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Titre : Le roman d'un spahi / par Pierre Loti

Auteur : Loti, Pierre (1850-1923). Auteur du texte

Éditeur : Calmann-Lévy (Paris)

Date d'édition : 1893

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb308359002

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 380 p. ; in-18

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Description : Collection : Bibliothèque contemporaine

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k66361p

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Y2-22416

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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O~M~WMt~b)~<~M~M~ <M <a)Utew

Cattwattu~ MMoMM tnanquattte


BtRUOTH~QUE CONTEMPORAINE PIERRE LOT!

MR t'ACA~Mtt: yRA~tJAtaE

LE ROMAN

D'UN SPAH!

TRHNTM-SEPTtÈMB ~tttTtOX

C~L

PARIS

CALMANN LÉVY, ÉDÏTEUR

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189~


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DU M&ME AUTEUR

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LE ROMAN

D'UN SPAJH

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PIERRE LOTÏ

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tNTRODUCTtON


Ha <î<endant la cote d'AMque, quand ou d~passA r''xn émité sud du Maroc, on suit pendant dt'~jem's at des nuits un interminable poysddsoM. C'e~t le Sahara, la < grande mer sans eau t, que les M:unes appellent aussi a Ned-ei-Ateuch t, le pays <ie la soif.

Ces ptages du disert ont cinq cents lieues de long, ?an!! un point de repère pour le navire qui passe, sans une ptante, sans un vestige de vie. Les solitudes défilent, avec une monotonie triste, les dnae!! mouvantes, les horizons indéfinis, et la chaleur augmente d'intensité chaque jour.

Et puis enfin apparaît au-dessus des sables une

t


~eM~ cit6 Manehe, p~ntdo de tweit palmier jaMnas e*aat Saint~oaia du Sen~gat, la eapita~ de la SenagamMe.

Une <gMae, noe moaq~e, une tour, des (Mts<ma à la <aMMsque. Tout cet~ s«n<Me dormir aoMsfM~eM so!ett, comme ces v!MM portugaises qui <!eMf!8MiMttjad!9 sur la côte du Ccngo, §)t!nt. Paa! etSaint-KtiHppe de Ben~h).

On s*appF«ehe, et oa <Mtoaae de voit que cette \!Ho n'est pas b&Ke sur ta plage, qu'elle n'a même pas de port, pas de communication avec t'ex~nour; la cdte, basse et toujours droite, est inhos. phaH&re comme celle du Sahara, et une éternelle ligne de brisants en défend rabord aux n.Mm'8. On aperçoit aussi ce que l'on n'avait ~as vu du large d'immenses fourmilières humaines sur le rivage, des milliers et des miMic~ de cases de chaume, de huttes lilliputiennes aux «tits pointus, où grouille une bizarre population nègre. Ce sont deux grandes villes yoïotes, Guet-n'dar et N'darEoute, qui séparent Saint-Louis de ta mer. Si on s'arrête devant ce pays, on voit bientôt arriver de longues pirogues à éperon, à museau


d<' poiiMKta, & tournure de ~uiM, mondes par des hommes noira qui rament debout. Ces pire.guiers sont de grands hereules maigres, admiraMM do ~rtMea et da museles, avec des ~ces de gorilles. Ea pMsaaHas MsaMs, ils ont ehavM dix Ma pour te moins. Avec une persewerance negM, une agHt~ et MM force do e!owm, dht fois de suite ils ont Mtevôlear p!rogMo et rMomMeacé te passage la sueur et Pmm de mer M!s!<eMent sur leur peau nue, paretMe & de t'ebetM verni. Ils sont arrives, cependant, et sourient d'un air de triomphe, en montrant de magnifiques rateMers blancs. Leur costume se compose d'une amulette et d'un coM!cr de verre leur chargement, d'une boha de plomb soigneusement termce la botte aux lettres.

C'e!'tt&quese trouvent les ordresdu gouverneur pour le navire qui arrive; c'est !& que se mettent les papiers à l'adresse des gens de ta colonie. Lorsqu'on est pressé, on peut sans crainte se confier aux mains de. ces hommes, certain d'être rcp&cM toujours avec le plus grand soin, et 6nalement déposé sur la grève.


Mats est p~MS eoaCuftxhb da poMM«mc sa foute ver:! b sud, ~sqM'& t'omboMe~ut « ttu ~adga~o'& desb~eawx ptata~teMoeotvottstttt'Hdt'e, et vous méneRt tfaaqM!MemeBt & Satat-LoMM pM ~eave.

Cet !setem«ot de !a tnop est pour M p~ys una ~aade MMsa da atagn~!oa et triat<'8sc ~httLcuitt ne peut Norv!r de point de reMt'ha KMx pa* qnebots nï anA nawea )f)X!uchaa<!s q<t! dt'Kndont dans t'aatM t~ndsph~e. On Y vient quan<t on forcé d'y vantr; mai!! janmM p<:raanaM n'y ~~ss<?, et i! setab~ ~M'an s'y tMWt) pfttsoaMter, i)~~Mma~t sépare da reste du monde.


Dans le quartier ner<t de Saint.Leuis, près de la mosquée, était une vieille petite maison isoMe, appartenant & un certain Samba4iamet,tran<jj<Mnt du haut fleuve. Elle 6tah toute tranche de chaux; ses murs do brique Mz:M'des, ses planches mcornies par la s&cheresse, servaient de ~!te & des légions de termites, de fourmis blanches et de lézards bleus. Deux marabouts hantaient son toit, claquant du bec au soleil, allongeant gravement leur cou chauve au-dessus de la rue droite et déserte, quand par hasard quelqu'un passait. 0 tristesse de cette terre d'Afrique 1 Un frèle palmier à épines promenait lentement chaque jour son ombre mince tout le long de la muraille

tt


o~ande; e~att la sewt a~hM da co qMatttw, 9~ aMQM verdure N0 Mposa~ la voe. Sur ses pa~'

snas jauniea va~auia~at aouvapt sa poaer das vola

meajawaiesvemdem souveot se poser des vota da cas tout patha oisoam hto<ts <M Mse&qM'oa appelle en France des hH~eMs. Autour, c'~ait du aaMe, toujours du MMe. Jamais wae mousse, jamais un Ma brin d'Mpbo sur <? sol, daas~M par tous les sûMMes byûïaats duS~afa.


t!i

En bas, une vieille négresse horrlblo, nommée CouM.a'diayo, ancienne favorite d'Ma grand roi noir, habitait au milieu des débris de sa t!Mhme, elle avait instatM !& ses loques bizat'res, ses pe tites esclaves couvertes do verroteries bleues, ses. ehe~Ms, ses grands moutons cornus et ses maigres chiens jaunes.

En haut, était une vaste chambre carrée, haute de plafond, à laquelle on arrivait par un escalier esténeur, en bois vermoulu.


TV

Chaque ~oif, un homme en veste ron~e, coiM <MZ musntnMM, un spahi, montdt dans !a toa!sou d<' Santba-!htMt~, & t'h~n du cuMehct du sot<*H. Les deux marabouts de CoaM-n'diaye ïc rcgarditient do loin venir; depuis t'Huna cxtr~mité de ta ville morte, ils reconnaissaient son allure, son pas, tes couleurs voyantes de son costume, et le laissaient entrer sans tcnMt~ner d'inqotêtude, comme un personnage depu!s tongtemps connu.

C'était un homme dehaute taille, portant !a tête droite et fière; it était de pure race blanche, bien qne te soleil d'Afrique eût dt~& fortement basané son visage et sa poitrine. Ce spabi était extrême-


méat beau, d'MM beauté o~e et grave, avec de gta~s yeux <a!ra, at)ong<is comme des yeux d'Arabe: son M~ete en arrière, laissait échapper une mèche de chcv< w!< brmts qui retombaient au hasard sur son !a~e ~oat pur.

La veste yeuge seyait adm!rab!etneat a sa ta!Me cambrée; M y avait. dans toute sa townwe Mn metange desoMp!esseet de force.

!t etatt d'ord!t!a!re sérieux et pensif; mais goo o<mrire avait une ~f&ceMiaeetdecouwaitdes dents d'une rare blancheur.


v

Un soir, Fhomme en veste rouge avait plus que de coutume t'air rêveur, en montant l'escalier de bois de Samba-Hamet.

Il entra dans l'appartement haut, qui était le sien, et parut surpris de le trouver vide. C'était un logis bizarre que celui du spahi. Des banquettes couvertes de nattes meublaient cette chambre nue; des parchemins écrits par les prêtres du Maghreb, et divers talismans pendaient au plafond.

H s'approcha d'un grand coffret à pieds, orné de !ames de cuivre et bariolé de couleurs éclatantes, comme ceux dont se servent les Yoio&


pour serrer tewrat objets pre~eax. H eMaya de t'ouvrir et le trouva <<M'm6.

Alors i! s*ëtead!t sur un tara, sorte de sofa en ~Mes légères que fabriquent les nègres des bords dota GamMe puis il prit dans sa veste une lettre qu'il se mit & lire, après l'avoir baisée & t'endroit de !asignatwe.


C'était une lettre d'amour, sans doute, écrite par quelque belle, quelque fine Parisienne peut-être, ou bien encore quelque romanesque scBora, & ce beau spahi d'Afrique, qui semble taillé pour jouer les grands rôles d'amoureux de mélodrame.

Ce papier, problablement, doit nous donner le noeud de quelque très dramatique aventure, par laquelle cette histoire ~a commencer *<


vu

La lettre sur laquelle le spahi avait posé ses lèvf6a portait le timbre d'un vit!agc perdu des Cévennes. Eue était écrite par une pauvre vieille main tremblante et mal exercée; les lignes chevauchaient les unes sur les autres, et les fautes ne manquaient pas.

La lettre disait

« Mon cher Bts,

t La présente est pour te donner des nouvelles de notre santé, qui, pour le moment, est assez bonne, nous en remercions le bon Dieu. Maiston père dit qu'il se sent vieillir, et, vu que ses yeux baissent beaucoup, c'est moi, ta vieille mère, qui


prands la plume pour te parier de nous ta m'ex. cuseras, sachant que je ne peux pa& mieux écrire. t Mon cher Ms, c'est pour te dire que nous sommes bien dans la peine depuis quelque temps. Depuis trois ans que tu es parti, rien ne nous f~MSsit p!os; la prospérité, ainsi que iajoie, nous ont quittés aveo toi. L'acnêe est dure, par rapport à h tbrto gr6!o qai est tombée dans io champ, et qui a à peu près tout perdu, sauf du côté du chemin. Notre vache est tombée malade, et nous a coûté très cher à faire soigner; les journées de ton père manquent quelquefois, depuis qu'il est revenu au pays des hommes jeunes, qui font l'ouvrage plus vite que lui; enfin, il a fallu faire réparer une partie du toit de chez nous, qui menaçait de tomber par suite des pluies. Je sais qu'on n'est pas bien riche au service, mais ton père dit que, si tu peux nous envoyer ce que tu nous as promis, sans te priver, ça nous sera bien utile.

Les Mery pourraient bien nous en prêter, eux qui en ont beaucoup; mais nous ne voudrions pas leur en demander, surtout pour ne pas avoir l'air


do pauvres gens auprès d'eux~ Nous voyons sou.vent ta cousine Jeanne Mery; eMe embonit tous les jours. C'est son grand bonheur de venir noua trouver pour parler de toi; elle dit qu'elle ne da~ manderait pas mieux que d'être ta femme, mon cher Jean mais c'est son père qui ne veut plus qa'on parte de mariage, parce qu'M dit que nous sommes pauvres, et aussi que tu as etë un peu mauvais sujet dans les temps. Je crois pourtant que, si tu gagnais les galons de marechal-deslogis, et si on te voyait revenir dans le pays avec ton beau costume de militaire, i~nirait peut-être par se décider tout de même. Je pourrais mourir contente si je vous voyais mariés. Vous feriez bâtir une maison près de la nôtre, qui ne serait plus assez belle pour vous. Nous faisons bien souvent des projets tà-dessus,!e soir, avec Peyrat.

s Sans faute, mon cher fils, envoie-nous un peu d'argent, car je t'assure que nous sommes bien dans la peine; nous n'avons pM pu nous rattraper cette année, comme je t'ai dit, par rapport à cette grêle et à la vache. Je vois que ton père s'en fait un grand tourment, même que je vois bien sou-


vont humit, au Hew da depmir, qu'il y songe et se retourne Mea des fois. Si tu M peux pas a<Mts envoyer la grosse somme, envoie-nous ce que tu jtoarras.

t Ad!ea, mon cher Ms:!es gens au v!!tage s'Ïa' forment beaucoup de toi, et de quand tu M~endn<s; tes voisins te disent un grand btKtjH~r; pom' moi, ttt saisq&eje n'ai plus de joie depuis que tu es part!.

e Je termine en t'embrassant, et Peyrat aa~i. t Ta vieille mem qui t'adore,

? PttAKÇ(M8B fM«Att. ? u


T!H

.JtMn s'accouda A !a tcn~r~, et M mit & rêver en re,~ardant vaguement le grand décor africain qui se (Mtoutatt devant lui.

Les sithouettes pointues des cases yotofes, massues par centatne& A ses pieds; –au loin, la mer agitée et la ligne ëtemette des brisants d'AMqae; un soleil jaune, près de disparaître, ec!airant encore d'une lueur terne le désert a perte de vue, le sable sans fin; une caravane lointaine de Maures, des nuées d'oiseaux'de proie planant dans i'air, et, là-bas, un point où se raient ses yeux le cimetière de Sorr, où d~A u avait conduit quelques-uns de ses camarades,


moatagnards comme lui, morts de !a Mvr~ sous ce climat maudit.

Oh retourner !a-bas, près de ses vieux parents habiter une petite maison avec Jeanne M~yy, tout auprès du médite toit pateraet PaMrqMoU'avait-oaMM sur cette terre d'AOfique?.. Quoi de commun entre lui et ce pays? Et ce costume rouge et ce~aMtM~ deatMi'avaitatfubM, et qui pourtant lui donnaient si grand air, quel déguisement pour tui,pauwepetit paysan dusCevennes! 1

EtU resta !a longtemps & songer; il rêvait de son viUage, le pauvre guerrier du Seaega! Le soleil couché, la nuit tomba, et ses idées s'en aliorent tout A fait au triste. Du cote deA~<M~O!<<e, les coups précipités du tam-tam appelaient les nègres & la bamboula, et des feux s'allumaient dans tes cases yoiofes. C'était un soir de décembre, un vilain vent d'hiver se leva, chassant quelques tourbiUons de sable, et fit courir un frisson, une impression inusitée de froid sur ce grand paysbrûM.


!<a porte 8'oow!t, et aa cMaa ?~0, aux oroHtes droites, & mine de ehaca~MacMea~t! ~mde !a race <aaM, entra brMyMnnoent et vînt saMtof autoar da stm nMtÛM.

En môme temps, uae ~eMM OMe notre parut, gaie et deuse, & h pêne dw logis elle St wo pa~t satat & resse~, rc~ereaee ie négresse, bmsqMe et eoM)!qt<e, et dtt ~<!M/ (boNjourt)


ÏX

La spahi lui jeta un regard distrait

Fatou-gaye, dit-il, dans un mélanga de français créole et d'yolof, ouvre le coffre, que j'y prenne mon argent ?

Tes Ma/tM (tes pièces d'argent !), répondit Fatoa-gaye, en ouvrant de grands yeux blancs dans les paupières noires. Tes &Aa~M répéta-t-elle, avec ce métange de frayeur et d'cffronterie des enfants pris en faute qui craignent d être battus. Et puis elle montra ses oreilles, auxquelles pendaient trois paires de boucles en or admirablement travaillées.

C'étaient de ces bijoux en or pur de Galam, d'une délicatesse merveilleuse, que les artistes


M!ra oat !e aecret de ~ancr à i'ombra de petites tentes basses, sous tesquaHea ils travaillent taysteriauseMent, accroupia dans te suMe du ddsert.

F~tou-gayavena!td'tMt6r ces objets depuis !oag~cmp9 ceovoMs.et t& étaient passas les khaSsa du spahi uno c(tMa!ne de Ecancs amassas pe* tH& petit, le fruit de ses pauvres <conotmes de soldat, qu'il desttaa!t & ses vieux pat eats. Les yeux du spahi jetàt'eat un éclair, et 11 prit sa cravache pour frapper, mais son bra<< tomba désarmé. ït se calmait vite, Jean Peyral; il était doux, surtout avec tes faibles.

Des reproches, il a'en fit pas; il les savait icu' tiles. C'était sa faute aussi; pourquoi n'avait-il pas mieux caché cet argent qu'il lui faudrait matuteoamt à tout prix trouver aiHeursî

Fatou-gaye savait quelles caresses de ettatte Mre à son amant elle savait comment Feniacer de ses bras noirs cerclés d'argent, beaux comme des bras de statue; comment appuyer sa gorge nue sur le drap rouge de sa veste, pom'exctter


Meat&t ïesd~M~tM~MUM qMLam&MOfatca~ )~~ don de sa ~«to. EUe spatM MhMSsa aoaehatam" mant tentber aur te tafa, aMpr~s d'eHo, remettant au taadettMHa da charehat t'~aatqn'ca a~adaît !&'bas, dans t&<h~Mnôre de ses ~9W& paMO~ a v e v a v e v v o v 0 v


PREMIERE PARTIE



î! y avait trois ans que Jean Peyral avait mis le pied sur cette terre d'Afrique, et depuis qu'il était !&, une grande transformation s'était faite en lui. ï! avait passé par plusieurs phases morales les milieux, le climat, la nature, avaient exercé peu & peu sur sa tête jeune toutes leurs inOuences énervantes; lentement, il N'était senti glisser sur des pentes inconnues; et, aujourd'hui, il était t'amant de Fatou-gave, jeune fille noire de race khassonkée, qui avait jeté sur lui je ne sais quelle séduction sensuelle et impure, je ne sais quel charme d'amulette.

L'histoire du passé de Jean n'était pas bien compliquée.


A vingt ans, le sort l'avait pris & sa vieille mère qui pleurait. N était parti comme d'autres entants do son village, en chantant très fort pour ne pas fondre en larmes.

Sa haute taille l'avait fait designer pour !a cava~erie. L'attrait mystérieux de l'inconnu lui avait fait choisir le corps des spahis.

Son enfance s'était passée dans !es Cevennes,–dans un village ignora, au milieu des bois. Au grand air pur des montagnes, il avait pousse comme un jeune chêne.

Les premières images gravées dans sa tête d'enfant avaient été saines et simples son père et sa mère, deux figures chéries; et puis le foyer, une petite maison & la mode de l'ancien te*nps, sous des châtaigniers.

Dans son souvenir, tout cela était inscrit mefbçaNe, à une place profonde et sacrée. Et puis it y avait les grands bois, les courses & l'aventure dans les sentiers pleins de mousse, la liberté. Pendant les premières années de sa vie, en dehors de ce village perdu où il était né, il ne con-


naissait rien du reste du monde; pour lui, il n'y avait alentour que la campagne sauvage habitée par les patres, les jeteurs de sort de la montagne.

Dans ces bois où il a!!ait vagabonder tout le jour, i! avait des rêveries de petit solitaire, des contem. potions de petit berger, et puis tout à coup des envies folles de courir, de grimper, de casser des branches d'arbre, d'attraper des oiseaux. Un mauvais souvenir, c'était l'école du viiiage un lieu noir où itMtait rester tranquille entre des murs. On avait renonce à Fy envoyer: il s'échappait toujours.

Le dimanche, on M donnait ses beaux habits de montagnard et il s'en allait & l'éguse avec sa mère, en donnant la main & la petite Jeanne, qu'on prenait en passant chez l'oncle Méry. Après cela, il attait jouer aux boules dans un grand préau communal, sous des chênes.

H savait qu'il était plus beau que les autres enfants et plus fort; dans les jeux, c'était à lui qu'on obéissait, et il était habitué à trouver partout cette soumission.


Quand il était devenu plus grand, son iMd~pendanea et ce hes'n cMMinue! da mouvmnent qu'il avait s'étaient baaucoup accentués. !t n'en M~~h plus qu'à sa t&te: il 6ta~ toujours en dommage, détachait ïe~ chevaux pour aller ga~{'er au loin, braconnait en tout temps avec un vieux fusil qM! M partaU pa~ s'attttah des d~tMëlés Mqueat~ avec le garde champêtre, au gfaad désespoir de son oncle Mcry, qui avait rêv4 de lui apprendro un métier et de faire de lui uo homrac tranquille.

C'était vrai, i! avait réellement été < un peu manvais sujet dans les temps e, et, au pays, on s'en souvenait toujours.

On l'aimait pourtant, même ceux qui en avaient le plus pâti, parce qu'il avait le cœur franc et ouvert. On ne pouvait pas lui en vou!oir bien sérieusement quand on voyait son bon sourire; et puis, d'ailleurs, en lui parlant doucement, quand on savait le prendre, on le menait comme un enfant docile. L'oncle Méry, avec ses sermons et ses menaces, n'avait sur lui aucune inBuence: mais quand sa mère le grondait et qu'il était sûr de lu


avoir fait de la peine, il avait le cœur très gro~, et on voyait ce grand gardon, qui avait d~ t'air d'un hâtante, baisser la t~e avec reavic de pleurer.

U était indompté, mais non libertin. Sa mine d'ade!cs' ent !Mge et fort était ti~re et un peM sauvage. Daas son village, on était à l'abri des contagions malsaines, des dépravations précoces des ëtiotes de la ville. Si bien que, quand ses vingt ans vinrent & sonner et qu'il fallut entrer an service, Jean était aussi pur et presque aussi ignorant des choses de la vie qu'un tout petit enfant.


Il

Mais, après, tes etonnements de toute aorte avaient commencé pour M.

U avait suivi ses nouveaux camarades dans des lieux de débauche, où il avait appris & connaître l'amour au milieu de tout ce que la prostitution des grandes villes peut ofMr de plus abject et de ptns révoltant. La surprise, le dégoût, et aussi 1'attrait dévorant de cette nouveauté qui venait de lui être revetee, avaient beaucoup bouleversé sa jeune tête.

Et puis, après quelques jours d'unevie trooMee, un navire l'avait emporté loin, bien loin sur h mer calme et bleue, pour !e déposer, étourdi et dépaysé, sur la cote du Sénégaï.


m

Un jour de novembre, à l'époque eu les g~nds baobabs laissent tomber sur le sable leurs dernières feuilles, Jean Peyraï était veau !& jeter son premier regard de curiosité sur ce coin de la terre où le hasard de sa destinée le condamnait à passer cinq ans de sa vie.

L'étrange de ce pays avait frappé d'abord son imagination toute neuve. Et puis il avait senti très vivement le bonheur d'avoir un cheval; de friser sa moustache, qui allongeait très vite; de porter un bonnet d'Arabe, une veste rouge et un grand sabre.

Il s'était trouvé beau, et cela lui avait plu.


n

Novembre, c'était la belle M~soM, correspondant à notre hiver de France: ta chn!<!ur c<ait moins <brte, et tt: vem scc du désert avatt suc<dA aux grands OMges de t'été.

Quand la belle «KsoM commence au Sdnt~a~ on peut, en toute sécurité, camper en ph'in air, sans toit & sa tente. Pendant six mois,' pas une goutte d'eau ne tombera sur ce pays; chaque jour, sans trêve, sans merci, il sera brû!ë par un soleil dévorant.

C'est la saison aimée des lézards; mais l'eau manque dans tes citernes, les marais se dessèchent, l'herbe meurt, et les cactus même, ies nopals épineux n'ouvrent plus leurs tristes


Qcurs jaunes. Pourtant les soirées sont froides: au coucher du soleil, se lève régutierenrent une grande brise de mer qui fait gronder les éternels tM'isanta des plages d'Afrique et secoue sans pitié tex deraicMa &tuMtes d'automne.

T)bte automne, qui n*am&ne avec t<H tes longues veitMes de France, ni ie charme des premières gelées, ni les récoltes, ni les fruils dore~. JatHais un fruit dans ce pays déshérite de Dieu; les dattes du désert môme tui sont refusées; rien n'y mûrit, rien que les arachides et les pistaches amères.

Cette sensation de l'hiver qu'on éprouve !à, par une chaleur encore torride, cause à l'imagination une impression étrange.

Grandes plaines chaudes, mômes, désolées, couvertes d'herbes mortes, où se dressent par-ci, par-M, à côte des maigres palmiers, tes colossaux baobabs, qui sont comme les mastodontes du règne végétât et dont les branches nues sont habitées par des familles de vautours, de lézards et de chaudes-souris.


v

L'ennui dtait venu vite trouver le pauvre Jean. C'était ttoe sorte de mélancolie qu*it n'avait jamais éprouvée, vague, indéfinissable, la nostalgie de ses montagnes qui conun<'Bçait,ta nostalgie de son village et de la chaumière de ses vieux parents tant aimés.

Les spahis, ses nouveaux compagnons, avaient déjà trainé leur grand sabre dans diHerentes garnisons de t'tnde et de FAtgétie. Dans les estanùnets des villes maritimes où ils avaient promené leur jsunesse, ils avaient pris ce tour d'esprit gouailleur et libertin qu'on ramasse en courant ie monde; ils possédaient, en argot, en sabir, en arabe, de cyniques plaisanteries toutes faites qu'ils jetaient à la face de toute chose. Bf.nes


~:<FgOB8 dans )te thad, et joyeux camarades, Ha avaient des façons d'être que Jean ne comprenait ~uore, et des plaisirs qui lui causaient une repu* gaanceextrËnte.

Jean<!ta!t rêveur, par nature demontagaard. La rêverio est inconnue à la populace abMe et gangrenée des graades villes. Mais, parmi les hommes etevês aux champs, parmi les marins, parmi les fils de pêcheurs qui ont grandi dans la barque paternelle au milieu des dangers de la mer, on rencontre des hommes qui <~MH<, vrais poètes muets, qui peuvent tout comprendre. Seulement ils ne savent pas donner de forme à leurs impressions et restent incapables de les traduire.

Jean avait de grands loisirs à la caserne, et il les employait à observer et à songer.

Chaque soir, il suivait la plage immense, les sables Neuâtres illumines par des couchers de soleil inimaginables.

I! se baignait dans les grands brisants de la cote d'Afrique, s'amusant, comme un enfant qu'il $


étatt encore, a ? &ire router par ces tamea éaer~ mes qui le couwaient de sable.

Ou bien il marchait longtemps, pour le seul plaisir de se remuer, d'aspirer & pleine poitrine Fairsaté qui souKtait de la mer. Et puis aussi, ceMe platitude sans fin le gênait; eBe oppressait son imagination, haMtuêe A ~ntempter des montagnes n éprouvait comme un besoin d'avancer toujours, comme pour élargir son horizon, comm~ pour voir CM <M<t.

La plage, au crépuscule, était couverte d'aom mes noirs qui revenaient aux villages chargés de gerbes de mil. Les pécheurs aussi ramenaient leurs nieb< entourés de bandes bruyantes de femmes et d'enfants. C'étaient toujours des pèches miraculeuses que ces pèches du Sénégal les filets se rompaient sous le poids de milliers de poissons de toutes les formes; les négresses en emportaient sur leur tête des corbeilles toutes pleines; les béoes noirs rentraient au logis, tons coiNes d'une couronne de gros poissons greuiMants, enhtés par les ouïes. 11 y avait ta des ngures extraordi-


attires arrivant de l'intérieur, des caravanes pittoresques do Maures eu de Pouhles qui descendaient la ~e~Me de Barbarie; des tableaux impossibles à chaque pas, chauCes & Mancpar une lumière tnvraisemblable.

Et puis tes cteies des dunes bleues devenaient toses; de dernières tueurs horizontales couraient sur tout ce pays de sable; le soleil s'éteignait dans des vapeurs sanglantes, et alors tout ce peuple noir se jetait ta face contre terre pour la prière du soir. C'était l'heure sainte de Fistam; depuis la Mecque jusqu'à la cote saharienne, le nom de Mahomet, répété de bouche en bouche, passait comme un soufBe mystérieux sur lAfrique; il s'obscurcissait peu & peu & travers le Soudan et venait mourir ta sur ces lèvres noires, au bord de la grande mer agitée.

Les vieux prêtres yoïofs, en robe Bottante, tournés vers la mer sombre, récitaient leurs prières, le front dans le sable, et toutes ces plages étaient couvertes d'hommes prosternés. Le silence se faisait alors, et la nuit descendait, avec la rapidité propre aux pays du soleil.


A la tombée du jour, Jean rentrait au quartier des spahis, <~ans le sud de Saint-Louis. Dans tagraadesaMe blanche, oaverteawvent du soir, tout était silencieux ettNtaqQiMe;tes lits auM~rotês das spaMs étaient aMgaês le long des murailles aues; la tiède bdse de mer agitait leurs moustiquaires de mousseline. Les spahis étaient dehors; Jean rentrait à l'heure où les autres se répandaient dans les rues désertes, courant à leurs plaisirs, à leurs amours.

C'est alors que le quartier isolé lui semblait triste, et qu'il songeait le ptus & sa mère.


Vt

n y avait dans le sud de Saint-Louïs de vieilles maisons de brique, d'un aspect arabe, qui s'éclairaient le soir et jetaient encore sur les sables des tramées de lumière rouge, aux heures ou tout donnait dans la ville morte. n sortait de d'étranges odeurs de nègre et d'alcool, le tout mélangé et développé par la chaleur torride; il en sortait aussi la nuit des bruits d'enfiBr. M, les spahis régnaient en mattres; là, les pauvres guerriers en veste rouge allaient &ire tapage et s'étourdir; absoroer, par besoin ou par bravade, d' nvraisem" blables ouantités d*a!cooi, user comme à plaisir la puissante sève de leur vie.

L'ignoble prostitution mulâtre les attendait dans ces bouges, et il se passait là d'extravagantes


bacchanales, ennewees par l'absinthe et par le climat d'Afrique.

Mais Jean évitait avec horreur ces lieux de plaisir. ht était très sage et mettait de côté ses petites épatgnes de soldat, les réservant déjà pour l'instant bienheureux du retour.

N était très sage, et cependant ses camarades ne le raillaient point.

Le beau MaMer, grand garçon abaden qui faisait école au quartier des spahis en raison de son passé de dueïs et d'aventures, le beau Multer Favait pris en haute estime, et tout le monde était toujours du même avis que Fritz Muller. Mais levéritable ami de Jean,c'étaitNyaor-&U,te spahi noir, un géant africain de la magnifique race FoutaDiaUonM singutière &gure impassible, avec un fin profil arabe et un sourire mystique à demeure sur ses lèvres minces: une belle statue de marbre noir. Celui-là était l'ami de Jean; il l'emmenait chez lui, dans. son logis indigène de Guet-n'dar; il le faisait asseoir entre ses femmes sur une natte blanche et lui offrait l'hospitalité nègre le ~owss&<Mtss et les gourous.


vn

Chaque soir, à Saint-Louis, c'était le train de vie monotone des petites villes coloniales. La &eKes<Mson ramenait un peu d'animation dans cesroes de nécropole; après ïe coucher du soleil, quelques femmes que la fièvre avait épargnées promenaient des toilettes européennes sur ia place du Gouvernement ou dans Fauéo des palmiers jaunes de Guet-n'dar; cela jetait une impression d'Europe dans ce pays d'exil.

Sur cette grande place du Gouvernement, bordée de symétriques constructions blanches, on eut pu se croire dans quelque ville européenne du M!<K, â part cet immense horizon de sable, cette platitude infinie, qui dessinait au loinsaKgneimplacable.


Les rares promeneurs se connaissaient et se dévisageaient entre eux. Jean regardait ce monde, et ce monde aussi le regardait. Ce beau spahi qui se promenait aewt, avec un air si graveet sisëvere, intriguait les gens de Sa!nt-Loais, qui supposaient dans sa vie quelque aventure de roman. Une femme surtout regardait Jean, une femme qui était plus étegante que les autres et plus jolie. C'était une ma!&tresse, disait-on~ mais si blanche, si blanche, qu'on eût dit une Parisienne. Blanche et paie, d'une pâteur espagnole, avec des cheveux d'un blond roux, !e blond des mulâtres, et de grands yeux cerclés de bleu, qui se fermaient à demi, qui tournaient lentement, avec une langueur créole.

C'était la femme d'un riche traitant du neuve. Mais, à Saint-Louis, on la désignait par son prénom, comme une fille de couleur, on l'appelait dédaigneusement Cora.

Elle revenait de Paris, les autres femmes pouvaient le voir à ses toilettes. Jean, mi, n'était pas encore capable de déSmr cela, mais il s'aperce-


vait bien que ses robes traînantes, môme lors.qu'eHes étaient simples, avaient quelque chose de particulier, aBecraco que les autres n'avaient pas. M voyait surtout qu'elle était très beMe, et, comme elle l'enveloppait totnoars de son Mgard, il éprouvait une espèce de Msson quand il la ronCOBtNUt.

Elle t'aime, Peyral, avait déclaré le beau Muller, avec son air entendu d'homme à boMes <brtuaea et d'! coureur d'aventures.


~m

EUe l'aimait en elfet, d sa manière de mulâtresse et, un jour, eUe le manda dans sa maison pour le lui dire.

Pauvre Jean, les deux mois qui suivirent s'envolèrent pour lui au milieu de rêves enchantés. Ce luxe inconnu, cette femme etegante, parfumée, tout cela troublait étrangement sa tête ardente et son corps vierge. L'amour dont on ne lui avait montré jusque-là qu'une parodie cynique, maintenant l'enivrait.

Et tout cela M avait été donné sans réserves, en une fois, comme les grandes fortunes des contes de fées. Cette pensée l'inquiétait pourtant;


cet aveu de eette femme, cette impudeur io révoltaient un peu quand n y songaa!t.

biais it y songeaït farMnent, et, auprès d'eMe, M ~t tout gtM d'amour.

Lui aussi, il s'essayait A des recherches de toitctte; M aussi se pmdhMaait, soignait sa moustache et ses cheveux bruns. n lui semblait, comme 4 tous les amants jeunes, que la vie venait de s'ou~fH' pour lui du jour où il avait rencontré sa maitresse, et que toute son existence passée n'était rien.


ÏX

Cora aussi l'aimait; mais b cconr avait pou de part dans cet amour-ïa.

MuMiresse de Bourbon. elle avait été élevée dam l'oisiveté sensuelle et le luxe des créoles riches, mais tenae &récart par les femmes blanches, avec un impitoyaNe dédain, repoussée partout comme /!Ne de coM~Mr. Le même préjugé de race l'avait suivie à Saint-Louis, Mon ~t'eMe N& la femme d'an des plus considéraMes traitants du Ceuve; on la laissait de coté, comme une créature de rebut.

A Paris, elle avait eu nombre d'amants très raffinés; sa fortune Im avait permis de faire en


France une Ngure ooaveaabte, de goûter au ~ïee ëMgaat et comme M faut.

A pr~tt, elle avait assez des ~tnes mains ganses, des a!F8ët!oMs des daadys, des ndaes romanesques et <at!gnées. Elle Wfa!t ptis Jean parce qa'!t était large et fort; eMe aimait à sa façon cette beMe p!!une inculte; olle a!mMt ses manierea rudes et naïves, et jusqu'à la grosse toile de sa chemise de soldat


x

L'habitation de Cora était une hnmense maison de briques, ayant cet aspect un peu égyptien des vieux quartiers de Saint-Louis, et Manche comme un caravansérail arabe.

En bas, de grandes cours, où venaient s'accroupir dans le sable les chameaux et les Maures du désert, où grouillait un bizarre mélange de bétai!, de chiens, d'autruches et d'esclaves noirs. En haut, d'interminables vérandahs, soutenues par de massives colonnes carrées, comme les terrasses de Babylone.

On montait aux appartements par des escaliers extérieurs en pierre blanche, d'un aspect monumental. Tout cela, délabré, triste comme tout ce


qui est à Saint-Louis, ville qui a déj& son passé, ~tlonie d'autrefois qui se meurt.

Le sa!on wait un coï~ata air de graadear, avec ses dimensions seigneuriales etsenameoMement du siècle dernier. Les ïezards bleus le hantaient; tes chats, les penradhes, les gazeMes pnveess*y poursuivaient NurîesBnes nattes de Ga!B~; les servantes négresses, qai le traversaient d'an pas dolenten tratnant leurs sandales, y laissaient d'acres senteurs de sowmare et d'amulettes musquées. Tout cela respirait je ne sais quelle mélancolie d'exil et de solitude; tout cela était triste, le soir surtout, quand les bruits de la \ie se taisaient pour faire place à ia plainte éternetie des brisants d'Afrique.

Dans la chambre de Cora, tout était plus riant et plus moderne. Les meubles et les tentures, récemment arrives de Paris, y étalaient une élégance fraîche et confortable; on y sentait desodeurs d'essences très fashionables, achetées chez les parfumeurs duboulevard.

C'était là que Jean passait ses heures d'ivresse.


Cette chambre M faisait i'ef~t d'wn palais ea. domté, Mpassaot tout ce qae son îmaginatton avait pu f~er de plus taxueax et de plus charmMtt.

Cette femme etaïtdevenae sa ~e,tout son )tanheur. Par un mCBnement de creatoM blasée sur la p!a!sïr,eHe ava!t desMpesséder!*atBe de Jean en même temps queson corps avec une chatterie de creote, eïïe avait joué, pour cet amant plus jeune qu'elle, uBein'êsis~bIecomëdied'mgenaM et d'amour. Elle avait rëass! il lui appartenait bien tout eaUe!.


Xt

Une petite négresse très comique, à laquelle Jean ne prenait pas garde, habitait la maison de Cora en qualité de captive. Cette petite fille ebut Fatou~ye.

Elle avait été tout dernièrement amenée à Saint-Louis et vendue comme esdave par des Maures Domuch, qui rayaient capturée, dans une de leurs razzias, au pays des KhassonMs. Sa haute malice et son indépendance farouche lui avaient fait assigner un emploi très eSacé dans la domesticité de la maison. On h considérait comme une petite peste, bouche inutile et acquisition dëpIoraMe.

