L BIBLIOTHÈQUE DE TJ ÈLEV EU R HtSTOtRE III HARNACHEMENT ET DE LA FERRURE
IDIT CHEVAL
2« édition
ORNÉ DE 163 FIGURES
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Pierre MEGNIN, Ancien Vétérinaire de l'Armée
MEHIBKK DEC L'ACADEMIE PE MÉDBCJNR
Tous droits réserves
a VINCENNES AUX BUREAUX DE L'ÉLEVEUR 6, Avenue Aubert, 6 0
1904 #
HISTOIRE Du Harnachement & de la Ferrure DU CHEVAL
BIBLIOTHÈQUE DE LELEVEUR
HISTOIRE DU HARNACHEMENT ET DE LA FERRURE DTJ CHEVAL
2° ÉDITION
ORNÉ DE 163 FIGURES
PAK
Pierre MEGNIN, Ancien Vétérinaire de l'Armée
MEMBRE DB L'ACADÉMIE DE MEDECINE
Tous droits réservés
VINCENNES AUX BUREAUX DE L'ÉLEVEUR 6, Avenue Aubert, 6
1 804
HISTOIRE DU HARNACHEMENT
HISTOIRE DU HARNACHEMENT DU CHEVAL
L'histoire du harnachement du cheval est, par le fait, l'histoire de la domestication de cet animal. Nous avions donné, en 1895, dans l'Eleveur, quelques articles sur les premières formes de brides et de mors que l'archéologie nous a fait connaître. Ce premier travail nous a mis en goût de faire des recherches plus approfondies sur ce sujet et depuis nous avons accumulé des documents qui vont nous permettre de faire une histoire assez complète du harnachement depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Nous savons que cette question intéresse certains amateurs qui ont particulièrement insisté pour que nous la traitions. Nous pensons qu'elle en intéressera d'autres et que la plupart des lecteurs liront nos articles avec intérêt. Pour commencer et comme terme de comparaison nous allons donner la ilgure d'un harnachement moderne du cheval de voiture de luxe et la nomenclature des diverses pièces qui le composent.
Légende de la figure 1 ci-contre donnant la nomenclature des pièces du harnachement d'un cheval attelé à une voiture moderne, comme un coupé, une victoria, ou un milord.
1. Dessus de tête.
2. Frontal.
3. Montant de la bride.
4. Muserolle.
5. Sous-barbe.
6. Sous-gorge.
7. Panurge.
8.Œuillere.
9. Rênes.
10. Mors de filet.
11. Mors de bride.
12. Porte-mors de guide.
13. Corps de guides.
14. Mains de guides.
15. Martingale.
16. Collier.
17. Attelle.
18. Coulant d'attelle.
19. Courroie d'attelle.
20. Anneau de guides d'attelle.
21. Traits.
22. Boucleteau de trait.
23. Sellette.
24. Crochet d'enrènement.
25. Anneau de guides de la sellette.
26. Dossière.
27. Porte-brancard.
28. Contre-sanglon du porte-brancard.
29. Sangle de la sellette.
30. Chape de croupière.
31. Croupière.
32. Culleron.
33. Branche de fourche de croupière.
34. Reculement ou avaloire.
35. Courroie de reculement.
36. Anneau d'avaloire.
37. brancard de voiture.
38. Passant de platelonge.
(La platelonge est absente; elle se place sur la croupe et ses extrémités s'enroulant autour des bran ards dans l'anneau ci-dessus. Elle se place pour empêcher les ruades)
FIG. 1.
CHAPITRE PREMIER
Le Harnachement préhistorique
A l'époque quaternaire, nommée paléolithique par les archéologues, le cheval était très abondant dans notre pays, mais exclusivement sauvage; ses caractères étaient les mêmes partout et ils se sont conservés, chez ses descendants libres, exactement les mêmes jusqu'à nos jours.
Il a suivi en cela une règle générale qui n'offre pas d'exceptions.
A l'époque néolithique, séparée de la précédente, aussi bien que la nôtre, ou historique, par un nombre incalculable de siècles, on trouve un certain nombre d'animaux domestiqués, le chien d'abord, qui se montre dans les kjœkkenmœdding du Danemark au milieu de débris d'animaux sauvages et constituant là la première trace de domestication. Puis, dans tous les autres gisements néolithiques d'Europe, on rencontre très abondamment et très uniformément répartis les débris de cochon, de mouton, de chèvre, de bœuf et de cheval. » On voit que les quatre premiers, dit M. de Mortillet (1), formaient la base d'une
(1) Origines de la chasse, de la pèche et de l'agriculture, Paris 1890.
nourriture régulière que l'on réglait suivant les besoins. Ils devaient être parqués comme réserve ; seulement, pour ménager cette provision, l'homme continuait de chasser. Mais les ossements des animaux sauvages, produits de la chasse, sont mêlés à ceux des animaux domestiques d'une façon fort irrégulière, et très variés d'espèces suivant les localités.
« Quant au cheval, continue l'auteur que nous citons, il se comporte d'une manière spéciale. Extrêmement abondant à Solutré et dans d'autres stations paléolithiques, il devient rare et même exceptionnel dans les stations néolithiques. Cela tient à ce que, dans les temps quaternaires, le cheval était exclusivement un produit alimentaire. Complètement sauvage, on le chassait comme tout autre gibier, et une fois pris ou tué, on le mangeait.
Quand il a été domestiqué, d'animal de bou- cherie il est devenu animal de service. On ne le mangeait donc plus qu'exceptionnellement ; c'est pour cela qu'on ne trouve ses ossements, dans les rejets de repas néolithiques, que d'une manière exceptionnelle et fort irrégulière. Il en est exactement de même du chien.
« Tous les animaux domestiques que nous rencontrons dans les stations néolithiques d'Europe ont, ou avaient, dans les temps paléolithiques, des représentants sauvages soit dans l'Europe méridionale, soit dans l'Asie centrale. Leur domestication a donc dû s'opérer dans ces parties de l'ancien continent. »
La question de la domestication du cheval
ne s'éclaire réellement que dans la période nommée l'âge du bronze. On ne trouve pas plus d'ossements de chevaux dans les statious de cette époque, mais on y trouve des objets qui prouvent irréfutablement que le cheval était utilisé, comme, par exemple, des mors de bride, dont le Musée préhistorique de SaintGermain possède plusieurs beaux exemplaires
FIG. 2.
qui ont été dessinés, à une échelle uniforme, par M. de Mortillet fils, pour l'ouvrage de son père, et que nous reproduisons ci-dessous d'après ces dessins, et exactement en demi-grandeur, en même temps que nous extrayons dudit ouvrage les renseignements suivants : Le plus complet de ces mors de bride est celui de la figure 2, tout en bronze, provenant de la palafitte (restes d'habitation lacustre sur pilotis) larnaudienne de Mœringen (lac de Bienne). Il se compose d'un canon tordu et brisé, fixé par ses extrémités à deux branches
arquées d'une forme toute particulière, véritables barrettes, munies vers leurs extrémités d'anneaux fixes pour l'attache des montants, en corde ou en lanières.
F i c,. ;.
D'autres mors de bride, ou fragments de mors ont été retirés, soit de la même station, soit de celle de Corcelettes (lac de Neuchâtel).
A Vaudrevanges, près Sarretouis, on a trouvé
FIG. 4.
des mors analogues, mais à canon et à branches séparés ; ici le canon est aussi tordu, mais entier (fig. 3B, C).
Les branches de ces mors en bronze varient beaucoup entre celui de Mœringen (fig. 2), le plus élégant, et celui trouvé dans l'endroit dit « la cachette du marchand », à Réallon (Hautes-Alpes),
un des plus simples, avec trous des extrémités en sifflet (fig. 3, A) ; il y a diverses formes intermédiaires et voisines ; M. de
FIG. 6. — Attelage égyptien de l'époque pharaonique,
- 17 -
périeur et inférieur, au contrair P p ,
généralement ronds, servaient %Ms ,..
cordes ou lanières de cuir con * montants et les rênes. » f) Pour avoir une idée de la manière s * i mors de bride antiques étaient montés ettiïlij
à la tête du cheval, il n'y a qu'à se reporter aux anciens bas-reliefs égyptiens et assyriens représentant des attelages ou des guerriers à cheval ou en charriot ; les chevaux portent des mors de bride exactement semblables à ceux trouvés dans les palafittes de la Suisse ou dans les cachettes des fondeurs de l'époque larnaudienne, ce qui est assez curieux, vu la distance qui sépare ces lieux de l'Assyrie et de l'Egypte.
La gravure ci-contre (fig. 6) est la reproduction exacte d'une photographie prise sur une peinture des anciens monuments égyptiens montrant un attelage de l'époque pharaonique de 15 à 1800 ans avant J.-C.
Comme nous l'avons dit déjà précédemment, la bride de cheval, de la période préhistorique dite de l'âge de Bronze, était un simple mors de bridon, droit ou tordu, entier ou brisé, muni à chaque extrémité de barrettes arquées qui maintenaient le mors en bonne position dans la bouche et aux extrémités desquelles se trouvaient des trous ou des anneaux pour l'attache des montants.
Ces mors à barrettes étaient en bronze pour les grands chefs ou personnages élevés, et en bois avec barrettes en corne de cerf pour le
vulgaire. Ce genre de bride s'est perpétué pendant longtemps en Egypte et en Assyrie et il avait sans doute été apporté en Gaule par les Phéniciens qu'on regarde comme les introducteurs en Europe de l'industrie du bronze vers le XXe siècle avant notre ère. Le mors de ce genre de bride, comme on peut le voir sur les peintures égyptiennes de la XVIIIe dynastie et sur les bas-reliefs assyriens, de quelques siècles postérieurs, étaient maintenus en place par deux montants qui s'attachaient aux extrémités des barrettes et se rejoignaient sous les oreilles de chaque côté à un frontal, une têtière et une sous-gorge; le point de réunion était masqué par une cocarde qui était peutêtre une phalère dont nous parlons plus bas (voir la fig. 7).
Les autres pièces du harnachement de cette époque sont inconnues, parce qu'elles étaient sans doute faites en matières qui n'ont pas résisté à l'action du temps, cuir ou étoffes.
Dans les tombeaux, où l'on avait l'habitude, pour les honorer, d'enterrer les chevaux des grands chefs avec leur maître, on a trouvé avec les mors de bride des anneaux accouplés par deux ou par trois qui devaient être attachés aux pièces de cuir. On a trouvé aussi des sortes de grands boutons plats ayant jusqu'à 13 centimètres de diamètre, avec une queue centrale d'attache, et que les archéologues nomment phalères. C'était aussi des ornements du cheval, peut-être attachés de chaque côté de la tête comme cocarde et pour
FIG.7. — Char égyptien; copie d'une photographie d'une peinture d'un monument de Thèbes du xnn" siècle av. J. C.
unir les pièces de cuir ou de corde de la bride.
Dans la trouvaille préhistorique de Vaudrevauges qui a fourni deux beaux mors de bride semblables à ceux de la fig. 3 B et C, ce qui montre bien qu'il s'agissait d'un attelage à deux; il y avait, en outre, dit M. de Mortillet : « 4 tubes pareils entièrement creux avec un renflement à l'une des extrémités : ces tubes servaient de poignées pour l'extrémité des rênes qui, pour un attelage à deux chevaux, étaient au nombre de quatre. Ces rênes, pour passer par l'ouverture des tubes, devaient être des cordes ou cordons ronds et non des courroies plates comme de nos jours. Pour qu'elles n'échappent pas du manche on faisait à leur extrémité un nœud qui se logeait dans le renflement terminant le tube. Dans la palafitte d'Auvernier, lac de Neuchâtel, on a trouvé un magma de métal à demi fondu montrant les trous de quatre tubes analogues à ceux de Vaudrevauges. Des anneaux en bronze sortent du renflement, ce qui montre que le nœud terminal des rênes retenait un anneau. La bibliothèque de Nancy possède deux jeux de quatre tubes chacun, tubes analogues de ceux de Vaudrevauges (1). » Pour conduire deux chevaux aux vives allures avec des rênes en cordes, il fallait protéger les mains contre la rudesse de ces cordes forte-
(l, Loco citato.
ment tendues ; à l'époque préhistorique on enveloppait ces cordes d'un tube de métal ; aujourd'hui on se sert de gants en bon cuir.
