autres adressés à l'accusateur public, que la conspiration de l'étranger, à laquelle vient d'échapper, encore la République française, étoit suivie, dirigée par les dits Benoît, Batz, Gusman, d'Espagnac et les frères Frey, qui ayant seu apprécier et connoitre le degré de perversité d'hommes couverts du masque du patriotisme et leur insatiable cupidité leur ont tendu, dans le dessein de dissoudre la représentation nationale, par l'avilissement des représentans du peuple, des pièges où leur excessive dépradation' les a fait donner. On voit que, dans cet exécrable complot, Benoit avec de Launay, son compatriote, agent de l'ex baron Batz, ex constituant, et l'Espagnol Gusman étoient les agons principaux de ce système de corruption. Ils étoient liés avec les Julien de Toulouse, Delaunay Dangeres et Chabot pour les opérations immorales' et eontrerévotutionnaires relatives à la compagnie des Indes. Ces agioteurs de profession poussoient à la hausse, à ta baisse, parta1. Lisez cMpt'a:!)a<!Ott.
geoient avec Launay-Dangeres et les autres associés les profits de leur infâme spéculation; Batz, suivait l'aveu de Launay lui-même, avoit travaillé deux projets de décret. L'un étoit destiNé à faire peur à la Compagnie pour faire baisser les effets, dont un certain nombre devoit être déposé. L'autre devoit faire hausser les effets et donner un bénéfice immense à l'association. Benoit, émissaire des conspirateurs Le Brun et Brissot en Angleterre; y avoit étudié l'art de la corruption et de la duplicité la plus audacieuse « Je ne sais pas pourquoi, disoit-il, on se refuse de faire fortune en France, t'orsque l'on peut en fesant rendre un bon décret. 'En Angleterre its s'en vantent en plein parlement. »
C'étoit aussi Benoit qui étoit le diffamateur, le calomniateur le plus acharné de la représentation nationale. C'étoit tui qui avoit promis à Chabot et à Bazire cinquante mille livres, pour qu'ils employassent leur prétendu crédit en faveur des traitres Ducoz et Fonfrède, et les soustraire au chatiment de leurs forfaits liberticides. La fuitte a dérobé ces deux banquiers conspirateurs au chatiment de leurs forfaits et au glaive de la loi.
Gusman, banquier habile dans le système de l'agiotage et en connoissant toutes les manoeuvres et toutes les ruses, agiotoit, intriguoit pour l'association et faisoit passer chez l'étranger les fonds amassés parle brigandage de ces lâches mandataires du peuple, à fin, comme ils ne craignoient pas de le dire, de se ménager une ressource dans le cas d'~ne contre-révolution qu'ils préparoient eux-mêmes par leurs crimes. C'est lui qui, dans le moment où le peuple exerçoit un grand acte de justice, répandoit l'argent parmi des conjurés, qu'il avoit introduit parmi le peuple; pour leur faire commettre des crimes dont le peuple a empêché l'éxecution. D'Espagnac, agioteur effréné, lié avec le conspirateur Proly, et qui a gagné à cet infame trafic des sommes énormes qu'il partageoit avec ce conspirateur déjà puni
de ses crimes, était aussi l'un des corrupteurs, avec d'autant plus de raison que ce moyenluiavoit déja reussy pour obtenir sa liberté, en donnant trois mille livres sterlings à Julien de Toulouze.
Enfin les frères Frey, aussi ex nobles et ex barons étrangers, agens de l'Angleterre et du cabinet de Vienne, masqués du voile du patriotisme, que Chabot prétend avoir été pendus en effigie à Vienne, avec confiscation de biens, afin de pouvoir faire croire à leur amour pour la liberté, trouvent le moyen, malgré cette confiscation', de donner en dot à leur sœur la somme de deux cent mt~e ~M'M pour le déterminer à épouser une étrangère, née dans la classe proscrite sous l'empire de l'Egalité. Jamais aucuns corrupteurs n'ont formé leurs trames avec plus d'audace et de scélératesse, jamais conspirateurs n'ont montré plus à découvert le véritab)o but des ressorts qu'ils fesoient jouer.
Que Deiderichsen, avocat de la cour de Dannemarck, ayant demeuré à Vienne et passé en France en m'! sept cent quatre vingt douze, est l'agent des frères Frey et do leurs manœuvres, que toute sa conduite ne présente qu'un instrument de complots et de trames. Prétendant n'exister que des secours de bienfaisance desdits Froy, on le voit cependant prêter à différons particuliers des sommes assez considérables développer les dehors do l'oppulence faire des négociations importantes sur l'étranger avec les banquiers, et enfin vouloir sortir du territoire français avec les sommes qu'il prétend tenir des dits Frey, au moment où il voit la chaîne de tant de manœuvres brisée et rompue.
D'après l'exposé cy-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Despagnac, les frères Frey, Gusman et Deideriehsen, pour avoir participé à la conjuration ourdie contre le peuple français et sa liberté, tendaxite à diffamer et'à avilir la représentation nationale, et détruire par la corruption le gouvernement répubh-
cain, en achetant et trafiquant de l'opinion de Chabot, Bazire, Julien de Toulouze, Delannay, Dangères et Fabre Déglantine, en devenant auteurs ou complices de manœuvres et intelligences pratiquées à prix convenu pour opérer la suppression et la falsification du décret du vingt sept vendémiaire concernant la compagnie des Indes, pour y substituer un faux décret promulgué sous la datte du même jour, ce qui est contraire à la loi du seize ventose dernier.
En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte de la présente accusation, comme aussi qu'il soit dit et ordonné que les dits Gusman, Frey frères, Sahuguet Despagnac et Deiderichsen seront pris au corps et écroués sur les registres de la maison d'arrêt de la Conciergerie où ils sont détenus pour y rester comme en maison de justice et que la ditte ordonnance soit notiffiée. Fait au cabinet de l'accusateur public le neuf jour (sic) du mois de germinal de l'an deux de là République une et indivisible.
A. Q. FououiER.
(~c/n'OM nationales, série W, carton 342,
dossier 648', pièce 61.)
PROCÈS DES ATHÉrS'I'ES
La conspiration des athéistes amena- revanche du culte del'Être Suprême sur le culte de laHaison -vingt six accusés devant le Tribunatrévohitionnaire, pendant les audiences des 2<, 22, 23 et 24 germinal an H. Celles-ci étaient présidées par Dumas, assisté de Foucault, Masson et Denizot.. Fouquier se Ct remplacer au cours du procè< par son Hubs-~tttutNauhn. Le jury, compose de Ganney, Xenaudin Trinchard, Dix-Août, Desbrosseaux, Laporte, Gravier, Didier, Petit-Tressein, Lumière, Topino-Lebrun, Fauvétty et Trev, condamna à la peine de mort dix-neuf accuses. Les sept acquittés Prangex, Cheneaux, Chardin, Dumas et Barbe. Parmi les défenseurs figuraient Latteutne et Chauveau-Lagarde.
~n<Ot~e-0MS)~!M ~OM~MM)', ACCMM~M)- public du ?~t6MHa{rf!MO<M<tOHMaM'e, etc. Expose que par décret de la Convention Nationale du seize octobre l'accusateur public est chargé d'informer sans délay contre les auteurs et distributeurs de pamphlets manuscrits répandus dans les bulles ei marchés et qui sont attentatoires à la iibertô du peuple françois et à la représentation nationale, et de rechercher en même temps les auteurs ou agents des conspirations formées
contre la sureté du peuple et les auteurs de la méSance inspirée à ceux qui apportent des denréob ct des substances à Paris.
Expose que par un autre décret de la Convention nationale du dix-huit présent mois, Philibert Simon, député à la Convention nationale, a été décrété d'accusation pour être traduit au tribunal révolutionnaire, qu'en exécution de ce décret il a été procédé à des informations et auditions de témoins, qu'en conséquence du résultat de ces dispositions et des pièces remises l'accusateur public, il a décerné mandat d'arrêt et traduit au tribunal révolutionnaire
1° Arthur Ditton, âgé de quarante trois ans, né en Angleterre à Braywick, demt maison garnie cyd' Bourbon, rue Jacob n° 38, cy-devant général divisionnaire. 2" Jean Baptiste Joseph Gobel, agé de soixante sept ans, natif de Thann, département du Haut-Rhin; cydevant evesque de Paris, demeurant isle de la Fraternité, quay de l'Egalité n° 13.
3" Jean Michel Beysser, agé de 40 ans, natif de Ribauvillers en Alsace, dep' du Haut-Rhin, général de brigade dans l'armée de t'Oueste, demeurant ordinairement a Lorient.
4° Pierre Gaspard Chaumet, agé de 31 ans, né à Nevers, dep' de la Nièvre, agent national de la commune de Paris et demt rue de l'Observatoire, aux cydevant Visitandines, et avant rue du Paon n° 3, section de Marat. 5° Marie Margueritte Françoise Goupille femme -Hébert, agé (sic) de 38 ans, native de Paris, dem' rue Neuve-de-l'Egàlité, cour des Forges, tenant une imprimorie.
6° Jean Baptiste Ernest Bucher, âgé de 43 ans, natif d'Amiens, dép' de la Saône, sous-lieutenant dans le rég' cydev~de ta Reine-Dragons, et actuellement le sixième commandant de la garde nationale] de Mesnit SI Deois, y demt, district de Versailles, dép. de Seine-et-Oise.
7° Marie Marc Antoine Baras, agé de 30 ans ou environ, natif de Toulouze, dép' de la Haute-Garronne, ancien administrateur du distric de Toulouze, dem' ordinairement à Toulouze.
8= Jean Jacques Lacombe, agé de 33 ans, né à Cajare, distric de Figeac, dep' du Lot, vivant de ses rentes, dem' à Paris, maison garnie des François, rue de Thionville n° 30, section de Moret.
9" Jean François Bereytter, agé de 43 ans, natif du canton et commune de Duslay, distric d'Avranches, dep' de la Manche, dom' à Paris, rue d'Anjou-Thionville n° 8, section de l'Unité, m'' de tableau et avant de papiers. 10" Jean Maurice François Le Brasse, agé de 31 ans, né à Rene, dep' de l'Isle et Villaine, Heutenant de gendarmerie près tes tribunaux, demt rue Jacques n° 9. 11° Guillaume Lasalle, agé de 24 ans, natif do Bouiogne-sur-Mer, distric du dit lieu, dep' du Pas de Calais, officier de marine, dem' ordinairement à Bouiogne-surMer, lors de son arrestation maison de France, rue Neuve de FEgaUté.
12° Prudon Antoine Prangey, commis à l'habillement. 13" AnnoPhUipoLuciie Heridon* Duplessis, ve Camille agé (sic) de 23 ans, native de Paris, demeurant rue du Théâtre-François.
14° Antoine Duret, âgé de 40 ans ou environ, adjudant général de t'armée des Alpes, natif de Romane en Forest, demi à Monbrisey, dep~ do la Loire, et lors de son arrestation à Sevré.
15' Alexandre Noury Grammont fils, agé de 19 ans, natif de Limoges, dep~ de la Haute-Vienne, officier dans la cavallerie rev'° et avant employé au bau de la guerre, dem' à Paris passage des Petits-Pères, n° 3, section de Guillaume Tell.
16° Jacques Moutin-Lambin actuellement Erémonte i. Lisez ta)'tf/o):.
Lambin, agé de 31 ans, natif de Chauny, distric de Chauny, dep' de Laisne, officier de santé actuellement employé au dep' de Paris, membre du comité de bienfaisance de la section Cheslier, dem* petite rue et section Chesliern° 133. 17" Noury-Grammont, agé de 42 ans, natif de La Rochelle, dept de la Charente-Inférieure, cydevant artiste du théâtre Montencier, ensuite adjudant g°', dem' ordinairement à Paris, passage des Petits-Pères, section de Guillaume Te)!.
18" Jean Marie Lapalut, agé de 26 ans ou environ, natif de Matons, distric de Charonne, dep' de Saone et Loire, assesseur du juge de paix du canton de Tesy, corn"' du Comité do Sureté G"~ de la Convention, juge de la Commission révolutionnaire de Feure, dem' ord' à Mordon, distric de Villefranche, dep' de Rhone et Loire. 19" René Antoine Barbe,âgé de 49 ans et demy,faisant des mateiats, cyd' soldat du gué, né à Sartre en Bause, distric de Chartre, dep' de Leure, sergent dans larmé revo)' résidant à Paris, section de Montreuil, Antoine à Paris, se trouvant à Etampes, dep' de Seine et Oise, où il étoit en station lors de son arrestation.
20" Jean François Lambert agé de 25 ans, porte-clef au Luxembourg, né à Boysne, distric des Petits-Viers', dep' du Loiret, dem' à Paris rue de -la Convention vis à vis Roch'.
21° Claude Dumas, agé de 51 ans, natif de Paris, y dem', rue de Naple, section de Montreuil, cyd' poseur de parquet, actuellement caporal fourier dans larmée révolutionaire,comp"Franciade.
22° Charles Choidin', agé de 50 ans, né à Monjoisy, depl du Calvados, dem'à à Paris, rue S.' Roch, section de Brutus avant la révolution, m'' mercier et actuellement amateur libraire.
1. Lisez P<<A:!)te)'s.
2. Lisez Ë<yft'M Saint-Roch.
3. Lisez C/Mt'~Mt.
23° Louis Barthélémy Cheneaux, agé de 37 ans, natif de Paris, ex avocat au Chatelet, membre du ''onseit g"' de la commune provisoire, dem~ rue Honoré n° 320. 24° Marie Sebastien Bremeau La Croix, agé do~26 ans, membre du Comité révolutionnaire de la section de Lunité, demt rue du Colombier, fg Germain.
25'' Edme Rameau, agé de 41 ans, natif d'Auxerre, dep' de l'Yonne, prêtre assermenté, dem' rue St Sauver'. 26" Joseph Honoré Vallant, agent de Ronsin.
2'7" Et Prudent Antoine Prangey, agé de quarante un ans, né à Balnod Lagrango, dietric de Bar-sur-Seine, département de l'Aube, commis principal de l'administration de l'habillement des troupes et chargé de la caisse particulière de ce service, dem' rue Verdelet n°21, section du Contrat-Social.
Ont été traduits au tribunal comme prévenus de complicité dans la conspiration formée contre la liberté et la sûreté du peuple françois par Hébert, Ronsin, Clootz dit Anacharsis, et autres pour dissoudre la représentation nationale, assassiner ses membres et tes patriotes, détruire le gouvernement républicain, s'emparer de la souveraineté du peuple, et donner un tyran à l'état.
Qu'examen fait tant des interrogatoires subis pardevant le tribunal par chacun des prévenus que des pièces, il en résulte qu'ils étoient tous les agents et les complices de l'horrible conspiration dont une partie des conjurés a déja subi le chatiment de leurs exécrables forfaits. En effet Gobet' cydovant évêque de Paris et Chaumet e agent national, ont évidemment conspiré avec l'infame Clootz, Hébert, Vincent et autres contre la République française. Déja Gobel lors d'une mission à Porentruy y a conspiré contre la République. Les preuves de la complicité de Chaumet avec les autres conjurés résultent de sa 1. Lisez St SctttfeM)'.
2. Lisez: Gobel.
3. Lisez C/tOMme~e.
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conduitte dans l'exercice de ses fonctions de procureur de la commune de Paris, dans son affectation à braver et à méeonnoitre l'autorité et les loix de la Convention nationale, à s'ériger lui-même par la plus criminelle et la plus audacieuse usurpation en législateur, en provo,quant pc'r ses réquisitions des arrettés liberticides, dont l'objet étoit d'anéantir les loix auxquelles ils étoient contraires. Mais cette complicité est surtout prouvée par cette coalition entre Gobet, Clootz, Chaumet, Hébert et consorts, pour effacer toute idée de la Divinité et vouloir fonder le gouvernement françois sur l'athéisme, et par la subversion de l'esprit public, afin de donner de la consistance aux infâmes calomnies des despotes coalisés contre la nation françoise. H &st démontré que la conduite de Chaumette et de ses complices étoit un des plus puissants moyens d'exécution de ce vaste plan de conjuration qui vient d'être dévoilé et déjoué. Le but de Chaumet, de Gobet étoit avec Ronssin-Cromwell d'anéantir toute espèce de morale, d'étouffer tout principe de vertu, et de persuader aux peuples voisins que la nation françoise en étoit venue au dernier degré de dissolution où il soit possible de parvenir, en détruisant jusqu'à l'idée de l'Etre Suprême sous les auspices duquel, elle avoit proclamé les droits imprescriptibles de l'homme et la liberté naturelle de tous les cultes.
C'étoit dans ces orgies, dans ces repas à cent écus par tette et poussés fort avant dans la nuit que se concertoient ces mesures liberticides que Chaumet a étendu jusque dans )e département do la Nièvre, où une société populaire a osé par ses instigations méconnoitre l'autorité nationale et la braver en refusant d'obéir à la loy sur la liberté des cultes. L'or do Pitt payoit Chaumet d~ son infâme trahison. Aussy écrivoit-il à son père en lui envoyant trente mille livres de n'acheter ni domaines nationaux, ni biens d'émigrés parceque cela ne dureroit pas.
Le massacre des représentants du peuple et des patriotes étoit aussy un des moyens d'exécution de ce complot, et Chaumet; Savard; La Salle; le .raître Beysser, cet agent de l'infâme faction des fédéralistes Lacroix fuyant son poste à Chalons à l'approche des sattellites des despotes, procurant à prix dargent de faux certificats de résidence a l'infâme Duchatelet, agent de tous les conspirateurs Berether, ex-noble, banqueroutier, agioteur; Le Brasse, cet agent de Ronsin et pour qui le grade de colonel de la gendarmerie devoit être, après le succès de la contre-révolution, le prix des crimes dont il se seroit couvert; Barras; Grammont père et Grammont fils, dignes associés de Ronsin dont ils étoient les aides de camp; Lapalut et Duret, détenus devoient tous concourir à ces assassinats et recevoir de Mazuel, Ronsin et autres les armes avec lesquels ils devoient consommer ces exécrables forfaits.
Enfin la femme Hebert, conspiratrice avec son mary, agente immédiate du système de corruption imaginé par la horde des banquiers étrangers envers quelques indignes représentants du peuple, complice des Kock, des Erèy, des Despagnac; Lambin, agent des conjurés Chaumet et Hébert dans la section de Charlier et dans le département de la Marne, ainsy que le constatent des écrits émanés de luy; Volland, complice de Ronsin, son agent et son prête-nom pour les acquisitions qui! faisoit avec le produit de ses dilapidations; Chardin, agent de l'~nglois Bedfort, recélant sa bibliotèque chès luy', Laquesne et Prangey faisant disparoitre de la caisse de l'administration do l'habillement et de l'équipement une somme de 1. Chardin a répondu & cette accusation dans une brochure de t2 p. in-8°, devenue introuvable ~~po)Me du citoyen CAfM'fHn,
dc la sectioîi de 13î,ïtlue, à la letti,e vi,aimeizt
t~" ~t sec<i'OH (<e Hnt<M, j!(t ~e«t'e fmi)Me!t< co!!<e-e!)o<t<ft<Mt)Ktt)'e de te</)H<'We, c:-(<<'f<M< MfMccM: de CoM<Ao)t; faris, 6 fruc iidor an Il. De l'imprimerie de la rue Fiacre, n° 2.
deux cent mille livres sous l'apparance d'un vol, mais dans le fait pour les employer aux frais de la conjuration et à la solde des conjurés Dumas, Barbé, complices de Ronsin dans l'armée révolutionnaire, devoient tous concourir suivant les rolles qui leurs étoient distribués à cette conjuration et coopérer au soulèvement contrerévolutionnaire dont le voile funèbre mis sur la déclaration des droits de l'homme étoit le signal.
Les différentes trames ourdies par Dillon et ses complices n'ont pu échapper à la surveillance des représentants du peuple et doivent être considérées comme des branches de ce vaste complot. En effet il est constant que depuis le dix aoust mil sept cent quatre vingt douze, Dillon n'a cessé de conspirer contre la Répubtique. C'est lui qui, quand le tyran est renversé par le peup~ veut forcer les citoyens à lui prêter serment et essaye d'anéantir la victoire de la liberté sur le despotisme. C'est !ui qui lors de la reprise le Verdun par tes deffenseurs de la patrie, complice des trahisons, des perfidies de Dumouriés, facilite aux ennemis la sortie du territoire français et négocie avec les despotes qu'il pouvoit vaincre et anéantir sur le sol même qu'ils avoient souillé. Enfin, c'est Dillon, qui est l'âme de tous les projets de contrerévolution qui ont été formés et qui ont échoué depuis que la République est établie. Le conspirateur Ernest Bucher étoit surtout son agent dans ce projet de contrerévolution formé au moment du recrutement pour la Vendée, et qui avoit pour objet d'exciter la guerre civile, d'égorger les représentants du peuple, de rétablir la royauté en mettant le petit Capet sur le trone, projet auquel étoit associé le prêtre Ramepu et autres conjurés que la fuite a dérobés à la vengeance nationale. C'est encore Dillon que Pitt indique sur les listes trouvées dans la commune- de Litte comme l'un de ses principaux agens. Le tribunal a encore trouvé dans les papiers du conspirateur 0. Morcen des preuves de ses
manoeuvres et de ses intelligences avec les ennemis de la République Enfin il a mis le comble aux attentats dont il s'est rendu coupable par la dernière conspiration qu'il a ourdie avec Simon député, complice des traîtres Hérault de Séchelles, la femme de Camille Desmoulins et le porte-clef Lambert, leurs agents dans la maison d'arrêt où ils étoient détenus, et dont le but étoit d'arracher des bras de la justice les infâmes complices de ta conspiration de Dillon, do massacrer les représentants du peuple, et de replacer sur le trône, le fils du tyran, en anéantissant pour jamais la liberté, soulèvement qui a été tellement combiné que dans la nuit dernière, il s'est manifesté dans diiïérentes maisons d'arrest de Paris, des mouvements de sédition et de révolte dans lesquels on a crié Vive le /~< l,
D'après l'exposé cy-dessus l'accusateur public a dressé la présente accusation contre les nommés Arthur Dillon, Chaumet, Lacombe, Gobet, Grammont père, Grammont fils, La Satie, Lapallu, Dure!, Savard, Loiseau, Rameau, Ernest Bucher, Castellane, Duplessis V de Camille Desmoulins, Beysser, Barres, Vailand, Dumas Barbé, Leguesne, Frangez, la femme Hébert, Cheneaux, Lebrosse, Lacroix, Barter, Lambin, Chardin, pour avoir de complicité avec tes infâmes Hébert, Clootz dit Anacharsis, Ronsin, Vincent. Mazuel, Momoro, Gamilte Desmoutins, Danton, Lacroix et autres déjà frappés du glaive de la loy, conspiré contre la liberté et la sûreté du peuple francois, en voulant troubler l'état par une guerre civile, en armant les citoyens tes uus contre les autres et contre l'exercice de l'autorité légitime, par suitte de laquelle, dans le courant de ventoze dernier et germinal présent mois, des conjurés devoient dissoudre la représentation 1. La fin de cet alinéa, à partir des mots soulèvement qui a été tellement Mm~ a été ajouté en marge, après coup, de. la main de Fouquior-TinviUe.
nationale, assassiner ses membres et les patriotes, détruire le gouvernement républicain, s'emparer de la souveraineté du peuple et donner un tyran à l'Etat.
En conséquence l'accusation public requiert qu'il luy soit donner acte de laditte accusateur, comme aussy il soit dit et ordonné qu'à sa diligence et par l'huissier porteur de l'ordonnance a intervenir, lesdits prévenus seront pris au corps et écroués sur les registres de la maison d'arrêt de la Conciergerie, où ils sont détenus, pour y rester comme en maison de justice, et que l'ordonnance à intervenir sera notifiée tant à la municipalité de Paris qu'aux prévenus.
Fait au cabinet de l'accusateur public le dix neuf germinal, l'an second de la République une et indivisible. A. Q. FououiER.
(~c/i!t'ef )~t'oHa<es, série Wl' carton 3tS.)
PROCÈS DE MALESHERBES
La fournée du 3 floréal an II (22 avril 1794) comprenait, parmi ses douze accusés, Lamoignon-Malesherbes, qui avait î~~ la terrible et lourde charge de défendre Louis XVI devant la Convention nationale. U comparaissait avec quatre 'Co"sti).uants Le Chapelier, Thouret, Ilell c~ et comme condamné a mort. Au cours de l'audience, le Tribunal condamna un témoin à décharge, Parmenher, accusé de faux témoignée. H monta aussitôt sur les gradins et fut exécuté avec ceux a qui son dévouement et son mensonge furent inutiles. Une des condamnées à mort, la princesse Rosalie Lubomir~ s'étant déclarée enceinte, obtint un sursis, mais sa déclaration ayant été reconnue fausse, elle fut guillotinée le 12 messidor sui-
vant (30 juin). On remarquera que, dans le réquisitoire de
Fouquier, deux noms, celui de M. de Merlis el de Dl~ua de
Foucault, ne sont suivis d'aucune indication d'état civil.
L'Accusateur public, ne les ayant point trouvé dans une des
prisons de Paris, espéra, jusqu'att dernier moment, pouvoir
les interroger il l'audience. Mme de Foucault demeura, on
ne sait pourquoi, i¡ltrouvable. Quant à 11l. de Merlis, il ne
SET~ qu'il avait été
exécuté le,28 ventôse précédent (18 mars 1794),
AH<OtHe-(~MeH<<M ~OM~MtC)', /icCMMfeM!' public du VW&MHO/ ~fo~M/i'OMHaM'e, etc.
Expose, que par arrêté au Comité de Sureté géneralle de la Convention, du douze ventôse dernier, Isaac-RenéGuy Lechapellier, agé de trente-neuf ans, né à Rennes, département de Lille et Vilaine, député à l'Assemblée nationale constituante, demeurant à Paris, a été traduit au tribunal comme prévenu de conspiration contre le peuple français et la sureté et la tranquillité intérieure de l'état.
Que par un autre arrêté du Comité de Sûreté généraHo de la Convention du vingt-neuf germinal dernier, François Hell, ex député à l'assemblée nationale constituante, ex noble, se disant cydevant chevalier de l'empire romain, ancien grand bailly de Landser, sindic de la cy devant .noblesse et ensuitte procureur généra) sindic de la cy devant province d'Alsace, administrateur du Haut-Rhin a été traduit au tribunal comme prévenu de correspondances et manœuvres tendante à calomnier le peuple et à avilir la représentation nationale.
Que par mandat d'arrêté de ce jourdhuy décerné par l'accusateur pubtic, Jacques Duvat dit Desprémeni!, ex député à l'assemblée nationale constituante,ex noble et cy devant conseiller au parlement de Paris, natif de Pondichéry, demeurant à Marie Foury(?~, commune de Larumé, district de Montivier, département de la Seine-iNférieure. Et Jacques-Guillaume Thouret, homme de loy, aussy ex-député à l'assemblée nationale constituante, agé de quarante huit ans, né à Pont-FEvèque, département du Calvados, demeurant rue des Petits-Augustins, section de l'Unité, président an Tribunal de Cassation.
Ont été traduits au tribunal comme prévenus d'avoir conspiré contre le peuple françois, et de complots avec le dernier tyran pour massacrer les citoyens et provoquer ia guerre civile en les armant les uns contre les autres. Que par autre mandat d'arrêt de ce jourdhuy décerné
par l'accusateur public, Chrétien-Guillaume LamoignonMalesherbes, ex-noble, cy-devant premier président à la cy devant cour des aides, ex ministre de Paris, et en dernier lieu l'un des défenseurs offisieux (sic) du dernier tiran, agé de soixante douze ans.
Jean-Baptiste-Auguste Châteaa-Briant', ex-marquis, agé de trente quatre ans, né à Saint-Mato, demeurant à Malesherbes.
Aline-Thérèse Le Pelletier Rozambo, sa femme, exnoble, agée de trente neuf ans, née à Paris, demeurant à Malesherbes.
Antoinette-Marguerite Lamoignon Malesherbes, femme de Pelletier-Rusambo, agée de trente huit ans, née à Malesherbes.
Rozalie Chodtdervic: femme de Alexandre Louis LubomirsM, se disant princesse polonaise, agée de vingttrois ans, née à Racreu AkesnobyP, demeurant à ChaiUot\ n° 33.
Béatrice Choiseul, femme Grammont, âgée de soixante quatre ans, demeurant rue Gange (sic) Batelière. Et Diane Adé)aïde Larochouart', veuve du cy devant duc du Chatelet, conspirateur condamné à la peine de mort par jugement du tribunal âgée de soixante deux ans, née à Paris, y demeurant, rue de Grenelle, faux bourg Germain.
Ont été traduits au tribunal révolutionnaire comme prévenus d'avoir conspiré contre le peuple français en entretenant des correspondances et intelligences avec les ennemis de l'état, à l'effet do leur fournir des secours 1. Lisez C/M<e<!MtfMKt~.
2. L'orthographe exacte est C/tOtM:e«)!Cz.
3. Lisez C:a)'Mo~/ (Ukraine).
4. Quai de Chaillot.
5. Lisez ~oc/tec/MMt'<.
6. Le colonel Louis-Marie-Florent du Châtelet avait été guillotine le 23 frimaire an II (13 décembre 1193).
en argent et autrement pour favoriser le succès de leurs armes sur le territoire français~
Qu'ennn, par autre arrêté du Comité de Sûreté Géueralle du premier nivôse dernier.
Merlis. ·
Foucautt
Marie-Victoire Boucher de Rochechouart, veuve Pontville, ancien mousquetaire et brigadier des armées, agée de quarante neuf ans, née à Paris, demeurant à Rochechouart, département de la Haute-Vienne.
Ont été traduits au tribunal comme prévenus de conspiration en entretenant des manœuvres et intelligences avec les ennemis de la République à l'effet de leur fournir des secours en argent et en hommes pour favoriser l'invasion du territoire français.
Qu'examen fait tant des interrogatoires subis par chacun desdits prévenus que des pièces adressées à l'accusateur public, il en résulte que les conspirations formées contre le peuple français ont eu pour chefs ou pour agents tous ceux qui auroiant du être les premiers à les déjouer, où à les dénoncer et à les punir, et que c'est à des représentants infidèles et parjures où à des ci-devant magistrats et à leurs familles entières que l'on doit attribuer les maux sous le poids desquels les citoyens ont gémi et les dangers de tout genre qu'il leur a fallut braver pour conquérir et assurer la liberté et l'égalité.
En effet Lechapellier ne parut à l'assemblée constituante, avec Thouret, n'embrasser la cause du peuple contre le despotisme, que pour ensuite le trahir lâchement et vendre ses intérêts au despote ou à ses infames ministres. La cupidité et l'ambition furent les seuls mobiles de sa conduite publique et privée. Tandis que d'un coté il cherchoit dans les chances d'un jeu infame, dont le peuple lui a donné par opprobre le surnom, à acquérir
une opulence scandaleuse, de l'autre côté il couroit encore à )a fortune en trafiquant de son opinion avec le tyran. C'est Lechapellier qui avec les Barnave, les Lameth, Thouret et autre?, f cherché à anéantir la Révolution en voulant détruire, après le retour du parjure Capet, ce foyer de patriotisme et de lumière où les droits et les intérêts du peuple avoient été constamment discutés, éctaircis et soutenus pour fonder une société composée de tous les partisans de la tyrannie, de tous les ennemis du peuple. C'est Le Chapellier qui avec Thouret et tes autres traitres soudoyés par la liste civi!e est un des principaux réviseurs de la constitution prétendue qui devoit rendre le despotisme plus puissant que jamais, et remettre le peuple dans des fers qu'il n'auroit jamais pu briser. Enfin, cette constitution acceptée, Le Chapelier et Thouret avec le conspirateur Dandré deviennent les ministres secrets, les conseillers intimes du tyran et de son comité autrichien. Ce sont eux qui dirigent toutes les démarches, qui conseillent le veto sur des décrets que l'intérêt et le salut public réclamoient, qui forment tous les plana d'astuce et de perfidie pour tromper et le peuple et ses représentants jusqu'au moment où le tyran se croit en état d'opérer la contre-révolution. Enfin ce sont eux qui avec Delessart et Montmorm dirigeoient cette intrigue diplomatique concertée avec les tyrans de Vienne et de Berlin pour anéantir la souveraineté du peuple, la liberté et l'égalité. Enfin en octobre mil-sept-cent-quatre-vingt-douze, Le Chapelier se rend en Angleterre pour y conspirer avec Pitt contre la France et donne pour prétexte à ce voyage une prétendue association pour achat d'une grande quantité de riz.
Thourot, associé de Le Chapellier, et qui ne fut coutinué président do l'assemblée constituante jusqu'à sa clôture jue pour récompenser les services qu'il avait rendus au despote lors du travail de la révision, qui ne s'est montré que comme l'esclave de la tyrannie et du
despotisme, paroit avoir encore conspiré conire la République jusque dans la maison d'arrêt où il étoit détenu et devient le complice de Dillon et do Simon, député à la Convention, déjà frappés du glaive de la loy.
Desprémenil n'a cessé depuis qu'il a été investi de la représentation nationale de conspirer contre le peuple. Il S'en déclare l'ennemi. Il ne parle et n'agit qu'en faveur de la tyrannie. Il ne cherche qu'à retarder les opérations de l'assemblée constituante dans tout ce qui intéresse le bonheur du peuple. C'est ainsy que lors de la discussion sur la création des assignats, il interrompt cette discussion pour oser proposer un plan de contre-révolution et demande que les représentants du peuple se transportent aux Tuileries aux pieds du tyran et de l'infame Antoinette les prier humblement d'oublier le passé, projet qui auroit du être puni d'une manière digne de la représentation nationale qu'il vouloit abaisser à ce degré d'avilissement, mais que l'on se contenta de rejetter en déclarant son coupable auteur en délire.
Enfin Desprémenil conspire contre le peuple dont il étoit le représentant non seulement en soutenant la cause de la tyrannie et du despotisme dans le Séaat françois, mais encore en participant à toutes les trames, à tous~ les complots du tyran pour massacrer les citoyens et les assassiner jusque dans le palais du despote. Le vingt huit février mil-sept-cent-quatre-vingt-onze, Desprémenil est au milieu des chevaliers du poignard conjurés pour égorger la garde nationale dans le chateau il est désarmé de ses pistolets, de ses poudrières et il reçoit de la part des citoyens le juste salaire qu'ils distribuoient aux héros de la contrerévolution. Le vingt juin 1792, c'est encore Desprémenil qui est le principal agent de Capet contre le peuple. C'est lui qui, pour avoir occasion de calomnier le peuple, ouvre lès portes de l'appartement du tyran et publie ensuite qu'elles ont été forcées. Enfin agent de tous les plans de conspiration qui se tramoient dans le
Comité autrichien, Desprémenil s'introduit dans les groupes et cherche à tromper, à égarer le peuple. H reproche aux citoyens la prudence et la sagesse de leur conduite. !I veut les pousser à des démarches dont le tyran puisse tirer avantage. H engage les citoyens à rompre et à franchir ces simples barrières de rubans mises sur la terrasse dite des Feuillants, et qui prouvoient au tyran l'inposture des calomnies que lui et ses agents no cessoient de répandre dans les départements contre les habitants de Paris. II est reconnu, et les citoyens lui prouvent sur le champ comme ils reçoivent les conseils des conspirateurs. Toute sa conduite n'offre donc que l'ennemi le plus déclaré* de la souveraineté de la liberté du peuple françois et le conspirateur le plus acharné contre la Révolution.
Met!, aussy député à l'assemblée constituante, a égallement trahi les intérêts du peuple dont il étoit le représentant. Ex-noble, il ne pouvoit aimer ni la liberté, ni l'égalité; il étoit tout entier au despotisme. Ses principes et ses sentiments à cet égard, sont consignés dans une lettre qu'il écrit à Matsherbes .jtj'ay toujours pensé, « dit-il, qu'il n'y auroit point de saKtt à espérer sans la « justice et sans la force dans les mains du Roy. J'ay « toujours professé cette doctrine, et j'en suis si pénétré que si je le pouvois je ferois croire au peuple que le Roy qui fait exécuter la loy fut infaillible, que c'est un Dieu auquel on ne peut désobéir sans encourir des peines dans ce monde et dans l'autre. »
ilett devoit être, et a été en effet, l'un des agents du fëdé'ratisme dans le département du Haut-Rhin. La publicité de sa conduite et de ses principes ne peut laisser aucun doute à cet égard. D'ailleurs sa correspondance prouve qu'il aété un des plus grands agioteurs dans son département, qu'il attiroit à lui le numéraire et qu'il l'envoyoit vendre à Paris par sa femme, commerce qui ne pouvoit avoir pour objet que de fournir des ressources
aux tâches ennemis de la patrie, aux émigrés avec lesquels il avoit des relations.
Lamoignon-Malesherbes présente tous les caractères d'un conspirateur et d'un contre-révolutionnaire. Les écrits trouvés chez cet ex-magistrat prouvent qu'il ne cessoit de s'occuper de ramener l'ancien ordre des choses, qu'il étoit le centre autour duquel se réunissoient les autres conspirateurs qui viennent d'être frappés du glaive de la lov, et qu'il dirigeoit toutes leurs démarches. On ne peut que le regarder que comme celu' iui a conseillé les infames protestations contre la souveraineté du peuple dont le tribunal vient de faire justice. Sa correspondance prouve encore que l'offre qd'it a faite d'être le défenseur de Capet, offre qui a été acceptée par celui-cy, n'a été que l'effet d'une intrigue ourdie dans le cabinet de Pitt, avec les parents de Malesherbes émigrés à Londres, et que dans ce rôle, il n'a été .que l'agent de tous les contre-révolutionnaires soudoyés par le despote d'Angleterre, Enfin n les lettres trouvées dans ses papiers, prouvent qu'il entretonoit des correspondances avec les ennemis de l'état et notamment avec ses enfants émigrés, à qui il faisoit passer des fonds, et dont il paroit qu'il a facilité le retour sur le territoire français, et avec le mitord Richemont.
La femme Rosambo a toujours été ainsy que son mari l'ennemie de la Révolution. Ses correspondances nombreuses et volumineuses avec tous les ennemis de la France réfugiés depuis 1789, et jusqu'en 1793 chez les despotes coalisés et surtout avec ses parents et notamment avec Chateau-Briant et sa femme, les détails contrerévolutionnaires qu'elle présente, les secours en argent que ces correspondances constatent qu'elle leur faisoit passer, tout démontre qu'elle intriguoit de son côté en faveur de la contre-révolution, tandis que son mari conspiroit du sien avec les Rolland, les Paquier et autres, ses complices.
Chateau-Briant etsa femme, fille de la femme Rosambo, ont émigré et sont à ce qu'il paroit parvenus a rentrer sur le territoire français en se procurant de faux certificats de résidence. D'ailleurs, ils entretenoient avec les émigrés la correspondance la plus criminelle et la plus active. Une foule de lettres timbrées de Trèves, de Coblentz, de Bruxelles, Tournay et autres endroits prouvent que toute cette famille étoit un véritable foyer de contre-révolution et que tous vouloient en être les agents.
La cydevant duchesse du Chatelet a émigré avec son mary, et rentrée en France, elle et la cydevant duchesse de Gramont qui l'a recelée et le cydevant duc du Chatelet, a, conjointement avec ces derniers, entretenu une correspondance aussy active que contre révolutionnaire avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la République, et particulièrement la veuve de Gramont a osé déclarer hautement qu'elle haïssoit la liberté et qu'elle conspiroit de tout son pouvoir pour l'anéantir.
La femme Lubomirska, se disant princesse polonaise, n'est évidemment que l'agente des contre-révolutionnaires. On la voit, en n90, habiter Nice avec les François émigrés, la femme Levis, la femme Roquefeuiile et autres. En n93 on la voit liée avec la prostituée et conspiratrice Dubary. Une lettre écrite par cette prétendue princesse à cette courtisane au mois d'aoust dernier avec le style de l'ironie quand elle parle de la majesté du peuple français prouve qu'elle étoit initiée dans les complots qui se formoient en faveur d'Antoinetto au moment où elle étoit détenue à la Conciergerie. « La Reine, écrit-elle a la « Dubarri, est encore à la Conciergerie. Il est faux qu'on « ait le projet de la ramener au Temple. Cependant je « suis tranquille sur son sort. » Preuve évidente qu'elle comptoit sur le succès des trames formés alors par l'archiduchesse d'Autriche pour l'arracher dos bras de la justice et luy assurer l'impunité de ses crimes.
Enfin Morlis, la femme Foucault et la Rochechouart
offrent une réunion de conspirateurs coalisés ensemble pour trahir la patrie et seconder les efforts des ennemis de la France. Une lettre seule suffit pour convaincre Merlis de sa complicité dans les projets de contre-révolution, et d'avoir été l'agent des conspirateurs à qui il faisoit passer des fonds « J'ay reçu, Monsieur, lui écrit-on de « Duseldorf, sous la date du 13 mars 1793, le remède « que vous m'avez adressé pour l'ami de votre beau-frère. « C'est un opiat dont on fait le plus grand cas icy. Vous « me marquez 'tue vous m'en envoyez deux cent garante « grains, mais je n'en ay reçu que cent quatre-vingt-dix« huit et demi. Le porteur ayant été obligé d'employer le « surplus pour se tirer d'une crise dangereuse où il s'est « trouvé en route. H fut obligé d'en employer jusqu'à « quarante-deux grains pour se tirer d'affaire. Il est évident que les grains d'opiat ne sont autre que du numéraire en or.
La femme la Rochechouart a son fils émigré à qui elle faisoit passer des fonds par l'entremise de Merlis avec lequel elle avoit des relations intimes d'amitié. La femme Foucault faisoit aussy parvenir des secours à son petit-fils qui n'est désigné que sous le nom de Jacques.
« J'ay reçu, Madame, écrit ce Jacques, sous la date du « 15 mars 1793, votre lettre du 19 février. Je la trouve « bien ancienne. Celle de Constance (la femme Foucault) « m'arrivent toutes malgré quelques retards. Son onguent, « c'est-à-dire le numéraire, m'est arrivé de même et j'en « éprouve 1~ meilleur effet. Il ne faut point renoncer au « talent hyérogliphique; pour un peu da difficultés qu'il « présente, il procure bien des jouissances, »
Une lettre de la femme Foucault, mère de la Rochechouart, prouve jusqu'a quel point elle étoit initiée dans les plans de contre révolution « Sans doute, dit elle « dans cette lettre, en date du vingt-deux mars 1792, « que les contrsrévolutionnah'es qui sont arrivés dans « votre province pourront donner quelque inquiétude
« au parti contre et beaucoup augmenter le parti « contre ))(ste).
« L'on dit qu'Orléans veut être violemment tourmenté. « La Normandie, ia Bretagne, le Maine, l'Anjou, la Tou« raine, le Saumurois, la Navarre, la Picardie, le Calaisis, « tout est en mouvement. Voilà ce que je sais, sans ce « que je ne sais pas. Hier à deux heures l'on apprit icy '< le désastre affreux de l'armée de Dumourier, cela agite « bien les esprits. »
Ainsy cette femme rapprochoit l'explosion de la Vendée
de la trahison de Dumourié parceque confidente des conspirateurs, elle savoit qu'ils avoient le même principe, la même cause ot les mêmes chefs.
La femme Foucault ajoute « M. de Merlis vous portera « plus amplement de mes nouvelles. »
H est donc constant que Merlis était l'agent de la femme Foucault et de la femme La Rochechouart.
D'autres lettres prouvent encore que la femme La Rochechouart faisoit passer des fonds aux émigrés et surtout à un nommé Feiner qui ne paroit qu'un nom convenu. Au surplus, il résulte de cette lettre que la femme La Rochechouart a fait passer quatre cents livres en numéraire. Enfin la femm~ La Rochechouart imagina de faire transporter dans des malles les titres do féodalité qu'elle ne déclara à la messagerie que sous la désignation de robes et hardes à son usage, manœuvre qui prouve combien cette femme avoit d'espoir dans le succès des projets de contre-révolution auxquels elle étoit associée. D'après l'exposé cy-dessus l'accusateur'public a dressé la présente accusation contre Le Chapelier, Thouret, Depremenil, He)l. Lamoignon-Malesherbes, la veuve Rosambo, Chateau-Briant, et sa femme, la femme Lubomirski Merlis, la femme Foucault, la femme Larochechouart, la cydevant duchesse de Gramont, et la veuve du cydevant duc du Chatelet. Savoir contre Le Chapellier, Thouret, Depromesnil et Helle pour avoir conspiré contre
le peuple françois en participant aux trames et complots formés par Capet pour anéantir la souveraineté du peuple, la liberté et l'égalité et exciter la guerre civile en armant les citoyens les uns contre les autres, et encore. Thouret avoir de complicité avec Dillon et Simon formé le plan de forcer les prisons et de tomber et faire assassiner les membres du Comité de Salut public de la Convention. Et contre Lamoignon-Malesherbes, la veuve Rosambo, Chateau-Briant et sa femme, la femme Lubomirski, Merlis, les femmes Foucault, Larochechouart, la cydevant duchesse de Gramont et la veuve du cydevant duc du Chatelet et encore ledit Le Chapellier pour avoir conspiré contre le peuple françois en entretenant des intelligences et correspondances avec les ennemis intérieurs et extérieurs de l'état, tendants à leur fournir des secours en argent et en hommes pour faciliter le succès de leurs armes sur le territoire françois et avoir même à cet olfet la plupart des accusés émigré du territoire françois. En conséquence l'accusateur public requiert qu'il luy soit donné acte de la présente accusation, qu'il soit dit et ordonné qu'à sa diligence et par l'huissier porteur de l'ordonnance à intervenir lesdits prévenus seront pris au corps et écroués sur le registre de la maison d'arrêt de la Conciergerie où ils sont détenus pour y rester comme en maison de justice, comme aussy que l'ordonnance sera notifiéo.
Fait au cabinet de l'accusateur public, le deux floréal de l'an second de la république une et indivisible. A. Q. FOUQUIER.
(~t'c/tifcs !:a<!o/ta! série W, carton 351,
dossier 713, pièce 86.)
PROCÈS DIT DES « VIERGES DE VERDUN H Un des résultats de la prise de Verdun par es Prussiens fut de faire renvoyer devant le Tribunal révolutionnaire trente-cinq individus, tous accusés d'avoir coopéré a la reddition de la ville d'uue manière quelconque. C'est cette fournée du 5 floréal an H, qui mérita le nom de pt'oces des t)te~ës de Ve)Yh<H. Un modeste et obscur historien' a fait la lumière sur ces poursuites, et indiqué ce que furent ces prétendues vierges, dont les plus jeunes, Claire Tabouillot et Barbe Henry, ne furent pas guillotinées, mais simplement condamnées à vingt ans de détention et six heures d'exposition.
Cette fois encore ce fut le sabstitut de Fouquier, Nau'dn, qui siégea à cette audience présidée par Dumas, assisté de Deliège et Maire. Le procès-verbal, qui indique le nom des défenseurs, Chauveau-Lagarde, Lafleutrie, Guillot et Boutroux, mentionne le nombre des jurés (ils étaient onze) sans donner leurs noms.
.4)i<ou)e-()M<'H<<M7''OM~t<M)', .4cc!Met<eM<):<Mc ~M ~'t/'MM6~ )*<'00/M<tOM.H<Kt'e, etc.
1. Louis CD~EB, 7~Mo~e.s ej! CMt':osi<M )'et)o~<<!0)!Ha;t'M chap. XII, p. 155.
Expose que par jugement rendu par le tribunal criminel du département de la Meuse du vingt-cinq ventôse dernier
1" Henry François Croyer, agé de cinquante deux ans, cydevant capitaine d'ouvriers d'a.tillerie, natif de Laon, département de l'Aisne, demeurant à Verdun. 2° Jean Baptiste Pelegrin, agé de cinquante deux ans, capitaine de gendarmerie, natif de Gondrecourt, département de la Meuse, demeurant à Verdun.
3° Michel Joulin, agé de trente un ans, gendarme, natif de Cornet en Anjou, département de Mayenne et Loire, demeurant à Verdun.
4° Nicolas Milly, agé de trente un ans, natif de Verdun.
5° Badilon Leclere, agé de cinquante deux ans, gendarme, né de Thionville, demeurant à Verdun. 6° Gérard Deprez, agé de cinquante ans, natif de GivetS' Hilaire, département des Ardennes, demeurant à Verdun, gendarme do la brigade de Verdun.
7° Henry Barthelemy Grimoard, agé de soixante dix ans, colonel d'un régiment provincial de l'artillerie de Metz, natif de Verdun et y demeurant.
8° Jean Baptiste Philibert Perin, agé de cinquante ans, droguiste, natif de Verdun et y demeurant.
9° Alexandre Joseph Reyon, âgé de cinquante sept ans, lieutenant colonel du deuxième bataillon de la Meuse, natif de Soisi, demeurant à Driancourt, même département.
10° Jean Baptiste Barthe, agé de soixante ans et demi, receveur de la commune et juge de paix de la ville de Verdun y demeurant, natif de Thionville, département de la Meuse.
11° Nicolas Lomètes, agé de quarante sept ans, avoué, natif de Morgemonlin, district d'Etain, demeurant à Verdun.
12° Jacques Nicolas d'Aubermesnil, agé de soixante et
quinze ans, cydevant major de la citadelle de Verdun et y demeurant, natif d'Aubermesnil près Dieppe, département de Seine-fnférieure.
13° Anne Grandfebvre, femme Tabouillot, agée de quarante six ans, native de Verdun, département du Var (sic) vivant de son revenu, demeurante à Verdun.
14° Claire Tabouillot, agée de dix-sept ans, fille de François Tabouillot, cydovant procureur du roy au bailliage de Verdun née et demeurante à Verdun.
15° Thérèze Pierson, femme Bestel, cordonnière, âgée de quarante un ans, née à Génicourt, demeurante à Verdun.
16° Marie Françoise Henry, femme'Laiance, agée de soixante neuf ans, née à Verdun, y demeurante.
17° Françoise HerbiHon, veuve Masson, en son vivant procureur du tyran en la cydevant maîtrise des eaux et forêts, âgée de cinquante cinq ans, née à Ronne près Barle-Duc, demeurante à Verdun.
18" Suzanne Henry, fille de Henry, président du cydevant bailliage de Verdun, agée de vingt six ans, née et demeurante à Verdun.
19° Gabrielle Henry, aussy fille dudit Henry, âgée de vingt-cinq ans, née et demeurante audit Verdun. 20° Barbe Henry, fille de défunt Henry, président du bailliage de Verdun, agée de dix-sept ans, demeurante audit Verdun.
21° Margueritte Angélique Lagirouzière, fille de Lagirouzière, prévot de campagne, agée de quarante huit ans, née à Bouzé, .demeurante à Verdun.
22° Geneviève Elizabeth Dauphin, veuve Brigand, capitaine des grenadiers de France, née et demeurante à Verdun, agée de cinquante six ans.
23° Anne Vatrin, fille de défunt Vatrin, cydev&xt militaire, agée de vingt cintjaDS-.n~a Etain, demeurante à Verdun. /~OL! rX
24° Henriette Ya~~fmëd~H\ Vatrin, agée de
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vingt trois ans, native d'Etain, demeurante à Verdun. 25° Heleine (sic) Vatrin, aussy fille dudit Vatrin, née à Etain, agée de vingt deux ans, demeurante à Verdun. 26° Jean Gossin, agé de soixante neuf ans, cydevant chanoine de la Magdelaine de Verdun, y demeurant, natif de Frêne en Lorraine, département du Var (sic). 2'!° Jean Michel Colloz, agé de soixante douze ans, cydevant bénédictin prieur de S' Héry, archiviste et hibliothéquaire de Verdun, natif du duché de Bouillon, demeurant à Verdun.
28° Guillain Lefebvre, agé de soixante deux ans, cydevant bénédictin, natif de Cortigny prés Péronne, département de la Somme, demeurant à Verdun. 29° Glaude Elizabeth Lacordiére, agé de cinquante neuf ans et demi, cydevant doyen du chapitre de la cathédrale do Verdun, natif do Juvigny, demeurant à Verdun.
30" Et Christophe Ilerbillon, âgé de soixante seize ans, cydevant curé de S~ Médard à. Verdun, né à Boureuil près Varendes, département de la Meurthe, demeurant à Barsur-Ornin.
Ont été renvoyés au tribunal révolutionnaire comme prévenus d'avoir entretenu des correspondances et intelligences avec les ennemis de la nation françoise. à l'effet de leur livrer nos villes frontières, et notamment la ville de Verdun, et do favoriser le progrès de leurs armes sur le territoire françois.
Que, par arrêté du représentant du peuple près les départements de la Meuse et de la Mozellc du six germinal présent mois.
Margueritte Croutte, âgée de 48 ans, née t Verdun, horlogère.
François Chotain fils, agé de trente un ans, né à Verdun, y demeurant, perruquier.
François Fortain, agé de quarante trois ans, né à Danzeville, m~ cirier, demeurant à Verdun,
Jacques Petit, âgé de cinquante ans, vigneron, né à Verdun, y demeurant.
On été renvoyés pardevant le tribunal comme prévenus de délits contrerévotutionnaires.
Qu'examen fait, tant des interrogatoires subis pardevant le tribunal par chacun des prévenus que des pièces adressées à l'accusateur public, il en résulte que la trahison qui a livré Verdun au despote de la Prusse et à sessatellites au mois de septembre mit-sept-cent-quatrevingt-douze est l'ouvrage des prévenus qui y ont tous contribué par différentes mesures.
En effet, le nommé Croyer, qui avoit établi son domicille à trois quarts de lieux de distance de Verdun, aidoit à déplacer les batteries des Prussiens sur la cotte de SaintBarthélemy, pour les établir et diriger leur feu sur la ville et citadelle de Verdun. H délivroit des cocardes blanches et alloit chercher un officier prussien pour désarmer les patriotes à qui il disoit pourquoy n'avés vous pas mis les armes bas j'attends que vous y seres forcés, conduitte d'autant plus coupable que par la capitu-.lation il avoit été convenu que la garnison sortiroit avec les honneurs de la guerre.
Polegrin capitaine de gendarmerie, Joulin, Leclerc, Deprez et Tuilleur gendarmes ont affecté de continuer leur service sous les ordres du despote prussien à qui ils étoient vendus ils n'ont pas cessé un instant pendant le séjour des ennemis de la liberté françoise dans la ville de Verdun de se montrer comme les ennemis des patriotes, d'accompagner les émigrés partout. Locler et Milly ont été chargés notamment d'arrêter les curés et les prêtres dits constitutionels, do les arracher do leurs foyers et do les incarcérer, ce qu'ils ont fait, assistés d'émigrés et de soldats prussiens. Deprez escortoit la voiture du frère du traître Capot, portoit les dépèches et insultoit publiquement à la doulenr, au désespoir et aux vexations exercés envers les patriotes. Ces gen-
darmes pilloient les mobiliers, entouroient le feu dans lequel les laches satellites du tyran bruloient les loix x de la liberté et se joignoient à leurs cris de vive le rot/.
Grimoard, ancien colonel d'un régiment provincial de l'artillerie, s'est égallement signallé par ses laches flagorneries envers le despote prussien. Il affectoit de porter l'écharpe blanche et la cocarde noire, il fréquentoit les émigrés, se rendoit avec eux au camp de Bras et ne cessoit de chercher l'occasion d'être remarqué du tyran de Berlin et de ses fils.
Perrin étoit évidemment l'un des plus grands agents de la trahison qui a livré Verdun à Frédéric. C'est lui qui a excité l'attroupement des femmes qui demandoient la capitulation et la reddition de la ville. C'est lui qui haranguoit le peuple pour faire rendre la place et forcer les corps administratifs à capituler. Ses intelligences avec les assiégeans sont démontrés par toutte sa conduitte. En effet, pendant le siège son fils s'est rendu au camp ennemi où étoient deux patriotes prisonniers et il ne craignit pas de les insulter en leur disant chien de patriote, te voilà bien avec ton habit de garde nationale c'est à présent qu'on va les faire danser. Enfin ledit Perrin portoit l'écharpe blanche dans la ville de Verdun pour montrer dévouement aux tyrans coalisés contre sa patrie. Neyon, commandant de la place de Verdun après la mort de Beaurepaire, est l'un des principaux chefs de cette conspiration. Nyon a eu l'air de céder à une délibération des corps administratifs pour faire une capitulation déjà préparée et convenue, et livrer, au préjudice des dispositions de la loy du vingt-six juillet, une place qui n'avoit éprouvé ni brèche, ni assaut mais cette capitulation étoit la répétition de celle de Longwi et faite d'après les mêmes complots.
Lameles, Barthe et d'Aubermesnil ont été dans les fonctions publiques les agents du despote prussien.
Lamelesaété nommé adjoint à la municipalité immédiatement après l'entrée des Prussiens dans la place, faveur qu'il n'a pu devoir qu'à ses intelligences avec eux. Barthe a été aussy appellé aux mêmes fonctions. Ces deux individus étoient deux surveillants que l'on dounoit aux autorités constituées parceque l'on étoit certain de leur complaisance à rendre compte aux agents du despote. Ces fonctions étoient d'ailleurs la conséquence des principes qu'ils avoient développés pendant la Révolution. Quant à d'Aubermesnil, il a été chargé de la distribution des cartes d'entrée et de sortie de la ville. II vexoit les patriotes et les faisoit incarcérer pour satisfaire la vengeance des émigrés dont il étoit sans cesse entouré et leur procurer le plaisir do jouir des souffrances et des persécutions qu'il faisoit essuyer aux amis de la Révolution.
Les femmes Tabouillot, Bestel, Lalance, la veuve Masson, la veuve Brigands, les filles Henry, nièces de la femme Lalance, les filles Tabouillot, Vatrin -et La Girouzière ont encore contribué autant qu'it a été en eiies à la reddition de la place aux armées ennemies. La femme Tabouillot, ennemie déclarée de la Révolution, dont la maison a servi dé dépot aux Prussiens pour les papiers des corps administratifs, qui y ont été transférés du consentement de son mary, avoit fait émigrer son fils. Ce sont ces femmes qui ont formé l'attroupement dans la maison commune (attroupement convenu avec les chefs de la trahison) pour demander à grands cris une capitulation et faire ouvrir les portes aux troupes prussiennes. Ce sont encore elles qui ont eu la )acheté de se rendre an camp du despote prusse (sic), sur un char, vetues de blanc, pour lui offrir des dragées, démarche qui n'a pas eu le succès qu'elles s'en promettoient, puisque la femme Bestel aavouéqu'eDes n'avoient reçu (sic) de la part du despote, qui n'avcit pu leur dissimuler le mépris que lui inspire cet excès de basse adulation envers un ennemi.
9.
Enfin la femme Bestel a porté l'audace jusqu'à faire appeler chès elle le citoyen Burlin, maire de Génicourt, et le faire arretter par les prussiens et le faire conduire prisonnier dans la citadelle.
Jacques Petit paroit avoir tenu des assemblées contrerévolutionnaires, d'avoir témoigné son voeu pour le rétablissement de la royauté.
Fortin faisoit passer des lettres aux émigrés, ne cessoit de manifester, par ses discours et ses actions, son mépris pour la représentation nationale et sa haine pour la Révolution.
Chotain fils, entreteaoit des relations pendant le siège de Verdun avec les ennemis. Il propose à un citoyen de porter au camp de Regret une lettre de lui observant qu'elle seroit bien payée ce que celui-ci refusa. Enfin la Rlle Crapaux' tenoit les propos les plus contrerévolutionnaires, insultant publiquement les deffenseurs de la patrie, les traitant de crapaux bleus, de scélérats et disant qu'elle chioit sur la Nation.
Enfin Gossin, Collez, Larcordière, Cristophe Herbillon, tous prêtres réfractaires, et qui avoient refusé de prêter le serment constitutionnel, ont été les moteurs secrets de l'attroupement qui s'est formé pour demander la capitulation et faire ouvrir les portes aux Prussiens. Ce sont eux qui ont été les premiers à célébrer les prétendues vertus du despote de Berlin, qu'ils ont (sic) intrigué et sollicité leur réintégration dans leurs précédentes fonctions canoniales ou curiales. L'on a vu La Cordière aller au devant de l'infâme Desnos, ce cydévant évêque de Verdun, ce prêtre assassin de sa patrie, où il ne rentroit qu'en y portant le fer et la flamme, lui offrir un logement chès lui, et l'y loger en effet jusqu'à l'évacuation de la place par les infames despotes coalisés. Herbillon, curé, a repris ses fonctions en chassant le curé constitutionel. 1 Lisez C?'c«~.