N'ayant pas encore tout à fait l'âge nubile auquel les négresses de Saint-Loms jugent coa-


venaMo de se vêtir, elle allait généralement toute nue, avec un chapelet de gris-gris au cou, et quelques grains de verroterie autour des reins. Sa tête était rasée avec le plus grand soin, sauf cinq toutes petites mèches, cordées et gommées, cinq petites queues raides, plantées & intervaUes régutiersdepuisle~jnt jusqu'au bas de la nuque. Chacune de ces mèches se terminait par une perle de corail, à part ceHe du milieu, qui supportait un objet plus précieux citait un sequin d'or &rt ancien qui avait dû jadis arriver d'Algérie par caravane et dont les pérégrinations à travers le Soudan avaient été sans doute très longues et très compHquées.

Sans cette coiSure saugrenue, on eût été frappé de la régularité des traits de Fatou-gaye. Le type !.hasso~é dans toute sa pureté une une petite figure grecque, avec une peau lisse et noire comme de l'onyx poli, des dents d'une Nanebeur éclatante, une extrême moMité dans les yeux, deux larges prunelles de jais sans cesse en mouvement, roulant de droite et de gauche sur un fond d'une blancheur bleuâtre, entre deux paupières noires.


Quand Jean sortait de chez sa maîtresse, il rencontrait souvent cette petite créature.

Ms qu'elle t'apercevait, elle s'enroulait dans un pagne bleu, son vêtement de luxe, et s'avançait en souriant; avec cette petite voix grêle et Mtée des négresses, en prenant des intonations douces et câlines, en penchant la tête, en ïaisant des minauderies de ouistiti amoureux, eUe disait

–JHey MtaM coper, soMHMt<«M&a& (Donne-moi cuivre, mon blanc). Traduisez < Donne-moi un sou, donne-moi cuivre, mon blanc. t

C'était le refrain de toutes les petites nUes de Saint-Louis; Jean y était habitué. Quand il était de bonne humeur et qu'il avait un sou dans sa poche, il le donnait à Fatou-gaye.

Là n'était pas le singulier de l'aventure; ce qui notait pas ordinaire, c'est que Fatou-gaye, au lieu de s'acheter un morceau de sucre, comme les autres eussent pu le faire, allait se cacher dans un coin, et se mettait à coudre très soigneusement, dans les sachets de ses amulettes, les sous qui lui venaient du spahi.


XII

Une nuit de février, Jean eut un soupçon. Cora l'avait prié de se retirer & minuit, et, au moment de partir, il avait cru entendre marcher dam une chambre voisine, comme s'il y e&t en là quelqu'un qui attendait.

A minuit, il s'en alla, et puis il revint à pas de loup, marchant sans bruit dans le sable. Il escalada un mur, un balcon, et regarda dans la chambre de Cora, par la porte entre-baillee de la terrasse.

Quelqu'un avait pris sa place auprès de sa mattresse un tout jeune homme, en costume d'of.ficier de marine. Il était là comme chez 1m, à


demi couché dans un fauteuil, avec un air d'aisance et de dédain.

EUe était debout, etNs causaient.

D'abord, il sommait à Jean qu'ils parlaient une langue inconnue. C'étaient des mots Nançais pourtant, mais H ne comprenait pas. Ces courtes phrases qu'ils s'envoyaient du bout des lèvres lui faisaient PeBet d'énigmes moqueuses, n'ayant pas dé sens & sa portée. Cora aussi n'êtatt plus la même, son expression avait change une espèce de sourire passait sur ses lèvres, un sourire comme il se rappelait en avoir vu A une grande fille dans unmauvais lieu.

Et Jean tremblait. H lui semblait que tout son sang descendait et refluait au cœur; dans sa tête, & entendait un bourdonnement, comme le bruit te la mer; ses yeux devenaient troubles. n avait honte d'être là il voulait rester pourtant, et comprendre.

Il entendit son nom prononcé; on parlait de lui. n se rapprocha, appuyé au mur, et saisit des mots plus distincts


Vous avez tort, Cora, disait le jeune homme d'une voix très tranquille, avec unsourire &soufReter D'abord il est très beau, ce garçon, et puis il vous aime, lui.

C'est vrai, mais j'en voulai. deux. Je vous ai choisi parce que vous vous appelez Jeu comme M -sans cela, j'aurais été capable de me tromper de nom en lui parlant je suis très distraite.

Et puis eMe s'approcha du nouveau Jean. Elle avait chan~ encore de ton et de visage; avec toutes les câ!ineriestraiaantes, grasseyantes de Faccent créole, elle lui dit tout bas des mots d'enfant, et lui tendit ses lèvres, encore chaudes des baisers du spahi.

Mais lui avait vu la Ggure pâle.de Jean Peyral, qui les regardait par iaporteentr'ouverie, et, pour toute réponse, il le montra de la main à Cora. Le spahi était ià, immobile, pétriSe, fixant sur eux ses grands yeux hagards.

Et, quand il se vit regarde & son tour, il recula


simplement dans l'ombre. Brusquomeot, Cora s'était avancée vers lui, avec une expression hideuse do Mte qu'on a dérangée dans ses amours; cette femme M faisait peur. Elle était presque à le toucher. EUe ferma sa porte avec un geste de rage, poussa un verrou derrière, –et tout fut dit.

La mulâtresse, petite-fille d'esclave, venait de reparattre !a avec son cynisme atroce, sous ta femme élégante aux manières douces; elle n'avait eu ni remords, ni peur, ni pitié.

La femme de couleur et son amant entendirent comme le bruit d'un corps s'affaissant lourdement sur la terre, un grand bruit sinistre dans ce silence de la nuit; et puis, plus tard, vers le matin, un sanglot derrière cette porte, et comme un frôlement de mains qui cherchent dans l'obscurité.

Le spahi s'était relevé, et s'en allait à tâtons dans la nuit.


xni

Marchant devant lui sans but comme un homme ivre, enfonçant jusqu'à la cheville dans te sable des rues désertes, Jean s'en aUa jusqu'à Guet-n'dar, la ville nègre aux milliers de huttes pointues. D heurtait du pied, dans l'obscurité, des hommes et des femmes endormis par terre, roulés dans des pagnes blancs, qui lui faisaient t'euet d'un peuple de fantômes. n marchait toujours, sentant sa tête perdue.

Bientôt il se trouva au bord de la mer sombre. Les brisants faisaient grand bruit; avec un frisson d'horreur, il distinguait le grouillementdes crabes, qui myaient en masses compactes devant ses pas. n se souvenait d'avoir vu un cadavre


rottM à ta plage, déchiqueté et vidé par eux. Il

rOllléà laplago, déchiqueté et vid6 par 8UI.1I

no voulait point decetto mort-là.

Pourtant ces brisants Fattiraient H se sentait comme <aseiné par ces grandes volutes brillantes, déjà argentées parla taearindee!sedn matin, qui se déroa!aient à perte de we tout le long des grèves Mameases. H ÏMisembMtqaeleartra!cheur serait dcace & sa tête qui br&!ait, et que, dans cette humidité bienfaisante, la mort serait moins cruelle.

Et puis il se rappela sa mère, et Jeanne, la petite amie et fiancée de son enfance. H ne voulait plus mourir.

Il se hissa tomber sur le sable et s'y endormit d'un lourd et étrange sommeil.

s v e v v v e s v


XtV

H était grand jour depuis deux heures, et Jean continuait de dormir.

D rêvait de son enfance et des bois des Cévennos. I! faisait sombre dans ces bois, sombres de ta mystérieuse obscurité des rêves; les images étaient confuses comme les lointains souvenirs. n était là, enfant, avec sa mère, à l'ombre des chênes salaires; -sur !e sol couvert de lichens et de graminées fines, il ramassait des campanules bleues et des bruyères.

e s v ·

Et, quand il s'éveiMa, il regarda autour de lui, égaré.

Les sables éûncelaient sous le soleil torride


des femmes noires, omeea de colliers et d'amalettes, chem!aa!eBt sur !esot brûbaït, en dtantaot des airs etpMges; de grands vautours passaient et repassaient. silencieusement dans ra!r immoM!e, les sa«twenes faisaient grand brait.

o a · e a o e o a e s m o


XV

U\it alors que sa tête était abritée sous un tendelet d'étoBe bleue, que maintenaient une série de petits bâtons piqués dans le sable, le tout projetant sur lui, avec des contours bizarres, une ombre nette et cendrée.

n lui sembla que les dessins de ce pagne bleu lui étaient dé}a connus.–B tourna la tête, et aperçut derrière lui Fatou-gaye assise, routant ses pruneMes mobUes.

C'était elle qui l'aiMut suivi, et qui avait tendu sur lui son pagne de luie.

Sans cet abri, certainement, n eût pris une insolation mort~ue, à dormir sur ce sable.


C'était elle qui, depuis plusieurs heures, était 1& accroupie, en extase, –baisant tout doucement les paupières de Jean quand personne ne passait, craignant de réveiller, de leMre partir et de ne plus l'avoir pour elle toute seule; tremblant aussi, par instant, que Jean ne fût mort, et heureuse, pea~etre, s'il l'eût été; ca~ alors, elle i'autait traind loin, bien loin, et serait restée là tout le temps, jasqa'& mourir près de lui, en le tenant bien, pour qu'on ne les séparât plus.

C'est moi, dit-elle, mon blanc, j'ai fait cela parce que je connais que le soleil d~ Saint-Louis n'est pas bon pour les <ow6a&! de France. Je le savais bien, continua la petMe créature, dans un jargon impayable, avec un sérieux tragique, qu'il y avait un autre toubab qui venait la voir. Je ne m'étais pas couchée cette nuit pour entendre. J'étais cachée dan rescalier sous les calebasses. Quand tu es tombé à la porte, je t'ai vu. Tout le temps je t'ai gardé. Il puis, quand tu t'es levé, je t'ai suivi. Jean leva sur elle ses grands yeux étonnés,


~toics de douceur et de reconnaissance. Il ëtait touché jusqu'au fond du cœur.

Ne le dis pas, petite. Rentre ~ite & présent, ne le dis pas, que je saM veau me coucher sur = la plage. Retourne chez ta maltresae tout de suite, petite Fatou; moi aussi, je ~aïs m'en retourner dans la maison des spaMs.

Et il la caressait, la flattait tout doucement de la main, absolumentcomme il s'y prenait pour gratter la nuque du gros matou catin qui, & ïa caserne, venait la nuit se pelotonner sur son lit de soldat.

Eue, frissonnant sous la caresse innocente de Jean, la tête baissée, les yeux à demi fermés, la gorge pâmée, ramassa son pagne de luxe, le plia avec soin, et s'en alla toute tremblante de plaisir-


XVI

Pauvre Jean SouMr était pour lui une chose nouvelle il se révoltait contre cette puissance inconnue qui venait étreindre son coeur dans d'écrasants anneaux de fer.

Rage concentrée, rage contre ce jeune homme qu'il eut voulu briser dans ses mains, rage contre cette femme qu'il eût aimé meurtrir à coups d'éperons et de cravache; il éprouvait tout cela en même temps que je ne sais quel besoin très matériel de mouvement et de course folle à se briser la tête.

Et puis tous ces spahis aussi !e gênaient et Firritaient; ilsentait sur lui ces regards curieux,


interrogateurs détâ, et qui demain deviendraient ironiques peut-être.

Vers le soir, il demanda et obtint de partir avec Nyaor-Ml, pour aller essayer des chevaux, dans le nord de la pointe de Barbarie.

Ce fut, par un temps sombre, une galopade veftigineuse dans le sable do désert. Un ciel d'hiver, il y a là-bas aussi des ciels d'hiver, plus rares que les nôtres, étonnants et sinistres sur ce pays désolé des nuages tout d'une pièce, si noirs et si bas, que là-dessous la plaine était blanche, le désert semblait un steppe de neige sans fin. Et, quand les deux spahis passaient, avec leurs burnous, emportés par la course de leurs bêtes emballées, les vautours énormes qui se promenaient par terre en familles paresseuses prenaient un vol effaré et se mettaient à décrire dans l'air au-dessus d*eu~ des courbes fantast!ques.

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A la nuit, Jean et Nyaor rentrèrent au quartier, baignés de sueur, avec leurs chevaux exténués.


XVII

mais, après cette surexcitation d'un jour, le lendemain vint la n&we.

Le lendemain, on le coucha inerte dans un brancard, sur son pauvre petit matelas gris, pour te porter à l'hôpital.

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e v v v s v s s s s s v

Midi! L'hopîtal est silencieux comme une grande maison de la mort.

Midi 1. La sauterelle crie. La femme nubienne chante de sa voix grêle la chanson somnolente et vague. Sur toute retendue des plaines désertes du Sénega! te soleil darde d'aplomb la lumière torride, les grands horizons miroitent et tremblent.

Midi 1. L'hôpital est silencieux comme une grande maison de la mort. Les longues galeries blanches, les longs couloirs sont vides. Au milieu de la haute muraille nue, teinte de chaux éblouissante, l'horloge marque midi de ses deux lentes


aiguilles de fer; autour du cadran, p&Mt au soleil la triste inseripNon grise < vitœ agaces exhibet horas. Les douze coups sonnent péniblement, de ce timbre aSaiMi, connu des mourants, de ce timbre que tous ceux qui sont venus ta mourir entendaient dans leurs insomnies fébriles, comme un gtas qui tinterait dans un air trop chaud pour conduire des sons.

Midi 1. L'heure morne, ouïes malades meurent. On respire dans cet hôpital des lourdeurs defièvre, comme d'indéfinissables eMuves de mort.

En haut, dans une sa!Ie ouverte, des voix qui chuchotent tout bas, des bruits légers à peine perceptibles, des pas discrets de bonne sœur, marchant avec précaution sur des nattes. Elle va et vient d'un air agité, la soeur Pacome, pâle et jaume sous sa grande cornette. B y a là aussi un médecin et un prêtre assis auprès d'un lit qu'entoure une moustiquaire blanche.

Auddtors,parlesfen&tresouvertes,du soleA et du sable, du sable, dusable etdusoleil, deiomtames lignes bleues et des étincellements de lunuere.


t~ssera-t-i!, le spahi?. Est-ce le moment où t'amo de Jean va s'envoler, là, dans l'air accablant do midi?. Si loin du foyer, où ira-t-elle se poser dans ces plaines désertas?. où ira-t-elle s'éva. BOttir?.

Mais non. Le médecin, qui est resté là longtemps à attendre ce départ suprême, vient de se retirer doucement.

L'heure plus traîche du soir est venue, et le vent du large apporte aux mourants son apaisement. Ce sera pour demain peut-être. Mais Jean est plus calme et sa tête est moins brûlante.

En bas, dans la rue, devant la porte, il y avait une petite négresse accroupie sur le, sable, qui jouait aux osselets avec des cailloux blancs, pour se donner une contenance quand quelqu'un passatt. Elle était ? depuis le matin, cben:hant à ne pas attirer l'attention, se dissimulant, Je peur 't'être chassée. Elle n'osait rien demander à personne inais elle savait bien que, si le spahi moufait, il passerait par cette porte pour aller au cimetière de Sorr.


XIX

M eut encore la Mvre pendant une semaine, avec do deUre chaque jour, à l'heure de midi. On avait peur encore, au redoublement de t'acces. Mais le danger était passe cependant, la maladie était vaincue.

Oh! ces heures chaudes du milieu du jour, les heures qui pèsent le plus aux malades! Ceux-ta qui ont eu la fièvre au bord de ces neuves d'Afrique les connaissent, ces heures mortelles d'engourdissement et de sommeil. Un peu avant midi, Jean s'endormait. C'était une sorte d'état de non-être, hanté par des visions conmses, avec une impression persistante de souffrance. Et puis, de temps à autre, H éprouvait la sensation de mourir ?


et perdait pour un instant toute conscience de luimême. C'étaient ses moments de calme. Vers quatre heures, H s'évoiHaitet demandait de l'eau: les visions s'ettacaient, se reculaient dans les coins éloignés de la chambre, derrière les rideaux blanes, s'évanouissaient. 11 n'y avait plus que la tête qui lui faisait grand mal, comme si on y eût coulé du plomb brûlant: mais l'accès était passé.

Parmi ces figures, douées ou grimaçantes, réelles ou imaginaires qui flottaient autour de tui, deux ou trois fois il avait cru reconnaître ramant de Cora, qui, debout près de son lit, le regardait avec douceur, et disparaissait dès que lui, Jean, levait ses yeux sur les siens. C'était un rêve, sans doute, comme ces gens de son village qu'il avait cru voir ta, avec des mines étranges, des airs vagues et déformés. Mais, chose singulière, depuis qu'il lui avait semblé le voir ainsi, il ne se sentait plus de haine contre lui.

Un soir, mais non, il ne rêvait pas, ce soir-là, il le voyait bien là devant lui, avec le même uniforme qu'il portait chez Cora, ses deux galons d~


CcMr brillant sur sa manche bleuo. B le regarda de ses grands yeux, en soulevant un peu la Mte, et étendit son bras aCaibM, comme pour toucher s'M y avait bien ià quelqu'un.

Alors ie jeune homme, voyant qa'M était reconnu, avant de disparaître comme do coutume, prit la main de Jean et la serra en disant simplement

Pardon J

Des larmes, les premières, vinreat aux yeux du spahi, et cela lui fit du bien.


XX

La convalescence ne fut pas longue. Une fois la Bêvre passée, la jeunesse et la force eurent bientôt fait de Mprendre le dessus. Mais c'est ê~, N ne pouvait pas oublier, le pauvre Jean, et il souf&a!t bien. H avait par instants dans sa tête des désespoirs fous, des idées de vengeance presque sauvages; et puis cela tombait vite, et il se disait ensuite qu'H serait capable de passer par toutes tes humiliations qa'eUe voudrait, pour la revoir et la posséder comme autrefois.

Son nouvel ami, roŒcier de marine, revenait de temps en temps s'asseoir auprès de son lit. H lui parlait un peu comme on parle à un enfant matade, bien qu'il fut à peine de son Age.


Jean, dit-il un jour, très doucement. Jean, vous savez, cette 69mmo. ai cela peut vous calmer, que je vous le dise, je vous donne ma paMte d'honneur que je ne Fa! pas revue. depah cette nuit qae vous vous rappelez. iïy a bien des choses, veyez-wws, qae vous ne savex pas encore, mon cher Jean; pïas tard, vous comprendrez, vous aussi, qa'it ae&at pas se faire autant de chagrin pour si peu. D'ailleurs, pour ce qui est de cette femme, je veux vous faire aussi le serment de ne la revoir jamais.

Ce fut entre eux la seule allusion faite à Cora, et cette promesse, en eCet, calma Jean.

Oh oui, il comprenait Mon maintenant, le pau- vra spahi, qu'il devait y avoir beaucoup dec~oMs ~M't< tM savait pas encore; qu'il devait y avoir,–& l'usage sans doute des gens d'un monde plus avancé que le sien,-des perversités tranquilleset ramnées qui dépassaient son imagination. Peu à peu pourtant il se mettait à aimer cet ami qu'il ne pouvait comprendre, qui était doux après avoir été cynique, qui envisageait toute chose avec un calme, une aisance inexplicables, et qui venait


lui oCMr sa protection d'oMder comme compensation des angoisses qa*ii mi avait causées. Mais lui n'avait~ Mre des pMtec~oM; td ya~ncement, ai rien ne le touchait pMS; aot Maar, eacore bien jeune, était tout rampii de ramertame de M premier désespoir.

e s 0 v e · v e a a e


XX!

.C'était chez dame Virginie-Scolastique (les missionnaires ont quelquefois pour leurs néophytes de ces nom qui sont des trouvailles). Une heure de la nuit; le cabaret était grand et sombre; il était, comme d'ordinaire les mauvais lieux, fermé par d'épaisses portes garnies de Bar. Une petite lampe fétide éclairait un amas coams de choses, qui grouillaient péniblement dans Patmosphère épaissie; des vestes rouges et des nudités de chair noire, des enlacements étranges; sur les tables, par terre, des verres brisés avec des bouteilles brisées; des bonnets rouges et des boubous de nègre, tramant avec des sabres de spahi, dans des marcs de bière et d'alcooL Dans le


bouge, il régnait une température d'étuve, une chaleur & rendre fou, avec des ïuméea noires ou Mteuses, des odeurs d'absinthe, de musc, d'épiées, d~ soumarê et de sueur nègre, i La fête avait dû être joyeuse, et bruyaute surtout à présent, c'était nni, finis les chants et le tapage; c'était la période d'abaissement, l'abrutissement après boire. Les spahis étaient là, les uns, rceii morne, le front tombant sur la taMe, avec des sourires bêtes; d'autres, encore dignes, se raidissant contre l'ivresse, relevant la tête quand même; de belles figures aux traits énergiques dont i'ceit éteint restait grave, avec je ne sais quelle expression de tristesse et d'écœurement. Parmi eux, pêle-mêle, répartis au hasard, il y avait toute la séqueUe de Virginie-ScoIastiquo des petites négresses de douze ans, et aussi des petits garçons 1

Et, au dehors, en prêtant l'oreille, on eût pu entendre dans le lointain le cri des chacals rodant autour de ce cimetière de Sorr, où plusieurs de ceux qui étaient là avaient leur place dé~àmarquée sous le sable.


Dame Virginie, cuivrée et lippue, ses cheveux crépus dans un madras rouge, ivre elle aussi épongeait du sang sur une tête Monde. Un grand spahi, & la ngure jeune et rosé, aux cheveux dorés comme les Mes murs, était !& étendu sans connaissance, avec une fente à la tête, et dame Virginie, aidée d'une goton noire, plus ivre qu'elle, épongeait avec de l'eau Braiche et des compresses vinaigrées. Ce n'était pas par sensibilité, oh non, mais par crainte de la police. Elle était vraiment inquiète, Virginie-ScoIastique le sang coulait toujours, il avait rempli tout un plat, il ne s'arrêtait pas, et la peur la dégrisait, la vieille. Jean étaitassis dans un coin, le plus ivre de tous, mais raide sur son banc, i'oeH fixe et vitré. C'était lui qui avait fait cette blessure, avec un loquet de fer arraché à une porte, et it tenait encore ce loquet dans sa main crispée, inconsciente du coup qu'elle avait porté. Depuis un mois qu'il était guéri, on le voyait ainsi chaque soir traîner dans les bouges, au premier rang des débraillés et des ivres, s'essayant


à de grands airs cyniques et débauchés. Il y avait encore beaucoup d'enfantillage dana son cas; mais c'est égal, & avait parcouru un chemin terrible, depuis ce molsdesouNrance. n avait dévoré des romans où tout était nouveau poor son imagieaûon, et Ns'en était assimité tes extravagances malsaines. E pais il avait parcouru le cercla des conquêtes &cHes de Saint-Louis, mulâtresses ou blanches, dont sa beauté lui avait assuré la possession sans résistance

Et puis surtout il s'était mis & boire 1. Oh! vous qui vivez de la vie régulière de la &mille, assis paisiblement chaque jour au foyer, ne jugez jamais les marins, les spahis, ceux que leur destinée a jetés, avec des natures ardentes, dans des conditions d'existence anormales, sur la grande mer ou dans les lointains pays du soleil, au milieu de privations inouïes, de convoitises, d'influences que vous ignorez. Ne jugez pas ces exilés ou ces errants, dont les souCrances, tes joies, les impressions tourmentées vous sont inconnues. Donc, Jean s'était mis à boire, et il buvait plus que les autres, il buvait-effroyablement.


Comment peut-il faire, disait-on autour de lui, M qui n'en a pas l'habitude? C'était justement parce qu'il ?'<? a~ottpM FAat~Mde, qoe sa tôt& était plus tbrte, et que, pour le moment, il pouvait absorber davantage. Et cela le posait bien aux yeux de ses camarades.

Par exemple, il était resté presque chaste, lepauvre Jean, malgré ses airs débraillés de grand enfant sauvage. Il n'avait pu se faire & FignoMe prostitution noire, et, quand les pensionnaires de dame Virginie égaraient leurs mains sur lui, il les écartait du bout de sa cravache comme des animaux immondes, et les malheureuses petites créatures le considéraient comme une sorte d'homme-fétiche, dont elles n'approchaient plus. Mais il était méchant quand il avait bu, il était terrible, avec sa tête perdue, et sa grande force physique déchaînée. Il avait frappé tout à l'heure pour une phrase moqueuse, jetée au hasard sur ses amours, et puis il ne s'en souvenait plus, e~ restait là immobile, le regard atone, tenant toujours en main son loquet de porte sanglant.


Tout à coup son oBit jeta un édair; c'était & la Met~ qu'i! en voulait maintenant, sans motU connu, pris d'une rage insensée d'homme ivre, et il se levait & demi, furieux et menaçant. ENe poussa un eïi rauque, la we<M~ eBe eut une minute d'épouvante horrible

–Tene~e! gemit-eBe, aux êtres inertes qui dormaient d~jA sous les tables.

Quelques têtes se soulevèrent, des mains molles, sans force, essayèrent de retenir Jean par sa veste. Le secours n'était pas efncace.

-A boire, vieiilesorciere! disait-il; àboire.vieux diable de nuit 1. Horreur de vieille, à boire! Oui 1 oui repondit-eNede sa voix étranglée par la peur. Oui c'est cela, à boire Sam v!te de l'absinthe pour le finir, de l'absinthe coupée d'eau-de-vie! t

Elle ne regardait pas à la dépense, dans ces cas-là, dame Virginie.

Jean but d'un trait, lança son verre au mur, t et retomba comme mudroyé.

li était /!<M, f~MM, comme disait wM~~e; il n'était plus dangereux.


Elle était forte, la vieille Scolastique, solidement charpentée, et puis tout à fait dégrisée: avec t'aide de sa goton noire et de des petites filles, elle enleva Jean comme une masse inerte; et pois, après avoir fait une visite rapide de ses poches pour enlever les dernières pièces de monnaie qu'eHes pouvaient contenir, elle ouvrit ta porte et le jeta dehors. Jean tomba comme un cadavre, les bras étendus, la figure dans ie sable, et la vieille, vomissant un torrent d'injures monstrueuses, d'ordures sauvages, tira sa porte, qui se referma lourdement avec un grand bruit de fer.

Le calme se fit. Le vent partait du cimetière, et, dans ïe grand silence du milieu de la nuit, on entendait distinctement la note aiguë des chacals le concert sinistre des déterreurs de morts.


xxn

PRANCetaE CR~At. MK rus < Mon cher Ch,

t Nous ne recevons pas de réponse & notratettre, et Peyrat dit qu'M commence & être bien temps qu'il OOMS arrive quelque chose; je vois qu'il p&~t beaucoup chaque fois que Toinou passe avec sa botte et qu'il lui dit comme ça qa'H n'y a rien pour nous. Moi aussi, je m'en fais bien da souci. Mais je crois toujoars que le bon Dieu garde mon cher garçon, comme je lui demande tant, et qu*M ne peut point lui arriver mal ni rien, par mauvaise conduite ni punition; si c'était ça, je serais trop malheureuse.

» Ton père te fait dire qu'il lui passe des idées en tête, de ce qu'H a été, lui aussi, autrefois dans


Farmee et, quand M 4tait en garnison, il dit qu'il en a vu de rudes pour les jeunes gens qai ne Mat pas bien miseanabtes, par rapport A des eamafadM qui les entfataeat & la boisson et & de méchantes ~nttnes qa! ae t!enaent ? e~es pour les jJh!M<e<nber dans !o mal. Je te dis ça pour lui faire plaisir; maï$, mo!,jesaisqMe<BeBeherg«rçon est sage et qa'M a des id~es dans ~e coear qui t'~eigneront powsûr détentes ces v!!a!)Ms eheses. B Le mois prochain, nous t'ea~orroas encore un peM d'amont; je pense que, ta-bas, il iaat que tu payes bien dos petites choses; je sais bien que tu ne dépenses point inutilement quaad tu penses & ta peine que prend ton père; quant à moi, la peine dos femmes n'est pas grand'chose, et je parle pour ici, le cher homme. On cause toujours d. toi à la veillée et cMa? MOMc; on ne passe guère de soirée sans causer de notre Jean; tous les voisins te disent un grand bonjour.

Mon cher fils, ton père et moi, nous t'embrassens decopur: que le bon Dieu te (;ardet

Ta mère,

B FRANÇOtSE PE~RAL. &


Ce M da<M pHMB du qmw~w, eu Il éta!t ea&F<o& pow ~ea~ et a~M M~pe~f par la ~<~e, quo Jean M~wt cette !attre. Par hM< hour, taMesMM juspaM ta cheveux MM~a'~tah pas trop grave, et ai te Mes8& Bt aes eamamdos n'aient voulu <MM<Mw ~Mt, JeMB, tes v&temeats maculés et pleins de mo~ la e!te<o!se en tambeaM!), avait encore dans ta t6te dos ~m~aa d'etcoo!; il lui passa!t des brumes devaot les yeux, et ta paiM il pouvait lire. Et puis M y avait maintenant Mn voile épais sur ses affections d'eofance et de &mi!!e; ce w!te, optait Cora, son d~sespo~ et 8M passions. (Cela arrive a!a8Ï & certaines périodes d'4Mowissemeat et de vept!ge, et puis le voHe ae dissipe et on en revient tout doucement & ce que t'on avait aime.)

Ma!gfé cela, cette pauvre tettre, si eenOame, c'eut pas de peine A trouver le chemin de soc ecear; il la bai~ pieusement et sa m!t à phorer. BtpaisM 8ejaradeneptMho!M;–et,comme rhabitude n'étaït pas invétérée, il put stdctemeat se tenir à M-meme sa promesse jamais M ne se grîsa p!<M.


t.R MHHAN C'CN a~Attt


–ah wMt~, elle les aimait t<ms detM, los doux joaa; îta partait ~a~OtCMt & M< seos. Tra!' eoMmo Mac dMoM par te spahi, cela !a <~t<Mgaa!t d'être ~t~a par raatre comme ce ~M'eMe ~«<!<, eommo wo <tMe. Personne <M'' ¡ eeM ae lui ava!nd<Mo!~ Ma o~p~s aw$s! calme, aussi comptât MMe nouveauté lui pta!9a!t. Mais on ao la vit p~8, a Saint-Louis, promener ses !ong"as <fatae9 sur 10 saMe; <m joMp, elle partit ça sourdine, MpMMo par son mari, aar te consoM do l'autorité, pour un des comptoirs les plus <!oiga~ dit Sud. Fateu-gaye avait parM, sans doute, et, a Sa!ot-ï<OMi9, on s'atait ema du dornler scandale de cette femme.


~V

Une M!t eatmo do la N~ de Svr!er, wate aw!t d*Mwef, ca!me et trotde, apt~s WM jowm<e Mante.

La écorne des spa~M, ea Mute pMr Dïatambaa, naverM au pas tes pta!MS de Legba~ tA débandade est penn!se augoût et a la ianta!sie de ehacan, et Jean, qu! s'est attapdé & rextfeme arrière, ehemine tranquillement ea compagnie desonamtNïaof.

Le Sahara et le Soudan ont de ces MMts treMes, qtn ont la splendeur claire de nos no~ d'Mver, avec ptus de transparence et de tumière. Un sHeace de mott règne sur tout ce pays. Le etet eat d'un Mea vert, sombre, profond, etoiM & ria)&nt. La hme 4cta!re comme tepte!c jour, et


désaxe tes eb{e<8 avec que ëteaaaate nettatë, dans des teintes rosés.

AnMn.aperte do vMe,des marécages, eeavarts de !a triste v~taUea des paMt~ieM atas! eat, tout eepaysd'AMqMe, depuis ta rtvagaaehe dH <!cwv$jasqM'aw!!eennn8!MeM8a!Masdc!aCa!B~o. SMaa M lève, ta taae est au zénith, te s!' lonce fait peur.

Sar le sable rose s'N&veat tesp'aodea eapherbes Ne~trea: leur ombre est courte et dure, la lune découpe les moindres ombres des p!antes avec une nottetd Ogee et g!ae!ato, pleine d'immoMMto et de mystère.

Des brousses par-ci par-là, des fouillis obscurs, de grandes tarhos sombres sur le fond !om!)MM et res& des sables et puis des nappes d'eau cMmpissantes, avec des vapeurs qui planent aM dcssu-! comme des fumées blanches des miasmes de fièvre, plus déMières et plus snbtits que ceux du jear. On éprouve une pénétrante sensation de troid, étrange après la chaleur de !ajoamée;–ra!r humide est tout imprégné de l'odeur des grands marais.


~&et ?, !e toag dH etxMRÏa, de gyaads~Me. teMes cewtoapaes par ta dew!ew; des cadavres. de ehameaux, ba~goaat daoa m)t~no~et(< ~o. Ma MM ?, M pï~oe ÏwmMre, riant & ta toac, ët!taet avec hop~dMee leur Banc Mch!qaet~ par les vawtoms, temf 4wMFeeMnt MdeM~

De tamps & autre, Ma ert d'otaeaa de ma~is, au mïMea da calme immeas~.

j)~ Ma ea !o!a, M baût~b étend daoa faïf !mmobile ses bnm<Aes massMes, comme an p'aad madr~pOM mort, mMbM de pierre, etta tua$ accMseawc me éteaaaate dMMtê de eenteuM aa etru~MM n~de de mMtodente, doaBmt 4 t'ima. gmatMa rïmpMaïea de qoetqae dt<M d'inerte, dépecé et de froid.

Aa mMieo de teats hmaches poMes Mat posëea des mMses MNfes toujours les vMtMMt i~ conBamM ËamiBee de wutOtMs sont !à, bordeméat endormies; elles MMeat approcher Jean swee tear apbmb d'MseaM M~ehes. Et !a tone


jotto sur taurs grandes aiies reptiëes reOeta bleus, des luisants de mêtaL

Et Jean s'étonne de voir pour pramMre fois tous lea d~taib iadoMs de ce pays ea pMae nuit.

A daux hewas, un concert. do cris, c<HMOfM MM de chiens qui &M~M< A <e ~ae, mais quetque chose de plus fauve, de plus ~ncact, de ptus etMBgemeat ahdstM. Dans ces nuits deSa!et'Louis, quand le wnt venait du c&té des cime. ~&)res, qtteiqoeMs Jean t~ait cru entendre, de très loin, des gémissements pareits. Nais, ce soir, c'était là, tout près, dans la brousse, que se chantait ce concert lugubre des glapissements lamentables d~ chacals, metes & des miaulements sumigus et stridents d'hyènes. Une hataiHe entre deux bandes errantes, en maraude pour les chameaux morts.

Qu'est-ce que c'est? dit Jean au spahi noir. Pressentiment peut'être, une sorte d'horreur s'emparait de lui. C'était bien là, tout prés, dans la brousse, et!e timbre de ces voix lui faisait


passer des Masoas dans !a chair et d~sser !ea Neveux aur la t6te.

–Ceux qui sont morts, répondit 3!yaor-<ati, avec une pantomime expressive, ceux qui sont morts par terre, eas Mtes charchent pour les n~oger.

Et, podr dire t. NMM~r, M taisait te aimalacre de mordre son bras noir avec sas dents Rues et blanches.

Jean comprit et trembla. Depuis, chaque fois qa'Mentendait, la nuit. les concerts lugubres, il se rappelait cette explication si durement doMee parla mimique de Nyaor, et lui qui, en pîein jour, a'avait pas peur de grand'chose, il Mssennait et se sentait ghaer par une de ces terreurs vagues et sombres de montagnard superstitieux.

Le bruit s'apaise, se perd dans i'éioignement il s'eMve encore, plus voilé, d'un autre point de l'horizon, puis H s'é~int, et tout retombe dans le silence.

Surleseaux dormantes, les vapeurs blanches s'épaississent à rapproche du matin on se sent


peaetpe et hansÏ pwHMMatdïte g!a<:ea des taMa!9. SeoaaMext ~tMage dans ce pays, M f~id!. Le res&t tomba. ~M$ pew & peu s'abat & roeei' dant,a9 veiïeets'~eiat. ÏA seMtwdo swMteccM)~ 1 Et pub eaCn, M.-bas & ~onzoM, appa<aïsseat des peintes de dMMMne b viMage de DMaMbaa, e&, aa pet!tjear, ïesapahh dohent eampet'.


XXV

Le pays était désert aux entrons du campement de Diaiamban de grands marais d'eaux mortes qui n'en Cnissaient plus, ou bien de plaines de sable aride, o& croisaient des mimosas rabougris.

Jean y faisait de loagaes promenades solitaires, avec son mait sur t'epaMÏa, chassant on rêvant,– toajenM ses gagnes rêveries de montagnard.

n aimait aussi à remonter en pirope les berges dn Cenve aux eaux jaunes, on & s'énoncer dans le deda!e des aMW~ sénégatais. Des marais t~~K~yne, on dormaient des


eaux chaudes et traaqaiMes; des ftves e~ la M) tMttre était ïaMcesstMa au pied humaia. Des aigrettes blanches s'y promenaient gMvement au milieu de ta verdure monotone des humides paï&tavters; de gros Mzards-so~NeaN y rampaient sur la vase; -de gigantesques aenoiars, des lotus blancs ou roses s'y epacoaïssaient au soleil tropMaï, pour la plus grand plais!r des yeux des caïmans et des Mgtes-pochears.

~ean PeyHi coatmeneait presque' aimer ce pays.


XXV!

a v v v a v v v v s v e

Le mois de mai était arrive.

Les spahis pliaient gaiement bagage. !!s ramassaient avec ardeur leurs tentes et leurs &MMiments. Ils a!!aient rentrer & Saint-Louis, reprendre possession de leur grande caserne blanche, t~paree et repeinte à la chanx vive, et retrouwr tons leors plaisirs tes matatresses et Fabsinthe.

Le mois de mai dans notre pays de France, le beau mois de la verdure et des Benrs! Mais, dans tes campagnes mômes de Dialamban, rien n'avait verdi. Arbres on herbages, tout ce qni n'avait pas


pied dans t'eau jaune dea marais restait Betri, deasecM et sans vie. Depuia six mois, pu Me goutte de ptule notait tombée du ciel, et la terre avait et~eusement sotî. Pourtant la te!npératarea'ê!eva!t, les grandes brises régulières du soir aMÏeat cesse, et ta saMon d'hivernage aMa!t commencer, la saison des cha. leurs lourdes et des pMea torrentielles, la saison que, chaque année, tes Earopaens du Senega! voient revenir avec frayeur, parce qu'elle teur apporte la Bewe, ranëmie, et souvent la mort. Cependant il faut avoir habité le pays <~ la M~ pour comprendre les délices de cette première pluie, le bonheur qu'on éprouve & se faire mouUier par les larges gouttes de cette première ondée d'orage.

Oh! ta première <on!ode/ Dana un ciel immobite, ptomb<,unesortededomesombre, anetrange signe du ciel monte de !*honzon.