Harnachement égyptien et assyrien. — Nous lisons dans Prisse d'Avesnes (1) : « Bas-reliefs, attelages — Thèbes — XXlUe dynastie. Les Egyptiens ne paraissent pas avoir connu le cheval avant l'invasion des hordes asiatiques connues dans l'histoire sous le nom de Hyksos. Ce n'est qu'à partir de la XVIIIe dynastie (XVIIIe siècle avant J.-C.) qu'on le trouve représenté sur tous les grands monuments ; mais l'inexpérience des artistes se fait toujours sentir durant toute l'époque monumentale; jamais, en effet, ils ne réussirent à traiter le cheval avec la perfection qu'ils apportaient à représenter les autres animaux.
IL y a toujours quelque chose de raide dans les jambes, de guindé dans l'encolure, de mesquin dans le corps et de maniéré dans l'ensemble; ils ne surent jamais s'en affranchir. »
« Il s'agit, dans cette citation, dit M. de Mortillet, de chars attelés chacun de deux chevaux. C'est, en effet, à des attelages semblables qu'ont tout d'abord été employés les chevaux en Egypte. Les premiers chars étaient des chars de guerre et de chasse, ce qui
(1) Prisse d'Avesnes. — Notes sur l'Histoire de l'art égyptien, texte de Marchandon de la Fage, 1879, p. 403.
montre que l'introduction du cheval et du char fut faite simultanément. C'est le résultat d'une conquête. Les Egytiens, victorieux d'un peuple, en ont pris comme butin et les ont amenés chez eux. C'est ainsi que s'est établi tout d'une pièce l'usage du cheval et du char de guerre, sous le règne d'un roi belliqueux, Ahmès 1er, qui a chassé les Hyksos (1). »
Nous avons déjà représenté (fig 6) un char égyptien attelé de deux chevaux, que nous avons copié sur la photographie d'une peinture d'un monument égyptien de la XVIIIe dynastie. En voici un autre, extrait de la même photographie, représentant un char semblable attelé aussi de deux chevaux, seulement le cheval de gauche est si bien dissimulé par le cheval de droite qu'on ne voit que sa queue située de l'autre côté du timon. Tous ces chevaux sont attelés et bridés de la même façon et nous sommes étonné que M. de Mortillet, qui donne dans son livre une gravure qui est une variante de notre figure 6, l'intitule : « Char égyptien avec chevaux sans mors. »
Les mors sont bien distincts chez tous dans la photographie que nous possédons, et ce sont des mors à barrette tout à fait semblables à ceux dont nous avons parlé plus haut. M. de Mortillet n'a pas eu sous les yeux notre photographie, et sa gravure est sans doute une reproduction de seconde main. La bride entière est comme nous l'avons décrite. Quant
(5) Loco citato.
au reste du harnachement, c'est un joug matelassé qui s'appuie sur le garrot où il est maintenu par une large pièce, matelassée de même, appuyant sur le poitrail comme une bricole, et une autre pièce de même forme et du même travail, faisant office de sangle. Le bout du timon est fixé très certainement sur une pièce reliant les deux jougs, car il y a un joug pour chaque cheval, ccmme le montre notre figure 6.
Les représentations de chevaux montés sont bien moins nombreuses que celles de chevaux attelés à un char, dit M. de Mortillet, et tandis que ces dernières partent du XVIIIe siècle avant notre ère, les premières ne se montrent que vers le XVIe. Dans les représentations de chevaux montés, la tête seule de l'animal est harnachée et les cavaliers sont complètement à poil. Au musée de Boulogne existe un basrelief égyptien, qu'on peut reporter au temps de Ramsès II, et qui représente un jeune homme nu sur un cheval; celui-ci est exactement dans les conditions que nous indiquons.
Le Harnachement chez les Assyriens. —
Nous avons déjà dit que la bride du cheval chez les Assyriens était la même que chez les anciens Egyptiens et aussi que chez les peuples de l'Europe occidentale de l'âge du bronze.
Nous ajouterons qu'il est très probable qu'elle était chez les uns et chez les autres de fabrication phénicienne. En effet, les Phéniciens, que les historiens appellent les
FIG. 9. — Cheval assyrien pris sur les mêmes bas-reliefs du palais de Koyoundjik.
anglais de l'antiquité, furent non seulement de hardis navigateurs, les premiers qui osèrent s'éloigner des côtes, mais des commerçants accomplis et même pirates, et d'habiles industriels. Ils fondèrent des colonies sur toutes les côtes de la Méditerranée, entre autres à Carthage, à Cadix, à Marseille ; ils remontaient les fleuves pour rechercher les minerais précieux en même temps qu'ils trafiquaient des objets de leur industrie.
Ils. avaient le monopole du commerce de l'Egypte, celui d la Syrie, de la Grèce, de la Judée, de la Mésopotamie, etc , le commerce des chevaux, que produisait en grand nombre l'Arménie, se faisait par leur intermédiaire.
Quoi d'étonnant que les mors de bride en bronze que nous voyons les mêmes en Egypte, en Assyrie et sur les bords du Rhône et de la Saône, fussent dûs à l'industrie des Phéniciens, qui servaient de trait d'union aux peuples de ces différents pays. Remarquons que les mors de bride en bronze, les premiers que l'on trouve en Europe et qui remontent à l'époque préhistorique dite de l'âge de bronze, sont infiniment plus parfaits que ceux en fer que nous verrons plus tard employés par les Celtes et les Gaulois d'avant la conquête romaine.
Il existe au musée de Kinzigton à Londres des bas-reliefs assyriens rapportés par M.
Layard et provenant des fouilles des ruines du palais de Koyoundjik qui avait été érigé par Senacherib 700 ans avant notre ère, et qui fut détruit lors de la chute de l'empire Assyrien.
Ces bas-reliefs représentent des chasses aux animaux sauvages, des cavaliers tirant de l'arc et des chevaux attelés.
Nous représentons fig. 8, un grand chef sur un grand cheval au galop suivi d'un écuyer qui lui tend des flèches de rechange. Le cheval de ce grand chef, — qui est peut être Assour-bani-pal lui-même, restaurateur du palais de Koyoundjik, dont la plupart de ces bas-reliefs rappellent les hauts faits, — porte une bride dont le mors est exactement semblable à celui représenté fig. 2. — Du reste un de ces mors, trouvé dans les ruines, figure au même musée — Il est facile, en voyant la figure que nous donnons, de voir comment cette bride est montée et combien les garnitures de la tête et du cou sont complexes et plus luxueuses sur le cheval du chef que sur celui de l'écuyer. Une chose à remarquer c'est que les rênes sont fixées à une sorte de collier en corde faisant le tour de l'encolure et cela pour laisser an cavalier la liberté de ses mains. Les chevaux devaient être conduits surtout avec les jambes et le cavalier ne devait toucher aux rênes que pour faire tourner rapidement le cheval à droite ou à gauche. Le chef est assis sur un riche tapis en guise de selle, lequel tapis est maintenu en place par un large poitrail, très orné, à trois rangs de franges.
On ne voit ni sangle, ni croupière ; par contre chez tous les chevaux assyriens, la queue, qui est à tous crins, est attachée en son milieu.
La fig. 9 nous montre que les chevaux en
Fw, 10 G ne ri , j.«;l (.juivai_
FIG. 11. — Guerriers assyriens sur un char de guerre.
mains sont conduits d'une manière très simple sans licol ni bridon, mais par une simple corde formant une sorte de nœud qui entoure la mâchoire inférieure à l'endroit rétréci des barres. Ce procédé est encore, du reste, mis en pratique de nos jours avec la longe du licol.
Le musée du Louvre possède de nombreuses sculptures ou bas-reliefs provenant du palais de Khorsabad dont les ruines ont été découvertes et explorées par M. Bota, en 1842, sur l'emplacement de Dour-Saryoukin, le Versailles bâti par Sargon à peu de distance de Ninive. Les bas-reliefs qui nous intéressent particulièrement représentent des guerriers assyriens à cheval, et d'autres groupés par quatre sur des chars de guerre.
Que le cheval soit monté ou qu'il soit attelé, son harnachement ne diffère guère. La bride est la même et montée de la même façon, que celle du cheval de Assour-bani-pal dans les bas-reliefs du palais de Koyoundjik que nous avons représenté précédemment (fig. 8). Dans la figure 10 les rênes sont très courtes et fixées à un très fort collier en corde qui fait le tour du cou au milieu de l'encolure et qui porte en avant une sorte de houppe tombant sur le poitrail. Au lieu du luxueux tapis d'Assour-bani-pal, nous voyons ici une sorte de schabraque couvrant le dos, les reins, les flancs, les côtes et le poitrail, très analogue à la couverture d'écurie qu'on met de nos jours aux chevaux de course en promenade et qui n'en diffère que par les
quatre pointes larges et arrondies qui tombent de chaque côté.
Chez le cheval attelé (fig. 11) la bride et la couverture schabraque sont les mêmes que chez le cheval monté, seulement la bride est enrênée au char et nous voyons le joug fixé sur le garrot par deux larges colliers s'appuyant l'un en haut l'autre en bas du poitrail et se réunissant au joug. Il y a évidemment deux chevaux entre lesquels passe le limon du char, bien qu'on n'en voie qu'un ; ce qui le prouve ce sont les deux paires de rênes que le soldat conducteur a dans les mains et dont nous ne voyons pas les rapports avec la bride.
La pièce à larges dents qui figure la crinière, dans les deux figures, représente-t-elle les crins tressés dont les extrémités seraient rattachées à celles du côté opposé par un lien qui contournerait le cou en avant ? ou est-ce un ornement dentelé qui recouvrirait la crinière? Nous penchons pour cette dernière hypothèse.
Chez les Gaulois. — Les Phéniciens passent, comme nous l'avons déjà dit, pour être les importateurs des métaux en Gaule; d'après l'opinion commune ce sont eux qui au XIIIe siècle avant J.-C., auraient enseigné aux Gaulois l'art d'exploiter les mines et de manipuler les métaux. L'historien Henri Martin pense que cet art les a précédé car il aurait été déjà connu des Kimris ou Gaulois orientaux d'entre
l'Euxin et l'Oural. Dans tous les cas le génie industriel et commercial des Phéniciens l'avait perfectionné en Gaule.
Quelques centaines d'années plus tard nous voyons que les leçons des Phéniciens ont bien profité à nos ancêtres. Nous lisons, en effet, dans Henri Martin. (Histoire de France, t. 1, p. 90.) « Du commencement du Ille siècle avant notre ère à la un du second, la physionomie de la Gaule change peu à peu et surtout dans les régions du centre et du sud. Le commerce remonte les fleuves jusqu'au cœur du pays, passe d'un bassin à l'autre par de faciles partages et de belles routes. La nombreuse marine de Venctes (Vannes) le plus puissant des peuples armoricains, accapare presque le négoce des îles et des côtes océaniques. Les Gaulois ne se contentent plus d'arracher l'or aux riches filons de leurs montagnes ; ils manipulent eux-mêmes leurs métaux au lieu de les vendre aux étrangers. Ils perfectionnent la trempe du cuivre, commun aussi dans la Gaule. Ils frappent des monnaies où l'imitation des types grecs se combinent fréquemment avec les insignes nationaux, le sanglier adopté par la race gauloise toute entière et le cheval adopté par les Armoricains et les Sequanais et plus tard par les Arvernes. Les Biturges fabriquent toute espèce d'ustensiles en fer ; les Edues en fabriquent d'or et d'argent. L'esprit ingénieux des Gaulois découvre une foule de procédés qui ont échappé à 8
1'0 ri ent, à la Grèce, à l'Italie; les Biturges imaginent l'étamage ou application à chaud de l'étain sur du cuivre. Puis les habitants d'Alézia, ville fameuse encore malgré sa déchéance appliquent pareillement l'argent sur le cuivre et, grâce à ce brillant placage, les chevaux et les bêtes de somme semblent porter des freins et des jougs d'argent ; les chefs semblent montés sur des chars d'argent. »
C'est surtout dans les tumulus servant de sépulture à des guerriers que l'on trouve des indications sur le harnachement du cheval, car on inhumait ensemble cheval et cavalier chez les Celtes et cet usage existait encore en Gaule avant l'arrivée des Romains.
« Les cimetières de la Marne, dit M. de Mortillet (1), ont fourni d'assez nombreux exemples de ces inhumations. Une de ces tombes, fouillée par Fourdrignier, a été reconstituée au musée de Saint-Germain. » Les mors des brides de ces sépultures sont constituées par des canons brisés sans barettes latérales, ces barettes sont remplacées par de larges anneaux. Notons que la longueur de ces canons est de 10 centimètres, exceptionnellement de 11, et qu'ils s'appliquaient par conséquent à de petits chevaux, ce qu'avaient déjà montré les fers à cheval du même temps.