Michel Collez s'est empressé égallement auprès du conspirateur Desnos pour le courtiser, l'aduler et concerter ses projets de vengeance contre les meilleurs citoyens. Enfin le tribunal connoit, par les débats qui ont eu lieu dans l'affaire du traître Martin, déjà frappé du glaive de la loy, jusqu'où ces infames agens du fanatisme et de la tyrannie ont poussé dans Verdun l'audace et l'impudence, quand ils ont cru que la liberté étoit perdue pour les François.
D'après l'exposé ey-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Croyer, Pélegrin, Joulin, Milly, Leclerc et Deprez gendarmes, Grimc-ard, Perin, Nyon, Barthe, Larnesle, d'Aubermesnil, les femmes Tabouillot, Bestel, Lalance, veuve Masson, la veuve Brigand, les filles Henry sœurs, Vatrin sœurs, Claire Tabouillot et la Girouzière, Chotain, Petit, Fortin et la fille Croûte, les nommés Gossin, Colloz, Lefobvro, La Cordière et Herbillon tous prêtres non sermontés, pour avoir conspiré contre le peuple françois en entretenant des intelligences et correspondances avec les ennemis de la France, tendantes à faciliter leur entrée dans les dépendances de l'empire françois et livrer notamment les villes et forteresses de Verdun aux troupes prussiennes, comme aussy à leur fournir .des secours en soldats, argent, vivres et munitions, et à favoriser de toutes les manières le progrès dd leurs armes sur le territoire françois et lesdits Petit, Chotain et la fille Croûte pour avoir provoqué par leurs discours et propos l'avilissement et la dissolution de la représentation nationale et le retabl'ssement de la royauté, ce qui est- contraire à l'article quatre de la première section du titre deux du code pénal.
En conséquence l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte do ladite accusation, comme aussy il soit dit et ordonné qu'à sa diligence et par l'huissier porteur de l'ordonnance à intervenir, les susnommés seront pris
au corps et écroués sur les registres de la maison d'arrêt de la Conciergerie où ils sont détenus pour y rester comme en maison de justice, et que l'ordonnance a intervenir sera notifiée tant aux accusés qu'à la municipalité de Paris.
A. Q. FOUQUIER.
(~t'c/KMs M<:OH~es, série W, carton 352,
pièce 99.)
PROCÈS DES FERMIERS GÉNÉRAUX
Le nom de Lavoisier rend à jamais fameux le procès des fermiers généraux. La République qui frappa cette noble tête, oublia son labeur de savant pour ne se souvenir que de sa fonction de fermier général. On ignora les gages de civisme qu'il donna, même avant la Révolution, pour ne retenir que l'impopularité qui lui était venue, ainsi qu'à ses collègues, du mur construit, par les ordres de la Ferme, autour de Paris, pour prévenir les fraudes sur les entrées. Entré dans la Ferme Générale, en juin 1708, en qualité d'adjoint a Baudon, Lavoisier était devenu titulaire de la charge en 1779. Il ne la quitta que le 20 mars i79i, alors que le décret de l'Assemblée nationale supprimait l'institution. Ce fut donc eu cette seule qualité de ci-devant fern.ier général, englobé dans la réprobation accusant ses collègues, qu'il comparut devant le Tribunal révolutionnaire. Trois d'entre eux, Sanlot, Delahante et Delaage de Bellefaye, furent mis hors des débats. Les vingt-huit autres accusés furent condamnés à mort et exécutés le même jour, place de la Révolution. Le corps de Lavoisier alla au cimetière des Errancis.
L'audience avait été présidée par Coffinhal, et ce fut le substitut de Fouquier, Liendon, qui requit l'application de la loi.
~ntotttS-~MeatM Fouquier, /tcct<~a<eM!' public du 7')&M<!a~'JUO/M<t.OMH6tM'e,ctc.
Expose qu'en vertu d'un décret de la Convention Nationale du seize floréal présent mois.
Etienne René Aignan Sanlot, agé de soixante cinq ans, né à Rouen, département de Seine-Inférieure, ci-devant adjoint à la ferme générale et régisseur depuis l'établissement des régies, demeurant à Paris, rue Pelletier, section du Mont Blanc.
Clément François Delaage Bellefaye, agé de trente ans né à Paris, adjoint à la ferme générale, demeurant rue Neuve Grange Batelière, à Paris.
Clément Delaage père, agé de soixante et dix ans, cidevant fermier général, demeurant à Paris, rue Neuve Grange Batelière, section du Mont Blanc, né à Xaintes, département de la Charente-Inférieure.
Louis Baltazar Bagneux, âgé de cinquante cinq ans, né à Paris, y demeurant, rue des Quatre-Fils, ci-devant fermier général.
Jacques,,Paulze, agé de soixante et onze ans, né à Mont Brison, département de Seine et Oise, demeurant à Paris, rue des Piques, ci-devant fermier général. Antoine Laurent Lavoisier, agé de cinquante ans, né à Parts, y demeurant, boulevard de la Magdelaine, section des Piques, cidevant fermier général et membre de la cidevant académie des sciences.
François Puissant, agé de cinquante neuf ans, natif du port de 1 Egalité, département du Morbihan, demeurant à Paris, rue Mesnard, cidevant fermier général. Alexandre Victor Saint-Amand, agé de soixante et uuatorze ans, né à Marseille, cidevant fermier général, demeurant à Paris, rue Neuve des Petits-Champs, vis-àvis celle d'Antin.
Gilbert Georges Montcloux, agé de soixante huit ans, né à Montaigne, département du Puy-de-Dome, cidevant fermier général, demeurant à Paris, rue Honoré n" 88.
Adam François Parcele de Saint-Cristau, agé de quarante quatre ans, né à Rennes, département d'Isle et Vilaine, cidevant fermier général, demeurant Paris, rue Thévenot; et à la campagne à La Ferte-sous-ReuiDy, département de l'Indre, district d'Iss'-uduQ.
Jean Baptiste Boullongne, agé de quarante cinq ans, né à Paris, y demeurant place de la Révolution, cidevant fermier général.
Louis Marie Lebas-Courmont, agé de cinquante deux ans, né à Paris, y demeurant rue Cerruty, cydevant fermier général et depuis régisseur général.
Charles-René Parceval Frileuse, âgé de trente cinq ans, né à Paris, y demeurant, rue Théréze, section de la Montagne, et actuellement à Mautes sur Seine, cidevant fermier général.
Nicolas-Jacques Papillon d'Âuteroche, agé de soixante quatre ans, né à Châlons, département de la Marne et district de ce nom, cidevant fermier général, demeurant à Paris, rue Magdelaine Honoré.
Jean~Germain Maubert Neuilly, âgé de soixante quatre ans, natif de Paris, cidevant fermier généra), demeurant à Mantes sur Seine, département de Seine et Oise. Jacques Joseph Brac Laperière, agé de soixante huit ans, natif de Vitte-Aifranchie', département de Rhône et Loire, cidevant fermier général, demeurant à Mantes sur Seine, département de Seine et Oise.
Ctaude-rFrançois Rougeot, agé de soixante seize ans, natif de Dijon, département de .la Cote d'Or, cidevant fermier général, demeurant à Paris, rue de la Révolution n° 23 et n° 2 de la section des Champs-Elysées et, en outre, en domicile à Fontainebleau.
François Jean Vente, agé do soixante huit ans, natif1. On sait qu'un arrêté du Comité de Salut pubhc venait de donner ce nom il la ville de Lyon, coupable de rébellion contre la CbnvenHon nationale.
de Dieppe, département de Seine-Inférieure, cidevant fermier généra!, demeurant rue de Grammont n° 12 et 707 de la section de Le Pelletier.
Cënis Henry Fabus, âgé de quarante sept ans, natif de Paris, cidevant fermier général, demeurant à Caen, département du Calvados.
Nicolas Devisle, agé de quarante quatre ans, natif de la Brèle, département de Rhone-et-Loir, ex fermier général, demeurant à Paris, place des Piques, section du même nom.
Clément CugnotLépinay, agé de cinquante cinq ans, natif de Paris, ex fermier général, y demeurant, rue de la Jussienne, section du Contrat-Social.
Jean Louis Loiseau-Béranger, agé de soixante deux ans, natif de Paris, ex fermier général, demeurant rue Neuve du Luxembourg, section des Piques.
Louis Adrien Prévost d'Artincourt, âgé de cinquante ans, natif d'Evreux, département d'Eure et Loire, ex fermier général,~ demeurant à Migny-le-Hameau, district de Versailles, département de Seine et Oise.
Jérôme François Hector Saleur de Grizien agé de Soixante quatre ans natif d& Paris, ex fermier général, demeurant rue des Moulins, section de la Montagne n° 496. Etienne Marie Delahaye, agé de trente six ans, natif de Paris, ex fermier généra), demeurant place de la Révolution n° 3, domicilie ordinaire dans la commune de SaintFirmin, district de Senlis, département de l'Oise. Etienne Marie Delahante, agé de cinquante ans, natif do Crépy, département de l'Oise, adjoint à la ferme générale, rue Honoré n°50, section des Thuilleries. Francois Marie Ménage-Pressigny, agé de soixante ans, natif de Bordeaux; ex fermier général, demeurant rue des Jeuneurs n° 25, section de Brutus.
Guillaume Couturier, agé de soixante ans, natif .d'Orléans, ex fermier général, demeurant rue de Cléry n° 67 section de Brutus.
Louis Philippe Duvaucel, âgé de quarante ans, natif de Paris, ex fermier général, demeurant rue Cadet n° 8, section du faubourg Montmartre.
Alexandre Philibert Pierre Parceval, agé de trente six ans, né à Paris, ex fermier général, demeurant à Gomville, district de Caen, département du Calvados.
Jean Fnncois Didelot, âgé de cinquante neuf ans, natif de Chalons sur Marne, ex fermier et régisseur général, demeurant rue de Buffon, section du faubourg Montmartre. Tous cidevant fermiers généraux intéressés dans les baux de David, Salzard et Mager, ont été traduits tous au tribunal révolutionnaire pour être jugés conformément à la loi sur les délits de dilapidation des revenus du gouvernement, concussions et exactions, fraudes envers le peuple, infidélité envers le gouvernement, et autres dont ils sont prévenus.
Qu'examen fait tant des pièces adressées à l'accusateur public par le Comité de Sureté génératte de la Convention que du rapport fait à la Convention au nom des Comités de Sureté généralle des finances et de l'examen des comptes, réunis à la commission des cidevant fermiers généraux, et dos interrogatoires subis pardevant le tribunal par chacun des prévenus, il résulte que les dits fermiers généraux, au lieu de se borner, pendant le bail de David, à jouissance de l'intérêt à quatre pour cent que leur accordoit le bail enregistré dans les cours, tant sur les soixante et douze millions de cautionnement que sur les vingt millions de prêt remboursables par sixième et par année, se sont attribués des intérêts à six et à dix pour cent, tant sur les sommes que sur la mise des fonds nécessaire à leur exploitation antérieure, et que par les attributions qu'ils ont introduites dans les frais de régie, ils se sont procurés des bénéfices non alloués, dont les capitaux ont fructifié dans leurs mains.
Qu'ils ont exercé une concussion répréhensible sur le peuple, en introduisant dans le tabac, après sa préparation,
de t'eau dans la proportion d'un septième, et en lui faisant payer cette eau au prix du' tabac, concussion aussi dangereuse pour la santé du consommateur que nuisible ses intérêts.
Qu'ils ont enfreint les clauses du bail qui les assujettisoit à verser chaque mois le produit des frais qui leur étoit donné en régie.
Qu'ils ont préjudicié aux droits du gouvernement en faisant substituer au dixième étaMi par l'édit de mil sept cent soixante quatre et l'arrêté du quatre février mil sept cent soixante et dix sur les bénéfices résultant du bail, les dispositions de l'arrêt du vingt un janvier mil sept cent soixante et quatorze.
Qu'ils ont sollicité et obtenu une indemnité pour la distraction d'une partie des perceptions qui leur étoient confiés, lorsqu'il est évident que cette distraction ne leur étoit pas onéreuse.
Qu'ils ont retenu dans leurs mains des fonds provenants des bénéfices, lesquels devoient être versés dans le trézor pubtic, au moment où ils se sont répartis la portion qui leur en revenuit.
Qu'ils ont accordé des gratifications extraordinaires à des personnes qui n'y pouvoient prétendre, ordonné des dépenses contre les principes consacrés et disposé, par ce moyen, de ce qui appartenoit au gouvernement. Qu'ils ont enfin liquidé les débets des comptes qui concernoient leur administration avec l'argent qui provenoit .do l'administration nationale.
En conséquence, l'accusateur public a dressé le présent acte d'accusation contre les dits Neuilly, Rougeot, Sanlot, LeBas-Courmont, Delaage père, Delaage-Bellefaye, Boullongne, Vente, Lavoisier, Puissant, Montctoux, PercevalFrileuse, Paulse, Victor d'Auteroche, La Perrière, d'Angerre Bagneux, Deville, Lépinay, Beranger, Prévost d'Arlincourt, Saleur de Grizieu, Ménage-Pressigny, Delahaye, Delahante, Couturier, Duvaucel, Fabrisse, Parcel Saint-
Cristau, Perceval, Didelot', tous ci-devant fermiers généraux, intéressés dans les baux de David, Salzar et Mager, pour avoir, au lieu de se borner, pendant le bail de David, à la jouissance des intérêts à quatre pour cent que leur accordoit le bail enregistré dans les cours, tant sur les soixante et douze millions de prêt remboursable par sixième et par année, se sont attribués des intérêts à dix pour cent, tant sur les dittes sommes que sur la mise des fonds nécessaires à leur exploitation antérieure, et que par les attributions qu'ils ont introduites dans les frais de la régie, ils se sont procurés des .bénéfices non alloués, dont les capitaux ont fructifié dans leurs mains. 2" D'avoir exercé sur le peuple une concussion en introduisant dans le tabac après sa préparation do l'eau dans la proportion d'un septième, et en lui faisant payer cet eau au prix du tabac, concussion aussi dangereuse pour la santé du consommateur que nuisible à ses intérêts.
3" Avoir enfreint les clauses du bail qui les assujettissoient à verser chaque mois le produit des droits qui leur étoit donné en régie.
4° Avoir préjudicié aux droits du gouvernement en faisant substituer au dixième établi par l'édit de mil sept cent soixante quatre et l'arrêt du quatre février mil sept cent soixante et dix sur les bénéfices résultants du bail, les dispositions de l'arrêt du vingt un février mil sept cent soixante et quatorze.
5° Avoir sollicité et obtenu une indemnité pour la distraction d'une partie de perceptions qui leur étoit confiée, lorsqu'il est évident que cotte distraction no leur étoit pas onéreuse.
6° Avoir retenu dans leurs mains des fonds provenants des bénéfices, lesquels devoient être versés dans le trésor 1. On remarquera que le nom de Saint-Amand a été omis dans l'énumération ûnate des accusés.
public, au moment où ils se sont répartis dans la portion qui leur en revenoit.
7° Avoir accordé des gratifications extraordinaires à des personnes qui n'y pouvoient prétendre et qu'ils ont en outre ordonné des dépenses contre les principes consacrés et ont disposé par ce moyen de ce qui appartenoit au gouvernement.
8° Enfin avoir liquidé les débets des comptes qui concernoient leur administration avec l'argent qui provenoit de l'administration nationale.
Pourquoi l'accusateur public requiert qu'il ;ui soit donné acte de la présente accusation, qu'il soit dit et ordonné qu'à sa diligence et par l'huissier porteur do l'ordonnance à intervenir, les prévenus seront pris au corps et écroués sur les registres de la Conciergerie où ils sont détenus pour y demeurer comme en maison de justice et que la ditte ordonnance sera notifiée.
Fait au cabinet de l'accusateur public le seize floréal, l'an deuxième de la République française une et indivisible.
A. Q. FououiER.
(~t'c/tM)M nationales, série W, carton 362,
dossier TSS, pièce 17.)
PROCÈS DE MADAME ELISABETH
Arrêtée et enfermée au Temple en même temps que le Roi et la Reine, Marie-HéIène-Ëlisabeth de France, Site du GrandDauphin, ne quitta la prison de Louis XVI que le 20 floréal an I! (9 mai 1794). Entre dix et onze heures du matin elle fut écrouée à la Conciergerie, où elle subit un premier interrogatoire, cet interrogatoire que la loi de prairial devait supprimer. Le soir du même jour son acte d'accusation lui fut remis, et le 21 floréal elle comparut devant le Tribunal révolutionnaire.
L'acte d'accusation mentionnait, avec le sien, les noms de vingt-quatre autres accusés. Un seul ne se présenta pas M"' de la Luzerne-Montmorin, qui avait tenté de se suicider. La séance était présidée par Dumas, assisté de Maire et Deliège. Fouquier se fit remplacer à l'audience par son substitut Liendon. Les vingt-quatre accusés furent condamnés à mort. Seule M" de Sérilly, enceinte, obtint un sursis, ce qui lui permit d'atteindre le 9 thermidor. Ce fut elle qui, son acte mortuaire à la main, comparut dans le procès de Fouquier-TinvitIe. L'exécution eut lieu le même jour, à six heures du soir, sur la place de la Révolution, et les cadavres allèrent au cimetière des Errancis. Antoine-Quentin ~OM~MM)', /icCMM<eM)'pM&Hc du 7'nbunâl )'~o~«<onKe[:)'e, etc.
Expose que par différents arrêtés du Comité de Sûreté généralle de la Convention, des comités révolutionnaires de différentes sections de Paris, du département de l'Yonne et en vertu de mandats d'arrêts décernés par l'accusateur public ont eté traduits au tribunal.
1" Marie-Elizabeth Capet sœur de Louis Capet, le dernier des tirans des François, âgée de trente ans, née à Versailles.
2* Anne Dumas veuve de l'Aigle, cydevant marquise, né (sic) à Keisnist dans la campagne de Westphalie demeurant à Montagne-Bel-Air, cy-devant Saint-Germain en Laye, département de Seine et Oise, agé (!tc~ de cinquante cinq ans.
3" Louis Bernardin Leneuf Sourdeval, agé de soixante neuf-ans, né à Caen, ex comte, demeurant actuellement à Chatou, département de Seine et Oise, avant demeurant dans le district de Caen département .du Calvados. 4° Anne Nicole Lanvignon veuve du cydevant marquis de Senozan, agée de soixante-seize ans, né (sic) à Paris, y demeurant.
5° Claude Louise Angélique Bersin, femme séparée de corps et de biens depuis huit ans de Crussol d'Amboise, âgée de soixante et quatre ans, cydevant marquise, née à Paris, y demeurant.
6° Georges Falloppe, agé de soixante quatre ans, officier municipal de la commune de Paris et pharmacien, né à Ecalalis, près d'Yvetot, et demeurant à Paris rue et porte Honoré.
7" Denise Buare, âgée de cinquante deux ans, vivant de son bien, né (sic) à Paris, y demeurant rue Florentin,
n"~4.
8" Louis Pierre Marcel Letellier, dit Bullier, agé de vingt un ans et demie, cydevant employé à l'habillement, né à Paris, y demeurant, rue Florentin n° 674. 9° Charles Cressy-Champmilon, agé de trente trois ans, cydevant noble, ayant servi en qualité de sous-lieutenant
dans le cydevant régiment de Vieille-Marine, natif de Courlon près Sens, département de l'Yonne, depuis s'annonçant avoir fait le commerce.
10° Théodore Hall, agé de vingt-six ans, manufacturier et négotiant, natif de Sens, y demeurant, département de l'Yonne.
11° Alexandre François Loménie, agé de trente six ans, né à Marseille, y demeurant, cydevant colonel du régiment des chasseurs cydevant Champagne, qu'il a quitté en mil sept cent quatre vingt dix, ex comte, domicilié à Brienne et arrêté a Sens en visite.
12" Louis Marie Athanase Loménie, agé de soixante quatre ans, né à Paris, ex ministre de la guerre, et depuis la Révolution maire de Brienne.
14° Antoine Hugues Calixte Montmorin, agé de vingt deux ans, né à Versailles, sous lieutenant dans le cinquième régiment des chasseurs à cheval, grade dont il a donné sa démission le cinq septembre mil-sept-centquatre-vingt-douze, demeurant à Passy, département de l'Yonne.
14" Jean Baptiste Lhoste, agé de quarante sept ans, né à Forges, dans le cydevant Clermontois, agent de Serilly dont il étoit le domestique, demeurant à Paris.
15° Martial Loménie, ex coadjuteur de l'évéché du département de l'Yonne, âgé de trente ans, né à Marseille, demeurant à Sens, ex noble.
16° Antoine Jean François Megret de Serilly agé de quarante huit ans, né à Paris, cydevant trésorier général de la guerre jusqu'en mil sept cent quatre vingt sept et cultivateur depuis mil sept cent quatre vingt neuf, demeurant à Passy, district do Sens. 170 Antoine Jean Marie Mégret d'Etigny, agé de qua" rante-six ans, né à Paris, cy devant sous aide major des cydevant gardes françaises qu'H a quitté en mil sept-cent- quatre-vingt-sept, ex noble, demeurant à Sens, département de l'Yonne.
18" Charles Loménie, agé de trente trois ans, né à Marseille, cydevant chevalier de Saint-Louis et de Cincinnatus, domici!ié à Brienne, département de l'Aube. 19" Françoise Gabrielle Tanesse, veuve Montmorin, ex ministre des affaires étrangères, né à Chadein en Auvergne, département du Puy-de-Dome, agée de cinquante sept ans, demeurante lors de son arrestation à Passy, département de l'Yonne, chez la nommée Serilly. 20° Anne Marie Charlotte Loménie, divorcée de l'émigré Canizy, agée de vingt ,neuf ans, née à Paris, domiciliée à Sens, département de l'Yonne, et à Paris, rue Georges, section du Mont-Blanc, n" 18.
21° Mario Anne Catherine Rosset, agée de quarante quatre ans, née à Rochefort, département de la Charente, femme de Charles Christophe Rosset-Circi, officier do marine, émigré, demeurant lors de son arrestation à Sens.
22° Elisabeth Jacqueline Lhermitte femme de Rosset, agée de soixante-cinq ans, née à Paris, demeurant à Sens son mari cy-devant lieutenant-colonel des carabinie.rs, maréchal de camp, ex-nobte, émigré.
23° Louis Claude Lhermitte de Chambertrans, agé de soixante ans, né à Sens, y demeurant, prêtre et ex chanoine de la cydevant cathédrale de Sens, ex noble. 24° Anne Marie Louise Thomas, femme Sérilly, agée de trente un ans, née à Paris, demeurant à Passy, département de l'Yonne.
25" Et Jean Baptiste Dubois agé de quarante un ans, né à Morfy, district de Reims, département de la Marne, domestique d'Etigny, qui demeurait chez sa mère, vieille rue du Temple.
Que c'est à la famille des Capets que le peuple françois doit tous les maux sous le poids desquels it a gémi pendant tant de siècles.
C'est au moment où l'excès de l'oppression a forcé le peuple de briser ses chaines que toute cette famille s'est
réunie pour le plonger dans un esclavage plus cruel encore que celui dont il vouloit sortir. Les crimes de tous genres, les forfaits amoncetés de Capet, de la Messaline Antoinette, ses deux frères Capet et d'F.Hsabeth, sont trop connus pour qu'il soit nécessaire d'en retracer ici l'horrible tableau. Ils sont écrits en caractère (~tc) de sang dans les annalles de la Révolution, et les atrocités inouies exercées par les barbares émigrés ou les sanguinaires satellites des despotes, les meurtres, les incendies/tes ravages, enfin ces assassinats inconnus aux monstres les plus féroces qu'ils amoncellent sur le territoire français sont encore commandés par cette Jétestabte famille et pour livrer de nouveau une grande nation au despotisme et aux fureurs de quelques individus.
Etisabeth a partagé tous ses crimes, elle a coopéré à toutes les trames, à tous les complots formés par ses infâmes frères, par la scélératte et impudi.que Antoinette, et toute la horde des conspirateurs qui s'étoient réunie autour d'eux, elle est associée à tous leurs projets, elle encourage les assassins de la patrie, les complots de juillet mit-sept-cent-quatre-vingt-neuf, la conjuration du six octobre suivant, dont les Destaing' et les Vitteroy' et d'autres qui viennent d'être frappés du glaive de la loi étoient les agents; enfin toute cette chaîne non interrompue de conspirations pendant quatre ans entiers ont été suivis et secondés de tous les moyens qui étoient au pouvoir d'Elisabeth. C'est elle qui, au mois de juin milsept-cent-quatre-vingt-onze, fait passer les diamants, qui étoient une propriété nationale, à l'infâme d'Artois, son frère, pour le mettre en état d'exécuter les projets concertés avec lui et soudoyer des assassins contre la patrie.
1. Chartes-Henri d'Estaiog, amira), guillotiné le 9 floréal an 11 (28 avril n94).
2. Louis-Gabrielle de Neuville, duc de Villeroy, pair de France. capitaine des gardes, guillotiné le 9 floréal an Il.
C'est elle qui entretient avec son autre frère, devenu aujourdhuy l'objet de la dérision, du mépris des despotes coalisés, chez lesquels il est allé déposer son imbécitte et lourde nullité, la correspondance la plus active. C'est elle qui vouloit, par l'orgueil et le dédain le plus insultant, avilir et humilier les hommes libres qui consacroient leur temps à garder leur tyran. C'est elle enfin qui prodiguoit des soins aux assasins, envoyés, aux Champs-Elysées, par le despote, provoquer les braves Marseillais, et pansoit les blessures qu'ils avoieht reçues dans leur fuite précipitée.
Elisabeth avoit médité avec Capet et Antoinette le massacre des citoyens de Paris dans l'immortelle journée du Dix Aoust. Elle veilloit dans l'espoir d'être témoin de ce carnage nocturne. Elle aidoit la barbare Antoinette à mordre dès balles et encourageoit par ses discours des jeunes personnes que des prêtres fanatiques avoient conduits au château pour cette horrible occupation. Enfin, trompée dans l'espoir que toute cette horde de conspirateurs avoit que tous les citoyens se présenteroient pendant la nuit pour renverser la tyrannie, elle fuit au jour, avec le tyran et sa femme, et va attendre dans le temple de la Souveraineté nationale, que la borde d'esclaves soudoyés et dévoués aux forfaits de cette cour parricide aye noyé dans le sang des citoyens la liberté, et lui aye fourni les moyens d'égorger ensuite ces représentants au milieu desquels ils avoient été chercher un azile. Enfin, on l'a vu, depuis le supplice mérité du plus coupable des tyrans qui ait déshonoré la nation humaine, provoquer le rétablissement de la tyrannie en prodiguant avec. Antoinette au fils de Capet les hommages de la royauté et les prétendus honneurs du throne.
La femme de l'Aigle, dont le mari a déjà subi le châtiment du à un traitre età un lâche conspirateur, n'a cessé, depuis la Révolution, de prouver hautement toute la haine qu'elle lui avoit vouée. Elle disoit, lors de la fuite
du tyran à Varenne « C'est un grand bonheur pour la France. Nous ne devons pas être rebelles à un monarque ny le tenir en prison. Un tas de crapules, un tas de cordoniers et savetiers et autres qui feroient beaucoup mieux de faire leur commerce que de se mêler du ministère. Nous serions pires que les esclaves. Si le roy avoit bien fait, il auroit fait mettre '.ne batterie de canon pour balayer cette crapule et ce tas de rebelles qui se p~ mettent de traiter le roy et la reine de boulanger, de boulangère et de petit mitron. J'espère que la reine a assez de caractère pour s'être munie da deux pistolets, pour brûler la cervelle au Roy ainsi qu'à elle, plutôt que de se laisser traiter do cette manière. Mais qu'elle espéroit que les dimensions étoient bien prises pour assurer sa fuite, que le Roy iroit trouver son beau-frère pour lui donner dos forces et venir à Saint-CIoud, l'épée à la main, pour le mettre sur le thrône. C'est là où l'on verra la petite Bleuette se jeter aux genoux du Roy et de l'Empereur pour demander grâce, mais qu'il n'y auroit aucune grâce, qu'on les raseroit comme on rase les bleds pour leur audace et désobéissance, o Ajoutant après l'arrestation du tyran et de sa femme « Je suis surprise que la reine n'aye pas brulé la cervelle a celui qui a été assez audacieux de l'arrêter. Pour moi je ne l'aurais pas manqué. »
Cette femme devoit nécessairement prendre une part très active à la contre-révolution et entretenir des correspondances avec les émigrés. Aussi a-t-on trouvé chez elle une lettre de l'un de ces assassins datée de Coblentz en datte du six octobre mil sept cent quatre vingt onze. « Madame la Comtesse, lui dit-on, permettez-vous qu'un « militaire impatient de s'associer à la gloire des che« valiers français d'Outre-Rhin soit un dos premiers à « vous adresser l'hommage d'un projet qui ne pourroit « sans doute rien ajouter à leur émulation, mais qui aura « l'avantage certain d'en doubler la récompense. Le
reste de la lettre est du même genre et se termine par ces mots « Je vous prie de distinguer plus particulièrement, Madame, les sentiments du général Bender. » « Je me suis acquitté suivant ce que vous m'aviez « mandé, Madame, lui écrit de Nivelle en Allemagne, « le premier aoust dernier, une nommée Vandernoot, « abbesse du même lieu, de faire dire des messes pour « la moitié des canons de la ditte rente et rname par pré« férenco par dc° prêtres émigrés français, et j'ai remis « les quatre pistoles restantes au sieur Jaucourt votre « commissionné. »
Ces textes qui établissent et les correspondances de la femme de l'Aigle avec les plus cruels ennemis de l'Etat et les secours en argent qu'elle leur faisoit passer, et inutile d'ajouter à ces preuves celles qui résultent de tous les ouvrages incendiaires et contre-révolutionnaires dont une ample collection a été saisie chez cette femme. Hall (ils, ainsi que son père, décédé depuis son arrestation, étaient les intermédiaires des correspondances des ennemis de l'extérieur avec ceux de l'intérieur. Il existe des preuves matérielles qu'ils faisoient passer des fonds aux émigrés et notamment au nommé Chamillon, frère de l'un des prévenus, et que sa mère aussi décédée à la Conciergerie, avoit envoyé porter les armes contre sa patrie. Ce Chamillon adressoit les lettres pour son frère et pour sa mère. Il correspondoit encore avec eux par la voye d'un nommé Dury, banquier, qui adressoit ces lettres à Hall pour les remettre à la veuve Chamillon et à son fils. Enfin d'autres lettres étoient encore adressées audit Mail fils, par un prétendu nommé Wanongvall qui étoit le nommé Rosset Chambetrand émigré et destinés (sic) pour l'épouse de celui-cy. Il recevoit encore celles que lui adressoit le nommé Rosset-Cercy, autre émigré pour sa femme. A ces lettres étoient joints des petits billets dont il suffira de rapporter le texte d'un seul pour les faire connoitre tous « Milles choses aimables à M. Hall; les
« affaires de notre commerce vont toujours de mieux en « mieux je l'embrasse de tout mon coeur et le prie de « remettre la lettre cy-jointe à nos associés qu'il seait « bien. Les manufacturiers écrivent de toutes parts (c'est« à-dire les troupes étrangères); j'espère que les étran« gers feront de bonnes affaires. »
Quant à ChamiHon fils, il avoue qu'il n'est rentré sur
le territoire tt'ancojs qn'au mois de novembre mil sept cent quatre vingt douze. Il paroit qu'il avoit porté les armes contre la Franco et qu'après l'évacuation du territoire françois, il est parvenu, comme bien d'autres, à y rester. Sa correspondance avec son autre frère, qui porte encore aujourd'huy. s'il existe, les armes contre la république, est constante.
C'etoit Hall père et fils qui en étoient les entremetteurs. Ces lettres écrites en caractères apparents sont encore écrites dans les interlignes en caractères simpathiques et contiennent tous les détails contre-révolutionnaires que l'on peut attendre d'un conspirateur. C'est le frère de Chamilton qui en est l'auteur.
La femme Canisy, parente de défunt Brienne, ex archevêque, ex cardinal, et cy-devant évêquo constitutionnel du département de l'Yonne, no paroit avoir divorcé avec son mari émigré que pour déguiser ses correspondances avec lui. Il prenoit le nom d'Hervé dans une de ses lettres sous la datte du trente mars mil sept cent quatre vingt treize; if fait naitre des doutes sur le payement des impositions; il engage même son épouse à ne pas les acquitter; il entre dans les défaits des projets contre-révotutionnaires après leurs prétendus succès et surtout du plan d'exempter les émigrés pendant deux ans de tout impôt à raison des pertes énormes que leur fait éprouver la révolution; il se félicite, pour l'aggrandissement de sa fortune, du rétablissement d3 tous les droits féodaux; il conseille son épouse de prendre pour son compte la terre sur la quelle il paroit que le défunt évêquo avoit des droits à exercer. n
Ce dernier y est désigné sous le nom de Chartes. Suivant l'émigré cette terre doit rapporter vingt sept mille livres de rente après le rétablissement de la féodalité. H s'ensuit donc que le divorce n'auroit été qu'une manœuvre pour soustraire à la poursuite des autorités constituées le gage de la garantie nationalle et le faire passer dans le mains de la Canisy.
Les femmes Rosset-Chambertrand, Rosset-Cressy, et Lhermitte Chambertrand, prêtre, ont entretenus des correspondances avec les nommés Rosset-Chambertrand, Rosset-Crecy, maris des deux premières, et Christophe Colombeau-Rosset tous émigrés.
Colombeau-Rosset, dans une lettre du six avril mil sept cent quatre vingt treize, donne des louanges à Dumouriez et aux généraux ennemis, parle d'une lettre que la femme Rosset son épouse avoit acquitée pour fui.
Par une autre lettre écrite par Rosset à la femme Rosset-Crecy, il lui annonce un projet de contrerévolution. Enfin ces lettres, écrites à la femme Chambertrand étoient signés Wanonguevall, et les billets trouvés chez Hall prouvent combien cette correspondance étoit active. La femme Crussol d'Amboise a entretenu des intelligences avec les conspirateurs sortis du territoire françois et notament avec cet infame d'Aligre, ex premier président du cy-devant parlement, avec lequel elle avoit depuis longtemps des liaisons qui les avoient rendus l'une et l'autre le scandale et l'opprobre de la Société. Ces correspondances sont avouées par elle. Le premier septembre mil sept cent quatre vingt douze, d'Aligre lui marqua de Bruxelles qu'il avoit plusieurs de son parti à dlner en réjouissance d'un triomphe qu'ils croyoient certain. Aussi pour produire la disette du numéraire avoit-elle enfoui chez elle quatre-vingt-douze mille livres en or et argent hidépendament des médailles et jetions et une grande quantité de vaisselle d'argent. C'est cette femme qui a employé envers deux officiers municipaux nommés Lapeyre
et Laville un système de corruption dont ils ont été les victimes, puisqu'ils ont été frappés du glaive de la loi'. Sa maison étoit le réceptacle d'une foule de conlrerévolutionnaires et de conspirateurs.
Sourdeval, ex comte, lié avec la femme Senozant partageoit sa haine pour la Révolution. Hs'étoit établi à Caen en mil sept cent quatre vingt onze, au moment où se préparoit la contrerévotution dont il a été l'un des agents, et il ne s'est retiré de cette ville que pour se soustraire aux poursuites faites contre les conspirateurs.* H avoit excité contre lui, par sa tyrannie et son oppression, l'indignation des habitants de Sourdeval. Enfin tout donne lieu de croire qu'il avoit des relations intimes avec d'Aligre, et qu'il entretenait des correspondances avec ce conspirateur, et avec Vibray et La Luzerne émigrés, gendres d'Angran d'Alleray, aussy frappé du glaive de la loy, chez lequel il s'est réfugié pendant longtemps de son aveu même. La femme Senozan a cru égafement qu'elle devoit déclarer la guerre à la liberté et à l'égalité. Sœur de Lamoignon-Maisherbes, elle a partagé son sistème contre révoiutionnaire. Elle entretenoit des intelligences jusques dans la tour du Temple, à l'aide de Fallope, ofucier municipal, à qui il paroit qu'elle donnoit fréquement des sommes d'argent qui ne pouvoient être que le salaire de ses complaisances criminoHes. Tout ce qui lui est parent ou allié est compté au nombre des ennemis de la république. L'infâme La Luzerne et toute sa famille, Archambault, Périgord et Montboisier, député à rassemblée constituante, ainsi que toute sa fam'iie, l'évoque de Langres, ChateauBriand, Le Bron, trésorier des parties casuelles, les Latneth, tous émigrés, étoient les parents de la femme Sénozan et formoient, avant leur ém'gration, sa société. 1. Pierre Lapeyre, chirurgien, et Pierre Laville, cordonnier, avaient tous les deux, en raison de ces faits de corruption, été condamnés et exécutés le 27 germinal précédent (16 avril n94).
H parait môme certain, d'après les débats qui ont eu lieu dans l'affaire de Matsherbes et autres conspirateurs, que le foyer de l'intrigue avec l'Angleterre était dans la maison de Lamoignon-Malsherbes et de la veuve Senozan, sa sœur, par différents moyens qui produisoient un même résultat.
Quant à Falloppe, il a avili autant qu'il a été en lui les fonctions que le peuple lui avoit conSées. Agent de la faction d'Orléans, il vouloit faire pour ce traître, sous le nom d'un nommé Lemon, un emprunt de quatre cents mille livres, à dix pour cent, en perpétuel, ce qui prouve qu'il étoit l'agent d'un projet quelconque. I) ne profitoit de l'entrée que lui procuroient ses fonctions dans la tour du Temple que pour servir les intrigues et les manœuvres de la femme Senozan, chez laquelle il se rendoit ou qui se rendoit chez lui pour y donner les détails que désiroit cette femme. Bien plus, persuadé qu'un fonctionnaire publie étoit à l'abry de la suspicion, il a voulu'abuser de la confiance qu'il devoit inspirer pour cacher chez lui l'argenterie de la femme Senozan et la dérober aux recherches des autorités constituées. Dans une visite faite chez lui par les autorités constituées, il dénia rien avoir de caché, et ce n'est que deux mois après que sa fraude a été découverte. Cette argenterie étoit un objet de plus de' quarante mille livres.
Enfin Fallope est prévenu d'avoir entretenu des correspondances avec les émigrés et notament avec un des frères Lemon, agent d'Orléans émigré. La lettre qui lui est adressée est signée Clerq, mais elle est évidement de Lemon.
Aussi Falloppe avoit-il chez lui le nommé Letellier, fils naturel de Biron, qui avoit manifesté par ses propos atroces ses principes contrerévo)utionnaires. H disoit,en présence d'un citoyen étranger, en dinant avec lui chez Falloppe père, qu'il poignarderoit Marat pour anéantir ses principes. La femme Buard, mère dudit Letellier, étoit comme
son fils l'ennemi de la révolution et tenoit aussi les propos les plus anticiviques. Sa résidence dans le cydevant chateau d'Anecy, appartenant à un émigré, établit sa correspondance avec lui d'une manière sans réplique.. Mégret de SériDy et sa femme doivent être mis dans le nombre des complices de Capet et sa femme, ainsi que Mégret d'Etigny, cydevant sous aide de camp des gardes françaises. Mégret de Sérilly et d'Etigny étoient certainement de tous les projets de conspirations et ont figuré dans les journées du vingt-huit février mil sept cent quatre vingt onze, vingt juin et dix aoust mil sept cent quatre vingt, douze. Mégret d'Etigny a même émigré et paroit s'être réuni aux conspirateurs de Coblentz et de Bruxelle il appelle cette émigration un voyage aux eaux de Plombières. Enfin c'est Mégret d'Etigny qui a recueilli chez lui l'infâme Vioménil. Cet assassin du peuple qui ayant reçu un coup de feu aux Thuil'eries a cherché une retraite chez son complice, où il est décédé, en expiant dans de longues souffrances les forfaits qu'il avoit commis contre le peuple. D'Etigny l'a fait inhumer sous le nom de Duhoux.
Le nomme Dubois, domestique dudit Mégret d'Etigny, paroit avoir joué un rote au château des Thuilleries, le dix aoust, avec son maître. C'est ce qui résuite dos contradictions évidentes dans les réponses par lui faites lors des interrogatoires qu'il a subis. Enfin, trahissant sa patrie, c'est lui qui a donné des soins à l'infâme Vioménil, qu'il devoit dénoncer à la justice, et livrer, comme un assassin, au glaive des loix. I) s'est rendu le complice de ce scélérat en le dérobant à la vengeance nationale, et ce de complicité avec Mégret d'Etigny.
Le nommé Lhott, agent do Sérilly, paroit avoir été leur agioteur pour faire passer du numéraire aux émigrés. Il paroit que c'est à ce commerce liberticide qu'il doit la fortune qu'il a amassée en très peu de tems. Ces principes et ses sentiments contre révolutionnaires sont constans
par ses liaisons avec les Sérilly, les d'Etigny. Des emblèmes de la féodalité et du royalisme trouvés chez lui attestent d'ailleurs sa haine pour la révolution. Loménie Brienne, ex ministre, n'a paru prendre le masque du patriotisme que pour se former un parti dans les communes environnantes son domicile. Aussi est-il parvenu à se faire nommer maire et a-t-il obtenu, dans ce moment, de nombreuses réclamations en sa faveur. Mais qui ne connoit l'exercice de son ministère et les nombreuses injustices qu'il a exercées envers les deffenseurs de la patrie?
Martial Loménie, ex coadjuteur de Févèché de l'Yonne, paroit avoir été l'un des complices des forfaits du Tyran dans la journée du dix aoust. On Je voit en effet quitter Sens au mois de juillet mil sept cent quatre-vingt-douze pour aller à Lille. Il est à remarquer que son passeport ne se trouve plus et que c'est à la fin d'aoust qu'il est revenu à Sens, que tout donne lieu de croire qu'il a figuré dans la horde des conspirateurs qui étoient aux Thuilleries pour assassiner le peuple.
Alexandre-François Loménie, ex colonel des chasseurs de Champagne, paroit avoir été du nombre de ces lâches assassins aux ordres du Tyran. Il paroit avoir quitté le corps où il servoit par haine pour la Révolution. H paroit aussi être sorti du territoire françois pour conspirer contre sa patrie. Enfin on doit observer qu'il avoit des relations particulières avec Mégret d'Etigny. La femme Loménie paroit avoir partagé les trames de son mari contre la patrie.
Charles Loménie paroit par ses liaisons avec d'Etigny et Sérilly être devenu le complice de leurs manœuvres liberticides. C'est chez ledit Mégret d'Etigny que les deux frères ont été arrêtés.
La femme Montmorin, veuve du scélérat qui a trahi la France pendant toute la révolution et qui a subi la vengeance terrible du peuple, étoit la complice de tous les
crimes de son infame mari. Elle paroit avoir entretenu des correspondances avec le traître La Luzerne. Le nommé Montmorin fils étoit au château le dix aoust mil sept cent quatre-vingt douze. La preuve en résulte d'une arme que l'on a trouvée chez lui et qui servit ce jour là à poignarder plusieurs citoyens. C'est une canne à deux dards dont il avoit été fabriqué alors une si grande quantité, et qui, en même tems qu'elles étoient l'instrument de l'assassinat du peuple, étoient aussi un signe do ralliement pour les conjurés.
La fille Montmorin, femme La Luserne, a entretenu la correspondance la plus active et la plus suivie avec son mari. Les lettres existent, et la femme La Luzerne, convaincue de ce délit, a cherché à prévenir le jugement que la loi doit porter contre elle.
D'après l'exposé cy-dessus, l'accusateur public a dressé le présent acte d'accusation contre les y dénommés, pour avoir conspiré contre la sûreté et la tranquillité du peuple français en entretenant des intelligences et correspondances avec les ennemis extérieurs de la nation en leur fournissant des secours en hommes, en argent et autrement, à l'effet de favoriser l'invasion du territoire françois et faciliter le succès des armes des puissances coalisées, comme aussi en pratiquant des manœuvres tendants à exciter la guerre civile en armant les citoyens les uns contre les autres.
En conséquence,l'accusateur public requiertqu'illui soit donné acte de la présente accusation par lui portée contre Marie-Elizabeth, sœur do Capet, et contre Dumas veuve de Laigle, Leneuf-Sourdeval, Lamoignon veuve Senozan, Bersin femme séparée de Crussol d'Amboise et autres susnommés, qu'il soit dit et ordonné qu'à sa diligence, et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, lesdits prévenus seront pris au corps et écroués sur les registres de la maison d'arrêt où ils sont détenus pour y rester comme en maison de justice, et que l'ordon-
nance à intervenir sera notifiée tant aux accusés qu'à la municipalité de Paris.
Fait au cabinet de l'accusateur public, le vingt floréal l'an deux de la République une et indivisible. A.Q.FOUQUIER.
(~b'c/nt'e} ??a<!0)Mt~, série W, carton 363,
dossier 187, p. 7.)
PROCÈS
DE LA CONSPIRATION DE L'ÉTRANGER
La tentative d'assassinat sur Collot d'Herbois, par Admira!, et celle sur Robespierre, par Cécile Renault, formèrent ]a base de la Conspiration de l'Étranger, dite encore la Conjuration de de Batz. Il est hors de doute que cette conjuration exista et qu'elle ne fut pas sans inquiéter les Comités. Mais qu'elle ait choisit Admirai et la jeune Renault pour accomplir une partie de son plan, cela est moins vrai&emblable. Renvoyé une première fois devant le Tribunal révolutionnaire, par un décret de la Convention du 4 prairial, an H, Admirai le fut une seconde fois, le 26 prairial, après la lecture du rapport d'Elie Lacoste, avec ceux dont on trouvera les noms dans le préambule du réquisitoire de Fouquier-Tinville.
Aux complices avérés de de Batz on joignit les derniers partisans des hébertistes et des dantonistes, et. cette étrange fournée, menée à la guillotine en chemise rouge, fut un des premiers coups hypocrites portés par les Comités à l'influence populaire de Robespierre. Ce fut dans le sang de cet énorme holocauste qu'on le fit trébucher le 9 thermidor.
A ces quarante-neuf accusés, tous condamnés à la peine de mort, on joignit le comte de Rossay-FIeury qui réctama, du Luxembourg, le d)'o:< de mott~er SM)' <'e'e/tCt/'<tM~ are~ <MS les honnêtes ~eMS,.et quatre individus, parmi lesquels Marine et Froidure. L'exécution, Barrière du Trône-Renversé, dura
vingt-huit minutes. Les cadavres allèrent au charnier SainteMarguerite, a Charonne.
Ce réquisitoire est émaillé de fautes d'orthographe nombreuses. Rédigé le 28 prairial, il n'a, sans doute, point été relu et corrigé par Fouquier, qui y apposa simplement sa griffe nette et rude.
AntOtHC-~MeHttM T~OM~MMt', /lcCtM6t~MrpM6<tC du ?~~«Ka~ ~fo/M~OMMa~c,. etc.
Expose que, par décret de la Convention Nationalle en datte du Prairial, présent mois.
1° Henry Admirai, agé de cinquante ans, né à Auzolet, district d'Issoire, département du Puy-de-Dôme, duquel lieu il est sorti il y a environ 26 ans, pour venir à Paris où il a demeuré cydevant domestique, ensuite attaché à Ja loterie cydevant royalle en qualité de garçon de bureau. 2° François Cardinal, âgé de quarante ans, né à Bussiere, département de la Haute-Marne, instituteur, tenant des pensionnaires demeurant à Paris, rue de Tracy, n°27.Section des Amis de la Patrie.
3° Pierre -Balthazar Roussel, âgé de vingt-six ans, né à Paris, y demeurant rue Holvetius, n° '!0, vivant de son bien.
4" Marie-Suzanne Chevalier, femme La Martinière, âgée de trente-quatre ans, née à Saint-Sauvan près de Poitiers, demeurant à Paris, rue Chabannois, n" 47, vivant séparée de son mari depuis trois ans.
5° Claude Paindavoine, âgé df; cinquante-trois ans, né à Lépine, district de Chatons, département de la Marne, concierge de la maison des cydevant loteries, à présent imprimerie des administrations nationales, rue Neuve des Petits Champs, n° 19, y demeurant.
6° Aimée-Céciio Renault, âgée de vingt ans, née à La date est demeurée en blanc sur l'origina.). C'est du décret du 26 prairial qu'il s'agit, rendu après le rapport de Lacoste.
Paris, y demeurant rue de la Lanterne, au coin de celte des Marmouzets, chez son père, marchand papetier. 7° Antoine Renault, âgé de soixante-deux ans, né à Paris, marchand papetier et cartier, rue de la Lanterne, section de ia Cité, y demeurant.
80 Antoine-Jacques Renault, âgé de trente et un ans, né à Paris, papetier rue de la Lanterne, y demeurant, section de la Cité..
9° Edme Jeanne Renautt, agée de soixante ans, née à Paris, ex religieuse, demeurant à Paris rue de Babylone n° 698. °
10" Jean Baptiste Portebœuf, âgée de quarante trois ans, né à Thoiré, demeurant à Paris rue Honoré n° 510, chez le moine' Crecy, maison du citoyen Mauroy, domestique. 11" André Saintenac, âgé do vingt deux ans, né à Bordeaux, é)ève en chirurgie employé à l'hôpital militaire de Choisy sur Seine, y demeurant et précédemment rue Quincampoix, maison ditte cydevant hotel de la Couronne. 12" Anne Magdeleine Louise Parmentier f" LemoineCrecy, agéo de cinquante deux ans, née à Gfermont en Beauvoisis, demeurant à Paris rue Honoré n°510, maison du c~ Mauroy et cydevant demeurant au garde-meuble. 13° François Lafosse, agé de quarante quatre ans, né à Versailles, chef de la surveillance de la police de Paris, demeurant rue du faubourg du Temple n° 32.
14" Jean Louis Michel Devaux, agé de vingt neuf ans, né à Doulon, départ de la Somme, commis a la trésorerie nationale, demeurant à Paris rue Barbe, section de Bonne-Nouvelle.
150 Louis Pottier de Litte, âgé de quarante quatre ans, né à Lille en Flandres, dern~ à Paris rue Favart, imo.'imeur et membre du Comité révolutionnaire de la section Lepelletier..
16° François Charles Virot-Sombreuit père, âgé do
1. Lisez: ~emoMc.
soixante et quatorze ans, né à Jusisham, depart. du HautRhin, ex gouverneur des Invalides, y demeurant, n" Stanislas Virot-Sombreuil fils, agé de 26 ans, né à Lechoisier en Limousin, ex capitaine de hussards et ex capitaine de la garde nationale de Poissy, y demeurant. 18" Jean Guelhenot Rohan-Rochefort, ex noble, agé de 24 ans, né à Paris, demeurant à Rochefort, cultivateur. 19° Pierre Laval-Montmorency, agé de 25 ans, né à Paris, y demeurant, rue du Bacq, ex noble.
20" Etienne Jardin, âgé de 48 ans, né à Versailles, demeurant à Paris rue Cadet, directeur des transports militaires depuis la Révolution et avant piqueur du tyran. 21" Charles Marie Antoine Sartine fils, agé de trente quatre ans, né à Paris, y demeurant, rue Vivienne, ex maitre des requêtes.
22° Barthelémy Constant jeune, agé de quarante deux [ans], né a Grasse en Provence, demeurant à Paris, rue du faubourg Martin n° 185, gendarme.
33° Joseph Henry Burlandeux, âgé do 39 ans, né à Sallier départ du Var, ex officier de paix, demeurant rue du faubourg Martin n° 64.
24° Louis Marie François S~ Mauris, ex prince, âgé de 38 ans, né à Paris, y demeurant rue faubourg Honoré n° 49, ancien militaire.
25° Joseph Guillaume Lescuyer, âgé de 46 ans, né à Antibes, départ, du Var, demeurant a Paris rue Poissonnière n° 16, musicien.
26° Achille Viart, agé de 51 ans, né a l'Amérique (stc), résident à Moriac, départ, du Bec d'Ambes, demeurant lors de son arrestation rue des Vieux-Augustins, cydevant militaire.
27" Jean Louis Biret-Tissot, agé de 35 ans, né à Paris, y demeurant, rue de Ménart*, domestique de la femme Grandmaison.
1. Lisex AfeM)'s.
28° Téodore Jauge, agé de 47 ans, né à Bordeaux, demeurant à Paris rue du Mont-Blanc, banquier. 29" Catherine Suzanne Vincent f° Griois, agée de 45 ans, née à Paris, y demeurant rue de Mesnart ( )/6'MS~). J.
30* Françoise Augustine Santnaré femme Dépréménil, âgée de quarante ans, née à l'isle Bourbon en Affrique, demeurant à Marcfosse, district de Montiviihers, département de la Seine-Inférieure.
31° Augustin François Ozanne, agé de 40 ans, né à Paris, y demeurant, rue de la Vieille-Monnoye, section des Lombards, ex officier de paix.
32'' Charles Armant Augustin Depont âgé de 49 ans, né à Paris, demeurant rue Notre Dame des Champs, ex noble.
33" Joseph Victor Cortey, âgé de trente sept ans, né à Saimphorien, département de Loire, demeurant a Paris rue de ia Loi, au coin de celle des filles Thomas, m'' épicier.
34" François Pauniier, âgé de 39 ans, né à Aunay, département de la Nièvre, marchand de bois à Paris, rue des Hommes libres aux Halles.
35° Jean François Deshayes, agé de 68 ans, né a Hersserange départ, de la Mozelle, ancien militaire et depuis marchand et membre du comité de surveillance de Luçon, y demeurant, district de Fontenay-!e-peup!e, département de)a Vendée.
36" Charles François René Duhardnz d'HautoviHe, agé de 23 ans, né au Mans, département de la Sarthe, ex noble qualifié comte, officier à la suite, demeurant lors de son arrestation à Paris rue Basse du Rempart n° 20. 37° Louis Comte, âgé de 4'! ans, né à Varennes, district do Chalons, départeme'.it de Saone-et-Loire, neg', arrêté à Paris rue SL Thomas du Louvre, grandomaison de France.
38° Jean Baptiste Michonis, âgé de 59 ans, né a Paris,
y demeurant, limonadier, ex administrateur de police. 39° Philippe Charles Elisée Baussancourt, âge de vingt sept ans, né à Vitry-le-François, département de la Saone (stc), sous-lieutenant de carabinier, demeurant à Paris.
40° Louis Karadec, agé de 45 ans, né à Lizieux, département du Calvados, agent de change, demeurant à Paris rue du faubourg du Temple.
41" Téodore Marsant, agé de 27 ans, né à Toulouse, vivant de son bien, arrêté à Paris, rue de Cléry n" 95. 42° Nicolas Joseph Egrée, agé de 40 ans, né à ChateauCambrésis, départ, du Nord, brasseur, demeurant à Surenne, dept. de Paris.
43° Henry Mesnil-Simon, agé de 53 ans, né à Buley, département de la Nièvre, cydevant capitaine de cavalerie, arrêté à Vigneux, département.de Seine et Oise y demeurant.
44' Jeanne Françoise Louise Dernier S~ Amaranthe né (stc) à Saintes, départ. de la Charente (~c), âgé (sic) de 42 ans, demeurant lors de son arrestation à Serssy* district de Corbeil, département de Seine et Oise. 45° Charlotte Rose .Emilie S'" Amaranthe, f° Sartine, agée de 19 ans, né à Paris, arrêté à Sersy.
460 Louis S~ Amaranthe, âgé de 17 ans, né à Paris, arrête à Serssy.
470 Gabriel Jean Baptiste Briel, agé de 56 ans, né à Montiers-sur-Saulx, demt à Arcueil, et cydevant rue Helvetius.
48° Marie Grandmaison, cydevant Buret, âgée de 27 ans, née à Blois, demeurant rue Mesnart, section Lepelletier n° 7, cydevant actrice aux Italiens.
49° Marie Nicole Bouchard, domestique de la femme Grandmaison, agée de 18 ans, née & Paris, demeurant rue Mesnard n° 7.
1. Lisez StiC)/.
Ont été renvoyés au Tribunal comme prévenus d'être complices de Batz et de la conjuration de l'étranger et d'avoir voulu par l'assassinat, la famine, l'introduction des faux assignats, la dépravation de la morale et de l'esprit pub)ic, le soulèvement des prisons, faire éctatter la guerre civile, dissoudre la représentation nationale, rétablir la royauté ou toute autre administration tyrannique. Qu'examen fait tant des interrogatoires que des pièces remises à l'accusateur pubtic, il en résulte que la faction de l'étranger a cru qu'en employant tous les crimes, qu'en mettant à l'ordre du jour l'incendie, les poisons, l'assassinat, toutes les ressources de l'intrigue et de la corruption, elle parviendroit anéantir un gouvernement fondé sur la vertu, la probité et les mœurs. Aujourdhuy, tous ces plans, tous ces moyens sont connus et si tous les complices ne sont pas encore découverts, ils n'échapperont pas aux recherches et à la vigilance du patriotisme et à la sévérité de la loi.
Les prévenus traduits au Tribunal doivent être regardés comme les principaux complices de cette conspiration suivie avec tant de scélératesse par Batz, Boidz et Ker, agents directs et immédiats de Pitt et Cobourg, et aujourdhuy l'évidence des crimes qu'ils ont commis, de ceux qu'ils préparoient est portée à son dernier période. Les exécrables forfaits dont Admirât est convaincu, n'ont pas besoin d'être retracés aux yeux des jurés. Les détails de ses horribles entreprises, les aveux qu'il a faits dans ses interrogatoires avec toute l'audace qu'un pareit monstre peut montrer, sont consignés dans le rapport qui a été fait à la Convention nationale, et il est inutile dé les répéter ici. II est constant que ce monstre exècerable (sic) a été poussé au crime et à l'assassinat par la faction do l'étranger et qu'il est l'instrument de Pitt et de Batz, qui ont trouvé en lui tout ce qu'il fallait pour exécuter leurs complots liberticides.
D'abord décroleur chez t'ex ministre Bertin, puis
domestique de Bertin abbé, voyageant à Vienne où il entre au service d'un chambellan du despote autrichien et faisant à la cour d'Autriche l'apprentissage de tous les crimes, perdu de mœurs, ennemi prononcé de la Révolution, l'un des assassin du peuple sous les ordres de l'infâme Tassin, agent du tyran, enfin plus que suspect d'avoir porté les armes contre la République aux plaines de Champagne, ce scélérat est digne de ceux à qui il s'était vendu et du prêtre ex-noble auquel il s'étoit associé.
Roussel, premier agent de Batz, le confident de ses plus secrettes pensées, son scribe habituel, paraît être celui qui a dirigé les poignards d'Admiral sur les plus intrépides deffenseurs du peuple. La maison de Roussel, étoit te pied à terre de l'infame Batz, Roussel étoit toujours chez Batz à Charonne et Roussel étoit l'ami intime d'Admiral ils ne se quittoient pas; le billard et les caffès étoient les lieux de leurs rendez-vous. Roussel étoit encore lié avec Karadec et faisoit avec lui circuler de faux assignats dans l'intérieur. C'etoit lui qui disoit naguerres que s'il ~M)0t< encore <~M.T mois la République ë/ot( foutue.
La complicité de la femme Lamartinière avec Admirai est établie par ses liaisons intimes avec lui, liaisons dont le crime formoit le nœud. C'est elle qui récèle, à la veille de la consommation de son horrible attentat, les meubles et effets d'Admiral. C'est elle qui recèle chez elle jusques aux papiers de ce scélérat et qui met tout en œuvre pour les dérober à la connoissance des autorités. Les contradictions et l'invraisemblance de ses réponses dans ses interrogatoires ajoutent encore aux preuves qui existoient déjà contre elle.
Enfin, il est avoué par Admirai que c'est elle qui, avec un ex noble et ex prêtre aujourd'huy en fuite, à conduit toutes les démarches d'Admiral pour la consommation de ses forfaits.