Cela monte, monte toujours.auisctant desmnnea inusitées, enrayantes. On dirait d'abord i'erup. tion d'un volcan gigantesque, Ï'expïesion de tout un monde. De grands arcs se dessinent dans le


été!, montent toujours, se superposent avec des contours nets, des masses opaques et lourdes; on dirait des voûtes de pierre près de s'eCoodrer aur le monde, et tout cela déclaire par en dessous de lueurs métalliques, blémos, verdatMs ou ca!wdes, et moate te~ouN.

Les artistes qui ont point !o <Mh<ye, tes eataolysmes du monde primitif, n'ont pas imagina d'aspects aussi fantastiques, de ciels aussi terriCants.

Et toujours, pas <m sowme dans i'a«, pas un Mmissement dans la nature ac~bMe.

Puis teot à coup une grande mMe terrible, wn coup de fouet formidable couche tes arbres, les herbes, les oiseaux, fait tourbillonner les vautours aNoies, renverse tout sur son pasage. C'est la tornade qui se déchaîne, tout tremble et s'ébranle la nature se tord sous la puissance et.froyable du météore qui passe.

Pendant vingt minutes environ, toutes tes cataractes du ciet sont ouvertes sur la terre; une pluie diluvienne ra&aïeMt le sot altéré d'AMque, et le


vent MwMe avec forte, joaehant la terM de <e«Mtes, de bmnehM et do débris.

**<<<<<<*<<<<« Et puis, brusquement tout s~he. C'$8tCa<. t<M denai~s rafales ehassoRt tM derniers nuages M!He!)t~adeeMtwM, batayem tes derniers hMMbeaw d6e!jt!qMeMa du cataclysme, le mMoFe est j~ssô et b cM redovient pur, immobile et bleu. La première tornadeaurprit les spahis en route, et ce M une débandade bruyante et jo~ease. Le village de Toaroukambo était !a sur le chemin; on y courut en désordre.

Les femmes qui pHatent !e mil, les enfants qui jouaient dans ta brousse, les peoteaqu! picoraient, les chiens qui dormaient au soleil, tous, rentrés précipitamment, entassas sens les mtnces toits pointus.

Et les cases, d~a trop étroites, envahies par les spahis, qui marchent dans les calebasses, qui chavirent les konsskouss les uns embrassam les petites filles; tes autres mettant, comme de grands enfants, le nez dehors pour le plaisir de se faire


mauillor, doMnttrToaw du eïel Miaseteraw leur t6t$ chaude et ÔMrveMe et iea ehe~wx, amarfés & ta diable, hennissant, p~<&at et Maat do jpaMp; attoseMeasjopjpMt, atteaeM~MS, les moutons, tous los hest!awx du ~Ma~ sa soMawt awx ~Mt<M, M!ant, saMtaMt, pcM8MBt4ota Mteet das cornes, peMrentMf, CtM aus~, <H~<atnoFÏeMfpaMde protoction et d'ab~.

Ond~eot~acttapaga, déserts, dcs<c!at8 de fire do a~'esses, te bMtt 8!Mant du vent de ta tempête, ettetOBMrMeoavraBt !e tout desonart!Merie <brm!<taNe. Uae grande con~Mhm sous un ciel noir; t'otscarM en plein jour, dëchMe par de rapides et fulgurantes tueurs vertes; et taphtte a torrents, le déhtge d~r!ngo!ant& plaisir, entrant par toutes les fanges du chaume deasêcM, jetant par-ci par-la une grande douche inattendue sur le dos d'un chat perché, d'une poule etRtt ce, ou sur ta tête d'un spahi.

Quand là tornade fut passée et l'ordre rétabli, on se remit en route, par tes sentiers détrempés. Dans le clair ciel Meu s'enfuyaient encore de der-


~wapet~s WM~as MMt~~MmbMeat des ehesas eempa~es, dos lambeaux d~ahMs, MF~ua et pap!HMs d$ dtapM~M brMHM. De pM!sMmtM NM~watBoeottM~ sortaient da !a terre aMp~e ad eeatact do CM pMMMMa ~MMea d'eaM. ta <MtaM attotteommaeMrsos e~thn~Meats.


XXVH

A rentre de Saint-Louis, Fatou-gaye était pes' têo depuis te matin, pour M pas manquer l'arri~edehMteaae.

Quand elle ~t Jean passer, e!!e le salua d'Ma < Mou dtaoret, accempagnô d'une petite r4v4race treN eomme Il faut. Elle ne voulut pas t'taquMter davantage dans les rangs et out le boa goût d'aMecdM deux grandes heures pour venir lui présenter ses compliments au quartier. Fatou avait beaucoup changé. En treM mois, eUe avait pandi et s'était dêveieppee tout d'an coup, comme font les plantes de son pays. Elle ne demandait plus de sous. Elle avait même acquis une certaine grâce de timidité qui sentait la jeune <u!e.


Un &<H~M de mousMMM blanche eouvralt MainteHant sa poitrlue arrondie, comme Mta est d'usage pour tes petites <M!ea qui devleunont an' M!aa. EMeaeatait ~&s bien !a mase et !eMmnaf< Plus do petites qMOMM raides sur !a M<e; eMe taMMh passer ses cheveu, qui a!MeM dana quotquo temps Ctre !!w~s aux mains habiles ~es <!oM!<MMM pour dwon<r Mehai~uda~e cetnpMqut qui doit Mnnontw la t6te d'wno CmMae atM<atae. Pow ie moment, trop courts eMCM. ib a~panouissnieut en masses ~hoMuMes et crépues, et cela rangeait absolument sa physionomie, qui, de gentille et comique, était devenue gracieuse et opiginaie, presque charmante.

Metange déjeune BMe, d'enihnt et de diablotin noir, très bizarre petite personne t

Elle est jolie, la petite, sais-tu, Peyrai! di.mioat en souriant les spahis.

Jean s'ea était bien aperça qa'eMe était jolie; mais, pour le moment, cela lui étaitàpeapres egai. U essaya de reprendre tranquillement son train de vie d'autrefois, ses pronteaades & la plage et ses longues courses dans la campagne.


Cas me!a de e~me et de revoie ~H*H wMa!t de passer «H campement lui avaient Mt du Meo. H wa!t& pe<t p~a M~w~ Mm 6qM!Mbfo mo~; rïmage de aoa vïotm paraots, de M toute jaMne OM~ ratteadM)~ eeaOaa~, au ~Ma~e, ava!eat Mpris sur lui tout tew ctMM MM hona~e, tout tewf emp~e. U avait M~ &~ ses ea&aMttagM <:t ses hmwades, et, & pr~seat, it ae a'expMquait p~a comment dama Vh~tme avattpu te compter pat~Ï ses cMeats. Non ae~demeat M6'eta!tjuFe de ne plus bo!fe d'abdathe, MMS aussi do rMter mainteeaat Mete a sa Oanc4e, jusqu'au Meahetureax joMrdetearmMiago.


xxvm

t

L'air était charge d'etBaves lourds et bralante de senteurs vitales, de parquas deje<MM plantes. La nature se depeehaït d'accomplir ses ea&mtementa prodig!eux.

Autrefois Jean, aux premiers moments de son arrivée, avait jet4 un même regard de dégoût sur cette population noire à ses yeux, tous se ressemblaient; c'était toujours pour lui le même maque s!m!e3qae, et, sous ce poli d'éb&ne haiM, U n'ett pas sa tecennaïtre an Individu d'un autre.

Pea à peu pourtant il s'eta!t Mt à ces visages; maintenant H les distinguait; en voyant passer


les <mo8«o!'rea aux bracetets d'avant, t! tMcom'para!t !t <f<mvait ceMe-e! hMe,ee!!e.!& jeMe, ecMe-ct Cap, eette-!& be$t!a!e: tes a~fesses waïentpenr une phya!<MMm!$ tout c$M)<n<! ïea &mmes MaMches, et lui rêpagoa!eat mo!a<.


XXIX

luint Cotait bien un printemps mais un printemps de là-bas, rapide, enuévré, avec des odeurs énervantes, des lourdeuN d'orage. C'était le retour des papillons, des oi&eaux, de h vie; les colibris aident qmtt4 leur robe grise pour reprendre leurs couleurs Matantes de Fête. Tout verdissait comme par emchantemeMt; un peu d'ombre tiède et molle descendait maintenant des arbres feuillus sur te sot humide; les mimosas, Oeuris à profusion, ressemblaient à d'enormea bouquets, t de grosses houppea rosés ou orangées, dans lesquelles les colibris ciMmtaient de leur toute petite voix douce, pareille à la voix d'hirondelles qui jaseraient en sourdine;


tes lourds baobabs eux-m~Mes avaient rev&tu pour quelques jeaM Ma Ms feuillage, d'an vert pa!e teadre. Dans la campagne, le sot s'hait couvert de Neufs s!ogu!MM8, de g~mMes folles, de daturas am I<M~~ calices odoraats et las ondées qui tombaient sur tout cela etateat <~audes et parfumées, et, le soir, sur tes hauts herbages aes de !a veille daasaient en road les lucioles epMtMeres, setobtables & dos étincelles de phosphore.

Et la nature s'était tant hAtêe d'enfsnter tout <eta, qu'en haitjoaM eUe avait tout dotme.


XXX

Chaque soir, toujours, Jean rencontrait sur son chemin la petite Fatou, avec sa tête ébourMee de mouton noir. Les cheveux poussaient vite, comme les herbes, et bientôt tes coiffeuses habiles allaient pouvoir en tirer parti.


XXXt

On se mariait beaucoup, à ce printemps. Souvent, le soir, pendant ces nuits énervantes de juin, Jean rencontrait de ces cortèges de noces, qui s'en aHaient déBtant sur le sable en tongnes processions fantastiques; tout ce monde chantait, et le concert de toutes ces voix de fausset simiesques était accompagne à contre-temps par des battements de mains et des coups de tam-tam. Ces chants, cette gaieté nègre avaient quelque «hose de lourdement voluptueux et de bestialement sensuel.

Jean visitait souvent à Guet-n'dar son ami Nyaor, et ces scènes d'intérieur yotof, de vie


en commun, le troublaient aussi. Comme B se sentait seul, !a!, Isolé de sea semMaMea sur cette terre mauditel. M songeait Aeo!te qu'il aimait d'un chaste amour d'eaiheee, à Jeanne MAry. Hë!a8! six mots seulemeut qu'il était en A~tquel. Attendre eocoM piaa de quatre aan~es avant de la r~eirî. n commen~aH & se dire que le courage lui manquerait peut-être peur eoaU.nuer de vivre seul, que Ment5t a toutes forces il lui faudrait quelqu'un pour l'aider à passer aoa temps d'oxM. Mais qui?.

Fatou-gayepeMt-être?.AÏ!ons donc! Quelle pro&taation de lui-même Et puis ressembler à ses camarades, les ctientsde la vieille Virginie 1. Violer comme eux des petites filles noires M avait une sorte de dignité, de pudeur instinctive, lui, qui l'avait préservé jusque-là de ces eau a!nements de sensualité pervertie; jamais it ne pourrait descendre aussi bas..


XXXM

Il se promenait chaque soir, Il marchait beaucoup. -Les ondées d'orago continuaient à tomber. Les grands marais fétides, les eaux stagnantes, satttrees de miasmes de Qewe, gagnaient du tenrain chaque jour; une haute végétation herbacéo couvrait maintenant ce pays de sable. Le soir, le soleil était comme pâti par un excès déMMtantde chaleur et d'émanations dNeteMs. Aux heures où se couchait ce soleil jaune, quand Jean se trouvait seul au milieu de ces marécages desolés où tout était neuf et étrange pour son imagination, une tristesse inexplicable s'emparait de lui. N promenait ses regards tout autour du grand horizon plat sur lequel pesaient des vapeurs immobiles H ne comprenait pas bien ce qu'il y


Mait, dans cette phya!Mo~e dea ehMaa, da Monte et d'anormal qui pA< sarrer ataatïe cour.

An-~Msas des graotta~ea humides ceMFateM des Budos de libellules aux Rtaades at!<a (taeMos d6 Mtr, <Mi manto tempa que des <~Maw deM le chant M ~a!t !ncoaNm N'appâtaient pMet~ement seMS IM hautes horbas. Et Mtep~eïta trtstas~e de ta terre do Cham ptana!t sur tout cela. Ace8heatesct~pu8<!M!aiM9, ces marais d'AMque au printemps avaient une t~stease q~'on ne saurait exprimer avec des mots d'aucune langue hwmaiM.


xxxnï

~MMMoKs ~M~– harMent tes C)~ ça th'ppaat sur leur tam-tam, t'ceH cnCammA, les muscles tendus, le torse Missetad de sueur. Et tout te monde r6pata!t en <!raopaet des mains, avec Mn~sie AM<tmoM! /~M</ ~Memali: /bM< !a traJuctica 00 brMerait ces pa~es. AtMMeMs ~tM</ les premiers mots, la dominante et te refrain d'un chant end!aM4, ivre d'ardenr et de licence, te chant des bamboulas du priatemps!

Aaam~M ~tM/ hurlement de désir eBMaê, de sève Boire surchauffée au soïeit et d'hystérie torride. aMeiuia d'amour nègre, hyauM de se-


<hMt!oa changé w~ par ta HatMFa, par Fair. par la teryc, par tes p!aMMw, par les pat'~<H8 Aux bawboMtas du pr!atemp8, tas jttMaott g~p. Cans se M~!a!ent mot jeunes «Mas qui vea«!eat prendre M grande peMpe !eMr c~Mme oMbito, et, sur Ma t~thnto ~w. aMr dea neMs enM~ea, Ma thantahMtt tOMS, en daasaat 8Mt'J!e aaMc !<<t~ae~Ms~M~


XXXtV

.4M<wo~s ~tf~ Tous tes gros bourgeons laiteux des baobabs avaient épanouis en feuilles tendfMÏ.

Et Jean sentait que ce printemps nègre lui br&lait le sang, qu'H courait comme un poison d&vorant dans ses veines. Le renouveau de toute cette vie t'énervait, lui, parce que cette vie n'était pas la sienne chez tes hommes, le sang qui bouillonnait était noir; chez tes plantes, ta sève qui montait était empoisonnée; les Ceurs avaient des parfums dangereux, et les bêtes étaient gonOées de venin. Chez lui aussi, la sève montait, la sève de ses vingt-deux ans, mais d'une manière fiévreuse qui en fatiguait ta source, -et,


& !a h~g«o, M se eaM<< seotï mourir de M FMew. veau tec~M~

~am«~ ~MM. Comme ce printemps mM<' eha!t vite .Joh! a!ta!t à peine <!n!r,et~, soue t'haNMeBM~aae ~hatew mortelle, 4aas wnea~ m~ph&re qui a*ëta!t plus v!aMe, d~& ïea feuillu raient )aMmes,!esptaBt<MMa!eBtmMMaMB,ettM gK<m!a)!M Opep a~MS Ktemb~at ear le ae!


XXXV

~noMM~ /eM<M est de ces truits acMe, amers, deapaya chauds,–tes ocuMMMdu Soaégat, par exemple, détestables sous M8 latitudes pa!ea~ mais qui sont appropriés !a-bM & cer<a!B9 états de soit ou de seutïhace, que l'on peut convoiter avec ardeur, et qui vous semblent étrangement exquis. Ainsi était cette petite créature, avec a tête eboar!0ee de mouton noir, le modeM de marbre de sa chair, et sea yeux d'emait qui savaient d~& ce qa'Ms demanda!ent de Jean, et qui pourtant s'abaissaient devant lui par un jeu en&ntin de timidité et de pudeur. Fruit savoureux du Soudan, mari hâtivement par le printemps tropical, genOé de sucs toxiques, rempli devo!uptesma!saines, enMvtées, inconnnes.


xxxv~

AaaBMMs j~M~

Jean avait Mt A la hâte, an pea comme M fou, satoHeKedasotr.

L9mat:a,MavaH d!t & Fateud'aMer & h nuit tombante Pattendre au pied d'un certain baobab isolé, daas les marais de Scrr.

v o v v s s e v s s

Et puis, avantde s'en aMer, H s'eta!t accoude, ta t&te 'fort trouMêe, & rcae des grandes tenêtFes de ta caserne pour t~eCéchir encore un moment,–fêBechirsi possible en resp!rant un peu d'air,moins lourd. R hnemMait de ce qn'U allait faire.

~M avattfcsbte qaetqwesjeuFs, c'était par suite des sentament: très eompaques qui luttaient en


tai-meme une sorte d'horreur instiaetiveeem~ lait eacore A reatfatoement terdMe de acs sens. Et puis a y avait de la superstition ae pou aussi, sapcMtMoa <t'ea&mt moBtagNwd, vagae ~ayear de ~~s at d'amu~Mea, crainte de je ne sais quels MMhMtenMats, quels liens t~bMax. M lui M<nMa!t<p< aïtatt~aeMr~Maa~ signer wweaeeMe race ooiM une sorte de pacte Rtce9te;–qaedesvoHosp!as sombres allaient <!?s<s$ndre entM lui et sa mère et sa Sancee, et tout ce qa'<! avait laissa !&-bas de regretta et de chen. Un chaud or)Spascu!e tombait sur le Reave: la ~eiUe ville blanche devenait rosé dans ses !u* mières et bleue dans ses ombres de longues Otes de chameaux cheminaient dans la plaine, prenant au nord la route du désert.

On entendait d~a ie tam-tam des ~&<s et le chant des désirs efMnes qui commeo~ït dans le lointain ~<MHM~ ~c~/ ~M'eNM~e &t/ L'heure Bxee âFatoo-gaye était presque passée, et Jean partit en courant pour la rejoindre au marais de Sorr.

A s v a v


AaaMctM /eM< FaMMa<a M~

Sur ieurhym~neeetrange un baobab iso~e jetait son ombre, ta de! ~aune étendait sa voûte itamobile, même, irrespirable, chargée d'ëiectr~M, d'émanations terrestres, de substances vitales. 1 !t taudrait, peMPpeïadM cette couche nuptiale, prendre des couleurs si chawdes, qu'aucune pa!atto n'en pourrait fournir de semblés, prendre des mots aMcains, prendre des sons, des bruissements et surtout du silence, -prendre toutes les senteurs du Sën~at, prendre de forage et du feu sombre, de la transparence et de l'obscurité.

Et pourtant il n'y avait ta qu'un baobab soUtaire, au milieu d'une grande plaine «herbages. Et Jean, dans son délire d'ivresse, éprouvait encore une sorte d'inUme horreur, en voyant sur ce fond d'obscurité crepuscaïaire trancher le noir plus intense de Fêpousee, en voyant la, tout près de ses yeux à lui, briller ëmaH mouvant dea yeuxdeFatou.

De grandes chauves-souris passaient au-dessus d'eux sans bruit; leur vol soyeux semblait un pa-


piMonfMmeat rapide d'êteCia M~EMes les approchaient jusqu'à tes eNeurer: tewrca~osite de d~wea-souris était tr&s ex~tëe, parée que Fatoa avait un pagae Manc qoï tt~aachatt sur t'herbe Masse. ~MCNM~s ~6HA.. jP~Mme~e &

· · · · 1 f 1 · · · · · 1 · ·



DEUXIÈME PARTÏE



1

s e t t e t

Trois ans avaient passé.

Trois fois étaient revenus le printemps terrible et l'hivernage, trois fois, la MtMM dre !a Mi/ avec les nuits froides et le vent du désert. Jean dormait, étendu sur son tara, dans son iogis blanc de la maison de Samba-Hamet son taoM jaune était couché près de lui, les pattes de devant allongées, le museau tendu sur tes pattes, !a langue pendante et altérée, –immobile, avec les yeux ouverts, ayant l'attitude et l'expression des chaeals hiératiques dans les temples égyptiens.

Et Fatou-gaye était aux pieds de Jean, par terre.


MMi, l'heure silencieuse de la 8!este. M Maatt c~aad, chaud, etMagem~at chaud. Rappelvous les midi:) ~cfasants de juillet, et !mag!aex beaucoup plus de chaleur «tKW~ et p!tt8 da tamièM. C'~Mt une jeum~e de d~eembM. Le vMtda ~sertse~~iteMt doucement, avec M ~gatafM iaMtaMe de chaque jour. Et tout était dess~~ et mort. Et saf Maab!e, ce vent ha(;a!t & i'MOai des MtMMors et des milliers de petites stries ondées, mouvantes, qui ~eat comme tes ~)gMeamîaMsctt!M de la gfaode MMy* MMS'~Ht.

PfHo~gaye était coachée sur le veatM, appuyée sur ses coudes; eUe avait le tOtae au, costume d'intMeur, et son dos poli se relevait en courbe gracieuse, depuis ses reins cambrés jusqu'à ~extraordinaire édifice d'ambre et de corail qui composait sa coiOurc.

Autour de la case de Samba-Hamei, dusUence, d'imperceptibles bruissements de lézards ou de moucherons, des éblouissements de sable. Et, ïe menton reposant dans ses deux mains,


FMoa MoMd endox'mtechaotait tOMthas. E<!e ehaMtatt des tdra qxa jamais omMe part aMc a*a~<~t eateotta~ mals q<M peattaMt oMa ee 'composait paa.C~taïeNtaa têvodedaeF~e, senMsoMpbssMOMt voluptueux qui setMtd~saieat d'em-maMea en soaa do musique, semaeteata et Mzatif~ M~a péS~xOt; <?'< pt~Mit sur son cerveau de patite HMe noire partout cet aoeaMeaMNt dos choses, qui dehM~da!t sous forme de chant. Oh dans cotte NoaofM de Mtdi, daas ce demisommeil fébrile de la sieste, comme ~bM et p!eare un chaot vague, Inconscient, reaottat da e&MM, paraphrase du aHence et de ttn~Mtonr, de la solitude et de t'exi!!

Entre Jean et Fatou, !a pa!x est faite. ~ean a pardonné, comme toujears, l'histoire des <MKM et des bouetes d'oreilles en or de 6a!am est absotament iïme.

L'argent est trouvé d'ailleurs, et parti pour France. C'est Nyaor qui î'a prêtd en grosses pièces Nancbas & eMgîes fort anciennes qa'M


tenait, avec beaucoup d'autres, entermees dans un ceMpe de cuiwe. On los lui rendra quand en pourra; c'est une préoccupation pour Jean, il esterai,–<nais, au moins, sas cheM v!cM~ paraa~ qut avatant <Mnnpté sur la' n'en manqueMnt pas et seront tMaqaM!M.

LeM9tae9tMeoada!ro.

Endermï sur son tara, avec son esetave couchée & ses pieds, Jean a je ne aais quelle nonchalance superbe, quel faux air de pr!aca arabe. P~s rien du petit montagnard des Cévennes. Ma pris quelque chose de la majesté pauvre des ~!b de <<t ~<<

Ces trois années de Sénégal qui ont &uch4 de~& et delà dans les rangs des spahis, l'ont epa)~âne lui. li a beaucoup bruni seulement, mais satbrce s'est ddwetoppêe, ses traits se sont épures, accentues encore dans tout ce qu'Ms avaient de On et de beau.

Une sorte d'atoniemoraie, des périodes d'indirférence et d'oubli, une sorte de sommeil du cœur avec, tout à coup, des rêveusdesouurance.c'csttâ


tout eequeeestMiaanneesoat pu ~!re.n)at du Sen~t n'a pas ew auh'ement prise sur sa nature pnbaante.

n est devenu peu & peu «a soldat modèle pMctae!, vigilant et brave. Et pourtant ? n'a oncore sur sa «Mâche que de modestes ptteas de MM. Ï<esgateM der~ de Ma<~e<-<tes-~& qu'on a souvent Mt briller à Ma yeux lui ont te<<jeuM été ret~sea. Pas de protecteurs, d'abord, et puis surtout, obt Mandate, vivre avec une tomme notre!

S'enïwer. faire tapage, se faire rapporter ta tête fendue, donner la nuit dans les rues, étant grts, des coups de sabre aux passants, tratner dans tous les bouges, user de toutes les prostituttons, toutce!a est fort bien. Mais avoir, pour soi tout seul, détourné du sentier de la vertu une petite captive de bonne maison, munie du sacre* ment du baptême, voilà qui ne saut-ait être admis.

Sur ce sujet-là, Jean avait autrefois re~u de ses <:he& des admonestations très viotentes, avec des menaces terriMeset desimnres.–Ceeant forage, «


il avait découvert M tate Bêre, et puis H awit ecouM avec ta stoMsme commandé par ? d!seipMtte, dissimulant, sous un certain air de~ontrttion, t'envie folle qui le pfeMt!t de 8$ servir de sa cravache. Ma~, apr~, it n'ea avaH Mt Mi ptas et meias.

Un pou plus de dissimulation peut-être pendant quelques jours, mais il avait ~rd6 Fatou. Ce qui M passait dans son MMr au sujet de cette petite cFeaioFe était si compliqué, que de plus habites que lui eussent perdu teur peine en cherchant 4 s'y reconnaître. Lui s'abandonnait sans comprendre, comme à un charme perCde d'amulette. n était sans force poarseseparer d'elle. Les voiles s'dpaissisMtiMt peu 4 peu sur son passé et ses souvenirs; il se laissait maintenant conduire sans résistance eu le menait son cœur troublé, indécis, dévoyé, par la séparation ~t rexii.

Et, tous les jours, tous tes jours, cesoiei! Tous les mattns, te voir se lever avec une régularité inexorable, à la même heure, sans nuages et sans fraîcheur, ce large so!eiï jaune ou rouge,


que !es horitioas piata permettaient de voirmrgir tout d'en bas comme sur la mer, et qui, & peiae Jtevé, commençait & envoyer & la tête, aux tempes, fhapMsïoa pMNe et lourde de son RMMhc!e'Méat.

1 1. · · · 1- v

n y avah deux ans que Jeao et Fatou habitaient ensemble la maison do S~mba'Mamet. Au qaa~' tier d~ spahis, on avait Bni, de guerre tasae, par admettre ce qu'on n'avait pu empêcher. Jean Peyral, en somme, était un spahi exemplaire; seulement H était bien entendu qu'à pwp&tuit4 il resterait voaê à ses modestes gâtons de laine, qu'it n'irait jamais plus loin.

Faton, dans la maison de Cora, était captive et non esclave, distinction essentielle êtablie par tes réglementa de la colonie, et que de très bonne heure elle avait saisie. Captive, eHe avait le droit de s'en aller, bien qu'on n'eût pas «lui de la dtasser. Mais, une Ms dehors de sa propre volonté, eMe était libre, et eHe avait usé de ce droit-la.

En outre, elle était baptisée, et c'était une M-


herte de pias. Bans s~ petite tête, rusde comme celle d'un jeune siège, tout cela était bien entre at bien compris. Pour une femme qui n'a pas Mb;ut& ta Miigien du Maghreb, ae doMaer&ua homme Naac est une action igeomiotease, punie par toutes les hades publiques. Mais, pour t~tw, <? p~M~ë terrible a'exis~tp~s.

H eat wat que ses pare!Mes qwetqaeMs t'appe!a:ent J~~r~– et cela lui était sensible, ù !a s!Bgut!&re petite. Quand eMe voyait an'iver de i'intêrieMr ces bandes de X~HMtt&ës qa'eMe reconnaissait de loin & leur haute coMRtFe, elle accourait, intimidée et émue, tournant autour de ces gfands hommes à crinière, cherchant & en~er la conversation dans la langue aimée du pays. (Les nègres ont l'amour du village, de la tribu, du coin de sol ou ils sont nés.) Et aMe!queMs, sur un mot d'une méchante petite compagne, les hommes noirs du pays MtassooM détournaient la tête avec mépris, en lui jetant avec un sourire et un plissement de ievreinh'a*duisibies, ce mot de te~ (mMeie), qui est le Mt<a!t des Aigérions, ou ie giaour des Onentaux.


A!ors e!!e a'ea aHait, honteuse et ie ccour gréa, la petite Fatou.

Mais, tout de même, elle aimait encore mieux être A~ff, et pasMey Jeao.

i · i · t · · 1 f ·

Pauvre Jean, dors bien longtemps sur ton tara Mgw, qM ce repos da jour, ce seanceit tourd et sans rew ae prolonge encore, car ï'staat du revei! est sombre 1.

Oh! ce réveil, après l'engourdissement dn somme!! de mid!, d'où provena!t-eMecetteÏuc!dite étrange, qui faisait de' cet instant une épouvante?. Les idées s'éveillaient, tristes, contases d'abord, dépareMIées, désassorties c'étaient, au début, des conceptions ténébreuses, pleines de mystère, comme des traces d'uno existence anterieure & colle de ce monde. Pais, tout à coup, des conceptions plus nettes, d'une netteté navrante des souvenirs radieux d'autrefois, impressions d'entance reparaissant, s'éclairant comme du fond d'un passé irrévocable; souvenirs des chaumières des Cévennes les soirs d'été, se mé!ant & des bruissements de sauterelles d'AMa.


que angoisse des sepa~hons, du bonheur perdu synthèse rapide, navrante de toute rexistence; les choses de la vie vwes par en dessous avec leurs aspects d'outre-tombe; –ï'aatrecotê de ce qui est, Fenvers du monde.

Surtout dans ces moments-M, il semblait qu'il e&t eoBsetence de ta marche rapide et HMxoraNe du temps, que l'atonie de son esprit ne lui permettait pas habituellement de saisir. M s'éveillait, entendant contre te tara sonore le faible bruitda battement des artères de son <ront, et U lui semblait entendre les pulsations du temps, les battements d'une grande horloge mystériease de reternite, et it sentait le temps s'envoler, filer, Nier avec une vitesse de chose qui tombe dans le vide, et sa vie s'écouter avec lui sans qu'il pût la retenir.

Et i1 se relevait brusquement, s'ëvciUant tout à fait, avec une envie folle de partir, une rage de désespoir en présence de ces années qui le séparaient encore du retour.

Fatou-gaye comprenait vaguement que ce ce-


veH était un Matant dangereux, un instant critique où Fhomme Mano lui échappait. Aussi elle guettait ce réveil, et quand elle voya!Uean oawirsesyeux mê!anco!!ques, et, puis se redresser tout t coap le re~rd eŒtré, vite elle s'approchait, & genoux pour le servir, ou bien elle lui passait autour de cou ses bras souples

Qw'M-ta, mon blanc?.. dtsait-oBe, d'une voK qu'elle faisait douce et languissante comme le son de la gaitare d'an griot.

Mais ces impressions de Jean n'étaient pas de tongae darëe. Quand il était bien éveillé, son atonie habituelle reprenait son cours, et il recommençait à voir les choses sous tems aspects accoutnim.


n

Citait une opération très importante et très compHquée que de coiSer Fatou; cela avait lien chaque semaine une fois, et, cette fois-là, toute h journée y passait.

Des le matin, elle se mettait en route pour Guet'n-dar, la ville nègre, où habitait, dans une case pointue Mto de chaume et de roseaux secs, h coMfëuse en renom des dames nubiennes. Elle restait ia plusieurs heures durant, accroupie sur le sable, s'abandonnant aux mains de cette artiste patiente et minutieuse~

La coMbuse deMsait d'abord, desenBMt une à une les perles,–dêtressait, démêlait les mèches épaisses; puis reconstruisait ensuite cet édifice très surprenant, dans lequel entnuent


du corail, dos pièces d'or, des paillettes de cuivre, des boules de jade vert et des boules d'ambre. Des boules d'ambre grosses comme des pommes, –héritage maternel, précieux joyaux de famille rapportes en cachette dans la terre d'esclavage.

Et le plus compMque a peigner, c'était encore ie derrière de la tête, la nuque de Fatou. M, il iaMaït diviser les masses crépues en des centaines de petits tire-bouchons empesés et rigides, soigneusement alignés, qui ressemblaient & des rangs de franges noires.

On roulait chacun de ces tire-bouchons séparément autour d'un long brin de paille, on les couvrait d'une épaisse couche de gomme, et, pour laisser & cet enduit le temps de sécher, les pailles devaient, jusqu'au lendemain, rester en place. Fatou rentrait chez elle avec toutes ces brindilles tenant à sa chevelure; elle avait l'air, ce soir-là, de s'être coiffée dans la peau d'nn porc-épic.

Mais, le lendemain, quand les pailles étaient enlevées, quel bel eoet!


On jetait par !à<dessus, & la mode bhassoa&ee, une sorte de gaze du pays, très transparente, qui enveloppait le tout comme une toile d'araignée bleue; et cette co!thtre, solidement établie, dara!t nuit et jour pendant toute une semaine. Fatou<gaye se c!mwsstnt d'êMgantes petites sandales de cuir, maintenues par des lanièresqui passaient entre l'orteil et le premier doigt, comme des cothurnes antiques.

EUe portait le pagne étriqaé et collant que les égyptiennes du temps des Pharaons Mguerent à la Nubie.– Par-dessus, elle mettait un boubou grand carra de mousseline ayant un trou pour passer la tête, et retombant en péplum jusqu'audessous du genou.

Sa parure se composait de lourds anneaux il'argent, rivés aux poignets et aux chevilles; et puis d'odorants colliers de soMMM~ la fortune de Jean ne lui permettant pas l'usage des colliers d'ambre ou d'or.

Les MMaM!f~s sont des tresses faites de plusieurs rangs enfilés de petites graines brunes; ces


graines qui mûrissent sur ies bords de la Gamine ont une senteur pénétrante et poivrée, un parf~u <n<t ~Het~s, une des odeurs les pt<M earae~pMt!ques du Sénégal.

EUe était bien jolie, Fatou-gaye, avec cette haute eoK~Mt saw~6, qui lui donnait un air de divinité hindoue, parée pour une fête religieuse. Rien de ces taoes épatées et !ippues decertaines peuplades aMcaiaes qu'on a l'habitude en France de considérer comme le modèle générique de ta race aoire.Nte avait le type hhassoat:~ trës par: an petit nez droit et fin, avec des narines minces, un peu pincées et très mobiles une bouche correcte et gracieuse, avec des dents. admirables; et puis, surtout, de granas vem d'émail Neaâtre, remplis, suivant ïcf moments. d'étrangcté grave, oa de mystérieuse malice.


m

Patou ne travaillait jamais, c'étahune vraie odalisque que Jean s'était oiterte ta.

EUe savait comment s'y prendre pour blanchir et rëparer ses toM~otM et ses pagnes. EHe était toujours prowe comme une chatte noire haMMee de blanc. par Insunct de propreté d'abord, et puis pdrce qa eue avait compris que Jean ne !a sapportenut pas autrement. Mais, en dehors de ces soins de sa peraonne, elle était incapable d'aucan travail.

Depuiatpe les pauvres vieux Peyral ne pouvaient plus envoyer à leur fils tes petites économies que, pièce par pièce, ils mettaient de côté pour lui; depuis que < rien ne leur réussissait


p~Hi! ".comme eerivaittavieiMeFrancoise.etqu'its avaient même M obligés de recourir A la bourse modeste du spahi, !e budget de Fatou allait deveair fbt't dtMcMe & équilibrer.

Heureusement Fatou était une petite pepsonM 8obM,dont la vie matérielle ne coûtait pas cher.

Dans tous les pays du Soudan, la femme est placée, ~is-a-vis do rhomme, dans des conditions d'it~riorite tr~s gmnde.– Plusieurs Ms dans !e courant de sa vie, eUe est achetée et revendue comme une tête do bêtait, a un prix qui diminue en raison inverse de sa laideur, de ses de&uts et de son Age.

Jean demandait un jour à son ami Nyaor < Qu'as-tu fait de NoHtOudounkhouité, ta femme, –ceNe qui était sibeue? e

Et Nyaor répondit avec un sourire tranquiMe < NokhoudoumHMuUe était trop bavarde et je l'ai vendue. Avec le prix qu'on m'en a donné, j'ai acheté trente brebis qui ne parlent jamais. s C'est à ia femme que revient te plus dur travail s


dos indigènes, eetui de pNer te mil pour le kousahouss.

Du matin au soir, dana toute !a NaMe, depuis TemboactoaJMsqo'& la c$te de Guinée, daas tous; les ~tMagesda ehnMme,sous te soMt déve~a~ tes pilons de bois des adresses Mtom~em braptmment dans les mortiers de caMeedra. Des toittiers de bras cerclés de bracelets s'épuisent A ce trahit, et teseawieres, bavardes etqwerettcases, )m6!ent & ce bruit monotone te concert de leura voix aiguës qui semblent sortir de gosiers de singes. n en résulte un vacarme très caractéristique qui annonce de 'oin, dans tes bâtliers, dans le désert, t'apprc he de ces villages d'Afrique.

Le produit de ce pilage eternet,qai use des générations de femmes, est une jprossi&re farine de mil, avec laquelle on confectionne une bouillie sans saveur, le h~)uss~euss.

Le kouss!teuss~est la base de l'atimentation des peuptes noir9t

Fatou-gayc échappmt & ce travail MgendMre


des femmes de sa race chaquo soir, elle des' cendait cheKCoura-n'diaye,!a vieille poétesse do roi Et Had~, ~emme yne<e. LA, moyennant une faible redevance mensuelle, eMe avait te droit de s'asseoir pana) les pet!tesesciavesde!'aacMnne ~verïte, autour des grandes caïebassea o& fumait le kouss~uss tout chaud, et de manger au s~ de son appétit de seize ans.

Du haut de son tara, étendue aur de fines nattes au tissu compliqué, la vieille déchue présidait avec une dignité impassiNe.

Et pourtant c'étaient des scènes très bruyantes et très impayables que ces repas ces petites créatures nues, accroupies par terre, en rond autour de calebasses énormes, p&chant à même dans la bouillie spartiate, toutes ensemble, avec leurs doigts. –C'étaient des cris, des m!nes, des grimaces, des espiègleries nègres à rendre des points à des ouistitis~–et des arrivées intempestives de gros moutons cornus;–et des pattes de" chat allongêes en tapinois, puis plongées sournoisement dans~ h bouillie; du intrusions de eMens jaunes, fourrant dans ïe plat leuc museau


.b.4

pointu, et puis, des éclats de rire d'an eemi. que impossible, montrant des rangées magnifiques de dents blanches, dans des gencives d'un gros Mage de pivoine.

~tea êtaittoa~oaM rhabillée etlesmains nettes quand ~ean, qui avait dA rentrer & la caserne à quatre heures, revenaït après l'appol de retraite. Et!e avait repris, seas sa haute coiffure d'idole, une expression sérieuse, presque mélancolique; ce n'était plus la même créature.