L'usage de l'inhumation du cheval de selle ou des chevaux du char avec leur maître s'est
(1) Loco citatu.
FIG. 12. — A demi grandeur.
FIG. 13. — Au tiers de grandeur.
prolongé assez tard en Europe. Il a eu une dernière application, en 1781 à Trêves : le cheval de Frédéric Casimir, commandant la cavalerie du Palatinet, fut tué sur sa tombe et enterré avec lui (1). Et de nos jours encore, comme survivance de cette tradition, on voit le cheval couvert d'un crêpe suivre le corbillard de son maître, quand celui-ci est un grand chef militaire.
Des pièces de harnachement gaulois ont été exhumées dernièrement dans des fouilles pratiquées aux environs de Fère-en-Tardenois par un zélé archéologue, M. Frédéric Moreau, qui vient de mourir centenaire. Tous les produits des fouilles de M. Moreau constituent une collection, dite Collection Caranda, du nom d'un moulin près duquel elles ont été faites. Les objets de cette collection sont représentés sur de grandes feuilles en chromo-lithographie et de grandeur naturelle. Près de 150 feuilles sont ainsi réunies et constituent le plus précieux document d'archéologie lo- cale que nous connaissions. Nous en avons extrait tout ce que nous avons trouvé se rapportant au harnachement. La planche 94, nouvelle série, représente les produits d'une fouille faite à Chasseay en dehors d'une nécropole explorée il y a vingt ans, d'un guerrier inhumé avec son cheval de combat. Ces objets sont : une épée, deux chainettes (une en bronze et une en fer), deux gros boutons
(1) Kemble, cité par Cochet, le tombeau de Childéric 1er , 1859, p. 171.
plats en cuivre (phalères), un mors de bride composé d'anneaux (fig. 12), deux bracelets ou petits torques en fer à extrémités garnies de boutons de cuivre, deux pièces minces arquées, en cuivre, qui étaient clouées sur une pièce du harnais, peut-être le joug, et enfin plusieurs boutons en fer gros et petits.
Malheureusement la situation et le rôle de ces différentes pièces dans le harnachement ne se comprend guère que pour les fers à cheval et pour le mors, les pièces en cuir ou en bois ayant disparu.
La planche 140 de cette même Collection Caranda, représente les objets trouvés dans une sépulture gauloise d'avant la conquête, aux Grévières de Ciry Salsogne (Aisne) : belle torque en bronze avec pendeloques, bracelet, fibule, anneaux en bronze et en ambre, amulette en silex, objets de toilette et un mors de cheval en fer (fig. 13). Ce mors, dont l'embouchure est de 12 centimètres, est à canon brisée dont les deux parties sont reliées par un petit anneau et dont les extrémités portent deux grands anneaux de 8 cent. 1/2 de diamètre.
Il est regrettable que chez les Gaulois, où la religion druidique ne permettait que les constructions en bois, aucun monument artistique n'ait survécu et que nous soyons privé ainsi de représentations authentiques de ces rudes cavaliers, dont Henri Martin (1) nous fait le portrait suivant : « Rien de splendide
(1) Loco citato, t. 1, p. 33.
et de terrible à la fois comme l'aspect d'un chef de guerre gaulois. Sa haute taille est encore rehaussée par son casque d'airain fait en forme de mufle de bête sauvage et surmonté de cornes d'urus ou d'élan, d'ailes d'aigle ou de crinières flottantes. Ses yeux bleus ou verts de mer étincellent sous une épaisse chevelure dont l'eau de chaux a changé la couleur blonde en une teinte enflammée.
De longues moustaches rousses ombragent ses lèvres. Sur son grand bouclier quadrangulaire se relève en bosse quelques figures d'oiseau ou d'animal sauvage, emblème adopté par le guerrier. Un énorme sabre pend sur sa cuisse droite ; il tient à la main deux gais (gœsia en latin, épieu) ou une lance dont le fer, long d'une coudée et large de près de deux palmes, droit vers la pointe, recourbé à la base en replis sinueux, fait d'horribles et mortelles blessures. »
Période Gallo-romaine. — Nous avons montré, dans notre Histoire de la marêchalerie (page 15 et suivantes), que, chez les Gaulois, la métallurgie était pratiquée par une classe particulière de druides qui, dans des retraites mystérieuses où ils fabriquaient des armes, des pièces de harnachement, des fers à cheval, etc. Un des principaux résultats de la conquête romaine fut la vulgarisation de l'industrie. De véritables manufactures d'armes, où travaillaient les industriels gaulois réduits en esclavage, furent établies en Gaule par les
soins des empereurs; nous en comptons jusqu'à huit : une de toutes espèces d'armes à Strasbourg, une de flèches à Màcon, une de cuirasses à Autun, une de boucliers, de machines de jet (balistes) et d'armures en écailles de fer (clibani) à Soissons, une de grandes épées (spathœ) à Reims, deux de boucliers et de balistes à Trêves, enfin une de boucliers et d'épées à Amiens. Tous ces ateliers étaient sous la direction d'un ministre de l'Intérieur appelé maître des offices, dignité créée par Constantin (H. Martin, Hist. de France, I, p. 37).
Il est probable que les pièces de harnachement et les fers à cheval se fabriquaient aux mêmes ateliers et qu'ils n'avaient pas beaucoup changé depuis les temps celtiques. Les mors de cheval que l'on trouve dans nos musées et que l'on regarde comme étant galloromains sont en effet analogues à ceux que nous avons décrits comme gaulois et il en est de même des fers à cheval. Pour ces derniers, nous citerons, entre beaucoup d'autres, le fait suivant qui en donne la confirmation : « En 1844, rapporte l'abbé Cochet (1), il a été fait une découverte d'autant plus intéressante qu'elle paraît porter avec elle une date déterminée : à Yebleron, près d'Yvetot, on a trouvé un seau en bois avec anse et cercles en fer renfermant trois chandeliers en bronze dont
(1) L'abbé Cochet, Le tombeau de Childéric /, Paris 1862.
un porté sur un bouc ayant tout à fait le cachet antique, puis un contre de charrue, un marteau, un fer à cheval et un éperon (fig. 14).
Les quatre derniers objets sont en fer. Ce petit mobilier, en se basant sur le cachet artistique des chandeliers, ne peut être que galloromain ; le fer est ondulé à six trous et l'éperon ressemble aux nôtres à cela près que la
FIG 14.
molette est remplacée par une tête conique et aiguisée. »
Le fer à cheval n'a pas changé de forme depuis les temps celtiques les plus reculés ; quant à l'éperon, c'est la première fois qu'on voit apparaître cet accessoire du cavalier.
Comme nous le verrons plus loin, les romains et les grecs n'en portaient pas plus que les assyriens et les égyptiens. Mais si nous manquons de documents sur le harnachement militaire, nous en avons un très précieux sur le
harnachement du cheval attelé à un char qui nous est fourni par un bas-relief du n" siècle, figurant actuellement au musée d'Avignon et qui a été découvert il y a un certain nombre d'années à Vaison (Vaucluse). Ce bas relief ou plutôt ces bas-reliefs, car ils sont au nombre de deux, représentent l'un, un sacrifice par des prêtres payens, l'autre montre ces mêmes prêtres se rendant en voiture au lieu du sacrifice (fig. 15). Cette voiture est à quatre roues, à impériale, et traînée par deux chevaux de race assez commune. La bride paraît être un simple licol muni sans doute d'un mors pour donner attache aux quatre guides que tient le conducteur. Le collier des chevaux est curieux, en bois rembourré avec de longues attelles terminées en bec recourbé. Les traits partent du bas du collier et vont s'attacher à la voiture qui est aussi munie d'un timon. Les traits sont maintenus sur les flancs du cheval par une sangle bifurquée sur le ventre et qui maintient en même temps une sellette sur le dos. Il est à remarquer qu'au pied antérieur gauche du cheval de main, on voit distinctement un fer à cheval fixé par des clous. C'est le plus ancien monument artistique présentant cette particularité et prouvant qu'en Gaule la ferrure du cheval est bien antérieure au plus ancien document écrit que l'on possède sur ce sujet et qui est du ixe siècle et dû à Constantin Porphyrogénète. Du reste on a des preuves archéologiques qu'en Gaule la ferrure à clous est antérieure au IIIe siècle avant
FIG. 15. — Attelage Gallo-Romain.
J.-C., bien qu'elle ait été complètement inconnue aux Grecs et aux Romains.
Un fait digne de remarque, qui a trait à la période gallo-romaine et à la période franque, c'est que le goût du cheval et l'emploi de cet animal sur une large échelle a suivi toutes les fluctuations de fortune de la nation gauloise. Nous l'avous vue au moment de sa plus grande splendeur au 111e siècle avant J.-C., réunir des armées de cavaliers de plus de 60,000 hommes et des chariots attelés en quantité innombrable. Vercingétorix, en réunissant toutes les forces hippiques de la Gaule, trouve à peine 15,000 cavaliers. Dans la période gallo-romaine la cavalerie gauloise s'efface tellement qu'on n'en trouve plus de trace au moment de l'invasion des barbares. Il faut arriver jusqu'aux Carlovingiens pour voir le réveil de notre cavalerie nationale suivi bientôt après de celui de la chevalerie française, fille directe et légitime des colliers d'or de la table ronde dont les Gallois nous avaient précisément conservé les traditions.
La bride chez les Perses, les Grecs, les Etrusques, les Romains, les Sarmates, les Normands et les Italiens. — Grâce à M. A.
Geoffroy-Saint-Hilaire, qui nous le prêta pendant quelques jours, il y a quelques années, nous avons eu entre les mains un ouvrage extrêmement curieux et rare, intitulé : The Horses of antiquity, midle-ages, and Renaissance (d'après les plus anciens monuments jusqu'au
XVIe siècle) par Charles Berjeau, auteur dt Varieties of dogs. London, Dulau, 37, Sohw Square, 1867.
Cet ouvrage n'était composé presque que de gravures représentant des chevaux avec le harnachement du temps, copiés sur diverses œuvres d'art anciennes et authentiques. Nous aurions voulu posséder cet ouvrage mais aucun libraire anglais n'a pu nous en procurer un exemplaire, même d'occasion, car il est épuisé depuis longtemps.
Pendant qu'il fut en notre possession nous décalquâmes les têtes seulement, n'ayant pas le temps de copier les gravures entières. C'était l'essentiel car la plupart du temps, surtout chez les anciens, le harnachement se bornait à la bride, la selle avec ses accessoires ne datant que du Moyen-Age, et les renseignements de cette époque sont plus faciles à se procurer.
Nous donnons ci-dessous les décalques en question dans toute la série, nous proposant de revenir sur les harnachements romains, du Moyen-Age et de la Renaissance, avec les documents complémentaires que nous avons pu réunir. Les notices qui accompagnent chaque figure sont extraites de l'ouvrage même de Berjeau et sont suffisamment explicites pour que nous n'ayions rien à y ajouter.
Nous nous réservons cependant, dans les articles qui vont suivre, de revenir sur le harnachement du cheval du temps des Ro-
FIG. 16.
Tète de cheval provenant d'un bas-relief de l'ancienne Perse à Nekshi Roustan.
lemps de Cyrus (Ve siècle avant J.-C.)
FIG. 17.
Tète n cheval provenant d'une peinture d'un vase étrusque (IV. siècle avant J .-C.) représentant un jeune homme nu Sur un cheval au galop.
FIG. 18.
Tête de cheval provenant d'une peinture d'un vase grec (Ille siècle avant J.-C.), représentant un centaure donnant une leçon d'équitation (le centaure est un homme normal dont la tête domine celle du cheval).
FIG. 19.
Tête du cheval d'un cavalier Sarmate de la colonne Trajane (1er siècle).
FIG. 20.
Tête du cheval d'un cavalier romain de la colonne Trajane (1er siècle).
FIG. 21.
Tête du cheval de la statue de Marc-Aurèle (IIe siècle).
FIG. 24.
Tète de cheval d'un groupe de cavaliers italiens sur la célèbre fresque du Camposanto de Rome (XIV. siècle).
Apparition de la gourmette. ao,n• <i,ï" siwe > -
FIG. 22.
Tête du cheval d'un cavalier de la colonne Teodosienne à Byzance (Ve siècle).