Paindavoine doit être encore regardé comme l'un des agents de la faction de l'étranger et le complice de Admirai, son ami et avec lequel il avoit diné la veille de t'exécution de son crime. D'ailleurs Paindavoine dénoncé par ses concitoyens comme l'ennemi prononcé de la Révolution avant le dix-aoust, est encore convaincu de s'être ce jour là rangé sous les drapeaux de la tyrannie pour assassiner le peuple et d'avoir même désarmé un citoyen qui se refusoit à être le complice de ce forfait exécrable. Toute sa conduite prouve qu'il n'a jamais cessé d'être l'ennemi de sa patrie et de ses concitoyens. Santonax, digne de Cgurer avec Admirât, apprenant son attentat envers la représentation nationale y a applaudi publiquement en disant que <o< ou <w~ /~o&6~~:<'rre et Collot ~e~&o:'s seroient NMctMM! surtout le dernier, qu'il étoit le dernier des /;cwMHM. Il jette par terre et foule aux pieds la cocarde qu'on lui offre dans un lieu public, en criant à 06M la cocarde tricolore, et veut poignarder à coup de couteau le citoyen qui lui reproche ses propos atroces et contrerévotutionnaires, par lesquels il provoquoit au meurtre et à l'assassinat des représentants du peuple.
Cardinal dont les relations avec tous les ennemis de la patrie prouve les principes et les sentiments qui l'animoient tui-même nourrissoit dans son coeur le projet do consommer les forfaits dont Admiral s'est rendu coupable. /< faut, disoit ce conspirateur, que nous so!/o<M AteM &tet!Me/<M,&MM C.jOOMfKOMS~tMer!)C. <St!MMet' par MM scélérat, MM gueux tel que ~o&e~pM)')'e, M)t coquin qui o~Otj! îH~o~Met' la (~:t)M!~ et qui ~'OM~'ff~eo:< à chaque MK<aM<, qu'il s'en foutoit, qu'il n'en ~ma!M~O:< f~M'MH comme lui, qu'il e<ot< tout prêt; qu'il ne conceMOt~ pas comment avec de l'esprit, de <Me el de ~'ëHey'yte, citoyen à qui <7pa?'/ot<~OMuot< ~MtM't' ou acotr confiance en de pareils scélérats qu'ils tueraient ~tM ceux qui se p?'~Mn<e?'o~ chez lui ~OM~ ~'an'ete! ~t<e celui qui le
~enoHce~ot, il l'assassineroit, qu'il falloit e.c~'HttM.e;' la chose publique. En effet deux pistolet trouvé (sic) chez lui, chargés, prouvent assez qu'elles étoient ses intentions perfides, atroces et sanguinaires, et qu'il étoit un instrument dont Batz comptoit se servir pour consommer ses forfaits.
Portebœuf, dont la haine pour la liberté et l'égalité sont notoires, applaudi (sic) aux crimes et aux forfaits d'Admiral, et n'a pas craint de témoigner ses regrets sur l'arrestation de l'assassin par ces mots il <M/ maMeMreM.r qu'il soit arr~e.
La femme Lemoine-Crécy est prévenue d'avoir applaudi à cet infâme discours et d'avoir partagé la haine de Porteboeuf et de sa femme pour la révolution.
L'attentat do la fille Renaud, son impudence audacieuse dans le crime, cette horrible férocité d'une fille jeune, que son sexe et son âge devroient porter à l'humanité, à la douceur, à la vertu, attestent de plus en plus les crimes do la faction de l'étranger qui peut, par le fanatisme de la tyrannie et de la superstition, prêter à de pareils forfaits les crimineltes victimes de leurs infimes manœuvres. Le projet d'assassiner le représentant-dû peuple Roberspierre (~'c), ses démarches pour parvenir à l'exécucion (sic) de cet horrible complot, les motifs qui, de son aveu, l'ont conduite à cette entreprise sanguinaire, tout a été avoué par elle avec cette impudence qui prouve que la scélératesse est innée chez elle et que l'éducation qu'elle a reçue n'a eu pour objet que de développer et d'affermir chez elle son gout pour le meurtre et pour l'assassinat. Renault père et fils sont évidemment complices des projets meurtriers de leur fille et soeur. Comme elle, ils sont les partisans avoués de la tyrannie et du fanatisme religieux comme elle ils ne rospiroient que pour l'anéantissement de la liberté et du gouvernement républicain. Les lettres du père au fils, les portraits du dernier tyran et de sa femme gravés et entourés de ce que la
bassesse et la flatterie peuvent prodiguer pour aduler le despotisme par l'imposture et le mensonge, enfin les propos du fils tenus en présence de témoins en faveur du tyran et de sa famille, tout annonce qu'ils sont, comme la scélérate Renault, des infâm'es conspirateurs aux ordres des guinées de la faction de l'étranger.
La fille Renault, ex-religieuse, a, d'après les réponses faites par sa nièce, été une des instigatrices du crime commis par la jeune forcenée. C'est elle qui, secondé (sic) par des prêtres au nom du Ciel, a fait entrer l'assassinat, le meurtre dans son cœur et qui lui a persuadé que ses forfaits seroient un hommage rendus (stc), et le tribunal n'a que trop d'exemples que les prêtres et les ex-religieuses ont été les agens les plus cruels que Pitt ait pu employer contre la souveraineté du peuple françois et sa liberté.
Ces forfaits sont évidemment dirigés par Pitt et ses agens pour par'venir à livrer la Répubnque à toutes les horreurs d'une ruine et d'une dévastation générale par la gnerre civile et rétablir au milieu de tant de désordre le despotisme royal et sacerdotal,
Aussi tous les' agens, tout (sic) les complices ont-ils entre eux des rapports plus ou moins éloignés. Des cydevant nobles et des prêtres sont les principaux agents, Pons cydevant marquis, Rohan-Rochefort, Laval-Montmorency, Saint-Mauris cydevant prince, Laguiche ex-marquis de Marsin jouent les principaux rôles, des femmes de moeurs corrompues, de villes (sic) courtisannes devoient nécessairement être les agentes de Pitt et de ses banquiers, la femme Lamartinière complice d'Admiral, la femme Grandmaison, maîtresse de Batz, intriguante consommée, liée avec Roussel et Admira), sa servante Nicole et Tissot dit Biret, agens de la correspondance active que les conjurés entretcnoient entre eux; Cortey épicier de la section Lepolletier, accaparant l'or pour les conjurés, donnant dans sa maison, comme Roussel, un pied à terre
à Batz Devaux son secrétaire et fonctionnaire public de la section de Bonne-Nouvelle Pottier de Lille, membre du Comité révolutionnaire de la section Lepelletier, fournissant à Batz et aux siens des certificats de résidence, des cartes civiques et tout cé qui autorisoit leurs voyages ou leurs séjours; Froidure, cet administrateur coupable par les nombreuses prévérications qu'il a commises avec Soulès en faveur des émigrés, et Dangé qu'ils considéroient comme les plus dévoués de leurs agents Marine et Soûles tous administrateurs sur lesquels ils comptoient à force d'argent et qui trafiquoient de leurs fonctions Lafosse, chef des préposés à la police, cet agent des Chaumette et des Hébert, à qui il servoit d'espion dans les Comités de Sûreté Générale de la Convention, ainsi que cela est établi par une lettre trouvée dans les papiers du conspirateur Hébert; Jardin, ex-écuyer du tyran, et qui a favorisé l'évazion de l'infâme Julien de Toulouze, Ozanne qui, honoré de la confiance des représentants du peuple, par une des plus importantes opérations qui puissent intéresser la république, laisse évader de ses mains le conspirateur qu'il est chargé d'arrêter et qu'il tient, manoeuvre qui ne peut être que les fruits de la corruption puisque ce conspirateur après son évasion est venu séjourner a Paris pendant dix-neuf jours, d'où il est parti en guêtre, en blouze et un fouet à la main avec un capitaine de charrois; Burlandeux trahissant les intérêts de la République et vendant un secret important pour une somme de trois cents livres Michonis, ami de Batz, dinant fréquement avec Comte, confident do Fabre d'Eglantine et do Hérault, qui, par les intelligences qu'il a dirigés dans les prisons de la Conciergerie avec Antoinette, a favorisé de tout son pouvoir, les plans des conspirateurs, sont tous les agents et les complices de ce vaste complot. On y trouve encore Jauge, banquier, qui avec Baune, déjà frappé du glaivede la justice, fournissait des fonds au prince de Galles; la femme Depremenil, qui a prouvée
depuis n89, qu'elle étoit comme son mari l'ennemie déclarée du peuple et de sa souveraineté la femme Gri-ois, un nommé Delivot, négociant au Havre se chargeant de la correspondance avec Pitt et Cobourg; Constant gendarme qui donna retraite à Balz et à Tissot dit Biret, lors des recherches que l'on fit de leurs personnes. Les conjurés comptoient encore au nombre de leurs complices Bouli-Vermantois, se disant comte Sartine, fils du despote Sartine, si longtemps oppresseur du peuple sous le titre de lieutenant de police, et qui épuisa comme ministre de la marine, tous les moyens de trahison envers les insurgons américains contre le despotisme de Londres: ce Sartine fils, plus connu par son immoralité individuelle que par les crimes de son père, enfin complice de Capot inscrit sur !a liste des chevaliers du poignard du 28 février, et conséquemment assassin du peuple au dix août dans le château du tyran.
La femme St-Amaranthe, beUe-môre de Sartine fils, la fille St-Amaranthe femme de Sartine fils, son fils, liés tous avec Desfieux, leur associé dans l'infàme coupegorge qu'ils tenoient au cydevant Palais-Royal, sous les auspices du conspirateur Chabot, et qui tous éfoient entrés avec les Danton, les Lacroix et autres dans le projet de soulèvement des prisons.
C'est dans ce repaire de conspirateurs forcenés que Deshayes, aigri par tous les propos par lesquels on cherchoit à aigrir les patriotes, que Deshayes s'est livré aux déclamations d'une fureur criminelle contre les mesures de Sûreté Générale.
Boissancourt, déjà dénoncé pour crime de contrerévolution et falsification d'assignats, Locomto déjà cité, qui a eu à Turin des confidences avec d'Artois et à Paris avec le tyran, devenu riche depuis la révolution, et qui a rendu, avec de l'argent, illusoire l'ordre du Comité de Sureté Générale qui mottoit le tyran au secret. D'Hautevi)!e, ex page du tyran, jouissant parmi les
conjurés de la plus haute considération et leur journaliste en nouvelles avantageuses pour eux; Viart voulant faire circuler de taux assignats dans la maison de Port-Libre, en disant ils passeroM< com.HM du petit lait.
Lécuyer, maitre de musique du cydevant Orléans; Eg.rée; Karadec, complices de Roussel pour la distribution des faux assignats; Paumier, leur complice, achetant une échelle de corde 500' pour se sauver et se soustraire à la vengeance nationale en s'évadant par la chambre qu'avait occupé l'agioteur et le traitre d'Espagnac, tous ces conspirateurs dont la correspondance entre eux et leurs chefs était établie par des signes invisibles dans les journaux qui étoient en faveur et qu'ils faisoient parvenir à tous les coassociés, ne peuvent échapper à la ourvoillance active des magistrats du peuple et au chatiment du à leur complot.
SombreuiL complice du tyran, et son fils, associé à ses trames liberticides, devoient nécessairement être comptés au nombre des coopérateurs de 'ce système de contrerévolution. Mesnil Simon, distributeur de faux assignats, étoit aussi un des complices de cette horde de conspirateurs, ainsi que Brielle, ex prêtre, complice d'Admiral, dont il a connu les projets sans les prévenir ni les dénoncer. Ainsi tous ces prévenus tiennent à ce plan immense de conjuration dont tous les ressorts et les agents en partie ont été exposés avec tant d'énergie dans le rapport fait à la Convention nationalle, rapport fait au nom des Comités de Salut public et de Sûreté Générale remis le 26 prairial dernier, et qui doit devenir la base de la décision que la nation entière attend du tribunal. D'après l'exposé cy-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Admirai et la fille Renaud, assassins des représentants du peuple; Roussel; la femme La Martinière; l'ex abbé Brielle; leurs complices, Cardinal Paindavoine; Portebœuf et la femme le moine Crecy; Santenac; Cortey, épicier; Devaux, secrétaire de
Batz et commissaire de la section de Bonne-Nouvelle; la femme Grandmaison; la femme Griois; Pottier de Lille; Sombreuil père; Sombreuil fils; Rohan-Rochefort; LavalMontmorency l'ex comte de Pont; Jardin, cydevant page du tyran; Sartine fils; la femme Saint-Amaranthe, sa fille et son fils; Constant, gendarme; Lafosse, préposé à la police; Burlandeux; Ozanno; ces deux derniers ex officiers de paix; l'ex prince Saint-Mauris; Egrée; Karadec Paumier; Lescuyer, cydevant maitre do musique do d'Orléans; le cydevant comte de Boissancourt; la femme d'Eprémonil; Viart; Marsan d'Hauteville, cydevant page du tyran; le nommé Comte~MesniI-Simon; Deshayes, de la section du Finistère; Jauge, banquier; la nommée Nicole, fille de compagnie de la femme Grandmaison; Tissot, dit Biret, valet de chambre de Batz; Michonis; tous prévenus d'être complices de Batz ou de la conspiration de l'étranger, et d'avoir voulu par l'assassinat, la famine, l'introduction des faux assignats; la dépravation de la morale et de l'esprit public, le soulèvement des prisons, faire éclatter la guerre civile, dissoudre la représentation nationale, établir la royauté ou toute autre domination tyrannique.
En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte de la présente accusation et qu'il soit dit et ordonné qu'à sa diligence et par l'huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, les prévenus dénommés en icslle seront pris au corps et écroucs sur les registres de la maison d'arrêt où ils sont détonus pour y rester comme en maison de justice et aussi que la clitte ordonnance sera notifnée tant aux accusés qu'à la municipalité de Paris.
Fait au cabinet de l'accusateur public le vingt-huit prairial, l'an deux de la République une et indivisible. A. Q. FououiEu.
(~)'c/t(~M Ma<:oM~M, série W, carton 389,
dossier 904, II, pièce 67.)
RÉQUISITOIRES DU 9 THERMIDOR (SALLE DE L'ÉGALITÉ)
Des trois derniers réquisitoires de Fouquier-Tinville, les deux premiers .seuls reçurent leur exécution; letroMème, qu'on trouvera plus loin, n'eut aucune sanction juridique. A la séance de la salle de l'Égalité, que présidait SceUier, Fouquier n'occupa point son siège, et ce fut son substitut Grébeauval qui requit l'application de la loi.
Sur les vingt-huit accusés, vingt-trois seulement furent amenés à l'audience. Arpajon, de Forceville, Montfort, Aldonze-Sade, Serre de Saint-Romand n'avaient point été trouvés dans les maisons d'arrêt d'où l'huissier du Tribunal était chargé de les extraire. La femme Leroux, veuve Maillé, vu son état de santé, fut mise hors des débats; Aviat-Turot fut acquitté; les vingt et un autres accusés furent condamnés à mort et exécutés le même jour Barrière du TrôneRenversé. On sait que les charrettes furent arrêtées par le peuple dans le faubourg Saint-Antoine, et qu'elles ne reprirent leur marche que sur l'ordre d'Henriot qui, le lendemain, devait être guillotiné à son tour avec les vaincus du 9 thermidor.
/i.n<OMM-()M<'n<tM ~OM'yMîer, AecmatetM' public du ?H&MHa~ )'et)o~M<t<MM<M!'e, etc.
Expose que par arrêté du Comité de Salut public de la Convention Nationale et autres sous diverses dates. 10 Jean Louis Marie Aucane, âgé de 45 ans, né à La Martinique, capitaine de cavalerie au cidevant régiment, colonel général demeurant à Sucy, département de Seine et Oise.
20 Jean Pierre Bechon Darquin, ex comte, âgé de 47 ans, né à Paris, y demeurant rue Maure, ex lieutenant des mousquetaires, ex chevalier de l'ordre du tyran. 30 Arpajon, agé de ans, né à' 40 François Désiré Mathieu Gourlet Boulot dit Vornantois, agé de 31 ans, né à Besançon, département du Doubs, demeurant à Paris, place du Louvre, maison de Marigny.
5° Louis François Lejeune, ex ofScier de paix, agé de 41 ans, né à Elancourt, département de la Somme, demeurant à Paris, rue du Four Germain, section de l'Unité.
60 François Louis Rouvières, dit de Bois-Barbeau, ex noble, agé de 60 ans, né à Sées, département de l'Orne, demeurant à Fréville, département du Loiret, ex secrétaire du tyran.
7° Pierre Louis de Montcrif, ex-noble, âgé de 74 ans, né à Paris, département de idem, demeurant à Paris, rue Thorignyn°7.
8° Louis Cézar Maurice do Montcrif, ex-noble, âgé de ~6 ans, né à Paris, département de idem, demeurant à Paris, rue Thorigny n° 7.
9° Nicolas Mumbort de Forceville, ex officier de bouche du tyran, agé do 45 ans, né à département de demeurant à Paris rue Neuve Luxembourg.
1. Un grand nombre d'indications d'état civil sont restées en blanc dans l'original de cet acte d'accusation. En regard et dans la marge a été écrit le mot ~&MK<. Ces absences sont la conséquence des vaines recherches de l'huissier.
10° .j. Montforti'ainé, ex noble, agé de ans,né à Arles, département de. ex officier d'infanterie, demeurant à Paris rue Helvétins.
ll°.AIdouze-Sade, âge de 60 ans, né a. département de demeurant à Paris rue Helvetius. 12" Jacques Serre de Saint-Romans, agé de 50 ans, né à Paris, ex conseiller au parlement de Paris, demeurant à Paris rue de la Perle n° 4.
13° Perrine Jeanne Leroux, veuve Maillé, âgée de 39 ans, née à département de demeurant a Paris rue du Bacq.
'14° Philiberte Turin, veuve Daulier, âgée de 60 ans, née à Avaize, département de la Sarthe, demeurant & Paris, rue de la Perle, n° 4.
15° Gaspard-Siméon Barton de Montbas, ex-noble, âgé de 50 ans, né à Belac, département de la Haute-Vienne, demeurant à Paris, rue Pavée, n° 12, ex-noble, ancien capitaine d'infanterie, régiment cydevant Royal. 16° André-Jean Brillon, âgé de 20 ans, né il Paris, exnoble, demeurant à Paris, rue Thorigny, n" 6.
17° Félix-Adrien Seguin, agé de 35 ans, né a Chartres, département du Loiret, demeurant à Paris, rue de Valois, n° 293, chimiste.
18° Martial Aubertin, agé de 45 ans, né à Paris, département tt~ent, demeurant à Paris, rue Denis, n° 163, marchand-fleuriste.
19° Joseph Piron-Chaboulon, âgé do 46 ans, né a. département de. demeurant à Paris, rue Basse-duRempart.
20° Jean Cluny, chapelier, âgé de 41 ans, né à Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, demeurant à Paris, ruedesGravilIiers.
21° André-Georges Brumaut-Bauregard, ex chanoine, ex grand vicaire, agé de 49 ans, ne' à Poitiers, département de la Vienne, y demeurant.
22° Philippe-Clément Bernard, ex-pretrc, agé de
38 ans, né à Lusignan, département de la Vienne, demeurant à Berligon, même département'.
23° Jean Guyot du Rijoux, ex-noble, ex-chanoine, âge de 57 ans, né à Neyers-les-Bois, département de la Vienne, demeurant i Poitiers, même département'.
24° Joacium-Laurent Avmt-Turot, agé de 28 ans, né a Dampierre, département de l'Aube, y demeurant, cultivaleur.
25" Toussaint-Chartes Girard, notaire, agé de 45 ans, né à Paris, département de Paris, y demeurant, rue Martin, n° 2G8.
26"Girard-Jean Arfeliere, menuisier, âgé de 37 ans, né à Paris, y demeurant, rue de Tracy.
27° Jean-Biaise Perret, limmonadier, agé de 26 ans, né à Paris, demeurant rue Bourg-l'Abbé.
28" Louis Merry, huissier, agé de 41 ans, né à Pontault, département de Seine-et-Marne, demeurant a Paris rue Martin n° 382'.
Ont été traduits au Tribunal révolutionnaire comme prévenus de s'être déclarés les ennemis du peuple en se livrant à des manoeuvres et complots contre-révolutionnaires.
Qu'examen fait des pièces adressées à l'accusateur public, il en résulte que les nommés Aucane, Arquin, Arpajon, Lejeune et Vermandie sont les agents et les complices de Batz et la faction de l'étranger, donl une partie a déjà satisfait par un juste chatiment a la justice nationale.
1. Lusignan, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Poitiers. Berthegon, canton de Monts-sur-Guesnc, arrondissement de Loudun.
2. NstHier* canton de Saint-Savin, arrondissement de Moutmorillon.
3. Ces trois paragraphes concernant Arfelière, Perret et Men'y sout en marge de i'origina.), et il est visible qu'ils ont été ajoutés à l'acte d'accusation rédigé et termine.
En effet, Aucane était lié de la manière la plus intime avec la Sainte-Amaranthe depuis plus de vingt ans et demeuroit avec elle au moment de son arrestation. Sa haine pour la Révolution, ses sentiments et ses principes contre-révolutionnaires sont connus. Membre de ce qu'on appelloit une cour souveraine, la cydevant Chambre des comptes de Paris, il a vu dans une contre-révolution la possibilité du rétablissement de ces cydevant corps de magistrature, instruments dans les mains du Tyran de la plus cruelle oppression des peuples. Sa .complicité avec Batz, échappé jusqu'à présent à la surveillance des autorités publiques, et avec cette horde de conspirateurs ne peut faire l'ombre d'un doute.
D'Arquin, ex-comte, est l'un des contre-révolutionnaires qui n'ont, depuis le commencement de la Révolution, cessé de conspirer contre elle par tous les moyens possibles. H a fait sortir son fils du territoire français et est sorti lui-même avec lui pour l'enrégimenter à Coblentz. Il était d'ailleurs l'agent immédiat de Pitt et de Batz pour l'introduction en France des faux assignats de la fabrique de Londres. C'étoit lui qui les vendoient aux MesnilSimon, Mesnil-Durand, Keratry, Karadec, Vignault et autres de ses complices et ses associés, qui ont payé de leurs têtes leurs termes liberticides. Corrupteur des mceurs publiques, il présidoit à ses infâmes tripots de jeu où se rallioient tous les conjurés. Enfin ses crimes, ses escroqueries, sa profonde immoralité, l'ont justement rendu l'opprobe et le fléau du corps social.
Les nommés Arpajon et Courlet-Bonlop, ditVermantois, étoient aussi les complices de Batz, d'Aucane et d'Arquin. Quant à Lejeune, officier de paix, il a sciemment favorisé ta fuite du conspirateur Julien de Toulouse et partagé avec Ozanne le prix qui avoit été mis à leur prévarication. Il n'a pas ignoré et il a tu la retraite de Julien de Toulouse chez Lacroix, à Paris, où il est resté caché pendant quinze jours. ti était lié avec Comte, qui lui avoit
donné à diner plusieurs fois avec Ozanne et Michonis. H a cru trouver dans les sommes qui lui ont été payées, ainsi qu'à son complice, p!us que l'indemnité d'une détention à laquelle il s'exposoit pendant deux années.
Rouvière, ex-noble, ex-membre du cydevant Parlement de Rouen et secrétaire du Tyran, paroit être un des instruments de la faction de ['étranger. Cet individu qui paroit être rentré sur le territoire français après en être sorti pour se joindre aux conspirateurs du dehors, demeurant dans la commune de FrévHIe; district de Hois-Commun, il a obtenu une passe pour se rendre dans la commune de Cées, département de l'Eure, sous le prétexte de s'y procurer des certificats de résidence pour établir sa non-émigration. Pour cette espèce de passe on lui donna un gardien pour l'accompagner sous la condition portée en l'article quatre qu'il veilleroit à ce qu'il ne passeroit pas Paris, attendu sa qualité de secrétaire du cydevant roy. Nonobstant cette deffense, Rouvière a engagé son gardien, trop facile et trop confiant, à violer la condition de cet acte et à passer par Paris où, armé d'un couteau, d'un canif et d'un rasoir, il s'est présenté chez un représentant du peuple que les poignards de Pitt no cessent d'assiéger et a demandé à lui parler en particulier. Il faut observer que cet individu, outre les instruments dont il étoit garni, avoit encore sur lui des médailles à Is face du Tyran enveloppées avec le plus grand soin'. H paroit aussi que divers écrits trouvés chez lui déposent de son dévouement à la royauté, et constatent qu'il a été l'un des plus ardents suppots de Capet et des hordes de conspirateurs.
Pierre Louis Montcrif et César Montcrif, auditeurs à la t. Le gardien de Rouvière se nommait Fouebé. Une curieuse lettre de lui au Comité de Sûreté générale contient les détails pittoresques de cette affaire qui lui valut d'être arrête. (Archives nationales, série W, carton 174, p. 104.)
chambre des comptes, et tous deux membres du conseil de l'infâme d'Artois, se sont constamment par leur conduite, leurs principes et leurs discours montrés les ennemis du peuple. Ils ont coopéré à rémigration du nommé Menneville, en retirant chez eux les meubles et effets de ce contre-révolutionnaire. Ils n'ont cessé d'entretenir des correspondances avec le traitre Capet dit d'Artois, du conseil duquel ils étoient membres et auprès de qui ils comptoient rentrer dans leurs fonctions après la contrerévolution.
Nicolas Ilennebert de Forceville, ex officier de bouche de Capet, est prévenu de s'être prononcé contre la Révolution dans les assemblées de sa section, d'avoir procuré des certificats de résidence à un conspirateur rentré sur le territoire françois, enfin d'avoir été l'un des chefs de la faction du nommé Dancourt juge de paix, membre du comité central des Thuilleries au mois de juillet n92, enfin d'avoir signé les pétitions qui étoient le point de ralliement de tous les ennemis du peuple, de sa souveraineté, de la liberté et de l'égalité.
Montfort, ex officier d'infanterie, est prévenu d'avoir été l'un des membres des chiffons d'Arles où il s'est montré l'ennemi implacable de la Révolution et des patriotes. Sade, ex-comte, capitaine des gardes de Capet'en H92, a entretenu des intelligences et correspondances avec les ennemis de la République. M n'a cessé de combattre le gouvernement républicain en soutenant dans sa section que ce gouvernement étoit impraticable. Il s'est montré le partisan du fédéralisme et le proneur du traitre Roland. Enfin il paroit que les preuves de patriotisme qu'il a voulu donner n'ont été de sa part que des moyens d'échapper à la recherche de sa complicité dans la conspiration du tyran dont il étoit le vil satellite.
Serre de St-Romans, ex noble, ex conseiller aucydovant parlement de Paris, a fait émigrer son fils pour l'armer contre sa patrie, paroit être sorti lui-même du territoire
françois pour reprendre ses fonctions au partement de Tournay, a entretenu des liaisons, des correspondances, des intelligences avec les ennemis de la République, enfin a affecté, pour prouver sa haine contre le peuple et sa souveraineté, do ne jamais se présenter a aucune des assemblées de la section de l'Indivisibilité où il demeure, et de n'y jamais prêter aucun serment.
La femme Le Roux Maif)é, ex noble, doit être mise au nombre des contre-révolutionnaires les plus audacieuses. Ses correspondances avec les ennemis intérieurs, des imprimés trouvés chez elle, deux prétendues lettres du défunt tyran de Suède et des règlomens de Bervick au frère du tyran Capet lors de sa lache désertion, prouvent qu'elle a perpétueHement et continuellement tramé contre le peuplé français; d'autres lettres, prouvent encore qu'elle alimentoit par des secours pécuniaires les complots des prêtres réfractaires, auteurs de la guerre désastreuse do la Vendée..
La veuve Daulier, ex noble, étoit aussi, comme la femme Maillé, l'ennemie implacable du peuple. Les écrits, ouvrages et journaux trouvés chez elle prouvent jusqu'à quel point elle vouloit la contre-révolution, le t/oM?'tt6[/ de la CoMf c< de la Ville, Royou Durosoy", la ./VeMMt<ë d'MHp eo)?<?'e !'ëuo~M<tO)), et d'autres du même genre, les monuments de la féodalité conservés sur une argenterie enfouie avec beaucoup de numéraire, tels sont les certificats do civisme que la femme Daulier présente pour sa justification.
Barton de Montbas, ex baron, ex capitaine d'infanterie, ex cheva)ior de l'ordre dit de St-Louis, a eu l'art de cacher sous les dehors du patriotisme ses manoeuvres, ses 1. Fonquier entend designer L'Ami ~M Roi, dont ïtoyou était le rédacteur.
2. Durosoy, rédacteur du ./o!o'M< t/e Pnrts, exécute le 25 août n93. C'est lui qui proposa, nu lendemain du retour de Varennes, l'idée des otages pour Louis XVt.
intrigues contre-révolutionnaires, ses intelligences avec les ennemis intérieurs et extérieurs. Mais tout donne lieu de croire qu'il a éié, dans la journée du vingt-huit février 1791, l'un des chevaliers du poignard, et qu'il a été constament l'un des suppots du despotisme de Capet. Il a un frère émigré et avoit enfoui du numéraire. Brillon, homme de loi, est l'un des assassins du peuple dans la journée du dix-aoust, où il servoit les trames meurtrières du scétéi'at Mandat, son intime ami, et a échappé par la fuite au chatiment du à ses forfaits. Il n'a cessé d'entretenir des relations avec les ennemis du peuple qui sont tombés sous le glaive de la loi et toute sa conduite n'offre en tui que l'agent secret dans l'intérieur de la République de toutes les trames formées contre la liberté.
Seguin, ex secrétaire de Montpensier fils d'Égalité, signataire de pétitions inciviques, partisan des royalistes, ennemi des patriotes, n'a cessé de faire dans sa section. pour faire triompher les ennemis du peuple dans leurs complots infâmes ou pour leur assurer l'impunité de leurs trames criminelles.
Aubertin. ptumassier fleuriste, a été l'un des plus ardents partisans des conspirateurs Bailly et Lafayette. On l'a vu, au moment où le peuple, cédant à l'excès de l'oppression exercé envers lui par d'avis' accapareurs, en demandait hautement justice, brusquer le peuple, l'outrager, l'insulter, le menacer, faire mettre contre ses concitoyens la bayonnette au bout du canon et menacer s'ils résistoient de faire feu sur eux, au point que les citoyens lui ont oté sur le champ un grade dont il abusoit pour servir la tyrannie. C'était lui qui dans sa section demandoit que l'on adressat des remerciements à Bouillé pour Je sang qu'il avoit fait verser à Nancy. I) est encore prévenu d'être signataire des pétitions inciviques qui 1. Avides? '1
formoient l'engagement d'être dévoués à la cause des tyrans.
Piron, agent de d'Artois, suppot de l'agiotage, associé des Catonno, des Veymerange, pour opprimer le peuple, par le système désastreux d'opérations qui consistoient à épuiser la plus pure substance des citoyens victimes de ces vampires insatiables, ne s'est montré en faveur de la Révolution que pour la faire tourner au proffit de Capet et de ses frères, et enfin de la tyrannie et du despotisme. Si le masque dont il s'est couvert a pu en imposer, la conduite immorale et les intrigues de Piron l'ont ensuite fait tomber. On l'a vu en 1791, enrichi des dépouilles de ses malheureux créanciers, fuir le territoire françois, pour se joindre sans doute au conspirateur d'Artois. Il n'est revenu qu'en 1792. On l'a vu, dans la section des Piques, persécuter les meilleurs patriotes et égarer contre eux les citoyens, échauffer les esprits au point de donner lieu aux scènes !es plus violentes. Il applaudit au meurtre et à l'assassinat dont l'ami du peuple a été la victime. Chargé comme président de l'assemblée de faire un discours sur cet événement affreux et do rendre hommage aux vertus du martyr do la liberté, on lui a entendu dire « Je ne sçais pas parler aux morts. Que voulez-vous que j'aille dire à Marat?–Au surplus je crains la peste. On ne peut donc voir dans Piron qu'un contrerévolutionnaire qui est l'agent du traitre d'Artois sous les apparences du plus ardent patriotisme.
Cluny, chapelier a Marseille, membre du département, nommé par le comité central des sections de Marseille, est un contrerévolutionnaire forcené qui a vexé et opprimé les patriotes. Pendant tout le temps qu'il a exercé des fonctions qu'il tenoit des conspirateurs ses complices, il a été l'un des plus ardents instigateurs de la rébellion de Marseille et des suites désastreuses qu'elle a ou.
Brumaut, dit Beauregard, ex grand vicaire de l'ex-
évêque de Luçon, ex-chanoine théologal, a été l'un des conspirateurs les plus audacieux et les plus fanatiques. Prêtre réfractaire, ayant même refusé de prêter le serment de liberté et d'égalité, ses lettres ot celles qui lui ont été adressées prouvent qu'il ne s'est occupé qu'à répandre et à propager son système liberticide de résistance et de rébellion à la loi. H est constant que c'est lui qui a été le principal agent dans le département de la Vienne des ouvrages incendiaires et fanatiques fabriqués par les cydevant évoques et autres contrerévolutionnaires et destinés, en égarant les citoyens, à allumer le feu do la guerre civile dans ce département et ceux environnants. Arrêté et traduit au Comité de Sûreté générale de la Convention et condamné à la déportation, il s'est soustrait à l'exécution de ce jugement et n'a fait usage de sa liberté que pour se rendre dans les/départements de la Vendée et des Deux-Sèvres pour y fomenter la guerre civile qui a éclatté. Les réponses deno conspirateur lors de son arrestation ne font qu'ajouter à la nécessité de faire subir à ce scélérat la peine due à ses forfaits.
Guyot du Rijoux, ex prêtre réfractaire, ex chanoine de l'église de Poitiers, ex noble, doit encore être regardé comme un des auteurs dos crimes et des forfaits dont le fanatisme a souillé le territoire françois. Ses correspondances avec les ennemis extérieurs de la République, les écrits contrerévolutionnaires faits et rédigés par lui, les ouvrages imprimés des ennemis les plus connus du peuple ff'ancois saisis chez lui prouvent que, comme prêtre et comme noble, il a cherché dans des projets de contrerévolution, les moyens de faire revivre les privilèges nobiliaires et sacerdotaux dont le peuple l'a si justement dépouillé.
Bernard, prêtre, ex curé de Bertejon 1, département de la Vienne, est prévenu d'avoir entretenu des corres(1) Lisez 3e''</tt'~o;t.
pondances et intelligences avec les ennemis de la République et notamment avec le nommé Demoran, ex noble émigré, dont les lettres lui étaient communiquées par la femme de ce dernier. H est en outre prévenu de s'être constament montré l'ennemi de la Révolution en excitant des troubles au milieu de sa commune, en cherchant à y fomenter des haines et des divisions, en voulant détourner des prêtres et curés des communes voisines do la sienne de prêter leur serment, et en cessant de les voir parce qu'ils avoient obéi à la loi, en montrant une joye insultante lors de la prise de Thouars par les brigands de la Vendée, affectant de refuser de se montrer lors de la publication des loix, enfin en foulant aux pieds les loix de la Convention, faits qui sont attestés par les habitants de sa commune.
Aviat-Turot, cultivateur à Dampierre, est prévenu d'avoir insutté et outragé les autorités constituées lors de la clôture des églises dans la commune de Dampierre et d'avoir voulu porter les citoyens à la rébettion à cette occasion, en disant que s'il y avoit un rassemblement de femmes pour faire ouvrir les portes de l'église et. faire rétablir les images et statues, il y enverroit la sienne, qu'il parioit cent écus qu'il iroit et qu'il se mettroit à l'amende de dix écus s'il n'y alloit pas, qu'il regardoit te démeublement do l'église comme une scélératesse et que ceux qui l'avoient fait étoient tous scélérats et que s'il falloit une victime, il présentoit sa tête.
H paroit qu'après avoir exprimé ses regrets par ses propos incendiaires, il a voulu, guidé par le fanatisme, faire signer une pétition qu'il a colporté lui-même tendante à demander à la municipalité l'ouverture det'égtise, pétition qui pouvoit susciter des divisions dans la commune et devenir une cause do trouble et d'agitation. Girard, notaire à Paris, est prévenu d'avoir été l'un de ceux que soudoyoit la liste civile et d'avoir fait signer la pétition des vingt mille qu'il a ensuite brûlée. Partisan
des Bailly, des La Fayette, il s'est montré l'ennemi des patriotes et de la Révolution. Il paroit ne s'être montré à sa section que pour soutenir le despotisme de ces conspirateurs.
Arfcliore, menuisier, né dans une honorable médiocrité, est prévenu de ne devoir une fortune considérables qu'aux dilapidations qu'il a faites dans les biens des religieux appartenant à la Kation. Ses liaisons, avec les ennemis de la Révolution l'ont iait regarder lui-même comme l'ennemi du peuple. H est encore prévenu de s'être montré le partisan des fédérantes, d'avoir voulu empêcher le recrutement de la Vendée, d'avoir fait tous ses eubrts pour faire adopter l'arrêté fédéraliste de la section du Mail, de s'être opposé au départ des citoyens avec armes pour le département de la Vendée, disant qu'il ne falloit qu'aller fraterniser avec les fédéralistes du Calvados. Perret, limonadier, est prévenu de s'être opposé au recrutement pour !a Vendée et le département d'Eure, disant dans son caffé que les Jacobins étoient des scélérats et tenant d'autres propos contrerévotutionnaires, provoquant la dissolution des sociétés populaires et insultant les patriotes.
Merry, huissier, est aussi- prévenu de s'être montré l'ennemi du peuple et le vil courtisan des aristocrates et des contrerévotutionnaires. On l'a entendu se répandre en propos et en injures contre les patriotes et les traiter d'enragés Jacobins. Agent de la faction fédéraliste, il distribuoit l'arrêté contrerévolutionnaire de la section du Mail afin de le faire adopter, déclamant contre les journées des trente et un may et deux juin et vexant les patriotes de sa section, enfin provoquant la dissolution de la représentation nationale contre laquelle il se permettoit les outrages les plus audacieux.
D'après l'exposé cy-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre les susnommés pour s'être déclarés les ennemis du peuple, soit en participant aux
trames, complots, conspirations et assassinats de Capet et de sa femme et autres contre la Révolution et les citoyens françois, soit en entretenant des correspondances et intelligences avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la République en leur fournissant des secours de quelque manière que ce soit, soit en attentant à l'unité, à l'indivisibilité do la République et en provoquant par le fanatisme la guerre civile pour armer les citoyens les uns contre les autres, soit en provoquant par des propos, discours et écrits, la dissolution de la représentation nationale et le rétablissement de la royauté.
En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte de l'accusation par lui intentée et qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par l'huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, les prévenus susnommés soient pris au corps et écroués sur les registres de la maison d'arrêt où ils sont détenus pour y rester comme en maison de justice et aussi que la présente ordonnance sera notiffiée.
Fait au cabinet de l'accusateur public le huit thermidor l'an deux de la République une et indivisible. A. Q. FououtER,
(Archives ?tO!<oHa;<M, série W, carton 434,
dossier 9t4, H, p, 87.)
RÉQUISITOIRES DU 9 THERMIDOR (SALLE DE LA LIBERTÉ)
Ce fut pendant l'audience du Tribunal dans la salle de la Liberté, le 9 thermidor, que le président Dumas fut arrêté. Il fut aussitôt remplacé par Maire. Fouquier-Tinville occupait le siège de l'Accusateur public; Deliège et Félix ceux des juges. Les jurés étaient Specht, Magûien, Potheret, Masson, Devèze, Buttin, Gauthier, Fenaux et Laurent. Des accusés de cette séance, un seul fut acquitté la femme Coriolis. Les autres, joiuts à ceux de la salle de l'Égalité, furent guillotinés le même jour et inhumés dans la fosse commune de Picpus.
Ce fut la dernière audience où siégea Fouquier-Tinville. Antoine-Quentin foM~Mter, Accu~a~M)' pM&Kc du Mbunal ~uo~M~tOMMNM'e, etc.
Expose que par diiférents arrêtés et jugements, savoir jugement du tribunal crimineLdu département de l'Allier en datte du neuf messidor, arrêté du Comité de Sûreté Générale de la Convention Nationale en datte du vingthuit messidor, arrêté du représentant du peuple près les départements de la Meuse et de la Moselle en datte du premier prairial, autre des représentans du peuple près
XIX
l'armée de Sambre et Meuse, en datte du vingt messidor, jugement du tribunat criminel du département de l'Arriège en datte du vingt-quatre prairial, arrêté de la commission de l'organisation et du mouvement des armées de terre en datte du sept messidor et autre du directoire du district de VézeHso en datte du vingt neuf prairial et encore par arrête du Comité de Salut public et de Sureté GénéraHe réunis du deux thermidor
1° Jean Antoine Lhuillier, âgé de quarante cinq ans, cydevant agent de l'infâme Condé et depuis procureur de la commune de Lusiguy, natif de Brugerre, dép~ des Vosges, dem' à Lusigny.
2° Sebastien Alarose Le Bresme, âgé d'environ quarante deux ans, propriétaire en la commune de Chisy et procureur en ladite commune, natif de Moulins, dép' de l'Allier, demeurant à Chizy.
3° Gabriel François Sallé agé de trente-cinq ans, natif de Moulins, dep' de l'Allier, propriétaire en la commune de Gennetière y demeurant.
4" Jean Crisostome Lorcher-Latrouvaitie agé de 74 ans, né à Ploermel, dép' du Morbihan, demt a Paris, rue de Bourgogne n° 1471, ex noble, ex maréchal de camps. 5° Peronet Brillon-Bussé, âgé de 45 ans, né à demt à Paris rue des Marais n° 5.
6° Jérémie S' Hilaire, agé de 48 ans, né à Rocroy, dép' des Ardennes, dem' à Paris rue des Marais n° 5. 7' Claude Philibert Coquéau, agé de 39 ans, né à Dijon, dép~de la Cote d'Or, demt à Paris, rue Neuve des PetitsChamps n° 731, ex commis au ministère de l'intérieur. 8" René Vauquelin-Vrigny, ex constituant, agé do 72 ans, né à Vriguy dép' de l'Orne, dem'à Paris, rue de l'Université, ex-noble.
1. Resté en blanc sur t'original.
2. ~K<.
9° Louis Clair Maurin, agé de 65 ans, né à demt à Paris, rue Neuve Etienne'.
10° Jacques Watrin, juge de paix, agé de 65 ans, né à S'" Pervile, dép' de la Meuse, demt à Pique-Pus'. R. 11° Pierre Louis Foacier, âgé de 74 ans, né à Rouen, dép* de la Seine-Inférieure, dem' à Paris, rue Basse du Rempart.
12" Etienne Nicolas Guérin, caissier et agent de la manufacture des glaces, agé de 59 ans, né à Paris, dem' à Gressy, dép' de Seine et Marne.
13° Jean Guillaume Vallot, agé de 51 ans, né à Openheim dans le Palatinat, professeur d'astronomie, dem' à Paris rue du Cherche-Midy.
14° Jean-Baptiste Lafond ex-prêtre, agé de 37 ans, né à ° dem' à Paris, place des Victoires.
15° François Joseph Monghelchotte, âgé de 34 ans, né à Paris, dép' de dem' à Paris, rue Mouffetard, md tapissier.
16° Louis Nicolas Duval, m'' quincailler, agé do 28 ans, né à SennevUte, dép~ de Seine-Inférieure, demt à Paris rue Martin 318.
17° Thérèse Charlotte Coriolis, femme divorcée du nommé Blanchard, ex tégis!ateur, agé de 50 ans, né à. dem~ à Paris, rue Charonne.
18e Jean Ginet négotiant, agé de 43 ans, né à Villeneuve d'Agen, dép' de Lot et Garonne, demt à Paris rua Grenetat.
1. Cet alinéa a été barré après coup, et on lit en marge, de l'écriture de Fouq~ier-TInviIle, condamné. Il s't~it ici de LouisClerc Morin, quartier-maitre général dans la garde du Hoi, précédemment guillotiné le 22 messidor an II.
2. Lisez Picpus.
3. Resté en blanc sur l'original.
4. Ibid.
5. Ibid.
19° Guillaume Loison, directeur du théâtre des Champs-Elisées, agé de 47 ans, né à Paris, dem' à Paris, rue d'Aguesseau.
200 femme Loison, agée de 33 ans, née a
21" Charles Mathieu Charpentier dit Cadet, âgé de 30 ans, né à La Ferre, dép' de l'Aisne, chasseur et canonier, dem~ lors de son arrestation à Paris, rue des Lavandières, chez Dumoulin.
22° Augustin Leguay, grenadier au régiment d'Anjou, depuis capitaine au 23" régiment de chasseurs à cheval, agé de 31 ans, né à Montluçon, dép' de l'Allier, y demeurant.
23" Godefroy Elizabeth Lavoysien, agé de 36 ans, commis à l'administration des domaines, né à Eu, dép' de Seine-Inférieure, demt à Paris rue Neuve des PetitsChamps.
24° François Sommesson, valet de chambre, tapissier des tentes de Capet, âgé de 51 ans, né à 'Paris, y dem' rue des Droits do l'homme.
25° Pierre Marche, huissier, ex président du comité de surveillance de la commune de Choiseuil, agé de 48 ans, natif de Choiseuil y demt, dép* de la HauteMarne.
26° Pierre Durond Puid Deverine, âgé de 69 ans, aveugle, cid' maitre des comptes, né à Paris, y demeurant. 27" Marie Marguerite Barkas, f du dit Puid Deverine, agée de 55 ans, née à
i. Rest& en blanc sur i'orisiaai.
2. Ibid. ·
3. En marge du jugement, qui reproduit la teneur (~ l'acte d'accusation, on lit Ce ./ttyemot< a été ?-e):d'M le ~ott)' de ~<!)')'M<aM<Mt du <)'aM) e ~«mas, et il a été impossible de se pt'ocMt'e)' les ??oKM de quelques lieux de naissances et de t-f'<'n:e!tt-('t. Cette note est signée de l'initiale du juge Matre, qui prit la présidence après l'arrestation de Dumas.
Ont tous étés (sic) dénoncés à l'accusateur public qui a décerné mandat d'arrêt contre eux, en vertu desquels ils ont été traduits au tribunal révolutionnaire comme prévenus d'avoir employé des manœuvres tendantes à exciter des troubles, d'avoir fait et signé des arrêtés tendants à favoriser et.propager le sistème du fédéralisme et à entraver la circulation des subsistances, &t d'avoir entretenu des intelligences et correspondances avec les ennemis tant intérieurs qu'extérieurs de la République, de leur avoir fait passer des secours en argent pour faciliter leur invasion sur le territoire françois, que lesdits prévenus ont été conduits en la maison d'arrêt de la Conciergerie, qu'examen fait de toutes les pièces transmises à l'accusateur public, il en résulte que
1° A l'époque où la faction liberticide du fédéralisme s'agitait en tous sens pour diviser les départements et déchirer le sein de la République, on a vu les perfides agents de cette faction faire jouer tous les ressorts de l'intrigue pour fasciner les y '~x du peuple et faire triompher, s'il leur eût été possible, ce monstrueux système. On les a vus à cet effet tendre toutes sortes de pièges, particulièrement à la bonne foy des habitans dos campagnes, pour les entraîner dans l'abyme de leur conspiration.
C'est aussi dans cette vue contrerévolutionnaire que Jean-Antoine Lhuillier, cydevant agent de l'infâme Condé et procureur de la commune de Lusigny, Alarose Labresme, procureur de la commune de Chesy, et Gabriel François Sallé, propriétaire én la commune de Gennetière semblent s'être concertés entre eux pour former une coalition entre les différentes municipalités formant le canton de Chevagno tendante à isoler ce canton de son district et de son département pour y empêcher la sortie des grains et, par ce moyen, exciter des troubles dans ce département et y introduire même la guerre civile. En effet, le quatre aoust 1792 (vieux style), les officiers
municipaux des sept municipalités formant le canton de Chevagne, district de Moulins, département de l'Allier, inégalement assemblés et réunis audit lieu de Chevagne, après une prétendue convocation faite de chacune des dittes municipalités par celles de Chevagne, ont pris le dit jour une délibération de laquelle il résulte que ces officiers municipaux sous le spécieux prétexte de veiller à l'approvisionnement des subsistances pour ce canton, n'ont pas.craint de porter la plus vive atteinte à ta représentation nationale en s'arrogeant )c droit d'enfreindre les loix les plus salutaires sur les subsistances et en provoquant méme.te peuple à l'insurrection pour en empêcher la libre circulation. Pour s'en convaincre, il suffit de rapporter les principaux articles de cette délibération. Comme le but des auteurs de cette délibération était de fédératiser le canton de Chevagne, en t'isolant par une coalisation perfide du district et du département, on y remarque dans le préambule qu'après avoir fait naitre aux hahitans une apparence do disette dans le canton, pour parvenir plus surement à leur but, ifs cherchent à jetter la plus grande défaveur sur les corps constitués et administratifs, en attribuant à leur surveillance la cause de cette disette factice, par cette phrase « Les munici« patités du canton ont vu sans doute avec l'effrôy l'enlè« vement précipité et très couteux d'une masse de subsis-.tances recueillis de toutes parts sous l'autorité des « corps constitués et administratifs et entreposés dans un « bourg, etc. » Ensuite ils provoquent la coalisation de toutes les municipalités du canton en s'exprimant ainsy « L'intérêt général demande que dans des circonstances « orageuses tous se réunissent pour arrêter les progrès « du mal qui serait le pire de tous ceux qui affligent la « République. H est des moyens sans doute d'y parvenir, « et que le plus sur et le principal est sans contrait « l'union et une coalition fratornelle, etc. »
Le premier article de cette délibération est ainsy conçue
« L'assemblée générale du canton de Chevagne déclare « qu'elle se jure individuellement et collectivement union « et fraternité, assistance et secours exclusifs en tout ce « qui intéressera les subsistances, qu'elle les protégera « pour tous autres, les aidera de son excédent s'il s'en « trouve; mais elle défendra par tous les moyens que la « loy autorise celles de son territoire qui luy seront « nécessaires et indispensables. » Enfin, par un autre article, il est dit « Jusqu'au recensement consommé, les « citoyens propriétaires, colons et fermiers sont invités à « ne vendre et sortir aucun bleds. Les officiers munici« paux surveilleront ces sorties ou ventes avec exacti« tude, etc. »
On voit dans cette délibération, qui été imprimée, lue, publiée et affichée, le mépris le plus formel pour les autorités constituées qui y sont méconnues et l'intraction la plus manifeste aux loix qui n'ont jamais permis aux municipalités de se concerter pour prendre des arrêtés communs. On y voit un système perfidement combiné ,entre ses auteurs pour paralyser les corps constitués, détruire l'hiérarchie des pouvoirs, dissoudre la représentation nationale et anéantir la République par la famine et la guerre civile. Il est prouvé que Lhuillier, La Bresme et Sallé, tous trois signataires de cette délibération tiberticide, en sont les principaux auteurs, et que c'est à leur instigation qu'elle a été prise. Notamment Lhuillier qui, pour engager le procureur de la commune de Chevagne à convoquer t'assemblée du quatre aoust, luy fit naitro des craintes sur l'enlèvement des grains de cette commune qui, suivant luy, allaient être mis a la disposition du district de Moulins, notamment en luy disant qu'il ne larderait pas de recevoir de la /M~ de M district une ~~MîSt<!OM ~M!' le canton de Chevagne de <M:e mille boisseaux de grains pour la commune de Moulins, en luy ajoutant que cumme procureur du C/M/-H6M de ce caH~oM, il ne pouvait se dispenser de /at?'$ a~sem~e? la commune
à l'effet de se co!!cer<er sur les moyens d; prendre ~OMr /bM~M- laditte !'e</M~~OK,etc. H est encore prouvé que c'est Lhuillier qui s'est chargé de la rédaction de cette infame délibération. A l'égard de Sallé et Labresme, il parait qu'ils sont du nombre de ceux qui ont le plus concourru à la délibération et qu'ils ont même aussi participé 11 sa rédaction, ce qui ne permet pas de douter de leurs intelligences criminelles avec Lhuillier. Enfin un dernier fait; qui prouve jusqu'à quel point les auteurs de cette délibération se sont rendus coupables, c'est que, pour la faire signer, ils ont choisi le 2<x aoust, qui étoit un jour de foire à Chevagne, afin de pouvoir surprendre les signatures d'un plus grand nombre d'habitans.
20 Jean Chrisostome Larcher-Latouraille, ex noble, cydevant maréchal de camps et gentilhomme de l'infâme Condé. Par l'employ qu'il remplissait dans la maison de ce traître, ses relations avec les suppôts de la tyrannie ne peuvent être équivoques. D'ailleurs, père d'émigrés, il a luy-même fait un voyage dans tes paya ennemis, en 4792, pendant le siège de Thionville. Depuis son retour, on ne l'a vu paraître à sa section que pour y demander des certificats ou passeports, ce qui ne permet pas de douter de sa haine pour la République et de ses intelligences avec ses ennemis.
3° Perronet BriHion-Bussé, ex noble cydevant chevalier de Malte et. S' Hilaire, sans profession, dont tous deux notoirement connus par leurs intrigues. Ils sont violemment soupconnés de complicité dans une fabrication de faux assignats dont il est fait mention dans un procès-verbal dressé chez le commissaire de police Marlet le 15 juin 1793 (vieux stylo). En outre, il est prouvé que la maison ou demeurait (sic) ces deux intrigants était un véritable repaire d'aristocratie où se rendaient les gens les plus suspects et les royalistes les 1. ResM en blanc sur l'original.
plus connus, notamment les nommés Mondot et Roulleau, tous deux officiers dans la garde du tyran, que l'on présume avoir éprouvé le chatiment de la vengeance du peuple à la journée du dix aoust. On voyait aussi souvent venir dans cette maison Hamelin, autre royaliste émigré. Ils tenaient entre eux des conciliabules et y chantaient des chansons aristocratiques. On en a souvent entendu dont le refrain était vive /f< noblesse, vive les mattAo.ts, etc. S* Hilairo se faisait gloire d'être aristocrate et s'en vantait publiquement. Il dit un jour qu'il se /bM<N:< des ps/MO~M qui aua'<oi~ fait ??<OM?'tr roi, ajoutant qu'il élait &OM arM<ocM<<?. Enfin on a trouvé sous les scellés de ces deux intrigants une foule de lettres et papiers très suspects notament plusieurs lettres qui prouvent qu'ils faisaient le commerce d'argent pour discréditer les assignats et faire passer du numéraire aux émigrés. 4° Claude Philibert Coqueau, cydevant architecte et homme de lettres, ami de l'ex-mininistre Rolland, dont il a été quelque tems le secrétaire, était encore intimement lié avec Mazurier, ex député à la Convention mis hors la loy. Ce dernier était même en pension chez luy et y logeait et mangeait. Coqueau est encore violemment soupçonné d'avoir favorisé l'évasion de l'infame Pétion. Toutes ces circonstances réunies ne permettent pas de douter qu'il ne soit un des agents de la faction fédéraliste. 5° René Vauquelin-Vrigny, ex-noble, cydevant marquis
et ex-député à l'assemble constituante, notoirement connu par ses relations avec tous les membres gangrenés de cette assemblée, était encore intimement lié avec le conspirateur Troussebois, qui a été frappé du glaive de la loy. Aristocrate et royaliste par principe depuis l'assembtée constituante, il n'a cessé do conspirer ouvertement. Son attachement à la tyrannie était tel que l'ors de son arrestation on a trouvé chez luy toutes les marques de la féodalité qui pouvaient lui en rappeler le souvenir. Il avait enfoui son argenterie armoiriée que
l'on a trouvé cachée dans différents lieux secrets. On a encore trouvé, dans un endroit retiré de son jardin, la statue du tyran Louis quatorze, et deux autres statues représentant la France et ta Victoire offrant au tyran le récit de ses cruautés. Enfin cet homme était tellement gangrené d'aristocratie que depuis le dix aoust n92 il a empêché son domestique d'aller aux assemblées du peuple.
6° Louis Clair Maurin, cydevant controleur des imposisitions de Bretagne, ex-caissier du nommé Montigny et agent de plusieurs ex-nobles émigrés n'a eu de relations qu'avec les suppôts de la tyrannie. C'était un des zélés partysans de la constitution monarchique de 1791. H a été quartier-maitre trésorier dans la garde constitutionnelle du tyran et est signataire de toutes les pétitions liberticides, notamment de celle des vingt mille T* Jacques Vatrin, ancien instituteur et maître de pension et ex juge de paix de la section des quinze-vingts à l'époque do la journée du dix août n92 est un royaliste décidé. Jl est un de ceux qui se liguèrent avec les juges de paix de Paris contre les patriotes à cette époque. C'est encore luy qui après l'affaire du vingt juin colporta l'adresse du faubourg S~ Antoine au tyran et chercha à surprendre les signatures de plusieurs citoyens de sa section.
8° Pierre Durand Puid de Verrine, cydevant maître des comptes et ex noble, et Marie-Marguerite Barkas sa femme ont. comme tous les gens de leur caste, toujours fréquenté les riches au mépris des sans-culottes. Leur amour pour la tyrannie ne peut être équivoque puisque l'on a trouvé chez eux une grande quantité de médailles frappées à l'effigie du tyran avec des bourses Ileurdelysées qu'ils conservaient précieusement au mépris dos <. On lit en face de ce paragraphe le mot mot'<, de l'écriture de Fouquier-Tinville,
loix. D'ailleurs, ils sont encore soupçonnés d'avoir entretenu des intelligences et correspondances avec un de leurs fils émigrés.
9" Pierre Louis Foacier, cydevant employé dans les finances, ami intime de l'ex-ministre Terbé émigré depuis l'émigration de ce dernier, il a encore conservé des liaisons avec la maîtresse de cet ex-ministre. Il est notoirement connu dans sa section par ses relations avec tous les aristocrates et royalistes. Depuis 1791 il n'a cessé de se montrer dans sa section l'ennemi du peuple. Il ne se rendait aux assemblées que pour y faire des mot~ns tendantes à favoriser les projets des conspirateurs. Avant le dix aoust, on l'y a vu s'opposer de toutes ses forces à la nomination des commissaires proposés par la commune pour la rédaction de la pétition à présenter à l'assembtée nationale pour demander la déchéance de Capet. Il présidait alors t'assemblée et dans cette séance, il a refusé plusieurs fois de mettre aux voix malgré les instances réitérées des patriotes. Il a même poussé la malveillance et l'aristocratie au point de vouloir quitter le fauteuil et lever la séance. Il a manifesté hautement son opinion sur les Jacobins et les amis de Marat qu'il traitait de factieux. Il est un de ceux qui ont voté dans sa section pour l'intrigant BafFé. Enfin il est aussi signataire de toutes les pétitions liberticides.
10° Etienne Nicolas Guérin, caissier général de la manufacture des glaces rue de Reuiity, est aussi connu dans sa section pour un partysan du traître Lafayetto et pour avoir eu des liaisons et relations avec les aristocrates feuillants et modérés de cette section. II s'y est toujours montré l'ennemi de la liberté et le partysan de la tyrannie. On l'a vu, dans plusieurs circonstances, persécuter les patriotes, notamment après l'affaire du vingthuit février journée des poignards et de Vincennes. A cette époque, il était président du comité civil de sa section et par son influence, il forgea le procès de Delmotte
et Lafayette contre Santerre. Depuis le dix aoust, pour se soustraire à la surveillance de la section, il s'est réfugié à sa maison de campagne à Gressy, avec le nommé Thion de la Chaume, royaliste reconnu, avec lequel il a toujours eu d'étroites liaisons.
Ile Jean Guillaume Valtot, professeur d'astronomie est un des espions de t'étecteur'patatin. Il luy envoyait les infâmes journaux des Roynon et Durozoy. 11 a toujours méprisé la garde nationale au point qu'il n'en a jamais monté une. Il est aussi notoirement connu pour avoir été un des hommes de confiance des conspirateurs Le Brun et Rolland. On a trouvé chez luy plusieurs ouvrages contre-révotutionaaires, notamment une brochure intitulée la .Taco&tne't~ etc.