C'était triste le soir, ce quartier mort, isolé au bout d'une ville morte.

Jean restait souventaccoudéàia grande fenêtre de sa chambre blanche et nue. La brise de la mer faisait papillonner au plafond les parchemins des prêtres, que Fatou avait pendus la par de longs Nb, pour veiller sur leur sommeil. Devant lui, il avait les grands horizons du Séné'gal, la pointe de Barbarie, une immensité plate, sur les lointains de laquelle pesaient de sombres vapeurs de crépuscule l'entrée profonde du désert.


On bien M s'assert & la porte de la maison de Samba'Bamet, devant ce carré de terrai vague que bordaient de vieilles constructions de brtques en ruines, sorte de place au milieu de !aqae!!û croissatt ce maigre palmier jaMe, de l'espèce à épines, qui était t'arbre wnique du quartier. n N'aseeyait laet~mait des c!~rettesqa'a avait appris & Fatou à M faire.

Hehs! cette distraction même, aUait falloir songer à la supprimer bientôt faute d'argent pour en acheter.

H soldait de ses grands yeux bruns, devenus atones, le va-et-vient de deux on trois petites négresses qui se poursuivaient, gambadaient Miement au vent du soir, dans le demi-jour crepusculaire, comme des phaïenes.

En décembre, le coucher du soleil amenait presque toujours sur Saint-Louis des brises &aïches et de grands rideaux de nuages qui, tout à coup, assombrissaient le ciet, mais ne crevaient jamais. Ils passaient bien haut, et s'en allaient. Jamais une goutte de pluie, jamais une impression d'humidité c'êtaiHas<KS<Mta~c&e,et,da)M


toute la nature, on n'eut pas trouvé Ma atome de vapeur d'eau. On respirait pourtant, ces soirs de décembM; c'était un rdpit, ee~ catcheur pénétrante, cela causait une semat!on de aewtage- ment physique, mais, ea m&me temps, je ne saïs q<MMe impression plus grande de mélancolie. S, quand Jean était assis, à la tombeedeianait, devant sa porte isoMe, sa pensée s'en allait au loin.

Ce trajet à vol d'oiseau, que ses yeux faisaient chaque jour sur les grandes cartes géographiques pendues aux murs dans la caserne des spahis, il le parcourait souvent en esprit, -le soir surtout, sur une sorte de panorama imaginaire, de représentation qu'il s'était faite du monde. Traverser d'abord ce grand désert sombre, qui commençait là, derrière samaisoa.

Cette première partie du voyage était celle que son esprit accomplissait le plus lentement,–s'attardant dans un imEni de solitudes mystérieuses, où tons ces sables ralentissaient sa marche. Et puis franchir l'Algérie, et la Méditena-


née, arriver aux côtes de France: remonter la Valtée du RMne, et parvenir eaCn & ce point que la carte marquait de petites hachures noires, –et que lui se représentait en hautes cimes Meuatres dans des nuages les Cevennes! Des montages! n y avait si longtemps que ses yeux étaient taits aux solitudes plates! –si longtemps qu'U n'en avait pas vu, qu'il en avait presque perdu la notion.

Et des forets! Les grands bois de châtaigniers de son pays, qui étaient humides et qui étaient pleins d'ombre, où couraient de vrais ruisseaux d'eau vive, où le soi était de la te~w, avec des tapis de iraîchesmousses etd'herbesnnes! Il lui semblait qu'i! aurait éprouvé un soulagement, rien qu'en voyant un peu de terre humide et moussue, –au lieu de toujours ce sable aride, promené par le vent du désert.

Et son cher village, que dans son voyage iàeat il apercevait d'abord de haut, comme en planant, la vieille église, sor laquelle il s'imaginait de la neige, la cioehe sonnant I'~M~tM, probablement– (il était sept heures du~oir),– et sa


chaumière auprès! –Tout cola, bleuâtre et dans la vapeur, par un soir de décembre bien froid, avec un pale rayon de lune glissant dessus. Était-ce possible?– À cet instant même, A 1 l'heure qu'il était, en même temps que ce qui l'entourait, tout cela existait bien réellement quelque part; ce n'était pas seulement un souvenir, une vision du passé; cela existait; cela n'était même pas très loin; à cette heure même, il y avait des gens qui y étaient, et il était possible d'y aller.

Que faisaient-ils, ses pauvres vieux parents, à cette heure où il pensait a eux?–Assis au coin du feu, sans doute, devant la grande cheminée, où flambaient gaiement des branches ramassées dans la forêt.

D revoyait là tous les objets familiers à son enfance, la petite lampe des veillées d'hiver, les vieux meubles, le chat endormi sur un escabeau. Et, au milieu de toutes ces choses amies, il cherchait à placer les hôtes bien-aimés de la chaumière.


Sept heures A peu près C'était bien cela; le repas du soir terminé, ils étaient assis au coin de feu, vieillis sans doute, son vieux père dans son a~tude habituelle, appuyant sur sa main sa beBe t&te grise, une tête d'ancien cuirassier redevenu montagnard; et sa mère, tricotant probablement, faisant glisser très vite ses grandes aiguilles entre ses braves mains vives et laborieuses, ou bien tenant droite sa queneuiUe de chanvre, et filant.

Et Jeanne, eHe était avec eux peut-être t Sa mère lui avait écrit qu'elle venait souvent leur tenir compagnie aux veillées d'hiver. Comment était-elle maintenant? Changée et encore embellie, lui avait-on dit. Comment était sa Cgore de grande jeune fille, qu'il n'avait pas vue?

Auprès du beau spahi en veste rouge, il y avait Fatou-gaye assise, avec sa haute coiSure d'ambre à paillettes de cuivre.

La nuit était venue, et, sur la place solitaire,


les petites négresses continuaientase poursuivre, passant et repassant dans l'obscurité, l'une toute nue, les deux autres avec de longs iton. housHottaats, ayantl'air de de~ chauves-souris btsnches. Ce vent îroid les excitait & courir; elles ttamat comme ces jeunes chats qu!, chez nous, eprouvent~e~?se!in de&ire deSjgambaaes folles quand souitle ce vent d'eatMen sec gui nous apporte JageMe.


1~

BtSKMSMNMBAhTMaCB SUR LA NCStaCB M SPM CM CJ~TÉCOMB BE eBNS APPiSLÉS CM<nM. L'artde la:mttsiqae est MD&&, dam5 le Soudan, à une caste d'hommes spéciaux, appelés ~tb<s, qui sont, de père en fils, musiciens ambiants et compositeurs de chants héroïques.

C'est aux griots que revient le soin de battre le tam-jtam <poar les bamboulas, et de ahanter, pendant les &tes, ~s touanges des personnages deqaaË~.

Lms!f[u'im chef épMaveJe ibesoin jd'eniendïw exaUersa~ropre~ïoire, il mande sesgnats, qm viennent ~'asseoir devant lui sur t& sable, :e< Mmposent sur-b-ehamp,en sonJhonneur, um


longue série de couplets oŒciels, accompagnant leur aigre voix des socs d'une petite guitare tr~s primitive, dont les cordes sent tendues sur des t peaux de serpent.

Les griots sont les gens du monde tes plus philesophes et tes plus paresseux; ils mènent la vie errante et ne se soucient jamais du lendemain. De village en village, ils s'en vont, seuls ou a la suite des grands chefs d'armée, recevant par-ci par-là des aumônes, traités partout en parias, comme en Europe tes gitanes; comblés quelquefois d'or et de faveurs, comme chez nous les courtisanes; exclus, pendant leur vie, des cérémonies religieuses, et, après leur mort, des Meux de sépulture.

ils ont des romances plamtives, aux paroles vagues et mystérieuses; des chants héroïques, qui tiennent de la mélopée par leur monotonie, de la marche guerrière par leur rythme scandé et nerveux; des airs de danse pleins de frénésie; des chants d'amour, qui semblent des transports de rage amoureuse, des hurlements


de bêtes en délire. -Mais, danstoute cette musique noire, la mélodie se ressemble; comme chez les peuples très primitifs, elle est composée de phrases courtes et tristes, sortns de gammes plus ou moins accidentées, qui partent des notes les plashautesdelavoixhumaine.etdescendentbrus*quement jusqu'aux extrêmes basses, en se traînant ensuite comme des plaintes.

Les négresses chantent beaucoup en travaillant, ou pendant ce demi-sommeil nonchalant qui compose leur sieste. Au milieu de ce grand calme de midi, plus accablant là-bas que dans nos campagnes de France, ce chant des femmes nubiennes a son charme & lui, mêté à l'éternel bruissement des sauterelles. Mais il serait impossible de le transporter en dehors de son cadre exotique de soleil et de sable; entendu ailleurs, ce chant ne serait plus lui-même.

Autant la mélodie semble primitive, insaisissable à force de monotonie, autant le rythme est diSleile et compliqué. Ces longs cortèges de noces qu'on rencontre la nuit, cheminant lente-


ment sur le sable, chantent, socs la eondu~e de griots, des chœurs d'ensemble d'une allure bien étrange, dont l'aceompagnement est un contre- temps persistant, et quisemMenthérissas, comm & plaisir, de difficultês rythmiques et de b!zM~reries.

Un insH~Mnent très s!mp!e, et réservé aux femmes, remplit dans cet ensemble un rôle important c'est seulement une gourde aHongêe, ouverte à l'une de ses extrémités, objet qu'on frappe de la main, tantôt à Poavertare, tantôt sur le Cane, et qui rend ainsi deux sons dinerents rua sec, et l'autre :sourd; on n'en peut tirer rien de plus, et le résultat ainsi obtenu est cependant surprenant. D est difncile d'exprimer l'effet sinistre, presque diabolique, d'un bruit lointain de voix nègres, à demi couvertes par des centaines de semblables instcu. ments.

Un cM~e~Mps perpétuel des accompagna* teurs, et des ~Mopes inattendues, parfaitement comprises et observées par tous les exécutants, sont les tmits les plus caractéristiques de cet art,


!aMt ieur pénètre, mats assurément très d!~ jMreBt du n&tre, que aos o~aoïsatioas europrennes ne nous permettent pas de parfaitemnnt eompreadre.


v

BANBOB&A

Un griot qui passe frappe quelques coups sur son tam-tam.–C'est le rappel, et on se rusemble autour de lui.

Des femmes accourent, qui se rangent en cer'de serré, et entonnent un de ces chants obscènes qui les passionnent. –L'une d'elles, la première venue, se détache de la foule et s'élance au miueu, dans le cercle vide où résonne le tambour; elle danse avec un bruit de grigris et de verroterie son pas, lent au début, est accompagné de gestes terriblement licencieux; il s'accélère bientôt jusqu'&ta frénésie; on dirait les trémous. sements d'un singe fou. les contorsions d'une possédée.


A bout do forces, elle se retire, haletante, épuisée, avec des luisants de sueur sur sa peau noire; ses compagnes l'accueillent par des applaudissements ou par des huëes: puis une autre prend sa place, et ainsi de suite, jusqu'à cequetoutesy aient passe.

Les vieilles femmes se distinguent par une indécence plus cynique et plus enragée. L'en.fant que souvent elles portent, attaché sur leur dos, affreusement ballotté, pousse des cris perçants; mais les négresses ont perdu, en pareil cas, jusqu'au sentiment maternel, et rien ne les arrête plus.

Dans toutes les contrées du Sënéga!, les levers de pleine lune sont des moments pardcuUârement consacrés à la bamboula, des soirs de grande fête nègre; et il semble que la lune se lève ïa-bas, sur ce grand pays de sable, dans l'infini de ces horizons chauds, plus rouge et plus énorme qu'auteurs.

A la tombée du jour, les groupes se forment. Les femmes mettent, pour de telles occasions,


des pagnes de couleur éclatante, ae parent de Mjeux enarnn de Calam, ornent leurs bras de lourds anneaux d'argut, !ear cou d'une êtonaanto pM&Mton de grigris, de verroterie, d'ambre et de corail.

Et, quand le disque rouge apparat~ toujours agrandi et de6M'mé par le mirage, jetant sur t'horMon de grosses lueurs sanglantes, un vacarme turieux se levé de toute cette &uie !& ?10 commence.

A certaines époques de l'annde, devant la maison de Samba-Hamet, la place solitaire devenait le théâtre de bamboulas fantastiques. Dans ces occasions, Coura-n'diaye prêtait & Fatou quelques-uns de ses b~oux précieux pour aller à la ?10.

Quelquefois elleyparaissait eUe-même, comme aux anciens jours.

Et alors c'était un grand bruissement d'admiration, quand la vieille griote s'avançait, couverte d'or, la tête haute, avec une flamme étrange rallumée dans ses yem éteints.–Elle


avait le torse eCrontément nu: sur sa poitrine .'idée de momie noire, sur ses mamelles qui peu' datent, comme demandes peaux vides et mortes, s'étalaient les présent merveilleux d'Et-Had; le conquérant des coïMeK de jade pa!e d'un vert d'eau tendre, '–etpwisdes rangs et des rangs de grosses boules d'or fin, d'un travail rare et inimitable. EUe ava!t de l'or plein les bras, de For aux chevHles, des bagues d'or t tous les doigts de pied, et, sur la tê~, om antique édifice d'or.

La vieille idole parée se mettait à chanter; peu & peu eUe s'a~nmait en autant ses bras de squelette, qui avaient peîne&souïever le poids de leurs bracelets. Sa voix, rauque et caverneuse, résonnait an début comme du fond d'une carcasse vide, puis devenait vibrante à faire &émir. On retrouvait un écho posthume de la poétesse d'EiHadj, et, dans ses yeux dilatés, éclairés par en dedans, il semblait qu'on vît passer des reflets des grandes guerres mystérieuses de l'intérieur, des grands jours d'autrefois les armées d'EtHadj volant dans le désert; les grands égorge-


<"

ments taisant des peuplades enHeres MM vautours; l'assaut de ~ou-Koro; tous tes ~Hages du Massina, sur des contâmes de lieues de pays, brûhmt au soleil, de Mëdiae &Tomboaetoa, comme des ïewx d'herbes dans la plaine.

f. f. f · f f

Count-B'diaye était très iatigoee quand elle avait Bni ses chansons. EMc rentrait chez eUe toute tremblante et s'etendaît sur son tara. Qaand ses petites esdaves l'avaient dépouillée de ses bijoux et massée tout doucement pour la faire dormir, on la laissait tranquille comme one morte, et eUe restait couchée pendant deux jours.


Guet.n'dar, la ville né~e, bâtie en paille grise sur le sable jaune. -Des milliers, des milliers de petites huttes rondes, & moitié cachées derrière des palissades de roseau secs, et coiSees toutes d'an grand bonnet de chaume. Et les milliers do pointes de cesmiMeN de toits affectant les formes les plus extravagantes etles plus pointues, -les unes droites, menaçant le ciel,-les autres de travers, menaçant leurs voisines, -les autres, enan, racornies, ventrues, défoncées, ayant rair tatigueesd'avoirtant séché ausoleil, –paraissant vouloir se recroqueviller, s'enrouler comme de vieilles trompes d'éléphant. -Et tout cela à perte de vue, découpant de bizarres perspectives de choses cornues sur l'uniformité du ciel bleu.

VI


Au milieu de Guet-n'dar, partageant la cité on deux, du nord au sud, une large rue de sable, bien régulière et bien droite, s'ouvrant au loin toute grande sur le désert. Le désert pour f campagne et pour horizon.

De chaque coté de cette vaste tranchée, nn dédale de petites rueUes tortueuses, contournées comme tes sentiers d'un labyrinthe.

C'est dans ces quartiers que Eatou conduit Jean; -et, pourieconduire, àia-maniere nègre, elle lui tient un doigt. dans sa ferme petite main noire, ornée de bagues de cuivre.

Onesten janvier.–B est sept hcares.dutmatin, et le soleil se lève à peine. ~–L'hemaa est agreabh et fraîche, même am Sénégal~

Jean; marche de son pas fier et grave, -.tout en soanantinteneurement de l'expédition dEole que Fatou-gaye lui fait faire, et du personnage auquel N~va rendre visite.

D se laisse cendhiredahonne grâce; cette:pm* menade l'intéresse et Eamuse.

B fait beau; cet air pur du matin, le Men-e~


physique apporta par cette rare fraîcheur, tout cela inSue deucemoM sur lui. Et puis, en ce moment, Fatou-gaye lui paraît fort mignonne, et il l'aime presque.

C'est un de ces moments fugitifs et singuliers, où chez M le. souvenir est mort, o& ce pays d'AMqne semble sourire, on le spahi s'abandonne sans arrière-pensée sombre à cette vie qui depuis trois ans le berce et rendort d'un sommeil lourd et dangereux, hanté par des rêves sinistres. L'air du matin est irais et pur. Derrière les patissades grises en roseaux qui bordent les petites eues de Guet-n'dar, on commence à entendre les premiers coups sonores des pilons à kousskouss, mêlés à des éclats de voixnëgres qui s'éveillent, àdes bruits de~erroterieou'on remue; –à tous les coins du chemin, des crânes de moutons cornus,–(pour ceux qui sont au courant des usages nègres les ëgorgés de la to~M&t), plantés au bout de longs bâtons, etregardamt passer le monde, avecdes airs détendre leur cou de bois pour mieux voir. Et, pesés partout, de gros lézaeds Mttcbes, au corps Neu de ciel~ dandi-


aant perpétuellement de droite etde gauche, par suited'unsingulierticde lézard qu'ils ont, leurtête d'un beau jaune quisemMefaiteenpeaud'orMge. Des odeurs de nègres, d'amulettes de cuir, de kousskouss et de soumaré.

Des négrillons, commençant à parattre aux portes avec leur gros ventre omê d'un rang de perles bleues,- avec leur nombril pendant, leur sourire fendu jusqu'aux oreilles, et leur tête en poire, rasée àtrois petites queues. Tous s'étirent, regardent Jean d'un air étonné avec leurs gros yeux d'émau, et disant quelquefois, les plus osés < Toubab! toubab! toubab bonjour! < a

Tout cela sent bien la terre d'exil, et l'éloignement de la patrie; les moindres détails des moindres choses sont étranges. Mais il y a une telle magiedans ceslevers de soleil des tropiques, une telle limpidité ce matin-là dans l'air, un tel bien-être dans cette fralcheur inusitée, -queJean répond gaiement aux bonjours des bébés noirs, souritaux réflexions de Fatou, et s'abandonne et oublie. Le personnage chez lequel se rendaient Jean et


Fatou était ungrand vieillard & l'coil rusé et matois qui s'appelait Samba-Latir.

Quand ils furent tous deux assis par terre sur des nattes dans la case de leur hôte, Fatou prit la parole et expliqua son cas, qui était, comme on va te voir, grave et critique

Depuis plusieurs jours, elle rencontrait, a la même heure, une certaine vieille, trêslaide, qui la regardait d'une façon singulière, du coin de l'ceiî, sans tourner la tête! Hier au soir enfin, elle était rentrée chez elle toute en larmes, déclarant & Jean qu'eue se sentait ensorcelée. Et, toute la nuit, elle avait été obligée de se tenir la tête dans l'eau, pour atténuer les premiers effets de ce maïénce.

Dans la collection d'amulettes dont eUe était pourvue, il y en avait contre toute sorte de maux ou d'accidents contre les mauvais rêves et les poisons des plantes, contre les chutes dangereuses et le venin des bêtes, contre les infidélités du coeur de Jean et les dégâts des fourmis blanches, contre le mal de ventre et contre le caïman. Il n'y en avait point encore contre le mauvais ceil


et les sorts que les gens vous jattent au passage. Or c'était !& une spécialité reconnue~ & SambaLatit*, et voilà pourquoi Fatou-gaye était venue recourir à lui.. Samba-Latir avait justementla chose toute faite. N tira d'un vieux cot&'a mystMeux un petit sachet M~g& Hxé a un cordon decuir; il le mit au cou deFato~-gaye emprononcantïes parolessacramentelles, et l'esprit malin se tMuva cot~uFê. Cola ne coûtait que deux &MHss d'afgent(dM francs). –Et le spahi, qui ne savait pas marchas der, pas, même une amulette, paya sans morma" rer.– Pourtant il sentit le sang loi monter aux tempes, en voyant partir ces deux pièces~ non) pas qu'il tmt & l'argent; jamais même il n'avait pu s'habituer à en, connaître la valeur; mais pourtant, deux khNtSS, c*êtait heaaeoœp dans ce moment pour sa pauvre bourse die spahi. Et sur~out il se disait, avec un remords et un serrement de cceur, qus ses vieux parents se privaient sans dontedobeaucoup de choses qui coûtaient moins de deux&MHM, et qui assurément étaient plus utiles que tes amulettes de Fatou.


vn

I.ETTHB BB MANNJS tt&M A SON OOCStN JtEAN < Mon cher Jean,

< Voilà tMt&t trois ans de passés depuis ton:départ, et j'attends toujours pour que tu me parles du ton retour; motj*a! bien foi en toi,vo!s-tu, et je sais que tu n'es pas pour me tromper; mais ç& n'empêche pas que le temps me dure; il y a des fois la nuit où le chagrin me prend, et H me passe toutes sortes d'idées. –A~ecc~ mes parents me disent que si tu. avais bien wulu, tu aurais pu avoir un congé pour venir faire un tour vers chez nous. Je crois bien aussi qu'il yen a ici, au viHage, qui leur montent la tête~


mais c'est vrai pourtant que notre cousin Ken e est revenu deux Ma au pays, lui, pendant le temps qu'il était soldat.

t n y en a qui font courir le bruit que je vais ¡ ëpouserïe grand Suirot. –Crois-tu ? quelle dfNa de chose d'épouser ce grand benêt qui fait le moMieur:je laisse dire, car je sais qu'ii n'y a rien dans la monde pour moi comme mon cher Jean. Tu peux être bien tranquille, il n'y a pas de danger qu'ils m'attrappent & aller au bal; ça m'est éga~ qu'ils me disent que je fais des manières; pour danser avec Suirot ou ce gros nigaud de Toinon, ou d'autres comme ça, non vtaiment je m'assieds bien tranquille le soir sur la barre' de chez Rose devant la porte, et là je pense et je repense de mon cher Jean, qui vaut mieux que tous les autres, et pour sûr je ne m'ennuie pas quand je pense à lui.

Je te remercie de ton portrait; c'est bien toi, quoi qu'on dise ici que tu as joliment changé; moi je trouve que c'est bien toujours ta même agnre, seulement que tu ne regardes pa~ ~e t. Banc detant ta perte.


monde tout & fait de la même manière. Je Pat mis sur la grande cheminée et, tout alentour, mon rameau de Pâques, ce qui fait que, quand j'entre dans la chambre, c'est le premier qui me regarde.

Mon cher Jean, je n'ai pas encore ose porter ce beau bracelet fait par les nègres que tu m'as envoyé; de peur d'Olivette et de Rose; elles trouvent d~a que je fais la demotMMe, ça serait bien pire. -Quand tu seras et que nous serons mariés, ce sera autre chose; je porterai aussi la belle chatne à jaseron de la tante TouneMe et sa chatne de ciseaux. Viens seulement, car, voistu, je languis bien de ne pas te voir; j'ai l'air de rire quelquefois avec les autres, mais après !e chagrin me monte si fort, si fort, que je me cache pour pleurer. B Adieu, mon cher Jean; je t'embrasse de tout coeur,

JBANM M~M. <


VHI

Les mains de Fatou, qui étaient d'un beau noir au dehors, avaient le dedans rose.

Longtemps cela avaitfait peurau spahi H n'aimait pas voir le dedans des mains de Fatou, qui lui causait, maigre lui, une vilaine impression froide de pattes de singe.

Ces mains étaient pourtant petites, délicates et reUées au bras rond par un poignet très tin. Mais cette décoloration intérieure, ces doigts teintés mi-partie, avaient quelque chose dejMM~NMcta qui était effrayant.

Cela, et certaines intonations d'un fausset étrange qui lui échappaient quelquefois quand elle était très animée; cela et certaines poses, certains gestes inquiétants; cela rappelait de


mystérieuses ressemblances qui troublaient l'i. magination. a

A la longue pourtant, Jean s'y était habitué, ot ne s'en préoccupait plus. Dans les moments où Fatou M semblait gentille et où R l'aimait encore, il rappelait même, en riant, d'un bizarre nom yolof qui signMait petite /!Me «M~. EN& était tr&5 mortinee, Fatou, de ce nom d'amitié, et pMnait alors des airs posés, des mines sérieuses qui amusaient leapaM.

Un jour (il faisait exceptionnellement beau ce jour-H un temps presque doux, avec un ciet très pur),–un jour Frits Muller, qui se rendait en visite chez Jean, était monté sans bruit et s'était arrêté sur le seui!.

Là, il se divertit beaucoup, en assistant de la pnrteA !a scène suivante

Jean, souriant d'un bon sourire d'enfant qui s'amuse, paraissait examiner Fatou avec une attention extrême, lui étirant les bras, la retournant, l'inspectant sans rien dire sur toutes ses &ses et puis tout & coup, d'un air con-


vaincu, H exprimait ainsi ses conclusions Toi <CM< & /a« m~NM ~<~ «MRNM S<M~e/ Et Fatou, tr&s vexée A&~ ~«~~ Toi M'y a p<M dire ~t, tMCH blanc JP'<ttor< «a~ lui, <t'y o pas connait tMMt~W p<Mtf pay<C! mi <???«& Ms Mwf

AloM Fritz Muller partit d'un gM~~ éclat de rire, et puis Jean aussi, en voyant surtout l'air digne et comme il faut que Fatoa-gaye s'eCor~ait de prendre, afin de protester par son maintien contre ces conclusions impolies.

Très joli petit singe, dans tous les cas 1 dit Muller, qui admirait beaucoup la beauté de Fatou. (H avait longtemps habité le pays noir et s'y connaissait en belles filles du Soudan.) Très joli petit singe! 1 Si'tous ceux des bois de Galam étaient pareils, on pourrait encore s'acclimater dans ce pays maudit, qui n'a sûrement jamais reçu la visite du bon Dieu t


!X

Une salle blanche, toute ouverte au vent de la nuit; deux lampes suspendues, que de gros éphémères aublés par la flamme viennent battre de leurs ailes; une tablée bruyante d'hommes haMIés de rouge, et des maritornes très noires s'empressant alentour un grand souper de spahis.

Le jour, il y a eu ?10 à Saint-Louis ?10 militaire, revue au quartier, courses de chevaux du désert, courses de chameaux, courses de bœufs montés et courses de pirogues. Tout le programme habituel des réjouissances d'une petite ville provinciale, avec, en plus, la note étrange apportée par la Nubie.

Par les rues, on a vu circuler en uniforme tous


tes hommes valides de la garnison, marins, spahis ou tirailleurs. On a vu des mulâtres et des mulatressesen habits des grands jours; lesvieiUes ~aar~esdwSeM~a! (métis de distinction), raides et dignes avec leur haute coiffure de foulard madras et teuM deux papillotes en ti~bouchon & la mode de i830: et les jeunes s~Heydes, en toilettes de notre époque, drôles et fanées, Matant la c&te d'AMque. Puis deux ou trois femmes blanches en toilettes fraîches et, derrière elles, comme repoussoir, la foule n&gre couverte de grigris et d'ornements sauvages tout Guetn'daf en tenue de fête.

Tout ce que Saint-Louis peut déployer d'animation et de vie; tout ce que la vieille colonie peut mettre de monde dans ses rues mortes; tout cela dehors pour un jour, et prêt & rentrer demain dans l'assoupissement de ses maisons silencieuses, enveloppées d'un suaire uniform de chaux blanche.

Et les spahis qui ont, par ordre, paradé toute la journée sur la plaee du Gouvernement, sont


très réveillés et très excités par ce mouvement insolite. Ils fêtent ce soir des nominations et des médailles qui leur sont arrivées par le dernier courrier de France; et Jean, qui d'ordinaire fait un peu bande à part, assiste avec eux à ce souper qui est un repas de cofps.

Elles ont eu fort à faire, les maritornes noires, pour servir les spahis; non pas qu'ils aient mangé beaucoup, mais ils ont bu effroyablement, et ils sont tous gris.

Un grand nombre de toasts ont et~ portés; beaucoup de propos, extravagants de naïveté ou de cynisme, ont été tenus; beaucoup d'esprit a été dépensé,– d'un esprit de spahis, très originalement cru, à la fois très sceptique et très enfantin. Beaucoup de chansons singulières, affreusement risquées, venues on ne sait d'où, de l'Algérie, dei'!nde ou d'aineurs; ont été chantées, les unes en MM comiquement discrets, les autres en e~oMM~ terribles, accompagnés de bris de verres et de coups de poing à casser les tabtes. On a débité de vieilles &cé6es ingénues et ressassées, qui ont excité des rires jeunes et


joyeux on a aussi tancé des mots capables de faire monter le rouge au &ont du diable même. Et tout & coup, voilà qu'un spahi, au milieu de ce débordement d'insanités tapageuses, lève un. verre de champagne et porte ce toast inattendu A ceux qui sont tombés à MocM et à Bobdiarah! 1

Bien bizarre, ce toast, que l'auteur de ce récit n'a pas inventé; bien imprévue, cette aaaM portée! Hommage de souvenir, ou plaisanterie sacrilège à l'adresse de ceux qui sont morts?. tl était très ivre, le spahi qui avait porté ce toast funèbre, et son ceH flottant était sombre.

Hétas dans quelques années, qui s'en souviendra, de ceux quiMM< ~oMMs~as la déroule, à BoMMM'<t~ et & JtfecM et dont les os ont déjà MancM sur le sable du désert?

Les gens de Saint-Louis qui tes ont vus partir ont retenu leurs noms peut-être. Mais, dans quelques années, qui s'en souviendra et qui pourra les redire encore?.


Et les verres furent vides & la m&noire de ceux qui soa< <oatMs J~e~ e< jBoMMM!&. Mais ce toast étrange avait amène pour un instant un grand silence d'étonnement, et jeté comme un crêpe noir sur le d~ner de corps des spahis. Jean surtout, dont tes yeux s'étaient animés au contact de cette gaieté des autres, et qui, ce soirlà, par hasard, riait de tout son cœur, Jean redevint rêveur et grave, sans trop pouvoir démêler pourquoi. Tombés M bas datas le (~Mft 1. Il n'était pas mattre de cela, mais cette image venait de le glacer, comme un son de voix de chacal elle avait fait courir un frisson dans sa chair.

Bien enfant encore, le pauvre Jean; pas assez aguerri, pas assez soldat! Il était tr~s brave, pourtant; il n'avait pas peur, pas du tout peur de se battre. Quand on parlait de Boubakar*Ségou, qui rodait alors avec son armée presque aux portes de Saint-Louis, dans Ie"Cayor, il sentait son coeur bondir; il en rêvait quelquefois; il lui semblait que cela lui ferait du bien et le réveiHera~, d'aller enfin voir le feu, même le feu M


contre un roi Nègre parmoments, il en mourait d'envie.

C'était bien pour se battre qu'a s'était fait spahi, et non pour aller languir, atone, dansune petite maison Nanehe, sous les sortilèges d'une CHe Htassonkee

Pauvres garçons, qai buvez à la mémoire des morts, riez, chantez, soyez bien-pis et bien fous, profitez de Finstant joyeux qui passe! Mais les chants et le bruit sonnent faux sur cette terre du Sénégal et il doit y avoir encore là-bas, dans le désert, des places marquées pour quelquesuns de vous.


x

< En Calatnî t. Qui comprendra toat.of que ces mots peuvent éveiller d'échos mystérieux au fond d'une âme nègre exilée!

La première Ms que Jean avait demande à Fatou (il y avait bien longtemps de cela, ~etah dans la maison de sa maîtresse)

D'od es-tu, toi, petite?

Fatou avait répondu d'une voix émue

–Du pays de Galam.

havres nègres du Soudan, exHes, chasses du village natal par les grandes guerre~ ou les grandes famines, par toutes les gmndesxievastations de ces contrées pmmitives!– wimdns, em< menés en esclavage, quelquefois ils ont par. couru à pied, sous le fouet. du maître, de&éien..


duos de pays plus profondes que l'Europo entier Mais au fond de leur e<aw noir, l'image do la patrie est demeurée gravée, inet~caNe. C'est quetquoMs ta lointaine Totobouctoa,ou S~OM'KefC, mirant dans te Mger ses grands palais de terre Maache; ou simplement wn pauvre petit village do paille, qui était perdu quelque part dans le deseft, ou Mea cache dans quelque pM ignore des montagnes du Sud, et dont ie passage du conquérant a fait nn tas de cendres et un charnier pour les vautours. En€a!am! mots répètes avec recueillement et mystère.

En Ca!<MK, disait Fatou, ~aM, un ~oM<r ~e <'eM!H<tMret ewc moi, en Go~atR/

Vieille terre sacrée de Galam, que Fatou retrouvait en fermant les yeux; terre de Galam r pays de l'or et de l'ivoire, pays où, dans l'eau tiède, dorment les caïmans gris, à l'ombre des hauts palétuviers, oùl'étéphant qui court dans les forêts profondes frappe lourdement le sol de son pied rapide 1

Jean en avait rêve autrefois, de ce pays de


Galum. Fatou M en avait fait Jas récits tr$s extraordinaires, qui avaient escite son imagina~tion accessible au prestige du nouveau et de Ï'in. connu. A prient, e'ëtaU pas~; sa curiosité sur tout ce pays d'AMque s'Mt ëme!:8sdo et htssëe; n aimait mieux centitMOf & Sa!Bt-ï<OM!s sa vie monotone et~tM M tout prêt, pour ce mement MeMheMroMX e& il s'en Mtowaoraït dans ses Cewones.

Et puis s'en aller M-bas, dans ce pays de Fatoa, si loin de la mer, qui est eoeote une chose ~t'&, d'où viennent des brisas MthMnssantes, qui, surtout, est la voie par «A on communique avec te Mfte du monde; s'en aller dans ce pays de GtJaM, ou i'air devait êtro plus chaud et plua lourd; s'entoncer dans ces 4tOMnemen<s de l'intérieur. Non, il n'y tendit p:us; Hcot refase à présent si on lui e&t proposé d'âne' voir ce qui se passait en Galam. n rêvait de son pays A lui, de ses montagnes et de ses fraîches rivières. Rien que de songer au pays de Fatou, cela lui donnait plus chaud et lui taisait mat à la tête.


x<

FatMttM pouvait aperM~tr ae M~a&oa (M Mppopotame) sans courir les risques de tomber raide mo)p<û; ~att un sort jetë jadta aar sa <hm!Mo par u<t MM!er du paya de 6a!am on avait Maay& de tous les moyens pour le ee~MMp. Nie avait daas ses ascendants de nombreux exemptes de personnes ainsi tombées roides, au seet aspect de ces grosses bêtes, et ce maMMce tes poursuivait sans mère! depuis plusieurs geaetations.

C'est, dn reste, un genre de «~assez.Mqoent danste Soudan: certaines Mn!Kes ne peuvent voir !eUon;d'aMtres, le tamantin; d'autres, –!esplas nMdheMrewses,ceMes-!4, –!eca!maa. Et c'est âne afBieiïon d'autant plus gnmde, que tes amateites mêmes m'y peuvent rien.


Oa a'itMNgîtM tcsp~ea~e~ a~queMos ~ta!eM aatt~otf! !aa MeCtrea de ~ou daaa <a pays d(t CatatK Mtef de ao p~atcner dans t~ eampagao aux heures qua tas hippopotames o~f~oaBom, et surtout a'oppMchw JaMa!a des gMBda marais d'hot~agea où ils aiment & pMM<he leurs 6ba~. Qaant & Fatou, ayant appris quo, daus eer~aa MMdMadeSatttt-ttOuïs~ v!~ wa jeune Mppepo' tame apprivoM, elle faisait «t~MM un d<~ow <Mrmo pour ne pas passer dans ce quartier, de peur de aaeMmbcr A uno ter~Me demaagea!Mn de CMiosM qu'ello avait d'aller ve!p ~sa~ de eeMe bête, dont elle se fuisait Mre tous tesjMr~ par ses amies des descriptions minaUeuses cadesM, comme ea te devine sans peine, qa~ tenait, elle aussi, du matoHM.


xu

Les jours s'écoutaient tontement dans !eur monotonie chaude; tous se ressemblaient. M&me 8erv!@e f~gM!!er au quartier dos spahis, même soleil sar eos murs blancs, m6!M silence atoatenr. D<!S bruits do gnerM contre Beubatar~gou, Ma d'Et'Uadj, défrayant les conversations des hommes en veste rouge, mais n'aboutissant jamats. Aucun événement dans la ville morte, et les bruits d'Europe arrivant de loin, comme éteints par la distance et h chaleur.

Jean passait par dinerentes phases fMraîes: il avait des hauts et des bas; le plus souvent il n'éprouvait plus qu'un va~e ennui, une lassitude de toutes choses; et puis, de temps & autre, te matdupays.quisembhîtendormi dans sonceeur, le reprenait pour !e faire souCrir.


~hivwnage approchait testants de ta cote ~'étaient caimés, il y avait dé~a do ces journées e& t'air manquait aux poitrines, ea!amw chaude ~taittneMe et polie comme da l'huile, raMtaot dans son miroir Immonse !apu<8san<etamMfa torfMe.

· · · · · · · v i · f · f a · ·

Jcaa aimait-il FatoM-~aye ?

B n'en savait trop rien lui-même, le pauvre apahi. n la consM<ra!t, du Mste, comma ua Atfe !at3ricm', Mgat & peu pfês de son <aoMjauae; !tncse donnait gaAre la peine de cherchera deme!er ce qu'il pouvait bien y avoir au fond de cette petite âme noire, noire, noire comme soa enveloppe de Rhassonkde.

Elle était diMimuiee et menteuse, la petite Fatou, avec une dose incroyable de malice et de perversité; Jean connaissait cela depuis tenytemps. Maisiiavaitconscienceaussi dece dévoue.ment absolu qu'eMe avait pour lui, dévouement de chien pour son maître, adoration de nègre pour son tetiche; et, sans savoir positivement quel degré d'héroïsme ce sentiment était capable Il


d*Mte!nd~, M ea ~taït tMch&et aMeadrï. Qu~queMsaa graïade~Nerte s&~veMatt, M digotto d'AoMtmc M<MM M rewoha!t. !<a M pwo. mise a sa lancée, et trahie ~Mor Moe petite Otk MtM, M dfMaa~ aassï devant M eoascteoce hoaoate; H avait hwto d'~tro s! MMe.