FIG. 23.
Tête de l'un des deux chevaux conduits par un valet (tapisserie de Bayeux, IX. siècle). Ces chevaux sont sellés de selles à piquet ressemblant à des bâts et munies d'étriers qu'on voit apparaître pour la première fois.
mains, au Moyen-Age, à l'époque de la Renaissance et dans les temps modernes, grâce aux documents que nous avons réunis sur ce sujet et pour chaque époque, documents bien authentiques qui montreront les perfectionnements ou complications inutiles que subit la bride, l'apparition de la selle, qui fut dans l'origine un vrai bât, celle de l'étrier, des caparaçons en étoffe ou en fer, etc., etc.
Le Harnachement des Grecs et des Romains.
- Nous avons vu, précédemment, que pendant la période grecque le harnachement du cheval de selle ne consistait guère qu'en une bride très simple, correspondant à ce que nous appelons aujourd'hui bridon ou filet, et consistant en un simple mors entier ou brisé, muni à ses extrémités, pour le maintenir en Place, de plaques quadrangulaires, comme le montre la figure 18. La bride étrusque était semblable (fig. 17). La frise du Parthénon, constituée par une série de jeunes cavaliers au galop et à poil, ne peut nous donner aucun renseignement, telle, du moins, qu'elle est actuellement, car les chevaux sont sans bride, mais en y regardant de près on voit que la commissure des lèvres est évidée comme si un corps cylindrique y avait été logé autrefois.
On pense en effet qu'à l'origine, un mors en bronze se continuant par des rênes en même métal, ont existé, mais qu'ils ont disparu à la suite des temps dans les pillages et les dépré-
dations qu'ont eu à supporter les monuments antiques.
Les chevaux attelés aux chars de guerre ou de course devaient être attelés comme ceux des Romains dont nous parlerons ci-après.
Le harnachement du cavalier romain était aussi simple que celui du cavalier grec, il ne consistait guère qu'en une bride dont la belle statue du consul romain Balbus (qui vivait 40 ans av. J.-C.) et qui se trouve au musée de Naples, nous donne un excellent spécimen.
Nous avons pu nous procurer une bonne photographie de cette statue et nous en donnons, fig. 25, un décalque réduit. La bride, comme on voit, consiste en un simple mors sans branche ni barrette, terminé à chaque extrémité par un petit anneau pour y attacher, d'une part les rênes, d'autre part la monture qui est très ornée : elle se compose de deux montants, auxquels sont fixés, par de larges rondelles métalliques, en bas une demi muserolle qui n'appuie que sur le chanfrein, en haut un frontal et deux tétières très écartées sur le haut de l'encolure.
Le même musée de Naples possède le devant d'un cheval brisé provenant très probablement d'un quadrige, ou tout au moins d'un bige, et dont nous avons aussi la photographie. Ce devant de cheval est constitué par la tête et l'encolure; au bas de celle-ci on voit un poitrail comme nous en verrons aux chevaux attelés, ce qui nous fait penser que le cheval complet était attelé à un char soit à deux
soit à quatre. La bride que porte la tête est très curieuse : la monture consiste en simples cordes dont les différentes pièces sont retenues en place par des rondelles métalliques comme dans la bride du cheval de Balbus, mais le mors, à chaque extrémité, est terminé par des barrettes bi-coudées terminées ellesmêmes par des anneaux. Oa comprend que la
FIG. 26. — Musée de Naples.
rêne passant par les deux anneaux d'une même barrette doit donner une très grande fixité dans la position du mors. Les barrettes rappellent un peu aussi les barrettes des brides des chevaux assyriens, mais elles sont courbées en sens inverse. Le reste du harnache-
ment du cheval attelé au char de course des Romains nous est montré par certains bas-reliefs que nous allons étudier.
Les chevaux attelés aux chars de guerre ou de course chez les Romains avaient un harnachement très analogue à ceux que nous avons vus chez les Egyptiens et chez les Assyriens ; nous avons montré figure 26 que la bride que porte la tête a une monture consistant en simples cordes dont les différentes pièces sont fixées entre elles par des rondelles métalliques comme dans la bride du cheval monté par Balbus (fig. 25); mais le mors, est muni à chaque extrémité de barrettes bi-coudées, terminées elles-mêmes par des anneaux. On comprend, répéterons-nous, que la guide passant par les deux anneaux d'une même barrette, devait donner une très grande fixité à la position du mors. Cette bride avec ses barrettes, comme on peut le voir aux figures 7 et 11, rappelle beaucoup celles des chevaux attelés des Egyptiens et des Assyriens. Le reste du harnachement est aussi très semblable : il y avait une sorte de joug fixé en avant du garrot par deux larges bandes ou bricoles, l'une figurant un poitrail et embrassant le bas de l'encolure, l'autre figurant une sangle et embrassant la poitrine derrière les épaules.
La figure 26 montre une partie de la bande de poitrail. Nous donnons fig. 27, la reproduction d'un quadrige antique copié sur une terre cuite ancienne qui existe au British Muséum
FIG. 27. — Quadrige antique.
de Londres, sous la marque T. 337, et qui montre bien que le harnachement des chevaux attelés était bien comme nous venons de le décrire ; il était, nous le répétons, peu différent du harnachement des chevaux attelés des Egyptiens et des Assyriens que nous avons montrés dans nos figures 7 et 11. Les guides des brides étaient très longues et le conducteur, surtout des quadriges, s'en enroulait les extrémités autour du corps ; il pouvait ainsi les manier plus facilement les unes après les autres sans les lâcher.
Il n'y avait pas, à Rome, que des chevaux attelés en quadrige ou en bige pour courir sur les hippodromes, ou des chevaux attelés aux chars de guerre, très analogues aux chars de course; il y avait aussi, en ville, beaucoup de voitures de toutes sortes à deux ou à quatre roues ; nous pensons que les chevaux qui y étaient attelés avaient des harnachements peu différents de ceux que nous venons de décrire et figurer.
Nous avons vu que chez les Gaulois, même avant la conquête romaine, les chevaux, tout au moins ceux des guerriers, étaient ferrés.
ette pratique s'est continuée pendant la période gallo-romaine, et même sur les chevaux attelés ainsi que le prouve le monument du 118 siècle découvert à Vaison, près d'Avignon représentant en bas-relief une voiture conduisant des sacrificateurs et traînée par des chevaux communs manifestement ferrés. Nous en avons donné une reproduction fig. 11. De-
puis la ferrure du cheval fut continuée dans notre pays sans interruption mais en changeant de caractère sous l'influence de l'invasion germaine comme nous le verrons plus loin.
Mais la ferrure était-elle pratiquée chez les Romains de l'Antiquité? Pas plus que chez les Grecs et les autres peuples méridionaux. Les recherches faites par Bracy Clarck et d'autres érudits dans les écrits du temps, l'ont parfaitement démontré. Tous les auteurs anciens depuis Xénophon et en passant par Diodore de Sicile, Appien, Caton, Collumelle, etc., qui ont parlé du cheval, ont prisé très fort les sabots durs et ont parlé des inconvénients de l'usure de la corne causée par les marches, mais aucun n'a signalé, pour préserver le cheval de cette usure, de moyens dans lesquels on reconnaisse la ferrure telle que la pratiquaient les gaulois, et il faut arriver au ne siècle ap. J.-C. pour voir figurer des fers en croissants avec leurs clous, dans l'énumération des objets nécessaires à une armée en campagne, que fait Constantin Porphyrogénète.
Auparavant, aucun auteur ancien, Romain ou Bysantin, n'en a parlé ; la preuve c'est que Végèce, qui vivait au IVe siècle et qui peut être considéré comme le dernier auteur qu'on puisse qualifier d'ancien, parle dans son ouvrage de mulo-médicina, d'une manière experte et détaillée des maladies du cheval, mais ne dit pas un mot des accidents si fréquents que cause la ferrure et n'y fait jamais
Ubiou. Dans son trailé de Re militari, Végèce numère tous les objets qui constituent l'appareil d'une forge à l'usage d'une armée maine, mais ne fait mention ni de l'outille nécessaire pour ferrer les chevaux, ni de la classe des ouvriers propre à cette opération, dV u pon peut conclure avec assurance, dit racy-Clarck, que l'art de la ferrure n'était pas encore connu. chez les Romains, ajouteronsnous.
Oa pourra nous objecter ceci : Comment se fait.il que la ferrure étant pra.
tiquée en Gaule, qui était une province romaine, elle ne se soit pas répandue dans le reste de l'Empire.
d D'abord la ferrure est moins nécessaire dans les pays méridionaux à température sèche que dans les pays plus au nord, à tempé- rature bumide, couverts de vastes forêts, et où la Corne est moins résistante. En Algérie les arabes ne ferrent leurs chevaux qu'extempofanément pour traverser les passages difficiles, rocailleux, et au Sénégal ceux de nos spahis ne Sont pas ferrés du tout. El. puis les Romains se servaient beaucoup plus de mules, qui ont le sabot très dur, que de chevaux.
En Gaule c'était surtout les chevaux de guerre qui étaient ferrés; c'était une classe de drUides qui avait le monopole de l'opération, et ils la pratiquaient en secret, comme Walter Scot l'a 16 dans un de ses romans.
Et puis les habitudes propres à un pays ne se rrééppaannddaaiis ent pas au dehors comme de nos
jours, l'habitude de mettre le vin dans des tonneaux inventés par les Gaulois ne s'était pas répandue chez les Romains qui se ser- vaient de jarres dans le même but. La charrue à roue, aussi d'invention gauloise, n'était pas employée par les Romains qui n'avaient qu'une simple araire. On pourrait multiplier beaucoup les exemples analogues.
Mais si les Romains ne faisaient pas usage de la ferrure à clous, ils employaient quelquefois, en cas de blessures, ou pour le travail, des appareils protecteurs, des sortes de sandales qui étaient généralement faites en genêt tressé et portaient le nom de spartea ou sparteum opus, ou solea spartea (semelle de genêt).
Certains passages de Suetone, de Catulle et de Pline donnent à penser que ces chaussures de mules étaient garnies de métaux, d'autant plus précieux que l'animal appartenait à un personnage plus élevé, Catulle compare un homme indolent et paresseux à une mule dont les semelles de fer sont arrêtées dans une boue épaisse et profonde. Le luxe de Néron était tel, dit Suetone, qu'il ne voyageait pas sans qu'il eût à sa suite mille voitures traînées par des mules dont les pieds portaient des semelles d'argent. D'après Pline les mules de Poppée, femme de Néron, avaient des semelles en or.
L'antiquité ne nous a pas transmis ces hipposandales garnies de métal, ou leur figure, et on ne sait pas comment elles s'attachaient, il est
FIG. 28. - Chevaux numides d'un haras Romano-Africain.
probable que c'était avec des liens qui entouraient le paturon, car Absyrte, vétérinaire bysantin du temps de Constantin dit, dans un de ses livres : a il arrive souvent que les jambes des chevaux ou plutôt les parties qu'on nomme paturon sont coupées par les IPPOPÈDES espèce de courroies qu'on enroule autour
FIG. 29. — Hipposandale gauloise.
d'elles et qui peuvent déterminer la gangrène de la peau et la dénudation des tendons ».
BracyClarck pense que ces IPPOPÈDES étaient les liens qui attachaient les hipposandales et il a cru les retrouver dans le dessin de la terre cuite du British-Muséum que nous avons reproduit (fig. 27) où trois chevaux du quadrige, portent en effet aux canons antérieurs des bandes qui les entourent en hélices, mais nous ne voyons pas trace d'hipposandales et nous doutons que des hipposandales, quelque légères qu'elles fussent, aient été bien utiles à
des chevaux de course et les aient aidé à gagner le prix, c'était plutôt des bandes de flanelles appliquées pour soutenir les tendons comme cela se pratique encore aujourd'hui sur des chevaux de prix. Nous avons trouvé un autre exemple de la même pratique dans une mosaïque romaine, découverte à Sousse en Tunisie et donnant les portraits de chevaux
FIG. 30. — Fer gaulois.
célèbres d'un haras qui existait aux environs.
Les membres antérieurs des deux chevaux sont garnis de bandes (fig. 28) et on ne voit non plus nulle trace d'hipposandales.