't2° Jean Baptiste Lafond, ex chanoine, est un de ces intrigants courreurs de tripots. Il faisait toutes sortes d'agiotages sur le numéraire pour discréditer les assignats. Il était muni d'une certaine quantité de faux assignats qu'il faisait circuler dans le publie. H a même'chargé plusieurs fois son domestique d'en faire passer. Il a en outre entretenu des intelligences et correspondances avec plusieurs émigrés notamment avec un nommé Le Bloin. H leur faisait passer des fonds. On a vu chez luy une lettre dattée de Bruxelles dans laquelle un émigré le remerciait de l'argent qu'il luy avait envoyé. '13° Monghetchotte, tapissier à la manufacture des glaces nationales, est connu dans sa section pour y avoir
toujours manifesté des sentimens royalistes. Dans le tems qu'il présidait l'assemblée générale de sa section, il se permettoit d'y lire les écrits les plus incendiaires. Avant la chute du trône il vantait hautement le tyran. H dit un jour en pleine tribune ils sont &MM sc-c~ra~ ceux-là qui n'aiment pas le ~o! A l'époque du trente un may, il a été un de ceux qui ont cherché à blâmer cotte journée. Enfin depuis il a encore dit que les ~'aHpans ne pouvaient pas se ~uM~et'ne?' seuls et qu'il fallait un ~oy.
14° Louis Nicolas Duval, négociant et m'~ quincaillier, autre royaliste partysan de Lafayette et ami de tous les aristocrates reconnus de sa section. Il ne se rendait aux assemblées que pour y exciter des troubles et y vexer les patriotes. A l'époque du recrutement de la Vendée, on l'a vu cabaler dans sa section pour se faire nommer président. Il s'y était même tellement ligué avec les aristocrates que cette séance devint très orageuse et qu'il en est résulté une rixe avec les patriotes. A cette époque, il a été aussi du rassemblement des jeunes gens qui eut lieu aux Champs-Elisées. Il a été un des principaux auteurs des troubles qui se sont renouvellés l'ors de l'adresse liberticide de la section du Mail. Étant alors secrétaire de l'assemblée, il fit tous ses efforts pour faire passer cette adresse qu'il avait distribué à plusieurs citoyens. Il donna même le baiser fraternel à la députation aristocrate. 15° Thérèse-Charlotte Coriolis, femme divorcée do Claude Blanchard, ex-député du département du Pas-deCalais à la seconde législature et ex noble, a manifesté son attachement à la tyrannie en disant un jour qu'elle était bien malheureuse et que sous l'ancien t'e~ime la noblesse luy aurait donné des Mcotft's. Elle a aussi cherché à avilir la représentation nationale par d'autres propos, notament en disant que la nation s'était emparée des biens des églises qui devaient dire poM)' les joaMWM et qu'elle K'eH faisait aucune charité, etc.
16° Le Goy, cydevant capitaine du vingt troisième régiment des chasseurs à cheval, notoirement connu par ses liaisons avec les royalistes, notamment avec les cydevant chevalliers de Villers, a trempé dans la conspiration du tyran Capet et de sa famille. A l'époque du dix aoustn92, il était brigadier fourrier de la 30° division de gendarmerie à pied. A l'affaire des Marseillois aux ChampsEUsées, on lui a entendu dire que si tout Paris pensait. comme luy les Jacobins seraient bientôt détruits. Il a même été chassé, par les patriotes de sa division, pour
avoir voulu, le dix aoust, assassiner un sans-culotte qui passait devant la trésorerie nationale. C'est encore lui qui, dans la section de SI-Joseph, eut la scélératesse de tirer son sabre en pleine assemblée sur les sans-culottes. 17° Charles Mathieu Charpentier dit Cadet, militaire, réunit en luy tous les crimes qui caractérisent un scélérat consommé et un eonspirateur.ftangereux. Après avoir abandonné lâchement ses drapeaux, il est venu à Paris pour y faire le métier de voleur. On a trouvé sur luy l'ors de son arrestation dix-sept rossignols ou fausses-clefs. tl s'était fait prêter une carte de citoyen pour se soustraire à la surveillance de sa section et pouvoir commettre le crime plus sûrement. Il s'est évadé de la maison d'arrêt où il était détenu en rompant un barreau de fer. Enfin il parait même constant qu'il a émigré.
18° Guillaume Loison, cydevant directeur du théâtre des Champs-Étisées, et la femme Loison, ex-directrice du même théâtre, ex nobles, ont plusieurs parents émigrés, et se sont montrés les ennemis du peuple par les différents propos qu'ils ont tenus. D'abord Loison connu pour avoir été avant la Révolution au service du tyran de t'Empire, a toujours manifesté ses sentimens royalistes. Un jour, en parlant de l'habit de la garde nationale, il dit d'un ton de mépris, qu'il Me ~'ai!)a!M /a!s!'?'e ~OM' la nation, que c'~a!'< parce qu'il comptait ))toM<C!' chez le /~oy. Un autre jour, en parlant de la Convention, il dit qu'elle ne faisait que des coc/tOMn<')":e.<, que c'ë<at( tous coquins et des scélérats, ajoutant que HOi~ M?'tOK~ bien plus /:eM!'eMa; si nous aui'o; MM Roy. Dans une autre cir~constance on luy a encore entendu que s'il se mc««t< dans farm~e )'~uo~<tOMMa:')' ce serait pour ~fM~e;' de FaM~'e cd<d. Enfin il paraît même qu'il était initié dans la conspiration des prisons, car il a encore dit un jour que s'i '1 était seul de garde au Temple, il ferait sortir tous les prisonniers.
A l'égard de la femme Loyson, elle partageait avec son
mary ses sentimens contrerévolutionnaires. Un l'a plusieurs fois entendu invectiver les membres de la Convention qu'elle traitait de gueux et de scélérats. Le jour de la fête de l'inauguration de Marat, elle insulta à la mémoire de ce martyre de la liberté en le traitant de giMMa; et de sce~'at, etc.
19° Jean Ginet, négociant, ne s'est occupé depuis la Révolution qu'à entretenir sa criminelle cupidité par l'agiotage et l'infâme trafic du numéraire, ainsy que le prouve sa correspondance. Lorsqu'il s'est présenté dans les assemblées de sa section, ce n'a été que pour y occasionner des troubles et vexer les patriotes en se rangeant toujours du côté des royalistes et soutenant leur party. A l'époque du jugément de Capet, un patriote !uy ayant dit que le tyran était coupable et qu'il fallait qu'il périt, Ginet répondit d'un air triste, et pour chercher à appitoyer sur son sort mais c'est un ~o< On l'a vu dans plusieurs caffés calomnier la montagne de la Convention et préconiser les prétendus talents des Rolland, Brissot et consors. H y-disait même hautement que les Jacobins étaient des scélérats, qui avaient mis la France en convulsion. Enfin il est encore prouvé qu'il a cherché à critiquer les actes de justice du tribunal révolutionnaire en disant publiquement que ce i'n&MMc~ était un tribunal de sang.
20° Godefroy Elisabeth Lavoisier, ex-commis à l'administration des domaines, n'avait de liaisons et relations qu'avec les ennemis du peuple. Il n'a suivi la Révolution que dans le sens contraire. Il était le partysan de la faction liberticide du fédéralisme. Il s'est montré dans sa section le zélé propagateur des principes d6 cette faction. On l'y a vu soutenir le party des Girondins et applaudir à leurs infâmes adresses. Notamment à l'époque du trente-un may, il a tout fait pour faire triompher ce party s'il luy eut été possible. A cette époque, on l'a vu cabaler dans l'assemblée générale de la section pour faire blâmer
la conduite de la municipalité. II a même été dans cette séance jusqu'à faire la proposition de renouveller les membres de la municipalité parce qu'ils étaient patriotes. 21° Enfin François Somesson, tapissier et valet de chambre des tantes de Capet, ne fréquentoit, avant la journée du dix aoust, que les épauletiers de la garde nationale. Dans le tems qu'il était.'à Bellevue, chez les tantes du tyran, lorsque quelqu'un des gens de la maison lisaient (sic) le journal, il leur tournait le dos et il allait auprès de la Narbonne, dont il partageait les sentimens. Avant le dix aoust, on l'a remarqué, dans sa section, pour être un de ceux qui, dans les délibérations importantes de l'assemblée générale, y accouraient (on foule pour grossir le nombre des gens d'opinions [contraires aux patriotes. Sa conduite à l'époque du dix aoust ne permet pas de douter qu'il n'ait trempé dans la conspiration du tyran et de sa famille. Car le jour de l'arrivée des Marseillois à Paris, se trouvant à la tête d'une patrouille qui se fit sur les onze heures du soir, il souffrit que quelques hommes de sa patrouille (du nombre desquels était le nommé Fayet, ex juge de paix de sa section, conspirateur frappé du glaive de la loy) insultassent dans leur marche les sans-culottes qui passaient et chargeassent leurs armes. Sommesson a été aussi un des colporteurs de la pétition des huit mille et a cherché à surprendre les signatures de plusieurs citoyens de sa section. D'après l'exposé cy-dessus, l'accusateur public a dressé le présent acte d'accusation contre les susnommés pour avoir tous conspiré contre la République, la liberté et la sureté du peuple français, en employant des manoeuvres tendants à exciter des troubles, en faisant et signant des arrêtés liberticides, et tendants à favoriser et propager le système du fédéralisme, en participant aux complots et conspirations ourdis par le tyran et sa famille contre la sureté du peuple, en entretenant des intelligences et correspondances avec les ennemis tant intérieurs qu'exté-
rieurs de la République, en leur faisant passer des secours en argent, en émigrant à cet effet du territoire françois, en tenant des propos contrerévolutifnnaires, et en outre en provoquant, par leurs manœuvres et propos, la dissolution de la Représentation nationale, l'avilissement des autorités constituées et le rétablissement de la Royauté, ce qui est contraire aux loix de la République. Pourquoy l'accusateur public requ.ert qu'il luy soit donné acte, par le tribunal assemblé, de l'accusation par luy portée contre les susnommés, en conséquence qu'il soit ordonné qu'à sa diligence, et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir, les dits susnommés, actuellement détenus en la maison d'arrêt de la Conciergerie, seront écroués sur les registres de la ditte maison d'arrêt, pour y rester comme en maison de justice, comme aussi que laditte ordonnance à intervenir sera notifiée tant aux accusés qu'à la municipalité de Paris.
Fait au cabinet de l'accusateur public le huit thermidor de l'an deux de la République française une et indivisible.
A. Q. FOUQUH2R.
(~'c/H'fes M<:<Ma<es, série W, carton 4M,
dossier 973, p. 78.)
DERNIER RÉQUISITOIRE
Tandis que se déroulaient les événements du 9 thermidor, Fouquier-Tinville rédigeait l'acte d'accusation des quinze individus qui devaient passer en jugement le 11 thermidor'. Prévoyant qu'un des deux partis en présence enverrait les vaincus devant le Tribunal révolutionnaire, il n'avait point indiqué d'affaire pour la salle de la Liberté où s'étaient déroulés tous les grands procès ordonnés par la Convention. Ce fut là en effet qu'on amena, dans la journée du 10 thermidor, les robespicrristes. L'identité constatée, Fouquier se borna à demander l'application de la loi. C'est là ce qui explique l'absence de tout réquisitoire contre Maximilien de Robespierre, Saint-Just, Couthon, et autres. Ces événements empêchèrent la mise en jugement des quinze accusés du réquisitoire qu'on trouvera ci-dessous. Tous furent libérés dans le courant de l'année. C'est la dernière pièce que Fouquier-Tinville signa en qualité d'Accusateur public. Six jours plus tard, un décret de la Convention le frappait, et il se constituait prisonnier à la Conciergerie. Antoine-Quentin 7''OM~MM)*, Accusateur public du T ribunal révolutionnaire, etc.
Expose que par arrêté du Comité de Salut public et de 1. Le 10 thermidor était un décadi. Le tribunal, ce jour-H,. ne siégeait pas.
Sûreté Générale de la Convention en datte du deux thermidor.
10 François Xavier de Villemandy ci-devant intendant de l'ex duc de Luynes, et depuis liquidateur à la liquidation générale, agé de 33 ans, né à yaude' département de la Charente, demeurant à Paris rue de Sève n° in section du Bonnet Rouge.
2° Sophie Dauphin, belle-soeur de Villemandy, agée de 26 ans, née à ChateHerault, département dé la Vienne, demeurante à Paris, rue de Sève, n° 117, section du Bonnet-Rouge.
3" François Marie Paris, cydevant homme de loi, agé de 27 ans, né à Paris et ex clerc de procureur, demeurant rue Greneta n" 37.
4° Charles Pierre Domain, huissier au cidevant bureau des finances, agé de 62 ans, né à Paris, y demeurant rue Denis n° 179, section des Amis de la Patrie. 5° Sébastien Jean Fournier, marchand de vins, agé de 43 ans, né A Paris, y demeurant, porte Martin s" 372 section.(~*M blanc sur ~'on~MM/).
6' Benigne Bidault limonadier agé de 38 ans né à Moulins département de l'Yonne demeurant à Paris rue Martin n"311.
7° Louis Tavaux, agé de 40 ans, né à Chessy, département de Seine et Marne, demeurant à Paris, rue Bourg l'Abbé n° 54, marchand'mercier.
8" Jean Etienne Senoble, ex receveur de rentes et faisant les affaires de plusieurs ex nobles émigrés, agé de. ans, néà. (~M blanc sur ro<ytHa~). 9" Pierre Lebret, cidevant domestique de la belle-soeur du tyran, agé de 46 ans, né à la Chapelle, département do l'Orne, demeurant à Paris, rue Elvétius, section de la Montagne.
10" Michel Decaveley, lieutenant des vétérans natio1. Lisez Jauldes.
naux et ex chevallier de Saint-Louis, agé de. ans, né à.(/t'H~<!tHC~M)'<'Oft[/tMa/).
11° Louis Christich, homme de loy, agé de 26 ans, né à Paris, y demeurant, rue do Cléry n° Tt, section de Brutus.
12" Charlss Alexis André Legrand, se disant homme de loy, agé de. né à. (&'M blanc sur l'original). 13° Pierre Perraud, élève en chirurgie, agé de vingtsept ans, né à La Rochefoucault, département de la Charente, demeurant rue de Valois n° 52, section des Thuilleries.
14° Jacques Nicolas Bellanger, agé de 53 ans, né à Chateaudun, cidevant Dunois, demeurant rue des Fossés Bernard, n° 30, section des Sans-Culottes.
15~ René François Guyard père, tapissier, agé de 51 ans, né à Alençon, département de l'Orne, demeurant à Paris, rue Neuve Mery n° 402, section de la Réunion. Ont tous été traduits au tribunal comme prévenus de s'être déclarés les ennemis du peuple en employant des manœuvres tendantes à exciter le trouble dans les assemblées générales de sections, en y manifestant des opinions contraires à la Révolution, en y vexant les patriotes, on entretenant dos intelligences et correspondances avec les ennemis de la République et en émigrant à cet effet du territoire français, que les pièces ont été transmises à l'accusateur public, qu'examen fait de toutes les pièces, il en résulte que
1° Xavier Devillemandy, cydevant intendant de l'ex-duc de Luynes, et depuis liquidateur de la liquidation généraie, et
2" Sophie Dauphin, belle-sœur do Devillemandy, Sont tous deux notoirement connus dans leur section pour leurs intrigues aristocratiques. Vivant ensemble dans la même maison, ils ont tenu fort longtemps chez eux des conciliabules où se rendaient tous les royalistes reconnus de la section. Devillemandy depuis le commen-
cement de la Révolution n'a cessé de manifester les sentiments contre-révolutionnaires dont il était animé. Lorsque la patrie était en danger et que nos armées éprouvaient quelques revers, il marquait sa satisfaction par une joie criminelle. Quelques jours avant le dix août t 1792, il prouva qu'il était initié dans la conspiration du tyran en assurant à des citoyens que les patriotes seraient terrassés et qu'au mois d'octobre suivant, il serait planté des poteaux par tout Paris pour y pendre, disait-il, tous les scélérats de Jacobins. A toutes tes époques où les conspirateurs se ralliaient pour persécuter les patriotes on l'a vu marcher à leur tête. Au trente un may 1793, ayant la pique à la main, il criait avec un ton de dérision « Vive /a Hs~'o~, la belle nation, nous M'auoH~ pas de pain, nous H'a~otM pas c<e t~'aH~e, vive ta République! » A l'époque où la section de la Croix-Rouge a été agitée par tes menées et manœuvres des modérés et aristocrates de cette section, qui s'étaient coalisés, pour y étouuer, s'il leur eût été possible, les cris du patriotisme et y écraser les sans-culottes, on l'a vu jouer un des principaux rôles dans cette conspiration. Dans ce tems on lui a môme entendu dire qu'avec trois cent ?Ht~e livres, il ;!OMlèverait la ville de Paris. C'est encore luy qui, à l'époque de l'acceptation de la constitution républicaine, a sali les murs de Paris d'une affiche aristocratique qui tendait à égarer lé peuple sur l'acceptation de la constitution, en t'engageant, par cette affiche, a ne l'accepter qu'après l'avoir bien discutée.
A l'égard de Sophie Dauphin, belle-soeur de t'accusé Devillemandy,, elle partageait avec ce dernier ses sentimens contre-révolutionnaires. On luy a pareillement souvent entendu tenir les propos les plus inciviques.'H parait même constant qu'elle a entretenu des intelligence! avec plusieurs émigrés, notamment avec un général conspirateur qui commandait dans la Vendée et qui est passé du coté dos rebelles. D'ailleurs on a trouvé, dans
le domicile de ces accusés, la correspondance la plus suspecte, et qui ne permet pas de douter de leurs intelligences avec les ennemis de la République.
3" François Marie Paris, cydevant homme de loy et ex avoué près des Tribunaux, n'a pareillement eu de liaisons qu'avec les modérés et aristocrates de sa section. H se plaisait à tourner la Révolution en ridicule et les meilleurs patriotes. Il ne se rendait aux assemblées générales de la section que pour y mettre le trouble. Un jour, en assemblée générale, il se permit de vouloir chasser les patriotes qui occupaient le bureau pour faire prendre un arrêté liberticide tendant à mettre à l'abry les hommes suspects et faire casser le Comité de Surveillance.
Charles-Pierre Domain, huissier au cydevant bureau des finances de Paris, partysan de la constitution monarchique de 1791. On l'a vu comme tous les royalistes ou faux patriotes défendre avec chaleur la cause de la liberté dans le tems où le party de la cour et de Lafayette triomphait. Mais depuis il a abandonné cette honorable cause pour se ranger du coté des aristocrates, et on ne !'a vu paraître aux assemblées de sa section que très rarement, et encore était-ce pour y soutenir le party des modérés et y appuyer les motions aristocratiques qui s'y fesaient. D'ailleurs il est en outre prouvé que Demain a été membre du club royaliste de la Sainte Chapelle, ce qui- ne permet pas de douter de ses intelligences avec les conspirateurs. 5° Sébastien-Jean Fournier, marchand de .vins, a aussi été reconnu dans sa section pour un royaliste cabaleur qui ne se rendait aux assemblées que pour y exciter le trouble. On l'a vu déclamer sans cosse contre les Jacobins et les meilleurs patriotes qu'il traitait d'intrigants. II disait souvent que le nouveau ~MM H'<MM's~ pas lieu, que toutes les grandes MMMt'M que l'on pt'<'H<!t< ne tendaient qu'à l'anarchie. Lors du licenciement de la garde du tyran, on l'a vu, comme tous les fayetistes de ce tems,
se promener aux Thuileries avec des épauletiers, et sous prétexte d'y faire la police, vexer les patriotes qui s'y rassemblaient en les forçant de se séparer. On l'a vu colporter la pétition des huit mille et solliciter plusieurs patriotes à la signer. A l'époque où Lafayetto revint de l'armée pour confirmer à l'assemblée législative la lettre infâme qu'il avait écrite, Fournier applaudit à la conduite de ce traître en disant qu'il avait bien fait de se retirer de Paris ~KM'ce que les Jacobins l'auraient fait assassiner. Après le jugement de Capet, il manifesta ses regrets sur la mort du tyran disant « Vous verrez si vous serez plus AeMreM.r. » Enfin, juand il apprenait quelque nouvelle fâcheuse de nos armées, il se réjouissait en disant que Autrichiens mettraient à la MMOM les intrigants et les Jacobins qui cherchaient à tout bouleverser.
6" Bénigne Bidaut, limonadier, autre royaliste et partysan do La Fayette, qui, dans tous les tems aux assemblées do sa section, s'est rangé du coté de l'aristocratie. On l'y a vu souvent appuyer les motions qui n'étaient pas dans le sens de la Révolution. H déclamait souvent aussi contre les patriotes et les plus chauds de la Convention nationale tels que Robespierre et autres. Le dix aoust on l'a entendu vanter les prétendus talents de La Fayette en disant que c'était un /toHM~<e AoMHM. Il est un de ceux qui se sont opposés à la déchéance de Capet. Il a voté pour tous les aristocrates, notamment pour Chambon et Raffé. Enfin Bidaut était tellement entaché d'aristocratie, qu'il avait fait de sou caffé un repaire de conspiration où tous les ennemis de la Révolution allaient habituellement pour y vexer les patriotes et y calomnier les autorités constituées.
7" Louis Levaux, quincaillier, est pareillement connu dans sa section pour y avoir toujours manifesté des sentimens royalistes. A toutes les époques de la Révolution, il s'est rangé du party des conspirateurs. A la journée du Champ-de-Mars, on l'a vu applaudir au massacre des
(
patriotes. Lors de la déchéance du tyran, il ne s'est montré à t'assemblée générale de sa section que pour y provoquer et insulter les patriotes. H déclamait aussi sans cesse contre les Jacobins qu'il traitait de scélérats. H s'est opposé à tous les recrutemens et a même excité des troubles dans l'assemblée lors de celuy de la Vendée en s'élançant comme un furieux sur un patriote qu'il prit à la gorge. H a aussi critiqué le gouvernement républicain en disant qu'il n'y avait que de la canaille et de la crapule qui était à la tête des affaires de la République. 8° Jean-Etienne Senoble, receveur de rentes, faisant les affaires de plusieurs ex nobles émigrés, a entretenu des intelligences et correspondances avec eux et leur a fait passer des secours en argent ainsy que le prouve sa correspondance. Il a même acheté la maison d'un émigré. 9° Pierre Sedret, cydevant domestique de la bette-sœur du tyran, a fait différents voyages dans les pays ennemis. Il a accompagné cette conspiratrice à Coblentz et à Turin où il est resté jusqu'au mois de décembre 1792, ce qui ne permet pas de douter non plus de ses intelligences avec tes émigrés.
40" Michel Decavely lieutenant des vétérans nationaux et cydevant chevalier de Saint-Louis, est un des agents connus de la conspiration du tyran et do sa famille. Suppot de l'ancienne police, il s'est fait stipendier en 1792 par la liste civile. Il tenait alors un bureau fauxbourg du Nord où il payait tous les jours environ trente personnes qui se transportaient dans les assemblées afin d'y former un party pour le Tyran.
11° Louis Christich, homme de loy et principal clerc d'avoué, ne se présentait aux assemblées de sa section que pour y cabaler surtout à l'époque où la faction liberticide du fédéralisme cherchait à dévier les citoyens. H s'est montré à cette époque un des zélés partysans de cette faction et un des ardents propagateurs de ces infèmes principes. Il est aussi connu pour avoir constamment
calomnié les autorités constituées et avoir cherché souvent à entraver l'exécution tant des arrêtés salutaires de la section que des décrets de la Convention.
12~ Charles-Alexis-André Le Grand, se disant défenseut officieux, s'est toujours fait distinguer aussi dans sa section par ses sentimens royalistes et ses opinions contraires à la. Révolution. A l'époque du recrutement tant pour la Vendée que pour le département de l'Eure, il s'y est fortement prononcé contre le recrutement en cherchant encore à égarer les citoyens par un projet d'arrêté qu'il y a présenté par lequel il invitait tous les citoyens à partir en masse, à condition, y était-il dit, que tous les jeunes gens qui avaient été arrêtés aux Champs-Elysées ou autres endroits seraient mis indistinctement en liberté. Au trenteun may, loin de prendre les armes comme les autres ,citoyens, on l'a remarqué s'amusant à tourner en ridicule le bataillon de sa'section qui défilait devant luy. 13° Pierre Perraud élevé en chirurgie ne fréquentait que les royalistes. Il allait habituellement au caffé Morat cydevant Valois et il était lié avec tous les aristocrates qui composaient ce caffé notament avec le conspirateur Paris, asassin de Lepelletier. Il prenait à tache d'insulter et vexer les patriotes. Il les provoquait même souvent en les traitant de mouchards, etc.
14" Jacques-Nicolas Bellanger commissionaire en vins s'est montré l'ennemi de toutes les sociétés populaires et des Jacobins. Partysan de la constitution monarchique de '1791, il dit un jour que tous les honnêtes gens se lèveraient pour terrasser les brigands qui voulaient détruire cette constitution. II n'allait à sa section que pour y soutenir le party des aristocrates. On a d'ailleurs trouvé chez luy un catéchisme imprimé par le club monarchien de 1789 qui ne contient que des principes contrerevolutionnaires.
15" Enfin Guyard père, tapissier, autre adorateur du tyran, qui, depuis la Révolution, n'a cessé de soutenir
dans sa section le party des conspirateurs. A l'époque où Capet allait subir la peine due à ses forfaits, il s'est permis de dire hautement que tous ceux qui désiraient sa tMo)'< étaient des 6[K<n~'op~<~M et des scélérats qui !)OMlaient perdre la chose publique, et qu'ils se mettraient à la place de celuy qu'ils voulaient ~c~'MM'e. A l'époque du recrutement, il a été un de ceux qui ont cooporé par leurs opinions aristocratiques à ralentir l'ardeur des jeunes gens destinés à la défense de la patrie et a cherché dans plusieurs occasions à abbattre les patriotes. Il a été membre d'une assemblée nocturne tenue dans la nuit du six ou sept may 1793 qui avait pour but de détruire les mesures révolutionnaires dès leur naissance.
D'après l'exposé ci-dessus l'accusateur public a dressé le présent acte d'accusation contre les susnommés pour avoir tous conspiré contre la République, la Liberté et la Sureté du peuple en employant des manœuvres tendantes à,exciter des troubles dans les assemblées générales des sections, en y manifestant des opinions contraires à la Révolution, en y vexant et maltraitant les patriotes, en entretenant des intelligences et correspondances avec les ennemis tant intérieurs qu'extérieurs de la République, en émigrant à cet effet du territoire français, en tenant des propos contre révolutionnaires, et en outre en provoquant, par leurs manœuvres et propos, la dissolution de la représentation nationale, l'avilissement des autorités constituées et le rétablissement de la Royauté, ce qui est contraire aux lois de la République.
Pourquoy l'accusateur public requiert qu'il luy soit donné acte par le tribunal assemblé de l'accusation par luy portée contre les susnommés, en conséquence qu'il soit ordonné qn'à sa diligence et par un huissier du tribunal porteur de l'ordonnance à intervenir les dits accusés susnommés actuellement détenus en ta maison d'arrêt de la Conciergerie seront écroués sur les registres de ladite maison d'arrêt pour y rester comme en maison
de justice, comme aussi que laditte ordonnance à intervenir sera notifiée tant aux accusés qu'à la municipalité de Paris.
Fait au ca'tinet de l'accusateur public le neuf thermidor de l'an deux de la République française une et indivisible.
A. Q. FououiER.
(~c/KfM !ia<:o?!o~es, série W, carton 43<,
dossier P~4 bis, p. 1.)
::?' 3
DURANT SA DÉTENTION
DEUXIEME PARTIE
MÉMORES JUSTIFICATIFS
RÉD)GÉS PAR FOUQUtER-T)NV)LLE
MÉMOIRES JUSTIFICATIFS DE FOUQUIER-TINVILLE
Nous avons, dans notre avant-propos, rappelé les diverses phases du procès intenté a. Fouquier-Tinville et aux membres du Tribunal révolutionnaire, par la réaction thermidorienne, en 1794. C'est en prison que t'accuse publia la première pièce de sa justification sous le titre ~MOM'e jooM' ~K<ot'Me-Qt<eK<t)!. Fouquier, ex-accusateur public près le <?'t6MK6t< Révolutionnaire ~c''H à Paris et reM~M oo<oM<a!en:SK< à la Conciergerie le jour du décret qui a ordonné son sn'MtatMK Jmpftm~t':c de la rue de C/tar~'cs* (20 pages). Quand son acte d'accusation lui eut été signifié, il y répondit par une nouvelle brochure, plus complète cette fois et plus longue, ayant 88 pages, et M. Maurice Tourneux, signale cette pièce dans le tome p. 421, de sa Bibliographie de <'Hts<o:)'e de ~d)'M pe!:dat:< la Révolution Française (1890) et la fait suivre de la notice que voici c Ch. Nodier a fait figurer dans la seconde vente de ses livres (28 janvier 1830) sous le n° 93, un recueil ainsi décrit n Procédure de FoM~Mtet'-TMWt~e e< du 7')'!tM!M< ''<?fOM<tont:<:tfe. Édition originale, in-4" et in-8°. Cet exemplaire est celui de Fouquier-Tinville, Il contient le premier tirage de sa défense avec une longue addition autographe, et le second tirage avec cette addition intercalée. » M. Tourneux remarque que Nodier confond la n~MMe de Fouquier avec son MeMo:'t'e.
comprenant diverses pièces justificative'! « quittances; décharges, arrêtés des anciens comités de gouvernement, lois et décrets de la Convention nationale, etc. o Imprimée chez Marchant, 'en format in-8", elle s'intitulait Réponse d'Antoine-Quentin Fotf~MM! e~-accusa~tn' près le tribunal f~o/MttOMM<!M'e de Paris, aux d~e'MHs chefs d'accusation portés en l'acte à lui ?M<t/M le 26 frimaire, à la défense générale de BtMaMct-Vat-exHes, Collot d'Herbois, B(t?'r~ et Vadier, anciens membres des comités de gouvernement, e< a celle particulière de Billaud, et encore aux faits avancés par quelques-uns d'eux dans les séances de la Convention des 78 et fructidor. A ces deux pièces imprimées, mais généralement inconnues et rarement citées, il convient d'en ajouter une troisième, la première en date, et inédite encore. C'est le mémoire justificatif remis par Fouquier, à la ftn de Thermidor, au Comité de Salut Public. C'est là la première ébauche de la défense de l'Accusateur public; on y trouvera, du premier jet, tousles"etéments dont il forma, ptus tard, ses deux mémoires imprimés. A ce titre ce document, outre qu'il offre le mérite d'être inédit, demeure précieux. Il reste inséparable des deux autres pièces. Le lecteur les trouvera ici après dans leur ordre de date.
Morceaux violents et éloquents, ils démontrent l'espèce de logique indiscutable que Fouquier apportait dans tous les actes de sa fonction d'Accusateurpublic. C'est la défense d'un avocat un peu rude, mais singulièrement perspicace, armé de toutes les chicanes du code, habile à mettre en lumière toutes les fautes de ses adversaires. Sans les vouloir présenter comme des modèles de style ou des morceaux d'anthologie, nous pensons que ces trois documents peuvent apporter, par leur précision, leur éloquence véhémente, une contribution précieuse à la réhabilitation de la mémoire de Fouquier-Tinville.
PREMIER MÉMOIRE
Ce manuscrit, entièrement rédigé de la main de FouquierTinville, est, comme nous bavons déjà dit, inédit. U porte en tête deux cachets du Comité de Salut public, l'un avec la 'mention Approuvé, l'autre avec la date T/tefmttto'r 20, Cependant une note lnanuscrite en marge mentionne Reçu au Comité de Sth'eM générale, 27 Thermidor, l'an 2 de la République une et indivisible. Cette contradiction est de peu d'importance. Nous savons, par Fouquier-Tinville lui-même, qu'il rédigea ce mémoire au début de sa détention, le 16 thermidor, et avant son premier mémoire imprimé. Ce manuscrit est composé de quatre pages in-folio.. MEMOIRE JUSTIFICATIF' 1
Aux représentants composant le Comité de Salut public. Pour Antoine-Quentin Fouquier, ex-accusateur public près le tribunal révolutionnaire, rendu volontairement à la Conciergerie et traduit au tribunal par décret du 14 Thermidor.
1. Sic.
1° Je suis accusé d'avoir dressé des actes d'accusation contre des patriotes. La compulsion des registres du greffe repousse cette accusation, car en les vérifiant on demeurera convaincu que toutes les accusations pour la plupart ont été dirigées contre des conspirateurs caractérisés il est possible cependant que sur des dénonciations ourdies par des malveillants il y ait eu des actes d'accusation dirigés contre quelques patriotes c'étoit toute ma sollicitude de me garantir de ces sortes de manoeuvres, et si cela a pu arriver, c'est certainement un malheur qui ne pourrait me rendre coupable, car dès qu'il existe des dénonciations et des charges, la Loy impose le devoir à l'accusateur public de diriger des poursuites contre les prévenus indiqués et c'est aux jurés à apprécier dans leur sagesse le mérite de l'accusation, et la conduite que doit tenir en pareil cas l'accusateur public, et de faire valloir la deffense de l'accusé or, H est notoire dans le tribunal que je n'ay jamais négligé de remplir cette tâche glorieuse et je suis connu pour avoir toujours secouru l'innocence opprimée, le pauvre et le patriote.
2" Je suis accusé d'avoir été l'une des créatures de 7?o~e~Mn'e* et de Saint-Just. Je n'ay~tMMtMeM c/!M ce ~enMe?' j'ignorois même sa demeure; quant à Robespierre,je M'a!</ été chez lui ~K'MHe/OM, jour de l'assassinat ~M citoyen Collot d'7<M'&o: comme je me suis présenté chez ce dernier je H'cy ~'aMat.< été depuis chez ./?o&Mp!en'e*,jedéHe qui que ce soit de me prouver !e contraire.
3° Je suis soupçonné d'avoir eu connoissance de la conspiration qui a éclaté le neuf; au nom de l'honneur je proteste n'avoir eu connoissance de cette conjuration 1. Souligné dans l'original par une main étrangère.
2. MM.
3..Ibid.
4. MM.
qu'au moment où elle a été découverte par la Convention je proteste de même qu'il ne m'a été fait aucune ouverture par aucun des conjurés et que si l'un d'eux s'en fût avisé, j'aurais eu le courage de le dénoncer, comme j'ay eu celui de remplir depuis la création du tribunal le poste périUeux que j'ay occupé. En un mot, si quelqu'un de ces scélérats m'eût fait l'ouverture en façon quelconque de cette horrible conjuration, aurois-je le dix Thermidor requis, comme je l'ay fait, l'application de la loy c. 1 les Robespierre, Saint-Just, Fleuriot, Payan, Henriot et Dumas tous reconnus pour être chefs de cette conjuration n'aurois-y pas été indiqué par eux, si dans le fait, j'eusse été leur complice mais j'ai exercé ma fonction contre ces monstres comme contre tous les autres, parce que j'ay la conscience pure et que je n'ay jamais trempé dans aucun complot.
A l'appuy de ma conduite, j'observe que dinant il y a environ quatre mois chez le cit. Le Cointre, député, avec plusieurs autres, notamment avec le c. Merlin de Thionville, je lui ay tenu une conversation dont il se rappellera sans doute, laquelle proa~fta combien je- détestois le despotisme de Robespierre.
Peu de jours avant le dernier renouvellement du tribunal, informé qu'on vouloit réduire à neuf et à sept le nombre des jurés au lieu de onze, je crus devoir représenter au Comité de Salut public que le tribunal ayant jouy jusqu'alors de la confiance publique, cette réduction la lui feroit perdre infailliblement, en ce qu'elle fourniroit l'occasion de dire que cette réduction n'étoit imaginée que parce que les auteurs do cette réduction n'avoient pas trouvé de créatures à eux dévouées. Robespierre lors au Comité me ferma la bouche en disant qu'U n'y avoit que des aristocrates qui pouvoient parler ainsy~ plusieurs membres du Comité étoient présents. Cette 1. Z.MM Contre.
réflexion me vallut, à ce qu'on m'a rapporté depuis, d'avoir été rayé plusieurs fois de la liste de ceux nommés par décret du 22 prairial t< Je ne sçais à qui je dois le malheur d'avoir été rétably, car sans ce rétablissement, je ne gémirois pas aujourd'huy dans les fers. Quant aux dispositions du décret du 22 prairial, j'ay plusieurs fois fait part au Comité de Sûreté générale de leur rigueur, plusieurs membres doivent se le rappeller, ils convinrent eux-mêmes de la rigueur de ces dispositions, ils devoient tous les jours en demander la réformation, mais quant à moyje ne pouvois me refuser à l'exécution de ce décret sans m'exposer à être considéré et traité comme un contre-révolutionnaire.
Depuis environ un mois les travaux multipliés de ma place ne m'ont pas permis d'aller aux Jacobins, je n'ay par conséquent entendu aucun des discours et des dénonciations de conspiration de Robespierre ny les diatribes de Dumas j'en ay ouy parlé, et l'on sçait combien je les ay censurées. Le C. Afa~e~ député, en sera dans le cas d'attester combien dans une conversation que j'ay eue avec lui il y environ huit jours avant que la conjuration n'éclatât, je blamois le despotisme que Robespierre sombloit exercer au Comité de Salut public.
Le neuf thermidor ma conduite est aisée à établir j'ay tenu l'audience jusqu'à deux heures demies, j'ai été diné avec plusieurs de mes collègues et suis rentré à mon cabinet au palais vers cinq heures demies de l'aprèsmidy. Les commis garçons de bureau et autres personnes employées au tribunal sont dans le cas d'attester ce fait ils sont encore dans le cas d'attester que malgré les émissaires multipliés envoyés de la Commune pour engager les membres du tribunal et moy à nous rendre dans le sein de la Commune et à ne reconnaitre qu'elle, ma réponse a été que je ne reconnoissois que la Conven1. Souligné par Fouquier dans l'original.
ion, que je resterois à mon poste pour y attendre ses ordres, comme dans le fait j'y suis resté jusqu'à une heure du matin de la nuit du neuf au dix qu'accompagne des c. Deguigné, huissier, Beude)ar et Demay, je suis allé aux Comités de Salut public et de Sûreté générale réunis où j'ay été vu par plusieurs membres et les c. Fleuriot et Merlin de Thionville, députés, qui sont survenus je suis retourné au palais où le c. Léonard Bourdon m'a trouvé à cinq heures demies du matin. Tous ces faits sont publics et faciles à prouver il est difficile d'avoir une conduite plus pure.
Cependant je suis traduit comme accusé d'avoir vexé et persécuté les patriotes et dans ce moment je suis traité de gueux et de ~c<~at<' par tous les contre révolutionnaires qui se trouvent détenus à la Conciergerie, au point que je suis forcé de me tenir tout le jour dans ma chambre noire pour me soustraire à leur rage, malgré les soins du concierge et des gardiens en ce qu'il ne me soit rien fait il n'est pas de position plus triste et plus fâcheuse Cependant consultant ma conscience, je n'ay rien fait qui dut me faire éprouver un pareil sort. Depuis seize mois que j'exerce les fonctions péqibles d'accusateur public, j'ay dressé l'acte d'accusation de Marie-Antoinette, et je l'ay fait frapper, ensemble tous les grands conspirateurs du glaive de la foy, moy qui ne trouverois pas dans aucun pays un pouce do terre pour y poser la tête, moy qui suis l'ennemy né de tous les contre révolutionnaires qui me hacheroient, s'ils le pouvoient, moy qui ai employé jour,et nuit pour asseoir la révolution autant que cela dépendoit de mec; fonctions, moy qui n'ay jamais agy qu'en vertu des loix émanées de la Convention, moy qui 1. Souligné par Fouquier dans l'original.
2. /M.
3. Fouquier a voulu attirer particulièrement l'attention du Comité de Salut PnMio sur ces faits. )t a, devant ce paragraphe, placé une accolade, avec un grand /nc.
ne redoute pas l'examen le plus sévère dans tous mes papiers, devrois-je -rester plus longtemps dans les fers. La plupart des Membres des Comtés de Salut public et de Sûreté généralle réunis ont coanoissance de mes principes, de mes actions et de mes démarches journellement aux comités et de leur but. Il ne me reste donc sûr de mon innocence qu'a m'en reposer entièrement sur leur justice.
Ce seize thermidor.
A. Q. FouQUiER.
(M:M~e des ~rcAtt'M ma<!OHo~M, A. E. H, H20, A.)
MÉMOIRE
MM
ANTOINE-QUENTIN FOUQUIER
EX-ACCUSATEUR PUBLIC
PRÈS LE TRIBUNAL RÉYOLUTIONNAJRE ETAM.I A PAMS ET RENDU VOLONTAIREMENT A LA [CONCIMGBMELEJOUK
DU DÉCRET QUI A ORDONNÉ SON AHHESTATrON.
Dépourvu de toutes pièces, privé de la lecture de tous papiers-nouvelles, sachant à peine les délits qu'on m'imputoit, j'ai présenté ma défense d'après ce que m'a fourni ma mémoire; elle est l'expression nue de !a vérité* J'ai remis cette défense aux citoyens députés, chargés de l'examen de mes papiers elle est toujours la même parce que la vérité n'est qu'une; mais il est quelques déveioppemens que j'avais omis et qu'il convient y ajouter- c'est l'objet du présent. <
D'abord une première ~éftexion, c'est que pendant dixsept mois que j'ai exercé le ministère rigoureux d'accusa-
1. C'est le mémoire précédent.
teur publie, j'ai provoqué )o jugement de plus de deux mille contre révolutionnaires. H n'est point de sollicitations qui aient pu m'arrêter; l'exécution des lois émanées de la convention, et des arrêtés de ses comités de salut public et de sûreté générale, la justice et l'humanité, telle a été ma règle de conduite, aussi cette conduite ferme m'a-t-elle donné pour ennemi, tous les ennemis de la chose publique. D'après cela il n'y a rien d'étonnant que ces ennemis cherchent par toutes sortes de manœuvres à faire retomber sur moi le poids de leur vengeance. Le décret d'arrestation, porté contre moi te 14 thermidor dernier, a été rendu d'après une déclaration du citoyen Fréron, non étayée de faits, mais seulement sur des présomptions plus ou moins forcées et tirées de ce que je me transportois chaque jour aux comités de salut public et de sûreté générale.
L'on infère de mes demandes aux comités qu'elles avoient pour objet de me concerter avec Robespierre pour la rédaction des actes d'accusation. Je n'ai été aux comités que d'après les ordres qui m'ont été intimés par les comités et au nom des comités', et jamais je n'y ai été 1. C'est un point de la défense de Fouquier qu'on ne saurait contester. En voici la preuve. Après plus de cent ans Paris, le 23 germinal de l'an 11 de la République
une et indivisible.
LE CoMtTf; DE SALUT PuttLIC
à <'<tCCM.!a<<;ttt' public du <t':&M):a! t'e!)C'hi~tOM!tiM)'e
Tu es invité, Citoyen, de te rendre au Comité dans le courant de ce jour.
t.es Men~-es du C«))::M de Salut public,
SAINT-JUST CAKNOT
(~t'c/nues Mth'ottC~es, série W, carton lis, pièce nS). Cette pièce importante a échappé à M. C!)AMU;s VEU.AY, l'annotateur des QEttM'es cowpM/M ~e S<!tH<-jMs<, publiées en 1908 dans la même Collection que le présent volume.
pour y conférer particulièrement et isolément avec Robesbierre (~c) ni avec aucun autre membre, mais bien pour rendre compte aux comités assemblés, des opérations qui avaient lieu chaque jour au tribunal, aussi je n'ai jamais concerté avec Robespierre ni avec aucnn autre membre de ces comités isolément et particulièrement pour savoir de quelle manière je dresserois un acte d'accusation. Il est facile de prouver par les gendarmes près les tribunaux, que je me rendois directement avec aucun d'eux au comité de salut public chaque soir en sortant du palais et de là au comité de sûreté générale, doù je revenois toujours avec les gendarmes à une heure de la nuit, et souvent plus tard. 11 m'est également facile de prouver par les secrétaires du comité de salut public, que j'étois introduit dans le lieu des séances du comité et jamais dans aucun lieu séparé du comité, et que ces mêmes secrétaires m'y ont vu conférer avec les membres du comité et quelque fois avec ceux du comité de sûreté générale qui s'y trouvoient réunis les membres de ce comité se rappelleront ces faits. Il m'est aisé de prouver qu'il en étoit usé de même au comité de sûreté générale. D'ailleurs, comme je n'allais au comité de salut public qu'entre dix et onze heures du soir, près de six semaines avant le 9 thermidor, je n'y ai pas vu une seule fois Robespierre qui, même d'après bien des rapports du citoyen Barère, ne s'y trouvait plus. Je ne l'ai pas plus vu aux Jacobins, puisqu'au 9' thermidor, il y avait plus de deux mois que je n'avais pu y aller; ce fait est encore facile à prouver. Il convient d'observer qu'un autre motif de mes démarches aux comités de salut public et de sûreté générale, étoit pour me procurer des éclaircissements et les pièces nécessaires des différentes affaires traduites au tribunal. Je proteste en un mot, que je n'ai jamais rédigé d'actes d'accusation que d'après les pièces, déclarations et dénonciations qui m'étoient transmises, soit par les comités de salut public et de sûreté générale, soit par d'autres
autorités constituées. Ce fait est aisé à vérifier au greffe. L'on infère des expressions par moi employées dans l'acte d'accusation d'Hébert, que bientôt une autre faction qui s'é!evo!t seroit déjouée, j'étois informé de celle imputée depuis à Danton et autres, je déclare que. je n'ai employé ces expressions que d'après ce, qui- résu!toit de l'instruction et des pièces transmises. En effet, il résulte de l'instruction que Pache, lors maire de Paris, sous le titrede grand juge dontdevaitio revêtir ta faction d'Hébert, devoit y jouer un grand rôie mais cette qualification n'étant qu'indiquée et n'ayant pu acquérir aucune autre preuve que Pache fût entré dans cette faction et qu'il dût être revêtu de cette qualité de grand juge, j'ai cru devoir me borner à employer lés expressions qui me sont aujourd'hui reprochées, d'autant mieux qu'ayant fait part au comité de salut public assemblé de l'indice seulement qui existoit contre Pache, il a décidé que ce dernier étant premier magistrat du peuple et n'y ayant pas charges suffisantes contre lui, il falloit dans cette occurrence ne pas parler de lui. C'est par suite de cette décision que Dumas a, d'un côté, interdit aux accusés la faculté de faire paroître Pache, et a même fait l'éloge de ce dernier dans son résumé. Tel est le premier motif qui m'a déterminé à employer les expressions dont il s'agit.
II en est un second non moins puissant. Dans le cours de instruction du procès d'Hébert et autres, étoient survenues des charges graves contre Henriot, l'un de ses aides de camp du Pin, lors juge au tribunal du' I"' arrondissement, et Gobault, l'un des substituts de l'accusateur public au tribunal criminel, mon intention étoit d'abord de décerner un mandat d'arrêt contre ces quatre individus, mais la réflexion dans une affaire de cette importance m'a conduit à en référer !a chambre du conseil. Les charges lues`et examinées, il a été arrêté d'après l'avis de Dumas, par moi vivement combattu, qu'il seroit seulement fait part au comité de salut public du résultat des charges
existant contre Henriot et son aide-de-camp ce résultat, signé de tous les membres qui avoient assisté à la délibération, a été porté au comité de salut public par Dumas et moi, nommés à cet effet par le Tribunal.
Ce résultat a été lu en présence des membres du comité de salut public, et le comité a décidé qu'il ne falloit pas parler d'Henriot et de l'aide-de-camp. Cette décision a été ponctuellement suivie et exécutée par Dumas qui, de son autorité privée, a écarté les témoins qu'il savoit être dans le cas de parler d'Henriot, si non le citoyen Legendre député qu'il n'a pas pu s'empêcher d'entendre en déclaration et une chose bien remarquable, c'est qu'Henriot, Lubin et Gobaut, étoient tous trois dans la conspiration du 9 thermidor. Ce résultat doit se trouver dans les archives du comité au surplus les pièces du procès d'Hébert renferment les charges dont je viens de parler.
Ce développement ne permet pas de douter que je n'aye eu raison de consigner dans l'acte d'accusation d'Hébert, qu'une autre faction qui s'élevoit seroit bientôt déjouée, car il est de toute évidence et la suite l'a prouvé, que je ne me trompois pas. Il n'est pas moins évident que le refus fait quelque temps après Dumas d'entendre en déclaration Pache, qui peut être lui-même auroit été jaloux d'être entendu, sur la demande réitérée de Chaumette, mis en jugement, paroit avoir été l'effet d'une combinaison criminelle concertée avec tous ses complices, qui est bien appréciée en ce moment, mais qui nepouvoit l'être alors par les yeux les plus clair-voyans.
C'est des rojettons de cette faction dont j'ai entendu parler dans l'acte d'accusation, je n'ai nullement entendu parler de faction imputée depuis à Danton et autres, puisqu'elle m'étoit absolument inconnue à cette époque, et qu&je n'en ai été informé depuis que lors de la dénonciation qui en a été faite à la Convention nationale, d'ailleurs j'étois bien loin de penser que cette faction existât~ et une preuve que je n'ai point entendu parler de cette
faction, c'est que je n'avois aucunes pièces ni renseignemens qui me l'indiquassent et que je n'en ai remis aucunes aux Comités de Salut public et de Sûreté générale, ce qui cependant seroit arrivé, si alors j'avois eu quelques déclarations concernant cette faction, au moyen de ce qu'il s'agissoit de députés ces faits sont notoires.
L'on semble encore me faire un reproche du jugement rendu contre Danton et autres; d'abord en leur qualité de députés, ils ont été mis en état d'arrestation par ordre des Comités de Salut public et de Sûreté générale; en second lieu, c'est la Convention qui les a décrétés d'accusation et qui en a rédigé l'acte; c'est la Convention qui, par son décret, a enjoint à l'accusateur public de la faire juger mon ministère m'en imposoit le devoir, j'ai donc provoqué ce jugement, je n'ai fait ni exposé ni résumé dans cette affaire, ainsi je n'ai pu influencer en façon quelconque le juré. J'ai seulement présenté l'acte d'accusation et le décret au juré. A la suite des débats, le juré a déclaré les faits constans, il n'y a bien évidemment dans ce jugement rien de mon fait il y a mieux, sur la réclamation de Danton, Lacroix et autres, de faire entendre pour leur justification difîérens députés par eux indiqués, j'en ai fait part sur-le-champ au Comité de Salut public, suivant la minute d'une lettre du 15 germinal, trouvée sous mes scellés par les citoyens députés de la Cenvention nationale, laquelle porte même les noms des députés que les accusés désiroient faire entendre, et qu'ils en appeloient au peuple ENTIER, en cas de refus; or, j'en appelle au bon sens et à la raison si j'eusse été d'intelligence avec le féroce et sanguinaire Robespierre et ses complices, pour ôter à'Danton et autres accusés tout moyen de se justifier; l" Aurois-je écrit la lettre dont je viens de parler; 2° Aurois-je informé le comité que les accusés demandoient à grands cris à faire entendre pour leur justification un certain nombre de députés; 3" Aurois-je indiqué nominativement ces députés; 4" Au-
rois-je mandé que les accusés en appeloient au peuple ENTIER, du refus qui leur en serait fait; non certainement, à moins qu'on ne veuille trouver du mal dans les actions les plus simples et les plus droites.
Si j'avois eu une intention criminelle, aurois-je marqué que le tribunal croyait qu'il falloit un décret pour diriger sa marche; y avoit-il au contraire un moyen plus sûr en provoquant un décret, de mettre la Convention (sur-tout après le contenu de ma lettre) à même de suspendre, si elle l'estimoit ainsi, ce procès, et de prendre des mesures ultérieures pour la justification des accusés? n'étoit-ce pas naturellement la conséquence qui devait s'en suivre des expressions de ma lettre, et cette lettre no devoit-elle pas faire naître, ou plutôt revivre dans l'âme des députés qui étoient persuadés que Danton et autres, pouvoient être sacrifiés à une faction, l'étan généreux et courageux de demander la suspension de ce procès. Devois-je m'attendre que par une infidélité aussi coupable qu'incroyable, Saint-Just, rapporteur de ma lettre, en changeroit le texte dans son rapport, et me prêteroit d'avoir écrit que les accusés ÉTOIENT EN RECELUON ouVERTE, et continueroit ce rapport infidèle sur le même ton devois-je m'attendre enfin qu'aucun député ne demanderoit la représentation ni la lecture de ma lettre? C'est cependant ce qui est arrivé, et ce qui a donné lieu au décret du 15 germinal. Pouvois-je me conduire d'une manière différente? Ce décret du 15 germinal une fois notifié, en ma qualité de fonctionnaire public et d'organe aes lois émanées de la Convention, qu'avois-je à faire en pareille occurrence? ce que j'ai fait, d'exécuter la loi. Où est donc mon délit? Voilà cependant le motif fondamental de mon arrestation.
Je suis accusé d'avoir été une des créatures de SaintJust, Couthon et Robespierre; je n'ai jamais été la créature des uns ni des autres j'ignorois même la demeure de Saint-Just et de Couthon; quant à Robespierre j'ai été
une seule fois chez lui, le jour de l'assassinat du citoyen Collot d'Herbois, comme je me suis présenté chez ce dernier; je n'ai eu ni relation, ni correspondance particulière avec ces conjurés j'ai toujours écrit au Comité de Salut public, et je ne leur ai parlé qu'au comité et comme membre du comité, et jamais aiUeurs, pas même aux Jacobins; il est impossible de me prouver le contraire. Jamais je ne me suis rendu dans aucun endroit particulier où pouvoient être Robespierre, Saint-Just, Couthon, autre toutes fois qu'au comité si j'en impose, il sera facile de me confondre.
Je n'ai point fourni de liste à Robespierre des personnes qui devoient être mis en jugement chaque jour, ni n'ai jamais reçu sa volonté personnelle à cet égard si cette liste lui a été fournie, e)! n'a pu l'être que par le scélérat Dumas qui se rendoit tous les jours chez lui, et qui étoit même un des coopérateurs connu de toutes ses déclamations je n'ai pas reçu de lui davantage des liste (sic) des individus qu'il vouloit faire juger; il n'en a été trouvé aucune de cette espèce dans mes papiers et n'a pu en être trouvé dans ceux de cet individu; la seule liste que je fournissois et que j'ai continué de fournir jusques et compris le 8 thermidor, aux Comités de Salut publie et de Sûreté générale, étoit celle des individus jugés chaque jour, ensemble celle des individus qui devoient être mis en jugement dans le cours d'une décade. Les députés commissaires chargés de l'examen de mes papiers ont. trouvé dans mon cabinet le double des listes de ce genre, que je fournissois aux termes d'un arrêté du Comité de Salut public, qui a été trouvé sous mes scellés comme je l'avois annoncé lors de ma comparution à la barre de la Convention cet arrêté est en la possession des députés commissaires.
On me reproche d'avoir mis à la fois en jugement un trop grand nombre d'accusés; je réponds avec vérité que telle étoit l'intention des deux Comités de Salut public et
de Sûreté générale, et cette intention se prouve par la remise que je leur faisois chaque jour do la liste des jugemens rendus, et si telle n'eût pas été l'intention des deux comités, ils n'auroient pas manqué de prendre un arrêté contraire à cet égard, qui me prescrivit une autremarche je peus (sic) même avancer avec certitude que telle étoit l'intention de la Convention et du public, puisque personne, n'a jamais réclame dans la Convention ni ailleurs avant le 9 thermidor.
Je suis soupçonné d'avoir eu connoissance de la conjuration qui a éclaté le 9 thermidor; je proteste n'en avoir eu connoissance qu'au moment où elle a été découverte par la Convention; je proteste pareillement qu'il ne m'en a été fait confidence par aucuns des conjurés, et que si l'un d'eux s'en fût avisé, j'aurois eu le courage de le dénoncer aussitôt, comme j'ai eu celui de remplir, depuis la création du tribunal, le poste périlleux que j'ai exercé.
Si j'eusse trempé en façon quelconque dans cette conspiration, aurois-je, le 10 thermidor, requis l'application de la toi, comme je t'ai fait, contre tes scélérats Robespierre, Henriot, Dumas, Fleuriot, Payan, Saint-Just et Couthon, tous reconnus pour chefs; n'aurais-je pas été dans le cas d'être indiqués par eux comme leur complice, soit à l'audience, soit depuis leur jugement; aucun des conjurés n'a pas même prononcé mon nom; cependant ni Jks uns ni les autres n'avoient perdu la parole; et j'ai rempli mon ministère vis-à-vis d'eux, avec le même zète et avec le même courage que je l'ai toujours rempli visà-vis tous lés conspirateurs, parce que ma conscience est pure, et parce que je n'ai trempé ni dans cette conjuration, ni dans aucune autre.
Je suis accusé d'avoir eu des liaisons avec Dumas, président. Cette accusation est-notoirement fausse; je n'ai jamais eu de liaisons avec Dumas. Il n'y a eu de rapports entre lui et moi que ceux indispensables entre un prési-
dent et un accusateur public d'un même tribu nal; je N'ai jamais été chez lui, ni lui n'est venu chez moi il était mon ennemi mortel, à cet égard j'invoque et les membres du tribunal et les membres du Comité de Sûreté générale; ils sonftous dans le cas de rendre compte ~de la manière peu favorable avec laquelle je me suis exprimé sur cet individu, relativement à sa conduite au Tribunal et aux Jacobins, même peu de jours avant le 9 thermidor. A l'égard de Coffinhal, j'ai quelquefois mangé avec lui comme avec mes autres collègues du tribunal, H n'y a dans cette conduite rien que de très naturel et de très ordinaire notamment j'ai dîné avec lui le 6 thermidor, chez le citoyen la Jariette, juge du premier tribunal, rue Meslée, avec une parti (sic) des membres de ce tribunal et avec les citoyens Cochon, Goupillau de Fontenay et Mauriceau, tous députés à la Convention nationale, Vergne, demeurant Isle de la Fraternité; il ne s'est rien passé à ce dîner qui eût trait à ce qui est arrivé le 9 thermidor, et pût même faire soupçonner aucune conjuration les députés que je viens d'indiquer sont dans le cas de confirmer ces faits je m'en suis allé seul et le premier pour me rendre à mon cabinet.
Avant de partir, le citoyen Vergne qui venoit fréquemment au tribunal avec Coffinhal, mais que je ne connoissois pas, m'invita d'aller chez lui un jour que mes occupations me le permettroient; j'y convins d'y aller le 9 avec plusieurs de mes collègues en effet, ce même jour 9, comme rien n'avait encore transpiré à trois heures de ce qui se passoit à la Convention, ce fait ne peut être révoqué en doute, car ce qui se passoit à la Convention ce jour-là, n'a commencé à transpirer au Palais de Justice, que vers quatre heures et demie, au moment de l'arrestation du citoyen Dumesnil, lieutenant-colonel de la gendarmerie, près les tribunaux, à trois heures, dis-je, nous nous sommes rendus avec deux autres de mes collègues, en passant l'eau, en la demeure du citoyen Vergne, située
en face du ci-devant pont-rouge; Coffinhal y étoit au bout d'une heure de notre arrivée, le rappel battant j'ai fait demander quel en étoit l'objet, on vint me dire que c'étoit à cause du rassemblement des ouvriers sur le port, relativement Au MAXIMUM environ une heure après, le rappel continuant, je m'informai de nouveau, alors j'appris que la cause réelle de ce rappel étoit l'arrestation des frères Robespierre, Couthon, Saint-Just et Lebas, décrétés par la Convention à l'instant même je suis sorti et suis revenu directement à mon cabinet, au Palais; ii était environ six heures; j'ai même rencontré le citoyen Oudart, président du tribunal criminel, sur le quay des Ormes, avec lequel je suis revenu jusqu'à la galerie des. prisonniers au Palais, que nous nous sommes séparés pour nous rendre chacun à notre tribunal.
Il n'a pas été plus question à ce dîner de la conjuration qui a éclaté ce même jour 9, qu'il n'en avoit été question à celui du 6, parce que le seul objet des convives étoit de dîner, et que Coffinhal, reconnu depuis pour un des chefs, s'est bien gardé d'en faire confidence ni à moi, ni à aucun des autres convives.