Mais elle ~ta!< doveaMe Mea botte, Fatow-geye. Quand eHe mat~MtH, eowpte et camMe, aoe ce tMtanMmentde haachas qao tes~mmes~FicaiMes a~faNent avoir emprmttd aa~ grands Mt!as de hw paye; quand eMe passait, avec une draperie deMaaehe mousseline jetée en pepiumsaf sa poitrïM et sesêpautes rondes, eHe était d'âne peftection~uaUque qMande!te donnait, !M bras re!ev<s au-dessus de' !a tête, eMe'awatt un~grace d'amphore. Sous cette haute co!Sur& d'ambre, sa Ogure iïM et r~gjn!!ere prena:t par instants que~ue chose de ta heaute mystedeMe d'une Mote en eMne pot! ses grands yeu~ d'emait Neuquïse ierma!ent à demi, son sourire noir, découvrant lentement ses dents Nanchea, tout cela avait une grâce nègre, un charme sensoet, une puissance de séduction materieMe, qpe!qt<e


choM d'tnd~Misaabte, qui sambtait tenty & la ?!& du singe, de la jeune vierge et de ta ttgresse, et faisait passer deas les weiMeada spahi des iw~~es inconnues.

Jean avait MBo sorte d'herMaf SMp8~Ut!eMse pour toutes ces amM~Mes; K y avait das ïastants ot toute cette profusion de grigris le ~nait, lui pesait, &ta Ça. Mn'ycFûyaït pas, a98Mrement; mais en voir partout, de ces amulettes noires, et savoir qu'eMes avaient presque toutes peut vertu de le réunir et de rea!aeer; en voir à son plafond, à ses murailles; en trouver de cachées sous ses nattes, sous son tara; de tapies partout, avec des airs mauaisauts et des formes bizarres de petites choses vieilles et ensorcelées, en s'eveiUant te matin, en sentir de sournoisement gMasees sur sa poitrine. il lui semblait qu'à la On tout cela tissait autour de lui, dao<' t'air, de:, entraves invisibles et ténébreuses.

Et puis t'at~ent maaqttaîtaassi.


Men décidément ï< se disait qM'ii a!!ait t~nvoyar Fa<oa. –H emploierait cMdow derai~t'ea années A gagner eaCa aes gâtons <ïot~8; M enverrai ch~e Mo!8 & ses vïaa~par&nts~aa pathc 80K«no poMrteuf van~M ta vie plus ttoace <~ M pamM~ <!aMpaMre dM~MMmtM pour rapporter des p~MMsdonoce &~eaaM !MMfy et8ubvoa!t'!M{mÔRta coa<M<tMctaent aM <MpeBMa ~e ~ar Kt$ do mw!age.

Mai8,ëta!t-ee puissaaeod'amuteUes.–OM force do rhaMtude, o~ inwtie de sa votontA eaJonnïe par toutes tes bardeMra de Fair? Fatoa coaKoua!t A !e ??<* sous sa pot!<o main, et M M ht chassait point.

Sattanc~e. Hy sengeaU souvent. 8' eût MtM !a perdre, it lui semblait que sa vie eût M br!see. n y avait comme ua rayonnement autour de son souvenir. M entourait d'une aureo!e cette ~faM~c ~MMe /H~ dont tui parlait sa mère, qui eat&eKtMc<< <OM~ ~OMM, lui avait-on écrit.–M cherchait à se représenter sa ugure de iemme, en développant les traits de t'entant de quinze ans qa'iï avait quittée. B rapportait &


et!a tous ses prt~ets d'avenir et de bonheur. Ma!s û'etaït une chose preneuse qu'il savait po~eder ia-bas, Mon loin, bien en surate, l'attendant au ~yer.– Soa tmago <S!ait ddjj& un pou afthibMe dans te pass~ –eocore un pou loint«!ae dans ravaatr, et M la perdait de vue par instants.

Et ses vieux parents, qa'H !es aimait auss!, eewx-!& n avait pour son peM un amour Mat bien protbad,–uae voaeratioa qui était pMsquo wn euHe.

BMs peat~tM la place la plus tendre dans son c<Bwr êtait-eMe encore pour sa mère. Prenez tes matelots, les spahis, tous ces abandonnes, tous ces jeunes hommes qui dépensent leur vie au loin sur la grande mer ou dans les pays d'exH, au milieu des conditions d'existence tes ptus rudes et les plus anormales;–prenez les plus mauvaises têtes; choisissez les plus insouciants, les plus débraillés, tes plus tapageurs cherchez dans leur cccur, dans le recoin le plus sacré et le plus profond souvent dans ce sanctuaire vous trouverez une vieille


<a&re M8<M, –~me ~6M!e pt~sanae a*!mpM~ wtMtBaaqae eB<!apn!e< de M~ -<- OM une tM~w~oaBMBNamedeBpe~NNe ea ceM~M~che <* t* < t <~ <<<'«* <r <'<


XM!

Pewta quatrïeme fois rMwemage est. arrïv~. Des journées accablantes, sans un souiBe dans ratmeaph&re.– Le ciel, terne et pbmM~ M MS&te dans une mer wa!e comme de HmïÏe~ o& e~ebanent de nombreuses familles dereqamB; et, tout le teac de ta cote d'AErique, la Hgne mono.teM dea saMes prend, sous ia~verbeMUton da soleil, une.teinte éclatante de Manches Ce sont tes jours des grands combats de poissons.

Tout Acoup i& surface: moNc et peMe se ride eans'caase appréciable snf une étendue de pta* Heurs centaines de m&tfes, s'émiette et grésille en pedtasgouttetettes tourmentées. –C'est un banc immensede~uyards <m; detate à Nenr d'eau


de toute la vitesse de ses millions de nageoires, devant la voracité d'âne troupe de requins. Ce sont aussi les jours aimes des piroguiers noirs, tes jours choisis pour les traversées longues et les courses de vitesse.

Dans ces journées ou il semble que, pour nos organes européens, cet air lourd ne soit plus respiraNe, que la vie nous échappe, que le mouvement nousdevienneimpossiNe;–danscesjoursta, si vous dormez sur quelque bateau du fleuve, & l'ombre d'une tente mouillée, souvent au milieu de votre pénible sommeil du midi, vous serez eveiué par laa cris et les simements des rameurs, par un grand bruit d'eau qui fuit, battue Mvreusement à coups de pagaye. C'est une bande de pirogues qui passe, une joute furieuse sous un soleil de plomb.

Et ta population noire est là, debout, qui s'est éveillée et attroupée sur la plage, Les spectateurs excitent les concurrents par un grand vacarme, -et là-bas, comme chez nous, les vainqueurs sont accueillis par des battements de maina, les vaincus par des huées.


xn

Jean ne paraissait au quarher des spa~M que !e temps qu'exigeaitstrictement l'exécution de son service; encore ses camarades le remplaçaient-ils souvent. Ses chefs fermaient les yeux sur ces arrangements qui lui permettaient de passer dans son logis particulier presque toutes ses journées. Maintenant tout le monde l'aimait; le charme d'intelligence et d'honnêteté qui se dégageait de ïui; le charme de son extérieur, de sa voix, de sesa!!ures, avait exercé peu à peu sur tous son influence inconsciente; Jean avait nni, ma!gr& tout, par conquérir la conBance et l'estime, par se créer une sorte de situation A part, qui M donnait presque l'indépendance et la liberté; il avait trouvé le moyen d'être un soldat ponctuel et cormct, tout en étant presque un homme libre.


XV

Un soir, H rentrait pour un appel de redite. Le vieux quartier n'avait plus son aspect d'accablement habituel. Dans la cour,.des groupes causaient bruyamment; iî y avait des spahis qui montaient ou descendaient tes escaliers quatre à quatre, comme sous i'innuence d'une joie folle. On devinait du nouveau dans l'air.

-Grande nouvelle pour toi, Peyral! lui cria MNIer i'Ai~cien, tu pars demain, tu pars pour Alger, heureux gascon que tu es!

Douze spahis nouveaux étaient arrives deFrance par le bateau de Dakar; douze des pias anciens allaient partie –(et Jean était du nombre). pour aller par faveur Bnir en Azérie leur temps de service.


On partait te !eadema!a soir pour Da!{ar. A Dahar, on prendrait le paquebot de Fpanea, à destination de Bordeaux; de M, M rejoindrait Marseille par les lignes du Midi, avec des delais de Mwte,penneMaBtdoeifCMÏeF, de faire une apparmoB<ï«pa~s,–powceMx qui avaient un pays et un tbyer; puis A MaMeiMeoa prendrait le paquebot d'Alger, vlllo de cocagne pour tes spahis, et !es defnieMs anoeesde service passera!ent comme wn rêve f


XV!

Jean a M retoarnait eha< ht!, !eag<mat los bwgea listes du Neave. nuit otoHee tombait sur te S6n<!ga!, chaude, lourde, étonnante de ~hae et do tmfa!aease traaspafeoM. De légers bruits de courant dans reau du Neuve; et, a<teeupd! dans le lointain, le tambour, !'eHa~M~ ~M du printemps, qu'il entondait dans ce m~me lieu pour la quatrième fois, qui était meM aux souvonirs de ses premières voluptés 4aervaatea du pays noir, et qui, maintenant, venait saluer son départ.

Le croissant mince de ia lune; les grosses étoiles qui scintillaient dans des vapeurs lumineuses, tout bas, près de l'horizon plat; les feux attames sur l'aaire rive, dans le village nègre de


§MT, tout ce!a tra~BMt sur i'cau tiède de vagMM tratoeoa do iueurs; de la chaleur immoMtis~Q dans i'air, do !a chaleur couvant Mas los eaux, dos pho~tOMaecRees pa~Mt la nature ayant l'air sa~rôdo ehatewfetdophospheM; wacatMM plein de m~M sur les bords du SMga!, MMe <raaqaMte mélancolie des ehoaea.

C'était bien vrai, MKe grande nouvelle iuattendue 1 n ava!tdtt aux reasctgaaments c'était exact: son aom était sur la liste do ceux qui allaient partir; demain soir,Ma!tait descendre ce gouve pour M revenir jamais.

Ce soir, rien à faire pour ce départ; au quartier, tes bureaux étaient termes, tout le monde était dehors;– à demain les préparatifs de voyage; rien à faire ce soir qu'a songer, & rassembler ses idées, à se laisser aller 4 toutes sortent de rêves, & dire adieu à tout dans ia terre d'e&i!.

n y avait dans sa tête un grand trouble de pensées, d'impressions incohérentes.

Dans un mois peut-être, faire une apparition


rapide daaa sea vtHage, embraser en passant SM Men'aima$viewxpMeats, –voh Jeanne cttaagea en gfMda NMe a~ieuse, apeFeevoir tout eeta OR couMmt, «nome dttas Ma f~e!< C'Mt ? n<Me dem!aante revenait ~o m!aMto ea m!' nute, ïa! donnant eha~e M8 aM ctBttP une g<'aad& CMtMHOt!ea ~HÎ ta ~!Mit baMfe phts

Pourtant il a'~tadt pta p~paf4& ceMaen~vue; il y avait toute aorte de ~Oo!t!oBs p~aiMes qui vonaient se Bt6!w & cette grande je~ iaesp~e. Quelle ligure ferait-il, rcpmaissaat au Jboot de trois acn~s, sans avoir seulamoat ga~ ses nMdestes gâtons de sergent, sans rien rapporter pour pefsenae de son ~ag voyage, dénué comme un pauvre heM, n'ayant sou ni nuuMo; –sana avoir eu le temps seulement de se munir d'une tenue neuve et cenvenaNe pour faire son entrée auviMage! 1

Non, vraiment, c'était trop précipita, ce de~ part: ceta te grisait; eeta i'enivnut, mais pourtant on eût Mon du lui .laisser tdevant lui que!quesjeu<s.


Et puis c~teA~Me~'H ne coanaissattpaa <tc M disait f!ea. AMer encore s'aecMn)ater ait' leurs Puisque, & toute <bree, il fallait aehaver ~!a du tb~t M8ana<!ea retranchées de son edsteaec, autant los ~aif ic! mama, aa bet4 de ce grand neuve triste, dont !a tdst~se ma!a<eMMt tMi~~t Cua!M~

IMtas it atmatt son SMgat, le mathemeMX il s'eo aperMva!t bien ma~~aattt: il y était &Ma~ par une foule de liens intimes et mystMeox. M était comme fou de joie &rM@e de ce retear;–mais il tenait au paya de saMe, a la maison de Samba-Hamet, même & toute cette grande tristesse même, même à ces excès de chaleur et de lumière.

11 n'était pas prépare A s'en aller si vite.

8-

Des eMuves de tout ce qui l'entoure es sont inNtres peu & peu dans le sang de ses veines; M se sent retenu, entace par toute sorte de Nts invisiMes, d'entraves ténébreuses d'amuîettes noires. Les idées s'embrouiMentà la fin dans sa tête


tfOMbM~; ~~KwMmee ~aMenduetat Mt paw. ~MM FaccaMeMMat de eeKc aMtt ehawdo, qu'oa ae~t ptotoe ~tOM<at!oBS d'orage ~M MtMMM <5hattsea Mt m~tédeMMS Mat en htKa aMmw M en dhtdt tas p~ïssMees du M)Mme!t et do la MMtso ~baMaat compes ee!!a$ du <f~e!! et de !& wte.


X~!

C'est brusque, les départs militaires. !<ohodemain so!f, tout son bagage eMpaquete & ta hâte, tous ses papiers en Feg!e,JeMt est accoude au basttngage d'un cav!M qui deMead te <hM~e. En fumant sa cigarette, il Mgardo Saint-Louis a'eMgaer.

Fatou-gaye est accroupie pr&s de lui sur le pont. -Avec tous ses pagaes, tous ses gngns, embases & la hâte dans quatre grandes calebasses, –eMe a été prête A l'heure dite. Jean a payer son passage jusqu'à Dakar, avec les derniers &M!tM de sa solde. M l'a fait de bon ccaur, heureux de lui passer cette dernière fantaisie, et aussi de la garder un peu plus long. temps auprès de lui. Les larmes qu'elle a ver-


t.B MMA'a &'ON SPABt


XV!H

MtMt wne so«~ de ville eetonMe ebaMchee Mtdw sable et des roches M~es.–C~ point de MMcheimpMvisë pour tes paquebots & cette pointe Ot:eïdeatate de t'AMotte qui s'appeMe te cap Vetdt– De ~raada baobabs plantes ça et <& sur des dMtes'deseteea* Bes nuées d'ares pécheur et de vautours ptanant sur.le pays. ~teu*~ye est t&, provisoirement'iMtatMe dans <um: case de maMUMs. fme~ at decta~e qa'eM~ ne voyait pt~s Mvoir &dat-!<owis; î& se bornent ses projets; eHe ne sait pas ce qa'eMe va deveni)~ –nitjtean non: pitM~ M'at eu beau dtetoheï, Jean, il n'a rïea tronvé,. tien' imagine pour e!!e,–etN n'a~pIosd~enH.

C'est le matin, te paquebot qui emporter


!es spahis doit partir dans quelques heures. Fateu-gaye est là accroupie auprès de sespauvres quatre calebasses qui contiennent sa ~rtune, ne disant plus rien, ne répondant m~e plus, tes yeux fixes, immobilisée dans une séné de dcsespoir morne at abruti, mais st réel et si profond, qu'il &Kd !c c<BMr.

Et Jean est auprès d*e!!e, debout, tourmentant sa moustache et nesachant que~ire. La porte s'ouwe bruyamment tout a coup, et un grand spahi entre comnte le vent, ému, les yeux an!mes, l'air anxieux et bouleverse. C'est Pierre Boyer, qui a été pendant deux années à Saint-Louis le camarade de Jean, son voisin de chambrée. Ils ne se parlaient guère, très renfermés qu'ils étaient tous deux, mais Ms s'estimaient, et quand Boyer est parti pour aller servir à Gorée, ils se sont serré les mains cordialement.

En étant son bonnet, Pierre Boyer murmure une excuse rapide, pour être entré ainsi comme un fou; et puis, avec effusion, il prend les mains de~ean


Oh Peyra~ dit-il, je te cherche depuis avant lejourt. Écoute-moi un moment, causons j'ai une grande chose a te demander.

nËco me d'abord tout ce que jo vais te dire, et ne te presse pas pour me répondre.

«Tu vas enAtgerte,to! Demain, Miasïmoi, je paM pour le poste de GadiangMe, daast'Ouaatarah, avec quelques autres de Goree. Il y a la guerre !a-bas. Trois mois à y passerA peu près, et de l'avancement A gagner sans doute, ou la médaille.

Nous avons le même temps A faire tous deux, nous sommes du même âge. Cela ne changerait rien pour ton retour. Peyral, veux-tu permuter avec moi?. s

Jean avait d<j& compris, et tout deviné d&s les premiers mots. Ses yeux s'ouvraient tout grands dans le vague, comme dilatés par la tourmente intérieure. Un flot tumultueux de pensées, d'indécisions, de contradictions. mi mon < tait dé~ à la tête il songeait, tesbrascroisés, le front penché vers ta terre, et Fatou, qui comprenait, eRe aussi, s'était redressée, haïe=


tante, attendant rarr&t' oui aBa& tomber da !a boucher Jean.

Puis l'autre spaM continuai, partantiaveevotaMMie, commepour ne pas permeMMAJeande prononcer ce MBMtqw'B. treaaMaït détendre ËMMie, Re~at, taJEaraï&tme ~MMM affaire, je~ cassate. ·

–Les~MUMs, BoyeR?. Leur. M~tw demandé, auu autres?.

Oai, Us m'ont refosê. Mais je le savais Ms ont des raisons, eux 1 Tu feras une bonne aBaire, vois-tu, Poyrat. Le gouventeur de: Goreer s'intéresse & moi; ;iMe promet sa proteetien. si ta acceptes. Noua ayion& penser toi d~aboFd(r~a)~dant Fatou), parce que tu aimes ce pays-oi. c'est connu. Au retour de Gadiangua, om~t'enverrait finir ton. temps à Saint-Louis, c'est convenu. avec te gouvemear! cela se ferait, je te~jure. Nossm'aNroasjamai&ie~emps d~aiUears, in~erromph~an qm~se sentait, perdu, et qui voulait tenter de. se raccrocher & une impossibuité.

–Siï. dit Kerre.Bo~er avec;d~un& lueur


de joie. Nous awroaa:i<h temps, Peyrat, tout l'après-midi devant nous. T~ n'auras ~t'occuper d~en, toi. Tout est~rrangé aveeiegouvaraeu! tes papiers sont prets~.Ton coNMBtement seuleaMmt, te sigaatare ia-dessM, ~j~MparspoM Corde, je reviens dans det~ heures, et tout est fait. ~–ËcoMte, Peyrat vosci jmes~cMMoies, trois cents~ancs, iia sont,à toi..Cela poarra tot~ours t'aider, &Aon retour &Saint-ttOwis,pour t'instaUer, te sertir à <pM!qu~ chose, èce'qae ta~ voudras. Oh merci r&ttomdit Jean; on ne. me payepas~moi!

Il toarna h tête avec dédain, ~t Boyer, qui comprit qu'M avait fait musse route, M prit la main en disant: 4 Ne te fâche pas,.Peyrat! Et iL gard&& main de Jean. dans. la sienne, et tous deux rMterent là, l'un. devant r~tre, anxieux &tn& par!amt<nius.

Eàtou,.etie, avait compris qu'ehe pouvait tout perdre en disant un. mot~SeuiMnenten~ a'était remise à genoux, recitant tout. bas une. prière noire,,enlacant de ses bras tes jambes dm.snahi, et se fa!sant<tr~ner nar lui.


Et Jean, qui s'ennuyait d'~tator cette scène aur yeux de cet autre homme, lui disait rudement: Allons, Fatou-gaye. lalsse-moi, je te prie. Es-tu devenue folte, maintenant?.

Mais Pierre Boyer ne les trouvait pas ridicules; aucontraiM, il était ému.

Et un rayon de soleil matinal, en glissant sur le sable jaune, entrait par fouverture de la porte, illuminant en rouge les vêtements des deux spahis, -éclairant leurs jolies têtes énergiques, égarées de trouNé et d'indécision, faisant briller les anneaux d'argent sur les bras souples de Fatou, qui se tordaient comme des couleuvres aux genoux de Jean, accusant la nudité triste de cette case africaine de bois et de chaume, où ces trois êtres jeunes et abandonnés allaient décider de leurs destinées.

Peyrat, continua tout bas l'autre spahi d'une voix douce, Peyral, c'est que, vois-tu, je suis Algérien, moi. Tu sais ce que c'est: j'ai !4-bas, & Blidah, mes braves vieux parents qui m'attendent ils n'ont plus que moi. Tu dois bien comprendre ce que c'est, toi, que de rentrer au pays.


..tt.tt.

Eh bien, oui 1 dit Jean en rejetant en arrière son bonnet rouge, en frappant du pied par terM.–AHons, en! J'accepte, jeperMate, je reste!

e a v v s v s

Le spaM Boyer le serra dans 8es bt'aa et !*etnbrassa. Et Fatou, toujours MuMe par terre, eut un cri de triomphe, puis se cacha ïangare contre les genoux de Jean, avec une espèce de râtement de fauve, terminé en Mat de rire nerveux, et suivi par des sanglots.

0 .0.


xm

t! fallait se nresser. Pierre Bovor partit comme n <taH venu, comme un fou, emportant A 6oh!a le précieux papier sur lequel le pauvre Jean avait mis sa grosse signature de soldat, bien correcte et bien lisible.

A la dernière heure, tout se trouva régularise. eontresignô, parafe; tes bagages transbordés, la substitution opérée; tout cela bâcté si vite qu'à peine les deux spahis avaient eu letemps de penser.

A trois )tewes précises, le paquebot se mit en route, emportant Pierre Boyer

Et Jean resta.


~sx

Ma!a, qaond MOatCnt,!rrevocab!e. et qu'M ae raMwa !&,6Ufta ptagc d&eah!e, wyant oenaviM qui pa~!t,–iHui v!nt au Meurun ~sMpo~ ~u;–MMaC~euse angoisse, dans laquehe'M y avait de la terreur de ce qw'H venait deJMm, de la fageeentM Pateu-gaye, d&rhoFyen~poMr~ présence de cette fille noire, et comme~tm tesetn de !a ehasser !oin de tai et ~Mt Mn thomeaM et profond amewr'féveUM pour son ~er ah&n~ pour les êtres Men-aim4aq~ J'attendaïentJ&'J~M et qu'M n*eMait pÏM w&r.

M M sentbïatt qa'itveBattdemgneraBBeftp&te de pa~e à motft avec ce paya sombre et~pM~ëtait fini de hu.TBt M partit en eo<MaatMrtes''ieam,


&MM trop savoir «& H at!a!t, pour M$p!rep de Mr, pour «M seMt, pour aa!we des yeMx SMF* tout, !e plus Ïea~etnps possible. ea aa~re qui

8'ent~yaH.

7 f i 1 f i · · t · t i · « t ·

Le sote!! ~tCMOMham et bf~m quand il M mit en route, etcespïaîjMs ~sectes, engfan~ lumière, avaient une sahissacto m~es~. M Maf< cha longtemps ïeloBg de la côte aawaga, sur ta eWHe des dunes de sMe, pour voit plus loin, on sur le haut des falaises rouges. Un grand vent passait sur sa tête, et a~ttut & ses pieds toute l'immensité de cette mer, o& le navire fuyait toujours.

MMsenta!ip!Q9bfûtertesote!t, tant sa tête était perdue.

Rive encore pour deux anaees de plus A ce pays, quand il eut pu être !à-bas, s'en allant sur la mer, en route pour son cher viMtageî. QueMes inRuences ténébreuses, quels sortilèges, queites amulettes Pavaient retenu !&, mon Dieu 1 Deux années! 1 cela finirait-il jamais, y aurait-il reeBement un terme, une déMvance à cetexMÎ..


Et M eewrait vers !e Mord, dans !)% direction du nMife, poarnepos encore le perdre do vue. t! ae ~eMm!t aux plantes ôp!BM8es, et M lui arv!va!tdatM tap~~Mcomtae «me~Ne ~egKtN~M sametwMM folles, ~a'M d<Ma~ea!t en pasaMH dacs les hawtes herbes t'hivwaaga. p

v

U4<<nth~ loin, scat «M milieu de cette &pM Mmpagne du eap Verd, sitoneieus~ et morne. It voyait devant lui, depuis teagtemps, aagMnd arbre lsold, ptus gMBd m6me que les baobabs, avec un ~M<!Mage ëpa!a et sombre, quelque chose de si immense qu'on e&t dit un de ces géants de la O~M de l'ancien monde, oub!M !4 par les siècles. M e'assit <pMis6 sur le sable, sous ce grand dôme d'ombre, et, baMmat la tête, it M mit à pleurer.

Quand H se releva, te navire avait disparu, et c'était te soir.

Le soir, la tristesse plus calme et plus &oide. A cette heure crepMscutaire, !e grand arbre était une masse absolument noire, es dressant au milieu de l'immense solitude africaine.


OaMHtt lui, au itoto, <M !a<!a!s traa~MM da (a mer o~aMe. Ea bas, & Mo p!ed8, t«a )Ma!eea ea <etTMM<;jiwsq«'ao grand cap V< <<? ptaMB de termia moaeteaes, <jtt~$ de ra~MS ~gM* M&fea saaa ~g~tatioa, paysage pM<!M<~ d'<Mt aspeat )f~awM~

Par <h!)f<MM, doc&ttde t'!a~p!ew, & porto vue, des plis m~~em de eoUiM9 tmeaM, des sMhoaettes ktota~ea de baobabs, 'semblables & dessitbeaeMes demadr6pere$.

Plus un soume dans Mpa!sae atmospMM. Le soleil d~& éteiat s'aKaMae daca des vapeurs lourdes, son disque jame atfa~ement (praadt et de~rmâ par te m!Mge. Partout, dans la sable, tes daturas MMreot au soir leurs grands calices Maaes; ils abaissent t'a!)r d'un parfum malsain, l'air est charge de senteurs malfaisantes de beKadoae. Les phalènes eo<trent sur tes Reurs empoisonnées. Oa entend partout daas les hautes herbes te rappel plaintif des tourterelles. Toute cette terre d'Afrique est eoaverte d'on~ vapeur de mort, i'hofuzoa est d~& vague et sombre.


M'bas, derrMre lui, c'est r~MWeMf mvate~MM qui i$ Msait revar autreMs. & présent il a'eat ptua rien jusque Podor ou Médiat ~& la tWM d$ Uatam, ou JMsqu*& la mystétïeaso Tombouctou, rien qM'K dës!)M) voir. Tou~soes tf!atas8a8t toua ces ~ow~tMMa, i! !McoaM<t ou N les da~M. Sa peos~ est a!t!eura mmateaant, et tout M pttya & la 0~ lui fait peur.

M na di~e plus que se d4gager de tous ces cauchemars, a'en aller, partir A tout pf!x! i

v v v a v v v v v s v v s

De grands bergers africains à tcte ~rouche passent, chassnnt devant eux, vers les vittages, tours maigres troupeaux de BCBU& bossus. Cette image du soleil que la Bible e&t appelée un s~He du ciel disparatt lentement, comme un pâte météore. Voici la nuit. Tout s'assombrit dans la vapeur malsaine, et le silence se tait profond. Sous te grand arbre, c'est comme un temple.

& Jean songe & sa chaumière à cette heure des soirs d'été, .et à sa vieille mère, et à sa


Oanc~e, –'etM lui semMa que tOMt est No! Mr&vo qa'M est Mort, et ~n'M na les reverM ~ww. 9

· a t ·- t v v v v -a v. v


XXt

~e sort en «ait jeté maintenant, il fallait suivre sa destination.

Deux jours après, Jean a'emitM~a, & la place de son ami, sur un petit Mtiment de la marine de guerre, pour se rendre au poste lointain de Cadiana~e, dans ~'0aan~arah. On envoyait un peu de monde et de munition pour renforcer ce poste perda. Dans le pays d'alentour, les auaires s'embrouillaient, les caravanes ne passaient plus; N y avait ces démêles d'intérêts nègres, entre peuplades rapaces, entre rois piMards. Et l'on pensait que cela finirait avec l'hivernage, et, dans trois ou quatre mois, au retour, suivant la promesse faite au spahi Boyer par le gouverneur de Corde, Jean serait de nouveau dir~e sur


~int~uiaettermineraittaaontompsde service. B y avait beaucoup de monde entassé sur ce petit bateau. B y avait d'abord Fatou, qui avait réussi à se faire admettre, a force de persistance 1 et de ruse, en passant pour la fomme d'un <w«i!!w~ noir. Me était M, elle s!<<wa~, avec ses quatre eatebasses, et tout son bagage

Il y avait une dizaine de spahis de la garnison de Code, qo'en envoyait camper pour une saison dans cet e~di. Et puis une vingtaine de tirailleurs indig&nea, qui tmïnaient après eux toute leur &miUe.

Ils emmenaient, ceux-ci, une smalah curieuse plusieurs femmes pour chacun et plusieurs entants; comme pressions de bouche, du mil dans des calebasses; puis les vêtements, le ménage, toujours dans des caiebasses; en outre, des amulettes par monceaux, et une foule d'ani* maux domestiques.

Au départ, c'était à bord une grande agitation et un grand encombrement. A première vue, on se disait que jamais on ne se dépêtrerait de tant de monde et de tant d'objets.


EfMW cependant; après une heure de route, tout était merveilleusement tassé et immobile. Les négressM passagères dormaient à terM sur pont, Mwteea dus leurs pagnes, aussi sefrees et aussi tfaaqaiMes que des poissons dans une botte de conserves, et le navire filait doucement vers le aud, e'enton~ntpeu à peu dans des~e~ïona de plus en pins chaudes et bleues.


xxn

Une nuit de calme sur la mer <quator!ate. Un etsoht de silence, au milieu duquel tes plus Mgers frôlements de voiles deviennent pereep~Nes; de temps à autre, sur le pont, on entend gémir quelque négresse qui rêve les voix humaines vibrent avec des sons enrayants. Une tiède torpeur des choses. Dans l'atmosphère, les immobilités stupéfiantes du sommeil d'un monde.

Un immense miroir reSëtant de la nuit, de la transparence chaude; une mer laiteuse pleine de phosphore;

On dirait qu'on est entre deux miroirs qui se regardent, et se reCëtent l'un l'autre sans un:


on dirait qu'on est dans le vide il n'y a plus d'horizon. Au loin, les deux nappes se mêlent, tout est fondu, le ciel et tes eaux, dans des profondeurs cosmiques, vagues, inonies.

Etla lune est là, très basse, comme un gros Mnd de feu rouge sans rayons, en suspension au milieu d'un monde de vapeurs d'an gns de lin paie et phosphorescent.

Aux premiers âges gêolog!qaes, avant que le jour /Si t~Mtt~ <!M M~fes, les choses devaient avoir de ces tranquillités d'attente. Les repos entre les créations devaient avoir de ces immobilités inexprimables, aux époques où tes mondes n'étaient pas encore condensés, où la lumière était diBuse et indéSnie dans l'air, où tes nues suspendues étaient du plomb et du fer incréés, où toute t'étèmette matière était sublimée par l'intense chaleur des chaos primitifs. <<<<<*<<<* *e*<


XXIU

On est en route depuis trois jours.

Au lever du soleil, tout est noyé dans une éclatante nuance d'or.

Et, en se levant, le soleil de cette quatrième journée éclaire dans l'est une grande Mgnc verte, d'abord d'un vert tout doré aussi, puis d'un vert si invraisemblable et si vert, qu'on la dirait tracée avec une peinture chinoise, avec une fine et précieuse couleur d'éventail.

Cette ligne, c'est la côte de Guinée.

On est arrivé A l'embouchure du DiakhaHémé, et le navire qai porte les spahis se dirige vers rentrée large du fleuve.

Le pays est 1& aussi plat qu'au Sénégal, mais


la nature est diMSrente c'est d~a la <~g!ea eu les ~uMes ne tombant plus.

Partout une verdure surprenante, une verd«M déjà équatoriale, d'une jeunesse éternelle, celle.!&, et d'an vert d'ëMtetWtde, d'Mn de ces verts que nos arbres n'atteignent jamais, même dans la splendeur de nos mois de juin.

A perte de vue, ce n'est qu'une même forêt sans fin, d'une platitude uniforme, se mirant dans l'eau inerte et chaude; une forêt malsaine, au sol humide, ou tes reptiles CourmiUent.


XXtV

Cetatt encore triste et silencieux, ce pa~'ta, et pourtant cela reposait la vue, après toM CM sables du disert.

Au village de Poupoubal sur le MaMta!Mm4, le navire a'ar~ta, ne pouvant remonter plus haut.

Les passager furent débarquez, pour auendre tes canots ou tes pirogues qui devaient tes condMre jusqu'à leur destination.


XXV

Une nuit dejutMet, & neuf heures, Jean prit place, aveeFatou et les spahis de Corde, dans un canot monté par dix rameurs noirs, sous la con. duite de Samba-Boubou, patron habile et pilote épreuve des rM&Ms de Gu!nêe, pour remonter jasqu'au poste de Gad!angué, situé en amont à une distance de plusieurs lieues.

Cette nuit était sans tune, mais sans naa~es, chaude et éteïMe, une vraie nuit de t'êqaatewr. lis gMssaïent sur !a rMere eatme avec une étonnante vitesse, emportés vers rintérionr par un courant rapide et par i'intati~aNe eKert de It.nrs rameurs.

Et tes deux r!ves défilaient mystérieusement dans l'obscurité; les arbres massés par la nuit,


passent comme de grandes ombres, toit ?-'fats oyaient après les <ore<s.

Samba-DaubeueenduisaitIeehaBtdM rameurs aoira; sa voix tfisteet~te ttenna!tMne note h<~e, d'MNt t!Mtbf$ sauvage, et puis se trataa!t en p!a~t~JMsqM'aMMt)r$mca basses, eUe ehcBMf Mp~naît ato~ d'<M& voix !eo~ et gfave; et, peadantde Jtoa~MS haures, on ontondit la même phrase ~tMngo, suMe de la m6me ~pemse des fameaM. Us ehaatèMnt teBgtemps tesioaangM des spahis, celles de leurs chevaux, même celles de leurs chiens, ensuite tes louanges des guerriers de la famille Soumare, et celles encore de ?ahoutane, une femme M~enda!re des bords de ta Gambie.

Et, quand la fatigue ou tesommeM ralentissait le mouvement régulier des rames, Samba-Boubou simait entre ses dents, et ce simement de reptile répété par tous ranimait leur ardeur comme par magie.

Ils lissèrent ainsi en pleine nuit tout le long des grands ~MMcré! de la religion mandingue, dont tes arbres antiques étendaient au-dessus


de leurs t~tes de massivaa ramuraa gr~as; des structuras aeguteuMS, des aspects gigantesques d'ossemen~, de grandes rigidités de pierre, M des$ïBaatwgHemont&~tMeMf<th8ed8$~toHe~ etpM!a passaot.

Au chant des noirs, au bruit de t'eaM t~yait, M mMatt tawhsïaïstFadessïagM hw~eeM dans tes bois, ou des cris d'oiseaox de marais tous tes appels, tous les tristes cris de la nuit dans la sonorité des forêts. Des cris humaine aussi parfois, des cris de mort dans le lointain, des fusillades et des coups sourds de tam-tam de guerre. De grandes tueurs d'ineea* die s'ëtevaient de toia en loin au-dessus des <br&ts, quand on passait dans les parages d'ua village africain on se battait d~a dans tout ce pays Sarathotes contre Landoumans, Nalou contre Toubacayes, et tous les villages brûlaient. Et puis, pendant des lieues, tout retombait dans le silence, Mtenee de la nuit et des ~êts profondes. Et toujours même chant monotone, même bruit de rames fendant Feau noire, même course fantastique, comme dans le pays des om-


bves; l'eau tes emportait toujours dans son eowant rapide toujours des sithouottesde hauts palmiers passant sur lours têtes, toujours des 1 ~pCta s'entant ap~s des C~~ta. t~Mrcewse aemMaHs'MC~MMp d'heuMea heure; tar!v!&re s~tatt singulièrement f&tr<5c!e, ce e'~a~ plus qu'un ruisseau qui courait dans les bo!s, et tes eMH~aa~ vers t'io~deatr; la nuit était profonde.

Les noirs continuaient de chanter leurs louanges Samba-Boubou, de pousser son étrange note de tête metee à ta voh des singes hurleurs, et te ch(Bur, de faire sa sombre réponse; ils chantaient comme dans une espèce de rêve, ils ramaient avec fureur, comme galvanisés, avec la Cevre d'arriver, avec une force surhumaine.

La rivière s'encaisse enBn entre deux rangs de collines boisées. Des hnnieres s'agitent làhaut, sur un grand rocher qui se dessine devant eux; les lumières semblent courir et descendre mr les berges. Samba-Boubou allume une torche et pousse un cri de ralliement. Ce sont les gem


de 6a<aogM& qui cannent & tear MBCtmtM; MaMatarrMs.

(!adiaMg«4 est peMM !& au sommet da ce racher vertical. M&ymMteat par des MmttersaMtMs e& dM aeiM tes ëcMMnt avec <!M tOMhea, s'eadofMant ta-haut sur des nattes, ~aoa MM O~ande case qa'on teur a p~par~e, M atteatt~at le jour, qui Ne toFdteM pas à pafaïMw.


XXVt

ËveiMe te premier, aprés une heure & peine de sommeil, Jean, en ouvrant les yeux, vit tes Mancheurs du jour qui commençaient & filtrer dans une case de planches, edairant des jeunes hommes à moitié nus qui reposaient à terre, la t&te sur leurs vestes rouges des Bretons, des Alsaciens, des Kcards, presque tous des têtes blondes du Nord, et Jean avait en ce moment, au rêve! une sorte de conception illuminée, de vue d'ensemble triste et mystérieuse, de toutes ces destinées d'exites, Mïement dépensées, et guettées par la mort.