Mais si les hipposandales antiques n'ont pas été retrouvées dans les provinces italiennes de l'Empire romain, on en a retrouvé d'entièrement métalliques et en assez grand nombre, en Gaule, dans le pays même où se pratiquait déjà la ferrure à clou : c'est une semelle en fer, avec une ouverture, au centre, pour donner de l'air ou pour laisser écouler
l'eau qui s'y serait introduite, des tenons latéraux et postérieurs étaient destinés à recevoir des liens pour l'attacher au sabot, et non au paturon (fig. 29).
Ou a prétendu que l'hipposandale métallique, s'attachant avec des liens, avait précédé la ferrure à clous. Rien ne le prouve, tout concourt à prouver au contraire qu'elles étaient
FIG. 31. — Fer germain.
contemporaines, c'est dans des terrains de la même époque, dans des tumuli du même temps qu'on les a trouvés. Nous en possédons une, nettement usée en pince, ce qui prouve qu'elle a servi, et qui a été trouvée à Tours sur un chemin de halage gaulois, au bord de la Loire, à un mètre au-dessous des alluvions modernes. On sait que le commerce par eau était très florissant en Gaule, et les bateaux étaient halés par des chevaux qui devaient
avoir fréquemment les pieds dans l'eau, car les rivières canalisées de cette époque n'étaient pas aménagées comme de nos jours. Or, le contact fréquent des sabots de chevaux avec l'eau enlevait à la corne toute résistance et rendait impossible l'application de la ferrure à clous, surtout que les Gaulois brochaient très bas ; l'hipposandale en question correspondait donc au fer de rivière moderne.
On devait aussi l'employer toutes les fois que le brochage des clous était impossible, à cause de la mauvaise nature de la corne. C'était donc aussi ce que nous appelons un fer pathologique pour mauvais pieds, ou même pour pieds blessés. Leur emploi était moins fréquent que celui du fer à clou, car on en trouve beaucoup moins que de ces derniers ; il est vrai que ces derniers, brochés très bas comme nous le disons plus haut, se perdaient facilement, surtout aux grandes allures. De là la fréquence dans les collections de fers ondulés, ou gaulois (fig. 30), ou de fers germains ou à rainure (fig. 31) que l'on trouve sur les mêmes champs de bataille où se sont heurtés Gaulois et Germains, comme sur la Vingeanne dans la guerre des Gaules de Jules César où les Germains constituaient la cavalerie de ce dernier.
Période franque. — Un fait digne de remarque, c'est que le goût du cheval et l'emploi de cet animal sur une large échelle, en Gaule, a suivi toutes les fluctuations de fortune de la nation gauloise : nous avons vu celle-ci, au
moment de sa plus grande splendeur, au Ille siècle avant J.-C , réunir des armées où la cavalerie figurait pour 60.000 chevaux. Vercingétorix, en rassemblant toutes les forces hippiques de la Gaule, en trouve à peine 15 000. Dans la période Gallo-Romaine, la cavalerie gauloise s'efface tellement qu'on n'en trouve plus de traces au moment de l'invasion des Barbares. Il faut arriver jusqu'aux Carlo vin giens pour voir le réveil de notre cavalerie nationale suivi bientôt de celui de la chevalerie française, fille directe et légitime des « Colliers d'or de la table rondé » dont les Gallois nous avaient précieusement conservé toutes les traditions.
Ce n'est pas l'arrivée des Francs dans notre pays qui pouvait réveiller le goût du cheval puisqu'eux-mèmes ne l'avaient pas. En effet à l'exception des Teuctères et des Suèves qui avaient fourni de la cavalerie mercenaire à Jules César, les autres Germains, surtout ceux du nord n'étaient nullement cavaliers : « Les Francs fournissaient une excellente infanterie, constante, inébranlable, obstinée au combat et cependant facile à manœuvrer Aucun autre peuple ne pouvait mieux remplacer, dans les armées de l'empire, l'ancienne infanterie romaine qui avait dû aux mêmes qualités la conquête du monde. » (Simondi Hist.
des Français, T. 1. p. 40).
Les chefs seuls avaient des chevaux et en petit nombre encore, et s'ils étaient accompa- gnés de quelques gardes à cheval tout le reste
des armées franques était à pied, comme nous le prouvent les témoignages suivants : « A propos de la réception de Théodebert par son oncle Childebert, roi de Paris, ce dernier l'enrichit de tant de présents qu'il excita l'admiration de tout le monde. De tous les biens, armes et habits qui conviennent à un roi, il lui en donna trois paires et tout âutant de paires de chevaux et de coupes (Grég. Turon, lib. III p. 24.198).
« Appelé par Justinien, Théodebert, petitfils de Clovis, entra lui-même en Italie (539) avec une armée qu'on évaluait à cent mille combattants. Parmi ceux-ci il n'y avait qu'un petit nombre de cavaliers qui formaient la garde du roi ; tout le reste combattait à pied (Agathiœ). (Simondi, Histoire des Français, T. 1 p. 275).
Les Normands n'étaient pas plus cavaliers que les Francs, ainsi que nous l'apprend Robert Wace, troubadour du XIIe siècle, qui ra- conte leur arrivée et leur établissement en Neustrie.
N'étaient mie chevaliers N'ils ne savaient chevalchier Tot a pié portaient lor armes.
En effet, montés sur leurs barques rapides, l'équitation leur était inutile et Rollon, surnommé dans les chroniques The Walker « le marcheur » allait presque toujours à pied (Ephrém Houel.) Comme on voit si nous manquons de docu-
ments sur le harnachement du cheval pendant la périoje franque, cela se comprend, mais il est probable qu'il ne devait pas différer beaucoup du harnachement romain. Dans tous les cas le cheval n'était employé qu'à la selle. Il y avait bien des voitures mais c'était des voitures de paysans qu'on appelait des basternes, et elles étaient traînées par des bœufs ; c'est dans un pareil équipage que Clothilde, nièce de Gondebaud, roi de Bourgogne, rejoignit Clovis son nouvel époux.
Cependant certains des peuples barbares qui envahirent ou traversèrent la Gaule au xc siècle comme les Allains, les Suèves, les Huns, les Sarmates, et plus tard les Sarrasins, étaient des cavaliers et ont laissé, en différents points du territoire, des traces de leur passage sous forme de brides, d'armes et même de fers à cheval que l'on trouve enfouis plus ou moins profondément.
Nous avons déjà parlé d'un chercheur émérite, M. Frédéric Moreau, qui, près de Fére en Tardenois (Aisne), s'est livré pendant de longues années à des recherches de ce genre.
Nous avons déjà signalé des pièces de harnachement gaulois (mors de brides) trouvées avec les restes d'un cheval enterré avec son maître en même temps que les armes et les colliers caractéristiques de l'époque celtique.
Le 29 mai 1891, M. Frédéric Moreau, fit une très intéressante découverte au pied d'un chêne qu'on venait d'abattre dans le parc de Fère en Tardenois : c'était des brides de modèles
différents à deux canons chacune, brisés chez deux, entiers chez l'autre, et à deux desquelles étaient fixées des chaînettes terminées par des tenons où avaient été rivées les rênes.
L'une de ces brides (fig 32) avait son mors supérieur accompagné d'une gourmette pleine, métallique, rappelant la gourmette arabe. La seconde (fig. 33), était analogue à un double bridon à mors brisé et les rênes s'y attachaient aussi par un bout de chaînette. Enfin, la troisième (fig. 34) était beaucoup plus compliquée, et nous nous contentons d'en donner le dessin.
M. Moreau en fit faire des chromolithographies de grandeur naturelle, — dont nos figures sont des copies au trait, réduites au sixième, — et en envoya des exemplaires à tous les savants s'occupant d'archéologie et pouvant déterminer la provenance et l'âge de ces objets. Il raconte comme suit, dans les archives de sa collection Caranda le résultat de ses démarches : « Les spécialistes autorisés de France, de Belgique, d'Italie, de Londres, d'Athènes et de Moscou, nous avaient unanimement répondu qu'ils ne connaissaient pas ce harnachement de forme inusité qu'ils voyaient pour la première fois.
« On n'a pas oublié que M. Bertrand, dans une intéressante communication qu'il faisait à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et sur notre découverte, concluait en ces termes : « Les objets sont incontestablement « anciens, de forme inusitée ne rappelant
FIG. 32.
« aucun des mors du moyen-âge, mais encore « moins les mors romains ou gaulois. Un
FlG. 33.
« me VarM^M été trouvé en Champa et gile, par m. Morel, qui le qualifiait de mors « asiatique).
« Le musée de Chalon-sur-Saône en possède un analogue à celui reproduit pl. 125 bis nouvelle série de l'Album Caranda (reproduit fig. 32) il est inscrit sous le numéro 207 avec la mention : « mors de cheval en fer provenant « des Sarrasins, trouvé à Etrigny (Saône-et« Loire), en 1874, dans la fondation d'une « tour du XVIe siècle ».
FIG. 34.
« M. le colonel Robert, alors conservateur du musée d'Artillerie aux Invalides, à la vue de nos harnachements, n'a pas hésité un seul instant à affirmer que ce sont des mors de bride du type arabe, que des européens auraient rapporté d'Orient ou d'Afrique.
« Cette interprétation de l'habile conservateur du musée d'Artillerie devait mettre fin à notre enquête, car il attribue à notre découverte une origine lointaine et archaïque que nous acceptons bien volontiers.
« Cependant cette enquête n'est pas satis-
faisante ; elle ne conclut pas et nous amène à citer l'opinion à laquelle nous nous rattachons encore, de quelques-uns de nos collègues qui ont émis l'avis suivant : Il Ce groupe de harnachements de chevaux, trouvés au pied d'un chêne dans le parc de Fère, ne proviendrait il pas de cavaliers Huns fuyant dans l'espace d'une nuit, le camp de Châlons-sur-Marne à la suite du désa3tre d'Attila ?
« Cette opinion semble corroborée par ce fait qu'après le désastre d'Adoua, en Abyssi- m. e, des officiers italiens ont parcouru en une nuit la même distance ».
« F. Morhau ».
Extrait de la Bibliothèque et archives de la collection Caranda).
St-Quentin 1897.
trannvlf^^ pendant le creusement de la grande tranchée du chemin de fer d'Armentières à Bazoche, dans la partie qui traverse le parc de Fèpp.~û rr morsdph *\T?ois> on découvrit un autre IIlOrs de bride de forme inusitée qui fut acquis Par M. Frédéric Moreau et alla rejoindre ceux dout nous avons déjà parlé et qui font partie de sa collection, dite de Caranda, du nom d'un moulin près duquel se trouve un dolmen et dans le voisinage duquel se sont faites toutes les découvertes des objets qui constituent cette Son 8 ConstUttfnt Bien que de forme inusitée cette bride rappelle beaucoup les brides modernes par ses
branches et le double mors rappelle même des mors que l'on emploie actuellement pour combattre le défaut nommé langue serpentine que présentent certains chevaux. Ce devait être un mors bien brutal; il est de la même famille que celui de notre figure n° 32. Les branches sont unies en formant un carré au lieu de former un rond et le double mors est encore plus puissant. C'était certainement une pièce de luxe, à voir les bossettes ornées qui sont placées de chaque côté aux extrémités du mors ; ces bossettes sont carrées, guillochées, en cuivre doré, et ornées de cinq cabochons : un central plus grand en pierre rouge et quatre autres plus petits à chaque angle, en pierre bleue. Dans la figure 35 cicontre nous représentons cette bride de face et de profil, au 1/3 de grandeur naturelle (elle mesure 24 centimètres de long et a 10 centimètres d'embouchure c'est-à-dire qu'elle était faite pour un petit cheval, comme toutes les brides antiques, du reste). Dans la figure 36 cette bride est supposée montée et placée dans la bouche d'un cheval.
De quel temps est cette pièce de harnachement ? Il est bien difficile de lui donner un âge même approximatif aussi bien qu'aux précédentes. Elles sont évidemment toutes postérieures aux époques gauloises, grecques et romaines où l'on n'employait que des mors simples le plus souvent brisés avec ou sans barrettes ou bossettes, mais jamais munis de branches. Celles-ci n'apparaissent qu'avec les
FIG. 35.
FIG. 36.
cavaliers barbares et en particulier les Sarmates. En effet, sur la colonne Trajane il y a des représentations de cavaliers romains et de cavaliers sarmates : les chevaux des premiers n'ont que des brides à mors sans branches et les autres des mors munis de branches (fig. 19 et 20).
Peu de temps après apparaissent les selles, puis les étriers et cela sur les chevaux montés du Bas-Empire représentés sur la colonne Théodosienne de Bysance (Ve siècle).