Coffinhal s'est bien gardé de me conuer que ce même jour il avoit eu le matin une conférence avec Robespierre, ainsi que je l'ai appris depuis il me counoissoit trop bien pour me faire une pareille confidence. Ce dîner est la suite du dîner du 6, le hasard seul y a donné lieu il n'y a aucune conséquence ou induction fâcheuse à en tirer contre moi ni contre mes autres collègues, et le citoyen Lajarriette et sa femme qui y étoient aussi, et chez lesquels avait eu lieu le dîner du 6.
Aussi l'évasion de Coffinhal me pesoit-elle extrêmement sur le cœur, avant mon arrestation comme depuis. J'ai toujours témoigné hautement le désir le plus ardent qu'il fût trouvé il a enfin été arrêté, il est arrivé à la Conciergerie dans la nuit du 17 au 18, vers les deux heures du matin; il a été mis dans le même corridor où j'étois et
dans une chambre à dix pas de celle que j'habitois sous la garde des gendarmes, et il a été informé que j'étois arrêté aussi. H n'a cessé de se livrer aux reproches les plus amers contre Henriot et les autres conjurés, de rendre compte de tous teurs projets liberticides et monstrueux, de se vanter qu'il avoit à sa disposition dix-sept compagnies de canonniers, que sans l'yvresse d'Henriot, ils auroient réussi. Eh bien, travers tout ce récit d'horreur, j'ai la consolation que ce scélérat n'a proféré mon nom que pour déclarer que je ne trempois nullement dans cette conjuration, qu'il ne m'en avoit fait aucune confidence, et que Dumas et lui étoient les seuls membres du tribunal qui fussent initiés dans cette conjuration; cette déclaration aussi précise qu'importante pour ma décharge, sera attestée par le citoyen Robi 'et, gendarme, et autres gendarmes qui ont été les témoins de cette déclaration. Or, je le demande à tout être pensant, si ce scélérat m'avoit fait quelque ouverture sur cette conjuration dont il était un. des chefs, lui qui s'est plu à rendre compte de toutes les mesures prises avec les conjurés pour réussir dans leurs infàmes projets, à se venter (sic) de la force qu'il pratendoit avoir à sa disposition; lui qui en un mot a cité les noms des conjurés ses complices, auroit-il omis de citer le mien parmi ceux des autres? auroit-il ajouté comme il l'a fait, que lui et Dumas étoient les seuls membres au tribuna) qui ayent trempé dans èette conjuration, et Deschamps, l'un des courriers de Robespierre et qui a été l'un des acteurs les plus agissans en faveur de cette conjuration dans la journée du 9? Auroit-il omis aussi de me citer comme un des complices, si je l'avois été véritablement il n'a pas ignoré que j'étois arrêté; car il m'a vu le 2 thermidor' en arrivant à la Conciergerie; cepenCette date est certainement erronée, car Fouquier ne se constitua prisonnier que le 14 thermidor. Il n'a pu écrire le 2 thermidor, et c'est là, sans doute, une erreur d'impression.
dant ni les uns, ni les autres de tous ces conjurés ne m'ont indiqué, parce que dans le fait je n'ai trempé en façon quelconque dans cette conjuration dont j'ai ignoré l'existence jusqu'au moment où elle a éclaté.
Pour démontrer de plus en plus que je n'ai trempé de façon quelconque dans cette terrible conjuratiôn,-et qu'il ne m'en a point été fait la moindre confidence, c'est que rentcant au Palais, le 9 thermidor, sur les 6 heures de relevée, comme je l'ai déjà observé, je fus informé que le maire de Paris s'étoit présenté à mon cabinet vers les cinq heures et damie, et en témoignant le plus grand détiir de me parler, i) avoit fortement recommandé de me dire qu'il souhaitoitque j'allasse le trouver à la Commune, demande à laquelle je me suis bien gardé de déférer, puisqu'il est prouvé qu'une fois rentré au Palais de Justice le 9 thermidor, je n'en suis sorti que dans la nuit du 9 au 10 vers minuit et demi.
En effet, toutes les personnes employées au tribunal, sont dans le cas d'attester, ainsi que es officiers et gendarmes près les tribunaux qui étoient de service, que je suis resté toute la soirée au palais et partie de la nuit du 10; que pendant ce temps j'ai envoyé le citoyen Matarmé, l'un des secrétaires du parquet, quatre fois au Comité de Salut public pour en informer les membres que j'étois à mon poste et prêt à exécuter les ordres que le Comité estimeroit devoir me transmettre.
Il est encore certain que dans le cours de la soirée du 9, cinq à six militaires de la commune rebelle sont venus successivement au tribunal me faire part que toutes les autorités constituées se réunissoient à la Commune et que les membres du tribunal et moi étions invités à nous rendre dans son sein ma réponse a été que tout fonctionnaire public devoit rester à son poste, que le mien étoit d'y attendre les ordres de la Convention et de ses Comités de Salut public et de Sûreté générale, comme je l'ai fait; que je ne reconnoissois et reconnoitrois jamais
que la représentation nationale c'est de cette manière que j'ai éconduit ces émissaires trompeurs qui depuis ont subi la peine qu'ils méritoient.
J'ai donc continué de rester ferme à mon poste au vu et sçu de toutes les personnes attachées au tribunal jusqu'à minuit et demi que je me suis rendu accompagne de plusieurs personnes, aux Comités de Salut public et de Sûreté générale; j'ai parlé aux membres et à plusieurs autres députés qui y sont survenus, notamment le C. Thuriot et Merlin de Thionville ces faits sont notoires. I! paroit que la commune rebelle avoit des vues bien criminelles en appelant dans son sein les membres du tribunal révolutionnaire; car suivant tous les rapports faits par aucun des ofticiers municipaux frappés du glaive de la loi, dans la nuit du neuf au dix, les conjurés ont composé une commission de sept membres, dont Simon, guillotiné le onze thermidor, avoit été nommé président; cette commission, suivant les mêmes rapports, devoit commencer le lendemain ses fonctions pour faire désarmer et fusiller les gendarmes faisant le service près les tribunaux et de faire pendre les députés qui leur seroient indiqués par les conjurés, et les fonctionnaires publics qui no se seroient pas rendus aux invitations de cette commune. S'il n'existe aucun arrêté à cet égard, il paroit au moins certain que des conjurés dans leur délire en ont fait la proposition, et que cette commission a été réellement formée d'après la délibération d'aucun des conjurés. A moi qui n'ai déféré à aucune des invitations de cette commune rebelle, n'est-il pas évident que mon sort étoit d'être pondu comme beaucoup d'autres. Par quelle bizarrerie suis-je donc recherché et détenu comme prévenu d'avoir secondé de tout mon pouvoir, les projets monstrueux de Robespierre et de ses complices, moi qui n'en ai été instruit que par la dénonciation faite à la Convention; moi qui n'ai jamais eu ni relation ni correspondance particulière avec tous ces conjurés, moi a qui
on ne peut opposer une seule parole, une seule démarche, ni une seule action tendante à seconder les projets de tous ces monstres; je gémis cependant sous le poids d'une action en complicité avec tous ces tigres. H est encore des citoyens justes, ils ne peuvent rester indifférens sur le sort d'un père de famille qui, en toute occasion, a sacrifié son temps et ses veilles pour la chose publique.
Il est encore certain que plus de deux mois avant le 9 thermidor, je n'ai pas été aux Jacobins; je n'ai entendu par conséquent aucun des discours, dénonciations de prétendue conspiration et diatribes qui ont été prononcés par Robespierre et ses complices, et je n'y ai donné ni pu donner en aucun tems mon assentiment.
Je proteste de nouveau que je n'ai eu aucune relation ni correspondance particulière avec Robespierre, SaintJust, Couthon, Dumas et Coffinhal; il n'en a été trouvé aucune trace dans mes papiers, il n'en sera pas trouvé davantage aucune trace émanée de moi dans les papiers de tous ces montres', les députés commissaires qui ont procédé à l'examen de mes papiers, sont les mêmes qui ont procédé et procèdent à l'examen de ceux des conjurés; ainsi ces citoyens sont dans le cas d'apprécier la vérité de ce que j'avance.
S: j'avais trempé en façon quelconque dans l'horrible conjuration éclatée le 9 thermidor, me serois-je opposé au projet connu d'Henriot, qui était environ un mois avant le 9, de faire partir les gendarm'es qui faisoient le service près les tribunaux, pour substituer à leur place les canoniers; j'ai écarté l'effet de ce projet en représentant que le service du tribunal ne pouvoit être régulièrement fait que par les gendarmes qui étoient rompus et habitués à ce service; et en avançant même que sans le service des gendarmes, il n'y avoit plus de 1. Lisez Monstres.
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tribunal il est sensible que loin de m'opposer au départ de la gendarmerie, je l'aurois favorisé de tout mon pouvoir.
Une autre preuve que je n'ai jamais suivi la volonté personnelle de Robespierre, c'est que m'ayant intimé au Comité de Salut public et au nom du Comité, qu'il falloit différer l'affaire de CATUENNE TnEos, après lui avoir observé, en vain, qu'un décret m'imposoit le devoir de la suivre, ne pouvant me faire entendre ce jour-là, je me suis retiré et suis allé au Comité de Sûreté générale où j'ai rendu compte des faits et de mon embarras, en indiquant par trois fois, il, il, il, au nom du Comité do Salut public s'y oppose c.-a.-d. Robespierre, répondit un membre, que je crois être le citoyen Amar ou lè citoyen Vadier; à quoi je répliquai oui. (Tous les membres du comité y étoient présens, à l'exception de David, Jagot et Panis; tous sont dans le cas d'attester la vérité de ce que j'avance.) J'observe qu'il a été trouvé également sous mes sceilés un extrait de l'affaire de Catherine TnEos, qui prouve que je m'en suis occupé; j'observe de plus que j'ai fourni un nouvel extrait de cette affaire intitulée cette affaire est une vraie contre-révolution, surtout relativement aux pièces émanées de dom Gerles et de Lamothe médecin. Cet extrait doit être joint aux pièces qui sont entre les mains du citoyen Vadier. Or j'en appelle à tout être impartial, si j'eusse été partisan de Robespierre et de ses principes, aurois-je dénoncé environ trois semaines avant le neuf thermidor, sa conduite et son despotisme dans un tems où personne n'osoit élever la voix sur le compte de cet individu, et dans un tems où dans la Convention, dans le Comité de Salut public et dans la Société des Jacobins, il avoit l'art perfide et dangereux de faire prévaloir ses opinions.
J'ajouterai un autre fait non moins précis, c'est qu'environ huit jours avant le neuf thermidor, étant dans la pièce servant d'arrière-cabinet du Comité de Sûreté géné-
rate avec le citoyen Voulland, et parlaant' du despotisme de Robespierre, nous convimes l'un et l'autre qu'il revoit conspiration. A la même époque j'ai eu chez moi une conversation sur l'individu Robespierre avec le citoyen Martel, député; il se rappellera aisément de quelle manière je me suis oxptiqué sur le despotisme de cet individu: ce sont des faits que les citoyens Voulland et Martel peuvent attester.
Quant à l'imputation d'avoir fait exécuter la loi du 22 prairial, elle n'est pas tolérable, car un accusateur public n'est pas un législateur, mais tenu au contraire de faire exécuter les loix quelque rigoureuses qu'elles soient aussi ai-je suivi cette marche; mais je n'en ai pas moins gémi sur les inconvéniens de cette loi, et j'en ai fait part plusieurs fois au Comité de Sûreté générale qui s'étoit même proposé de demander la réformation d'aucun des articles. Sur ce point j'invoque encore le témoignage des membres du comité.
Relativement à cette loi du 22, informé quelque temps avant par lès discours de Dumas et de plusieurs jurés tenus en la chambre du Conseil, que les interrogatoires, déclarations, et que les défenseurs des accusés devoient être abrogés, je me suis présenté au comité de salut public et j'en ai témoigné mon inquiétude aux citoyens Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, Barère, Carnot et Prieur qui s'y trouvoient. Ils m'ont répondu que cet objet regardoit Robespierre chargé du travail; je suis allé de là au Comité de sûreté générale, où j'ai témoigné la même
inquiétude aux citoyens Vadier, Amar, Dubarran, Voulland, Louis du Bas-Rhin, Moyse Bayle, Lavicomterie et Elie Lacoste qui s'y trouvoient; tous me répondirent qu'une pareille loi n'étoit pas dans le cas d'être adoptée, et qu'on verroit; elle le fut néanmoins. J'invoque encore ici le témoignage de tous ces membres; je les crois tous 1. Stc.
trop justes, pour se refuser de rendre hommage à la vérité; cela posé et une fois constant, si j'avois été partisan de la loi nouvelle et de ses aut-jrs, aurois-je rédamé avant sa création et depuis ?
I! est un autre fait non moins important qui est essentiellement lié à celui dont je viens de rendre compte. Avant la loi du 22 prairial, informé également que le projet par la nouvelle loi étoit de réduire a sept et à neuf par séance le nombre des jurés, je représentai dans le sein du comité de salut public même que le tribunal ayant joui jusqu'alors de la confiance publique, cette réduction, si elle avoit lieu, la lui feroit perdre infailliblement; Robespierre, lors présent, combattit avec rage cette réflexion et finit par m'objecter qu'il n'y avoit que des aristocrates qui pouvoient parler ainsi. Ce débat a eu lieu en présence de plusieurs membres du comité qui doivent se le rappeler.
II paroit qu'on m'impute ce délit d'avoir mis en accusation le citoyen Dumain et autres personnes renvoyées au tribunal par la commission populaire. Cette imputation est encore destituée de tout fondement; car, suivant deux arrêtés des comités de salut public et de sûreté générale des deux ou trois thermidor dernier, le renvoi des affaires arrêté par la commission populaire a été approuvé, et l'approbation transmise à l'accusateur public avec injonction de mettre en jugement sans délai les dénommés aux états joints audit renvoi, de manière que cette injonction réduisoit l'accusateur public à ne pouvoir même pas proposer à la chambre du Conseil, la liberté de tous les individus contre lesquels ne se trouvoient aucunes charges, d'autant mieux que d'après la loi du 22 prairial, aucun jugement du tribunal rendu à la chambre du conseil ne pouvoit s'exécuter qu'il n'ait. été approuvé par le comité de salut public et de sûreté générale; en sorte que l'odieux de la mise. en accusation retomboit infailliblement sur l'accusateur public aux yeux des citoyens qui n'avoient
pas connaissance de ces arrêtés. Ces arrêtés ont été emportés par les députés lors de la levée de mes scellés; ils font partie de mes papiers. H est nécessaire d'observer que le nombre des affaires ainsi renvoyées au tribunal par la commission populaire s'élève à près de huit cents, et que le nombre de .celles dont le renvoi a été approuvé par les comités de salut publie et de sûreté générale s'élève à quatre cent cinquante environ; ainsi sur ce point comme sur tous les autres, il n'y a eu évidemment dans ma marche que régularité et non un délit.
J'ai appris que l'on m'imputoit encore à délit de ce que les.citoyens Giraud, accusateur public, et Maillot, président du tribunal criminel de Marseilles, traduits au tribunal par les citoyens Fréron et Barras; députés en mission, avoient été acquittés, et qu'ils ne l'auroient pas été, si j'avois attendu l'arrivée des citoyens Fréron et Barras, et des pièces. Je me rappelle fort bien que j'ai reçu des jugemens rendus par ces accusés et autres pièces que l'on annonçait établir la preuve des faits consignés dans l'arrêté de traduction pris contre eux; mais je désirois beaucoup l'arrivée des citoyens Barras et Fréron. Au bout de quelque temps n'arrivant point et croyant ne devoir pas mettre cette affaire en jugement qu'ils ne fussent de retour, la députation des Bouches-duRhône obtint un décret de la Convention portant que l'accusateur public feroit juger sans délai cette affaire. Le décret notifié, j'ai fait juger cette affaire les citoyens composant la presque totalité de la députatiot des Bouehesdu-Rhône ont été entendus avec plusieurs autres citoyens, et les citoyens Maillet et Giraud ont été acquittés aux acclamations de tous les spectateurs parce qu'ils le méritoient. Ce décret est joint aux pièces n'est-il pas évident qu'il n'y a encore eu dans cette marche de ma part que régularité et non un délit.
Je suis accusé d'avoir dressé dos actes d'accusation contre des patriotes; la compulsion des registres du greffe
RÉQUISITOIRES DE FOUQmEH-TINViLLE
repousse cette accusation; car en les compulsant, on demeurera convaincu que toutes les accusations pour la plupart, ont été dirigées contre des conspirateurs forcenés au surplus, comment a-t-on pu m'accuser d'un semblable délit, moi qui ai mis en jugement les MarieAntoinette, les Elizabeth, les d'Orléans, les Blanchelande, les généraux traîtres, les Fédéralistes, les auteurs do la conspiration de la ci-devant Bretagne, comme sous le nom de la Roüerie,. les Parlementaires, les Financiers et les Banquiers, tous ennemis de la liberté et de l'égalité. Je n'ai aucun souvenir d'avoir dressé des actes d'accusation contre des patriotes, ma plus vive sollicitude a toujours été de me garantir à cet égard des pièges qui pouvoient m'être tendus par quelques malveillans et je crois n'y être pas tombé.
H seroit cependant possible qu'il y en eut eu quelquesuns dressés contre des patriotes; ce serait certainement un malheur, mais qui ne me rendroit nullement coupable; car tout le monde sait que dès qu'il existe des dénonciations et des charges à la connaissance de l'accusateur public, la loi lui impose le devoir rigoureux de diriger des poursuites contre les prévenus indiqués et de dresser acte d'accusation contre eux il appartient aux jurés seuls d'apprécier dans leur sagesse, le mérite de l'accusation et tout ce que prescrivent en pareil cas les lois de la probité et de l'humanité; c'est de la part de l'accusateur public do faire valoir la défense des accusés vis-à-vis des jurés. Or il est notoire dans le tribunal, que je n'ai jamais négligé de remplir cette tâche glorieuse; ainsi cette accusation, comme toutes les autres, n'auroit pas dû être dirigée contre moi, évidemment connu pour avoir dans tous les temps favorisé l'innocence opprimée, le pauvre et le patriote.
A cet égard je ne dois pas omettre de citer un fait qui le prouve de la manière la plus positive sept citoyens de la commune du Blanc, département de l'Ain, mis en juge-
ment ont été acquittés du délit à eux imputé; aucun des cas prévus par la loi du 17 septembre, an dernier (vieux style) n'existoit contre ces braves citoyens; cependant Dumas abusant de l'empire qu'il avoit acquis sur aucun des membres du tribunal, les a condamnés à être renfermés comme suspects :je ne tonois pas l'audience, mais instruit de ce jugement, je me suis transporté au comité de sûreté générale, et concuremment avec le citoyen Baudin, député du même département, j'ai sollicité leur liberté qui a été accordée. Les citoyens Louis du Bas-Rhin et Baudin sont dans le cas d'attester ce fait et quelques autres de ce genre je ne connoissois nullement ces citoyens, l'humanité seule a dirigé ma démarche comme en beaucoup d'autres occasions. Est-ce ainsi que se seroit comporte un fonctionnaire public qui auroit fait le procès aux patriotes; une pareille idée répugne au bon sens et à la raison.
Il est nécessaire d'observer ici qu'une preuve que dans l'exercice de mes fonctions j'ai toujours exécuté les loix de la Convention et les arrêtés des comités de salut public et de sûreté générale, c'est qu'il a été trouvé sous mes sceiiés un arrêté du comité de salut public qui m'enjoint de mettre en jugement dans les vingt-quatreheures toutes les conspirations des prisons qui me seroient dénoncées. Or, des conspirations annoncées avoir eu lieu dans les maisons d'arrêt du Luxembourg, de Saint-Lazar et des Carmes n'ont été dénoncées à différentes époq"ss par le comité de salut public, avec transmission de la liste de ceux prévenus d'y avoir trempé et de celle des témoins; j'ai conformément à l'arrêté ci-dessus cité instruit contre les prévenus et les ai fait mettre on jugement aux termes de ce même arrêté; la loi sur le gouvernement révolutionnaire m'imposoit le devoir d'obéir à cet arrêté il est évident qu'il n'y a dans cette conduite que régularité, et non un délit.
Il y a mieux, le nombre des prévenus de la conspira-
tion du Luxembourg, s'élevant à cent cinquante-neuf, et le président Dumas ayant prétendu que l'intention du comité de salut public étoit qu'on les mit tous en jugement à la fois; trouvant qu'une pareille mesure étoit inconvenable, j'ai écrit le 18 messidor au comité pour lui faire des représentations ma lettre y est parvenue vers une heure; j'ai attendn envain la réponse jusqu'à neuf heures du soir, et comme la mise en jugement devoit avoir lieu le lendemain 19, je suis allé le même soir au comité, j'ai réitéré ma représentation, et il a été décidé par le comité quêta mise en jugement seroit effectuée en trois fois, ce qui a été ponctuellement exécuté les 19, 21 et 22 messidor', ainsi sur ce point comme sur tous les autres, j'ai exécuté les intentions du comité, et il est, ce me semble, difficile de prendre des précautions plus étendues.
Cependant, j'ai appris qu'à raison de la mise en jugement des prévenus de cette conspiration, j'avois été dénoncé depuis mon arrestation à la tribune de jacobins de m'être entendu avec les dénonciateurs et les témoins, et d'être même convenu d'un signe d'yeux qui indiquoit aux témoins ce qu'ils avoient à déposer tout mon corps a frisonné au récit d'une accusation aussi atroce; mais reprenant bientôt le calme qui convient seul à l'innocence, je me suis retracé cette vérité de toute éternité, plus nos ennemis sont outrés dans tes accusations et inculpationsqu'its échafaudent plus ou moins mal dans le délire 1. Il doit se trouver dans les archives de la commission populaire, seante au Louvre, une lettre que je lui ai écrite dans la nuit du 18 au 19, dans laquelle je lui ai mandé que, d'après la décision du Comité de salut public, l'affaire de la conspiration du Luxembourg, se jugera en trois séances; j'invite en conséquence la commission populaire à me transmettre dans la matinée du i9, toutes les notes, pièces et renseignemens qu'elle pourroit avoir relativement à ceux qui devoient être mis en jugement et dont, à cette fin, je lui ai transmis les noms avec ma lettre. J'en ai usé ainsi dans toutes les autres affaires. (Note de Foi~NM)'.)
de leur rage, ptus il est aisé d'en saper les fondemens. Je réponds donc au premier chef d'accusation, que j'en ai usé dans ces différentes affaires, comme dans toutes les autres, c'est-à-dire que j'ai fait citer les témoins qui .m'entêté indiqués; mais je n'en connoissois aucun, et je les ai vu pour la première fois lors de leur comparution, et si aucun de ses témoins est monté à mon cabinet après avoir demandé à me parler je ne recevois personne en particulier dans mon cabinet, et d'ailleurs les détenus cités en déclaration sont toujours accompagnés d'un gendarme, même dans l'audience, et partout ailleurs où ils peuvent être conduits ce fait ne peut être révoqué en, doute, ainsi il est évident qu'aucun des témoins dans cette affaire n'a pu avoir aucune conférence particulière avec moi dans mon cabinet, ni dans tout autre endroit cette conférence est démontrée impossible.
Je réponds au second chef, que depuis que 'le tribunal révolutionnaire existe, les témoins à la connoissance de tous ies spectateurs, ont été placés directement en face des jurés, et ont constamment tourné le dos à l'accusateur public ainsi pour exercer te signe d'yeux annoncé avoir été convenu, il auroit donc fallu faire également tourner les témoins à volonté en face de l'accusateur public pour recevoir le signe convenu. En vérité l'étude la mieux suivie, auroit amené difficilement à un résultat aussi monstrueux et en supposant pour un instant ces combinaisons ainsi possible, qu'il est évident qu'elles sont impossibles, tout le monde se rappeHcra que fe.tribunat étoit trop garni de spectateurs de tous les côtés, pour que de pareils signes n'aient pas été remarqués, sur-tout par ceux des spectateurs qui étoient derrière, à côté et devant l'accusateur public. Comment peut-on s'imaginer que tous ces spectateurs auroient complaisamment gardé le silence sur un pareil forfait; gardons-nous bien de prêter une pareil insouciance à aucun citoyen, ce seroit insulter. le génie de la liberté. Peut-on sans me taxer de folie,
me croire capable d'une monstruosité de cette espèce, et de la confier sans aucune réserva et à la première entrevue à dos témoins inconnnus? Ces témoins ne m'auroient-ils pas avec raison dénoncé sur-le-champ? L'ont-ils fait? Non, sans doute parce que jamais je n'ai été capable de ce crime, ni d'aucun autre; je n'ai jamais été dans aucune des maisons d'arrêt où ces conspirations ont éclaté; ce n'est pas moi qui les ai dénoncées au comité de salut public je n'ai eu contraire agi que d'après les dénonciations qui m'en ont été faites par ce comité j'ai dû le faire, les fonctions de ma place m'en faisoient un devoir. Ainsi d'un côté, il est sensible qu'il n'y a aucun reproche à m'opposer relativement à l'instruction de ces différentes conspirations, et de l'autre, que ce défit à moi imputé quant aux témoins, est démontré matériellement faux, impossible et invraisemblable tout à la fois.
H paroit qu'on m'impute a délit, différons jugemens rendus par le tribunal, sans pourtant tes énoncer ni les indiquer essayer de me rendre responsable d'aucun des jugemens, c'est l'abnégation de tous les principes reçus; car la responsabilité de l'accusateur public cesse là; il établit qu'il n'a porté acte d'accusation que sur des pièces transmises, déclarations de témoins, dénonciations et documens il n'est nullement responsable de l'application de la loi, les juges seuls en sont responsables; mais de même les juges et l'accusateur-publie ne sont pas responsables de l'opinion des jurés sur le fait qui leur est soumis, par la raison que les jurés son seuls juges du fait. Or j'ai déjà avancé dans le cours de ce mémoire, que je n'avois dressé acte d'accusation que sur despièceSt déclarations et dénonciations, et que la preuve étoit aisé à acquérir, en vérifiant au greffe. Ainsi il est de toute évidence qu'il n'y a aucun délit a m'imputer sur ce point, quand il y auroit eu vice ou erreur dans quelques jugemens.
Le '12 thermidor, j'ai été dénoncé comme ayant cons-
tamment refusé de suivre une instruction qui avoit pour objet de rechercher les auteurs d'un projet formé de faire rentrer les émigrés, et par une conséquence nécessaire, que j'avois voulu protéger ces derniers, et que j'étois un scélerat.
Cette accusation est aussi peu fondéé qu'elle est grave, et ma réponse sera aussi précise que laconique. Dans le cours des debats du procès du ci-devant duc du Chatelet, je me suis aperçu que des autorités constituées de Paris et autres, avoient employés des manœuvres pour opérer la rentrée du ci-devant duc du Chatelet, et de beaucoup d'autres émigrés; j'ai dénoncé ce projet au comité de sûreté générale le même jour du jugement de Duchatelet, j'ai fait plus, j'ai remis les pièces produisant les ronseignemens nécessaires avec un mémoire circonstancié au C. Voulland, membre du comité qui m'en a donné récépissé, lequel est joint à mon cahier de décharge. Ces pièces sont restées plus de six mois au comité; enfin ce n'est que le 4 messidor qu'il a été pris par le comité, un arrêté de traduction des principaux auteurs de ce projet, et de leurs complices. Il convient d'observer, qu'a l'époque de la remise qui m'a été faite de cet arrêté, LamottePiquet, l'un des principaux étoit décédé, et d'autres complices de ce projet, avoient été frappés du glaive de la loi pour d'autres causes. Il n'est plus resté comme acteur principal de ce projet, que Ballemont, il s'agissait de rechercher les autres complices; ayant reçu les pièces et l'arrêté le 6 messidor, je n'ai pas perdu un instant pour continuer-~ cette instruction, puisque Ballemont et ses complices ont été jugés le 29 thermidor et qu'ils l'auroient été plutôt sans les circonstance ces faits sont positifs; comment a-t on donc pu me dénoncer comme ayant favorisé le projet do faire rentrer les émigrés; moi qui prouve avoir dénoncé ce projet au comité de sureté générale, et y avoir remis toutes tes pièces à l'appui do ma dénonciation; moi, en un mot, qui ai été de tout
temps leur fléau, comme j'ai été celui de tous les conspirateurs c'est évidemment une erreur de la part de l'auteur de cette dénonciation, mais la qualification non méritée de scélérat dont il m'a gratifie à la suite, n'en est pas moins une des premières causes qui a déterminé la Convention à rendre le décret de mon arrestation sur la déclamation et la provocation du C. Fréron.
Je suis accusé d'avoir choisi certaines affaires des sections qui n'étoient pas de tour et de n'avoir point formé les sections à l'expiration de chaque mois cette accusation est fausse. S'il y a eu des convocations de choix, ce n'est pas par mon fait, non plus q~e les erreurs souvent commises par les huissiers dans les convocations, et contre lesquelles j'ai réclamé en temps et lieu; erreurs qui d'ailleurs ont été reconnues pour être l'effet de bévues et non d'aucune combinaison criminelle. Avant la loi du 22 prairial, il y avoit des sections incomplettes, soit parce que les jurés étoient malades, soit parce que d'autres étoient en mission ou passés à d'autres places; or, de l'aveu des menbres du tribunal, j'avois pris le parti pendant long-temps de faire convoquer quatre jurés par chacunes des deux sections de repos, pour le service des audiences, en remplacement des malades, des absents par mission ou par insouciance et par négligence, et par là éviter que le service ne manque.
On a mémo pendant un temps convoqué chaque jour la totalité des Jurés; malgré cette précaution, on parvenoit encore difficilement à completer le nombre nécessaire pour le service des deux audiences, au point qu'il est arrivé fréquemment que les juges sont restés des demiesheures et plus sur le siège, sans pouvoir completer le nombre des jurés, quy ne le devenoient, qu'en envoyant chercher les jurés les plus voisins.
Depuis la loi du 22 prairial, ce n'est encore qu'avec beaucoup de peine, et après avoir épuise toutes les voies invitatives, tant verbales que par écrit, que je suis par-
venu faire siéger les jurés au nombre de neuf, et à l'époque du 9 thermidor, il y avoit tout au plus quinze jours, qu'on beaucoup d'affaires, et au grand scandale des hommes probes, les jurés, quoiqu'au nombre de cinquante, se permettoiont de siéger au nombre de sept seulement dans chacune des deux audiences.
A l'expiration de chaque mois, les sections ont toujours et tirées au sort et formées aux termes de la toi de même pour faciliter l'examen des jurés dans toutes les affaires où je siégeois, j'avois la précaution de crayonner et marquer les endroits et les pièces qui étoient à charge comme à la décharge des accusés, et même d'en avertir publiquement à l'audience les jurés et les pièces relatives à Fins' truction des affaires mises en jugement, étoient remises exactement par les huissiers dans !a chambre des jurés ces faits sont publics et notoires dans le tribunal. J'observe qu'il existe dans les papiers trouvés sous mes scellés des lettres et autres pièces, qui prouvent que sans cesse j'écrivois aux autorités constituées, pour avoir des renseignemens sur les affaires portées aux tribunal, aux députés en missions de retour, que je prévoyais avoir quelques renseignemens à me remettre, à la commission populaire et aux comités révolutionnaires, de même je suis en état de prouver par les secrétaires du parquet que je ne cessois d'envoyer Mallarme, l'un d'eux, aux mêmes fins au comité générale des détenus et au comité de sûreté générale. Pouvois-je prendre des précautions plus étendues ?
Informé que mon nom est cité dans la dénonciation faite le 13 Fructidor, à la Convention par le C. Lecointre j'observe d'abord que le C. Lecointre étant un.dos membres chargés de l'examen de mes papiers, je lui ai remis mon mémoire pour faciliter aux commissaires ses collègues, cet examen, attendu que ce mémoire est le résultat dos pièces et arrêtés trouvés dans mes papiers et emportés par les commissaires en lisant ce mémoire, l'on se con-
vaincra qu'il est des faits avancés dans cette dénonciation, qui semblent me concerner et dont cependant je ne parle nullement il est vraisemblable que ces faits sont le résultat des notes remises par le C. Fabricius, greffier actuel du tribunal révolutionnaire, au C. Lecointre, ainsi qu'il l'a déclaré à la Convention.
L'on se convaincra qu'il est d'autres faits sur lesquelles il y a erreur, soit à la raison de leur transposition et qu'ils sont confondus les uns avec les autres, soit à raison qu'il leur a été donné dans cette dénonciation un sens que je ne leur donne pas.
L'on se convaincra encore t~ue mon mémoire ne dit pas un mot des faits énoncés aux articles 14, 15, et 16 de cette même dénonciation et imputés aux Citoyens Amar, Voulland et Vadier, et que ces faits sont sans doute du nombre de ceux indiqués par Fabricius, et en effet ces faits me sont absolument étrangers, et je dois à la vérité que je n'en ai nulle connoissance. Je dois plus, c'est que je n'ai jamais entendu attaquer, ni dénoncer par mon mémoire, aucun des membres des comités de salut public et de sureté générale mais seulement entendu prouver qu'en tout temps j'avois exécuté leurs ordres et leurs arrêtés et que, par une conséquence nécessaire, je ne devoir ni ne pouvois être recherché sur ce point. Je n'ai remis à qui que ce soit, avant et depuis mon arrestation, ni notes, ni renseignements signés ou non signés, concernant aucun des députés mon mémoire est la seul pièce que j'ai remis par quelle fatalité passe-je donc pour dénonciateur des C. députés, dont j'invoque à chaque page de ce mémoire, le témoignage pour ma défense aussi je me borne à les inviter a comparer les faits énoncés en mon mémoire avec ceux consignés en le dénonciation dont il s'agit. Toute autre réflexion devenant inutile, je n'ai pas parlé davantage .dans mon mémoire des Citoyens Sauvebœuf et l'Eymerie. Je déclare que les faits à eux imputés par l'article 19 de la dénonciation dont s'agit, me
sont absolument étrangers et que je n'en ai nulle connoissance. Je n'ajouterai plus qu'un mot, on peut vérifier au greffe du tribunal, on y trouvera la preuve que mon principal soin a été de mettre en jugement les grands conspirateurs ex nobles et prêtres. D'après les circonstances actuelles il ne peut rester aucun doute sur les véritables motifs de l'auteur de la déclamation et dénonciation contre moi dirigée.
J'ai donc parcouru et détruit successivement les diiférents chefs d'accusation qui me sont imputés j'ai démontré qu'organe de la loi révolutionnaire, je devois au désir de cette même loi rendre compte et prendre les ordres du comité de salut' public, en qui alors résidoit et étoit déléguée la plénitude des pouvoirs; que je n'avois pu me dispenser sous aucun prétexte d'exécuter ses arrêtés et ceux du comité de sûreté générale, comme les loix émanées de la Convention, qu'en tout j'avois suivi., et m'étois ponctuellement conformé aux uns et aux autres que la preuve en résultoit des pièces trouvées sous mes scellés que la rigueur de mes fonctions m'avoit nécesssairement donné pour ennemis tous les ennemis de la c~jse publique. J'ai pareillement démontré que j'avois eu aucune relation ni correspondance particulière avec Robespierre, Couthon et Saint-Just et les autres conjurés qu'il ne s'en étoit trouvé aucunes traces sous mes scellés, qu'il ne s'en trouveroit pas davantage émanées de moi parmi les papiers de tous ces conjurés que je n'avois jamais correspondu particulièrement et isolément avec aucun des membres des comités de salut public et de sûreté générale, mais toujours directement avec ces comités.
Jai démontré avec la même évidence que je n'avois eu aucune connoissance de la conjuration éclatée le 9 thermidor, qu'il ne m'en avoit été fait aucune ouverture et que je n'y avois jamais trempé en façon quelconque; que la conduite par moi tenue le neuf, dans la nuit et depuis à l'égard des chefs des conjurés, et la déclaration précise
de Coffinhal, à mon égard, ne pouvoient laisser aucun doute que cette conjuration m'étoit inconnue; j'ai en un mot démontré que loin d'avoir favorisé le projet conçu de faire rentrer les émigrés, c'est moi qui l'avois dénoncé sans le moi~tre retard au comité de sûreté générate et qu'ainsi la qualification de scélerat qui m'avoit été donné avait une cause toute étrangère.
En terminant je ne dois pas taire qu'avant la Révolution je professois les principes de la liberté. Au 14 Juillet j'ai pris les armes avec tous mes concitoyens. J'ai été nommé commissaire de ma section, lors district de StMerry, que j'ai exercé pendant quatre mois; depuis je n'ai cesse de professer publiquement et particulièrement les principes pures' de la tiberié. A l'époque du mois d'août 1792 j'ai été nommé l'un des directeurs du jury d'accusation au tribunal du 17, et j'ai poursuivi sans relâche les conspirateurs compiices de Capet qui ont été dénoncés; depuis j'ai été nommé substitut de l'accusateur public près le tribunal criminel du département de Paris, j'en ai exercé tes fonctions avec le zèle et l'activité d'un vrai républicain; enfin j'ai été nommé accusateur public près le tribunal révolutionnaire lors de sa créa.tion; j'ai exercé ces fonctions pénibles pendant dix-sept mois, et j'ai employé, d'après la notoriété publique, les jours et les nuits pour satisfaire au devoir de ma place. Sans fiel :omme sans passion, j'ai exposé le tableau fidèle et exact des faits qui établissent ma justification. Ma défense est dégagée de ces expressions hardies et virulentes qui se réduisent à des reproches, à des plaintes et à des menaces. L'arme de la vérité est la seule que j'aye employée c'est celle qui convient à l'innocent. Je -remets avec pleine confiance mon sort et celui de ma famille entre les mains des vrais républicains justes et impartiaux.
1. Sic.
N. B. Les Nantais, dont le jugement a eu lieu le 28 fructidor, étoient attaqués à leur arrivée à Paris, d'une espèce de maladie épidémique, dont plusieurs sont morts, et en dix jours je les ai fait disséminer dans différentes maisons de santé, et par là j'ai évité la mort de beaucoup d'autres; je n'ai pu les faire juger d'abord, parce qu'ils ont été adressés au tribunal sans aucun envoi de pièces ni procès-verbaux en second lieu parce que trois lettres par moi écrites à Nantes, pour qu'on me les transmit, sont demeurés* sans réponse en troisième lieu parce que le comité révolutionnaire de Nantes m'ayant fait, réponse à une quatrième lettre, ne m'a pas transmis mais seulement promis un envoi de pièces quatrièmement parce que l'envoi de pièces fait par ce même comité au désir de ma cinquième lettre, s'est trouvé absolument insuffisant puisqu'il ne s'agissoit dans ces pièces que do dix-sept accusés tandis qu'è cette époque il y en avoit plus do cent cinquièmement et enfin parce que la réponse à ma dernière lettre de demande à ce comité, portant qu'il n'y avait en sa possession que les notes qu'il m'avait transmises est arrivée peu de tems avant mon arrestation, et qu'une'pareille réponse exigeoit d'autres mesures qu'il ne m'avait pas été possible de prendre, sinon celle d'avoir écrit à ce même comité (ainsi qu'il en a été question dans le cours des débats) que je ne concevois pas comment on avait pu traduire au tribunal tous ces citoyens sur de simples notes et sans aucune autre pièce ni procès-verbaux ce qui a donné lieu à ce comité de me mander que si je leurs demandois des pièces je les réduisoient à l'impossible.
NOTA. Quant à Kellermann, s'agissant d'opérations militaires sur les quelles le tribunal ne pouvoit être éclairé 1. Sic.
2. Sic.
que par des militaires en fonction ou des députés qui avoient été en mission à l'armée par lui commandée, l'absence de plusieurs témoins nécessaires, tant à charge qu'à décharge ne m'a pas permis d'occuper le tribunal de cette affaire.
Signé ANTOtNE-QuENTtN FOUQUIER.
De l'imprimerie de la rue de Chartres, n° 6S.
RÉPONSE
D'ANTOINE-QUENTIN
FOUQUIER
EX-ACCUSATEUR PUBLIC
PRÈS LE TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE DE PARIS
Aux différens chefs d'accusation portés en l'acte à lui M0~ë, 26 frimaire A la Défense générale de BillaudVarennes, Collot d'Herbois, Barrère e< Vadier, anciens metH&res des Comités du 6'OMuerHe)HeMt, et à eeUe particulière de Billaud, et encore aux faits at'anc~ par ~Me~Mes*MHS d'eux, dans les séances de la CoMUM<tOM des 12 e< 13 /)'uc<c)\
Tel est donc le cours des vicissitudes humaines, que des fonctions redoutables, à la vérité, autant que pénibles, maisvoulues et commandées par la loi, ont tout à coup provoqué sur ma tête, le choc presqu'inévitable des passions politiques et privées. Dans cet 'état d'agitation des esprits, ma conscience seule soutient mon courage
ce n'est pas la pitié que j'invoque, c'est ia raison. En vain la haine et la vengeance me proscrivent; en vain la calomnie m'accuse et me poursuit. Daignez m'entendre, Citoyens justes et impartiaux, sinon, vous vousôtez à vousmêmes votre propre sauve-garde, la garantie des loix enfin vous vous abandonnezà l'arbitrairedes passions, votre fortune, vos jours, 'votre bonheur, votre famille et vos amis. Oui, c'est comme particulier que l'on m'accuse; mais c'est comme homme public que l'on veut me punir comme simple particulier, j'opposerai mes actions domestiques et politiques; comme homme puhlic, mon ministère, les loix et la volonté toute-puissante du gouvernement. Ne perdez pas de vue, Citoyens, que je n'étois qu'un rouage mobile et soumis à l'action du ressort de la mécanique du gouvernement révolutionnaire. Le ressort étoit-il trop violent? C'étoit au gouvernement, à la Convention même à t'arrêter moi, je ne pouvois que recevoir l'impulsion et la rendre avec la même force. Dois-je être responsable de la rigueur et do l'atrocité même, si vous voulez de la !oix du 22 prai)'i!)[. lorsque je n'en pouvois être que le passif exécuteur? Est-ce moi qui faisois les loix? est-ce moi qui ai fait le choix des juges et des jurés? N'ont-ils pas été nommés par la Convention? Est-ce moi qui ai couvert le territoire de la RépubHque d'échafauds permanens? Est-ce moi qui ai entassé dans les cachots, pêie-mêie avec le crime, l'erreur, l'innocence et la vertu? Est-ce moi, en un mot, qui écrivois le livre des morts et qui désignois !es~ctimes?Non;jeprésentois les prévenus, j'exposois les délits; les jurés les constatoient les juges appliquoient la peine, et mon devoir étoit de la faire subir. M'a-t-on entendu, une seule fois, faire un résumé de procès, depuis i'odi~use loi du 22 Prairial, depuis enfin que l'accusé fut privé du droit de se faire défendre? D'ailleurs, peut-on et doit-on m'imputer à crime la sévérité de mon ministère ? Au reste, j'agissois sous les yeux du gouvernement;
chaque soir j'allois rendre compte des opérations du tribunal chaque jour, par conséquent, ma conduite et les opérations du tribunal étoient approuvées par les comités de gouvernement. Ainsi, quant au prétendu crime de mes fonctions, j'ai'ta garantie desloix et du gouvernement.
Quant aux prétendus actes arbitraires et aux prétendus délits qui me sont imputés, ces imputations sont l'effet d'une trame ourdie dans l'ombre par la malveillance. Elles sont fausses, ainsi que la prétendue complicité avec Robespierre et les autres conjurés que l'on m'oppose. Bientôt le voile sera déchiré, et, quoi qu'on fasse, la vérité passera à travers les ténèbres épaisses du mensonge et de la calomnie.
D'abord, il convient d'observer qu'on n'a peint oublié de mettre en œuvre cette tactique infernale imaginée pour rendre défavorable dans l'opinion du peuple l'homme patriote et énergique qui a exercé des fonctions publiques pendant le cours de la révolution, 1° On n'a pas manqué de m'accuser d'être un dilapidateur et un prévaricateur et sur quoi est fondée une accusation aussi grave? voilà ce qu'on n'indique pas. Je ne peux donc la repousser quant à présent, que par une dénégation générale et absolue. Il est faux que j'aie dilapidé les deniers publics ni prévariqué dans mes fonctions j'ajouterai seulement que, pendant le cours de l'exercice de mes fonctions, aucun objet de quelque espèce et de quelque valeur qu'il ait été,'apporté avec les traduits au tribunal comme pièce de conviction, et déposé exactement au parquet, dans les armoires à ce destinées, n'a été distrait ni détourné, et qu'aucune réclamation n'a été ni n'a pu être faite, de mon temps, à cet égard. J'ajouterai encore qu'il n'a jamais été reçu au Parquet des objets provenant et trouvés sur les condamnés; ces objets étoient directement déposés au greffe du Tribunal par les concierges et ceux d%s gendarmes à qui ils pouvoient être remis. Un seul objet
trouvé dans la ceinture de la culotte de Mercier, ox-fermier général, et consistant en traites montant à 625.0001.1., avec le bordereau, m'a été remis par la citoyenne Richard, concierge, et ces traites ont été déposées par moi au Comité de Sûreté générale, suivant le reçu sous la date du 22 prairial, ensemble les cent mille livres en assignats qui m'avoient été déposées par le Comité dans l'affaire de Chabot.
Si j'avais été un prévaricateur, on ne supposera pas sans doute que je l'aurois été sans intérêt ou j'aurois reçu le prix honteux de cette criminelle prévarication j'aurois, par une conséquence nécessaire, soustrait quelques grands coupables à la vengeance nationale, qu'on les indique, et alors je confondrai mes calomniateurs. J'aurois fait quelques dépenses considérables et extraordinaires j'aurois joué le rôle d'un homme opulent, j'aurois une fortune, j'aurois des richesses eh, bien, je n'ai rien fait de tout cela je n'ai absolument rieru Ceperidant j'ai eu du patrimoine pour plus de 50.000 1. 1., j'ai exercé un état avant la Révolution, où l'on pouvoit l'augmenter en ce moment je n'ai que des dettes, et pour tout patrimoine une femme et cinq enfans, dopt deux jumeaux de vingt-un mois, qui ont besoin de mon secours. Voilà de ces vérités qu'il est impossible à la malveillance de révoquer en doute.
En second lieu, on m'accuse d'avoir influencé et cherché à influencer les jurés dans différentes affaires, de m'être glissé furtivement dans le lieu de leurs séances, et d'avoir assisté et pris part à leurs débats. Cette inculpation est aussi fausse qu'elle est atroce. Il est notoire parmi les membres du Tribunal et parmi les jurés qui ont successivement été nommés au Tribunal, que dans aucun temps et dans aucune affaire je n'ai employé ni manœuvres, ni séduction pour influencer l'opinion des jurés; que jamais je ne me suis glissé furtivement dans le lieu de leurs délibérations; que jamais je n'ai assisté à leurs débats.
Les juges et jurés, pour la plupart,. existent; ils doivent être entendus; c'est le seul moyen d'éclaircir un point de fait aussi important. H est difficile d'avoir eu plus de réserve, et d'avoir môme plus respecté que moi l'opinion des jurés. C'est moi qui ai pressé et sollicité le C. Antonelle, lors juré, de rédiger par écrit les opinions motivées par lui données dans plusieurs affaires; c'est moi qui les ai fait imprimer, même celle par lui émise dans l'affaire de l'ex-général Lamarliere', quoiqu'elle fut contraire au jugement rendu. Certes, si j'avois été dans l'habitude criminelle d'influencer les jurés, je me serois bien gardé, au moins dans cette affaire, de livrer à l'impression l'opinion d'Antonelle cette idée est sensible. J'ai été successivement directeur du juri d'accusation au tribunal révolutionnaire du 17 août 1792 substitut au tribunal criminel du département de Paris, dans un temps où les jurés émettoient en secret et par la voie des boules leurs opinions, en présence d'un juge et de l'accusateur public. J'ai asssisté à plusieurs procès au mois de Février et Mars 1793 (vieux s<~e), avec les citoyens Récolène, Hémery et Brunet, lors juges d'exercice au tribunal qu'on les cite en déclaration, ensemble les jurés; il n'en est aucun qui ne convienne qu'il m'a toujours vu remplir ces fonctions délicates avec toute la fidélité et l'impartialité que doit avoir le magistrat intégre. Je n'ai point changé de marche dans le cours de l'exercice de mes fonctions d'accusateur public au Tribunal révolutionnaire j'ai toujours eu des mœurs, do la probité et de l'humanité j'ai été sévère avec la loi, mais juste et fidèle à mes devoirs.
3° On m'accuse d'avoir été l'auteur de la création des conspirations dans les prisons, d'y avoir eu des agents secrets Qt soudoyés et même de m'être introduit dans les 1. A. A. Collier de ]a,MM'Uere, condamne comme comptice de Dumouriez et guiUotine le 26 novembre H93 (6 frimaire an H).
maisons d'arrêt et de m'y être associé avec des êtres vils et bas.
J'ai déjà réfuté une partie de cette accusation dans mon mémoire imprimé, page 14 j'ai avancé et soutenu avec vérité que les conspirations des prisons m'avoient été dénoncées par le Comité de Salut public à différentes époques; qu'il avoit pris un arrêté le 17 Messidor, portant que 'l'accusateur public feroit juger dans les 24 heures des dénonciations ceux sur qui elles portoient que le Comité m'avoit remis, à cette fin, les listes des prévenus des différentes conspirations des maisons du Luxembourg, des Carmes et Lazare; je persiste dans la même défense, confirmée d'ailleurs par les membres des anciens comités du gouvernement dans leur mémoire imprimé, pages 55, 56 et 57. Et en effet, ces membres y conviennent que ces dénonciations leur avoient été faites par les administrateurs de police, qui, par décret, avaient la police et la surveillance des maisons d'arrêt. Ces mêmes membres conviennent de plus, qu'à différentes époques et sur de pareilles dénonciations de complots ourdis dans les prisons, les Comités envoyèrent le commissaire national civil de police et-des tribunaux et ses adjoints pour informer plus particulièrement des faits et les vérifier; et que leurs opérations et les pièces qui les constatent doivent être au bureau de la police générale ou dans les bureaux de la commission nationale. H résulte bien évidemment de cet aveu que ce n'est pas moi qui suis l'auteur de la création des conspirations des prisons; que ce sont les administrateurs de police qui ont fait les dénonciations des complots qui y étoiont ourdis; que je n'y ai jamais eu aucun agent secret ni soudoyé. Et en effet, avec quel fonds aurois-je payé ces prétendus agens secrets? Ce n'auroit pu être qu'avec ceux qui m'auroient été délivrés par les anciens comités de gouvernement ou que j'aurois touchés au trésor national, en vertu de leurs ordonnances. Or, il est certain que je n'ai
jamais touché aucun fonds des anciens Comités de gouvernement, ni au Trésor national ni ailleurs, en vertu d'aucunes de leurs ordonnances; je n'avois d'ailieurs aucun fonds à ma disposition. Tous ces faits sontfaciles à vérifier. H est également avéré que je n'ai jamais été furtivement ni publiquement dans les maisons d'arrêt du Luxembourg, des Carmes et de Lazare il est bien avéré, au contraire, que c'est le commissaire civil ou son adjoint qui se sont t transportés dans ces maisons à différentes époques, de l'aveu des anciens Comités de gouvernement, et d'après leurs ordres, pour vérifier les faits et les complots dénoncés par les administrateurs de police. Et si j'avois été si avide de créer des conspirations dans les prisons, le tribunal avoit la police de la conciergerie, de l'hospice national et de la maison de l'égalité, ne m'auroit-il pas été plus facile d'avoir des agens secrets dans ces maisons que dans toutes les autres dont la police et la surveillance étoient attribuées aux administrateurs de police? Jamais je n'en ai eu aucun dans ces maisons ni ailleurs, et quoi qu'il m'ait été dénoncé que des détenus de la Force correspondoient avec quelques détenus de la Maison-Egalité, et ourdissoient un complot; ces faits vérifiés, le complot s'est trouvé'idéal, et aucun individu n'a été jugé comme ayant conspiré dans ces différentes maisons. Quant à mon association supposée avec des êtres vils et bas, il est triste d'avoir à réfuter une accusation aussi misérable, et il est à présumer que si son auteur eût eu la connoissance de ma vie privée et publique, il se seroit abstenu de hazarder cette honteuse accusation. En effet, tout en chérissant la liberté et l'égalité, j'ai toujours eu l'attention et la délicatesse de ne pas m'associer avec des êtres vils et bas; de ne composer ma société peu nombreuse et de ne fréquenter que des hommes connus pour probes et vertueux; aussi, je porte ici le défi le plus formel de prouver cette accusatisn par pièces ou autrement.
20.
Bitlaud, en répondant à l'article 18 de la dénonciation de Lecointre', feint, page 74 de sa défense imprimée, de n'avoir pas connoissance de l'arrêté du n Messidor, relatif aux conspirations dont il est question, et il ajoute « L'arrêté dont on pa~g sans en ~OHncr les dispositions précises, seroit un travail sorti du ~tt~aM de la police ~ëHemfe, comme l'allesle son objet, et comme <'on'~Ha~ même doit ~8"u)?' A coM/tn~ef; e< c'est une M)~o~M)'g ~tfoce d'a.vance7' que ces cotM~tra~oMs ont été dénoncées par le Comité de Salut public ci ~OMyMMt'-y'MM~e. » D'abord,.je n'ai jamais eu connoissance que le bureau de la police générale dont parle BDaud fut un établissement distinct et séparé du comité de salut public, et je devois d'autant moins y croire que j'ai vu plusieurs fois Lejeune, l'un des secrétaires en chef de ce bureau, venir faire approuver son travail dans le lieu des séances du Comité de salut public; je n'ai sçu que ce citoyen Lejeune étoit un des chefs de ce bureau que pour l'avoir vu venir dans le lieu des séances du Comité, car il est de fait que je n'ai jamais été dans le lieu où se tenoit ce bureau de la police générale; d'ailleurs, tous les ordres m'ont été donnés dans le lieu des séances du Comité, de même que tous les arrêtés qui m'ont été transmis étoient intitulés Extrait des registres du Comité. du Salut public, et signés de plus ou moins de membres de ce Comité; ainsi, je pour.1. Laurent Lecointre, de r<!?'M!MM, <~M/8'dK <!epa)'teme!t< de SM'M-e~-Otse, & la CoMenKon MHotM~e, contre B:M<Mtd-f<M'e!Mte, CoKo< <Me!'&ots e< Battre, membres du Comité de Salut publie, VaciM< Voulland, ~))M)' e< Dat)! ttteM&t'es du Comité de S:t~<f' ~f')t~'a!e; 11 fructidor an H, in-8o, )0 pp. Cette dénonciation fut suivie de t'B<a< pttc?tc:'a<t/' des pièces tMtM-e'M (tM.T CoM~es de Salut publie, de S<t)'eM f/f'?te')'a~ et de ~t~aHoH., t'euttts sut' la (MKO)tCM<:OK po)'<ee pat- Z.eco:n<"e (de Versailles) cot:h'e Billaudt'afeNKe, Bat-e, CoHo< d'Hf~6ots, ~aate)', Vott~NHd, ~mat- et Da~td, avec tKc/tca~oM des endt'o~s posées h'oM~eH~ celles qu'il tt o'Mes et M'a pM se p!-oct<)'ef, (!<ttH( posées dans <es Meu.-e pM&Kes,
d'oit eMes Me pet(!)eft< sof~' </t<e p~ dMt'e<; Paris, m-8", 8 pp.
rois me borner à répondre à Billaud que t'arrêté du 17 messidor sorte du bureau de la police générale ou de tout autre Comité, il me suffit que ce soit un arrêté du comité et signé des membres, j'ai dû t'exécuter. Mais je vais plus loin cet arrêté, dont il ne m'est pas possible de retracer les dispositions, parce qu'il fait partie des pièces emportées par les citoyens députés qui ont procédé à l'examen de mes papiers, a été pris le n messidor, vers onze heures du soir, dans le lieu des délibérations du Comité, où étoient Billaud, Collot, Barrère et Saint-Just il a été pris en ma présence et m'a été remis avec la liste de cent cinquante, neuf présences de conspirations du Luxembourg; Lanne, commissaire adjoint, y étoit aussi présent. Voilà l'exacte vérité sur la formation et l'existence de cet arrêté, qui sera sans doute échappé à la mémoire de Billaud
Les listes des prévenus de conspirations des maisons des Carmes et de Lazare m'ont été également remises dans le lieu des délibérations du Comité; et une chose à remarquer, c'est que les listes à moi remises successi1. Voici cet arrêté pris dans la séance du Comité de Salut Public du n messidor an II (3 juillet n94)
« Le comité de Salut public arrête que les nommes. seront conduits au Tribunal Révolutionnaire; ordonne qu'ils seront extraits sur le champ de la maison dite le Luxembourg et conduits à la Conciergerie pour être jugés sous le plus bref délai; charge la Commission des administrations civiles, police et tribunaux de l'exécution du présent arrêté, auquel effet elle pourra se consulter avec l'accusateur public près ledit tribunal, u La pièce n'est signée que de Saint-Just. On voit donc que Fouquier-Tinville a raison contre Billaud-Varenne, en cette circonstance. La signature de ce dernier se retrouve, avec celles de Saint-Just et de Collot d'Uerbois, au bas d'un arrêté pris dans la, même séance et relatif a la mise en accusation, dans les vingtquatre heures, devant le Tribunal révotutionuaire, des détenus qui auraient tenté de se révolter.
vement sont écrites de la même main, et elles sont appostillées de ces mots jRe~uqy~s s raccM.!C[~Mr public du tribunal révolutionnaire, et signées de plusieurs membres du Comité. I) est encore à remarquer que sur la liste des prévenus du Luxembourg, chacun des noms des individns a été marqué et ponctué au fur et à mesure qu'ils ont été mis en jugement, pour éviter qu'on ne reportât dans les deux audiences subséquentes ceux desdits individus jugés dans la première séance, attendu que les cent cinquante neuf compris dans cette liste ont été jugés en trois fois, les 19, 21 et 22 messidor. Ainsi, si on a tiré quelque induction défavorable de ces remarques, c'est une erreur ou une malveillance, car la vraie cause de ces remarques est telle que je l'annonce, et est à la connoissance des secrétaires du parquet.
J'observe on dernière analyse et pour complément de preuves, que je n'ai rien eu de commun dans la création et fabrication des complots ourdis dans les prisons; que les minutes des procès-verbaux dressés par les administrateurs de police doivent se trouver au bureau de la police, à la mairie, et les expéditions dans le bureau de la police générale, ou dans les bureaux de la commission civile de police et des tribunaux, comme l'indiquent euxmêmes les anciens membres des Comités de gouvernement, et il doit même se trouver aux pièces de la conspiration du Luxembourg une lettre de Lanne, commissaire adjoint, indicative des témoins à faire entendre. Comment, Billaud, après des faits aussi positifs, as-tu bazardé que c'étoit une imposture atroce d'avancer que ces conspirations des prisons avoient été dénoncées par le comité à Fouquier-Tinvitte ? C'est toi-même, Billaud, qui te trompes ou eu imposes, comme il est aisé de le voir en présentant une pareille dénégation, car le fait de la remise de cet arrêté et de ces listes une fois intestablement prouvé qu'il a eu lieu dans la salle des délibérations du comité, ta dénégation disparoït. H y a mieux, tu te trouves sur ce point ab-
solument en contradiction avec ce que tes collègues et toi avancez dans votre défense générale', p. 56 et 57, et OÙ VOUS dites: « Comment les Comités ~OMUOMH< conMO~'e ces co}M~M'a<tons des prisons, si ce n'est en !'cfeaant les avis et les détails par les ~roc~-uer<'aMa' s< les mémoires qui leur étoient e~foyë.! Np)' radm.MtM~'a~'OM de police? » Et tu as donc oublié enfin, Billaud, que, p. ~5 de ta défense pa)'<tCttH~)'e, tu conviens que tous les renseignemens qui vous sont parvenus vous ont été donnés par l'administration de police, ainsi que fe prouve la dénonciation de Laftotto? H reste constant, d'après ces différens aveux, que je n'en ai pas imposé en avançant et soutenant que les conspirations des prisons m'avaient été dénoncées par le Comité de salut public.