Et puis, tout près de lui, une forma gracieuse de femme, deux bras noirs ccrcMs d'argent qui s'arrondissaient vers lui comme pour l'enlacer. Alors, peu à peu, it se rappela qu'il était ar-


rtvé !a nait dans an viMago de ta Coinéo, perdu au milieu d'immenses régions sauvages, qa'ii était !& plus loin que jamais de la patrie, dans ua lieu o~ tes lettres mente n'arrivaient plus. Sans bruit, pour ne pas tMobïerFatow et les fpaMs qai dormaient encore, 11 e'~pprecha de la &nêtM ouverte, et régala ce paystaeennu. H dominait an précipice de cent metrea de haut. <~Me case o& Il était semblait saspeadue aa-dassns, dans l'air. A ses p!eds, an paysage d6 l'intérieur, & t'aabe matinale, 6 peine ec!aM eaceM de taeu<s pa!ea.

Des eo!Haes abruptes, sur tesqueMes étaient massées des verdures qu'H n'avait jamais vaes. En bas, towtaa~nd.ieOeMwe qui rawait amené, se traînaNt en long ruban an~ent~ sur la vase, à demi voilé par un blanc nuage de vapeurs matinaîes; les caunans posés sor les berges paraissant de petits lézards, vas de si haut; une senteur inconnae dans rair.

Les rameurs exténués dormaientlâ, en dessous, à la place où ils étaient restés la veille, coaehés dans leur canot, sur teara rames.


XXVH

«

Un ruisseau limpide courait sur un Ut de pierres sombres, entre deux murailles de roches humides et polies. Des arbres faisaient voûte audessus tout cela si trais, qu'on se serait cru partout aiMeurs que dans un recoin ignoré au milieu de i'AMque.

Partout des femmes nues, de la même nuance que ces rochers, d'un brun rou~eHes-memes. et ia tête chargée d'ambre, -étaient !à qui lavaient des papes et se racontaient, avec animation, les combats, les événements de la nuit. Des guer. riers passaient à gué, armés de pied en cap, s'en aBant en guerre..

Jean faisait sa première promenade autour de


cépage onsa destinëenouveMe venait de l'amener, pour un temps dont il ignorait la dur~e. Les anaires décidément s'emhreuiMaiont, et le petit poste de Cadianguë prévoyait le moment o& il tonnerait ses portes pour laisser à la politique nègre le temps des'apaiser,–comme on ferme sa fenêtre pour une averse qui passe.

Mais tout cela était mouvementé, vivant, original à l'excès. U y avait de la verdure, des forêts, des Beurs, des montagnes et des eaux vives, une grande splendeur terrible dans la nature. Tout cela n'était pas triste, et tout cela était inconnu.

Dans le lointain, le bruit du tam-tam. Une musique de guerre qui se rapproche. La voici tout près, assourdissante, et les femmes qui lavaient dans le ruisseau clair, et Jean avec elles, lèvent la tête et regardent en haut, dans la trouée bleue encadrée par les roches polies. Cest un chef allia qui passe, au-dessus d'eux, à la manière des singes, sur des troncs d'arbres renversés, en grande pompe, musique en tête. Et les armes


et les amulettes des guerriers de sa suite brillent au soleil, et tout cela déde d'un pas alerte et léger, sous l'accablante chaleur.

tl est près de midi quand Jeu remonte au vN!age, par des sentiers de verdure.

Parmi les grands arbres, les cases de Gadiangué sont groupées à Fombre, elles sont hautes, presque eMgantes, sous leurs grands toits- de chaume. Des femmes dorment à terre sur des nattes; d'autres assises sous des vérandahs bercent des petits enfants avec des chansons lentes. !&des guerriers, armés de pied en cap, se racontent leurs exploits de la veiUe, en essuyant leurs grands couteaux de ter.

Non, tout cela n'est pas triste, décidément. Cet air si chaud est d'une lourdeur terrible; mais pourtant ce n'est plus cet accablement morne des rivesdu Sénégal, et la puissante sève équatoriale circule partout. t

Jean regarde, et se sent vivre. H ne regrette plus d'être venu maintenant; son imagination n'avait rien soupçonné de pareil.


Plus tard, ew pe~s, quand U sera de retour. il sera heureux d'avoir mis te pied dans ceUe région teiniaine, et de s'en souvenir.

JI entrevoit Ma~our dans l'Ouankarah comme un temps de M)erté& passer dans un merveilleux pays de chasse, de verdure et de forets; il t'accepte comme un repM è i écrasante monotonie du temps, à la régularité morteUe de l'exiL


XXVUt

Jean avait une pauvre vieille montre d'argent & laquelle il tenait comme Fatou à ses amulettes; la montre de son père qu'an moment de son départ celui-ci lui avaitdonnée.AvecunemédaiHe qu'il portait sur sa poitrine, attachée & son cou par une chatne, c'était ce à quoi il tenait le plus au monde.

La médaille était à l'eiïigie de la Vierge. Elle avait été mise par sa mère, une fois qu'il avait été malade, étant tout enfant; tout petit. M s'en souvenait pourtant, du jour où cette médaiMe avait été mise & cette place qu'eMe n'avait jamais quittée, n était dans son premier petit Ht, atteint de je ne sais queUe maladie d'enfant, la seule qu'il ait eue dans sa vie. En se


réveillant une fois, il avait vu sa mère auprès de lui, pleurant; c'était une après-midi d'hiver, il y avait de la neige qu'on voyait par la fenêtre comme un manteau blanc sur la montagM. S~ mère, en soulevant tout doucement sa petite tête, lui avait passe au cou cette medaiMe puis eue t'a~a!t embt~sae et il a'êta!t rendormi. n y avait de cela plus de quinze ans depaM, la cou avait beauMwp grossi, et la poitrine s'était beaucoup eiat~ie mais la médaille était toujours restée à sa place, et il n'avait jamais tant soaf fert qu'une fois, ia première nuit oa'M avait passée dans un mauvais lieu les mains de je ne sais queiie ËUe avaient rencontré la médaille sacrée, et la créature s'était mise à rire en la touchant.

Quant à ta montre, il y avait quelque quarante ans qu'eKe avait été achetée, pas neuve, par <on père, du temps qu'i! était au service, avec les premières économies de soldat. EUe avait été autrefois, paratt-M, unemontre très remarquable; maisàpresenteUeétaitunpeudémodée:grosseet renuée.àsonnerie, accusant unagetresvénéraMe.


Son père ta consitiotait encore comme un eb.jet d'un rare mérite. (Les montres n'étaient pas très répandues parmi les montagnards de son viMago.)

L'horloger d'oa boM~ voisin qui t'avait repa~o awmomcat du départ de Jean pour le servï6e< w avait <Mct<M~ !e mouvement tr&s Mmarquable; et son vieux père lui avait eeMOe avec toute sorte de recommaadaUoas cette compape de aa jeunesse.

Jean Favait portée d'abord mais voiia qa'aw régiment, quand il regardait l'heure, il entendait des éclats de rire. On avait fait des plaisanteries si déplacées sur cet oignon, que le pauvre Jean en était devenu, deux ou trois Ma, tout rouge de colère et de chagrin. Entendre manquer de respect à cette montre, il eût mieux aimé recevoir toute sorte d'injures pour lui-même, et des soumets en plein visage qu'il eut pu rendre. Cela lui faisait d'autant plus de peine que, inte" rieurement, il avait bien été forcé de reconnaître, tui aussi, qu'elle était un peu ridicule, cette pauvre chère vieille montre. 11 s'était mis à l'en aimer


davantage; cela lui disait une petne inexprimoMe de la voirainsi conspuée, et surtout de la trouver a! dr&te tui-méme.

A!wa il avait tesse! de la porter, pour M~pav*gMP ces agents. M~me it ae h remontait plus, pMFM pas la t~Ugaar; d'autant qw'ap~s les aecoHsses de ce voyage, et sous rinnuence de ce climat très chaud auquol olle n'était pas habituée, elle s'4tait mise à indiquef tes heures tes plus inwaisemNaNes, & battre tout à fait la cam' pagne.

Il l'avait serrée avec amour dans une botte ou étaient ses objets les plus précieux, ses lettres, ses petits souvenirs du pays. Cette boîte était la bo!te aux fétiches, une de ces bottes absolument sacrées, comme en ont toujours les matelots, et quelquefois les soldats.

Fatou avait défense tbrmette d'y toucher. Cependant cette montre l'attirait. Elle avait trouve le moyen d'ouvrir le coffret précieux, etie avait appris toute seule à remonter la montre, quand Jean n'était pas t&, et & &ire tourner les aiguilles et marcher la sonnerie; et, en t'ap-


pMeha~t towt pr~a de aon weïMe, elle <a<mt~t ~ïtab~ta ??< wec dea tntBesearÏMttM de wïsttU qui aurait trouvé wae M~ Amasique.


XXtX

Jamais & Cadiangue en n'avait une sensation de ~atchear ni de bien-être même plus de nuits fratches, comme au Senega! les nuits d'hiver. Dès le matin, sous MS verdures admirables, même température lourde et mortelle; dès ie matin, avant le lever du soleil, dans ces forêts habitées par tes singes tapageurs, tes perroquets verts, tes colibris rares; dansées sentiers pleins d'ombre dans ces hautes herbes mouillées o& ~tissaient des serpents, toujours, tou;ours,& toute heure et partout, même chaleur d'étuve, humide, ~ccaNante,empoisonnee.ttestoardears chaudes de l'équateur concentrées toutes les nnits sons le ieniMage des grands arbres, et, partont~ ta nêvre dans i'air.


Au bout de trois mois, comme on bavait prévu, le pays était calmé. La guerre, los égorge'nen~ 'Mtip' étaient Cnis. Les caravanes MCOM<aeNco!eBt & passer, apportant à Cad:an~aê, du fond tte !'AMq<M, l'or. l'ivoire, les plumes, tous tes produits du Soudan et de la Guinée iote*d<!UM.

Et, l'ordre ayant été donné de faire rentrer les renforts, ua navire vint attendre les spahis & rentrée du Meuve pour les ramener au Scnëgat. !!étas! ils n'étaient plus tous !à, les pauvres spahis Sur douze qui étaient partis, deux manquaient à l'appel du retour deux étaient couches dans la terre chaude de Cadianguo, emportés par la Cevro.

Mais t'tMUM de Jean n'était pas venue, et, un jour, il refit en sens inverse la route qn'i! avait parcourue trois mois auparavant dans le canot de Samba-Boubou.


XXX

Citait on plein midi, cette fois, dans une pirogue mandingue, à l'abri d'une tente meuiMe. On longeait tes verdures épaisses de la rive, on passait sous tes branches et sous tes racines pendantes des arbres, pour profiter d'un peu d'ombre chaude et dangereuse qui tombait ta sur l'eau.

Cette eau semblait stagnante et immobile, elle était lourde comme de t'huile, avec de petites vapeurs de Revre qu'on voyait planer c& et ta sur sa surface potie.

Le soleil était au zénith; il éctairait droit d'à. plomb, au milieu d'un ciel d'un gris violacé, d'un gris d'étain, qui était tout terni par des miasmes de marais.


C'était quelque chose de si terrible, la chaleur qu'il faisait, que les pameurs noirs étaient obligés de se Mposermatgt~ ~uttewreoorag$.!<'<wu UMe n'apaisait plus teareoif; ils étaient 4puis<a et~mmetbadwaen sueur.

Et alors, quand ils a~n«a!ent, lapirogoe, eatfata~to~doMemeMpar ua courant presque insensible, continuait son ch<MuM à ta dérive. Et les spaMs pouvaient voir de tout près ce monde à part, le monde de dessous tes palétuviers, qui peuple les marais de toute l'Afrique équatoria!e.

A l'ombre,dans les fouillis obscurs des grandes racines, ce monde dormait.

M, à deux pas d'eux qui passaient sans bruit, qui glissaient tentement sans eveiHer même les oiseaux, à tes toucher, il y avait des caïmans glauques, aMonges mollement sur la vase, baitlant, la gueule béante et visqueuse, l'air souriant et idiot; il y avait de légères aigrettes blanches qui donnaient aussi, roulées en boule neigeuse au bout d'une de leurs longues pattes, et posées, pour ne pa? se salir, sur le dos même


des cahnans pâmés; M y avait des martins-p&cneurs de tous la verts et de tous les bleus, qui faisaient la sieste au ras de l'eau dans les bra~ches, en compagnie des lézarde paMsaoux: et de grands papillon surprenants, Mes dans des températures de chaudière, qui s'ouvraient et se termateatlentement, posêsn'ïmpoFte o& ayant t'air de fouilles mortes quand Ils étaient tonnes, et tout brillants comme des ecrins mystérieux quand ils étaient ouverts, tout étincelants de bleus nacrés et d'éclats de métal.

M y avait surtout des racines de palétuviers, des racines et des racines, pendant partout comme des gerbes de S!aments;H y en avait de toutesies longueurs, de tous tes calibres, s'enchevêtrant et descendant de partout; on edt dit des milliers de nerfs, de trompes, de bras gris, voulant tout enlacer et tout envahir d'immenses étendues de pays étaient couvertes de ces enchevêtrements de racines. Et sur toutes les vases, sur toutes es racines, sur tous les caïmans, i! y avait des familles pressées de gros crabes gris qui agitaient perpétueUement leur unique pince d'un blanc d'ivoire,


comme cherchant à saisir en r&vedes proies imaginaires. Et le mouvement de somnambule de tous ces crabes était, sous Pêj~sse verdure, le eeat ~wMementpereep~Mede toute cette création au repos.

Quand les rameurs noirs avaient retrouvé leur haleine, Hs reprenaient en sourdineleur chanson sauvage et ramaient avec fureur. Alors la pirogue des spahis fendait l'eau molle du Makhattemé et descendait le cours sinueux du fleuve, en filant très vite au milieu des fbr&ts.

A mesure qu'on se rapprochait de la mer, les collines eties grands arbres de l'intérieur disparaissaient.C'etait de nouveau Pimmense pays plat, sur lequel un tissu inextricable de palétuviers etatt jeté comme un uniforme manteau vert.

L'accablement de midi était passé, et quelques oiseaux volaient. Pourtant c'était silencieux tonjours, ce pays; àperte de vue, même unitbmuté, mêmes arbres, même calme. Plus qu'une mono-


tone borduro de palétuviers, rappelant dans les lointains 1er formes connues des peupliers de nos rivières de Grance.

A droite et & gauche s'ouvraient, de distance en distance, d'autres cours d'eau aussi silencieux, qui s'en allaient se perdre au loin, bordés par les mêmes rideaux de la même verdure. H Mtait l'expérience consommée de Samba-Boubou pour se reconnaître dans le dédate de ces rivières. On n'entendait aucun bruit ni aucun mouvement excepté, de loin en loin, le plongeon énorme d'un hippopotame que dérangeait te bruit cadencé des rameurs, et qui s'en allait, en laissant sur le miroir des eaux ternes et chaudes de grands remous concentriques.

Aussi iermaiKUe bien les yeux, Fatou, couchée tout au ibnd de la pirogue pour plus de sûreté, avec un double abri de feuilles et de toiles mouillées sur la tête. C'est qu'elle avait pris à l'avance ses informations, et savait quels hôtes on peu: s'attendre à apercevoir sur ces bords.

Quand eUe arriva à Poupoubal, elle avait accompli le voyage entier sans avoir osé rien rega~-


der le long de la route. Jean, pour la décider à bouger, dut lui auirmer que très positivement on était arrivé; que d'aiueurs il BMant nuit noire, et que le danger par eoaseqaent n'existait plus Ette était tout engourdie au ïond de sa pirogue, et répondait d'une voix dotënte d'entant c~!in. KMe voulait que Jean la prit dans sea bras, et la mit lui-même à bord du navire de Gorée, ce qui fut fait. Ces manières réussissaient assez bien auprès du pauvre spahi, qui se laissait aller par instants à pator Fatou, par besoin de chérir quelqu'un, par besoin de tendresse, et faute de mieux.


XXXI

Le gouverneur de Corée se souvint de la pro* messe qu'il avait faite au spahi Pierre Boyer: à son retour, Jean M de nouveau dir~é sur SaintLouis, pour y achever son temps d*exM. Il éprouva une émotion, Jean, en voyant reparaître le pays da sabïe et la ville blanche; il y était attaché, comme on l'est à tous les lieux où l'on a soui&rt et vécu longtemps. Et puis il eut un certain bonheur, aux premiers moments, à retrouver presque une wNe, presque la civilisation, avec les habitudes et les amis d'autrefois; toutes choses dont it avait &Uu qu'U Ctt quelque temps privé, pour en &ire au retour te moindre cas.

Les loyers sont peu courus à Saint-Louis du


Sénégal. La maison deSMnba-Hamet bavait pas trouva de nouveaux hab;taats; Cowra-a'diaye vît Mvemr Jean et Fatou, et leur roavdt la porte de leur ancien logis. Les joars reprïrent, pour le spahi, leur coMa monotone d'autrefois.


XXXJJ

Rien de changé dans Saint-Louis. Même tranquiMité dans leur quartier. Les marabouts privés qui habitaient leur toit claquaient du bec en- se pâmant au soleil, avec le m&me son de bois sec, d'engrenage de moulin à vent.

Les négresses pilaient toujours leur éternei kouss-kouss. Partout mêmes bruits familiers, même silence monotone, même calme de la nature accablée.

Mais Jean était de plus en plus fatigué de toutes ces choses.

De jour en jour aussi, H se détachait de Fatou; iï était absolument dégoûté de sa mattresse noire. Elle était devenue plus exigeante et plus mauvaise


aussi, Fatou-gaye, depuis surtout qu'elle avait eu conscience de son empire sur l'esprit de Jean, depuis qu'il était resté & cause d'elle. Uy avait fréquemment des scènes entre eux eMe i'exaspera!t quelquefois, à force de perversM et de Ma!tM. Alors il avait commence & trapper a coups de cravache, pas bien fort au début, puis plus durement par la suite. Surïe dos nu de Fatou, tes coups laissaient quelquefois des marques, comme des hachures, noir sur noir. Après B le regrettait, il en avait honte.

Un jour, en rentrant au logis, U avait vu de loin un A&<MMa~, une espèce de ~rand gorille noir, déguerpir prestement par la fenêtre. –M n'avait même rien dit cette Ms-ia; cela M était égal, après tout, ce qu'eue pouvait faire. C'était absolument uni des sentiments de pitié, ou peut-être de tendresse qu'il avait pu avoir un moment pour elle; il en avait assez; il en était lassé, écœuré. Par inertie seulement, il la gardait encore.

La dernière année était entamée; tout celasen-


tait la fin, le départ. M commençait à compter par 'nois! 1

Le sommeil l'avait fui, comme cela arrive à la longue, dans ces pays énervants. Il passait des heures de Mh, accowdë & sa fenêtM, respirant avec volupté les fralcheurs de son dernier hiver, et surtout rêvant du retour.

La lune, en achevant sa course tranquiHe sur te désertée trouvait généralement ta,àsa&nêtre. <! aimait ces belles nuits des pays chauds, ces clartés roses sur le sable, ces traînées argentées sur l'eau morne du fleuve; chaque nuit, le vent lui apportait, des plaines de Sorr, le cri lointain des chacals et même ce cri lugubre lui était devenu un bruit familier.

Et quand il songeait que bientôt il allait quitter tout cela pour toujours, voilà maintenant que cette pensée Jetait comme une tristesse vague sur la joie de revenir.


XXX! M

M y avait plusieurs jours que Jean n'avait pas ouvert sa botte aux choses précieuses, et pas vu sa vieille montre.

B était au quartier, occupé à son service,quand tout a coup il y songea avec un sentiment d'inquiétude.

Il rentra chez lui en marchant plus vite que de coutume, et, en arrivant, il ouvrit sa botte. H sentit un coup au coeur il ne voyait plus la montre !n déplaça Ë&vreOsementies objets. Non, elle n'y était p!us!

Fatou chantonnait d'un air indifférent, en le regardant de coin. EUe enB!ait des verroteries, combinant des eCEets de tons pour ses colliers; grands préparatifs pour les fêtes du lendemain,


les bamboulas de la TabasM auxquelles il Mail parattre beïte et parée.

C'est toi qui l'a changée de ptace? Dis, vite, Fatou. Je te l'avais détendu, d'y toucher! <M Fas-tu mise?.

B~M~ (Je ne saie pas!) répondit Fatou avec indiSëreace.

Une sueur froide commeccaità perierau front de Jean, égard d'anxiété etdecoMre. H prit Fatou, la secouant rudement par le bras

Fas-tu mise?. Allons, dis vitot

J!)M!t <

Alors tout à coup une lueur lui vint. Il venait d'apercevoir un pagne neuf, à zigzags bleus et roses, plié soigneusement, caché dans un coin, préparé pour la fête du lendemain 1.

H comprit, saisit le pagne, le déplia, et, le lancantpar terre

-Tu Fasvendue, cria-t-i!, la montre Allons vite, Fatou, dis la vérité

n la jeta à genoux sur le plancher, dans une rage folle, et prit sa cravache.


Elle savait bien, Fatou, qu'eue avait touché !& un Mtiche pj~eieux, et que ce serait grave. Mais elle avait l'audace de rïmpaoM elle ea avait dej& tant fait, et Jean avait tant pardonné. Pourtant, jamais encore elle n'avait vu Jean comme cela; elle poussa un cri, elle eut peur; eMe se nut à embrasser ses pieds

Pardon, Tjean 1. Pardon!

Jean ne sentait pas sa force dans ces moments de fureur. Ii avait de ces violences un pou sauvages des enfants qui ont grandi dans les bois. B frappait rudement sur le dos nu de Fatou marquant des raies d'où jaillissait le sang, et sa rage s'excitait en frappant.

Et puis il eut honte de ce qu'H avait fait, et, jetant sa cravache à terre, il se laissa tomber sur son tara.

s. e v v v v v o v v s v e


XXXÏY

Un moment après, Jean s'en atlaK en courant au maKh&deGuet-n'dar.

Fatou avait avoue & la Qn, et donné le nom du marchand nègre auquel eUe l'avait vendue. Il espendt bien qu'elle était !& encore et qu'il pourrait la racheter, sa pauvre vieille montre; il vcnaît de toucher son mois, et cet argent devait sufCre.

n marchait très vite, il courait; très pressé d'arriver, comme si, justement pendant le tra;et, quelque acheteur noir était H, la marchandant, prêt à l'emporter.

A Guet-n'dar, sur le sable, tapage, contusion de tous les types, babel de toutes les langues du ML


Soudan. M se tient perpétuellement ta grand marché, plein de gens de tous les pays, od l'on vend de tout, des choses précieuses et des choses saugrenues, des denrées utiles et des denrées extravagantes, des objets invraisemblables,–de l'or et du heurre, de la viande et des onguents, des moutons sur pied et des manuscrits, des captifs et de la bouillie, des amu lettes et des légumes.

D'un coté.fermant le tableau,unbras du fleuve avec Saint-Louis derrière ses lignes droites et ses terrasses babyloniennes; ses blancheurs bleuâtres de chaux, tachées de rougeurs de briques,- et, c& et là, le panache jauni d'un palmier montant sur le ciel bleu.

De l'autre coté, Guet-n'dar, la fourmilière nègre aux milliers de toits pointus.

Auprès, des caravanes qui stationnent, des chameaux couchés dans le sable, des Maures d'~chargeant leurs ballots d'arachides,-leurs sacs-fëtiches en cuir ouvragé.

Marchands et marchandes accroupis dans le sable, riant ou se disputant; bousculés, pi6-


tinés, eux et leurs produits, par les acheteurs. Boul dïendd <n'p&t! (marchandes de !a!t aigre, contenu dans des peaux de bouc cousues. Mteumees le poil en dedans).

Boul dïende në~un 1. (ma~tandes de beufM, de Ntee peuMe,– avec degrands cht*gnoM tHcomes plaqués de cuivre, pesant leur marchandise à pleines mains dans des outres poHaes:–ta roulant dans leurs doigts ea petites boulettes sates & un sou la pièce, et a'essuyant les pattes après dans leurs cheveux). Hou! 1 dièndé kheu! diendé khorompoiét.. (marchandes de simples, de petits paquets d'herbes ensorcelées, de queues de lézards et de racines & propriétés magiques).

–Hou! di&ndé tchia!thMmt..dièndédjiarab! (marchandes accroupies, de grains d'or, de grains de jahde, de perles d'ambre, de ferronnières d'argent; tout cela étalé par terre sur des linges sordides, et piétiné par les clients). –HouJ diendé guertét. diendé Htan&he!t.. diendé iap-nior! (marchandes depistacbes,–de canards en vie,–de comestibles insensés,


de viandes sochées au soleil, de pAtes au sucre* mangées par les mouches).

Marchandes de poisson salé, march mdes de pipes, marchandes de tout; marchondes de vieux b~oux, de vieux pagnes crasseux et pouil!eux, sentant le cadavre; de beurre de Gatam pour Pentretien crépu de la chevelure de vieilles petites queues, coupées ou arrachées sur des têtes de négresses mortes, et pouvant resservir telles quelles, toutes tressées et gommées, toutes prêtes.

Marchandes de gns-grïs.d'amulettes, de vieux msils, de crottes de gazeues, de vieux coy<MM annotés par les pieux marabouts du désert; de musc, de Eûtes, de vieux poignards & manche d'argent, de vieux couteaux de fer ayant ouvert des ventres, de tam-tams, de cornes de girafes et de vieilles guitares.

Et la truanderie, la haute pouillerie noire, assise alentour, sous les maigres cocotiers jaunes dé vieilles femmes lépreuses tendant leurs mains pleines d'ulcères blancs pour demander l'aumône, et de vieux squelettes &


moitié morts, les jambes gomiées d'éldphantiasis, avec de grosses mouches grasses et des vers pompant leurs plaies sur le vif.

Et des fientes de chameau par terre, et des fientes nègres, des débris de toutes sortes et des tas d'ordures. -Et la-dessus,tombant d'aplomb, un de ces soleils brûlants qu'on sentait ? tout près de soi, dont le rayonnement cuisait comme celui d'un brasier trop rapproche.

Et toujours, et toujours, pour horizon le désert la platitude inSnie du désert.

C'était là, devant l'étalage d'un certain BobBakary-Mam, que Jean s'arrêta, interrogeant d'un regard anxieux et rapide, avec un battement de cœur, le monceau d'objets hétéroclites qui s'éparpillaient devant lui.

–Ah! oui, mon blanc, dit Bob-Bakary-Diam, en yoloN, avec un sourire tranquille, la montre qui sonne? H y a quatre jours, la jeune fille est venue me la vendre pour trois Mt&Iiss d'argent. Bien fâché, mon blanc,


mais, comme elle sonnait, je rai vendue des le même jour, & an chef de Trarzas, qui est parti en caravane pour Tombouctou.

Allons, c'était fini U n'y fallait plus penser, A la pauvre vieille montre

Il en éprouvait un désespoir, le pauvre Jean, un déchirement de cœur, comme s'il eût perdu par sa faute une personne bien-aimée.

Si encore il eût pu aller embrasser son vieux père, et lui demander pardon, cela l'aurait un peu consolé. Si encore elle était tombée dans la mer, la montre, ou dans le fleuve, ou dans quelque coin du désert, mais ainsi vendue, profanée par cette Fatou !Ça,c'était trop! B aurait pleuré presque, s'il ne s'était pas senti tant de rage au cœur contre cette créature. C'était cette Fatou qui depuis quatre ans lui prenait son argent, sa dignité, sa vie 1. Pour la garder il avait perdu son avancement, tout son avenir de soldat; pour elle il était resté en Afrique, pour cette petite créature méchante et perverse, noire de Sgure et d'âme, entourée


d'amalettes et de sortilèges Et il se montait ta tête, en marchant au soleil; contre ses ma!éCces il était pris d'une sorte d'horreur supersûNease; contre sa méchanceté et son impudence, et l'audace de ce qu'elle venait de faire, il était pris d'one fureur rnseasée. Et H rentrait chez lui, marchant vite, te sang bouillonnant, exas* père de chagrin et de co!ere, la tête en feu.


XXXV

E!ie attendait, elle, avec une grande anxiété, ce retour.

Des qu'il entra, eUe vit bien qu'H ne fa~aît pas retrowee, la vieille montre qui sonnait. D avait l'air si sombre, qo'eMe pensa que probablement il allait la tuer.

EUe comprenait cela; elle, si on lui avait prL une certaine amulette racornie, la plus précieuse qu'elle avait, que sa mère lui avait donnée quand elle était toute petite, en Galam, –oh! 1 elle se serait jetée sur le voleur, et l'aurait tué si elle avait pu.

Elle comprenait bien qu'eUe avait &iHà quelque chose de très mai, poussée par les mauvais esprits, par son grand défaut de trop aimer la parure.


Elle savait bien qu'elle était méchante. Elle était iachëe d'avoir fait tant depeine à Jean; cela lui était égal d'être tuée, mais elleauraitvoulu PembnMser.

Quand i! la battait, elle aimait presque cela maintenant, parce qu'il n'y avait plus guère que. dans ces moments-là qu'il la touchait, et qu'eUe pouvait le toucher, elle, en se serrant contre lui pour demander grâce. -Cette fois, quand il allait la prendre pour la tuer, comme elle n'aurait plus rien a risquer, elle mettrait toutes ses forces pour l'enlacer, et tâcher d'arriver jusqu'à ses lèvres; après elle se cramponnerait à lui en l'embrassant jusqu'à ce qu'elle fut morte, et cela lui serait égal.

S'il avait pu déchiurer, le pauvre Jean, ce qui se passait dans ce petit cœur sombre, sans doute, poor son malheur, il aurait pardonné encore; te n'était pas difficile de l'attendrir, lui. Mais Fatou ne parlait pas, parce qu'elle comprenait que tout cela ne pouvait pas s'exprimer, et l'idée de cette lutte suprême où elle allait


le tenir et rembrasser, et mourir par lui, ce qui anirait tout, cette idée lui plaisait; et ette attendait, en axant sur lui ses grands yeux d'émail, avec une expression de passion et de ter' reur.

Mais Jean était entré, et il ne lui disait rien; il ne la regardait même pas, aïors elle M comprenait plus.

Il avait même jeté sa cravache en entrant, parce qu'il était honteux d'avoir été brutal avec une petite nue, et qu'il ne voulait pas recommencer.

Seulement il s'était mis à arracher toutes ~es amulettes pendues aux murs et les jetait par les fenêtres.

Puis il prit les pagnes, les colliers, les boubous, les calebasses; et, sans rien dire toujours, il les lançait dehors sur le sable.

Et Fatou commençait & comprendre ce qui l'attendait; elle devinait que tout était fini, et elle était atterrée.

Quand tout ce qui était a elle fut dehors, epajp-


piMê sur la place, Jean lui montra la porte, en disant simplement, entre ses dents blanches sen~ea, «une voix sourde qui n'admettait pu de repMqae:

–Va-t'ea! t

JEtFatow, la tête baissée, s'en alla saM rien dire.

Non, elle n'avait non imaginé d'aussi horrible que d'être chassée ainsi. Elle se sentait devenir folle, et elle s'en allait sans oser lever la tête. sans trouver un cri & pousser, ni un mot à dire, ni une larme à verser.


XXXVI

Alors Jean se mit à ramasser avec calme tout ce qui était à M, à plier ses effets soigneusement, comme pour faire son sac de soldat; il empaquetait avec soin, par habitude d'ordre prise malgré lui au régiment, et se dépêchait tout de même, de peur d'être pris de regret, et de &iMir. H se sentait un peu consolé par cette execu'tion terrible, par cette satistaction donnée à la mémoire de la vieille montre; heureux d'avoir eu définitivement ce courage, se disant que bientôt il embrasserait son père, et lui conterait tout pour avoir son pardon.

Puis, quand il eut fini, il descendit chez Couran'diaye, la griote. Il vit Fatou qui s'était réthgiée là, immobile, accroupie dans un coin.


Les petites esclaves avaient ramassd ses affaires dehors, et les avaient mises dans les calebasses près d'elle.

Jean ne voulut même pas la regarder. 9 s'approcha de Ceura-n'diaye, paya son mois en prévenant qu'it ne reviendrait plus; -puis il jeta son léger bagage sur ses épaules, et sortit.

Pauvre vieille montre. Son pore lui avait dit t Jean, eue est un peu ancienne, mais c'est une très bonne montre, et on n'en fait peut-être plus d'aussi bonnes aujourd'hui. Quand tuscras riche, plus tard, tu t'en achèteras une à la mode si tu veux, mais tu me rendras celie-ta il y a quarante ans qu'elle est avec moi, je l'avais au régiment, et quand on m'enterrera, si tu n'en veux plus, ne manque pas de la faire mettre dans ma bière; elle me tiendra compagnie là-bas. »

Coura-n'diaye avait pris l'argent du spahi sans faire de réflexions sur ce congé brusque, avec son indifférence de vieille courtisane revenue de tout. Quand Jean fut dehors, il appela son chien


a

taoM qui te suivit t'OKÏMe ba~e comme compM)MtBt!aMtaat!on,etNtché de partir. P)MS il s'ea alla sacs tourner la tête, descendant les hmg~ee mes de la ville morte, dans ta diMcttoa du ~aar' tïet.

< e < « e s e e < v < < 9 e <


TROISIÈME PARTIE



1

Lorsque Jean eut ainsi déCnitivement expulsé Fatou-gaye, il éprouva un grand soulagement d'avoir fait cette exécution. Lorsqu'il eut con. venablement attange dans son armoire de soldat tout son mince bagage, rapporté de la maison de Famba-Hamet, il se trouva plus libre et plus heureux. Cela lui paraissait un acheminement vers le départ, vers ce bienheureux «Mt~ <?/ aitif qui n'était plus éloigné que de quelques mois.

Il avait en pitié d'elle, cependant. –H avait voulu encere une fois lui envoyer l'argent de sa solde, pour lui faciliter une installation neuveUe ou un départ.

M


Mais, comme il aimait mieux ne pas la revoir, il avait chargé le spahi Muller do cette commission.

Muller s'était rendu dans la maison de SambaHamet, chez la Griote. Mais Fatou était partie. Elle a eu beaucoup de chagrin, dirent les petites esclaves, en yoloS, faisant cercle et pariant toutes à la fois.

Le soir, elle n'a pas voulu manger le kousskouss que nous lui avions préparé.

La nuit, dit la petite Sam-Lélé, je l'ai entendue qui parlait tout haut en rêvant, et même les laobés ont jappé, ce qui est très mauvais signe. Mais je n'ai pas pu comprendre ce qu'elle a dit.

H était certain qu'elle était partie, emportant ses calebasses sur la tête, un peu ayant le soleil levé.

Une macaque nommée Bafoufalé-Diop, femme chef des esclaves de la griote, personne très curieuse par nature, l'avait suivie de loin, et f avait vue tourner par le pont de bois sur le petit brasdu neuve, se dirigeant vers N'-dar-ioute


ayant l'airde très bien savoir où e~eNe~. On croyait dans le quartier qu'elle avait aller demander asile à un certain vieux marabout très riche de N'-dar-toute, qui t'admirait beaucoup. Elle était bien assez belle, d'ailleurs, pour n'être pas en peine de sa personne, quoi. que te~!f.

Quelque temps encore, Jean évita de passer dans les quartiers de Coura-n'diaye.

Et puis bientôt il n'y pensa plus.

Il lui semblait d'ailleurs qu'il avait retrouve sa dignité d'homme blanc, souillée par le contact de cette chair noire; ces enivrements passés, cette fièvre des sens surexcités par le climat d'Afrique, ne lui inspiraient plus, quand il regardait en arrière, qu'un dégoût profond Et il se bâtissait toute une existence nouvelle, de continence et d'honnêteté.

A l'avenir, il vivrait au quartier, comme un homme sage. JI ferait des économies pour rapporter à Jeanne Méry une foule de souvenirs du Sénégal de belles nattes qui seraient plus tard


l'ornement de leur logis rêvé; des pagnes brodés dont les riches couleurs feraient l'admiration des gens de son pays, et qui, dans leur ménage, teur serviraient de tapis de table magnifiques; 'et puis surtout des boucles d'oreilles et une croix en or fin de Galam qu'il commanderait exprès pour elle aux plus grands artistes noirs. Elle tes mettrait pour se parer, le dimanche, en altant à l'egïise avec les Peyral, et certes dans le tBiage aucune autre jeune femme n'aurait des b~oux aussi beaux.

Ce pauvre grand spahi à l'air si grave formait ainsi dans sa jeune tête inculte une foule de projets presque enfantins, rêves naifs de bonheur de vie de famille et de paisible honnêteté. Jean avait alors près de vingt-six ans. On lui eût donné un peu plus que son Age, comme cela arrive souvent pour les hommes qui ont mené h vie rude aux champs, à la mer ou à l'armée.–Ces cinq ans de Sénégal l'avaient beaucoup changé; ses traits s'étaient accentués: il itait


plus basané et plus maigre; il avait pris l'air plus militaire et plus arabe ses épaules et sa poitrine s'étaient beaucoup éïa<gtes, bien que sa taille rat restée mince et souple; il mettaitson fez et retournait sa longue moustache brune avec une coquetterie de soldat qui lui allait à ravir. Sa force et son extrême beauté inspiraient une sorte de respect involontaire à ceux qui rapprochaient. On lui parlait autrement qu'aux autres.

Un peintre t'eut choisi comme type accompli de channe noble et de perfection virile.


Un jour, sous une même enveloppe portant le timbre de son village, Jean trouva deux lettres, –PuM deaaeMM vieille mère, l'autre de Jeanne.

Lettre <<e F~M~M P~fo! A son /!&.