Les Grecs et les Romains montaient sans selle et sans étriers, à poil ou sur une simple peau de mouton ou d'autre bête, ou encore sur une pièce d'étoffe pliée en plusieurs doubles et formant coussin ; la même pratique existait sur tout le littoral méditerranéen. Le harnachement actuel du cheval chez les arabes et leurs larges étriers où ils chaussent tout leur pied et sur lesquels ils portent tout le poids du corps, et leur selle à kerbouss et à trousquin, sont beaucoup plus modernes : ils ont été empruntés à la fausse civilisation du BasEmpire.
La selle à arçon, à pommeau et à trousquin a été inventée en effet à Constantinople, apparemment vers le milieu du IVe siècle car elle figure sur des chevaux montés représentés sur la colonne Théodosienne, et un peu plus tard les étriers dont il est question pour la première fois dans le Traité de l'art de la guerre de l'empereur Maurice à la fin du VIe siècle. Ces innovations bysantines se répandirent partout,
comme tant d'autres. « Tant est puissant l'esprit de Bysance, dit V. Cherbuliez (1), tant est grand son prestige et l'empire qu'il exerce sur les âmes ! Sous la même influence, se propageant de proche en proche, les barbares de l'Occident, chez qui autrefois, au dire de Tacite, l'usage de la selle était tenu en déshonneur, adoptèrent cette selle à piquer, qui, avec ses battes et son trousquio, formait une sorte d'encaissement où le cavalier s'em- boîtait jusqu'aux reins. Les anciens Grecs n'avaient eu garde de se jeter dans de pareilles inventions ; ils entendaient que le cavalier, dépourvu de moyens factices de tenue, cherchât la solidité de son assiette dans la rectitude de la position et dans son propre équilibre, et au XVIIIe siècle, quand La Guérinière réforma l'équitation, il revint à l'antique en faisant raser les battes et le trousquin de la selle à piquer. Par le même principe les Grecs n'imaginèrent point l'usage des étriers et eussent trouvé fort ridicule le cavalier du moyen-âge avec ses jambes roides, tenues à distance du cheval et ne s'en rapprochant que par saccades. A leur sens, le grand point était l'adhérence et la fixité des genoux, le haut du corps étant droit ou légèrement porté en avant; à partir du genou, la jambe devait être librement lâchée de telle sorte « qu'étant molle si elle venait à heurter, elle cédat et ne dérangeat point la cuisse ».
(1) Un cheval de Phidias, Paris 1864.
Renaissance du goût du cheval — Nous avons vu que pendant la période franque, les armées étaient composées exclusivement de fantassins ; les grands chefs seuls étaient montés, ainsi que les quelques soldats qui constituaient leur garde. Si un prince franc fait son entrée solennelle dans une ville, c'est à pied aussi que toute sa suite qu'il se présente (1).
Si les rois francs ont un tribut à imposer aux Saxons qu'ils ont vaincus, ce sont des vaches qu'ils se font livrer (2). Pépin le Bref est le
(1) Les Francs étaient devenus très fastueux dans leurs costumes et dans leurs armes. Sidonius, (livre IV, p. 20,) fait une description splendide de l'entrée du jeune chef Sighismer à Lyon où il venait épouser la fille d'un roi burgunde. « La chevelure du royal jeune homme ressemblait à l'or de ses vêtements; son teint était aussi éclatant que l'écarlate de son habit; sa peau égalait en blancheur la soie dont il était paré. Il s'avançait à pied, entouré d'une troupe de chefs de tribus (régulorum) et d'un cortège de compagnons (antrustions) terribles à voir, même au sein de la paix : leurs pieds étaient chaussés de bottines velues; leurs jambes étaient nues et leur vêtement court et serré descendait à peine au jarret, c'était une saie de soie verte brodée d'écarlate. Ils portaient des glaives suspendus à leurs épaules par de riches baudriers, des lances recourbées (hang), des haches de jet et des boucliers doublés de fer et de cuivre bien polis (H. Martin, Hist. de France, t. I, p. 406 note ).
(2) « En 632, les députés des Saxons prêtèrent sur leurs armes, selon l'usage de leur nation, le serment de defendre la frontière austrasienne, tandis que le roi (Dagobert) leur abandonna le tribu que, depuis le règne d'- Chlotaire 1er leurs ancêtres avaient payé aux rois francs, puis il licencia son armée. Ce tribut annuel dont
premier à changer ce tribut de 500 vaches contre un autre de 300 chevaux (1). C'est en effet seulement sous les Carlovingiens que nous voyons reparaître la cavalerie dans l'armée et le goût du cheval revenir chez nos ancêtres.
Plusieurs raisons expliquent ce changement.
Avec Saint-Colombau, ce druide christianisé, avec les savants qu'il amena à sa suite des villes saintes des culdees (cul-dee solitaires de Dieu, religieux celtiques) de la verte Erin « oasis de lumière où s'unit la charité chrétienne à la science druidique », on vit les légendes celtiques renaître de toutes parts.
Or ces légendes celtiques étaient trop pleines des hauts faits des « colliers d'or » ou chevaliers gaulois, pour que les francs, qui avaient fini par aimer la fixité, la propriété et la vie fastueuse, ne cherchassent pas à les imiter.
Pour marcher sur les traces des chevaliers de la table ronde, il fallait des chevaux : voilà
les Saxons avaient demandé à être dispensés à une condition si onéreuse, n'était que de 500 vaches. (Frédégairc cap. LXXIV, p. 21. - Simondi t II, p. 32).
« La lutte fut très sanglante ; cependant le roi Pépin eut la victoire ; il s'avança jusqu'au Wezer et détruisit les forteresses, ou fertés, construites par les Saxons. Les Saxons occidentaux se soumirent et s'obligèrent à un tribut de 300 chevaux par an et à souffrir que les prêtres prêchassent parmi eux le nom du Seigneur (Frédégaire contin. cap. CXVIII. Il appelle ce tribut très onéreux).
(1) H. Martin, Ilist. de France t. II, p. 114.
pourquoi nous les voyons les rechercher et se les procurer même par la conquête, sous Pépin.
Et puis, les guerres avec les Maures ou Sarrasins,commencées avec Charles Martel, se continuant ensuite des siècles durant, mirent en évidence l'utilité du cheval de guerre, ce précieux auxiliaire des peuples orientaux.
Charles Martel put les vaincre à Poitiers grâce à la solidité de son infanterie, mais s'il eut eu une cavalerie, sa victoire eut été complète et les débris de l'armée musulmane ne lui eussent pas échappé avec leurs armes et leurs chevaux (1).
(1) « Le sort du monde allait se jouer entre les Francs et les Arabes. Les barbares d'Austrasie ne soupçonnaient guère quelles destinées étaient confiées à leur épée.
La longue ligne des Francs ne ploya pas et resta immoblle sous ce choc épouvantable. « Et comme un mur de fer, comme un rampart de glace, les peuples du Septentrion demeurèrent serrés les uns contre les autres, tels que des hommes de marbre iglacialiler manent stricti sidor Paunsis). Vingt fois les musulmans tournèrent bride pour reprendre du champ et revenir avec la rapi(lité de la foudre ; vingt fois leur charge impétueuse se bnsa contre cette barre inébranlable. Le lendemain quand les Francs voulurent recommencer la lutte, ils constatèrent que le camp des Musulmans était vide. Les débris harassés de l'armée d'Abd-el-Rahman étaient Partis en silence à la faveur des ténèbres, abandonnant pout, hormis leurs chevaux et leurs armes. La grande Querelle était décidée. »
(H. Martin, Hist. de France, t II. p. 203).
Que penser, après la lecture de ce document, de l'assertion qui fait descendre la race limousine, des chevaux sarrasins abandonnés à la suite de la bataille de Poitiers? (La Réd.).
C'est ce que Charlemagne comprit, car nous le voyons, pendant tout son règne, s'attacher à organiser une cavalerie formidable, à en assurer le recrutement et à en réglementer les moindres détails (1), aussi lui doit-il la plupart de ses succès (2) et il lui accordait
(1) Les règlements militaires, dans les capitulaires, indiquent la manière dont chaque Franc doit contribuer à la défense du pays : marcher lorsque l'hériban (appel de l'armée) est publié, et être puni lorsqu'il manque à ce devoir. La plus complète de ces lois fut publiée à Aix-laChapelle en 807. Elle appelle d'abord à marcher tous ceux, sans exception, qui jouissent d un bénéfice (c'était le nom légal que portaient les fiefs). Ces bénéficiers paraissaient à cheval et armés de pied en cap, c'est-àdire couverts du heaume (casque) et du haubert (cotte de mailles) et armés de la lance.
L'infanterie était formée de tous les petits propriétaires.
Tout propriétaire de trois, quatre ou cinq manses devait marcher (une manse équivalait à 12 arpents) les propriétaires d'une seule manse devaient s'entendre à trois pour fournir un homme.
Le soldat se procurait des armes à ses frais. (L'exportation des armes était interdite) le propriétaire de 12 manses devait avoir une cotte d'arme. Tout soldat devait se présenter avec la lance et l'écu ou un arc et douze flèches.
Tout réfractaire après une première sommation était puni d'une amende de 60 sous d'or. »
(Sismondi, Ilist. des Français, t. II, p. 390).
(2) Son fils Carie, enfant de douze ans qu'il avait laissé en Westphalie avec un corps d'armée, vint à Worms, lui faire hommage d'un précoce triomphe : Les Westphalien ayant voulu se ressembler sur les bords de la Lippe, le jeune prince les avait assaillis et mis en déroute avec sa seule cavalerie, grâce aux capitaines expérimentés que lui avait donnés son père.
(Eginhard, Annales, p. 206 et suiv.)
une telle confiance, qu'après qu'une épizootie Meurtrière la lui eut moissonnée en Panonie, il préféra rester dans l'inaction trois longues années malgré les provocations qu'il recevait (1) et ne reprit l'offensive que quand, grâce aux nombreux chevaux d'Espagne que ses lieutenants lui envoyaient comme sa part de leurs conquêtes sur les Maures (2) sa cavalerie fut enfin reconstituée. Cette source fut dans la suite assez abondante pour lui permettre d'envoyer en cadeau au roi de Perse, des chevaux et des mulets d'Espagne (3).
Sous les descendants de Charlemagne l'équitation militaire devint une véritable passion chez les grands, et les petits-fils du grand empereur ne furent pas les derniers à s 7 distinguer,les récits que l'historien Nitard, Petit-fils lui-même de Charlemagne par sa Mère Berthe, nous fait des jeux équestres de ce temps, sont extrêmement intéressants : « Les deux rois, dit Nitard (exp. LIII) (Karle et LodeWig le Germanique) adroits à toute espèce d'exercices, aimaient fort les jeux militaires.
Souvent ils assemblaient toute la multitude des gens de guerre dans un lieu convenable ; on rangeait d'abord face à face et en nombre égal deux troupes de Saxons, de Wascons, d Austrasiens, de Bretons ; au signal donné, les deux bandes se ruaient impétueusement
(1) Eginhard, Annales, 210, 211.
(2) Eginhard, Annales, 213.
(3) Le moine de Saint-Gall, Histoires des Gaules.
l'une sur l'autre, puis, au moment de s'entreheurter, l'un des escadrons tournait bride et, le bouclier au dos, fuyait au galop vers les camarades demeurés en réserve ; les fuyards se retournaient alors et poursuivaient ceux devant lesquels ils avaient fui ; jusqu'à ce qu'enfin les deux rois et toute la jeunesse, s'élançant de toute la vitesse de leurs chevaux et brandissant leurs javelines à grands cris, accouraient se précipiter dans la mêlée et poursuivre tantôt les uns, tantôt les autres.
C'était un beau spectacle que de voir tant de modération parmi tant de nobles guerriers dans une si grande multitude d'hommes de races diverses ; personne n'osait insulter ou maltraiter qui que ce fut, ainsi qu'il arrive souvent même parmi des gens peu nombreux et se connaissant mutuellement ».
La faveur croissante dont le cheval et les choses équestres devinrent l'objet sous Charlemagne et ses successeurs devait nécessairement s'étendre à tout ce qui s'y rattachait ; aussi voyons-nous, sous leur règne, l'emploi servile du comte de l'étable devenir, sous le nom de conétable, une fonction honorifique donnant droit au commandement des armées (1). Le maréchal bénéficia naturellement de l'élévation de son supérieur, et, moins d'un siècle après, c'est-à-dire lorsque la chevalerie fut définitivement constituée, nous le retrouvons, réunissant, à ses an-
Ci) Eginhard, Annales, p. 205. Nibellung, p. 27.
ciennes fonctions de palefrenier et ferreur des chevaux, celle qu'a abandonnée le conétable, c'est-à-dire le gouvernement de l'écurie et des haras, et prendre rang parmi les écuyers, ou officiers du Seigneur féodal auquel il était attaché. Sous Philippe Auguste il devient commandant d'armée sous les ordres du conétable.