H est vrai que, p. 56 de leur défense, les anciens membres des Comités avancent que je leur ai quelquefois porté des procès-verbaux de ce genre, et que Billaud, dans sa défense particulière, p. 75, avance que l'accusateur public ayant par sa place plus de relations avec les prisons, est venu lui-même nous donner souvent des détails sur ces conspirations. Que conclure de ces deux versions en apparence contradictoires? !e voici. En confondant ainsi les époques, ou plutôt n'en indiquant aucune, il sembleroit qu'à différentes époques j'ai porté au comité des procès-verbaux de ce genre. A deux époques seulement, j'ai communiqué au Comité des procès-verbaux relativement à ce qui se passoit dans les prisons, c'est lors et pendant l'instruction de l'affaire d'Hébert, Ronsin et Vincent, et de celle de Cliaumotto, Grammont et autres; et encore est-il à observer que ces procès-verbaux 1..Rf'ponse des ment&t'es des cleuv aHCteKs co)!M<ëi; de salut public et de .!M?'e<e ~Me/yt~?, aux !'Mi~M<a<:oM t'eHOMt~eMes coH<)'e CM!; par ~atM'e!:< ~eco:tt<t'e, de Vo'.scttMM, et cMc<a?'(!es e<t<onMt:e!Mes pat' <Me)'e< du /)'MC<M~of det'ttte)', ~!<t Convention Ma.<:oM<e;ra?'M, tt)t;)!'tMten'e CAait'penMo', <'tt): III de la ~epM~H~Me; in-8", H2 p.
m'étoient transmis par les administrateurs de police, mais postérieurement à ces deux affaires jugées le 4 et 24 germinal, je n'ai communiqué au Comité aucuns procèsverbaux de ce genre; ces sortes de proeës-verhaux et les mémoires et dénonciations relatives aux conspirations des prisons du Luxembourg, des Carmes, de Lazare et de Bicêtre, leur ont été adressés directement, de leur aveu même, par l'administration de police.
Quant aux détails dont parle Billaud, cette assertion fournit une preuve incontestable que je rendois un compte exact au Comité de toutes les affaires et opérations du tribunal; c'est la conséquence nécessaire q"'i) résulte des détails annoncés et avoués, par Biiiaud, &tre donnés par moi au Comité; ainsi, de la défense générale des anciens membres des Comités, et de celle particulière de Billaud, résulte la conséquence que je n'ai été ni l'autour ni le créateur des conspirations des prisons; que ces comités y avoient des agens secrets et soudoyés, placés par eux ou l'administration de police; qu'à mon égard, je n'avois par ma place, ni relations, ni rapports avec les maisons d'arrêts autres toutes fois que celles de la conciergerie, de l'Hospice national et de l'Egalité, dont la police et la surveillance étoient attribuées au tribunal, et dans lesquelles it n'y a jamais eu de conspirations constatées et jugées.
4° On m'impute à crime d'avoir été deux fois en la maison de Force de Bicétre, et d'avoir cru à une conspiration dénoncée par deux individus condamnés à vingt ans de fers pour faux témoignage; j'ai été a la vérité deux fois à Bicétre, et voici comment et de quelle.manière. Une conspiration horrible annoncée ourdie dans cette maison, a été dénoncée au Comité de Salut public par l'administration de police trois cens individus étoient indiqués tremper dans cette conjuration, il étoit difficile de se livrer à l'idée que trois cens individus y eussent trempé; d'ailleurs, pour toutes sortes de raisons, il auroit
été de tadernière imprudence de faire transférerotamener dans les maisons d'arrêt de Paris ces trois cens individus, il s'agissoit d'aviser aux moyens de distinguer et d'atteindre les véritables auteurs de cette conspiration; il fut donc arrêté au Comité que Lanne, adjoint du commissaire civil, de police et des tribunaux, s'y rendroit avec l'accusateur publie, pour vérifier tca faits; nous nous y rendimes l'un et l'autre, et ]à en présence des administrateurs de police, des gendarmes et des employés dans la maison, il a été pris toutes les mesures nécessaires pour découvrir les auteurs vo'ritabtes soixante-dixneuf' en deux fois, tous déjà condamnés pour plus ou moins d'années à la peine des fers et un à la déportation, ont été par le résultat de ces mesures traduits au tribunal et jugés pas un des bons pauvres et d'autres individus détenus dans cette maison, ne s'est trouvé avoir participé à ce complot effroyable; les actes et Je jugement portent avec eux la preuve do ces faits; il n'est pas inutile d'observer que Lecterc~, l'un des accusés, a avoué publiquement à l'audience l'existence de ce complot, dont il a rendu le compte le plus détaillé, ensemble des moyens de l'exécution d'autres l'ont avoué également voilà les vrais motifs de mes deux transports à Bicêtre, je ne les ai pas fait de mon autorité privée, et sans l'assistance et la présence d'autres autorités compétentes; ils ont été réguliers, légaux, publiés et commandés par les circonstances, autant que par la prudence; d'ailleurs, les lois des 16, 23 ventôse et 26 prairiat, m'en imposoient le devoir.
Je n'ai cru ni pu croire à la dénonciation de deux individus condamnés à la peine des fers pour faux témoignage, puisque d'un côté cette dénonciation ne m'a pas été faite, 1. A la page 88 de sa MpoMe, Fouquier, dans l'errata, rectiiie ce chiffre de soixa,nte-dix-neuf en celui de soixante-douze. 2. Lisez ~faMc~o'c.
qu'elle l'a été au Comité par les administrateurs de police, que de l'autre les noms des deux dénonciateurs m'étoient inconnus, comme ils me le sont encore; au reste, six ou sept témoins ont été entendus dans cette affaire, et l'aveu des accusés n'a laissé aucun doute sur la véracité de leurs déclarations.
5° On m'accuse d'avoir envoyé au supplice des individus prétendus condamnés pour d'entrés par erreur, et d'autres sans aucun jugement cette accusation est aussi fausse qu'atroce; mais comme l'acte d'accusation n'indique aucun de ces individus, je suis obligé de répondre d'après ces imputations de ce genre répandues dans plusieurs journaux, et dont l'acte d'accusation paroît être l'extrait.
Dans l'un de ces journaux, il est aunoucé que Sémillard pére et Sémillard fils, quoiqu'oubliés d'avoir été mis en jugement avec quarante-trois autres, le 4 thermidor, et qu'ils n'aient pas été condamnés, j'ai prétendu qu'ils aient [a'a:CM<] été jugés, et j'ai donné l'ordre de leur couper les cheveux et de les mener au supp)ice, après avoir fait courir après les voitures, qui étoient dcja sur le quai Pelletier; n une accusation aussi monstrueuse, je réponds que SémUlard père et fils ont été mis eH jugement et jugés le 3 thermidor, avec la veuve de l'ox-maréchat de Noailles, le ci-devant comte de la Roche-Lambert, l'ex-vicomte Talaru, ex-cordon rouge, et autres, au nombre de vingt-cinq, et non de quarante-cinq, et que Jeanne-Françoise Poyard, cultivatrice, et Nicolas Gust.ine, boucher, faisant partie de ces vingt-cinq, ont été acquittés les deux SémiHard n'ont point été oublios dans )o lieu destiné au dépôt des accusés ils ont été jugés e!. condamnés, et pour preuve j'oppose le jugement dont la minute est au greffe et la mention dans le M)~tetM', n" 310. Quant à l'article de la coupure des cheveux et autres accessoires relatifs, l'ordre supposé avoir éM donné par moi est faux; je signois l'ordre d'exécuter le
jugement ainsi que la loi le prescrivoit, et ne me mêlois nullement des opérations subséquentes; ainsi ces imputations abominables sont démontrées matériellement fausses.
Il en est de même des orgies que l'on suppose que j'ai faites avec Fleuriot, maire de Paris, Payan, agent national, et Dumas, président, notamment le 9 thermidor d'abord, je ne me suis jamais livré :) aucune orgie ni avec ces conjurés, ni avec les autres, le 9 thermidor ni d'autres jours; je n'ai point dîné avec Fleuriot ni pu dîner avec Payan et avec Dumas, qui avoient été arrêtés vers trois heur.es, et je défie qu'on me prouve le contraire d'ailleurs, j'ai déjà rendu compte dans mon mémoire imprimé, page 6 et 7, de l'endroit et des individus avec lesquels j'ai dîné le 9 thermidor, je m'y référé. 6° On m'impute également d'avoir envoyé au supplice sans jugement, Pérès, ex-conseiller au ci-devant Parlement de Toulouze' je réponds que Pérès a été jugé et condamné avec d'autres ex-conseillers du ci-devant Parlement, tous traduits au tribunal par arrêté du Comité de sûreté générale j'en ai même informé dans ce temps le comité par une lettre qui doit être jointe aux pièces, de mon procès. On prétend qu'on no trouve pas la minute de ce jugement au greffe si cette minute de jugement a été soustraite ou déchirée, ou si le commis-greffier a omis d'énoncer le nom du condamné, c'est une omission et un délit personnel au commis-greffier qui a tenu la plume du président, et le substitut qui a siégé dans cette affaire non plus que l'accusateur public ne peuvent être responsables de la soustraction ou do la perte de la minute du jugement, ni de l'omission ni des imperfections et irrégularités qui peuvent s'y rencontrer, parce que l'accusateur public et ses substituts ne sont point dépositaires des minutes des jugemens qu'ils no signent 1. Exécuté le 18 messidor an II (6 juillet 179i).
pas; or, c'est Legris, commis-grefHer', qui a tenu la plume le jour de ce jugement, et c'est Dumas, président qui a siégé tons deux ont subi depuis la peine de mort, mais il n'en est pas moins constant et notoire que Pérès a été mis en jugement, jugé'et condamné; et, sous aucun rapport, je ne peux être responsable des fautes d'autrui c'est un axiome généralement reconnu, qu'on n'est responsable que de ses fautes personnelles. 7° L'auteur d'un ouvrage sur les conspirations des prisons de Lazare a l'impudeur de m'imputer d'avoir, le 7 thermidor, mis en jugement Louise-Elizabeth Simon, veuve Maillet, quoiqu'il fut reconnu, dit-il, q.ue ce n'est pas elle qui devoit être mise en jugement, mais PerrinneJeanne-Marguerite Roux, veuve Maillé, et en'disant avec Conffinhal qu'autant falloit-il la juger de suite puisque 'son tour devoit venir bientôt, et cet auteur, avec le journal républicain, m'imputent enfin d'avoir envoyé chercher dans la nuit la veuve Maillé et de l'avoir fait guillotiner sans qu'elle ait été jugée. Voilà certainement de grandes atrocités? Eh bien, elles sont matériellement fausses et vont être prouvées telles.
..D'abord, je n'ai point siégé le 7 dans aucune des deux audiences; ainsi je n'ai pu tenir le propos que l'on me. prête et que je :dénie.
En second lieu, la veuve Maillet n'a pas été mise eu jugement pour la veuve Maillé c'est la veuve Maillet qui a été dénoncée, c'est la veuve Maillet qui a été accusée mise en jugement comme elle a du être l'identité d'j 2~ personne a été reconnue publiquement à l'audience il n'y a 6L ni erreur, ni méprise, ni substitution de personne à son égard l'acte d'accusation et le jugement qui sont au greffe établissent l'authenticité de ces faits. 1. Exécuté le lr thermidor an H (19 juillet 1794).
2. Exécute le 10 thermidor an Il (28 juillet 1794).
3. Sic dans la brochure originale, p. 17.
En troisième lieu, il est faux que j'aie envoyé chercher la veuve MaUlé dans la nuit, e! que je l'aie fait exécuter sans aucun jugement ni en vertu d'aucun jugement, car cette veuve Maitté vit et demeure ?'!<e /.e /e<te?', n° 9; cette veuve MaiHé a été extraite de la maison de Lazare le 8 et mise en jugement le 9 thermidor; mais, s'ét&nt trouvée mal, le tribunal l'a fait retirer des débats et conduire à l'hospice National, et elle a été mise en liberté par arrêté du Comité de sûreté générale du i2 vendémiaire, le tout suivant qu'il est constaté par le certificat do Blanchelaine, concierge de l'hospice, du 8 frimaire. Est-il possible de voir des imputations aussi monstrueuses et aussi mensongères? C'est pourtant ainsi que de misérables libellistes ont l'impudeur et la lâcheté de distiller tous les matins le venin de la calomnie surdes détenus pour soulever contre eux l'opinion du peuple.
On m'impute d'avoir fait mettre en jugement et envoyé au supplice, le 8 thermidor, Jean-Simon Loiserolle père, tandis que c'étoit François-Simon Loiserolle fils qui étoitaccusé. Cette imputation est aussi controuvée que les précédentes c'est Loiserolle père qui a été dénoncé comme ayant trompé dans la conspiration de Lazare, ce fait est prouvé par la dénonciation; mais co:~me depuis l'odieuse loi du 22 prairial il n'y avoit plus d'i.nterrogatoire secret, pour se procurer les prénoms et les qualités des prévenus traduits au tribunal, il falloit envoyer dans les différentes maisons d'arrêt où ils étoient, et celui qui a été à Lazare pour y prendre les prénoms, l'âge et les qualités de Loisc-,rolle père, n'a pas eu t'attention de demander s'il y avoit plusieurs Loiserolle à Lazare; il a pris les prénoms et les qualités'dn fils, qui s'est présenté, au Heu de ceux du père, quoique sa note porte bien Loiserolle père ces prénoms, qualités et 1. 11 était ci-devant lieutenant général du baiUiag'e de l'Arsenal. Le nom s'écrit aussi de ~o:~e;'oMes.
âge ont été remplis par le secrétaire du parquet tels qu'ils ont été rapportés voilà l'erreur, qui n'auroit pu avoir lieu dans tout autre cas que dans celui d'une conspiration de prisons qui embrassoit plusieurs individus mais il n'y a pas eu d'erreur quant aux individus. L'huissier, par son ordre, étoit chargé d'extraire Loizerolle père, aussi a-t-il extrait de Lazare Loizerolle père, et l'a-t il écroué le 7 la Conciergerie en lui notifiant l'acte d'accusation. C'est Loizerolle përe qui a été dénoncé, aussi est-ce Loizerolle père qui a été mis en jugement et jugé et condamné; l'identité de sa personne a été reconnue et .constatée dans l'audience: on s'est apperçu que l'âge, les prénoms et les qualités énoncés dans l'acte d'accusation n'étoient pas les siens, on a inscrit son âge, ses prénoms et qualités; mais par l'insouciance coupable du président Coffinhal qui tenoit l'audience, et la négligence repréhensible du commis greffier, il parolt qu'il y a eu des surcharges sur la minute du jugement et sur les questions, ou que le renvoi n'a point été paraphé. Cette omission et ce délit, s'ils existent véritablement, sont un fait personnel au président Coffinhal et au commis-greffier chargé de l'audience, et non au substitut de l'accusateur public qui, non plus que ce dernier, ne signent jamais les minutes des jugements, et n'en peuvent être responsables à aucun titre.
H résulte de ces éclaircissemens précis et positifs qu'il n'y a aucun dévouement de la part du père Loizerolle pour son fils, qui n'a jamais été dénoncé à ma connoissance, et qu'il n'y a eu aucune erreur ni substitution de la personne du père Loizerolle pour le fils. D'ailleurs, il est certain que ce n'est pas moi qui ai siégé le 8 à la salle de l'Egalité, où ce jugement a été rendu par conséquent l'erreur et le délit d'autrui ne peuvent m'être imputés. Et en ce moment même, quoique la minute constate que c'est le père Loizerolle qui a été condamné, le jugement imprimé parolt avoir condamné Loizerolle fils,
ce qui est évidemment une erreur et une faute d'impression.
Où seroit la sûreté des fonctionnaires publics s'ils pouvoient être recherchés pour les délits des autres? Ce serait une maxime aussi absurde qu'injuste et atroce. 8° On m'impute d'avoir mis en jugement cumulativement des individus de différents lieux, qui ne s'étoient jamais vus ni connus, et prévenus, de délits divers. Aucune loi ne prohiber cette mise en jugement cumulative, ainsi il n'y a point de délit à faire ce qui n'est défendu par aucune loi.
Jusqu'à la loi du 22 Prairial, cette cumutation de mise en jugement n'a eu lieu que par le fait des présidens Dumas et Coffinhal, qui, de leur autorité privée, jugoient ensemble des individus accusés par différens actes d'accusation, ainsi que la preuve en résulte de deux jugemens imprimés sous la date des 12 et 22 prairial; il en existe encore d'autres exemples. Depuis cette loi, comme la peine était la même pour tous les délits, je n'ai plus rédigé qu'un seul acte d'accusation contre plusieurs individus prévenus de divers délits, en apportant toutefois l'attention de réunir ensemble les accusés des mômes délits et de caractériser et préciser, dans l'acte, les délits personnels à chacun d'eux. Mais cette amalgame n'a eu lieu et ne s'est effectuée de ma part que de l'ordre positif des anciens membres des comités de gouvernement; et cet ordre a été donné attendu l'affluence des prévenus arrivant chaque jour au tribunal de tous les points de la République; et, si j'ai exécuté cet ordre verbal, c'est qu'aucune loi alors ne prohiboit cette amalgame. Mais cet ordre n'a pas moins été donné par les anciens membres des comités de gouvernement, et ils n'ont jamais ignoré un seul instant l'exécution de cet ordre, puisque tous les soirs je remettois aux comités la liste du nombre des individus jugés et leur rendois compte des opérations du" tribunal.
jCroit-on que si les membrea~des anciens Comités de Gouvernement n'avoient pas donné cet ordre et n'avoient pas voulu cette amalgame, ils n'auroient point réclamé et n'auroient point pris d'arrêté prohibitif sur ce point comme ils en avoient le droit? Et si telle n'eut point été l'intention des comités de gouvernement, auroient-ils, par leurs arrêtés des 2 et 3 thermidor, invoqués dans mon mémoire imprimé et rapportés dans l'ouvrage de Lecointre, enjoint à l'accusateur pnblic de mettre en jugement à l'instant quatre cent soixante dix huit individus et plus, dénommés auxdits arrêtés tellement que si j'eusse suivi et exécuté à la lettre ces arrêtés, je pouvois mettre en jugement à la fois ces quatre cent soixante dix.huit individus sans être exposé à aucune recherche. Si telle n'eut pas été l'intention bien prononcée des comités, auroient-ils proposé et fait décréter le 26 prairial la mise en .jugement cumulative de l'Admiral, de la fille Renauld et autres, accusés d'avoir voulu assassiner les représentans 'du peuple, avec Sombreuil père et fils, la Sainte-Amarante, sa fille, Sartine et autres, au nombre de soixante, prévenus de complicité de la conspiration de l'étranger connue sous le nom du ci-devant baron de Batz. Cet argument, ce me semble, anéantit à l'avance toutes les dénégations hazardées à cet égard par les anciens membres des comités.
Je me sufis cependant bien gardé de mettre en jugement, à la fois, quatre cent soixante dix huit individus et plus, comme les arrêtés me le prescrivoient je n'ai mis en jugement que ceux sur lesquels je suis parvenu à me procurer des pièces à charge et à décharge, et le nombre des individus ainsi mis en jugement n'apas excédé trente, et je n'ai rien négligé pour me procurer ces renseignemens, otj'ai même fait apporter, le 9 thermidor, dans l'audience les registres du comité révolutionnaire de la section du Finistère.
Vainement les membres des anciens comités, p. 50
de leur défense générale, s'étonnent-ils que j'aie trouvé dans leurs arrêtés des 2 et 3 thermidor, relatifs au renvoi de la commission populaire, une prohibition de proposer la liberté des individus contre lesquels il n'y auroit pas de charges, et avancent-ils que le renvoi qui étoit fait au tribunal ne différoit en rien de tous ceux qui ont eu lieu pour les affaires portées au tribunal, attendu que les commissions n'avoient rien décidé, qu'elles ne le pouvoient pas, et que les comités ne décidoient pas davantage. Ces réflexions pourroient faire naître quelque doute sur la prohibition dont je parle dans mon mémoire imprimé, p. 12. Si ces anciens comités eussent approuvé et confirmé purement et simplement le renvoi des commissions populaires mais, aux termes de la loi, ces comités devoient examiner et juger si les motifs du renvoi proposé étoient ou non fondés ils remplissoient en cette partie les fonctions de grands jurés d'accusation, par conséquent il n'étoit plus en mon pouvoir de proposer à. la chambre du conseil ta mise en liberté d'aucun des individus compris dans ces arrêtés contre lequel j'aurois estimé n'y avoir lieu à accusation, et la chambre du conseil n'auroit pu statuer, et il auroit été même inutile et déplacé d'ailleurs qu'elle rendit aucun jugement de mise en liberté relativement aux individus dénommés en ces arrêtés, puisque par l'article 18 de la loi du 22 prairial, aucun jugement rendu par la chambre du conseil ne pouvoit s'exécuter qu'il n'eut été approuvé par les Comités de Salut public et de sûreté générate ou, je le demande, de quel oeil ces membres des anciens comités auroientils regardé une mise en liberté prononcée par la chambre du conseil, d'individus qu'ils avoient jugés dans leur sagesse devoir être mis en jugement? auroient-ils approuvé le renversement de ce qu'ils avoient ordonné? non et disons avec franchise que les membres des anciens comités avoient eu l'art perfide d'enchaîner les choses et les hommes par les lois mêmes, de manière
que tout se mouvoit et se dirigeoit au gré des vues ambitieuses, et qu'il étoit impossible à aucun être de réclamer. Mais sans se livrer à une plus ample discussion sur ce point, les termes mêmes de ces arrêtes établissent cette vérité. Ces arrêtés portent que les y dénommés seront traduits au tribunal révolutionnaire de Paris, et que les feuilles seront envoyées à l'accusateur public près ce tribunal, pour que les y dénommés soient mis à /'MM<a)!< en jugement. Certainement, si les comités n'eussent pas rempli en cette partie les fonctions de grands jurés d'accusation, ils se seraient bornés à ces expressions: ''e~uo'/e au h't&M~a/ !o~<MnMowe, et les /ëtH«M à <'6:ecM~a<em' public ils n'auroient pas ajouté ces autres expressions pour que les dénommés soient mis en jugement à /'tHs<f<n<, car qui dit mettre en jugement dit mettre en débats. Tel est le sens véritable de ces expressions. 11 ne peut rester de doute sur l'interprétation de ces expressions. Avec raison, j'ai avancé que, d'après les termes de ces arrêtés, j'étois forcé de mettre en jugement les individus y dénommés, quoique je ne parvinsse pas à me procurer la moindre charge contre eux.
Et ce mot, à l'instant, qui se trouve consigné dans ces mêmes arrêtés des 2 et 3 thermidor, le sens en peut-il être douteux? N'indique-t-il pas clairement que les membres des anciens comités craignoient que je ne différasse à mettre en jugement les quatre cent soixante dix-huit individus y dénommés? Et si telle n'étoit pas l'intention des comités, pourquoi ont-ils inséré ce mot à l'instant, dans leurs arrêtés, et pourquoi ne se sont-ils pas bornés à ces expressions mettre cM~M~mcKt? Mais non, les comités n'ont employé ce mot, à l'instant, que parce qu'ils ne trouvoient pas que les jugemens du tribunal fussent assez nombreux et assez prompts. S'il étoit besoin d'une nouvelle preuve pour démontrer cette vérité, je la puiserois dans le rapport fait le 7 thermidor à la Convention par Barrère, aux noms des comités
de salut public et de sûreté générale, dans lequel Barrère dit que malgré la célérité des jugemens des grands conspirateurs, le nombre en est si grand dans tous les points de la République, qu'il annonce que la veille il a été pris par les deux comités des mesures pour faire juger dans peu de tems tous les ennemis du peuple qui étoient détenus dans toute la République. Et, dans un autre passage de ce rapport, Barrère y dit que t'horison' 1 politique n'est pas assez obscurci pour que l'on n'apperçoive pas la nature des orages, et qu'il peuvent être facilement conjurés par la punition des contre-révolutionnaires et des ennemis du peuple. Les termes de ce rapport ne prouventils pas jusqu'à la dernière évidence que toutes les opérations au tribunal et les jugemens rendus étoient conformes aux vœux des comités do gouvernement qu'ils en avoient connaissance et les approuvoient chaque jour? Et, s'il pouvoit rester encore quelque doute, ces expressions pa?' la pMHt<<oM p?'o)H~<e des con~'c-~uo/M<MtM6[WM et des ennemis du pe~/e, ne tèveroient-ettes pas tout doute à cet égard? 2
Je puisorois enfin cette preuve dans t'arrêté du comité de satut public qui enjoint à l'accusateur public de fournir au comité la liste des individus qu'il se proposoit de mettre en jugement dans le cours d'une décade, liste que j'ai remise exactement au comité, ainsi que celle des jugemens rendus chaque jour par le tribumi. Cet arrêté a été trouvé lors de l'examen de mes papiers et emporté par les députés, et il sera imprimé au nombre des pièces justificatives. Ne résutte-t-i) pas de là que les comités de gouvernement avoient connoispance do toutes les opérations du tribunal, et qu'ils étoient informés exactement des noms et du nombre des individus qui devoient être mis en jugement et de ceux qui étoient jugés? Si on ajoute aux réftoxions qui naissent en foule de cet arrêté 1. Sic dans t(t brochure originale, p. 25.
le fait certain que les individus traduits au tribunal l'étoient, pour la plupart, par des arrêtés des comités du gouvernement' et des représentans en mission, que reste-t-il à imputer à l'accusateur publie? La preuve de ce fait, que je regrette de ne pouvoir donner ici matériellement, existe dans les arrêtés sans nombre qui se trouvent au greffe et au parquet du tribunal.
Que les membres des anciens comités cessent donc de publier que les jugemens nombreux rendus par le tribunal ne sont pas leur ouvrage; et que Billaud cesse donc d'avancer, p. 74 de sa défense, qu'il n'y a plus à s'étonner si pendant les derniers jours du règne de Robespierre, Couthon et Saint-Just, le nombre des personnes jugées a pu être plus considérable qu'auparavant; je répondrai à mon tour que les uns et les autres en imposent, et qu'ils cherchent par cette imposture à déverser sur moi tout l'odieux des actes d'exécution que je n'ai fait que d'après leurs ordres, et dans la bonne foi, et dans la confiance que ces comités n'avoient en vue que le bien public; qu'ils mettent en pratique à mon égard le prin-cipe cruel et barbare indiquépar Hérault-SécheIles, comme membre du Comité de salut public, dans sa lettre du 29 septembre, à Carrier, et dont il a été question dans le cours d.es débats du procès de ce dernier, et conçue à peu près en ces termes « « Quand un !'e/M~eH<<M< dv peuple est en mission, il dot< /'mjoper ~ë grands coups et ~aM.~C!' la. responsabilité entière sur les agens chargés de Fea'~cMlion. » Est-il un machiavélisme plus caractérise? Comment) d'après ce principe monstrueux et infernal, il 1. Fouquier n'exagérait nullement en attribuant aux comités de .salut public et de sùi-ete générale, la mise en jugement d'un grand nombre d'accusés. Les arrêtés sont là pour en témoigner aujourd'hui, et pour se convaincre de la véracité des dires de l'accusateur public, il suffit de parcourir particulièrement les tomes du Recueil des actes du Co~t'M f~ Salut ptfMt'c, publié par M. AuLAnn.
s'ensuivroit que les comités de gouvernement, qui avoient la plénitude des pouvoirs, auraient pu prendre des arrêtés et donner des ordres à leur grés aux agens et en être quittes en disant que ce ne sont pas eux qui ont exécuté? Un système aussi révoltant ne peut être admis pour le bonheur du peuple. Aux termes des loi' des l.i frimaire et 23 ventôse, j'étois tenu do rendre compte des opérations et des jugemens du tribunal aux comités do gouvernement. Aux termes des mêmes lois, j'étois tenu d'exécuter leurs ordres et leurs arrêtés, à peine d'être rebelle à la loi et d'être puni comme traître. J'ai donc satisfait nu vœu de la loi en rendant un compte exact à ces comités des opérations et des jugemens du tribunal; j'a~ donc satisfait au vœu de la loi en exécutant les ordres et les arrêtés de ces comités. En vain dénient-ils l'existence de ces ordres, je la prouve par leur conduite et leur rapport a la Convention; et les termes de leurs arrêtes des 2 et 3 thermidor, par leur approbation constante de toutes les opérations du tribunal, approbation qui résulte de leur silence sur les jugemens nombreux du tribunal que les comités n'ont jamais ignoré un instant, et contre lesquels ils n'ont fait aucune réclamation, et contre lesquels on ne s'est élevé même ni dans la Convention, ni dans aucune section de la RépubHque avant le 9 thermidor. En vain les anciens membres des comités, obligés de convenir que Robespierre ne s'est pas rendu au comité depuis le 23 prairia), allèguent-ils, p. i02 de leur défense générale, que Couthon et Saint-Just tenoient on son absence le bureau de la police générale, et que Saint-Just, le soir s'occupoit, avec l'accusateur pubtic, dos personnes détenues à juger depuis son retour do t'armée du Nord'. i. Sie dans la brochure originale, p. 27
'ouve.Saint-Just au m:Ueu de ses coHegnes. au Comité de sahit pubhc, des la séance du 12 prairiat.Cn. VEn-Ay, o:tM'.C!<tomet!,p.M2.
J'ignore si Couthon et Saint-Just tenoient le bureau de la police générale en l'absence de Robespierre, et si ce dernier l'a tenu; car il est de fait que je n'ai jamais été dans ce bureau, et qu'en ce moment j'ignore encore en quel lieu du comité ce bureau étoit situé.
Je n'ai jamais eu de relations et de rapports qu'avec les comités et dans les lieux des séances des comités; je m'y rendois tous les soirs entre dix et onze heures; j'étois introduit dans le lieu des délibérations je remettois la liste des jugemens rendus dans le jour et rendois compte des opérations du tribunal à tous les membres qui s'y trouvoient présens. Je recevais leurs ordres et répondois aux observations qui pouvoient m'être faites; je recevois et recueillois les pièces, instructions et renseignemens qui m'y étoient donnés relativement aux affaires traduites au tribunal. C'est de cette manière que j'ai rendu compte tous les soirs et jour par jour de l'instruction de l'affaire d'Hébert et Ronsin et des charges qui en résultoient. C'est d'après ce compte ainsi rendu alors et depuis, que se sont faits à la Convention les différens rapports à l'époque de l'affaire d'Hébert et consors; mais il est faux que Saint-Just, le soir, se'soit occupé avec moi, des personnes détenues à juger. Je n'ai traité d'affaires du tribunal que dans le comité et avec les membres présens; ni dans le comité, ni dans aucun autre endroit, je n'ai traité avec Saint-Just ni avec aucun autre membre des comités isolément et particulièrement. Quant à Couthon, je ne l'ai jamais vu le soir; d'ailleurs il est notoire qu'il ne se rendoit pas au comité le soir. Il est impossible que les membres des anciens comités dénient plus longtemps celte vérité dusse-je être sacrifié et iomolé mille fois, je la soutiendrai jusqu'à mon dernier souffle. Je n'ai jamais connu le mensonge, je n'en userai pas plus pour me soustraire aux persécutions que j'éprouve mais je dirai la vérité tout entière.
En vain les membres des anciens comités de gouver-
nement ont-ils gardé le plus profond silence sur le fait it de mes transports tous les soirs, aux comités, par moi articulé pages 1 et 2 de mon mémoire imprimé, c'est sans doute un oubti; d'ailleurs ces transports sont trop connus et trop notoires pour qu'ils puissent être révoqués en doute.
Ce' point de fait une fois reconnu, je n'ai pas besoin de grands efforts pour convaincre l'homme sensé que je ne me rendois pas ainsi dans le lieu des délibérations des anciens comités, sans en avoir reçu l'ordre, et que je n'y restois pas,quelques fois et le plus souvent jusqu'à une heure et deux heures du matin sans qu'il y eut nëcessihde ma présence. Qu'y alliez-vous donc faire? m'objecterat-on ce que je viens de retracer plus haut.
A tort encore les anciens comités de gouvernement cherchent-i's, pag. 59 et 60 de leur défense, à rejetter sur l'accusateur public et sur le tribunal révolutionnaire le jugement de trente neuf citoyens de. Sedan accusés d'avoir, de connivence avec le traître la Fayette, fait arrêter et renfermer dans un fort les représentans dn peuple envoyés dans cette commune par i'Assembiée Légistative.
Si j'avois sous les yeux les pièces du procès, je répondrois d'une manière aussi précise que victorieuse à cet argument. Je vais donc y répondre avec le secours de ma mémoire. Les administrateurs, municipaux et notables de Sedan ont été traduits au tribunal par les représentans du peuple en mission dans le département des Ardennesles pièces ont été adressées au Comité de Sûreté générale, et je crois qu'il a été fait un rapport confirmatif de cette traduction ce qu'il y a de certain, c'est que j'ai communiqué au Comité de Sûreté générale mes doutes sur l'amnistie qui pouvoit mUiter en faveur de ces détenus cette affaire a été examinée et discutée au Comité c'est Elie Lacoste qui a été chargé du travail; le résultat a été que ces prévenus n'étoient pas compris dans l'amnistie
et qu'il falloit les juger des pièces émanées du comité et établissant partie de ces faits sont jointes à celles du pro~s; quant aux autres faits, Elie Lacoste et les autres membres de ce comité sont sans doute incapables d'en disconvenir :-de là suit que l'accusateur public et le tribunal ont agi dans cette occurence, comme dans les autres, comme ils le devoient, et d'après~le vœu du Comité de Sûreté générale.
Les anciens membres des comités en parlant de la justice par eux rendue aux officiers municipaux de Conches, auroient dû ne pas taire que ces individus avoient été mis en débat; que, dans le cours d'iceux, informé que Robert Lindet étoit dans le cas de donner de grandes lumières dans cette affaire, j'ai fait continuer la séance au lendemain, et que d'après les observations fondées de. Robert Lindet, qui s'étoit rendu au tribunal sur mon invitation, Dobsent qui présidoit dans cette affaire/et moi, d'accord avec Robert Lindet, avons suspendu les débats indéfiniment, et par là avons mis le Comité de salut public dans le cas de faire un grand acte de justice j'en ai usé de même et par les mêmes motifs vis à vis do douze autres individus d'Evreux j'en appelle au témoignage de Robert Lindet.
9° On m'accuse d'avoir dressé des actes d'accusation contre des patriotes j'ai déjà réfuté cette imputation pa". 6 et 7 de mon mémoire imprimé, je m'y réfère; au surplus, que l'on m'indique donc les noms de ces prétendus patriotes; car ma plus vive sollicitude a toujours été de me garantir des pièges qui pourroient m'être tendus à cet égard. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce n'est pas l'accusateur publie qui juge les délits imputés aux individus, que les charges portées contre eux l'obligent de mettre en jugement; aux jurés seuls appartient cette délicate et importante fonction, aux jurés seuls appartient d'apprécier dans leur sagesse le mérite de l'accusation, l'impulsion de leur conscience
est leur suprême loi; les raisons et les motifs de leurs décisions, c'est leur conscience ils n'en doivent aucun compte; à plus forte raison l'accusateur public, qui ne prend aucune part à leurs débats. D'ailleurs il est une foule d'exemples où des patriotes reconnus opprimés et persécutés par des dénonciations mensongères et haineuses, ont été innocentés; leurs jugemens d'acquit en font foi. Je voudrais, comme Lecointre l'observe page 59 de sa dénonciation, que la loi du 22 prairial eut été ajournée, je voudrois même qu'elle ne fut jamais sortie des ténèbres où elle est rentrée; si mes réclamations eussent été accueillies, j'aurois à me féliciter de leurs succès, au lieu d'avoir à gémir sur son existence; mais organe, par ma place, de la loi, quelle qu'en soit la rigueur, je ne pouvois la modifier ni éviter le mal résultant de son exécution. Des représentations et des réclamations sur les inconvéniens multipliés de cette loi aux comités du gouvernement, voilà à quoi s'étendoient et se bornoient mes droits, je ne les ai point négligés; elles n'ont produit aucun effet, rien ne m'est imputable. Si on met au rang des patriotes un Schneider, ex-accusateur public d~ la commission militaire de Strasbourg, qui, abusant de sa qualité, enlevoit de nuit et à main armée les femmes et les filles et vexoit et concussionnoit Un Lapallu et un Duret, ex-commissaires du pouvoir exécutif à Lyon, dont les moindres crimes sont d'avoir violé, émis de faux assignats et commis toutes sortes de brigandages ces faits sont à la connoissance du citoyen Reverchon, député, de l'ordre duquel ce Lapallu a été arrêté
Un Vauquoy, aussi commissaire du pouvoir exécutif, qui dans le département de l'Isère a destitué sans pouvoir les fonctionnaires publics, fermé et épuré à sa manière et à coups de sabre des sociétés populaires, a pillé, volé et violé publiquement.
Si ce sont là de ces patriotes dont on entend parler,
j'avoue que j'ai eu te courage et l'énergie de provoquer leur jugement malgré toutes les menaces; mais de pareils individus ont souillé par leurs actions atroces le nom de patriote, et les contre-révolutionnaires n'ont jamais manqué d'arguer des forfaits de semblables individus pour faire retomber sur les patriotes purs l'odieux d'une conduite aussi scélérate..
10° On m'accuse d'avoir fait mettre au cachot deux citoyens pour avoir témoigné de la sensibilité en voyant passer le grand nombre des condamnés, et de les avoir fait mettre en jugement le lendemain ou le sur lendemain sans qu'il existât contre eux, ~M< être, d'autre délit que la pitié qu'ils avoient montrée à la vue des condamnés. Quels sont ies noms des deux citoyens? et où est l'ordre que j'ai dû donner par écrit pour qu'on les mit au cachot? C'est sur quoi on garde le plus profond silence. Cependant je n'ai jamais donné l'ordre de mettre au cachot qui que ce soit, et on n'a du y mettre ces deux citoyens qu'en vertu d'un ordre par écrit signé de moi. Je délie qu'on m'en représente aucun. Je les ai, dit"on,fait mettre en jugement le lendemain ou le sur lendemain, sans qu'il existât jMM< être, contre eux aucun autre délit que celui de la pitié. C'est avec des réticences, avec des peut être, que l'on m'impute un délit aussi grave. On oublie d'abord que, quels que soient les noms de ces individus, ils étoient nécessairement détenus et prévenus de quelques délit; on a préféré accuser par supposition plutôt que de vérifier les délits dont ils pouvoient être prévenus. Eh bien, sans connoître les noms de ces deux citoyens ni les délits pour lesquels ils étoient détenus et ont été mis en jugement, je défie que l'on trouve dans tous les actes d'accusation rédigés pendant le cours de mes fonctions aucun individu accusé et mis en jugement pour un délit de cette espèce. Je dénie donc formellement le fait, qui ne doit son existence qu'à la haine et à la passion la plus prononcée. 11° On m'accuse d'avoir, de mon autorité privée, mis
en jugement, et cumulativement avec l'Admiral, la fille Renaud, Sombreuil père et fils, Rohan-Rochefort et autres individus que l'on prétend n'avoir eu aucun rapport ensemble, notamment d'avoir mis en jugement de nouveau Ozanne, ex-officier de paix. C'est en oub]iant et en méconnoissant les loix mêmes que l'on trouve le moyen de me créer des crimes. Je n'ai point, de mon autorité privée, mis en jugement, cumulativement avec un grand nombre d'autres, t'Admirai et la fille Renaud. En agissant ainsi, j'ai obéi à la loi et en .voici la preuve. Un rapport a été fait le 26 prairial à la Convention, au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale, par Elie Lacoste, sur la faclion de l'étranger dont le ci-devant baron de Batz est indiqué comme chef, à la suite duquel rapport la Convention a rendu le décret suivan:
« /.a .CownnoM nationale, c~'M avoir e~/en~M M~ory de ses comt~ de ~a~Mt~M~~tc el de ~M~e/e ~M~~a~e c!eo'é<e
At)T. 1°' Le ~M)K!< ~f!)0/M<iOHn6!e ;M~e)'a sans délai, conjointement avec /'A~M~,< et la fille 7~MSM~ assassins des ~r<<MH<aMs du ~et~/e, /~MM<?/, Cardinal, Cortez, ~t'!M., Z)et)a!Ma;, S6C!-e<at)-e ~e /~< /e)n!Mc 6't'aH~maM'OM, Sombreuil ~e et ~s, 7~/<aM-~oe/tc/b)-<. 'Zat)6t~OH<«toreMcy, le ci-devant comte de /ox~ la /'cmMte So.n;A)M?-aH<Ae, sa fille et ~OH O~aHHp, e;r-o/t'cM<'o!e p~ 7~/iaM S<-J/a.M?-tce, ~'a~/mo et autres, ait Hom&re de soixante, ~M~ p~tx'~tM d'e~'e co?~plices de Batz, ou de la coM~MM/toM de rF<MH(/e?-. e< d'avoir voulu par l'assassinat, la /t)~, /'M~-O~MC<!OH de faux assignats, la dépravation de la !)t0)'f)<t<d et de <'e~p!-t< pM<'Hc, SOM/C)~MtM< des pt'<0)M, /'nM-e éclater l' la guerre civile, dissoudre la )-e~-cM~:o)! ~N/toxa/e ou toute autre domination tyrannique.
]t a.va.it été p)'cÉdemment acquitté le 18 nivôse tin Il (7 janvier 1794) mais détenu par mesure de sùretë générale.
ART. II. Za Convention nationale charge l'accu-sa<eMr pM~He près le Tribunal TPeuoi'MttOKH~tre de recher.cher tous les complices de la co)Mp!a<tOK de Batz ou de rF~'aH~er, <~Mt poMn'OMM~ e<t'e tHMem~nes dans les maisons d'arrêt de Paris ou sur les différens pom<s de la République. »,
Voilà le décret en vertu duquel j'ai mis en jugement, avec l'Admiral et la HUe Renaud, Sombreuil père et fils, Ozanne et autres; mise en jugement que l'on m'impute cependant à crime dans mon acte d'accusation, et que le témoin entendu lors de ma comparution au tribunal le 28 Frimaire m'a également reproché. Depuis quand eston criminel pour avoir exécuté les loix? Cette accusation est une violation de la loix même, et la déposition du témoin sur ce point est un véritable délit, car, commisgreffier au Tribunal, il n'a pas dû ignorer cette loi. Cette déposition prouve la rage et la passion de son auteur. Ozanne avoit été condamné à deux années de détention pour avoir laissé évader Julien, de Toulouse il n'a point été jugé de nouveau pour le même fait, mais comme complice de la conspiration et de la faction de l'Etranger, dont l'époque, suivant le rapport, remonte au mois de juillet 1793 (vieux style); j'ai eu la plus grande attention de ne comprendre dans la mise en jugement que ceux indi~qués dans ce rapport. J'ai donc en cela rempli le devoir rigoureux que m'imposoient mes fonctions j'ai été l'organe de la loi, rien de plus
12° L'on persiste à m'accuser d'avoir été de complicité avec Robespierre, St.-Just, Couthon, Dumas, le maire de Paris Fleuriot, l'agent national Payan, Coffinhal, Deschamps et autres conjurés. J'ai été d'autant plus surpris de voir reproduire ce chef d'accusation, que j'en ai démontré toute la fausseté pag. 5, 6, 7, 8, 9,10 et 11 de mon mémoire imprimé je m'en réfère donc à ce que j'ai dit à cet égard. Je crois devoir rappeller succintement,les faits sui
vans. Je suis resté constamment à mon poste dans la nuit du 9 thermidor jusqu'à minuit et demi; alors je me suis rendu aux Comités de Salut public et de Sûreté générale réunis. Je suis rentré sur les trois heures du matin. J'ai été le 10 au matin à la Convention et ai requis moi-môme, ce jour-là l'application de la loi contre Robespierre, St.-Just, Couton, Dumas, Payan, Hanriot, Lavalette, Vivier, Gobaut et quelques municipaux. Je n'ai eu aucune connoissance ni de la faction ni du triumvirat, personne ne tn'en a jamais fait la moindre ouverture. Je n'ai ni trempé ni participé en façon quelconque à la rebellion de la Commune. Est-il une preuve plus puissante et plus parlante que je n'ai jamais été le complice de tous ces conjurés? Si on ajoute à tous ces faits un autre fait non moins constant, que le 9 th'ermidor et, plus de 2 mois avant, je n'ai pas été aux Jacobins, et que, par conséquent, je n'ai été ni l'auditeur, ni l'approbateur des diatribes et déclamations de Robespierre, Couthon, Dumas et autres; si on réfléchit que le maire de Paris, Dumas, Coffinhal et Vivier, tous morts complices de Robespierre, ont été successivement vice-présidents des Jacobins dans ces derniers temps et si on réfléchit encore que je n'ai jamais assisté à aucun de ces conciliabules que tenoient les conjurés, soit à Paris, soit ailleurs; que tous les jours et toutes les nuits j'étois à mon poste et n'ai jamais été à Mousseaux, Issy et Créteil et autres lieux où on prétend que les conjurés se rendoient et si on réfléchit enfin que les anciens membres des comités de gouvernement, avancent eux-mêmes, page 15 de leur défense générale, qu'il est notoire que les présidents du Tribunal Révolutionnaire, Dumas et Coffinhal, étaient tous les matins à se concerter dans h maison do Robespierre, et que là ces scélérats faisoient leurs listes et concertoient secrètement les mesures qui tendoient à transformer les décrets de la justice nationale en proscriptions arbitraires, ne résulte-t-il pas évidom-
ment de toutes ces circonstances réunies, que la complicité que l'on me suppose avec tous ces conjurés est idéate et chimérique? Et dans le fait, je n'ai été informé de cette conjuration qu'au moment/Où elle a été découverte dans la Conven.tion.
Vainement et malignement m'objecte-t-on que je n'ai pas requis l'application de ta loi contre le maire de Paris Fleuriot, et en tire-t-on l'induction que je voulois le favo.jiser. L'objection et l'induction sont aussi misérables l'une que l'autre. Voici la cause qui m'a empêché de la requérir. Un décret portoit que Fleuriot seroit exécuté dans ce jour avec les Robespierre, Payan, Hanriot, Lavalette et Dumas; Fleuriot et Robespierre je n'étoient pas à la conciergerie lors de la première audience, et on ne les avoit pas trouvés dans les autres prisons on vint m'avertir qu'ils étoient au comité de Sureté générate. A l'instant j'ai écrit au Comité, et j'ai. chargé de ma lettre Hêtre, Brigadier, Huchon et autres gendarmes, avec recommandation de ne pas perdre de temps. Peu après ont été amenés d'autres municipaux mis hors la loi, et Robespierre je, directement apporté au Tribunaf sur un 'rancard.
L'audience a recommencé. Liendon, mon substitut, a siégé et a requis l'application de la loi contre ces municipaux, Robespierre jeune et Fleuriot, qui a été amené directement au tribunal dans cette intervalle. Voilà les .faits dans l'exacte vérité; ainsi, il n'y a aucune conséquence, aucune induction défavorable à tirer de cette conduite naturelle et qu'un autre a ma place auroit tenue.
S'il étoit besoin d'une nouvelle preuve pour prouver que l'accusalion en complicité avec Robespierre et autres conjurés est destituée de toute espèce de fondement, j'opposerois le rapport même des anciens Comités de gouvernement fait par Barrère à la Convention le li thermidor.
Voici de quelle manière il s'explique sur le Tribunal Révolutionnaire:
« /M.<ii'M que Mssem&~ee nationale ~emo?~HOt< ses ~~<es sollicitudes SM?' <M /!o??t??M.! qui ont <~e jettés dans le 7)':&MHa< /~co/M<MMH<:M'~ pour servir ~M vues pe~M, les deux Comités !'<'M?!M~'et)MO!'en< sa constitution, épuroient ses membres e< c/:et'c/<oten< à ~onne?' ~!<'j' bons ct<û!/e)M /<7 caution que la ~M.s<t<'e assure à la liber té civile, et les )Ko~en.e~t<tMef!o!e~e/!?Hse que /a~MO/!</ton ~ot<~at'a!!<:r aux bons ct/oye~s.e viens présenter à votre )!omtHa<MM les juges et /e~ /M)-~ qui nous ont paru mériter la COHfiance de la C'OHDen~oK je pt'opoM /'oM)' accusateur pMAHc,0)«y'<Mf.H »
Or, je le demande à tout être sensé et impartia), si les comités n'avoient pas eu l'intime conviction, résultante de ma manière de me conduire dans ces mêmes comités, que je n'avois trempé en façon quelconque dans cette conspiration et dans la rébellion de la commune. Si je n'avois pas agi conformément à leur vœu, si ces mêmes comités n'avoient pas approuvé les jugemens rendus chaque jour et les opérations du tribunal, dont je leur ai toujours rendu un compte exact tous les soirs, m'auroientils, après l'épuration annoncé, proposé' pour être accusateur public? Je ne vois pas que cet argument soit susceptibtederépHque.
Voici un autre fait qui prouve de plus en plus que je n'avois aucune connoissance du complot de ces conjurés, etquej'étois loin de partager leurs opinions et leurs passions et de les seconder. Dans le 'milieu de messidor environ, j'ai été mandé au Comité de salut public vers deux heures de relevée. Rendu dans le lieu des délibérations, Couthon, lors présent, m'a demandé publiquement pourquoi je ne mottois pas en jugement le général Kellerman? Je lui ai répondu que, s'agissant d'opérations militaires, il étoit nécessaire que tous les députés en mission qui avoient été témoins fussent entendus; il ne m'en dit pas
davantage, mais transporté dans sa chaise à porteur' au bas de l'escalier, il me fit appeller du comité où j'étois resté par l'un des porteurs. Descendu, il me dit « Il est très essentiel que vous le fassiez juger promptement, et surtout avant le retour de Dubois-Crancé, qui doit être prochain. » Je lui répondis que cela étoit fort difficile; qu'au reste, je ferois le possible. Mais n'ayant pas oublié la querelle qui avoit eu lieu entre Dubois-Crancé et Couton, je n'ai pas eu de peine à m'appercevoir que la haine et la passion étoient le mobile des pressantes soliicitations de Couthon; aussi, quoique Dumas m'ait harcelé depuis pour accélérer la mise en jugement de Kellerman, je m'en suis bien gardé; et Kellerman a été jugé depuis le 9 thermidor, et son jugement a triomphé comme je l'avois toujours cru et comme je m'en étois expliqué lors de l'examen de mes papiers, au citoyen Gauthier, l'un des commissaires. J'en ai usé do même vis à vis des Nantois et autres prévenus, quand je me suis appercu que la haine et la passion étoient le mobile de l'accusation. Ainsi, s~us tous les rapports, il reste démontré que toute présomption et toute idée de complicité avec Robespierre ~t autres conjurés disparoît. On m'accuse, par suite de cette prétendue complicité, d'avoir cherché à introduire la guerre civile et à dissoudre la représentation nationale et d'avoir eu des correspondances contraires à la sécurité publique. Il faut convenir qu'il y a eu une fatalité bien inconcevable dans la rédaction des chefs d'accusation dirigée contre moi, c'est qu'aucun n'est précisé ni circonstancié. Sur quelle base'reposent donc des chefs d'accusation aussi graves ? C'est ce que l'on cherche vainement. Est-ce pour avoir mis en jugement plus ou moins d'individus prévenus de délits contre-révolutionnaires que j'ai tenté d'introduire la guerre civille ? J'ai déjà démontré 1. Couthon était paralytique. Son fauteuil roulant fait partie aujourd'hui des collections du musée Carnavalet.
qu'en agissant ainsi je m'étois conformé à la loi révolutionnaire et au vœu des comités de gouvernement; quels moyens ai-je donc employés? Quant à la dissolution de la représentation nationale, par où et commentai-je cherché à la dissoudre? Est-ce en exécutant ses décrets, car personne n'a jamais eu plus de respect pour la Convention et ses décrets? M'a-t-on jamais entendu faire des motions incendiaires, soit dans les sociétés populaires, soit t ailleurs, avant et pendant tout le temps que j'ai été fonctionnaire public? 2
Quant aux prétendues correspondances qui me sont imputées, où sont les pièces qui établissent ces prétendues correspondances ? Où en existe-t-il la plus légère trace ? Avec qui ai-je eu ces correspondances ? C'est ce que l'on n'indique pas, et je certifie que l'on ne pourra ni indiquer ni représenter, car dans aucun temps je n'ai centretenu de correspondances contraires à l'ordre public et à la sûreté du peuple français. Tant que j'ai été fonctionnaire public, je n'ai jamais écrit que pour objets relatifs à mes fonctions; aussi je porte le défi le plus formel de justifier par aucune pièce aucun de ces infâmes chefs d'accusation.
13° On m'accuse d'avoir supposé que Danton, Lacroix et autres accusés étoient en rébellion ouverte, pour surprendre le décret du 15 germinal qui autorisoit le président à mettre les accusés hors des débats. Quand le rédacteur de ce chef d'accusation se serait concerté avec Billaud, il aurait été difficile do se mieux accorder. En effet, sur l'inculpation de Lecointre portée on l'article 13 de sa dénonciation, que le Comité de salut public en a imposé a la Convention parce que Saint-Just a annoncé, dans son rapport que les accusés~ Danton, Lacroix et autres étoient en révolte, Billaud, dans sa défense, p. 69, syncopant et forçant le sens de ma lettre du 15 germinal écrite au Comité à ce sujet, qu'il ne peut rejetter comme pièce illégale et inadmissible; en l'analy-
sant à sa manière, Èiltaud, dis-je, objecte s'il n'y avoit pas de révolte, qu'est ce qui pouvoit motiver cette demande d'un décret précédé de ces mots « Un or~e horrible gronde, des voix effroyables rge~aMen~; est impossible de vous retracer l'agitation des espr:~? Mais, Billaud, tu sais fort bien que syncoper une pièce n'est pas y répondre. Pourquoi donc, analysant cette lettre, à ta manière, oublies-tu de retracer le motif réel qui y a donné lieu ? Pourquoi ne présentes-tu que des phrases détachées et non l'ensemble?
Mais ces expressions « Un orage horrible ~OH~e, H s'expliquent par les suivantes « des voix e~'ot/a~es RÉCLAMANT LA COMPARUTION ET L'AUDITION DE SEIZE DÉPUTÉS indiqués MomtMa<~e<H6M< dans cette lettre, ET ms ACcusÉs EN APPELLENT AU PEUPLE ENTIER DU REFUS QUI LEUR EN SEROIT r'AiT. » Peut-il rester d'après ces dernières paroles aucun doute sur le sens de celles qui précèdent? N'en résulte-t-il pas que les accusés étoient au désespoir si L'AUDITION ET LA COMPARUTION DES SEIXË DÉPUTÉS QU'ILS RÉCLAMOIENT LEUR ÉTAIENT REFUSÉES puisque, par ces autres expressions « ils en appellent au paMp~e entier du refus qui leur en seroit fait, » était-il possible d'indiquer au Comité la cause réelle do ces cris, et ses effets d'une manière plus sensible? Je ne le présume pas. Ai-je, à l'instar de Vadier, avancé que ces accusés étoient. en révolte et en rébellion ouverte? Ai-je avancé qu'ils avoient insulté les juges et les jurés, qu'ils leur avoientjeté des boulettes? Non, et pourquoi? C'est que, quoique siégeant,. je n'ai été témoin ni d'injures ni de boulettes jettées aux juges et aux jurés. J'ai demandé un décret, et le motif existe dans cette même lettre '< IL Es'r INSTANT QUE VOUS VEUILLIEZ BIEN NOUS INDIQUER NOTRE RÈGLE DE CONDUITE, ET LE SEUL MOYEN SEROIT UN DÉCRET A CE NOUS PREVOYONS, » J'en ai développé les motifs dans mon mémoire imprimé, page 4 et 5. En effet, en demandant un décret, n'étoit-ce pas mettre la Convention dans
le cas de suspendre ce procès, ou de décréter la comparution et l'audition des députés conformément aux réclamations des accusés. C'est vraisemblablement ce qui seroit arrivé si ma lettre eut été lue la Convention auroit reconnu alors le motif réel de la demande du décret: non seulement ma lettre n'a pas été lue, mais le rapporteur du Comité, St.-Just, a présenté ces accusés en révolte et en rébellion ouverte contre le tribunal, tandis que ma lettre ne parle ni do révolte, ni de rébettion et ce même rapporteur a gardé le plus profond silence sur le motif réel des cris et des réclamations des accusés il n'a pas dit un mot que leurs réclamations avoient pour objet l'audition et la comparution au tribunal de seize députés, et qu'ils en appeloient au peuple entier du refus qui leur en seroit fait. Pourquoi cette retenue coupable? C'est que St.-Just ne vouloit pas sans doute que la Convention fut informée du motif réel des réclamations de ces accusés, et que les seite députas fussent entendus. Tu étois présent cependant, Billaud, à ce rapport inexact et infidet* pourquoi n'as-tu pas demandé la lecture de ma lettre ? Pourquoi n'as-tu pas observé que St.-Just passoit sous silence la partie essentielle et principale du motif de cette lettre? Pourquoi, au lieu de demander la lecture de ma lettre, t'es-tu contenté de demander la lecture de la dénonciation de Laflotte et de la lettre d'envoi de l'administration de police 1 Tu réponds, page 71 de ta défense, que c'est que les faits consignés dans la lettre de l'administration de police rendant plus inquiétant encore l'orage horrible annoncé par l'accusateur pubtic, il t'a paru nécessaire" de faire connoitre cette lettre à l'Assemblée. Comment, Billaud, as-tu pu présenter pareille excuse? Quand j'ai écrit ma lettre, je n'avois aucune connoissance de la dénonciation de Laftotte, ni de la lettre de l'administration de police,
l.Stc dans la brochure originale,?..44.
adressées directement aux comités de gouvernement. Je ne peux trop le répéter, ma lettre ne parle nullement de révolte ni de rébeUion. Elle ne parle que de la réclamation des accusés de faire entendre seize députés. Elle n'avoit donc rien de commun avec la dénonciation de Laflotte, annonçant le projet formé au Luxembourg de sauver à main armée les accusés. Dans tous les cas, qui t'empêchoit de demander la lecture de ces pièces' Tu le devois, ainsi que St.-Just; c'étoit l'unique moyen d'éclairer la Convention.
On m'objectera peut-être qu'au lieu d'écrire aux comités, j'aurois dû faire citer les députés indiqués et dont la comparution et l'audition étoient réclamées par les accusés je réponds qu'aucune loi à cette époque comme aujourd'hui, n'autorisoit l'accusateur à citer les témoins à décharge. Les accusés avoient cette faculté. Je dois révéler ici le secret que Billaud s'obstine à garder, c'est que la veille de la mise en jugement de Danton, Lacroix et autres, le Comité, présumant bien que les accusés ne manqueroient pas d'appeller comme témoins différens députés, m'observèrent que tous les députés étoient censés avoir. concouru au. décret d'accusation rendu contre eux, il étoit souverainement déplacé et ridicule d'appeller en déclaration des députés qui avoient rempli les fonctious de grand jury, et que l'intention du Comité étoit que je ne déférasse à aucune proposition de ce genre. Je répliquai que n'y ayant aucune loi qui consacra cette maxime, je ne pouvois la mettre en pratique qu'autant que le Comité, réunissant la plénitude des pouvoirs, y suppléeroit par un arrêté; sinon que je lui ferois part des réclamations de ce genre qui pourroient être faites par les accusés, et que le tribunal suspendroit les débats jusqu'à ce qu'on lui eût notifié une décision du Comité ou un décret. J'ai constamment suivi cette marche; les accusés ont réclamé la comparution et l'audition de seize députés, j'en ai informé le Comité et le Tribunal a
suspendu les débats. Billaud me demandera sans doute où est l'arrêté qui prouve cette assertion? La réponse est déjà faite; le comité s'est bien gardé d'en prendre le fait n'en est pas moins vrai, la conduite tenue par SaintJust à l'occasion de ma lettre, sa réticence sur le motif de cette lettre, ne permettent pas d'en douter. Billaud me demandera peut-être aussi quel est l'auteur de cette proposition. J'ai promis la vérité, je vais la dire. Cette proposition a été faite par Robespierre dans le lieu même des délibérations du Comité, en présence de Billaud, St.-Just et d'autres membres; il n'a rien été répliqué par ceux des membres présens. C'est ainsi que dans cette circonstance comme dans beaucoup d'autres, j'ai eu à lutter seul contre le dominateur Robespierre dans le sein même du Comité. La discussion à laquelle je viens de me livrer répond suffisamment à ce chef d'accusation. Il résulte de ces différons développemens que je n'ai point supposé de rébellion dans l'affaire de Danton et autres peur obtenir le décret en question, et que s'il y a des manœuvres pratiquées à cet égard, elles ne sont pas de mon fait; il en résulte encore que j'ai employé tous les moyens qui étoient en mon pouvoir pour éclairer. la Convention sur la véritable position des accusés et sur leurs réclamations. De là la conséquence que ma conduite est à l'abri de tout reproche.