< Mon cher Bts,

t H y a bien du nouveau depuis ma dern!ere lettre, et tu vas avoir bien de t'etonnement. Mais ne te tourmentes pas tout d'abordé faut faire comme nous, mon cher fils, prier !e bon Dieu et avoir toujours bon espoir. Je commencerai par te dire qa*H est venu dans le pays en


jcuoc huissier nouveau, M. Prosper Suirot, qui n'est pas trea aime chea nous, vu qu'M estdw avec les pauvres gpaa et qu'M a Jt'&me soaraeïae mais e'es~ua homme qui a MM iteMapesMon, ua ne peMtpM dire te contraire. Donc, ce mon* steafSMtFot a demandé la mata de Jeanne à ton oncle Mefy, qui l'a accepta pour son ~Mdce. MahUeaaat, M<Fy est venu nous ~MMMM scène loi un soir; !tava!t fait prendre des MBseïgnentenh sar ton compte auprès de tes eotenets Mas MM te dtre, et ontui a donnédes reBse!gnements maovais, & ce qu'il paraît. Oa dit <pte tu as eu une ~emme nègre !a*bas; que tu Faa gardée tout de même contre la observations de tes cheta; que c'est cela qui t'a empêché de passer ~arechaï-des-ïogis; qu'il y a de mauvais brait!! ia-bas sur ton compte; beaucoup de choses, mon cherMs, que je n'Aurais jamais pu croire, mais c'était écrit sur un papier imprimé qu'il nous a montre, et sar lequel on avait marqué lei cachets de ton régiment. Maintenant, Jeanne est venue se sauver chez nous tout en. pieuM, disant qu'eMe n'épouserait jamais le .Suuot,


<p)*eMe <? sefait jamais qae ? fbMMoe & tot~ mon chef <teM, et qu'aMo aimerait mieux e'oa aller dans un coMv~. Elle t'a ~w!t Mae !eMM que )Q t'ewe!o, où elle te marque ce que tu dois Mt~; oMe est m~eare et elle a beMeeMp t~e; th!s bien tout ce q~'eMe ? dira et 4cfis poste pour poste & ton oncle e&Mmc dte ? le cetm<aa~o. Tu vas nous revenir dans dix )Mû!~ MM cher ?9; avec de hconda!tejaaqM'& la fin do tee eongt et en priant beaucoup !e boa Dieu, cela pourra sans doute s'apMogeF eneere; mais nous Bommesbien tourmentés comme tu dois le penser; nous avona pour aussi que Mëry ne détende & Jeanne de ravenir chez nous, et alors ce serait bien matheaMtM.

Peyral 8e joint & moi, Mton cher Ma, pour fembMaaer et te prier de Mua écrire au plus vite.

< Ta vieille mère qui t'adore pour la vie, B FMNtOïSE PeïRA~ <


~MMe & aoa eoM~tt ~a~

< Mon cher Jean,

Je M'eMaa!a tant, vois-tu, qco jo veMdrah passer tout do aa!te. J'at tMp do maMtew que tu M sois pas rendu et que tu no padM pas de revenir bientôt. VoM& maintenant que mes parents, d'accord avec mon parrain, vexent me marier avec ce grand Suirot dont je t'a! eaasé d~&; ea mo casse la tête pour me dire qu'il est r!dte et que je dois avoir de rhonaear qu'il m'a!t demandée. Je dis non, tu penses, et je me mine les yeux à pleurer.

B Mon cher Jean, je suis bien malheureuse d'avoir tout le monde contre moi. Olivette et Rase rient de me voir toujours les yeux rouges; je crois qu'elles, eMes épouseraient très voten' tiers le grand Sairol si seulement il voulait d'elles. Moi, rien que d'y penser, ça me fait un frisson; non bien sor que je ne Pepoaseraijamab, t. PtWMt, mMWf fe<fcnot).


et qaaje !ew échapperai à tous pour entfw au courut de Saint Bruno, s'Ma me pouaaent & bout. 18! soutamantje pouvais aller chez toi quelque<oi$,ea me MMtOMtet~t de causer avae ta m<tya, pMf~! j'a! bien <!« Mapeet et t'am!tM aotnme si j'ôtais aa flllo; mais on Me fait ~& des gM9 ye~t paree quo j'y vais trop souvent, et qui sait a! bientôt on ne me le <M!Bndra pas tout &<h!t.

< Mon cher Jean, H faut que tu fasses tout ce que je vais te dire. j'entends qa'H y a des méchants bruits sur toi; je me dis qu'Hs les font courir à seule <!a de m'innueneer, mais je ne crois pas un mot de tous ces conte! ça n'est pas possible, et pas un ici ne te connaît comme moi. Tout de même je serai contente si tu me dis un petit mot i& dessus, et si tu me paries de ton amitié: tu sais ça fait toujours plaisir quand m&me on sait bien que c'est vrai. Et puis écris tout de suite à mon père pour me demander en mariage, surtout fais-lui bien la promesse que tu te conduiras toujours au pays comme un homme sa~e et rangé sur qui on n'aura jamais


dan & <Mre, quand tu seras mon mwi; apr~s ea te aappHorai & genoux. Le bon Dieu ait p!tM do noua, mon boa Jeaat t

Ta <ïac~o pour ta v!e,

t <8ANN6 jBaht. <

Au wtMago, ea a'app~Bd gM$M & MpfiMef tes sentiments du eow: !M jetMtes fMtes <Haw~s aux champs sentent très vivement quet~ne~is, NMU8 ~s mots leur manquant peurMadM ieM~ dmotions et ïeuM pem&es, le weabaMn) t~n6 de la passion est terme pour eMea; ce qM'eHas epMawent, eUea ne savent !e tMda!fe qu'A l'aido de phrases na!wes et tfaaquiHes; ? est toute !a différence.

Il fallait que Jeame eût senti bien vivement pouravoir 4cnt cette tettre, –et Jean, qui parlait tui ansai ce tangue simple, comprit tout ce qu'il y avait là-dessous de résolution et d'amour. En présence de cette Meute ardente de sa nancee, i! eut confiance et espoir; il mit dens sa réponse tout ce qu'il y sut mettre de tendresse et de reconnaissance; il adressa à son oncle


Mcfywae demande en ~nna.aeeompagHeede serments Mew stoe&ras de sagesse et de boaae eendahe; et puis M attende sans trop d'h ~cmde b Mtear do MMpder de Ffance. ¡ M. ProspO)' SMtrot 4tait MajoMM hMMcr ~treh et w<M, doabM d'an HbM'penMMf &Ma~o, b&vant des iMpMea athées sw toutes les choses sahtes d'awtMMs, grattew de pttpiw & la vaa basse, dont !espeUtsyMxfoag!ss'aMtaÏeBtsoMs des taaettes ornées. Ce rïvfd eût Mt pMe & Jean, qatépMuwtt une rdpu!sÎMtMt!nct!vepour les êtres !a!ds et mat bâtis.

Sedah par !a dot et !a ~HM de Jeanne, !e petit huiss!e<' croyait, dans sa MUse boMMe, &!ra beaucoup d'honneur & !a jeune ~ysanne ea lui oTrant sa Mde personne et son iaOme posit!on sedale; M ava!tm$me deddê qu'après !e mariage, pow se mettre à sa baMtear, Jeanne, devenue <&!me, se coitteraït d'un chapeau.

0900'06 0 90000 a *ID.


lit

Six mois avaient passa. Et tes courriers de Fran<~ n'avaient apporte au pauvre Jean rien de bien mauvais, & la vêt M, mais rien de bien bon non plus.

L'oncle Mery restait ianexiMe;– mais Jeanne t'était aussi, et, dans les lettres de la vieille Franpeise, elle gUssait toujours, pour son Oaneé, queiques mots de fidélité et d'amour.

Jean, iui, était ploin d'espoir, et ne doutait plus que, & son arrhée au pays, tout ne p&t facile ment s'arranger.

se perdait plas qae Jamais en projets déK* cieux. Après ces cinq années d'exH, ce retour au TiMage tni apparaissait sous des couleurs d*apotheose. Toos ces rêves depaaweahandonnê


ta ramenaient & ~et Ïnstant radieux monter, avec ses grands burnous de spahi, dans la diti~ence de aon ~iMage, <– voir reparattre les Cevennas. tes silhouettes ~MaiM&fes de ses moatagM~ -4 ta route coMnwo, –pois~ clocher aim&, puia la toit pateraot au bord da eheMia, et seFfar dans ses bM8, avec une joie tbUe, seB ~Ïewx parents ehMs.

Alors, ensemble, tous tre!8,Ms s'ea aMaïentchez tea M4Fy. Dans le village, tes bonnes gens, les jeunes filles, sortaient sur leurs portes pow le voir passer; on le trouvait beau, avec son costwM etraager et ses grandes aUures d'AMque. !i montrait à son oceIeMery ses gabas de marechat dea !og!s, qu'on venait enfin de lui donner et dont reBet semit irrésistible. M était bon, après tout, son oncle M<< awtreMs,itavaitbeaacoMpgrond& leu, c'est vrai, mais M t'await aimé aussi; Jean s'en souvenait très bien maintenant, il en était três sûr. (De loin, dans i'eMi, on revoit toujou~ sens des eeatearspius donces ceux qui sont restés au foyer on se les rappelle affectueux et bons; on oublie les défauts, les duretés et !ee


faMmMs.)Done, M était impe~siMe que i'oacie Mdry Mo se laissAt pas Oechir, quand M verrait M ses deux enfants le suppliant onMmbte; il tt'attendrirait bien ewta!a<M)M)tH. et mettMiit la ntaia da Jeanne toute tMmbhMtta dans c$Mo de~ean! Et a!or8,qae de bonheur, quelle vie Jbo!teat douce, quel paradis sur à terfet.

· · e · 1 · · f f · · 1 ·

Par exempte, Jean ne se voyait pas très Men, vêtu comme tes hommes de son viMage, ni, surtout, eoiCiS du modeste chapeau eamp~nard. Ce changement était un sujet sur lequel il n'aimait pas arrêter sa pensée il lui semblait qu'il ne semit plus lui-mime, le Mer spahi, sous cet aceoatKment d'à atFetbis.C'ê~Ht sous le costume rouge aa'H avait appris la vie, c'était sur le soi d'AMque qu'il s'était ait homme, et, plus qu'il ne le croyait, il aimait tout cela ii aimait eom fez arabe, son sabre, son cheval, son grand pays maudit, son désert.

B ae savait pas, Jean, quelles dêcepttons atten-


dont qwetqueMs les jeunes hommes, marins soldats, spahis, quand Ma rentrent a ce vtMage tant r&v$, qa'Hs ont quitté encore en&ats, et ace, de Ma,Ms voyaient traveM des prismos eachantés.

Hetas! queUe tnatesse acavent, et quel ennui mMOtene ane~eat au pays !e Mteor de ces oxHes! t

De pauvres spahis, comme lui, acc!!matëa, taervës dans ce paysd'AMque, ont pteuré quelquefois les r!vesdesoMes du SenegaL Les longues ceurses & ehevat, et la vie plus libre, et la grande lumière, et les horizons demesuf~s, tout cela manque, quand on s'y est habitué et qu'on ne t'a plus; dans la tranquittité du foyer, on éprouve quelque chose comme le besoin du soleil dévorant et de réterneHe chaleur, le regret du désert. la nostalgie du sabh.


Cependant Boubahar-Sëgoa, le grand roi noir, faisait des siennes dans le Diambour et le paysde Djiagabar. Le vent était A une expédition de gaetre: on en partait t Saint-Louis dans les cercles d'cMc!eK; cela était commenté, discuta de mine façons parmi tes soldats, spahis, tirailleurs, ou troupiers d'infanterie de marine. C'était le bruit du jour, et chacun espérait y pgnersa part, de l'avancement, une médaille ou un grade. Jean, lui qui aMait finir son service, se promettait de racheter là tout ce qu'on avait pu lui reprocher sur sa conduite passée; il rêvait d'attacher à sa boutonnière te petit ruban jaune des braves, la médaille militaire; il voulait faire ses

tV


adieux éternels an pays noir par Quelque het!e action de valeur, qui laisserait Ma nom taefh~Me an quartier des apaMs, daM ee coin de la terre eA il avait tant v~ et tact soa~rt. i EntM les casernes, le commandement de la marine et le ~oavememeBt, un rapide échange de correspondance avait New chaque jour. ardvait chez tes spahis de grands pMs cachetés qui Msaient raverles hommes en veste rouge; on prevovaîtnne expédition iongoe et sérieuse, et le moment approchait. Les spahis aiguisaient leur grand sabre de combat, et astiquaient leur fourniment, avec force paroles et bravoure verres d'absinthe et joyeux propos.


v

On était aux premiers jours d'octobre. Jean, qui circulait par ordre depuis le matin pour remettre de droite et de gauche des papiers de service, allait en dernier lieu au palais du gou. vemement, porter une grande enveloppe eincieMe.

!~ms la longue rue droite, aussi vide et aussi morte qu'une rue de Thebes ou de MempMs, il vit venir & lui, dans le soleil, un autre homme rouge qui lui montrait une lettre. H eut une appréhension triste, une crainte vague, et i pressa le pas.

C'était le sergent MuMer, qui apportait aux


$paMs te courrier ~Franco, a~vê <!epwswM tteare ~Pa!:ar, par caravane.

T!ens~pMtv to~t~ypat «h-a M lui tenant t'enwïeppe au timbre d$ son pauvre cher ~M< tage.


v<

Cette lettre que Jean attendait depuis un mois lui brûlait tes mains, et il hésitait a la MM. M resolut d'attendre d'avoir Sni sa mission pour ta décacheter.

Il arriva à la grille du Gouvernement, dont la porte était ouverte, et il entra.

Dans le jardin, même animation que dans la rue. Une grande lionne privée s'étirait au so!cH, avec des mines de chatte amoureuse. Des autruches dormaient par terre, auprès de quelques rigides atoès bleuâtres. Midi, personne, un silence de necropoie, et de grandes terras ses blanches sur lesquelles des palmiers jaunes dessinaient des ombres immobiles.


Jean, eheMthMM & qui parïey,aF)d!~jnaqM'& un ~aMM e& M trouva te ~OM~MMp entouré des ~HOM~ota ete~dt~ ew~M colonial.

M, par MHtaoFdtn<dM,oo~avaMMt a~ean!MKMiM: M somM~t <t!<BBtw des alèses ~aves, à cotte heuM tKtdMMaeMe du repos data ste~e. Ea échange du pli qn'appoFtatt~ea~MtMtca remit un autre, &t'adM88ed<t commandant des spahis.

C'&taH l'ordre dMnit!f de mise ea ma~M qui, dans t'apF~MnH~t communiqu6 oNtAet~ment & toutes les troupes de&tiat-Louis.


V!t

Quand Jean M retrouva dans la rue soMtatre, H n'y put tenir, et, eniremisaant, il ouvrit sa lettre M y trouva cette fois FecrUuM seule de sa v!e:Me mère, certiaM plus tremblée que jamais, avec des taches de larmes.

M dévora les lignes, -il eut un éblouissement, le pauvre spahi, et porta ses mains A M tête, enB'appttyant au mur.

C'eta!t très pressé, avait dit le gouverneur, ce pli qu'il portait; H embraasa pieusemeat le nom de la vieille Françoise, et s'en alla comme un homme ivre.


Ë~t'eo Mco poMiMc, cela? C'était an!, C~ a JMMaistOn lui avait prti< sa Cancoo, au px~ro ex!M,–M Manche d'an~ace, que soa v!oMx p<t t ams lui avatOMt <~oht!o 1

< t.e8 bons soMt pMM!68, la noce Mra faito avant un meis.j!$ N~ea dou~Mea,monchM Mts, d~s le Mteh d<!ta!er;Jeaane MMveaatt plus nous voir. Mais je n'osais pas to le dire çacoro, pourne pas tetoupmen~putsqMe nous De pouvions rien y faire.

a Nous sommes dans un grand désespoir. Ma!ntonam, mon Ots, il est venu hier a Pey<at une MUe qut nous fait peur c'est que tu M voudras plus revenir aa pays, et que tu resteras en Afrique.

< Nous sommes bien vieux tous les deux; mon bon Jean, mon cher fils, ta pauvre mère t'en supplie a genoux, que cela ne t'empêche pas d'être sage, et de nous revenir bientôt comme nous t'attendions. Autrement, j'aimerais mieux mourir tout de suite, et Peyrat aussi, e


Des pMMéM iaeohorentea, tumuttueu~a, se presMMMtdaas la tête do ~ao.

M &t un rapide eatoHi da dates, N00, se notait pas Gni encore, ea o't pas un ?!< aeeoMpt!. Le ~gMjp!MÏ Mais Ma, & ~Meï doae pensait-il t il n'y avait poiat de <4Mgraphe entre la Ft anco et teS~ga!. Et, qtMMd M8..W, <t~aaM!t-M pM <ear d!M dop!a8?S'M avait pu partir, en laissant tout derf!&fe, pa~!f sur qodqMo naîtra & gfande vi<es<o, et arriver encore à tomps, M ae jetaat & leurs pieds, avec soppMeatioas, avec !arMes, il aurait peMt*6tre encore pu los attendrir. Ma!s, si Ma, quelles ïmpossibit'tes, quelle impuisSBBce! Tout serait consommé avant qu'il ait Malement pu teur envoyer un cri de douleur. Et il lui semblait qu'on serrait sa tête dans de~ mains de fer, qu'en pressait sa poitrine dans des etaux terribles.

M s'arrêta encore pour retire, et puis, se sou.venant qu'il portait un ordre pressé du gouverneur, il replia sa lettre et se remit à marcher. < Autour de lui, tout était au ~rand ca!me du


milieu du joMF. vieiMes maisons & la maM. MM~e s'aiignaieot correctement, avec lour blan. ehe«r taitCHM, 80M< bleu teteese du c!et. Parfois, en paa~Bt, M entendait derr!&M teMfs mMM de brique ~tqao p!a!M~e et~Mano~M~ dtansM de n~MMe; ou bien, sur le pas des portea, on Maooat)mtt quelque a~fiMen bien Bo!f, qui dormait le ventre au soleil, toatBM, avec wa collier de com!t, et marquait une tache <bne6o au milieu do toute cette onttbrmM de lumière. Sur beaMe uni des rues, testezards se powN~ifaient avec de petits balancements de tête comiques, et tpaca!ent, en tratnant leur' queue, une !auoitô de z!gza~ fantasques, eompuques comme des dessins arabes. Un bruit lointain de pilons à koushows, monotoae et regotier comme MM sorte de sitencp, arrivait de Caet-n'-dar, amorti par les couches chaudes et lourdes de l'atmosphère de midi.

Cette tMBqoititede la nature accaNee semblait vouloir nat~ïer l'exaltation du pauvre Jean, et exaspérer sa doulemf; elle l'oppressait comme un


ma! physique, «Ma MtowNMt cemmewn aaahfo de pteonb.

Ce paya tat faisait tout & coup i'eftet d'an vaste tombeau.

n a'cwaiKai~ te 8paM,conMnad'uapesMt aentmeMde cinq anndoB. Une ÏMmenso révolte se Maa!tan!o!tf~o!to<MntmtOMteteoatM<eus! Pourquoi ra~!t-oa pris & Ma viMage, a sa <n~M, poMF reaseveMr au plus beau temps de ea vie sur cette terM de mort?. De qaot droit avalt-on fait de lui cet être & part qa'oa appelle spahi, tMÏBear de aabre & moitié Africain, malheureux dectassé, oubMe de tous, et finalement renié parsaCaaceet.

Il M sentait une rage folle au ccoar, et ne pouvait pleurer; il éprouvait te besoin de s'en prendre & quelqu'un ou A quelque chose, le besoin de torturer, d'etreindre, d'écraser qaetqu'wn de ses semblables dans ses bras puissants.

Et rien, rien autour de lui, que le silence, ia chaleur et le sable.


r

BM!a$ t paa un «m! aon plus daaa tout w patya. pas m&me wa camaraje de camp & qui <:aMt9r M pehM. M était dene bien abaBdeaB~, MaMpH! et bien s~ au monde t

rr ··-If~AC-9! !1E·P·


VU!

Jean courut auquatlier ctjetaau premier venu le pi! qui lui était coaM' puis il s'en alla, et commença au hasard MM course rapide et sans but; c'4ta!t sa manière & lui d'étouCër sa douleur.

M passa le pont de Cuet-n'-dar et tourna au sud vers la pointe de Barbarie, comme la nuit où, quatre ans auparavant, il avait quitté en désespéré la maison de Cora.

Mais, cette fois, son désespoir était un désespoir d'homme, profond et suprême, et sa vie était brisée.

H marcha longtemps vers le sud, perdant de vue Saint-Louis et les villages noirs, et s'assit


exténué, au pied d'un monticule de sable qui dominait la mer.

Ses idée& étaient sans suite. Tout ee soleil du jour l'avait aNbM. i M 8'apM~A qu'il ~6~ encore jamais venu ta, et se mit a promener autour de lui des regards d!atraha.

Ce monticule était tout hérissé de grands pieux bizarres, qui portaient des inscriptions dans la tangoe des prêtres du Maghreb. Des ossements blanchis gisaient pMe-mê!e, déterrés jadis par les chacals. Il y avait aussi quetqaes branches de verdure, comme perdues au milieu de l'aridité absolue; –c'étaient des guirlandes de liserons d'une grande fraîcheur, qui couraient au milieu des vieux crânes, des vieux bras, des vieilles jambes, ouvrant ça et !& leurs larges calices rosés.

De loin en loin, d'autres monticules funéraires s'élevaient dans la plaine unie, avec des aspects lugubres.

Sur les plages se promenaient de grandes troupes de pélicans d'un blanc rosé, auxquels le


mirage crépusculaire prêtait dans te lointain des formes singulières, des dimensions invraiaemNaNes.

Le soiretait arrive,tesoteM était descendu dans rOceaa, et un veat plus frais soaMMt du large. Jean prit la lettre de sa mère, et recommença &Ja!!M.

<t .Maintenant, mon Ns, il est venu Mer A Peyral une idée qui nous fait peur c'est que tu ne voudras plus revenir an pays, et que tu resteras enAMque.

e Nous sommes bien vieux tous les deux; mon bon Jean, mon cher Ms, ta pauvre mère t'en supplie à genoux, que cela ne t'empêche pas d'être sage et de nous revenir Mentot comme nous t'attendions. Autrement, j'aimerais mieux mourir tout de suite, et Peymt aussi. D

e v

Alors, !e pauvre Jeansentit son ccMr sebriser, des sanglots soulevèrent sa poitrine, et toute sa révolte se fondit dans tes larmes.

e s o v e v v s a · e v v 1


IX

Deux jours après, tous tes bâtiments de ta ma' rine, requis pour Fexpêdition, étaient groupés dans le nord de Saint-Louis, au coude du meuve, pf&s de Pop-n'Mor.

L'embarquement des troupes s'opérait au milieu d'un grand concours de monde et d'un grand vacarme. Toutes les smatahs des tirailleurs noirs, femmes et enfants, encombraient les berges, hurlant ausoleil comme des forcenés. Des car avanes de Maures, qui arrivaient du fond <tu Soudan, faisaient cercle pour voir, avec leurs cham eaux, leurs sacs de cuir, leurs monceaux de bagages hétéroclites, et leurs belles jeunes femmes.


Vers trois heures, toute ta NettiBe, qui devait remonter le Cenve jasqa'& Dialdd en Galam, s'ebranla avec son chargement d'hommes, et se mit en route par wae chalonr atroce.


x

Saint-Louiss'étoignait. Ses alignements rég<t Mers s'abaissaient, s'enaçaient en bandes Meua' très dans tes sables dorés.

De chaque c&té du fleuve s'étendaient à pettc de vue de grandes ptaines insalubres, désertes, éternellement chaudes, éterneuement mornes. Et cela encore n'était que l'entrée de ce grand pays ocMié de Dieu, le vestibule des grandes solitudes africaines.

Jean et tes spahis avaient été embarqués sur la Falémé, qui marchait en tête, et devait bientôt prendre une avance de deux jours.

Au moment de partir, N avait répondu à !a hâte à ïa pauvre vieille Brançoise. Après réBeMon, il avait dédaigné d'écrire & sa Cancée;mais, dans


cette !ettre a M m&M, ii avait mis toute son âme, pour la consoler, lui rendre la tranquillité et !'M*poir.

< D'ailleura, avait-il ëcr!(, elle était trop riche pour nous. Nous trouvorons bien au pays une autre jeoae BHe qui voudra de moi; a<M8 ao<ts arrangerons d'haM~r dans aotM Me!Me maison, et, comme cela, nous serons encore plus pr&s de vous. Mes chers parents, je n'ai plus d'autre pensée tous les jours que te bonheur de vous Mvoir encore trois mois et je sefai de retour, et je vous jure que jamais, jamais je ce vous quitterai ptns. t

· · · 1 · t

C'était bien son intention en eubt, et il y pensait bien chaque jour, à ses vieux parents bienaimés. Mais partager toute son existence avec une autre que Jeanne Méry, cela décolorait tout; c'était une affreuse pensée, qui jetait sur le retour un épais voiïe de deuil. Il avait beau faire e pour reprendre courage, il lui semblait maintenant qu'it n'avait plus guère de but dans la vie, et que, devant lui, t'avenir était à jamais fermé.


A côté de lui, sw pont de !a ~M~, ~tatt ass)t$ g&ant NyxoF-tUM, !e spahi Mtp aM~Met ? avait eoaM 8M patne eomme & MM ptHa MMe amt. Nyaor M $'aspMqM!t ~n&M ces soMimoM~, lui qM'OM N'avait jatMHÎs a<(a~ lui qMt po~Ja!t sotM son toit do chaume trois fommos aehetôas, at qat compta!t Tev$M<<M ~«M~ eM~ aaMient eess~ d$ lui plaire.

Copaadattt il eompranait que son am! )eae était maMteut'eM. n lui souriait avee douceur et lui faisait, pour le distraire, des contes a&gfM à dormir debout.


Xt

La MOMMe remontait le t!euvo avec toute la vitMM possible, s'amarrant au coucher du soleil et M MtMManten route au pe~tjew.

A Richard-ToU, te premier poste frMpus, ea avait encore embarqué des hommes, dos negMsses et du matériol.

A Dagaaa, on s'arrêta pour deM jours, et la ~MM< reçut Fordre de continuer seu!e sa route sur Podor, le dernier poste avant le pays de Galam, où quetoues compagnies de tiraiMeuM êtaMnt d~& MSsenutMM.


m

La FaMM~ cheminait toujours dans te désert tmmense; elle a'ea<bBca!t rapidement dans t'iaténew,–en suivant MtMH Meuve au eaux jaunes qui sépare !e Sahara maure du ,rand Matiaeat mystAneux haMt& par tes hommes noirs.

Et Jean regardait mélancoliquement les seM"tudes qui passaient après les solitudes. M su!vait des yeux rhorizon qui t'enfuyait, le ruban sinueux du Sénégal qui derrière lui se perdait dans des lointains !nHnM. Ces plaines macdites, se déroulant sans fin sous sa vue, lui eausa!e)at une impression pénible, un indétmtssaMe sen-ement de cœur, comme si, à mesure, tout


ce pay ae Mi~rmait sur lui et qa'H ne dût plus revenir.

Sur tes rives mornea, par-ct par-M, marchateRt gravement do grands vautours noirs ou quelques marabouts chauves rappelant des $Mhouett<M! hu. )fMa!aes. QaeIquoMa ua s~e curieux ~aa~aM <tes bt~wssaiMea de paMtavtefN pear pegar<te)f filer le nav!Fe:– ou bien encore, d'ano boaMMe de roseaux, sertoh une Cae a~tette blanche, un mart!a-pMMm' RuaBeA d'émefaude et de !ap!s, dont !& vol evetHeit un ca~an paresseux endormi sur la vase.

Sur la rive sud, la rive des fils de Cham, de loin en loin passait un village, perdu dane cette grande désolation.

La présence de ces habitations d'hommes était toujours annoneêe de fort loin par deux OM trois gigantesques palmiers à éventail, sortes de grands arbres-Mtiches qui gardaient les vines. Ah milieu de l'immense platitude nue, ces palmterssvatentrair de colosses postes au guet dans le désert. Leurs troncs d'un gris rose, bien droits, bien polis, étaient renBés comme des co-


tonnas byzantines, et partaient, tout en haut, de maigres bonquets deteutiies aussi raMesquo des palettes de far.

Et bientôt, en s'appraahant davantage, on <!8tt<t(p<a!t une fourmilière X&gM, des hMHes pétâmes groupées en masses compactes & leor pïad;– tout ua ensemble gris sur des sables toujours jaunes.

Elles étaient très grandes qMetqMoMs cea ehês africaines; toutes étaient entourées tristemont de <a<<M épaisses, de mars de terre et de bois qui les défendaient contre les ennemis OM les bêtes iauves; et un lamboau d'etcCe blanche, Qottant sur un toit plus ékve que les autres, in. diquait la demeure de leur roi.

Aux portes de leurs remparts apparaissaient de sombres Ogures; de vieux chefs, de vieux prêtres couverts d'amulettes, avec de grands bras noirs qui tranchaient sur la blancheur de teups longues robes. Us regardaient passer la JF~Mme, dont les fusils et l'artillerie étaient prêts, au moindre mouvement hostile, & faire feu sur eux.


On se domandait de quoi vivaient cas hommes au milieu do Faridite de <? pava, qoeMes pou. ~ient bien 6tM leur Miateace et tewM eeeMt. pations dcrr!&M eeB MUMiMes grhM, & ces 6H*M qui M <:oMn!ssa!ent rien om deheM, rien que les solitudes et r!mp!aeaMe M!eH.

· v r v r: v e v v v v s ~r y

Sur la rive aord, celle du Sahara, plus de sable encore et une autre physionomie de !a deeotattM.

Au loin, tout au loin, de grands &ux d'herbages allumés par tes Maures; des colonnes de fumée s'etevant toutes drottes, & d'étonnantes hauteurs, dans ra!r immobile. A l'horizon, des chaînes de collines absolument rouges comme des charbons enNammés, shnutant, avec toutes ces ~mees, des brasiers sans bornes.

Et ta où il n'y avait que sécheresse et sables brMants, un mirage continuel Msait apparaître de grands lacs, où tout cet incendie se reMtait la tête en bas.

De petites vapeurs tremblotantes, comme celles qui s'N&vent des fournaises, jetaient sur tout ccia


te«ra r~seaw: MoM~s; ces payaa~ tte~t'aora miroitaient cHM<nMa!ent ~tM ehatear ~t* tenae: pwt< on les voyait M d~termef et changer eemmo des vMoaa; rœH M ~!t éMou!et!M8d. ( Oa temps & autre apparatasaient sur eoHe Fho das groupes <hMooM9 de pure mee blanche, thMveset brumes, –Me9twat,–ma!8~guMercment heaux, a~ee do grands cheveux houct6s qui leur donnaient des airs de prophètes Mbliques. Ms a!!aîent tête nue sous ce soleil, tettts da longues robes d'un Meu sombre, Maures de la tr!budesBrabnaseudesTMrzas, bandits tous, pillards, d~treoMeara de caravanes, la pire de toutes les nces aMca!aes.


Xttt

La brise d'est, qui est comme ta respiration puissante du Sahara, s'était levée peu à peu et augmentait d'intensité a mesure qu'on s'éloignait de ta mer.

Un vent desséchant, chaud comme un seuOe de forge, passait maintenant sur le désert. Il semait partout une Bne poussière de sable et apportait avec lui la soif ardente du JMe~-eM<eMc&. On jetait continuellement de l'eau sur les tentes qui abritaient les spahis; un nègre traçait avec un jet de pompe des arabesques rapides qui disparaissaient à mesure,– vaporisées presque subitement dans l'atmosphère altérée. Cependant on approchait de Podor, l'une dea


plus grandes villes du aeuve,–e( !a rive du Sahara s'animait.

Citait Feutrée du pays des Doua~ch, paateurs enrichis par leurs razzias do,Mtait faites en pa~ n&gM.

Ces Maures passaient le S&~gat à ta nage en longues caravanes, cassant devant eux dans te courant, à la nage aussi, des bestiaux votes. Des campements commençaient à paraître dans la plaine sans tin. Les tentes en poit de chameau, raidies sur des pieux de bois, ressemblaient à de grandes ailes de chauves-souris tendues aur le sable; elles formaient des dessins bizarres d'une grande intensité de noir, au milieu d'un pays jaune, toujours aussi uniformément jaune.

Un peu plus d'animation partout, un peu plus de mouvement et de vie.

Sur les berges, des groupes plus nombreux accourant pour regarder. Des femmes mauresques, des belles cuivrées à peine vêtues, ay~nt au front des &rronniêres de corail, trottant à eatitburchon sur des petites vaches bossues;


et soMveat, derrière ailes, des eataata gambadant à ehevat sur de tout petits veaw retit~, des enfants aws, !a tête rasée avec de grandes houppes en crinière, et le corps ~ave et musclé comme de iemMs saty~a.

<< <'<t<tt.t 9


X!V

Podor, –na poste lançais important sur la rive sud du Sénégal, et l'un des points les plus chauds de la terre.

Une grande forteresse, fendillée par le soleil. Une rue presque ombragée, le long du Benve, avec quelques maisons déjà anciennes, d'un aspect sombre. Des ~~H~ français, jaunis par la &ewe et l'anémie; des marchands, maures ou noirs, accroupis sur le sable; tous les costumes, toutes les amulettes d'AMque; des sacs d'arachides, des ballots de plumes d'autruche, de rivoire et. de la poudre d'or.

Derrière cette rue à moitié européenne, une grande ville nègre en chaume, partagée comme


un gâteau d'abeilles par des rues larges et droites; chaque quartier bordé d'épaisses ?<<? de bois, mrtiu~ comme une citadelle.

Jean s'y promena le soir, en compagnie do son ami Nyaor. Les chants tristes qui partaient de derrière ces murs, ces voix étranges, ces aspects musités,–ce vent chaud qui soudait toujours malgré la nuit, lui causaient une sorte de terreur vague, d'angoisse inexpliquée, faite de nostalgie, de solitude et aussi de désespérance. Jamais, même dans les postes lointains du DiakhaNénie, H ne s'était senti si isolé ni si perdu.

Tout autour de Podor, des champs de mil; quelques arbres rabougris, quelques broussailles et un peu d'herbe.

En face, sur la rive maure, on était en plein désert. Et pourtant, à l'entrée d'une route & peine commencée, qui bientôt se perdait au nord dans les sables, un écriteau portait cette inscription prophétique Re~c <fA~jrer.


XV

II était cinq heures do matin; le soleil terne et rouge allait se lever sur le pays des Douaïch Jean rejoignait la FaMm~, qui se disposait à repartir.

Les négresses passagères étaient déjà étendues sur le pont, rou!ées dans leurs pagnes bigarrés; si serrées les unes contre les autres, qu'on ne voyait plus par terre qu'une masse confuse d'étoBes dorées par la lumière matinale, au-dessus desquelles s'agitaient quelques bras noirs, chargés de pesants bracelets.

Jean, qui passait au milieu d'elles, se sentit retenu tout à coup par deux bras souples, qui lui enlaçaient la jambe comme deux serpents.


Le femme M cachait la tête et lui embrassait lei pieds

–T~ean T~ean t. disait âne petite voix bizarre, de lui bien connue,–T~ean Ï. je t'ai suivi de peur que tu ne ~MM ~aM~ts (que tu ne mewes) & la guerre 1

'~ean! M veax-tw pas pegarder toa fils t Et les deux bras noirs soulevaient <m entant broMé, qu'ils tendaient au spahi.

Mon 6!s?. mon Ois?. répéta Jean, avec sa brusquerie de soldat, mais d'une voix qui tremblait pourtant, mon Mst.. qu'est-ce que tu me chantes ia, Fatou-gaye~

e s v e

C'est pourtant vrai, dit-il, avec une émotion étrange, en se baissant pour le voir, c'est pourtant vrai, il est presque blanc ï.

L'enfant n'avait pas voulu du sang de sa mère, i! était tout entier de celui de Jean; il était bronzé, mais blanc comme le spahi; il avait ses grands yeux profonds, il était beau comme lui. –B tendait les mains, et regardait, en fronçant <e


sMpatttM~raHs, a~ee wto Mpraasion d&{a prave, co<MMe eheMh<Mt & eomprendM ce qu'H ét<dt vea~ MM dans la vie, et comment Ma aaa~ dM ~eoaM se trouvait m~M & eoMe jitopMM MM aoiM.

Jean se sontait vatMCM par je ne sa!8 qM~He to~dew~ ~aû de trouble et de m~eM; il se pea~tm vers son Ma et t'etnbfMsa doucemeat, avec unetondMBse silencieuse. Des MnHmentsjuaqa'atoK inconnus te p~tFMeMt jusqu'au fond de son Ame.

La voix de Fatou-gaye aussi avait t~veitM dana son CCMC une foule d'échos endormis; la C&wfe das sens, t'habituda de ta possession, &vaieMtnou4 entre em ces tiens puissamsd'unegtande patitist9Me, que la séparation peut & peine détruire. Et puis elle lui était ftdêle au moins, ceth~a, à sa manière; et lui, d'ailleure, il était si abandonné!

n la laissa lui passer autour du cou une amutette d'Afrique, et partagea avec elle sa ration du jour.


XVt

Le navit'eeoat!nua!taa route. Le Neuve coaMit plus au sud, et te pays ehaogcait.

Bas arbustes maintenant StM'!es<tea<fïvea, de Mtes gonMaMM, du mnnoaas, des tamaris aux ~MiMes Mg&Ms, do l'herbe et des petoasM vertes. P!<M rien de la BeM tropicale; on e&t dit la ~~tation dét!<*atedes climats du Nord. A part cet excès de chaleur et de silence, rien M rappelait plus qu'on était au cour de FAMque; on se KHer<t sur quelque paisible rivière d'Europe.

Pfurtant quelques idylles negfes veari<mtA passer. Sous ces bosqueta oa toutes les tergènes de Watteau eussent trouvé ~tace, on rencontnMt quetqtteîoM un ameuFeu&eeupte africain,


couvert de gria-gris et de verroteries, Msant pattre de maigt'os aebus, ou des troupeaux de ehevres.

Et plus te!B, d'autres tMapaanx, -f que poM~ae M gardah, ceM'!&<h!8 caïmana gda, dormam %w soleil par ee~ta!aM, te ~eatre & demt pïon~ dnas !'eaa chaude.

Et Fatou-gaye souriait. Ses yaux s'MtucMnaient d'MM~oieatn~uM&M.–EMe FMoat<a!ssah rapproche de son pays da ~!am 1

Une chose rinquiêtaU pourtant; qaaad elle rencontrait de grands mara!sherbew~ de grands étangs tristes bordds de palétuviers, eMe fer.mait les yeux, de peur de voir sortir des eaux atagaantes quelque mure aeir de Hyo&oo (d'h!ppopotame), dont Fapparitioa eut etë, pour elle et les siens, ua signe de mort.

On ae saurait dire tout ce qu'elle avait déployé de ruse, de persistance, d'insinuation, pour être admise à prendre passage sur ce navire ou elle avait su qu'on avait embarqué Jean.

(M s'etait-eue retugiee en quittant la ma'son de la SnotetBans quel gîte etait-eïte allée se


eaehw, pear meMM au monde rentan~u 8p«M? Apr~seat, elle hewoaae: elle MtoaDM~ e<t Catam, et cite y Mt~)ma!t avec M, c'&ah son )ftw aMCtnp!

~t<t*<<t<


XV!!