Ce détail fait partie d'un ensemble de faits qui prouvent que les traces des dominations romaines et barbares tendaient à disparaître et que les mœurs celtiques reprenaient partout le dessus.
En effet : a En tant qu'institution militaire, la chevalerie descend en droite ligne des coutumes celtiques. L'usage de la réception du Jeune homme parmi les guerriers, tombé en désuétude parmi les populations gallo-romaines, s'était conservé chez les peuples purement celtiques. La féodalité s'en empara et lui donna le nom significatif de chevalerie qui indiquait que la possession d'un cheval de guerre, d'un destrier (1) était le signe distinctif du noble homme (2).
(1) Destrier, cheval de bataille, destrarius, dextrarius "'l latin du moyen âge, de dextra, parce que les écuyers ne menaient, dit-on, ces chevaux que de la main droite. On trouve dans les bardes du sixième siècle, eddestr cheval de guerre, étymologie celtique certainement plus naturelle.
(2) Chivaler. chevalier en langue d'Oil ; cavaler en langue d'Oc; cavaleria chevalerie, dérivant du latin caballus ; vassal du gaelique Wasel qui a le même sens; Baron du teutanique Ware, homme complet viril. Remar-
« Le jeune noble avant de parvenir au grade de chevalier, de guerrier complet, eût à subir plusieurs années d'apprentissage sous les titres de page, varlet, damoiseau, écuyer C'était au nom de Saint-Georges, ou de SaintMichel qu'il était armé chevalier. » (1).
« Les jeunes nobles remplissaient dans la maison du seigneur toutes sortes d'offices domestiques auxquels la féodalité, conservatrice des traditions celtiques, n'attachait aucune idée de servilité. » (2). Et en ce qui con-
quons en passant que le nom de chevalier exprime l'identification du noble et de l'homme qui combat à cheval. Ce nom répond exactement au markhok celtique et non à l'eques latin qui exprime la qualité de membre d'un des corps de l'Etat.
Augustin Thierry, Considération sur L'Histoire de France, page 181, note 1.
(1) Varlet, Vaslet, Vasselet, petit vassal.
Damoiseau, de Domicellus diminutif de Dominus, petit seigneur.
Ecuyer, scutifer, porte écu. L'écuyer portait le bouclier de son seigneur, veillait sur sa personne dans les combats comme dans l'ancienne Trimarkia gauloise.
Saint-Michel était le chef de la chevalerie céleste.
Saint-Georges était le chef de la chevalerie terrestre.
Preux, Probi homines.
H. Martin, Hist. de France, 4° édit., t. III, p. 335.
Au XIe siècle les noms de Chevalier et de Vassal au point de vue guerrier ont remplacé les noms teutoniques ou latins de leudes et de fidèles. Une preuve que la chevalerie n'avait rien de germain et qu'elle était essentiellement gauloise, c'est que ses rites étaient complètement inconnus aux Anglo-Saxons et qu'ils furent importés en Angleterre par Guillaume le conquérant.
H. Martin, Loco-Citato, p. 103.
(2) H. Martin, Loco-Citato, p. 336.
cerne l'office de maréchal, leurs précurseurs et précepteurs les Gallois et les Bretons, en avaient donné l'exemple aux jeunes nobles français. Voici, en effet, ce qu'on lit dans les chants populaires de Bretagne recueillis par M. de la Villemarqué et qui sont dus, ainsi qu'il l'a démontré, à des bardes des ve et vie siècles.
« Et toutes les maisons qu'il voyait étaient remplies d'hommes d'armes et de chevaux, et chacun fourbissait son casque et frottait son épée et nettoyait son armure et ferrait son cheval. »
Dans un autre chant, intitulé le barde Merlin se trouve l'histoire d'un jeune seigneur se rendant à une course de chevaux dont le prix est Lenor, la fille du roi : « H a équipé son poulain rouge, il l'a ferré n'ticier poli, il l'a bridé »
Une autre preuve que l'art manuel de ferrer les chevaux n'avait rien d'abject aux yeux de la noblesse française des xe et XIe siècles, c est que, comme nous l'avons déjà dit, dans la constitution de la chevalerie, le maréchal est un officier de la suite du chevalier ou du prince, marchant de pair avec le chambellan, le fauconnier, le grand veneur, etc., etc.
* A la suite d'un noble de grande maison, il y avait un écuyer de corps : c'était le plus élevé en grade; un écuyer de chambre ou chambellan, un écuyer de table ou tranchant, un écuyer d'écurie ou maréchal, un écuyer d'échansonnerie, de fauconnerie, etc.; servait-
on un pauvre chevalier, il fallait lui tenir lieu de quatre ou cinq écuyers; ce n'était pas assez de se connaître en oiseaux, en chiens, en chevaux, de savoir manier avec adresse la lance, la hache et l'épée, franchir une haie ou un fossé, grimper à l'assaut, parler avec politesse aux dames et aux princes, habiller son maître et le déshabiller, le servir à table, parer les coups qu'on lui portait dans la mêlée.
On devait, en outre, s'entendre en médecine, afin de pouvoir au besoin poser le premier appareil sur la blessure; on devait être en état de ferrer un cheval, de réparer avec un marteau une armure faussée et avec l'aiguille un manteau troué. Ces connaissances variées, acquises, formaient l'écuyer accompli et on pouvait aspirer après aux honneurs de la chevalerie et se flatter d'en être digne (A. Callet, dictionnaire encyclopédique, article Ecuyer).
Le cartulaire de Besançon nous fournit de curieux renseignements sur la composition de la maison de son seigneur, au xe siècle, l'archevêque Hugues l'r, et sur le maréchal qui en faisait partie.
« Les grands officiers de l'archevêque qui tous possédaient des hôtels fortifiés dans la ville, étaient au nombre de neuf : le chambrier (camérarius), le maître d'hôtel (sénéchal ou dapifer), le bouteiller (pincerna), le pannetier (panetarius), le maréchal (marescalus), le forestier (forestarius), le monétaire (monetarius), le vicomte (vicomes), le maire (major ou villicus).
« Le maréchal avait l'intendance des écuries de l'archevêque et le commandement de ses hommes d'armes (maréchaussée). Les cabaretiers qui s'établissaient dans la rue de la Lue ne pouvaient exercer qu'après lui avoir payé le tribut d'un chauveau de vin. Tous les ouvriers sur métaux qui créaient des ateliers à Besançon lui devaient un impôt qui s'éleva jusqu'à la somme de cinq sous. Chaque fois que les archevêques de Besançon ou les évêques leurs suffrayants entraient pour la première fois dans la ville, il leur faisait escorte et s'emparait ensuite du cheval ou mulet qu'ils avaient monté ainsi que de la coupe qui avait servi à leur premier repas. Quand il s'agissait de l'empereur, le maréchal exerçait le même droit mais à la condition d'avoir au préalable garni lui-même la monture du monarque de quatre fers d'argent (1).
Le Harnachement au XIe siècle. — Au VIe siècle il y avait trois sociétés bien distinctes en Gaule : les Gallo-romains, les Barbares et les gens d'Eglise, et le cheval n'était Pas encore relevé du discrédit dont il fut l'objet après la conquête des Gaules par Jules César. Au XIe siècle il y avait de même trois sociétés : les Seigneurs, les Clercs et les Serfs, les deux premières riches, puissantes et actives, et la dernière opprimée et misérable.
Mais le cheval était de nouveau, depuis Char-
(i) Mém. soc. d'émul., Besancan 1850, p. 370.
lemagne revenu en pleine faveur : sa possession était même une des marques de la puissance seigneuriale. Bien mieux, les nobles, distingués déjà des manants par des noms de terres héréditaires, voulurent se donner une organisation qui les séparât davantage du peuple ; ils instituèrent la Chevalerie, sorte de confrérie militaire, réminiscence gauloise comme nous l'avons vu, où les nobles seuls, pouvaient entrer, après de longues épreuves et en passant par différents grades de damoiseau, varlet, page, écuyer. Nous avons déjà parlé de ces derniers.
Jusqu'à Charlemagne les armes avaient été surtout offensives; au moyen-âge, elles furent surtout défensives. Du XIe au XIve siècle, les chevaliers portèrent la cotte de maille, ou haubert, qui enveloppait l'homme d'armes, de la tête aux pieds et qui était à l'épreuve de l'épée mais non de la lance. Le heaume, en fer mince, enveloppait la tête et ne laissait respirer et voir que par d'étroites ouvertures qu'on nommait visière ou ventaille. Le heaume n'était porté que par les chevaliers mais tous les hommes d'armes avaient le bonnet en fer qui se rattachait au haubert par plusieurs rangs de mailles de fer. L'écu, ou bouclier, servait encore d'arme défensive. Les armes offensives étaient alors, l'épée, la lance, la hache d'armes, le fléau d'armes et le poignard de miséricorde.
Les fantassins n'avaient que le coutil ou couteau, et l'arc, ou l'arbalète apportée d'Asie au douzième siècle.
Le clergé était entré lui-même dans le système féodal. L'évêque, autrefois le défenseur de la cité, en était bien souvent devenu le comte, par usurpation ou par cession princière, et avait sa maison, ses écuyers, comme tout autre seigneur.
« Il appartenait au cheval, dit Ephrem Ouel (1), d'être à la fois le symbole et l'instrument, le moyen unique, la condition nécessaire d'un si grand fait : l'institution de la chevalerie.
Sans le cheval, la chevalerie n'existait pas.
Parcourir des routes difficiles et rompues, porter de lourdes armes et de pesants harnais, et surtout se transporter rapidement d'un lieu dans un autre, tout cela n'était possible qu'avec le cheval.
« L'importance du cheval était telle que toute l'attention, tout le soin des chevaliers se Portait d'abord sur l'élève et l'éducation de cet animal. Les chartes des rois, des ducs, des suzerains, renferment toutes des prévisions et des prescriptions obligatoires sur cette importante affaire.
« Je concède à tous les chevaliers qui défen* dent leurs terres par le casque et par l'épée, « la possession, sans redevances ni charges, de * toutes les terres cultivées par leurs charrues « seigneuriales, afin qu'ils se munissent d'ar« Ines et de chevaux pour notre service et la ® défense du royaume ».
« Telle était la teneure ou l'esprit de toutes
(1) Histoire du cheval, tom 1er, pages 216 et suivantes.
les chartes de fondataires tant en France qu'en Angleterre et en Allemagne, pendant toute la durée du moyen-âge. Aussi cette époque peutelle être appelée l'âge d'or de la race équestre.
Des soins minutieux, un dressage complet donnaient vraiment alors au cheval le droit de se nommer le noble compagnon de l'homme.
Soigné par les mains des pages et des écuyers, caressé par les châtelaines, accoutumé à la vie de famille, il vivait dans les castels de la chevalerie comme sous la tente de l'Arabe.
* *
« Quatre espèces différentes de chevaux furent surtout en usage durant le moyen-âge, nous tâcherons de faire bien exactement connaître : Le destrier était le cheval de bataille, le palefroy le cheval de parade, le roussin le cheval de service et de route, le sommier le cheval de bât. »
Le Destrier était ainsi appelé, parce que, monture de guerre spéciale du chevalier, il était, en attendant son maître, tenu en main — de la main droite — par un page ou un écuyer.
C'était un coursier de haute tailie relativement, réunissant la force, l'énergie et l'élégance. On lui donnait aussi le nom de cheval d'arme, grand cheval, auferrand », la ferrure étant considérée comme une pièce du harnachement de guerre et caractérisant le cheval d'arme, le poulain et la jument non ferrée n'étaient pas de prise de guerre.
Les destriers n'étaient ni lourds ni massifs comme quelques peintres les ont représentés,
Fio. 37.