14° On m'accuse d'avoir mis en jugement des individus le jour même de la notification de leur accusation et sans avoir, par conséquent, observé les formalités prescrites. Si on avoit réfléchi que la marche d'un tribunal révolutionnaire n'est pas assujettie aux mêmes formes que celles prescrites pour les tribunaux criminels ordinaires, si on avoit consulté la loi du 17 août n92 et celles des mois de mars et avril 1793, relatives aux troubles et émeutes apportés à l'ordre public, et celle du 22 prairial portant, article 20 « que la Convention déroge à toutes les dispositions des lois qui ne concorderoient pas avec le
présent décret, et, m'eM<eK<i! pas que ~'M lois concernant l'organisation des tribunaux ordinaires s' apl,liqueront aux crimes de contre-révolution e< à l'action du tribunal »; il est probable qu'on n'auroit pas hazardé cette accusation. Des complices des principaux accusés déjà mis en débats, des individus prévenus de faux témoignages et des individus prévenus d'avoir crié Vive le Roi! dans l'audience et à la porte du tribunal, et avoir par ce cri contre-révolutionnaire occasionné un trouble du repos public, ont été jugés de cette manière seulement; les jugemens ont été approuvés par les comités de gouvernement et par décret de la Convention rendu sur la motion de Voulland. Ainsi, cette accusation irréfléchie est destituée de fondement. d5° Enfin on m'accuse d'avoir cherché à rétablir la royauté. Je n'ai pu m'empêcher de frissonner d'horreur à la lecture de ce chef d'accusation, et je me suis dit Il suffit donc d'être une fois arrêté pour qu'on accumule sur votre tête tous les faits même les plus invraisemblables. Quels sont les faits? Quelles sont les pièces qui ont autorisé une accusation aussi grave, et qui eut pu même donner lieu au plus léger soupçon à cet égard? C'est encore ce que l'on n'indique pas, et ce que l'on est dans l'impossibilité d'indiquer. Comment! moi qui avant la Révolution même ai constamment été l'ennemi de tout despotisme; moi qui, à la naissance de la Révolution et depuis, n'ai cessé de professer les principes purs de la liberté et de l'égalité sans intérêt comme sans ambition, sinon celle du bien public; comment, moi qui ai accepté avec courage les fonctions de directeur du jury d'accusation au tribunal du -H août 1792, à l'époque où les tyrans coalisés souilloient le sol libre de la France par l'effet des trahisons multipliées; moi qui, en cette qualité, ai suivi l'instruction et dressé l'acte d'accusation du contrerévolutionnaire Cazot', complice de Laporte et autres 1. Lisez Cazotte.
grands conspirateurs; comment, moi qui ai accepte avec le même dévouement le poste péritteux d'accusateur public au tribunal révolutionnaire dans un temps où les contrerévolutionnaires et-les partisans de Capet trahissoient dans l'intérieur et à la tête des armées; moi qui, sans acception de personnes, ai provoqué le jugement de tous les grands conspirateurs, des Blanchelande, des Duchatelet, des Hébert et Ronsin et leurs complices, des généraux traîtres Custine et Houchard, de d'Orléans, chef de toutes les factions. Comment, moi qui, en un mot, ai rédigé l'acte d'accusation et provoqué le jugement d'Elisabeth et de Marie-Antoinette, sœur et femme du dernier tyran couronné, les auteurs de tous les massacres des patriotes qui ont eu lieu dans tous les points de la République et aux armées, je suis accusé d'avoir voulu rétahtir la royauté, moi qui, sur le territoire étranger serois exposé à toutes les tortures et à toutes les barbaries que pourroit inventer le courroux de la tyrannie! Quelle manœuvre, au reste, ai-je donc employée pour mériter une semblable accusation? Quel moyen avois-je en ma possession? Pourquoi et en faveur de qui aurois-je cherché à rétablir la royauté? Je crois donc devoir me borner à opposer à une accusation aussi étrange, aussi extraordinaire, ma dénégation formelle et ma conduite contraire et soutenue depuis la Révolution, et ma déclaration que, né le cœur libre, quoi qu'il arrive, je mo"ai libre. On m'a imputé, lors de ma comparution au tribunal, le. 28 frimaire, d'avoir fait exécuter d.:s femmes condamnées nonobstant leur déclaration de grossesse ce fait est faux. Toutes les fois que les femmes condamnées se sont déclarées enceintes, il a été sursis à l'exécution de leur jugement; et pour preuve, c'est qu'à l'époque du 9 thermidor, il y avait à l'hospice national les citoyennes Chamberan', femme Blamont, Thomas, veuve Seritty, 1. Lisez Chamboran.
Maure, La Pulye, Saint-Ernc', Malicornet, Béranger, femme du ci-devant duc de Saint-Aignant, toutes sept condamnées à la peine de mort et non exécutées d'après leurs déclarations de grossesse. Cependant il est notoire que plusieurs d'entr'elles ne l'étoient pas; mais aussitôt qu'il y avoit une déclaration de grossesse, l'état de la condamnée étoit constaté par une matrone et des officiers de santé, et jamais il n'a été procédé à l'exécution d'aucune femme ainsi condamnée et annoncée enceinte, qu'il n'y ait eu un rapport de matrone et d'officiers de santé, sur le vu duquel le tribunal sursoyoit ou ordonnoit l'exécution du jugement, selon ce que portoit le rapport. Ainsi cette imputation est aussi calomnieuse qu'atroce. Il est quelques autres faits qui me sont ou étrangers ou ils sont liés et confondus dans ceux déjà discutés, de manière qu'ils ne sont pas susceptibles d'une discussion plus étendue d'ailleurs, ils sont pour la plupart !<j résultat de propos supposés, mal compris ou malignement interprétés par des agens lâches et complaisans, pour qui l'ingratitude', la bassesse et l'intérêt sont un besoin, ~)u par des individus mus par le ressentiment et la passion. Aussi ai-je vu sans étonnement figurer au nombre de mes témoins des femmes, des frères, des soeurs et des parents des condamnés, comme si j'avois à justifier les motifs de l'impulsion, de la conscience des jurés. C'est ainsi qu'en accumulant sur ma tête toutes les fonctions de président, de juge, de greffier et de juré, on y amoncelle toutes les erreurs qui ont pu se commettre, et on les travestit même on crimes toutes à mon' égard, quoi qu'il soit démontré qu'elles ne sont ni ne peuvent être de mon fait; mais les lumières et la sagacité des jurés me garantissent à l'avance qu'ils sauront apprécier toutes ces intrigues et ces manoeuvres ténébreuses, et qu'ils n'oublieront pas cette vérité, qu'un accusateur public est tenu 1. Lisez.: Saint-Pera.
par la loi d'accuser, mais qu'aux jurés seuls appartient de déclarer les faits constans ou non constans; aux juges d'appliquer la peine et aux grel'fiers de rédiger les jugemens, et que l'accusateur public n'est responsable des négligences ou des délits des uns ni des autres. Je passe maintenant à l'examen et à la discussion de quelques faits consignés dans la défense des anciens membres des comités de gouvernement et dans celle particulière de Billaud, que j'avois omis dans le cours de ce mémoire et sur lesquels ma justification ne me permet pas'de garder le silence.
D'abord, il doit sans doute paroitre bien étrange que Billaud, p. 56 de sa défense, prétende que mon mémoire invoqué par Lecointre est une pièce qui ne peut être opposée aux anciens membres des comités, attendu que la Convention l'a déjà rejettée, et que d'ailleurs cette pièce est postérieure à mon arrestation. Qui a dit à Billaud que la Convention, dans sa séance du 13 fructidor, s'étoit déterminée à rejetter la dénonciation de Lecointre, parce que les faits énoncés en mon mémoire étoient in suffisans pour la motiver ? D'ailleurs, cette dénonciation n'étoit-elle pas appuyée, comme la nouvelle, sur des faits qui me sont complètement étrangers? Qui ne sait si la Convention n'a pas considéré qu'adopter cette dénoncia- tion c'étoit ouvertement faire le procès à tous les actes de la Révolution, à la Convention elle-même et à la République entière, comme l'ont observé plusieurs membres dans ses séances des 12 et 13 fructidor? Mais, quels que soient les motifs qui ont déterminé la Convention, il ne s'ensuit pas que ces faits avancés dans mon mémoire e ne soient pas exacts; il ne s'en suit pas non plus que parce que mon mémoire est postérieur à mon arrestation, il ne mérite aucune croyance ce seroit en effet un système bien bizarre et bien perfide de rejetter les 'éclaircissemens et les faits plausibles et palpables déclarés par un individu, par le seul motif qu'il est en état d'arrestation
alors il ne resteroit à un accusé d'autre ressource que de s'envelopper de son manteau et dire « happez, voilà la victime! » Où seroit donc la justice?
Au reste, comme je l'ai déjà déclaré p. 18 de mon mémoire imprimé, je n'ai entendu attaquer ni dénoncer par ce mémoire aucun des membres des anciens comités de gouvernement, parce que je n'ai jamais connu de faction ni de triumvirats dans ces comités, et que j'ai cru que tous leurs ordres et leurs arrêtés avoient pour objet le bien public.
C'est dans cette confiance intime que je les ai exécutés, d'autant mieux que, jusqu'au 9 thermidor, la Convention a non seulement approuvé, par différents décrets, les mesures arrêtées par les comités de Gouvernement; mais que dans la Convention ni dans aucune section de la République, il n'a été fait aucune réclamation jusqu'à cette époque contre les opérations et les jugemens nombreux rendus par le tribunal révolutionnaire. Et en citant les anciens comités de gouvernement et quelques membres, j'ai entendu me justifier et prouver qu'en tout j'avais exécuté leurs arrêtés et leurs ordres. conformément aux lois des 14 frimaires et 13 ventôse de l'an second, et que par une conséquence nécessaire je ne devois ni ne pouvois être recherché sur ce point.
Billaud, dans la séance de la Convention du 13 fructidor et dans sa défense, p. 56, a tronqué le passage de mon mémoire, p. Il, relatif aux réclamations par moi faites dans le Comité~ de Salut public avant l'odieuse loi du 22 prairial, et a confondu les faits, qu'il convient de rétablir.
Lorsque je me suis plaint au Comité de Salut public' de la réduction que j'avais ouï devoir être effectuée à neuf et à sept jurés, c'étoit le 19 prairial, et se trouvoient au Comité,/Billaud, Robespierre, Collot, Barrère et Carnot. A l'instant de ma réclamation, Robespierre, qui étoit debout et en.face de la cheminée, répliqua avec rage
qu'il n'y avoit que les aristocrates qui pouvoient parler ainsi; aucun des membres présens ne dit mot, ce qui m'a obligé de me retirer, et j'ai été de suite au Comité de Sûreté générale, à qui j'en ai rendu compte. H m'a été répondu que le Comité n'avoit aucune connoissance de ce travail. Le surlendemain 21, informé également par ce qu'en avoit dit Dumas, dans la chambre du conseil, que cette loi nouvelle alloit être portée, et que les interrogatoires, les déclarations par écrit et les défenseurs seroiont supprimés, je suis allé le soir au Comité de Salut public, où étoient présens Billaud, Collot, Barrère, Carnot et Prieur, je les ai informés de ce fait; ils m'ont répondu que cela regardoit Robespierre, chargé de ce travail, et ils ne m'en ont pas dit davantage. Alors, je suis allé au Comité de Sûreté générale. J'ai communiqué aux membres toute mon inquiétude sur cette nouvelle loi, ils m'ont répliqué qu'il n'étoit pas possible qu'une pareille loi fût proposée; cependant, le lendemain 22, elle a ,été portée. Voilà les faits exacts et tels qu'ils se sont passés dans les deux comités; le silence gardé par les anciens membres du Comité de Salut public lors de ma première représentation relative à la réductton des jurés, à laquelle Robespierre présent a seul répondu. Leur réplique à ma seconde, relative à la suppression des interrogatoires, des décjarations et des défenseurs aux accusés. Que leur conduite dans ces deux cas soit une preuve, comme l'avance Billaud même, p. 56, que toute cette portion du Comité étoit constante dans la résolution de ne point participer aux projets nalionicides du tyran, j'y consens; maifj'ignorois à quel point en étoient les membres de ce comité avec Robespierre, Saint-Just et Couthon, et je n'avois aucune preuve ou connoissance des méfiances qui pouvoient régner à cette époque et depuis, ni des différences d'opinions qui pouvoient exister entr'eux. Je n'ai jamais été. témoin d'aucun fait qui pût m'en faire appercevoir mais il n'en reste pas moins certain que j'ai réctamé
devant les comités de gouvernement contre cette horrible loi, avant son existence même
Depuis, je n'ai encore cessé de réclamer contre les inconvéniens multipliés et funestes que je m'appercevois chaque jour résulter de cette loi; il m'avait même été promis au Comité de Sûreté générale que sous peu il proposeroit la réformation de quelques articles de cette loi, mais que le moment n'étoit pas encore opportun. Ainsi, ce n'est pas ma faute si cette loi n'a pas été réformée; avant comme depuis, je n'ai cessé de réclamer devant les comités de gouvernement, seules autorités auxquelles je devois et pouvois m'adresser.
Sur l'imputation faite par Lecointre dans sa dénonciation aux membres des anciens comités, relativement à Pache et à Hanriot, Billaud se récrie de ce que, pour justifier qu'un ordre a été intimé à l'accusateur public, Lecointre présente une déclaration de Fouquier. Que Billaud ait donc de la mémoire, qu'il se rappelle et convienne que tous les ordres qui ont été donnés à l'accusateur public par l'ancien Comité de Salut public n'ont pas été donnés par écrit; qu'il convienne donc qu'il n'y a point eu de mandat d'arrèt'Iancè contre Pache que c'est une erreur de la part de Lecointre d'avoir avancé ce fait. Que Billaud se rappelle que j'ai communiqué au Comité l'indice qui existoit contre Pache dans l'instruction du procès d'Hébert, Ronsin et consors, lequel étoit que Pache, sous la qualification de grand juge, devoit jouer un rôle dans cette faction; qu'il se rappelle qu'il a été verbalement arrêté au Comité qu'il ne falloit pas parler de Pache, attendu sa qualité de premier magistrat du peuple qu'il se rappelle donc que Dumas, président, n'a été que trop exact à empêcher qu'on ne parlât de Pache dans le cours des débats du procès d'Hébert et consors, puisqu'it a fait son éloge publiquement a l'audience et aux Jacobins; que 1. Voir a, l'Appendice le texte de la loi du 22 prairial.
t'étoge fait aux Jacobins a paru déplacé au Comité, qu'it a intimé l'ordre à Dumas de le supprimer de son dia~ cours mais il existe une trace de celui prononcé à l'audience, dans l'imprimé intitulé Procès ~e&eW et coM.so's, p. 136. « Dumas s'adressant aux accusés « Ils parlent, dit-il, <~e la <)'6t!He perfide qui MM«ot< le nom de Pache en avant, par un moti f dont on doit sentir toute la MOM'ceMr et toute l'alrocilé, ainsi que du projet d'assasStHf)' Ilanriot, que l'on ne ea~CM/O~ pas pouvoir ~ag't!e! » Ainsi cet étogo fastidieux est prononcé à dessein et avec affectation par le président Dumas son opiniâtreté connue à écarter les témoins qui pouvaient parler d'Hanriot, dans l'affaire d'Hébert et consors, et son opiniâtreté pareillement & écarter l'audition de Pache dans l'affaire de Chaumette toutes ces circonstances réunies ne prouvent-elles pas que Dumas n'a que trop bien exécuté la décision du Comité relative à Pache et à Hanriot et consorts ? Cette décision ne peut donc plus faire ta matière d'un doute, et s'il en restoit, j'opposerois Billaud à luimême. En effet, ne l'a-t-on pas entendu, dans la séance du 9 thermidor, reprocher à Robespierre d'avoir empêché l'effet de la dénonciation faite par le tribunal révolutionnaire contre Hanriot et consors dans l'affaire d'Hébert ? Ne le voit-on pas, page 68 de sa défense, soutenir qu'on doit voir maintenant qui les a d'abord arrachés (Hanriotlet consors) quand surtout c'est Dumas, principal agent de Robespierre, qui a écarté les témoins de son autorité privée, et quand on sait que la discussion dont parle Fouquier est d'une époque où la simple volonté du dicta~teur étoit devenue un ordre impératif? Il reste donc avoué que j'ai communiqué au Comité de Salut public l'indice qui existoit contre Pache dans l'instruction du procès d'Hébert et consors; qu'une dénonciation do complicité avec Hébert, Ronsin et autres, y a été faite par le tribunal révolutionnaire contre Hanriot et consors au Comité de Salut public et posée sur tu bureau, et que le Comité a
arrête qu'il n'y fallait donner aucune suite n'importe par quelle influence cette décision a été prise au Comité, elle ne l'aura pas moins été et exécutée; cela me suffit et opère mon entière décharge à cet égard.
Page 76, Billaud s'écrie encore Co?HmeK< /'oM~MMt'y'tHU!MepeM<7 dire </M'~ a ec)'t<aM CoMt<e~)OMf lui faire des ~'<?C~eM<a<OK~ A't~' la mise 6M JM~~MK~ des cent Ci!H(jtMNH~e neu f prisonniers du Z.M.rem&OMry, quand et son acte d'accusation contre eM.c, et fMAa/~aM~ dressé au tri&MHa< à l'insçu des comités, ~meH<en< formellement celle a~A/a/tû~? Celle de ~t~e~Me décision portant que la mise en jugement seroit e/~c/Mee en trois /bM est aussi fausse; c'est au Comité de Salut public même que l'on lit à ~'OMOMter-T'tHftMe~e "MM observations sur une manière de juger qui sembloit {f~M~/brmer justice 6H bouclceries (ce furent les propres termes dont on se MnM<), assura qu'il alloit faire o!6<)'Mtre rëc/M~aM~ que l'on avoit fait ~'ëM6/ et cela fut ~m. » Billaud, ne voulant pas sans doute reconnaître l'erreur par lui commise dans la séance du 13 fructidor sur ce point, y a persisté dans la défense générate il a ajouté, page 59, que le Comité m'avoit mandé et intimé défense d'exécuter à la fois cette mise en jugementsous peine de dénonciation àla Convention nationale. Billaud a confondu l'époque du 6 thermidor avéc celle du 18 messidor; de là la nécessité de rétablir les faits. Le président Dumas, en arrivant au tribunal le 18 messidor,'a annoncé que l'intention du Comité étoit que les' cent cinquante neuf prévenus de conspiration du Luxembourg fussent mis en jugement tous ensemble. En conséquence, il a ordonné de multiplier les gradins nécessaires à recevoir ces accusés: mais moi, trouvant cette mesure inconvenable, j'ai écrit le môme jour 18 au Comitp de Salut public vers une heure je l'ai informé de l'annonce de Dumas, et après différentes observations sur les inconvéniens qui pouvoient résulter d'une mise en jugement d'individus en si grand dombre, je l'invitois à me trans-
mettre ses intentions définitives je n'ai reçu aucune réponse et suis allé au Comité, suivant mon usage, le même jour, sur les dix heures. J'ai trouvé Barrère occupé avec plusieurs personnes dans la pièce qui précède celle des délibérations, et introduit dans cette dernière, y étoient Billaud, St-Just, Collot et Carnot, qui sortit presqu'ausitôt leur ayant demandé s'ils avoient délibéré sur ma lettre, ils m'ont répondu qu'ils ne l'avoient pas vue. Je leur en retraçai donc le contenu, en les invitant de me prescrire la marche qu'ils estimoient la plus convenable'en pareille occurence. St-Just vouloit qu'on les mit tous en jugement à la fuis, mais qu'on n'exécutât pas tous les condamnés ensemble. Sur ma réponse que cette mesure étoit inexécutable pour toutes sortes de raisons, et sur-tout attendu que la loi me prescrivoit do faire exécuter les condamnés dans les vingt-quatre heures, il fut définitivement arrêté que cette mise en jugement s'effectueroiten trois fois. les 19, 21 et 22, ainsi qu'elle a eu lieu. Cette décision a été verbale, comme celle relative à Pache, à Hanriot et consors et à beaucoup d'autres; elle n'en a pas moins été prise il n'y a qu'un défaut de mémoire ou une intention de me nuire qui aient pu déterminer les anciens membres du Comité à une pareille dénégation. Cette décision est tellement exacte, qu'en sortant du Comité j'en ai informé la Commission populaire, séante au Muséum', en l'invitant de me transmettre les pièces et renseignemens qu'elle pouvoit avoir concernant les prévenus, dont à cette fin je lui ai transmis la liste. Cette lettre, trouvée dans les archives de cette comCette section se tenait, en H9~, dans l'église Saint-~ermain-l'Auxerrois, et comprenait 2.000 citoyens actifs. Elle s'est appelée section ~K AdMf)'e, de 1190 a U92; McMott du Mt~uM,
de n93 & 1812; quartier du Louvre, en 1812, et n'a plus change
de nom, MOIITlJ\EII-TEIINAUX, IliSlOirC.dtl la Te?~?,eue, f1192~-119i),
de nom. les MoK'riMEM-TEKNAux, HM/ott'c f~e <<t7'e)'t'eM)'(1192.1794).
d'apt'M <M <J'oeMMe))<s aM<AcK~MM e< f<Mc«'e< tHfM~es, tome )!,
p. 420; Paris, 1662.
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mission, a été déposée au tribunal depuis l'instruction de mon procès. Certainement je n'ai pas créé cette pièce dans l'intention de m'en servir un jour, et personne n'y croira, sur-tout lorsqu'on saura que toutes les lettres adressées à cette commission étoient enregistrées au fur et a mesure de leur arrivée et date par date. Ainsi cette décision a existé telle que je l'ai annoncée et exécutée. Je n'ai point été mandé au Comité, ni menacé d'une dénonciation à la Convention jamais pareille menace ne m'a été faite c'est moi qui par ma lettre du matin et personnellement le soir, ai provoqué la d~cisiou du Comité sur cet objet. A quel propos alors, le Comité m'auroit-il menacé d'une dénonciation à la Convention ? puisque j'ai ponctuellement et formellement exécuté sa décision à cet égard comme sur tout le reste ? D'ailleurs, si je n'avois pas agi dans cette occurence comme dans toutes les autres conformément au vœu du gouvernement, il n'avoit pas besoin de me menacer de dénonciation à la Convention ils avoient le droit' de me destituer et d'ordonner mon arrestation, aux termes des lois des 14 frimaire et 23 ventôse. Cette réflexion, puisée dans la loi, confirme de plus en plus que j'ai toujours agi conformément au vœu dés comités de gouvernement. D'ailleurs, il me semble que si quelqu'un étoit à dénoncer à la Convention, c'étoit le président Dumas, qui, sans doute d'intelligence avec Robespierre et autres conjurés, s'étoit servi du nom du Comité pour me déterminer à la mise en jugement.cumulative des cent cinquante neuf individus dont [t<] s'âgit. Ma conduite sur cet article prouve encore que je n'avois rien de commun avec les conjurés Robespierre, Dumas et autres complices, qui au contraire, en cette occasion comme en beaucoup d'autres, ont cherché les moyens de me perdre.
Quant aux gradins et échau'auds, il n'en a été nullement question le 18 messidor, mais bien dans la nuit du 6 au 7 thermidor. En effet, cette même nuit, les deux Comités
réunis dans la salle des délibérations du fond, j'y ai été appelé, et Saint-Just m'a demandé qui avoit commandé ces gradins abattus alors j'ai répondu qu'ils avoient été établis de l'ordre de Dumas et d'après ce qu'il avoit rapporté le 18 messidor au matin au tribunal, que l'intention du Comité de Salut public était que l'on mit en jugement tous à la fois les cent cinquante neuf prévenus de conspiration de Luxembourg; qu'au surplus, ces gradins avoient été détruits aussi-tôt que le service du tribunal l'avoit permis.
Alors Amar me demanda qui avoit ordonné l'arrestation du dénonciateur de Roussetin et autres citoyens de Troyes, au nombre de dix-sept, jugés et acquittés en totalité le 2 thermidor? Je lui ai répondu que c'étoit Dumas qui avoit déterminé cette arrestation, que d'ailleurs les comités n'ignoroient pas la domination tyrannique qu'il exerçoit depuis quelque temps au tribunal, que je la leur avois dénoncée plusieurs fois, et que je ne pouvois être responsable de la tyrannie et de la cruauté connues de Dumas envers les accusés comme envers les témoins. Robespierre n'étoit pas présent, au moins je ne l'y ai pas vu.
A l'égard du reproche fait par Billaud que l'acte d'accusation étoit dressé contre les cent cinquante neuf, ce reproche n'est pas plus fondé, puisque le dressé de cet acte et l'établissement des gradins étoient la conséquence nécessaire du rapport fait le matin au tribunal par le président Dumas. Au surplus, il n'est pas inutile d'observer que sur cent cinquante-neuf prévenus, dix ont été acquittés. H reste bien démontré aujourd'hui que le président Dumas étoit le porteur des intentions particulières de Robespierre, son comptico, et non de celle du Comité, Au surplus, la décision du Comité a été ponctuettement exécutée les 19, 21, et 22, d'après les précautions et les mesures que j'ai heureusement prises, et il n'y a ni délits ni même de reproches à
m'opposer à cet égard, et si Billaud n'eut pas confondu les époques, il est à présumer qu'il ne m'auroit pas taxé d'imposture.
Billaud, dans la séance de la Convention du 13 fructidor, s'est écrié « Je mppe~e à la Convention que /~oMquier est coMueHM & barre que, quoi qu'il t)t~< tous les jours au Comité (<e Salut pu~'t'c, Me pa<~ot<yamaM <~M'a Robespierre. » Billaud s'est trompé en avançant cette assertion. S'il a eu l'intention de persuader que j'étois l'homme de Robespierre, il ment à sa conscience; car il sait que le despotisme de Robespierre m'étoit intolérable je le lui ai communiqué plusieurs fois et à beaucoup d'autres. Qu'on tise mon discours rapporté dans le n° 323 du ~/oH!<eM?'. On n'y trouvera pas le l'ait cité par Billaud, mais Seulement que les premières fois que j'ai été au Comité de Salut public, Robespierre m'a parlé seul au nom du Comité, dans la pièce qui précède celle dés délibérations, et qu'ensuite j'ai été introduit dans la salle même des délibérations, où je n'ai cessé d'a!!er jusques et compris le 8 thermidor. D'ailleurs Billaud est en contradiction avec ce qu'il a dit dans la séance du 12 fructidor, et ce qu'il a répété dans celle du 13, en convenant que d'après une scène très vive, qui eut lieu au Comité le 23 prairial, Robespierre s'étoit abstenu de venir au Comité, et avec ce qu'a dit Barrère dans la séance du 8 thermidor, en avançant qu'il y avoit au moins quatre décades que Robespierre ne se rendoit plus au Comité. Or il est certain que je n'ai cessé de me rendre tous les soirs au Comité dans la salle des délibérations. A qui parlois-je donc? Aux membres qui s'y trouvoient c'est il eux que je rendois compte; c'est d'après leurs ordres que j'agissois, et non d'-après ceux de Robespierre, qui n'y étoit pas, et chez lequel il est impossible de prouver que j'aHois. D'ailleurs, je réitère qu'avant l'époque de la retraite de Robespierre comme depuis, je n'ai exécuté que les décisions prises dans les Comités et par les membres
présens et non la volonté personnelle et isolée d'aucun membre. En vain Billaud a-t-il protendu que j'avois débité des mensonges contre les comités, et que pour récompense ma liberté devoit m'être accordée. Que Billaud sache que je n'ai jamais été ni lâche ni menteur. J'ai dit, il y a six mois, à la barre de la Convention, ce que je répète aujourd'hui et ce que je répéterai toute ma vie, la vérité; ma seule impulsion est ma conscience, cependant je suis encore dans les fers, en proie à toutes les horreurs de la calomnie je suis privé de toute consolation accordée aux détenus, selon que le prescrivent la justice et 'humanité, de voir ma femme et mes enfans, et je n'attends ma. liberté que de la justice et de la force de mon innocence.
On parle de lois désastreuses rendues relativement au tribunal révolutionnaire; on s'appesantit beaucoup sur l'odieuse loi du 22 prairial, sur les malheurs et les inconvéniens qui en sont résultés, et on semble même me les imputer. Cependant, comme je l'ai déjà observé, on ne m'a jamais entendu faire des motions ni pétitions tendantes à la provocation d'aucune de ces lois c'est un point de fait incontestable mais pour se reporter aux différentes époques difficiles et orageuses de la Révolution, sans chercher à examiner si la plupart de ces lois n'ont pas été nécessitées par ces momens de crise, sans rappeller et examiner toutes les dénonciations portées contre le tribunal révolutionnaire à différentes époques dans les sociétés populaires et dans les papiers publics, sur sa lenteur à juger les grands coupables, notammentt'ex-générat Custine, dans le cours des déba! ci quel le président et l'accusateur public ont été déf u.tf ù la la Convention et mandés à la barre au mome.'i où le tribunal s'occupoit de découvrir les véritables complices de Custine sans rappeler ici toutes- les pétitions faites à la Convention relativement à la marche du tribunal, mais seulement celle du 23 Brumaire de l'an second, dans
laquelle on )it (Voyez le MM?Hd!'o42l dit journal des ~&a< et des D~cre<s)
Nous vous demandons,
1° De maintenir l'égalité en livrant au tribunal révolutionnaire avec les grands coupables, tous leurs complices, et sur-tout de traiter plus sévèrement enccre les généraux et les représentans.
2° De maintenir dans toute leur rigueur les mesures révolutionnaires, et à cet effet, d'imprimer aux comités qui sont chargés de leur exécution, et surtout au Comité de sûreté générale, la plénitude des pouvoirs de confiance dont vous êtes investis, pour les préserver de toute résurrection du côté droit et de toute formation de parti. 3° De réprimer tout membre qui oseroit par la témérité de ses propositions, dégrader la liberté des opinions, diroit calomnieusemeut que le tribunal révolutionnaire prononce des boucheries, donneroit aux mécontens pour signal ces mots de convention que les journaux leur transmettent, qui relèvent leurs espérances et rappellent les persécutions sur les patriotes.
Pétition à laquelle le président a répondu qu'il remercioit les pétitionnaires sur l'activité de leur zèle et sur le républicanisme pur qui les animoit, et les a invités aux honneurs de la séance. Pétition et réponse qui ont été insérées avec mention honorable an bulletin/sans examiner si toutes ces mesures de rigueur n'étoientpas commandées par les circonstances critiques et orageuses où s'est trouvée à différentes époques la République, par l'effet des trahisons multipliées qu'elle a éprouvées. Il ne faut pas perdre de vue qu'à l'époque de la terrible loi du 22 prairial, de l'aveu de Lécointre, p. 3 et 54 de sa dénonciation imprimée, l'opinion de la masse de la Convention étoit enchaînée, et on avoit permis qu'il s'élevât au milieu d'elle, dans le sein même de ses comités, des tyrans qui ont opprimé le peuple, anéanti près d'un an l'énergie de la Convention que la Convention n'étoit
pas libre avant que le glaive de la loi eût frappé le tyran, et qu'elle étoit dans un état d'oppression tel qu'aucun député n'osait élever la voix, dans la crainte d'être arrêté. Et bien! puisque, d'après cet aveu, confirmé par plusieurs autres députés, i! est reconnu que le tyran Robespierre et ses complices ont eu l'art perfide d'anéantir l'énergie de la Convention pendant près d'un an, et de faire rendre toutes les lois désastreuses que les triumvirs estimoient convenables à leurs vues criminelles et ambitieuses puisqu'aucun député, selon Bentabole, ne pouvoit dire ce qu'il pensoit, ni faire part des soupçons, qu'ii avoit, ni combattre les mesures qui lui sembloient contraires aux intérets de la République, et que ptosieurs même n'osoient coucher même chez*eux, à quel danger, à plus forte raison, n'étoit pas exposé le fonctionnaire public chargé de l'exécution des lois, toutes rigoureuses et désastreuses qu'elles pussent être? Que vouliez-vous donc que fit ce fonctionnaire public? Etoit-il en son pouvoir de. se refuser à l'exécution de ces lois ? Etoit-il en son pouvoir de donner sa démission? Consultez les lois, et vous vous convraincrez qu'il ne pouvoit pas plus l'un que l'autre, sans être poursuivi comme rebelle à la loi et comme traître.
D'ailleurs un fonctionnaire public a-t-il le droit de chercher di la loi de l'exécution de laquelle il est chargé est l'effet du"despotisme de tels ou tels députés? Petit-il, à raison de son opinion particulière, éluder, interpréter ou modifier la loi? Où en seroit la chose publique, si les fonctionnaires s'arrogeoient ce droit? Tolérer cet abus 'de la part des fonctionnaires publics, ne seroit-ce pas opérer la réhabilitation des anciens parlemens, qui, au nom du peuple dont ils ne s'occupoient jamais que pour t'asservir de plus en plus, interprétoient, modinoiont et retranchoient des lois ce qui était contraire à leurs intérêts personnels? Un fonctionnaire dans une république ne doit connoitre que la loi émanée du pouvoir souverain,
et sans en approfondir les causes n{ les motifs, !a rigueur ou l'injustice, son devoir est de l'exécuter et de la faire exécuter. Telle est la marche que j'ai suivie. J'ai donc exécuté et fait exécuter les lois révolutionnaires et celle du 22 prairial. On ne peut m'imputer à crime, et je ne suis responsable sous aucun rapport des malheurs et des inconvéniens qui peuvent en être résultés, parce que je n'étois qu'un être passif, un rouage et un ressort en un mot, que faisoit mouvoir la loi.
Ainsi, c'est à la loi qu'il'faut s'en prendre et non à son organe, sans quoi, à l'instar de ce qui se pratiquoit dans l'ancien régime, ce seroit sacrifier aux passions un agent et un fonctionnaire public qui, de bonne foi, a obéi aux lois, aux arrêtés et aux'ordrcs des comités de gouvernement, dans la confiance que les actes d'exécution ainsi voulus et commandés étoient nécessaires pour soutenir le mouvement révolutionnaire et sauver la patrie. Me 'suis-je trompé dans les moyens d'exécution? Alors c'est une erreur due à l'imperfection de mes lumières, qui ne peut m'être imputée à crime, parce que mes intentions ont toujours été pures et droites.
Voilà ma défense; malgré l'énorme catalogue d'accusations dont la haine et la vengeance ont empoisonné mon ministère et flétri ma réputation, elle étoit écrite toute entière dans la loi et dans le livre de vérité.
La justice ne me punira point des forfaits des Robespierre, des St-Just, des Couthon et de leurs complices, que je n'ai jamais partagés; elle ne me punira pas davantage des crimes des Dumas et des Coffinhal, qui me sont également étrangers elle ne me punira pas plus de l'erreur volontaire ou involontaire des jugemens dus à l'impérieuse conscience et à la seule conviction morale des jurés, et ellene regarderapointcommemiennesles erreurs et les négligences d'autrui.
Ai-je soustrait un seul grand complice à la vengeance nationale? Plus d'une fois, à la vérité, j'ai été dénoncé
pour ma prétendue lenteur, et singulièrement dans l'affaire de Custine, le Club des Cordeliers a retenti des fougueuses vociférations de Vincent, qui accusoit le tribunal et lui faisoit un crime de n'être pas plus expéditif. Me rendroit-on responsable de la sévérité de la loi contre Danton et ses co-accusés, lorsque j'ai démontré que le crime tout entier en appartient au rapport infidèle de Saint-Just?
Les conspirations des prisons et la mise au secret perpétuel des détenus sont des chefs d'accusation qui me sont étrangers, et que j'ai réfutés en opposant les arrêtés des Comités.
Ainsi, quand j'ai pour mes actions privées la garantie naturelle, ma conscience; quand l'exercice de mon ministère est défendu de la garantie politique des lois et de l'autorité du gouvernement, n'ai-je pas le droit de compter sur le triomphe de mon innocence?
Je le répète hardiment, je n'ai jamais été l'homme des triumvirs; j'ai été l'homme du gouvernement, j'ai été l'organe de la loi, et son atrocité n'est pas mon crime. Aux dépens de ma santé, j'ai employé mes soins et mes veilles à remplir la tâche pleine d'amertume et de dangers dont le peuple m'avoit chargé par le vœu de ses Représentans, et j'ai trainé le char révolutionnaire sous la garantie des lois, ~ans m'imaginer qu'un jour l'on me feroit un crime capital de leur exécution.
A Pftrt's,
ce pluviôse f/<; /'tt)t /roM:eH!C
de He'/HtMt~Ufi une,
:)[(~:fist&<c e< f/t.'Htoo'a~Me.
A. Q. Fououmn.
De l'imprimerie de Marchant, rue (les Fosses-Victor, n° 32, maison de la ci-devant Doctrine.
Cette Réponse est suivie de vingt-cinq pièces justificatives qui confirment en tous points la défense de l'ex-Accusateur public. Elles occupent vingt pages de la brochure (69 à 88). Nous en donnons ici la liste et un bref résumé.
I. Fragment d'un rapport de Robert Lindet. Défense des fonctionnaires publics qui ont été les instruments fidèles de la Terreur.
II. Décret de la Convention du 5 nivôse an II, ordonnant la mise en jugement rapide de Custine, fils; Dietrich, maire de Strasbourg, etc., de tous les complices des généraux traîtres, des étrangers, banquiers et autres individus conspirateurs.
III. Fragment d'un rapport du 8 ventôse an U Rapport dans lequel le Tribunal Révolutionnaire est défendu contre les accusations de barbarie et d'inhumanité.
)V. Décret du 16 ventôse an II.
Décret qui ordonne à l'Accusateur public dp procéder, sans detai, à de nouvelles poursuites (Auteurs et distributeurs de pamphlets; auteurs et agents des conjurations contre le peuple, etc.).
V. Décret du 23 ventôse an II.
Décret de la Convention qui a abouti à l'arrestation de la faction Hébert et de la faction Chaumette.
VI. Décret du 11 germinal an II contre les Dantonistes.
Après avoir cité ce décret renvoyant les Dantonistes au Tribunal révolutionnaire, Fouquier explique l'absence de diverses pièces relatives à cette affaire, par le fait qu'elles furent saisies dans son cabinet et que la copie collationnée qui lui eu fut promise ne lui est pas encore parvenue.
VII. Loi du 22 prairial an II; articles XII, XIII, XV, XVI,XVIH,XX.
« Il résulte, dit Fouquier après la citation de ces 3ix articles, des différents articles de cette loi, que le Tribunal et l'Accusateur public étoient entravés d"ns leur marche qu'à chaque pas il falloit avoir recours aux comités de gouvernement, qu'ils ne pouvoient opérer le bien par eux-mêmes, et qu'ils n'étoient que les dépositaires de la rigueur de la loi et non les dispensateurs de sa bienfaisance, dont )e mérite en étoit réservé aux comités de gouvernement. »
VIIL Arrêté au Comité de salut public, 25 floréal an II. Arrêté qui ordonne à l'Accusateur public de fournir au début de chaque décade la liste des individus qui doivent passer en jugement,
IX. Décret de la Convention du 26 prairial an II. Décret rendu après le rapport d'Etis Lacoste, sur la Conspiration de l'Etranger, renvoyant Admirai, la. fille Renault et leurs complices devant le Tribunal Révolutionnaire.
X. Arrêté au Comité de salut public, 17 messidor an II. H sera fait chaque jour a l'Accusateur public un rapport sur la conduite des prisonniers; il fera juger dans les vingt-quatre heures ceux qui auront excité à la révolte.
XI. Reçu du Comité de sûreté générale, 5 floréal an' Vouland, Moyse Bayle, Louis (du Bas-Rhin), Dubarran et Elie Lacoste, reconnaissent que Fouquier leur a remis les 100.000 livres déposées par Chabot.
XII. Lettre du Comité général à Fouquier, 22 prairial an II.
Amar, Dubarran, C. Jagot et Louis (du Bas-Rhin) avisent l'Accusateu" public de la réception de la somme de 62S.ÛOO livres saisie sur le fermiergénéral Mercier.
XIII. Arrêté des Comités de salut public et de sûreté générale, 2 thermidor an II.
On renvoie à Fouquier des listes de détenus (section de Muséum), en lui ordonnant de mettre en jugement a l'instant les individus qui y sont portés. XIV. Arrêté des Comités de salut public et de sûreté générale, 3 thermidor an II.
Envoi de nouvelles listes avec le même ordre que ci-dessus. Le nombre de ces détenus, y compris ceux de la veille, est de 478.
XV.– Ordre au gardien de la maison Lazare, 16 pluviôse an III.
Gribeauval, substitut de l'Accusateur publie, ordonne au gardien de remettre aux gendarmes, les nommés Montalembert, Oudelot, Lamaillet, etc. XVI. Note du concierge de la maison Lazare, 6 frimaire an III.
Le concierge affirme que c'est la veuve Maillé, et non Maillet, qui sortit de Saint-Lazare le 8 thermidor pour passer au Tribunal le 9.
XVII. Pièce relative à Loiserolles.
Il y est prouvé qu'on n'a nullement confondu le père avec le fils, que c'était le père qui était dénoncé, et qu'en passant au Tribunal il ne se dévouait nullement pour son fils.
XVIII. Citation de la page 54 de la ~Mo~etCt/MM de Lecointre.
Signalant l'oppression pesant sur la Convention quand elle vota la loi du 22 prairial.
XIX. Décret de la Convention, 21 août 1793. L'Accusateur public et le président mandés à la
barre pour s'expliquer sur les lenteurs de l'affaire du général Custine donnent des explications qui satisfont la Convention. Ils sont invités aux honneurs de la séance.
XX. Lettre du Ministre de la Guerre, 20 août ~93. Bouchotte invite Fouquier à citer Je général Houchard, comme témoin, dans le procès de Custine. XXI. Reçu du Comité de sûreté générale, 7 nivôse an II. Reçu de onze pièces relatives à l'affaire de DuchAtelet et devant servir à l'instruction des procès Baillemont, Lamotte-Picquet et autres.
XXII. Convocation du Comité de sûreté générale, 5"prairial an II. `
Ordre est donné à Fouquier de se rendre le soir même au Comité.
XXIII. Convocation du Comité de sûreté générale, 30 prairial an II.
Même objet que ci-dessus.
ES
XXIV. Observations sur la lettre deVadier, du 24 mescidor an ÎI, insérée dans le JoM~MN~ Républicain, n"597.
Fouquier-en tire la conclusion que les Comités du gouvernement ont toujours su et approuvé les opérations du tribunal.
XXV. Copie de la lettre écrite le 15 germinal par l'Accusateur près le Tribunal Révolutionnaire dans l'affaire de Danton et autres.
C'est le texte de la fameuse lettre travestie par Saint-Just dans son rapport, et qui servit de prétexte à la mise hors des débats des accusés.
APPENDICE
UN MÉMOIRE DE PROCUREUR DE FOUQUIER-TINVILLE
(1776)
La pièce que nous donnons ici est totalement inconnue. C'est la première fois qu'il en est fait mention dans un ouvrage sur Fouquier-finviile. C'est un des premiers mémoires que le futur Accusateur public signait comme Procureur au Châtelet (il l'était depuis deux ans à peine) dans une affaire civile. On verra de quel intérêt était cette affaire. Dans cette pièce, on peut relever des attaques assez vives contre l'arbitraire de M. de Sartine, alors lieutenant de police.
C'est peut-être de cette cause et de bien d'autres que Fouquier se souvient dans son réquisitoire du vingthuit prairia) contre la Conspiration de l'Étranger, parmi laquelle ligure le fils Sartine, « plus connu, dira l'Accusateur public, par son immoralité individuelle que par les crimes de son père ». Ce mémoire, outre la signature fameuse qui le termine, a une autre valeur encore celle de montrer un tableau peu outré de la justice de l'ancien régime, dont, la terreur passée, on ne va pas manquer de regretter les douceurs. Ce mémoire de 40 pages in-4" nous a été fort aimablement communiqué par M. Alexandre More, l'érudit libraire parisien, qui nous a autorisé & faire sur son exemplaire la réédition que nous en donnons ici, et qui demeure a.ppréciat'ie pour l'histoire de Fouquier-Tinville avant la Révolution.
QUESTION D'ETAT
ENFANT RÉCLAME
PAR DEUX PÈRES
A L'HOPITAL SAINT-LOUIS ACCUSATION
DE RAPT DE CET ENFANT
CnATELET
PAHC'CiVtL.
PouR Marguerite d'Oppinchmitz, femme du sieur Guillaume Lejeune, officier de maison, accusée de vol d'enfant, Défenderesse et Demanderesse
CONTRE AMeM ~tC~e?', ?K6t~)'e tailleur d'habits ~at'M, Plaignant, 2)etK6[H~eM?' et Dé fendeur
EN ~fë~eMea de .TcaM-T~fn'c ~eaM?Ham, ~c/tCMr, dem.etM'a~< à S<ras6otM' AccMs~.
Etre utile à ses concitoyens, officieux envers ses compatriotes, c'est un devoir trouver les occasions de leur offrir, de leur donner ces secours que l'humanité ellemême sollicite, c'est un bonheur; c'est la jouissance la plus pure qu'un cceur sensible puisse éprouver. Mais que pour prix de sa bienfaisance et de sa sensibilité, on soit exposé aux poursuites rigoureuses de la justice, et traité comme si l'on s'étoit rendu coupable d'un crime capital, c'est un triste exemple de l'incertitude des jugemens humains; c'est dans l'ordre moral et civil le dernier degté d'infortune et de calamité.
Tel est cependant l'un des phénomènes étranges que présente la cause, qu'il s'agit de défendre aujourd'hui; t. Lisez P<M'~Me< civil.
cause vraiment singulière et intéressante, autant par son objet que par lés circonstances qui l'accompagnent. On y voit un enfant, à peine sorti du berceau, accablé d'infirmités, réclamé par deux pères; et déjà le jouet de la fortune qui se plait que)quefois à jeter des nuages sur l'étatcivil des hommes. On y voit le vrai père accourant des extrémités de l'Alsace, pour défendre un fils qu'on veut lui enlever; chargé de fers, poursuivi comme un vil plagiaire, au moment même qu'il doune les preuves les plus éclatantes de la paternité, et de sa tendresse. On y voit enfin une mère de famille enlevée à son époux, à ses enfans; livrée tout à coup à l'horreur des prisons; forcée de racheter une liberté provisoire au prix de sa propre substance et quel crime cette infortunée a-t-elle commis! Elle a été sensible elle a servi de guide et d'interprète à ce père malheureux, son compatriote, qui avoit réclamé son secours pour lui rendre son fils! On auroit peine à croire à ces excès, s'ils n'étoient constatés par des pièces authentiques il ne paroit pas même vraisemblable qu'il se soit trouvé un tribunal où des vexations si horribles aient pu être accueillies; et que ce soit surtout dans la capitale d'un peuple libre et gouverné par des loix sages, que dos scènes si affligeantes pour l'humanité, se soient passées. Mais un Sénat auguste, protecteur de l'innocence, et dispensateur éclairé de toute justice, vient de soustraire ces infortunés à l'autorité trompée qui les écrasoit un arrêt de la Cour vient d'anéantir la procédure vraiment extraordinaire, surprise à la religion de M. le lieutenant criminel du Châtelet; a ordonné que la rançon exigée de l'innocente captive, lui seroit rendue; et a renvoyé les parties à fins civiles dans un Tribunal aussi recommandable par sa douceur, que par l'intégrité soutenue de ses jugemens.
A la faveur de cette égide sacré', il ne s'agit plus 1. Sic.
aujourd'hui de notre part, que de démontrer l'innocence de cette m~re de famille, de cette compatriote charitable, qu'on n'a pas craint d'accuser du crime de plagiat; et d'apprécier la réparation qui lui est due pour toutes les persécutions qui ont été la suite de cette accusation. FAIT.
Marguerite d'Oppinchmitz, femme du sieur Lejeune, établie à Paris depuis un grand nombre d'années, est originaire de Strasbourg, où toute sa famille existe ce qui lui donne des relations très fréquentes avec les habitans de cette ville. Quoique cette correspondance, qui ne consiste le plus souvent qu'à rendre des services à ses anciens compatriotes, puisse lui être onéreuse, elle n'en est pas moins précieuse à son cœur elle ose même se flatter qu'il ne se trouvera pas un seul de ceux d'entr'eux qui ont réclamé ses bons offices, auquel elle n'ait donné des preuves sensibles du désir qu'elle a d'être utile. Au mois de février m3, le nommé Beaumam, pécheur et garçon de bateau à Strasbourg, lui fut adressé par quelques personnes de connoissance ce particulier avoit amené avec tui son fils âgé de trois ans, attaqué d'humeurs froides, qui avoient déjà fait des ravages très considérables. Vainement on avoit tenté sur les lieux de lui procurer quelque soulagement; le père venoit à Paris dans l'espérance d'y faire des tentatives plus heureuses il n'avoit à la vérité pour toute ressource qu'un fort attachement pour son enfant mais il se flattoit, qu'étant encore dans la vigueur de l'âge, et plein d'ardeur pour le travail, il trouveroit dans la capitale des occupations qui le mettroient en état de subvenir à sa propre subsistance et à la guérison de son fils.
Si la tendresse paternelle applaudissoit à ce projet, il n'en étoit pas de même aux yeux de la raison. Beaumann jusqualors n'avoit travaillé qu'à la pêche et à la conduite des bateaux; il ne savoit pas un seul mot de françois
tout s'élevoit contrele plan qu'il s'étoit proposé de suivre. Diverses personnes lui conseillèrent de retourner dans /son pays, d'y reprendre ses anciens -travaux, et de laisser son fils à Paris dans une de ces maisons publiques, destinées à recevoir les enfans des pauvres on lui persuada qu'en le déposant sous son vrai nom, il pourroit le reprendre un jour; et que peut-être il se retrouveroit avec cette santé, après laquelle il soupiroit.
It semble que l'indigence de certains pères, donne de l'extension au sentiment qui les attache à leurs enfans ce ne fut pas sans peine que Beaumann se détermina à prendre le parti qu'on lui proposoit. La dame Lejeune cédant à la nécessité absolue des circonstances, lui rendit le service de se transporter chez le commissaire Boulanger, où elle prit une ordonnance, en vertu de laquelle l'enfant.fut reçu à l'hôpital des enfans trouvés, sous le nom de Jean-Jacques Beaumann, le 2 mars 1773, ainsi qu'il est constaté par la reconnoissance de la sœur dépositaire. Mère de huit enfans, ce ne fut pas sans se faire violence 'que la dame Lejeune se chargea de cette démarche, mais ie désir de faire le bien, la soutenoit. Elle ignoroit alors que cet acte de la sensibilité seroit pour elle le germe de l'inculpation la plus atroce, et des persécutions les plus inouïes.
Après avoir pourvu à l'existence du Ois, elle ranima le courage du père lui donna ce qui lui étoit nécessaire pour son voyage, et la renvoya à Strasbourg. Mais trop attaché a son fils pour en supporter long-tems la privation, l'année n'étoit pas encore révolue, qu'ayant amassé quelque argent de ses gains et épargnes, il revint à Paris pour reprendre un enfant, disoit il, qu'il se reprochoit a chaque heure du jour d'avoir abandonné dans un hôpital. ·
Il eut encore recours à la dame Lejeune. Comme il ne parloit qu'àllemand, il la pria de vouloir bien le conduire où elle avoit fait le dépôt, et de lui servir d'interprète.
Elle lui fit à ce sujet toutes les observations quelle' crut convenables pour l'engager à abandonner cette idée elle le conduisit ensuite au dépôt des enfans. C'étoit au mois de mars 1774. On les envoya à celui de la pitié s'informer do l'enfant dans la classe de Jésus la recherche fut inutile. Ils furent ensuite à celui de la Salpétrière, on la sœur en exercice leur annonça que le fils Beaumann avoit été transféré à l'hôpital Saint-Louis elle lui donna un écrit pour se transporter à cet hôpital, et retirer l'enfant. Munis de cet écrit, la dame Lejeune et Beaumann se transportèrent à l'hôpital Saint-Louis, où l'une des sœurs, dite la mère Sainte-Claire, leur indiqua la Salle où étoit l'enfant, et les y conduisit. La scène la plus attendrissante ne tarda pas à se manifester; à peine l'enfant aperçut son père, qu'il jeta un cri de joie, et fit des efforts pour s'élancer vers lui. Le père aussi-tôt le prend dans ses bras, sans égard pour sa maladie et les tumeurs suppurantes qui lui couvraient le bas du visage, il l'embrasse, le presse contre son sein, et l'arrose de ses larmes, en s'écriant à plusieurs reprises dans son langage allemand mon fils mon pauvre fils! L'enfant lui répondit dans la même langue, autant que son âge pouvoit le permettre. La mère Sainte-Claire, et une autre religieuse étoient présentes à ce spectacle attendrissant elles remirent l'enfant à son père, qui reprit deux jours après le chemin de Strasbourg, content et satisfait de posséder un fils unique, encore bien malade à la vérité, mais l'objet do son affection et de ses complaisances.
La remise de cet enfant fut faite le 17 mars 1774. Un mois après, la dame Lejeune vit arriver chez elle un exjésuite nommé Deschamps, alors l'un des vicaires de l'Hôtel-Dieu de Paris, ot qui depuis, dit-on, en a été renvoyé. H étoit accompagné d'un particulier nommé Richer, tailleur d'habits à Paris Ils lui annoncent qu'ils venoient 1. Sic.
réclamer un enfant qui avoit été remis à un Allemand nommé Beaumann, qu'elle connoissoit que cet enfant étoit la fils du sieur Richer, qui l'avoit déposé à l'HôtelDieu pour le faire guérir d'une maladie dont il étoit attaqué, et qui avoit été transféré le 5 mars précédent, à l'hôpital Saint-Lords.
La dame Lejeune leur raconta tous les faits relatifs à l'enfant Beaumann, ajoutant qu'elle ne pouvoit croire qu'il y eût de l'erreur dans la remise; que le père et l'enfant s'étoient réciproquement reconnus; qu'elle l'avoit elle-même reconnu pour celui qu'elle avoit déposé; qu'au reste, le père et l'enfant étoient à Strasbourg, et qu'ils pouvoient faire ce qu'ils jugeroient convenable pour avoir de plus grands éclaircissemens.
L'ex-jésuite et Richer se retirèrent, en disant qu'ils alloient faire de nouvelles recherches. On ignore s'ils en firent; mais il paroit qu'ils eurent recours au magistrat chargé alors de la police M. de Sartine, d'après l'exposé qu'ils lui firent, écrivit, le 4 mai, à M. le- préteur de Strasbourg « Qu'on avoit remis par erreur à Beaumann « l'enfant d'un autre particulier au lieu du sien; que « celui qu'il avoit emmené de Paris, étoit fils d'un « nommé Richer, maître tailleur à Paris, qu'il le prioit « de faire part de cette méprise à Beaumann, et de. lui « enjoindre de ramener ou de renvoyer a Paris l'enfant « qui lui avoit été remis. » La lettre portoit aussi '?M't< pourroit s'adresser /a ~œMr Sainte-Claire, dans la salle 'S'ett'Mte-~ar~te, qui lui re~ot~'eH/an~ qui lui appa)'tient.
Beaumann mandé par M. le préteur, après avoir été instruit de cette lettre, expliqua ce qui s'était passé, assura ce magistrat qu'il n'y avoit point eu de méprise; que l'enfant que la sœur Sainto-Claire lui avoit remis 1. Jean-Gualbert-Gabriel de Sartine fut lieutenant de police du 21 novembre 17S9 au 30 août m4.
étoit son enfant; qu'il n'avoit pas besoin d'aller à Paris chercher celui qu'on mandoit être le sien; qu'il n'en avoit point d'autre quo celui qui lui avoit été rendu; enfin qu'on pouvoit à cet égard faire telles recherches qu'on jugeroit à propos; qu'il n'avançoit rien que de vrai.
Cette déclaration de Beaumann parut assez grave à M. le préteur de Strasbourg, pour ne point précipiter sa réponse, et prendre toutes les assurances que sa sagesse et son équité purent lui suggérer. Il fit part au ministère public de la lettre de M. de Sartine, et de la réclamation de Beaumann. Le 16 juin, le procureur fiscal donna en conséquence son réquisitoire, sur lequel intervint, le même jour, un décret au Sénat de Strasbourg, qui ordonna qu'il seroit informé sur le fait de la filiation et de l'état civil de l'enfant.
Plusieurs témoins furent entendus avec toute la prudence et la discrétion qu'une matière si délicate peut exiger. L'enfant fut placé dans une salle voisine de ia Chambre du Conseil, et confronté à chaque témoin. Il reconnut d'abord sa mère, que par des circonstances malheureuses, il n'avoit. point encore vue depuis son retour la mère le reconnut également pour son fils. Son parrain et sa marraine déclarèrent pareillement qu'ils'le reconnoissoient à tous les traits, pour celui qu'ils avoient tenu sur lès fonts baptismaux. On fit entendre aussi Catherine Walter, fille domestique, qui avoit eu soin de lui pendant quinze mois avant son voyage à Paris; elle le reconnut parfaitement; de, même l'information porte que, lors de la représentation qui lui a été faite de cet enfant, il a nommé la déposante par son nom, C<t</i<tHe, l'a beaucoup caressée et n'a plus voulu la ~tt~er. M. le préteur convaincu, par cette information, do la sincérité des faits avancés par Beaumann, envoya copie de l'information à M. do Sartine, et lui manda que ce particulier étant évidemment le père de l'enfant, il ne
pouvoit l'obliger de le ramener à Paris; il iui observa en même tems, que Beaumann étoit simple garçon batelier, vivant au jour la journée, et que, dans une pareille position, il ne pouvoit pas le contraindre de conduire son fils à Paris, et à ses frais, pour le confronter avec celui qu'on disoit être le sien.
Les sages précautions prises par M. le préteur de Strasbourg sembloient devoir écarter toutes ces idées de méprise, dont l'ex-jésuite et Richer avoient parlé. S"il leur restoit quelque doute à ce sujet, il n'y avoit d'autre parti à prendre que d'envoyer à Strasbourg l'enfant qu'on disoit être celui de Beaumann. Cet enfant, qui devoit avoir environ quatre ans, étoit dans le cas de s'expliquer et de faire connoître l'erreur, s'il y en avoit, ou enfin l'on pouvoit faire passer à Beaumann une somme suffisante pour faire le voyage et achever de tout éclaircir à Paris. .Mais aucun de ces partis ne fut adopté. L'ex-jésuite prétendit avoir feuilleté les registres, et y avoir trouvé à la date du 25 mars 1774, l'extrait mortuaire du fils de Beaumann. Ce prétondu extrait à la main, on eut recours de nouveau à M. de Sartine, qui écrivit, le 11 juin, une seconde lettre à M. le préteur de Strasbourg, dans laquelle il lui mande que l'enfant étoit mort le 25 mars, suivant la note qui avoit été envoyée de la Salpetrière. Il le prie en conséquence de faire donner des ordres à Beaumann de ramener l'enfant qu'il avoit, ou de le renvoyer par une voie sûre, afin qu'il soit remis à son père qui le réclame.
Comment se peut-il que les mêmes personnes ayant été assez hardies pour faire écrire par M. de Sartine, le 4 mai, que la sœur Sainte-Claire remettroit à Beaumann son fils, et le 11 juin, engager ce magistrat à écrire que cet enfant étoit mort dès le 25 Mars? Comment ceux qui ont avancé ces faits n'ont-ils pas fait attention que c'est le n Mars que l'enfant Beaumann a été remis à son père, huit jours avant son prétendu décès; que c'est le 5 avril
suivant que l'enfant Richer a été porté à l'hôpital de SaintLouis, et reçu dans la salle Sainte-Marthe, par la mère Sainte-Claire, et que c'est le 21 du même mois que ce particulier a réclamé son enfant? Que de conséquences on pourroit tirer de toutes ces circonstances! Pourquoi enfin a-t-on fait écrire par M. de Sartine, le 11 juin, que le fils de Beaumann étoit mort, suivant une note de la Salpéfrière, tandis que le prétendu extrait mortuaire, découvert par J'ex-jésuite, et qu'on représente aujourd'hui, est tiré de l'hôpital Saint-Louis?