Ma!dé était situé au conf!ueat du Sénégal et d'une rivière sans nom qui arrivait du sud. M y ava!t ? un village noif de peu d'impor- tance, gardé par un petit Meckhaus de MMtructien française, qui rappel tes forts detaehea de t'Atgede intérieure.

C'était le point le plus rapproché du pays de Boubakat~Ségoa; c'était ta que les forces fmnçaises devaient se réunir et camper avec t'armée aHiée des Bambaras, au milieu de peuplades encore amies.

Aux environs du viMage, le pays plat avait cette monotonie et cette aridité qui caractérisent les borda du Sénéga! inférieur.


Pendant oa y MnccntMh ansat qadqMM bon~uet$ d'arbres, qMe!qwoa &tr~ m&me, qui rappa' !a!aMt d~A qM'wwnaH d'eatrw dans h paya da CatMn, dans ïea ~g~aa !MMo$ du contre.


XV!H f

Une première reconnaissance, à l'est du campement de Diaide, dans la direction de B~idkm(Jean, sèment MaUer et te a~and N~ot). Au dire des vieilles femmes peureuses de la tribu aMee, oa avait vu sur le sable les empreintes toutes Mches d'une troupe nombreuse d'hommes et de cavaliers, qui M pouvait être autre que l'armée du grand roi no!r.

Depuis deux heures, tes trois spahis promenaient en tous sens leurs chevaux dans la plaine, sans rencontrer aucune empreinte humaine par terre, aucune trace du passage d'une armée. Le sol. en revanche, était criMë d'empreintes


de toutes les Mtes d'AM~ue, –depuis tergros trou rond que creuse l'hippopotame de son p!ed pesant, juseu*au petit triante délicat que la ga" seMo, dans sa course Mg&Mt trace du bout de aon sf~ot. Le aabtc, datci par tes defa~yes pMes de FMvenMge, gardait avecwaeBdNM parfaite ~oales de~BsqMMeeaaaienttes habitant da disert. On y reMBaa!s9a!t des mains de singes, de grands pas deg!ogandes de girafes, dos tMtaêes de Mzards et de serpentf, des grMbs de~spMsetdesgriSesdeMoBS.Onaaraitpwsaivre les aMees et venues cauteleuses des chacals, tes bonds prodigieux des biches poursuivies; on devinait toute ranimation terrible amende par i'obscurité dans ces desetts, qui demeurent Fi.lencieux tant que le soleil y promené son grand oit Namboyant; on reconstituait tons les sabbats nocturnes de la vie sauvage.

Les trois spahis faisaient lever devant leurs ehevam tout le gibier caché dans tes halliers en e&t &it dans ce pays des chasses miraculeuses. Les perdrix rouges s'envolaient au bout de leurs fusils, et les poules-pharaons, et les M


geais Meusetlesgeais rases,–eUes mwles-métalliques, et les grandes outardes. ~< les <aM saient tous partir, cherchant toujours des t~cea d*ho)Bmes, et a'ea trouvant aucune.

Le soir appFOt~att, et des vapeurs 6paisses' a'Mttaasaient & l'horizon. Le ciel avait ces aspe~a lourda et immobiles que rimagmattOB prête aux <MwcheMd~ sdeH aat6dita~aB,–aM époques o& t'atmosphera, plus dtaude et pt<M cbafgee de substances vitales, couvait sur la terre primitive des germes monstrueux de mammouths et de plésiosaures.

Le soleil s*aha!ssa doucement dans ces voiles étranges il devint terne, livide, sans rayons H se déferma, s'agrandit démesurément, -puis s'éteignit.

Nyaor, qui jusque-là avait suivi Muller et Jean avec son insouciance habituelle, déclara que la reconnaissance devenait imprudente, et que les deux toubabs. ses amis seraient inutilement téméraires s'ils la prolongeaient davantage. Le fait est que toutes les surprises étaient possibles, qu'autour d'eux tout était A redouter. De


ptas, te? empreintes~ de Mens étaient partout datchas et nombreuaea les ehevamx commençaient & s'arrêter, Oairant eee cinq grif~s s! nette)! sur le sable uni, et tremblants de frayeur.

Jean et le sergent MaUef, ayant tenu coo8e!t, se décidèrent à tourner bride, et bientôt les trois chevaux volaient comme le vent dans ta direction dw blockhaus, laissant flotter derdere eux les burnous blancs de leurs cavaliers. Dans le lointain, on commençait à entendre cette formidable voix caverneuse que les Maures comparent au tonnerre ta voix du lion en chasse.

Ils étaient braves, ces trois hommes qui galopaient ta,–et pourtant ils subissaient cette sorte de vertige que donne la vitesse, cette peur contagieuse qui faisait bondir leurs bêtes aCbtées. Les joncs qui se couchaient sous leur passage, les branches qui fouettaient leurs jambes, loùr semblaient des légions de lions du désert lancés à leur trousses.

Bs apercent bientôt la rivière qui les séparait des tentes traneaises, du monde habité, et


!e ~pet!t MoeM)awa ara!~ du ~Hage de DiaMê, edaH~ emMM de dernières lueurs rouges. !b &Mnt paaser leurs <&e~MBt & la nage et MntteMntaa camp.


XIX

Cdtait l'heure de la grande mélancolie du soir. Lo coucher du soleil amenait dans ce village perdu une animation originale. Les bergers noirs faisaient rentrer leurs troupeaux les hem* mes de la tribu, s'apprêtant au combat, aigui* saient leurs couteaux de guerre, fourbissaient leurs fusils préhistoriques les femmes prépa. raient des provisions de kouskous pour Par* mée; elles trayaient leurs brebis et leurs maigres femelles de zébus. On entendait un murmure confus de voix de nègres, auquel les chèvres mêlaient leurs notes tremblantes, et les chiens laoMs leoN aboiements plaintifs.


Fatou-gaye était la, assise a la porte du block.haus avec son eufant, dans l'attitude humble et suppliante que, depuis son retour, elle avait conservée.

Et Jean, le camur serF& de solitude, vint s'asseoir auprès d'elle et prit son enfant sur ses genoux, attendri devant sa famille noire, heureux encore, et ému de trouver à Dialdé en Galam quelqu'un qui l'aimât.

A côté d'eux, des ~priots répétaient des chants de guerre ils chantaient doucement, avec des voix de fausset tristes, et s'accompagnaient sur de petites guitares primitives, à deux cordes tendues sur des peanx de serpent, qui MMient un maigre bruit de sauterelles ils. chantaient de ces airs d'Afrique qui s'harmonisent bien avec la désolation de ce pays, -qui ont leur charme, avec leur rythme insaisissable et leur monotonie.

C'était un délicieux bébé que le Ma de Jean, mais il était très sérieux, et rarement on te v yait sourire. Il était habillé d'un boubou bleu et d'un collier, comme nn enfant yoMf; mais sa tête


n'était pas rasée avac de petites queues, ainat que t'est t'usage pour les en~n~ du pay~; eonMw H était un petit blanc, sa mère avait !a~ pOMfsHt ses cheveux Ms~s, dont <nM bowete re' t&!)<b!tt«<~& sur son thMt, comme ctMz~spaM. Jean Msta ? longtemps, aMis & la porte da blockhaus, & jouer avec son Ms.

Et les dernières lueurs du jour éclairaient ce tab)oan d'un caractère singulièrement remarqaahte l'entant avec sa petite figure d'ange,–ïe spahi avec sa belle t&te de guerrier, jouant tous deux A côté de CM sinistres nmsicMMBo!rs. Faton-gaye était assise MMrs pieds eMe!es contemplait l'un et rautre avec adoration, par terre devant eux, comme un chien couché aux pieds de ses mattres; elle était comme en extase devant ta beauté de Jean, qui avait recommencé à lui sourire.

Il était resté bien entant, ïe pauvre Jean, comme cfta arrive presque toujours aux jeunes hoxnnes qui ont mené la vie rude, et aaxquek un développement physique précoce a donné de


boBM &MM$ raïr t~a <M$F et Ms a~MK. M Msatt sauter Ma Ms sur ses geM«x MM WM gamhev!e de MMat,–et rMt & toot <)MtMt d'eo ctMCFaita etjewM. Mab M ae voulait ~s boaacoup rire, lui, la Msdwapaht; il pMMtt Ma' ¡ petits bras ronds aM<ow da cou de aca p~M, s< seFra~eeatreaa po~ae,et MgM~t tout d'an air t)~8 gfave.

La nuit venue, Jean lea iaataMa tous deux on eecwrM dans nn«~ewrda MockhMs.–poh itdeam & Fatoa-~ye tout t'aient qui M Ma* tait, trois &MKM, qaïnze ~an<a 1. 'Kens, dit-H, demain madn, tu aeheteMs dw bouskews pour toi,- et du bon lait powrjMi..< t

1~ 1 · v f 1 C · i v · ·


XX

Ensuite M prit la chemin du campement, pour aller, lui aussi, s'étendre et dormir.

D faltait passer par le camp &?& des Bambaras pour gagner tes tentes Crançaises. La nuit eta!t transparente et lumineuse, avec partout des bruissements d'insectes on sentait qu'H y en avait des milliers et des miUiers, de grillons et de cigales, sous toutes les herbes, dans tous les petits trous de sable parfois cet ensemble de bruissements s'en8ait, devenait strident, assourdissant, -comme si toute l'étendue de ce pays eût été couverte d'un nombre infini de petites sonnettes et de petites creceMes; et pub, par instant, cela semblait s'apaiser;


comme si tous !es grillons se fussent donna te mot pour chanter plus bu; cela semMait a'eteindre.

Jean s'en allait en songeant il était très f&. vawr, ce seir-ta. Et, tout en rêvant, sans retarder devant ses pas, il se trouva engtoM tenta coup dans une grande ronde qui tournoyait autour de lui en cadence. (La ronde est ta danse aimée des Bamïtama.)

C'étaient des hennnes de très haute taille, ces danseurs, qui avaient de longues robes blanohes et de hauts turbans, blancs aussi, t deux cornes noires.

Et, dans la nuit transparente, la ronde h)ur~ aait presque sans bruit, lente, mais iégère comme une ronde d'esprits avec des frotements de draperie~nottantes, comme des Mte'nents de plumes de grands~ oiseaux. Et tes danseurs prenaient tous ensemble des~ poses diverses sorh pointe d'un pied, se penchant en avant ou en amfièM ianeant toup en même temps~eurs teng~bras, qui déployaient, comme


des «~s tratMparantes, tes taMta pus de tours vetemHnta de meusaetine

Le tnmtam battait doucement, comme en sourdine; tes Mtes MHsteaoUes trompes d'ivoire. avaient des MM voMea et comme Mntanos. Une musique monotone, qui semblait une incantation )Mag!qMc, menait la-danse ronde des Bambaras. Et, en passant devant le spaM, ils meMnaMBt la tête tous, en si~e de reconnaissance; en souriant, ils disaient

Tjean entre dans ta ronde!

Jean aussi les reconnaissait presque tous sous leurs vêtements de tuxe des spahis noirs ou des tiraiMeurs, qui avaient repris le long boubou blanc, et s'étaient coiffés de la i~Mht-MMM des têtes.

En souriant, il leur disait au passage < Bon-~ soir, Niodagal. Bonsoir, ïmobe-Fatandou Bontoir, Demba-Taco et Samba-FatI! Bonsoir, grand Nyaor 1 Nyaor était ta, lui aussi, un des plus grands et des plus beaux.

Mais il pressait le pas tout de m~me, Jean, pour


sortir deoestoagaeschamea dedaaaeara Maoea~ qui M deaeaa!ent et se renouaient toujours Mtowf de lui. Ceta Mmpress~aatt, Mtt, ecM dM8e, et cette musique qui aen<Ma!<< ~êtM pas une musique <te ce monde.

Et, €? disant toujours < Tjean! entM dans la Mnde! t ib continuaient de passer autour de lui comme des visions, s'amusant & entourer te apatil, faisant exprès d'aMonger tew ctMÏne to<NP aante, pour Fempêcher d'ea aor~r.


XS!

Quand le spahi tut couché sous sa tente, il M mit & bâtir dans sa tête une foule de pians nouveaux.

Certes il allait retourner d'abord voir ses vieux parents; rien ne lui ferait diBerer ce départ. Mais, après, H lui faudrait bien revenir en AMque, à présent qu'il y avait un fUts. M sentait bien qu'il Faimait déjà de tout son cceur, ee petit enfant, et que pour rien au monde il ne pourrait se décider à l'abandonner.

Au dehors, dans le camp des Bambaras, on entendait à intervalles réguliers la voix des griots qui chantaient, sur trois notes lamentables, te


<~t de ~wrM consacré. Ils jetaient ce chant de Mbou sur les tentes endormies, et battent le premier sommeil des guerriers noirs en leur fecommandant d'Aure braves et de mettre dans tewK ( caraMMS ptasieoM baMes a ia <bM q<MMd ~!ea*drait le jour de combat. On sentait <jjMe<;e jour approchait, et que ~uba~a~Ségou n'était pas loin.

QoeMfe4Saint-u!s, quand il y w:endmit retrouver son petit entant, après son congé termmM. Se réengagerait-H, ou bien ten~mit~ la fortune par quelque procédé aventureux?. Traitant du Neuve peut-être? Mais non, il se sentait un éioignement invincible pour tout autre métier que celui des champs ou celui des armes.

Tous les bruits de iawie s'étaient éteints maintenant dans If.- village de Diatdé, et le campement. hti aussi, était silencieux. On entendait au lotn la ~os du Mon,–et, <par instant, !e en le plus iugubre qu'a y .ait au monde le gtopMsa-


ment du chacal C'était comme un aocompa" gnementlunébre aux r~vea du pauwe spahi!

1 f f · 1~ f ~1 f

C'est êgat, la présence de ce petit entant chan. geait bien tous ses projets, et compKqoaït beaucoup pour lui toutes les d!nïcMtt6s de l'aveair.

T~ean! entre dans la rondel.

Jean dormait à demi, fatigué par ses longues courses du jour, et, tout en songeant à son avenir, en rêve il voyait encore tournoyer, lentement autour de lui, la ronde des Bambaras. Ils passaient et repassaient avec des gestes mous, des attitudes mourantes, au son d'une musique indécise qui n'était plus de la Terre. –Tjean! entre dans la ronde!

Leurs têtes, qui se penchaient pour saluer Jean, semblaient nechir sous le poids de leurs hautes comures de fête. Maintenant, c'étaient même des figures grimaçantes, des Ngures mortes qui s'inclinaient avec dea ait s de connaissance, et disaient tout bas, avec des sourires de fan-


tomes <T~ean! entre daas !a ronde !< m

1 · · t · · 9 f · f ·

Et pois, la fatigue vhat peu & peu achever d'en~ardir la tête de ~em, et il s'endormtt d'an i profond sommer eaM fevea, avaat d'avoir rien deoMe.


XX!

C'était le grand jour, le jour du combat. A trois heures du matin, tout s'agir au campement de Diatdé; spahis, t!rMÏ~ars. Bambaras aUiës, se dispostn~t & se mettre en route, avec leurs armes et leurs munitions de guerre.

Les marabouts avaient fait de grand. prières; beaucoup de talismans avaient été distribués. Dans les carabines des guerriers noirs, on avait mis, par ordre des che&, comme aux joors de grandes batailles, de la poudre jusqu'à moitié des canons, et du plomb jusqu'à la gueule; tant et s! bien que la plupart édatèrent à la première dé?


charge, comme cela arrive Mqaemment dans les guerres du pays nègre.

On devait se diriger vers le viHage de Djidiam, < où, au dire des espions indigènes, BoubakarSé~ou se tenait enfermé avec son at mée, derrière d'épaisses muraiUes do bois et de boue. Dpdtam était la grande forteresse de ce personnage presque légendaire, !'euroi du pays, --sorte de mythe dont la force était de fuir, de se cacher toujours au fond de son ~ays meurtrier, et de demeurer introuvable.

On devait camper dan i'apreMnidi soae 80 grands bois avoisinant le quartier généMt! de Fennemi, et, pour en finir, tomber la nuit <ar ï~idiam, mettre le &u au ~Bage, qui ~releraitau clair de Inné comme un aoto-da~e de paiNe;<– puis %'en retourner ~ctorieuaenMint & Sa&aLouis, avant ~ue~a Névre eût achevé de déctme!' la cotonae. 3

1~ <eil!e, Jean a-vait 9Ct!t A ~M vieux parent une JeMretMn tendM,–paNvre ïet~e au crayon


qai~e jour même, desce)Mht leueuve sur k Falémé, et dut être douce, R-bas, au Maur de sa vieille mère.

Un peu avant le lever du soleil, il embrassa 80a potït enfant, endormi dans les bras de Fatou~aye, et monta à chevat.


xxin

Ma le matin, Fatou-gaye aussi se mit en route avec son fils. Elle alla à Nialoumbaé, un village de la tribu alliée, où résidait un grand marabout, prêtre fameux dans l'art des prédictions et des sorts.

Elle se Ct conduire à la hutte de ce vieillard centenaire, qu'elle trouva aBaisse sur sa natte et marmottant, comme un mourant, des prières à son Meu.

Ensemble ils eurent un long entretien, à la Mite duquel le prêtre remit à la jeune 611e un petit sac de cuir qui semblait renfermer une chose d'un très grand prix et qu'elle serra soigneusement dans sa ceinture.


Apres cela, le marabout fit prendra A l'enfant de Jean un breuvage pour l'endormir; et Fatou-gaye offrit en échange trois grosses pMces d'argent, les derniers A!M<MS du spaM, que le vieillard serra dans sa bourse; et puis, daaa un pagne brodé, elle enveloppa avec amour son n!s, qui déjà dormait d'un sommeil magiqae; elle attacha sur son dos ce fardeau prëdeux, e~ se fit indiquer la direction des bois ow, dans ta soirée, les Français devaient camper.


XXtV

Sept heures do matin. Un site perdu du pays de Diambour. Un marais plein d'herbages renfermant un peu d'eau. Une colline basse, bornait!'horizon du c&té du nord; du côté oppose. la plaine à perte de vue, les grands champs de Dialakar.

Tout est silencieux et désert; le soleil monte tranquillement dans le ciel pur.

Des cavaliers apparaissent dans ce paysage africain, qui eut trouvé aussi bien sa place dans quelque contrée solitaire de l'ancienne Gaule. Fièrement campés sur leurs chevaux, ils sont beaux tous, avec leurs vestes rouges, leurs panta-


!ons bleus, leurs grands chapeaux blancs rabattas sur leurs figures bronza.

Ils sont douze, douze spaMs envoyés en Mai* reurs, sous ta conduite d'~o adjudant, –et Jean est parmi eux.

Aucun présage de mort, rien de funèbre dans rair,– rien que le calme et la pureM du ciel. Dans le marais, les hautes herbes, humides encore de la rosée de la nuit, brillent au soleil; les libellules voltigent, avec leurs grandes ailes tachetées de noir; les nënu~rs ouv~nt sur l'eau leurs larges tleurs Manches.

Lachaleur est déj&tourde; les chevaux tendent le col pour.boire, ouvrant leurs naseaux, Hahant l'eau dormante. Les spaMs s'arrêtent un instant pour tenir conseil; ils mettent pied à terre pour mouiller leurs chapeaux et baigner leurs fronts.

Tout à coup, dans le lointain, on entend des coups sourds, comme le bruit de grosses caisses énormes résonnant toutes à la fois. Les s~MM& tamtams dit le sergent Muller~


qui avait vu plusieurs fois la guerre au pays nègre. Et, instinctivement, tous ceux qui étaient des. eendus coururent & tears chevaux.

Mais une tête noirts venait de sargir pr&s d'eux dans les herbages; un vieux marabout avait Mt, ¡ avec son bras maigre, un signe bizarre, comme un commandement magique adressé aux roseaux du marais, et une grMe de plomb s'abattait tnr les spahis.

Les coups, pointés patiemment, sûrement, dans la sécurité de cette embuscade, avaient tous porté. Cinq ou six chevaux s'étaient abattus; les autres, surpris et affolés, se cabraient, en renversant sous leurs pieds leurs cavaliers blessés, -et Jean s'était anaissé, lui aussi, sur le sol, avec une balle dans les reins.

En même temps, trente têtes sinistres émergeaient des hautes herbes, trente démons noirs, couverts de boue, bondissaient, en grinçant leurs dents blanches comme des singes en fureur. 0 combat héroïque qu'eut chanté Homère et qui restera obscur et ignoré, comme tant d'autres


de ces combat lointains d'AMque! Bs ~rent des prodiges de valeur et de force, les pauvres spahis, dans leur déienM suprême. La lutte les enNammait, comme to<M ceux qui sont courageux par nature et qai soat ces braves; ils vendirent cher leurvie, ces hommes qui tous étaient jeanes, ~Sowecx et agaerris! daM quelques annees, à Saint-Louis même, ils seront oohMes. Qui redira encore leurs noms, & ceux qui sont tombes au pays de Diambour, dans les champs de DMa&ar?

Cependant le bruit des grands tamtams se rapprodM)!t toujours.

Et tout à coup, pendant la mêlée, les spa his, comme en rêve, virent passer sur la colline âne grande troupe noire des guerriers à moitié nus, couverts de grisgris, courant dans la direction de Dialdé, en masses échevelées; des tamtams de guerre énormes, que quatre hommes ensemble avaient peine à entraîner dans leur course; de maigres chevaux du désert qui semblaient pîeins de feu et de fureur. harnachés d'oripeaux singu-


tiers, tontpaiHetés de cuivre,–avec détendes queues, de tongue& crini&rM, teintes. M rooge ~angtant, tout Ma d4Q!é ~ntaatiqna, demaaiaque <m caMcha<naf a~icata, plus Mp!d<~ <pte!eventt

C'était BeabahM-Sëgom qui passait 1

Mattaïts'a&attM!&-basNM'ïacotoBHM &an~a<M. U pas8a!tsaB&mêmopMBdregafdeaaxspaM8, –teMbandoïMMMU & !& trompa cmbasqwee qui achevait de les exterminer..

On les poussait toujours, loin des herhages et de l'eau, on les poussait dans les sables arides, M où une chaleur plus accablante, une tBterhération plus terrible les épuisait ptos vite.

Qo n'avait pu. recbarger les armes; on se battait avec des.couteaux, des.sabres, des coups d'ongle et des morsHres; il y avait, partout de grandes blessures ouvertes et. des entrailles sai-

gpaotes,

Deu~ hommes noirs s'étaient acharnés après Jean. Lai était plus fort qu'eux; il les roulait et les chavirait avec rage, et. toujours its revenaient.


A la Mn, ses mains n'avaient plus de prise sur le noir huiteux de leur peau nue; ses mains glissaient dans du sang; et puis M s'auaibUssaït par toutes ses blessures.

H perçut coaR<8ëment ces dernières images ses camarades morts, tombes ases cotes, et le (pros de t'armée nègre qui courait toujours, prête a disparattre; et le beau Muller qui ra!a!t près de lui, en rendant du sang par la bouche; et, t&'bas, d~atres loin, le grand Nyaor qui seÏrayait an chemin dans la direction de Saldés en fauchant à grands coups de sabre dans un groupe'noir.

Et puis, à trois, ils le terrassèrent, ils le couchèrent sur le côté, lui tenant les bras,- et l'un d'eux appuya contre sa poitrine un grand couteau de fer.

Une minute effroyable d'angoisse, pendant laquelle Jean sentit la pression de ce couteau contre son corps. Et pas un secours humain, rien, tous tombés, personnel.

Le drap rouge de sa veste et la grosse toile de sa chemise de soldat, et sa chair, faisaient matelas


et résistaient t9 couteau était mat aiguïset t Le nëgre appuya plus fort. Jean poussa un grand cr! rauque et tout & coup son Banc se ere~a. La lame, avec un petit crissement hordNe. plongea daBssapoHrinepro6tBde; -on la remua 'dans le trou, puis on l'arracha à deux mains, eU'on repoussa le corps du pied.

o v v v s v v v o v e s v v v

C'etaït lui le dernier. Les démons noirs prirent leur course en pou~mt leur cri de victoire en une minute, ils avaient fuicomme le vent dans la direction de leur armée.

On les laissa seuls, les spahis, et le calme de la mort commença pour eux.

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XXV

Le choc des deux années eut Heu pïus Ma; M M très meurtrier, bien qu*M ait &it peu de bruit enP'rance.

Ces combats, Mwes en pays si lointain, et où ai peu d'hommes sont engages, passent inaperçus de la fonte; ceux-lA seuls s'en souviennent qui y ont perdu un fils ou un Mre.

La petite troupe française faiblissait, quand Boubakar-Segou reçut, presque à bout portant, un paquet de chevrotines dans la tempe droite. La eerveUe du roi nègre jaillit au dehors en bouillie blanche; au son du tabala et des cym.hales de fer, il tomba au milieu de ses prêtres, empêtredansseslongschapeletsd'amulette? –et


? M pour ses tribus le signal de h retraite. L'armée noire reprit sa course vers les contrées impénétrables de Hntérieur, et on la laissa fuir. Les Français n'étaient plus en dut de la pour- 1 suivre.

On rapporta Saint-ï<owis te serre-tête rouge du grand chef rebelle, eta!t tout brûM et eribM de trous do mitraille.

Une bnguoécharpe de talismans y était attachée c'étaient des sachets diversement brodés, renfermant des poudres mystérieuses, des dessins cabalistiques et des prières dans la langue du Maghreb.

Cette mort produisit un effet moral assez considérable sur les populations indigènes. Le combat fut suivi de la soumission de plusieurs chefs insurgés, et on put le considérer comme une victoire.

La colonne rentra promptement à Saint-Louis; on conféra plusieurs grades et décorations, à ceux qui y avaient pris part, mais les rangs s'étaient Men éclaircis chez les pauvres spahis!


XXVI

Jean, se tratnant sous les tamaris au feuillage grêle, chercha un endroit où sa tête fût à l'ombre, et s'y installa pour mourir.

U avait soit, une soif ardente, et de petits mouvements convulsifs commençaient à agiter sa gorge.

Souvent il avait vu mourir de ses camarades d*AMqne, et il connaissait ce signe lugubre de la Cn, que le peuple appelle le hoquet de la mort. Le sang coulait de son côte, et le sable aride buvait ce sang comme une rosée.

Pourtant il souffrait moins; à part cette soif, toujours qui le bruiait. il ne souuraitpresque plus.


Il avait des visions étranges, le pauvre spahi la chaîne des Cévennes, les sites familiers d'autre' Ms, et sa chaumière dans la montagne.

C'étaient surtout des paysages nombreux qu'il 1 voyait là, beaucoup d'ombre, de mousses, de fraicheur et d'eaux vives, et sa chère vieNe mère qui le prenait doucement, pour le ramener par !a main, comme dans son enfance.

Oh! une caresse de sa mère! oh 1 sa mère, là, caressant son front dans ses pauvres vieiUes mains tremblantes, et mettant de l'eau iratche sur satetequibroïait! 1

Eh! quoi, plus jamais une caresse de sa more, plus jamais entendre sa voixl. Jamais, jamais plus! C'était la fin de toutes choses?. Seul, tout seul, mourir là, au soleil, dans ce désert 1 Et il se soulevait à demi, ne voulant pas mourir.

Tjean 1 entre dans la ronde 1

Devant lui; comme une rafale tournante, comme un vent furieux d'orage, une ronde de fantômes a

passa.

Du frôlement de ce tourbillon contre les


gravera brûlants, des e~ncelles jaillissaient. Et les danseurs diaphanes, montant en spirales rapides, commoune fumée balayée par le vent, se perdirent tout en haut, dana l'embrasement de l'éther bleu.

Et Jean eut la sensation de les suivre, la sensation d'être enlevé par des ailes terribles, et il pensa que c'était ta minute suprême de la mort. Mais ce n'était qu'une crispation de ses muscles, un grand spasme horrible de h douleur. Un jet de sang rose sortit de sa bouche, une voix dit encore, en simant contre sa tempe *QcM entre dans la ronde! 1

Et, plus calme, souffrant moins, il s'abaissa de nouveau sur son lit de sable.

le Des souvenirs de son entance revivaient maintenant en foule dans sa tête, avec une netteté étrange. Il entendait une vieille chanson du pays, avec laquelle jadis sa mère l'endormait, tout petit enfant dans son berceau; et puis, tout à coup, la cloche de son village sonnait bruyamment au milieu du désert l'Angélus du soir.


Alors, des larmes coulèrent sursesjouM broa zées; ses pn&res d'autrefois lui revinrent d la mémoire, et lui, le pauvre soldat, se mit à prier avec une ferveur d'en~nt; H prit dans ses mains une medaMe de la Vierge, attachée & son cou parsa mère; il eut la force de la porter à ses lèvres, et t'embrassa avec un immense amour. Il pria de toute son âme cette Vierge des douleurs, que priait chaque soir pour lui sa mère naïve; il était tout illuminé des illusions radieuses de ceux qui vont mourir, et, tout haut, dans le silence écrasant de cette solitude, sa voix qui s'éteignait répétait ces mots éternels de la mort < Au revoir, au revoir dans leciet!

11 était alors prés de midi. Jean souurait de moins en moins; le désert, sous l'intense lumière tropicale,lui apparaissait comme un grand brasier de feu blanc, dont la chaleur ne le brûlait même plus. Pourtant sa poitrine se dilatait comme pour Aspirer plus d'air, sa bouche s'ouvrait comme pour demander de l'eau.


Et puis la machoife ~Mneupo tomba toMt & fait, la bouche s'ouvrit toute grande pour la dep nière fois, et Jean mourut assez doucement daha un ebtoaissemem de soleil.


xxvn

Quand Fatou-gaye revint du filage du granot marabout, rapportant un objet mystérieux dans un sac de cuir, les femmes de la tribu alliée lui dirent que ta bataille était finie.

Ele revint au camp, anxieuse, haletante, epmsée, marchant d'un pas ûevrenx sur le sable chaud, portant sur le dos son petit enfant toujours endormi, roulé dans une pièce d'étoffe bleue.

Le premier qu'elle aperçut, ce fut le musul.man Nyaor-taU, le spahi noir, qui la regardait gravement venir, en égrenant son long chapelet du Maghreb.


Bana ht tangue du paya, elle dit ces tMÏs mots saccades: < 0& est.M?.<

Et Nyaor, d'un geste KcueiM, étendit son bMS wrn te snd de pays de Mamhow, dans la d<M&' tien des champs de DMatttr.

jt~'haa Ct-N. M a ~gné le paMdbt.


xxvm

Tout le jour, 1 atou-gaye marcha Mvreusement dans les halliers, dans les sables, traînant toujours son petit enfant endormi sur son dos. Elle allait, venait, courait par instants, avec des allures Mes de panthère qui aurait perdu ses petits; eUe cherchait toujours,. sous l'ardent soleil, sondant les buissons, fouillant les brousses épineuses.

e v v

Vers trois heures, dans une plaine aride, elt: aperçut un cheval mort, puis une veste rouge, puis deux, puis trois. C'était le champ de b déroute, c'était là qu'Hs étaient tombés, les

spahM. v


Par-ci par-la, de maigres breussaules de mimosas et de tamaris dessinaient sur Je sol jaune des ombres tenues, qui semblaient emiettëM par le soleil. Tout an loin, an bout de cette p!aUtude sans bornes, la silhouette d'en village aux huttes pointues appamissait dans le profond boftzonbten.

Fatou-gaye s'était arFetêe, tremblante, terriMe.EUe rayait reconnu, lui, là-bas, étendu avec les bras raidis et la bouche ouverte au soleil, et eHe récitait je ne sais queHe invocation du rite païen, en touchant les grisgris pendus à son cou noir.

EHe resta ta longtemps, A parler tout bas, avec des yeux hagards, dont lebianc s'était injecte de taches rouges.

Elle voyait de loin venir de vieilles femmes de ïa tribu ennemie qui se dirigeaient vers les morts, et elle se doutait de quelque chose d'horrible.

Les vieilles négresses, hideuses etiuisantessous te soleil torride, trainant une acre odeur de sottmare, s'approchèrent des jeunes hommes avet


m cMqoet!a de g~aa~s et de ~MveterÏea; elles les remuèrent dw pied, avec des ~)~, des ttHeccbements o~see~~es, des paMtes bartesqaes semblaient des cria de siages d!es vïoMent ees mer~ avec Mne beaCbnne~e macabM. Et pais elles lu dépeaïMtFMH de leurs hoatem dor<s,qa'eMes mirent dans team cheveux oj~pas; eties prirent leaM epefona d'ader, tem~ve~M rooges !MMceintaM9.

Fatou-t~ye était tapie derrière son buisson, ramassée sur eMe-même, comme une chatte en arrêt; quand wmt le tour de Jean, eMe bondit, les ongles en avant, en poussant des cria de bête, injuriant les femelles noires dans âne langue inconnue. Et Fentant, qui s'étah )reve!Be, se cramponnait eNirayé au dos de sa mère furieuse et terrible.

Etes eorent peur, tes temeUes noires, et recu!erent.

Leurs bras, d'aMtemrs, étaient assez chapes de batin; elles pensèrent que, demain, elles ponr* raient Mwnir. Elles échangèrent des paroles


queFatou'gayene savait pas comprendre, et s'éloignèrent, en se retournant encore pour lui adresser des rires féroces, des moqueries de eMmpanzéa.

Quand Fatou-gaye tut seule, accroupie tout à côté de Jean, eUe rappela par son nom. Ene cria trois fois < T~ean 1. T~ean Tjean! t d'une voix gre!e qui retentissait dans cette solitude comme la voix de la prêtresse antique appelant les morts. Elle était là accroupie sous l'implacable soleil d'Afrique, les yeux fixes, regardant au loin, sans voir, le grand horizon brûlant et morne; –eue avait peur de regarder langure de Jean.

Les vautours abattaient impudemment leur vol près d'elle, fouettant l'air lourd de leurs grands éventails noirs. Ils rôdaient autour des cadavres, ils n'osaient pas encore. les trouvant trop frais.

Fatou-gaye aperçutia médaille de la Vierge dans la main du spahi; elle comprit qu'en mou-


raatH avait prié. EKo aussi avait des médailles de la Vierge et un scapulaire, môMs aux grisgris qui pendateot & son cou; a Samt-Louis, des prêtres catholiques ravalent baptisée, mais ce 1 c'était pas en ceux-là q<t*et!e avait foi.

EUe prit une amulette de cuir, que jadis, dans le pays de Galam, une femme noire, sa mère, lui avait donnée. C'était !&ie fétiche qu'elle aimait et qu'elle embrassa avec amour.

Et puis elle se pencha sur le corps de Jean, et lui souleva la tête.

De la bouche ouverte, d'entre les dents blanches, sortaient des mouches bleues, et un liquide déjà fétide découlait des blessures du thorax.


XX!X

Alors elle prit son petit enfant pouri'etrangter. Comme eue ne voulait pas entendre ses cris, elle lui remplit la bouche de sable.

Elle ne voulait pas non plus voir la petite figure convulsionnée par l'asphyxie; avec rage elle creusa un trou dans le sol, elle y enfouit la tête, et couvrit encore de sable.

Et puis, de ses deçà matns, eMe.sefra te&coa; eUe serra, serra bien fort, jusqu'à ce que les petits membres vigoureux qui se raidissaient sous la douleur fussent retombés inertes.

Et, quand l'enfant fut mort, elle le coucha sur la poitrine de son père.

Ainsi mourut le fils de Jean Peyrat. Mys-


tore! Quel Dieu l'avait poussé dans la vie, celui-là, l'enFant du spahi?. qu'était-il vena chercher sur la terre, et ou s'en retournait-H? f Fateu-gaye ptewM alors des larmes de sang, et ses gémissements retentirent, déchirants, sur les champs de Dialakar. Et puis elle prit le sac de cuir du marabout, elle avala une pâte amère qui y était contenue, -et son agonie commença, une agonie longue et cruelle. Longtemps elle ra!a au soleil, avec des hoquets horribles, déchirant sa gorge de ses ongles, arrachant ses cheveux mêlés d'ambre.

Les vautours étaient autour d'elle, la regardant finir.

t. <


XXX

Quand le soleil jaune se coucha sur les plaines do Diamhour, le raie était fini, ren&Bt ne sou~&'a!t plus.

E!Ie gisait, étendue sur le corps de Jean, serrant dans ses bras raidis son fils mort. Et la première nuit descendit sur ces cadavres, chaude, étoilée, avec le sabbat de la vie sauvage, c<Mmceac& mystérieusement en sourdine, <ur tous les points de la sombre terre d'AMqne.

Le même soir, le cortège de noces de Jeanne passait là-bas, au pied des Cévennes, devant la chaumière des vieux Payral.


XXXI

AMTBËOSN

C'est d'abord comme un gémissement lointain, parti de l'extrême horizon du désert; puis le concert lugubre se rapproche, dans l'obscurité transparente glapissements tristes de chacals, miaulements aigus d'hyènes et de chatstigres.

Pauvre mère, pauvre vieille femme! Cttte forme humaine qu'on voit vaguement dans l'ombre, qui est là étendue, au milieu de cette solitude, la bouche ouverte sous le ciel tout semé d'étoiles, qui dort là à l'heure eu s'é-


veillent les bêtes fauves, et qui ne se relèvera plus, pauvre mère, pauvre vieille femme 1, ce cadavre abandonné, o'est votre nls!

Jean! entre dans la ronde 1

La bande affamée arrive doucement dans la nuit, irolant les halliers, rampant sous les hautes herbes; à la lueur des étoiles eUe entonne sur les corps des jeunes hommes, et commence le repas voulu par l'aveugle Nature: tout ce qu vit se repaît, sous une torme ou sous uneautre, de es qui est mort.

e e

L'homme, dans sa main endormie, tient toujours sa médaille; la femme, son grisgris de cuir. Veillez bien sur eux, ô précieuses amulettes.

Demain, de grands vautours chauves continueront l'œuvre de destruction, et leurs os traîneront sur le sable, éparpillés par toutes les bêtes du désert, et leurs crânes blanchiront au sole! touillés par le vent et par les sauterelles.


~tMMt pafaa<a a<t c~a Oau, ~ewt paMM «ans h ehtMMOt5re,–p&M wurM par haona, qui t~wM & wtM Ma, au hMW je~M hennae ea ~«ste Mwge, vte!e m~M qui pf!M te 8o!r p<nw t'abaeet, ~ïeM paMBts, aMendœt votre Ma, aMcndez te 8pa!t!~<r-~

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