Laissons au ministère public à dévoiler ce sombre mystère; notre but est de manifester l'innocence de la dame Lejeune; il nous suffit d'exposer les faits ceux qui restent à développer sont inconcevables.
La seconde lettre de M. de Sartine ne produisit aucun effet; la contradiction avec la première s'opposoit même à ce qu'elle en pût produire. Beaumann persévéra à soutenir que l'enfant qui lui avoit été remis étoit son Ë's. Dans de pareilles circonstances on conçoit facilement que ce n'étoit pas à cet infortuné à quitter ses occupations qui e faisoient vivre, pour venir démontrer à. Paris ce que l'information avoit déjà manifesté à Strasbourg. Ce fut alors que Richer forma le projet de rendre la dame Lojeune la victime de la prétendue méprise dont il se piaignoit. Il vint lui annonçer qu'il alloit la traduire dans les tribunaux, et la faire punir de lui avoir enievé son fils. A travers ces menaces, la dame Lejeune découvrit que le but de Richer n'étoit que do t'intimider, et de profiter de sa frayeur et de sa crédulité pour obtenir quelque composition avantageuse: on ne craint pas de le dire. de l'or voilà le tits que Richer cherchoit.
Pour obtenir ce cher objet de ses vœux il rendit plainte en rapt d'enfant, le 4juillet 1774. tant contre Beaumann que contre la damo Lejeune. C'étoit vraiment une belle proie, pour des ravisseurs, qu'un enfant de quatre ans. sujet scrophuleux, couvert d'ulcères par tout le corps, et
rongé intérieurement d'humeurs psoriques et dartereuses. C'étoit un rapt d'une nouvelle espèce que l'enlèvement d'un enfant cherché par son père d'hôpitaux en hôpitaux, délivré par une dépositaire publique en pleine liberté, et en connoissance de cause. C'étoit enfin un ravisseur d'une espèce rare, qu'un étranger qui avait besoin d'un interprète pour se faire ouvrir les portes et se faire entendre.
Cependant M. le lieutenant criminel permet d'informer sur cette plainte en rapt des témoins sont entendus et que résulte-il de l'information? Que la dame Lejeune a accompagné le nommé Beaumann, lorsqu'il est venu à l'hôpital Saint-Louis pour retirer son fils, qui lui a été délivré librement par la soeur Sainte-Claire; que cet enfant a été depuis réclamé par un tailleur d'habits nommé Richer. Il en résulte enfin qu'il s'agit de statuer sur une double réclamation, objet absolument civil, et qui n'offre pas même l'ombre d'un délit.
Toutefois M. le Lieutenant Criminel du Châtelet lança des décrets, tant contre Beaumann, que contre la dame Lejeune..Aussi-tôt celle-ci, mère de huit enfans, et dont le mari étoit en Lorraine, est ignominieusement enlevée de sa maison, conduite dans les prisons du Grand Châtelet, et mise au secret. On l'interroge elle rend compte des faits et de sa conduite son innocence éclate dans chaque réponse qu'elle fait aux questions qu'on lui propose, et cependant on ne brise point ses fers 1 deux mois s'écoulent. elle est encore dans le séjour affreux destiné au crime.
Le sieur Lejeune, son mari, arrive enfin de la Lorraine. Quel spectacle pour un père Quel coup de poignard pour un époux t H trouve ses enfans 'abandonnés à la merci de quelques voisins sa femme expirante dans les prisons. Bientôt il en apprend la cause innocente 1. Sic.
il frémit de l'injustice, et se hâte d'en arrêter les effets. Le 10 septembre il présenta une requête à M. le Lieutenant Criminel au nom de sa femme il demanda son élargissement provisoire, aux offres de se représenter à la justice toutes les fois qu'elle en seroit requise. Il fut alors bien démontré au magistrat que le rapt n'étoit qu'une chimère, et l'accusation le comble de la méchanceté. On prouva par pièces authentiques que Beaumann étoit marié, qu'il avoit eu un enfant attaqué des écroueHes; que )e 2 mars 1773, il l'avoit déposé aux Enfans-Trouvés par les mains de la dame Lejeune; qu'en ITM, celle-ci lui servant d'interprète, avoit été réclamer cet enfant dans cet hôpital; que ne l'ayant point trouvé; elle se rendit successivement dans trois autres hôpitaux qu'enfin on leur présenta un enfant qu'ils reconnurent que de retour à Strasbourg, cet enfant avoit été également reconnu pour le fils de Beaumann; que Richer ne pouvoit ignorer ces faits, et que c'étoit de sa part une noirceur sans égale, que d'inculper ce père malheureux et la dame Lejeune, d'un crime auquel ils n'avoient jamais songé.
On fit voir en même tems à M. le Lieutenant Criminel que la dame Lejeune n'étoit responsable de rien, puisque toute sa conduite dans cette affaire s'étoit bornée à demander dans les hôpitaux un enfant appartenant à Beaumann qu'elle y avoit déposé le 22 mars de l'année précédente, ainsi qu'elle en justifioit que quand même on supposeroit qu'un enfant pour un autre auroit été délivré à Beaumann, ce seroit seulement le cas, en réformant le désordre qui règne dans les hôpitaux, d'enjoindre à la Sœur SainteClaire et à toutes autres, d'être plus exactes, plus attentives à remplir le devoir de leurs charges mais qu'une erreur qui auroit été étrangère à la dame Lejeune, n'em-'porteroit contre elle ni décret, ni action quelconque. A des moyens si victorieux, Richer opposa pour toute réponse que la dame Lejeune devoit garder prison jusqu'à ce que l'enfant fut représenté et subsidiairement
qu'elle devoit obtenir sa liberté provisoire qu'en donnant caution, ou en déposant une somme suffisante pour sûreté des dommages-intérêts que, selon lui, cette affaire devoit lui procurer, et en lui payant 3.000 livres de provision Et comme s'il eut fasciné les yeux et conduit la main de la justice par les secours de son ex-jésuite, on ne considéra point que la dame Lejeune étoit une' domiciliée, et elle n'obtint son élargissement provisoire, de M. le Lieutenant criminel qu'à la charge do déposer au greffe une somme de 1.500 livres pour sûreté des ~om?MN~f-t'e~ qui pouvoient être p~e<eM<~M~ par T~c/tgr.
Il fallut ployer sous le joug, fondre des effets, emprunter à gros intérêts, pour consigner cette caution bisarre'. Munie enfin du certificat du greffier dépositaire, cette femme évidemment innocente, a été rendue à son époux, à ses enfans.
Cependant Richer s'applaudissoit de cette effrayante procédure totalement ruineuse pour les sieur et dame Lejeune uniquement occupé à calculer les moyens d'augmenter, s'il étoit possible, la somme déposée, et de se l'approprier, il n'avoit pas fait la plus petite démarche pour recouvrer cet enfant dont se disoit le père il n'avoit pas fait la moindre tentative pour l'arracher des mains de son prétendu ravisseur il- n'avoit même fait exercer contre lui aucun de ces actes, de rigueur dont il étoit si prodigue envers la dame Lejeune, qui avoit plus le moyen de payer. Cette mère de famille & laquelle il importoit, ainsi qu'à son mari, de mettre un terme à cette affreuse tragédie, eut recours & M. le Préfet de Strasbourg, qui avoit déjà donné, comme on l'a vu, des preuves de sa prévoyante équité, et qui donna par la suite au malheureux Beaumann des marques non moins sensibles de son humanité et do sa bienfaisance. Elle lui traça le tableau des traitemens horribles qu'elle venoit d'éprouver, et le supplia 1. Sic.
d'envoyer Beaumann à Paris avec son fils, se soumettant de satisfaire à toutes les dépenses que ce voyage pourroit occasionner.
Instruit par ce respectable magistrat des malheurs de sa bienfaitrice, Beaumann partit aussi-tôt do Strasbourg. M. le Prêteur eut la bonté d'écrire, le jour de son départ, à la dame Lejeune, de lui mander le nom du conducteur, et le jour qu'ils devoient arriver à Paris. Il la prévint de payer les,voyages et nourriture; ce qu'elle fit suivant la quittance qu'elle représente de la somme de 144 livres. Plein de confiance dans son innocence, convaincu par ses sentimens intérieurs de la certitude de sa paternité, Beaumann se rendit dans les prisons, demanda des fers, et attendit avec patience le moment de faire triompher la vérité.
Son fils étoit avec lui; les caresses de ce jeune infortuné adoucissoient la rigueur de la situation, soutenoient son courage, ranimoient sa tendresse et sa vertu et vous, pjrëtendu père de cet enfant, Richer que faisiez-vous alors? Quoi, votre fils gémit au fond d'un cachot, entre les bras d'un ravisseur, et vous ne songez pas seulement. je ne dis pas à l'en tirer, mais à venir le reconnoitre! Ne vous êtes-vous pas, par cela seul, condamné vous même? Vous seriez le vrai père, que cette indifférence vous eût enlevé un titre si respectable.
Des occupations plus importantes remplissoient ses momens il s'agissoit de faire appesantir le glaive de la justice sur Beaumann, comme il l'avoit fait sur la dame Lejeune. Le 31 octobre on fitsubir interrogatoire à Beaumann il s'expliqua par la bouche d'un interprète; mais la nature dont le langage est connu de tous les peuples, fit entendre directement sa voix, vint confondre d'imposture, et réclamer elle-même ses droits par les signes les plus éclatans. Le malheureux Beaumann resta cependant. dans les fers.
Le 7 septembre, nouvelle affliction des satellites
viennent lui enlever le seul objet de consolation qui lui reste malgré sa résistance et ses plaintes, ils lui arrachent son fils: et où vont-ils le placer? Dans le lieu même où s'est développé le germe de tous ses maux, à l'hôpital Saint-Louis.
Vers la fin de décembre, le 22, la veille de la visite des prisons qui se fait tous les ans par tes commissaires nommés par la Cour, Beaumann fut jeté hors des prisons par les guichetiers, après lui avoir ôté sa veste, sa chemise, son col et son mouchoir, pour leur tenir lieu sans doute de la rançon qu'ils exigent à la sortie de chaque prisonnier, Il n'avoit qu'un simple surtout. Son premier pas, le premier usage qu'il fait de sa liberté, est de courir à demi-nu, dans la rigueur de la saison, vers le lieu où réside son fils les portes lui sont fermées des mains qui se disent consacrées à l'humanité, le repoussent avec barbarie. Malheureux père Aussi vertueux qu'infortuné l il tombe de faiblesse sur le seuil de cet asile terrible; et sans un nouveau Samaritain qui daigna venir à son secours, cet instant auroit pu être le dernier de sa vie. Cependant la dame Lejeune ne douta pas que l'interrogatoire de Beaumann n'eut répandu le plus grand jour sur les odieuses vexations de Richer, et renversé toutes ces idées de rapt, de plagiat, d'enlèvement, à la faveur desquelles on avoit fait tant de fracas aux oreilles du magistrat dnnt ta religion a été vraisemblement surprise elle crut alors que. sa justification étoit comptette. Elle présenta sa requête à M. le Lieutenant criminel; et demanda à être déchargée de l'accusation contre elle intentée, 10.000 livres de dommages-intérêts par forme de réparation civile, et que par provision les 1.500 livres par elles déposées au greffe, lui fussent rendues. Mais Richer et t'ex-jésuite veilloient sur te dépôt. On communiqua la demande provisoire à fin de remise de ces 1.500 livres à M. le Procureur du Roi, qui requit icelle être jointe au p!'oe~, etc., et M. le, Lieutenant criminel
rendit son ordonnance de soit fait aMM! qu'il est rei/MM. Le sieur Lejeune et sa femme en interjetèrent appel en la Cour, et pour la première fois ils commencèrent à respirer, et à sentir diminuer le poids de leurs infortunes. Sur le simple vu des informations d'interrogatoires, la Cour par arrêt contradictoire a autorisé la dame Lejeune à retirer ses fonds des coffres du greffe évoquant le principal, a mis au néant la procédure extraordinaire, a renvoyé les parties à fins civiles a converti les informations et enquêtes; a permis à Richer de les continuer, à la dame Lejeune d'en faire de contraires, si bon lui semble dans le tems de l'ordonnance; sauf à reprendre la voie extraordinaire, si le cas y échet; tous dépens, dommages, intérêts réservés.
D'après cet arrêt, les parties ont respectivement formé leurs demandes en cette Cour, qui tendent de la part de Richer, à ce qu'il soit déclaré père de l'enfant; la dame Lejeune condamnée envers lui en 8000 livres de dommages-intérêts; la sentence imprimée et affichée; défenses à la dame Lejeune de plus à l'avenir faire de semblables larcins dans les hôpitaux et de la part de celle-ci, ce à qu'elle soit déchargée do l'accusation de rapt, avec réparation d'honneur, 10000 livres de dommages-intérêts, et par corps, impression et affiches de la sentence à intervenir. C'est en cet état que cette cause non moins intéressante que singulière se présente à juger. MOYFNS.
MOYENS.
Quel que soit le sort de l'enfant qui attend un père, la dame Lejeune doit nécessairement obtenir les conclusions de sa demande. Richer est repoussé de toutes parts. Sa procédure extraordinaire est absurde, inique, et c'est une surprise très criminelle faite à la religion du magistrat chargé de cette portion de l'administration de la justice. Il n'y avoit point de délit il ne pouvoit même y en avoir. La réclamation de Richer ne présentoit qu'une question
RÉQUISITOIRES ]? FOUQDtER-TINVILLE
d'état, et sa décision n'étoit point de la compétence de la juridiction criminelle.
Beaumann est le véritable père de l'enfant qui lui a été remis; toutes les preuves morales et physiques attestent cette vérité; par conséquence toute idée de rapt doit être écartée, et la dame Lejeune n'a pas pu être accusée de ce crime.
Quaud on jugeroit que Beaumann n'est point le père de l'enfant; qu'il y a eu de la méprise, de l'erreur lors de la remise qui lui en a été faite; que s'en suivroit-il? faudroit-il en conclure que la dame Lejeune fut coupable de rapt? Cette idée répugne à la nature des choses et des circonstances.
Richer n'a point ignoré ces circonstances c'est donc à dessein et dans l'unique désir de nuire qu'il a supposé à la dame Lejeune un crime qui n'a jamais existé toutes ses démarches le prouvent; et la correspondance du magistrat de la police avec M. le préteur de Strasbourg, qu'il a bien connue, ne laisse aucun doute sur ce point. Enfin, les vexations, qui ont été la suite do cette audacieuse accusation, sont si révoltantes, qu'on ne pourroit sans une injustice criante refuser à une mère de famille une réparation publique et une indemnité, proportionnée au tort qu'elle a souffert.
Tel est le tableau de la cause, que ces trois objets séparés divisent sensiblement. 1. Incompétence de M. le lieutenant criminel, nullité de la procédure. 2. Paternité' de Beaumann. 3. Innocence de l'accusée, et dommagesintérêts. Entrons en preuves.
1.
Nullité, absurdité de la procédure cnmtMcMe. S'il est vrai qu'il y a des plaintes indiscrètes, est-il raisonnable de permett"ë indifféremment d'informer sur toutes les plaintes? Une dépositaire publique délivre
APPENDICE
librement un enfant à celui qu'elle en croit le père, d'après la conviction du fait par les preuves les plus infaillibles. Peu de jours après, un autre particulier réclame son enfant. Cet enfant ne se trouve pas. Aussi-tôt on présume que ce pourroit bien être celui délivré à l'étranger. Le père regarde le fait comme certain; cela étoit naturel; le trouble, la crainte du cœur en pareil cas fait saisir indifféremment l'apparence comme la vérité. Ce père allarmé, rend plainte à la justice contre un étranger qui a emporté son enfant dans son pays, et contre sa compatriote qui l'a servi en assistant à cet enlèvement.
Tels sont les faits or, d'après la circonstance que l'enfant avoit été délivré par les mains d'une dépositaire publique, qu'étoit-il naturel de penser sur la plainte de Richer? devoit-elle présenter l'idée d'un rapt à l'esprit du juge toujours froid, toujours sans passion? Si l'on eût d'ailleurs considéré que les accusés avoient couru tous les hôpitaux, réclamant par-tout, non l'enfant d'autrui, mais celui qu'ils justifioient avoir eux-mêmes déposé, tout couvert d'écrouelles suppurantes; si on eût considéré que l'enfant à eux délivré publiquement étoit infecté du même venin; comment auroit-on pu penser qu'ils fussent coupables du crime de rapt? cui ~oMo? Que voulez-vous que ce malheureux pêcheur fasse de cet enfant; d'un enfant que tout autre qu'un père ne voudroit pas approcher. Si Beaumann étoit un mendiant et un lâche, un de ces imposteurs qui s'étant fait de leur paresse le titre de leur pauvreté, présentant aux passans de fausses cicatrices et de fausses blessures, et qui, abusant de la charité des âmes sensibles, dérobent et mangent le pain des pauvres, on pouroit croire qu'il a fait enlever cet enfant pour s'en servir à exciter la compassion publique dans le métier de la mendicité Mais Beaumann vit honnêtement de son travail. Les démarches qu'il a faites soit pour faire guérir son fils, soit pour le retirer du dépôt où il avoit été mis,
annoncent que malgré son indigence il est né sensible, et incapable de se souiller par des basesses, encore moins par un crime.
Qu'étoit-il donc naturel de penser sur cette plainte? La raison seule fait sentir qu'il n'étoit pas vraisemblable qu'on eût enlevé criminellement un enfant dans un dépôt public que peut être l'enfant réclamé par Richer, n étoit égaré que pour le moment, soit qu'on l'eût transféré dans un autre hôpital, soit que par un effet de la confusion qui règne dans les hôpitaux, on eut donné à Beaumann un autre enfant pour le sien que cet enfant accablé do maladie, étoit peu digne par lui-même d'exciter l'envie; que par conséquent Beaumann hors de tout soupçon d'intérêt, avoit été nécessairement dans l'erreur; qu'un concours de mille circonstances avoit pu l'y faire tomber, puisque la dépositaire y avoit contribué elle-même en lui présentant cet enfant pour le sien. D'après ces idées naturelles, n'étoit-ce pas le cas de regarder la plainte de Richer, comme une réclamation purement civile que les allarmes d'un père avoient outrée? Au moins c'étoit bien le cas d'éclaircir les faits, avant de procéder extraordinairement avant de décréter, il falloit connoître s'il existoit un délit. II étoit clair qu'il n'en existoit pas, puisque d'un côté rien ne prouvoit la paternité de Richer; que de l'autre rien ne prouvoit le rapt, ni même la vraisemblance (le ce délit tout au contraire annonçoit la bonne foi des accusés en un mot l'accusation de rapt, n'étoit au fond que le reproche d'une erreur prétendue, qui ne pouvoit procéder que de la confusion des hôpitaux, et du geu de soin d6 ceux qui sont directement chargés de les administrer.
Loin donc qu'on pût conclure contre Beaumann et la dame Lejeune, c'étoit évidemment le cas que le magistrat fit tomber la faute sur la mère Sainte-Claire, et lui en fit des reproches sévères.
Il n'exi~toit donc pas de délit, et la négation est évidente.
Admettons que Richer soit le père de l'enfant. L'a-t-on enlevé dans sa maison, attiré dans le voisinage et pris dans la rue? Mais on t'a enlevé dans une maison hospitalière. Enlève-t-on dans les hôpitaux? De quelle force, de quelle ruse a-t-on usé? Où est le dol, la fraude et le complot? Mais si l'enfant est à Beaumann, comme on va le démontrer, où est le délit? Or le fait étoit incertain lors de la plainte, il l'est encore aujourd'hui dans l'ordre légal, puisque la justice n'a pas prononcé avant donc qu'on put parler de délit, il falloit juger la question de paternité sans quoi c'étoit informer, et décerner des décrets sans qu'il existât de corps de délit certain; c'étoit faire un coupable usage du glaive de ta justice. Ii est donc démontré par la seule raison naturelle que la procédure criminelle est nutte, absurde, vexatoire. Voyons ce que disent les loix.
Les loix mêmes sont conformes à ces principes de la raison naturelle. Elles appellent ptag'.dres, p/a~<M-W, ceux qui dérobent les enfans ou )e.~ esclaves d'autrui. Ce crime étoit puni de mort chp les Romains. Mais comme' il pouvoit arriver que celui qu'on auroit accusé d'avoir volé un enfant libre ou esciave, s'en prétendit ou en fût véritablement le père ou le maître; jamais ces juges éclairés ne procédoient extraordinairement contre l'accusé, qu'ils n'eussent auparavant entendu la discussion des. droits des parties, et jugé lequel des deux étoit le père de l'enfant libre, ou le maître de l'esclave.
La loi huitième au code (ad leg. fab. de p~tari~) s'explique en ces termes « Que le juge sache qu'au« paravant de prêter l'oreille à l'accusation du crime de « vol d'esclave, il doit juger quel est le véritable maître « ou de l'accusateur ou de l'accusé; car s'il étoit cons« taté que l'accusé eut enlevé l'esclave on vertu d'un « droit de propriété, il seroit clair qu'il n'y auroit point « de crime. Si au contraire il étoit prouvé qu'il eut pris
..( l'esclave d'autrui, alors seulement le juge pourroit « procéder sur l'accusation' ».
La loi 14 du même titre porte la .même disposition pour les enfans réclamés « L'accusation de vol d'enfant, « dit cette loi, cesse dès l'instant que l'accusé assure « être père, et s'être conduit par cette croyance dans « l'enlèvement qu'il en a fait M.
La loi 3 au digeste ad. leg. fab. lib. 48, tit. '15, est encore plus favorable et non moins équitable; elle décide « Qu'on ne doit pas même accuser du crime de « rapt celui qui de bonne foi a pris un enfant libre ou « esclave, croyant qu'il lui appartenoit; car, dit la loi, « pour être réputé coupable de ce crime, il faut l'avoir « commis avec dessein, dol et fraude ? sciens, c~o « malo ~oc fescevit o.
Tels sont les principes de-cette matière. D'après ces principes, a-t-on pu accueillir l'accusation de rapt intentée contre Beaumann et la femme Lejeune? A-t-on pu informer sur un crime incertain? A-t-on pu lancer des décrets, traîner une femme innocente dans les prisons, l'y laisser languir? A-t-on pu en la délivrant, l'obliger de déposer à la porte de la prison une somme de 1.500 livres, qui pouvoit être toute sa fortune, avant de juger la question de la paternité, et quand sa bonne foi éclatoit de toutes parts? A-t-on pu livrer un père indigent à de barbares guichetiers, qui l'ont dépouiltë inhumainement dans la plus froide saison de l'année, quoiqu'il ne leur 1 Pt'xses p!'ot)M!f:a° ~MCfeh) prius ~'t<re dominii, tM~H~at ait MtfKettdMm ~< p~~M cn~eK nec M<. Nom si p?'o~e<a<!S <M.B mancipium esse consliterit, expirasse criminis :M<6n<to?tet?t emersa domMtM luce mani festabit. Si vera servum alienum esse constiterit, post disceptatam pt'o~<e<a<ts ~M~~tonem criminis causam <tMc!M<. 0
2..P~M ct'tmMts accusatio cessat, si ~uos liberos adseverent /M qui suppressisse dicuntur, non commMSt velandi causa, sed ad Aanc opinionem yu~<<! ducti raHone.
3. Voyez aussi les loix 4 et 6 au même titre du digeste.
dût rien, ayant été couché sur la paille et nourri du pain public?
Mais quand on supposeroit pour un moment que l'enfant n'appartient pas à Beaumann, par lequel endroit auroient-ils mérité l'un et l'autre d'essuyer tant de maux? La plainte même de l'accusateur et les informations prouvoient que l'enlèvement de l'enfant n'étoit tout au plus que l'effet d'une méprise de la mère Sainte-Claire; et les lettres de M. de Sartine le disoient clairement. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'en une pareille matière il ne pouvoit y avoir lieu préalablement qu'à une simple enquête, ainsi qu'en a usé le Sénat de Strasbourg, et ainsi qu'il vient d'être jugé par l'arrêt du Parlement. Il est donc démontré que la procédure criminelle est absurde, et vexatoire; ce qui justitie d'abord pleinement l'action en dommages-intérêts intentée contre l'instigateur de cette procédure.
§11-
Preuves de la paternité de Beaumann.
Beaumann a eu un enfant mâle d'un légitime mariage, en l'année 1T70, nommé Jean-Jacques Beaumann. Par l'entremise de la dame Lejoune, il a déposé cet enfant à l'âge de trois ans aux Enfans trouvés pour lui faire administrer des remèdes contre les écrouelles ce fait est prouvé par l'ordonnance du commissaire Boulanger du 2 mars m3 et par un procès-verbal du même jour. Le 3 du même mois de mars, cet enfant a été transporté des Enfans trouvés à la Salpêtrière, et de cette dernière maison à l'hôpital Saint-Louis dans la salle Sainte-Marthe, où il a été réclamé et reconnu par son père ainsi que par la dame Lejeune, et rendu le n mars 1TM par la Mère Sainte-Claire, soeur d'office à ladite salle. Arrivé à Strasbourg, il a reconnu sa mère et la nommée Catherine Walter qui l'avoit soigne pendant quinze mois il a été
lui-même reconnu par son parrain et sa marraine à Strasbourg.
Cette chaîne de faits est établie par pièces authentiques déposées au greffe criminel du Chàtelet il en résulte évidemment une preuve complette de la paternité de Beaumann. Il ne nous reste plus qu'une difficultée à éclaircir sur ce point c'est de savoir quelle foi mérite l'extrait de mort du prétendu enfant de Beaumann; si c'est véritablement'son enfant qui est décédé le 25 mars m.i à l'hôpital Saint-Louis, ou si c'est celui du sieur Richer car personne ne peut douter de la possibilité de l'erreur, quand on voit une si affreuse confusion régner dans nos hôpitaux. Il est certain, dans cet état des choses, que le prétendu extrait mortuaire de l'enfant Beaumann ne mérite pas tant de foi que l'information juridique faite à Strasbourg sur l'état de cet enfant elle prouve qu'il est à Boaumann, et la pièce est authentique. Tout ce qu'on peut faire, c'est de ne lui donner qu'un égal degré de certitude. Alors il faudra mettre dans une juste balance ces preuves rapportées par les deux pères, et adjuger l'enfant à celui qui en aura davantage et d'une nature moins équivoque. Or, telles sont les preuves qui déposent de la paternité de Beaumann.
I. Beaumann a reconnu son eufant, et l'enfant fit mille efforts pour voler lui quoiqu'il fût tout couvert de plaies et de tumeurs suppurantes, écrouelleuses, psoriques, capables de communiquer leur venin, il le prit dans ses bras, l'embrassa très étroitement en versant des larmes il en reçut des caresses. Il lui parla allemand, et l'enfant lui répondit quelqnes mots dans la même langue en présence de la mère Sainte-Claire.
A ces traits qui pourroit distinguer un ravisseur et qui ne reconnoitroit un père? La loi de l'amour paternel n'est point établie sur des raisonnemens, elle n'est point l'ouvrage de l'esprit, c'est la nature seule qui décide oracle
du cœur, elle répond toujours aux pères qui l'interrogent; i aussi Beaumann a-t-it versé des larmes; aussi a-t-it, sans crainte et sans dégoût, porté ses lèvres sur les plaies de son enfant; et cet enfant a répondu à sa tendresse et à ses accens. Sont-ce là seulement les mouvemens et les paroles d'un enfant? Non ce sont les réponses de la nature. A ces traits le monarque de la Judée, qui porta le premier jugement dans cette matière, n'eut-il pas déclaré Beaumann le père de cet enfant? Considérons la conduite de ce juge immortel. Fit-il de la vaine procédure? Êcouta-t-il des témoins? Lança-t-il des décrets? Non, il fit parler la nature comme seul témoin digne d'être entendue, et seule capable de lui dire la vérité it prit le glaive. se fit jour à travers te sein des deux mores, pénétra jusqu'à leurs cœurs pour en découvrir les sentimens, et là, établissant son tribunal, il interrogea leur amour. Qui doute que cette conduite de ce prince ne soit au fond conforme à nos loix et aux règles de notre jurisprudence ? L'élan de la nature est parmi nous le premier de tous les titres qui annonce un père c'est à la sagacité du juge à le faire éclater. La possession jointe aux contrats de mariage, aux extraits de baptême, forme le second titre et les témoignages dos hommes sont le dernier de tous les titres, parce qu'ils sont trop incertains. Aussi nos loix ne les admettent-ils point sur les questions d'état ce n'est point, dit la loi, /)a~ des ~wo~M et des ~MH~M OMeWMMM que le t~'Ott CtMt< asseoit l'état des CHfans et ~ct6!e du so<'< (~Mp~'M'. Les décisions des Cours sont toujours conformes à ce principe du droit civil. A Thèbes et à Rome, pour reconnoltre de certaines familles, on étoit convenu de leur imprimer de certaines marques. Les uns avoient un signe sur la paupière, les autres portoient une lance sur la cuisse. Dans nos hôpiNon !<<<M6[d t'eMt'a~MHt&MS, filici CM):M)'epa<)'t COtMts<UM)'<M'. L. Cocl, de VroA.
taux, la marque est moins sûre. On reconnoît les enfans par une étiquette qu'ils portent sur le bras. Peut-on une marque plus fautive et plus périssable? Oh que le signe qui part du cœur d'un père et d'un enfant, quand ils se sont connus, est bien plus certain 1 Ce témoignage de l'âme, ces mouvements pressés ne sont pas de ces accents que l'imposture faitentendre,de ces prestiges que l'erreur enfante c'est la force de la nature qui les produit, c'est son langage, c'est sa loi suprême qui commande et qui se fait obéir. Quand elle prononce, la voix du juge doit être muette.
« La nature ne sauroit tromper, disoit un grand « orateur du dernier siècle elle a ses mouvemens « certains, sa conduite immuable, ses règles infaillibles; « et quand on dit qu'elle trahit nos pensées par la rou« geur et les signes qu'elle fait parottro sur le visage, ce « n'est pas, en effet, qu'elle nous trahisse, c'est qu'elle « découvre nos trahisons. "Et comme le disoit encore un
célèbre chancelier d Angteiorre « Un cache souvent la « nature, on la surmonte quelquefois, ma'is jamais on ne «l'éteint." »
La dame Lejeune, qui faisoit l'office d'interprète, a reconnu cet enfant.
Quelle vue d'intérêt peut-on appercevoir dans la conduite de cette mère de famille ? La charité, l'humanité, la bienfaisance et cet attachement naturel qu'on a pour se~' compatriotes, voilà tout ce qu'on y voit. Animée de ce dernier sentiment, elle avoit au contraire intérêt à ne pas se tromper sur cet enfant. Elle fut libérale envers lui, elle lui donna de nouveaux habits, ce qu'elle n'eût point fait pour un étranger.
3. La mère Sainte-Claire a délivré cet enfant. Il n'est pas vraisemblable qu'elle se soit trompée. En effet, elle avoit reçu elle-même l'enfant de Richer, le
5 avril 1T74; c'est le 17 du même mois qu'elle rend à Beaumann son enfant, après un mûr examen et une infinité de questions il avoit d'ailleurs, où il devoit avoir son étiquette au bras il est donc évident qu'il n'étoit pas possible qu'elle se trompât. L'enfant de Beaumann venoit de la Salpétrière, et celui de Richor de l'Hôtel-Dieu directement. La dame Lojcune présenta à la sœur SainteClaire un billot de la sœur dépositaire de la Satpétrière, et réclama un enfant nommé Jean-Jacques Beaumann, envoyé de cette maison elle ne pouvoit donc ignorer qu'un enfant venu de l'Hôtel-Dieu depuis quatorze jours, et qu'elle avoit reçu elle-même, ne pouvoit pas être celui qu'on demandoit. Si donc elle n'a pas pu physiquement se tromper, l'acte même de la délivrance do l'enfant, de 'la part de cette dépositaire publique, est un titre et une preuve de la paternité de Beaumann.
4. Beaumann, pêcheur et simple valet de batelier, emporte à Strasbourg sur ses bras cet .enfant couvert de plaies.
Voilà encore un témoignage infaillible de sa paternité. Quoi donc? Quand la plupart des pères et des mères de nos jours craignent des enfans, et évitent les effets incompréhensibles de la fécondité de la nature, dans la vue,. disent-ils, de ne pas diminuer leur propre substance, sur cette terre ingrate, désolée par le luxe et une multitude de viçes politiques et moraux; un simple pêcheur sera accusé d'enlever un enfant qui n'est pas le sien, do le nourrir, do lui faire partager le'pain qu'il gagne au jour le jour, à la sueur de son corps 1 Et quel enfant t Un sujet scrophuleux, couvert de plaies, de cicatrices et de galles; que bien des pères ne voudroient même! pas approcher. et c'est un étranger qui l'ombrasse et qui l'emporte! Que de suppositions, que d'absurdités ilfaudt'oit admettre pour nier la paternité de Beaumann 1 « N'est-ce pas une « chose bien absurde et bien déplorable, disoit le rhé-
« tour Junius, qu'un pauvre soit accusé d'enlever des « enfans; que ce peuple sans généalogie, sans famille, « sans nom; ce peuple digne d'une stérilité perpétuelle; « ce peuple qui n'a que des successeurs et n'a point « d'héritiers auxquels il ne peut donner que la terre et « le soleil de ses pères,enlève et se suppose des enfans?" » 5. Le 4 mai 1774, M. de Sartine écrivit à M. le préteur de Strasbourg « que l'enfant de Beaumann étoit, « à cette époque, dans la salle Sainte-Marthe qu'on « s'étoit trompé en donnant à Beaumann l'enfant qu'il « avoit emporté, qu'il falloit qu'il le ramenât sans délai « ~M'~ pouvait s'adresser à la sa?M~ ~atK<e-C/6[tfe, hôpi« lal Saint-Louis, salle ~NtH<e-at'</te, qui /M<?'e'<(<rot< <t l'enfant qui lui Ctpp.W<6MOt<. »
Ceci prouve qu'à l'époque du 25 mars 1T74, le prétendu enfant de Beaumann n'étoit pas mort par conséquent, le prétendu extrait mortuaire ne mérite point de foi. D'un autre côté, il est évident que le 4 mai il a existé dans la salle Sainte-Marthe un enfant qu'on a cru être celui de Beaumann. Or, où est-il cet enfant ? Qui est-il? D'où vient-il? Quel signe, quelle marque porte-t-il sur son corps qui ait pu le faire prendre pour l'enfant de Beaumann? Si cet individu n'existe pas, on en a donc imposé au magistrat. Quelle foi méritent alors les gens d'une maison hospitalière, qui n'ont ni ordre dans leurs registres, ni zèle dans leur devoir, ni candeur dans leurs paroles ? Loin d'être les conservateurs de la vie et de l'état des hommes, ils s'exposent à en être les destructours. Qui s'armera contre la mère Sainte-Claire, comptable de l'état d'un citoyen, et seule coupable de l'incertitude cruelle qui l'enveloppe?
6. Le 11 juin, M. de Sartine écrivit que l'enfant Beaumann étoit mort, suivant une note de la -S'a~o~to'e, et il se trouve que l'extrait mortuaire qu'on représente ne
vient point de cet hôpital. La lettre de M. de Sartine annonce que-t'enfant est mort à la Salpétrière; l'extrait dépose qu'il est mort à l'hôpital Saint-Louis. Quelle incertitude, quelles variations Et c'est à la faveur de ces faits qui se croisent, se choquent et se détruisent réciproquement, qu'on conteste la paternité de Beaumann 7. Cet enfant a été représenté à sa mère. Après serment de dire vérité, elle a déposé dans le sein du juge, qu'elle le )'t'co!ManMOt< ~OM?' son p<'o/e enfant, qu'elle avoit mené à /~s)'M, f< con/t'' à la c~~e Lejeune. Qui pourroit accuser cette femme d'imposture? On sait que l'indigence et la plus affreuse misère lui ont fait faire des démarches sur lesquelles on n'est pas si tolérant à Strasbourg qu'à Paris. Cette infortunée, dans une disette de moyens qui la fissent vivre, avoit évidemment un certain intérêt de renier un enfant qui lui étoit à charge I'occas~"i en étoit favorable, elle pouvoit le désavouer. Cependant elle n'ose. elle ne peut trahir la nature! 8. La même information des juges de Strasbourg porte que la nommée Catherine Walter a reconnu l'enfant pour l'avoir soigné journellement pendant 15 mois, et le juge ajoute que, lorsqu'il la vit, il l'a HO)KM~ par son nom, Ca~ert~, <'a beaucoup caressée, et n'a /~M).' voulu la quitter.
H n'y a qu'un moyen de détruire cette preuve, qui est d'une force irrésistible; c'est de nier le fait et de s'inscrire en faux contre l'information. Mais s'i! est constant que cet enfant a reconnu Catherine qu'il l'a nommée par son nom, et lui a prodigué ses caresses par reconnoissance des soins qu'elle avoit pris de lui; quel titre auguste-n'en résulta-t-il pas en faveur de Beaumann? Supposera-t-on que cet enfant donnoit des marques d'une feinte reconnoissance, et qu'il savoit qu'on disputoit de son état?
Mais pourquoi auroit-il préféré Beaumana au sieur Richer, l'indigence à la commodité de la vie, des haillons à des habits ? S'il eut eu quelques connoissances des choses qu'on traitoit, s'il eut été capable d'en juger, il eut calculé ses intérêts et ne s'y seroit pas trompé loin de carresser Catherine, il l'eut certainement repoussée. Mais, comment concevoir que sa reconnoissance ait pu être feinte? Pourquoi vouloir que Catherine se soit prêtée à cette imposture? Comment supposer un enfant de quatre ans capable d'un tel déguisement; lui prêter une noirceur d'âme dont les hommes les plus scélérats et les plus versés dans les crimes et les infamies de la société, sont à peine capables ?
Au reste, il ne suffiroit pas d'élever de semblables prétentions il faudroit former l'action en subornation de témoins, et faire tomber le témoignage de Catherine )~<< et celui de l'enfant, qui n'est autre chose que celui de la nature. Qui oserait attaquer ce témoignage respectable? La vérité est elle plus pure? Comment le seroit-elle, puisqu'elle n'est elle même autre chose que la nature ne formant avec elie qu'un seul du même être? 9. Le parrain et la marraine ont reconnu l'enfant l'information de Strasbourg le prouve. Leur déposition forme donc encore une preuve vraiment légale. Ils sont la famille spirituelle de l'enfant, et leur déposition est toujours précieuse aux yeux de la justice.
10. La dame Lejeune, convaincue de n'avoir point reçu de la dépositaire d'autre enfant que celui qu'elle avoit déposé aux Enfants-Trouvés, fait engager Beaumann à se rendre à Paris avec son enfant, et paye son voyage. Beaumann arrive, et se rend de lui-même dans les prisons. Accusée d'un crime capital, d'un rapt, la dame Lejeune se. seroit-elle empressé de faire venir à ses frais l'enfant de Beaumann, qui, s'il eût été celui do Richer, eût
été contre elle un personnage de conviction? Ne résuttet-il pas de sa bonne foi et de sa grande confiance, encore une preuve non suspecte de la paternité do Beaumann? Mais que la confiance, la- fermeté, la constance et l'attachôment de celui-ci sont admirables! Libre d'envoyer son enfant, il l'amène lui-même de cent lieues; il se rend dans une prison, où il ignore quel va être son sort. Pourquoi n'a-t-il point fui? Il n'a point fui, parce qu'on demandoit son fils, et qu'il ne pouvoit l'abandonner. Ce malheureux père, tout libre qu'il étoit, se sentoit entrainé en la plus chère partie de lui-même. Détenu dans les fers, l'horreur de sa situation ne le fit point chane'or. !I soutint à M. le lieutenant criminel que l'enfant étoit le sien. On le lui ôta pour le remettre au dépôt; et il attendit fermement son sort, nourri de pain, couché sur la paille avec les criminels. La scène se termina enfin, au bout de deux mois, par le renvoyer sans bruit, sans forme de procès et sans habits. infortuné qu'il étoit! 1 Mais il est une Providence qui veille aux malheureux. M. le préteur de Strasbourg, son juge naturel, lui ut donner des secours. La dame Lejeune eut le bonheur de pouvoir y contribuer.
Résumons ce second objet. Dix preuves indélibiles, preuves de toute espèce, juridiques, naturelles, physiques et morales se réunissent pour établir, aux yeux de la justice, la paternité de Beaumann. Son contrat do mariage. L'extrait de baptême de son enfant. Les actes de dépôt dans les hôpitaux. L'acte do sa délivrance. Le cœur d'un père que rien n'arrête. ses transports. ses embrassemens, ses caresses à un enfant couvert de plaies. Sa pauvreté qui ne peut étouffer le sentiment de sa tendresse paternelle. L'information juridique de Strasbourg. L'aveu de la mère; la voix de la nature qui s'est fait entendre. le langage de l'enfant; l'expression de sa reconnoissance. ses caresses à Catherine, sa bienfaitrice, son nom qu'il a proferé. Les témoignages de ceux
qui l'ont tenu sur les fonts de baptême. La persévérance de son père à le suivre partout, jusqu'à se mettre dans les prisons. ses voyages. ses souffrances. Quelles sources abondantes et inépuisables s'ouvrent dans cette cause à l'éloquence de l'orateur, et à la profondeur du philosophe! J'ai essayé de les fouiller, je sens que je ne les ai qu'effteurées.
Voyons maintenant comment Richer démontre sa paternité
Ce père prétendu ne peut puiser ses preuves que dans des sources étrangères et les plus équivoques. Les informations faites sur son accusation de rapt, et l'extrait mortuaire de l'hôpital Saint-Louis voilà les seules pièces qu'il produises, et dont il faille peser les résultats. Pour ces preuves qui émanent de la tendresse paternelle, il n'en a donné aucune il s'est montré indifférent, insensible, même dans les momens où, pour se faire rendre l'enfant, il persécutoit l'innocence de la dame Lejeune avec le plus d'acharnement. C'étoit une bonne composition, une somme d'argent qu'il cherchoit, et rien de plus. Quand Beaumann s'est rendu dans les prisons avec cet enfant, il n'a pas été le visiter. Il l'a laissé quinze jours dans les fers. il a souffert que la justice le déposât à l'hôpital Saint-Louis, tandis qu'il pouvoit lui donner un asile. (S'il l'eût demandé, on le lui eût accordé, aux offres de le représenter). Rien donc de tout ce qui annonce un père n'a paru de sa part et bien au contraire, il a voulu renoncer à ses prétentions, et vendre son désistement à la femme Lejeune. Où sont donc ses preuves?
L'information faite par M. le lieutenant-criminel, ne donne aucun indice de sa paternité; ce n'étoit pas là leur objet il étoit question seulement d'informer du prétendu rapt.
A l'égard de l'extrait de mort découvert dans les registres de l'hôpital de Saint-Louis, par l'abbé Deschamps,
l'ex-jésuite aux bons yeux, quelle autorité peut avoir une pareille pièce dans une cause de cette nature? D'après toutes les preuves de la paternité de Beaumann, qui doute que le prétendu décès de son fils ne soit ou une erreur, ou un faux, et que ce ne soit au contraire l'enfant de Richer que la. mort ait emporté? Quelle foi peuton ajouter aux extraits de mort des enfants dans ces hôpitaux, si l'on ne les y reconnolt qu'à des étiquettes volantes et périssables, et que souvent ils n'ont pas? Quelle;' foi ne mérite pas au contraire l'information du Sénat de Strasbourg, pièce authentique qui ne peut par aucun endroit être inculpée d'erreur, et dont la certitude a la nature elle-même pour garant? Lui refuser la préférence qui lui est due, ce seroit enfin méconnottre dans leur source même toutes les lumières infaillibles de la connoissance de l'état des hommes.
§111
1. Innocence de l'Accusée. –ComMMtyes-tKMr~. I. La dame Lejeune est évidemmentinnocente du crime de rapt. En effet, si l'on juge que l'enfant qui lui a été délivré est l'enfant de Beaumann, l'idée du rapt n'est plus qu'une chimère: or, sa paternité est démontrée par des preuves de toute espèce et toutes infaillibles; et il n'est pas possible qu'un père puisse réunir plus de traits qui caractérisent ta paternité.
Mais, quand on jugeroit en faveur du sieur Richer; que faudrait-il en conclure? Il est prouvé par pièces .authentiques, que la dame Lejeune déposa, le 2 mars d'H3, un enfant à l'hôpital des Enfants-Trouvés, et qu'elle se présenta le 19avntdel'année suivante avec son père l'hôpital Saint-Louis pour le retirer. Il est donc dès lors évident qu'elle n'a point eu le dessein d'enlever l'enfant d'autrui, par ruse, tromperie ou séduction. Or, sa seule bonne foi, comme nous l'avons
vu plus haut, sufut pour écarter d'eue tout soupçon du <;rifno de rapt. La loi 3 (ff. lib. 48, tit. 15) y est précise. Ze~M /~aMee crimine SMpresst m.anctpM &oHd ~de posMMor non ~He<M?'. Les loix 4 et 6 du même titre portent les mêmes dispositions.
Ce ne serait donc qu'une erreur qui serait son crime, non pas une erreur de la nature de celle de la sœur SainteClaire celle-ci est très punisable, puisque c'est celle d'une gardienne qui oublie le dépôt qu'on lui a confié, et qui l'oubliejusque dans le moment qu'elle vient de le reçevoir. Comment la soeur Sainte-Claire a-t-elle pu perdre de vue l'enfant de Richer, qui ne lui avoit été apporté que depuis quatorze jours? Comment a-t-elle pu lui laisser perdre son étiquette, oublier sa figure? Qu'elle juste cause enfin apportera-t-elle de son erreur?
Il n'en est pas ainsi de la dame Lejeune. Tout la justifie. Elle n'étoit point gardienne de cet enfant.. Il y avait une année entière qu'elle avait déposé aux Enfants-Trouvé celui qu'elle réetamoit pendant ce tems, la nature qui croît, et la maladie qui détruit avoient pu changer ses traits au point de s'y méprendre: elle auroit donc eu une juste cause de son erreur.M<am~a&etcaMM;M~HoraM<ta?. Que venoit-elle faire à l'hôpital Saint-Louis? Ne veqoit,elle pas y exercer les œuvres de charité, d'humanité, de bienfaisance; et s'acquitter des devoirs d'une compatriote officieuse, en servant d'interprète à Beaumann? Qui de vous peut m'accuser, peut-elle dire à ses juges? J'ai reconnu, ou enfin j'ai cru reconnaître l'enfant que j'avois déposé moi-même dans ces asyles sacrés de l'innocence. On le délivre. à qui? A son père; à celui que la nature ~tte-mème indique, que le doigt de cette tendre mère marque et désigne. Et à moi, que me reste-t-il ? Ses vieux habits, qu'on m'accuse d'avoir emportes.
Voitadonc à quoi se bornoient mes profits? Voilà donc 1. Sic.
l'objet de mon crime? Mais, au môme instant, je lui ai donné d'autres habits de t~es propres enfans, que mes' mains charitables lui avoient ajustés et appropriés. Si mon objet eût été de me rendre complice d'un vol, aurois-je donné plus pour avoir moins? Que pouvez-vous dire enfin contre ma libéralité? Qui de vous m'accusera? 2. Voici le moment de la vengeance c'est à un Tribunal intègre, présidé par un magistrat compatissant et non moins judicieux, qu'il est réservé d'y prononcer. Voici le moment de venger la majesté des toix, violée par une procédure extraordinaire, et des décrets surpris par l'imposture à la religion de M. le lieutenant-criminel. Tout réclame contre Richer, ce calomniateur de l'innocence. Il est d'autant plus punissable, qu'il n'est véritablement pas le père de l'enfant, c'est chose démontrée. II n'a si long-tems persisté dans son imposture, que dans la vue de tirer une somme considérable de la dame Lejeune, qu'il intimida. Il lui proposa de tout abandonner, si elle vouloi t lui payer 3.000 livres. Ce mercenaire a voulu vendre l'enfant qu'il réclamoit comme son fils.
Les pertes de la dame Lejeune sont inapréciables. Elle a été détenue deux moisdans les prisons obligée de vendre ses effets, d'emprunter à gros intérêts pour se mettre en état de consigner les 1.500 livres dont Richer a demandé et obtenu le dépôt pour ses prétendues indemnités; de payer enfin le voyage de Beaumann et de son enfant, et les faux frais qui ont été faits, tant à Strasbourg qu'à Paris. Sa fortune en un mot est maintenant épuisée et le travail de trente ans est évanoui. Tel est le fruit de la méchanceté d'un seul homme qu'elle n'a jamais connu. Que dire do ses souffrances et de la honte de son emprisonnemfnt, qui a rejailli sur sa famille? Quelle est )a femme sensible et honnête, qui pourroit ne pas gémir toute sa vie de s'être vue traînée dans ces lieux d'horreur, séjour des crimes qui désolent la société, et dont le seuil
souille le pied qui le touche; dans ces cavernesinfectées où t'œ~I épouvanté se détourne à l'aspect de ces gardiens, homme brusques, sombres et farouches, qui semblentinspirer la cruauté et la mort, et dont les vices du cœur sont les vertus de l'état.? Ah! Quelle que soit l'indemnité que les magistrats accordent à la dame Lejeune, si elle répare sa fortune. elle n'effacera jamais l'impression douloureuse qui subsiste au fond de son cœur, et de celui de son époux et de ses enfans.
~/0)M!'eM!' DEDELAY D'AcHËBES,
avocat du Roi.
M" HUBERT, avocat.
FODQUtER DE TINVILLE, ~'OCMretM'.
De l'imprimerie da DnouRY, imprimeur-libraire de Mgr le Duc d'Orléans, rue de la Vieille-Bouclerie au Saint-Esprit 1776. 1. Lisez: Boucherie.
Au cours de ces réquisitoires, et principalement dans sa réponse justificative, Fouquier-Tinville parle souventes fois de la loi du 22 prairial. Il n'hésite pas, dans sa défense, à lui attribuer le rôle odieux qu'elle joua, en effet, dans la dernière période de la tragédie révolutionnaire. Le 22 prairial, deux jours après la Fête de l'Être suprême, Couthon vint, au nom du Comité de Salut public, en donner lecture a la Convention. Telle que Couthon la présenta elle fut adoptée le même jour. Il n'est peut-être pas inutile d'en donner ici le texte, qui éclairera les accusations que Fouquier porte contre elle.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du Comité de Salut public, décrète
Art. I. Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et trois vice-présidents, un accusateur public, quatre substituts de l'accusateur public et douze juges. II. Les jurés seront au nombre de cinquante. III. Ces diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms suivent
Président Dumas; 0!'ce-p!(i!en<s CofHnhal, Scellier, Naulin.
AceMsa<eM)'pM<)He Fouquier; substituts: Grebauval; Royer; Liendon; Grivois, agent national du district de Cusset; Legracieux, employé à la trésorerie nationale à Strasbourg.
Juges Ragay (de Liège); Foucault, Verteuil, maire; Bravet; Barbier (de Lorient); Marny; Garnier-Launay; Julien Paillet, professeur de rhétoriqueà Chatons Laporte, membre de la commission militaire à Tours; Félix, t~ern; Loyer, section Marat.
./M)'~ Renaudin; Benoitrais; Fauvetty; Lumière; Feneaux Gauthier Meyer: Châtelet; Petit-Tressin; Trinchard Topino-Lebrun; Pigeot; Girard; Presselin; Didier; Vilatte; Dix-Août (Leroy); Laporte; Gannery; Brochet; Aubry; Semont; Prieur; Duplay; Devèze; Desboisseaux; Nicolas; Gravier; Billon, tous jurés actuels; Subleyras; Laveyron l'aine, cultivateur à Créteil; Fillon, fabricant a Commune-Affranchie; Portherel, de Châton-sur-Saône; Musson, cordonnier à Commune-Affranchie; Martel, artiste; Laurent, membre du Comité révolutionnaire de la section des Picques; Villers, rue Caumartin; Moulin, section de la République; Deprau, artiste, rue du Sentier; Emmery, marchand chapelier, département du Rhôneet-Loire Lafontaine, de la section du Muséum; Blachol, payeur général à l'armée des Pyrénées-Orientales; Debeaux, greffier du tribunal du district de Valence; Gouillur, administrateur du district de Béthune; Dereys, section de la Montagne; Duquesnel, du Comité révolutionnaire de Lorient; Mannoyer, idem; Butins, section de la République; Péchet, faubourg Honoré n" 169; Nierguin, du Comité de surveillance de Mirecourt. Le tribunal révolutionnaire se divisera par sections, composées de douze membres; savoir, trois juges et neuf jurés, lesquels jurés ne pourront juger en moindre nombre que celui de sept.
IV. Le tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple;
V. Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse
VI. Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront
provoqué le rétablissement de la royauté ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain dont elle est le centre;
Ceux qui auront trahi la République dans le commandement des places ou des armées ou dans toute autre fonction militaire, entretenu des intelligences avec les ennemis de la République, travaillé à faire manquer les approvisionnements ou le service des armées; Ceux qui auront cherche à empêcher les approvisionnements de Paris ou à causer la disette dans la République
Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite et t'impuni'é des conspirateurs et de l'aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la Révolution, des lois ou des mesuras du gouvernement, par des applications fausses et perfides;
Ceux qui auront trompé le peuple ou tes représentants du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté;
Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple
Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République
Ceux qui auront cherché à égarer l'opinion et a empêcher l'instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, et altérer l'énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou en arrêter les progrès, soit par des écrits révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination;
Les fournisseurs de mauvaise foi qui compromettent le salut de la République, et les dilapidateurs de la for-
tune publique, autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 frimaire
Ceux qui étant chargés de fonctions publiques en abusent pour servir les ennemis de la Révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple;
Enfin tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes relatives à la punition des conspirateurs et contrerévolutionnaires, et qui, par quelques moyens que ce soit et de quelques dehors qu'ils se couvrent, auront attenté à la liberté, à l'unité, à la sûreté de la République, ou travaillé à en empêcher l'affermissement.
VII. La peine portée contre tous les délits dont la connaissance appartient au tribunal révolutionnaire est la mort.
VIII. La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple, est toute espèce de documents, soit matérielle, soit morale, soit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l'assentiment de tout esprit juste et raisonnable. La règle des jugements est la conscience des juges éclairés par l'amour de la patrie; leur fut, le triomphe de la République et la ruine do ses ennemis; la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour parvenir à la connaissance de la vérité dans les
formes que la loi détermine;
Elle se borne aux points suivants
IX. Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contrerévolutionnaires. 11 est tenu de les dénoncer des qu'il les connaît;
X. Nul ne pourra traduire personne au tribunal révolutionnaire, si ce n'est la Convention nationale, le Comité de Salut public, le Comité de Sûreté générale, les représentants du peuple commissaires de la Convention, et l'accusateur publie du tribunal révolutionnaire; XI.-Les autorités constituées, en général, ne pourront exercer ce droit, sans avoir prévenu le Comité de Salut
public et le Comité de Sûreté générale et obtenu leur autorisation;
XII. L'accusé sera interrogé à l'audience et en public; la formalité de l'interrogatoire secret qui précède est supprimée comme superflue; elle ne pourra avoir lieu que dans les circonstances particulières où elle serait jugée utile à la connaissance de la vérité;
XIH. S'il existe des preuves, soit matérielles, soit morates, indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité ne paraisse nécessaire, soit pour découvrir des complices, soit pour d'autres considérations majeures d'intérêt public;
XIV. Dans le cas où il y aurait lieu à cette preuve, l'accusateur public fera appeler les témoins qui peuvent éclairer la justice, sans distinction de témoins à charge et à décharge;
XV. Toutes les dépositions seront faites en public, et aucune déposition écrite ne sera reçue, a moins que les témoins ne soient dans l'impossibilité de se transporter au tribunal, et dans ce cas il sera nécessaire d'une autorisation expresse des Comités de Salut public et de Sûreté générale;
XVI. La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés, des jurés patriotes; elle n'en accorde point aux conspirateurs;
XVII. Les débats finis, les jurés formeront leurs déclarations, et les juges prononceront la peine de la manière déterminée parles lois;
Le président posera la question avec clarté, précision et simplicité. Si elle était présentée d'une manière équivoque ou inexacte, le juré pourrait demander qu'elle fut posée d'une autre manière;
XVIII. L'accusateur public ne pourra, de sa propre autorité, renvoyer un prévenu adressé au tribunal, ou qu'il y aurait fait traduire lui-même dans le cas où il
n'y aurait pas matière aune accusation devant le tribunal il en fera un rapport écrit et motivé à la Chambre du conseil, qui prononcera; mais aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement, avant que la décision de la, Chambre n'ait été communiquée au Comité de Salut public, qui l'examinera;
XIX. H sera fait un registre double des personnes traduites au tribunal révolutionnaire, l'un pour l'accusateur public, et l'autre pour le tribunal, sur lequel seront inscrits tous les prévenus à mesure qu'ils seront traduits. XX. La Convention déroge à toutes celles des dispositions des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent décret, et n'entend pas que les lois concernant l'organisation des tribunaux ordinaires s'appliquent aux crimes des contre-révolutionnaires, et à l'action du tribunal révolutionnaire
XXI. Le rapport du Comité sera joint au présent décret comme instruction; ~<'nF)~ XXII. L'insertion du décret a~uîtetm v~a promulgation. <
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TABLE
~/< ~lJ Pages.
NMODUCTION. PREMIÈRE PARTIE
RéquisitoireB de Fouquier-Tinville devant le Tribunal revolMionnaire.
I. Premier r6quisi!,bit'e. 3 H.ProcÈsdeChar'otteCorday. 7 UL Procès du gÉntratCustine. )3 IV.ProcÈsdeMarie-Antoine~o. M V.Proc&s dos Girondins 3 it VLP)'oc&sdePhitippc-t!ga)it6. 37 VII. Procès do Madame Roland. 3S VI! ProcesdeBaiUy. IX.ProcesdoiaDuBai'ry. X.ProcësdesHëberUstcs. XI.ProcÈadesDantonistos. d XII. Procès desAUtéis~s. XMI.ProcÈsdeMatcsherbes. · 83 XIV. Procès dit des ~Vierges do'Vot'duna. 95 XV. Procès des fermiers gënëraux 105 XVI, Procès de Madame ËliaabeUi. H3
APPENDICE
Un mémoire du Procureur de Fou~ftnYiHe~ 293' Loi du 22 prairial'an II 329 :t
~i~~
Mémoires justificatifs rédigés par Fouquier-Tinville durant sa détention.
Notice. W Pi'omierm6mou'o. 189 Deuxième mémoire t9S Troisième mÉmoit'o. 3M
DEUXIÈME PARTIE
Pans.–L.MARE'mEUx, imprimeur, l,rueGassoH6.–9tO~.
P"KM- XVÎI. Procès de la Conspiration de l'Étranger. 129 `' XVIII. Réquieito~res du 9 tliermidor (Salle de l'Égalité). 144 XIX. Réquisitoires du 9 thermidor (Salle de la Liberté) 1S8 XX. Dernier Réquisitoire ns
ANCRE CHÉNIER
CEuvfea en pr.<ae. 1 vol. A.DEB)DOUR
Etudes critiques sur la Révolution, l'Empire et la Période oontemporaine 1 vol. CAM)LLEDESMpUL)NS
CEuvrea ohoiaies, a~ee Préface de JcMS CLAMTM. ~et. .DUBO'S-CR~NCÈ~
AnalyM~'Ieia, Résolution ~ranoaiee~depttts t'ottveftttfe des ~'<<M<'atf.J'M'aM 6 trMMt'fttfe «?77' < vol. ANTONtNDUBOST
D&aton et la Folitique; oontemporaine. t vo). FOUQUtER-T)NV)L)-E
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Extrait du Catalane de la BÏBHOTNËQOE-CHARPENTIER A 9t <~ tte le volume
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