FIG. 38.
se figurant qu'il fallait des chevaux comme les flamands de notre époque pour porter des hommes bardés de fer. Nous avons copié dans les Monuments de la Monarchie française, par Montfaucon, tome 4, dans les planches reproduisant la fameuse tapisserie de Bayeux, exécutée par la femme de Guillaume le Conquérant pendant la conquête de l'Angleterre, dans la se- conde moitié du XIe siècle, tapisserie qui représente l'armée du duc de Normandie s'embarquant à Saint-Valery-sur-Somme le 27 septembre 1066, sur 1400 navires. Nous avons copié, disons-nous, deux chevaux sellés tenus en mains par des varlets, et qui sont évidemment des destriers (fig. 37 et 38). Ces chevaux sont forts et vigoureux, mais ils ne sont pas de taille extraordinaire, ce qui le prouve c'est la longueur des étrivières montrant que les Pieds du cavalier arrivaient à la hauteur du Pli du genou. Ces chevaux représentent des bretons modernes, auxquels les normands du moyen-âge devaient ressembler, car c'est surtout la Bretagne et la Normandie qui fournissaient le plus de chevaux au moyen-âge, comme encore actuellement. Nous avons démontré ailleurs que les chevaux normands 11 ont acquis leur taille de carrossiers que sous Louis XIV par leur croisement avec les Hollandais busqués.
Les chevaux d'armes des chevaliers et surtout ceux des princes, étaient couverts, en guerre, d'une armure défensive comme le maître ; c'était un caparaçon de cuir recouvert
de mailles ou d'écailles de fer comme le montre notre figure 38. On possède un portrait de Guillaume le Conquérant recouvert d'un haubert exactement de même composition. Au XIe siècle, si l'on en juge par les nombreux chevaux d'armes qui figurent sur la tapisserie de Bayeux, ces armures de chevaux étaient encore rares et n'étaient sans doute portées que par les chevaux des princes, la plupart en étaient privés, quoique sellés et bridés de la même manière (fig. 37). La selle était en bois de hêtre et semblable aux bâts encore en usage dans nos campagnes, mais elle était rehaussée d'ornements et couverte de housses et de fourrures précieuses. A la selle était attachés des étriers déjà fort semblable à nos étriers modernes. La bride était encore comme la bride gauloise ou romaine, un simple bridon, mais plus ou moins ornée et annonçant par sa richesse l'état du chevalier. « Beaucoup de chevaux, dit E. Houel, étaient appelés Brigliadore, bride d'or. » Des clochettes étaient attachées soit à un collier spécial, soit à la bride et complétaient l'état du chevalier.
Bien qu'il existât depuis la période celtique des voitures de paysans appelées basternes et traînées par des bœufs, lesquelles étaient destinées au transport des récoltes, mais dont s'étaient servis comme véhicules les princes et princesses mérovingiens, au Moyen âge les clercs aussi bien que les nobles ne se servaient que du cheval pour voyager, et le harnachement, pour les uns comme pour les autres,
ne différait guère. Voici (fig. 39), d'après un manuscrit du British-Museum du XIe siècle, la copie d'une miniature représentant un abbé en voyage. Le cheval est un petit mais fort bidet et la bride aussi bien que la selle ne
Fia. 39.
diffèrent pas de celles des chevaux d'armes des figures 37 et 38.
Nous donnons encore (fig. 40) la copie d'une autre miniature d'un manuscrit anglo-saxon du XIe siècle, aussi du British-Museum, représentant un saint en voyage, monté sur
cheval dont la selle et la bride caractérisent la même époque que les précédents.
Au milieu du XIe siècle, au moment de la conquête de l'Angleterre par Guillaume le
FIG. 40.
Conquérant, la chevalerie était à ses débuts et ce n'est qu'après les croisades, dont la première eut lieu tout à la fin du siècle, en 1098, que nous la voyons complètement orga-
nisée et à l'état d'institution nationale, base et soutien de la Société féodale.
Les croisades furent la cause d'autres institutions : en 1100 Gérard de Martigues fonda l'ordre militaire des Hospitaliers, connus plus tard sous le nom de Chevaliers de Rhodes, puis de Chevaliers de Malte. L'ordre des Templiers fondé en 1118 par Hugues de Payens en fut une imitation. Dans la confusion que produisaient ces grands rassemblements d'hommes, des signes de reconnaissance étaient nécessaires : on inventa et on multiplia les armoiries, emblèmes divers dont les guerriers de distinction couvraient leur bouclier, leur cotte d'armes ou leur bannière et même le caparaçon de leurs chevaux et qui, depuis le XIIIe siècle passèrent de père en fils. Ces armoiries devinrent une langue compliquée qui forma la science du blason.
L'adoucissement des mœurs apporté par la chevalerie, la place plus grande prise par les dames dans la société féodale, l'institution des tournois ou fêtes militaires dans lesquelles cherchaient à briller les chevaliers stimulés Par la présence des dames, fit distinguer du destrier, un cheval plus fin, plus brillant que l'on nomma palefroi, vrai cheval de parade qui était monté aussi par les dames.
Le nom de palefroi, dit Ephrem Houel, vient Probablement du mot tentonique pferd (cheval) C'est de lui que vient le mot palefrenier, nom donné à celui qui a soin des chevaux et qui était analogue à celui d'écuyer, puisqu'autre-
fois le grand écuyer s'appelait grand palefrenier du roi.
« Le Palefroi, continue notre auteur, était un cheval léger, brillant, gracieux qui servait principalement de monture aux dames. C'était aussi un cheval de parade, destiné aux entrées du roi et des princes dans les villes et aux exercices équestres ; ces chevaux avaient beaucoup de sang ; tous les chevaux arabes et orientaux ramenés par les Croisés étaient des palefrois ; on en tirait aussi d'Espagne, du Limousin, de la Navarre; la Lorraine en fournissait d'excellents, ainsi que la Bretagne et la Normandie.
« Le palefroi sor coi la dame seist, estait « plus blanc que nul flors de liz, li lorains vaut « mille sols parisis ».
« La couleur la plus habituelle des palefrois était celle ordinaire des chevaux arabes, le gris. Ils devenaient blancs avec l'âge ; aussi cette épithète est-elle presque toujours accolée au mot palefroi. Il y en avait d'autres couleurs : « Tristan demande à un écuyer s'il avait « rencontré une demoiselle qui chevauchait sur un palefroi noir » (Ephrem Houel).
Au XIIe et même au XIIIe siècle nous ne voyons d'autres changements se produire que l'apparition des armoiries sur le bouclier du chevalier en même temps que sur le caparaçon de son cheval qui pour la parade était en étoffe.
Nous donnons ci-dessous deux figures de sceaux que nous extrayons d'une étude sur les sceaux des comtes du pays de Monlbéliard du
XIIe au XIIIe siècle de M. Jules Gauthier archiviste du Doubs et publiée dans les mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard XXVIe vol. 1899.
La première (fig. 41), représente le petit
FIG. 41.
sceau rond du comte de Montbéliard en 1278 et figure un cavalier casqué avec un écu portant deux bars (poissons). Le cheval n'a pas de caparaçon et est bridé et sellé comme ceux de la tapisserie de Bayeux. Ce sceau porte en exergue sur son pourtour S. Theodorici, comitis motis biligardi.
Le seconde figure (fig. 42) représente le sceau de Renaud de Bourgogne, en 1301, alors qu'il était possesseur du comté de Monbéliard. Ce sceau représente un cavalier casqué avec la
FIG. 42.
couronne ducale, une cotte de maille sous une casaque, sur laquelle est brodée une aigle héraldique, qui est répétée sur l'écu et deux fois sur le caparaçon en étoffe dont le cheval est recouvert : sur la croupe et sur le camail.
Ou lit en exergue : S. Ren. D. Burgundih. Comitis. Montis bitigardi.
FIG. 43.
Pour en terminer avec l'histoire du harnachement au XIIe et au XIIIe siècles, nous donnons encore (fig. 43), comme appartenant à cette époque, un portrait équestre de Simon de Montfort, le chef de la croisade contre les Albigeois (1206), portrait d'après un vitrail de la cathédrale de Chartres. Il n'y a pas de différence avec les harnachements précédents (il est vrai que nous ne voyons pas la selle et qu'il n'y a pas de caparaçon ; sur le bouclier figure un lion qui représente les armoiries de Simon de Montfort. La bride est la même ; comme celle des cavaliers de Guillaume le Copquérant, les rênes ne sont pas attachées directement aux extrémités du mors, elles ont pour intermédiaire une pièce métallique courbée, comme dans les figures 38 et 39 qui simulent des branches de mors qu'elles ne sont pas encore, car elles ne font pas corps avec lui, elles font charnière. Plus tard, nous verrons ces pièces remplacées en tout ou en partie par des chaînettes et reliées souvent ertfre elles par une traverse métallique.
xiy* siècle. - Le quatorzième siècle fut une période de grands changements, aussi bjep dans les harnois de guerre des hommes d'armes que dans les harnachements de leurs chevaux ; du reste les uns furent les conséquences des autres : c'est le temps qui suivit les croisades, celui de Duguesclin et de la guerre 4e Cept ans avec l'Angleterre. Les Anglais possédaient une excel-
lente infanterie et des archers dont les flèches perçaient les meilleures hauberts de mailles ; il fallut renforcer ceux-ci à leurs points faibles, c'est-à-dire au niveau des articulations, par des plaques de fer minces mais solides, se moulant sur la région. C'est ainsi qu'on ajouta successivement à l'armure de mailles, des genouillères, des épaulières, puis des brassards, des cuissards, des jambières et enfin une cuirasse. Au XVe siècle, toute trace du haubert de mailles avait à peu près disparu et le chevalier était couvert de plaques de fer jointes et articulées comme les différentes pièces de la carapace d'un homard.
Le harnachement du cheval éprouva les mêmes modifications. Le caparaçon en étoffe flottante, plus rarement en mailles de fer, fut remplacé par différentes pièces de fer battu, dont l'une, une large carapace en fer plein et voûté, s'appliquait sur la croupe qu'elle couvrait entièrement jusqu'à mi-jambe ; une ouverture laissait passer la queue. En avant, se trouvait un large poitrail aussi en fer protégeant la poitrine, les deux épaules et la moitié supérieure des bras. L'encolure, à son bord supérieur, était protégée par un pare-cou composé de pièces articulées s'emboîtant comme celles de la portion dorsale de la queue d'une écrevisse. Enfin, tout le devant de la tête était protégé par une pièce métallique couvrant le front et le chanfrein et percée d'ouvertures ou d'échancrures pour les oreilles, les yeux et les naseaux.
FIG. 44.
La bride a changé aussi : c'est bien toujours le même mors simple avec la même monture, mais les rênes sont ordinairement, surtout pendant la seconde moitié du siècle, au nombre de quatre : aux deux anciennes qui s'attachent aux extrémités du mors s'en ajoutent deux autres en forme de larges rubans festonnés ou diversement ornés, plus larges à l'extrémité qui s'attache au mors qu'à la partie qui est dans la main et elles s'attachent au mors de toute leur largeur par la pièce de fer qui figure une fausse branche.
C'est la selle qui a subi le plus de changements, ce n'est plus le simple bât du XIe siècle, c'est la selle arabe, rapportée des croisades avec son trousquin en forme de dossier élevé, descendant de chaque côté, et, au lieu de pommeau, une pièce analogue au trousquin que nous venons de décrire, qui lui est parallèle et qui descend jusqu'au devant des genoux en larges battes. Ces deux pièces souvent matelassées, varient de forme suivant les goûts et deviendront, à l'époque de la Renaissance, la selle à piquer qui emboîtait si bien le bassin et les cuisses du cavalier et qui fut la seule selle de cavalerie jusqu'à LouisXIV; on s'en sert encore dans les écoles d'équitation modernes pour monter les sauteurs entre pilliers.
La fig. 44 ci-dessus représente, harnaché en guerre, le cheval d'un chevalier du XIVe siècle, d'après une ancienne miniature du temps.
Pendant la paix, pour la chasse ou la promenade, le cheval, le seul véhicule dont se servent les nobles, ne porte pas un harnais si
lourd. Les figures 45, 46 et 47 que nous donnons ci-contre représentent les harnais de parade ou de chasse. Ces figures ont été copiées sur des miniatures de manuscrits du siècle qui nous occupe. La fig. 45 représente un seigneur à la chasse à l'arc ; la bride est toujours simple mais les fausses branches articulées avec le mors, sont continuées par des chaînettes qui forment le commencement des rênes, et la fixation de celles-ci au bras est curieuse : elles donnent ainsi au chasseur la liberté complète de se servir de ses bras sans pourtant que le cheval soit abandonné. La selle est comme celle que nous avons décrite plus haut, c'est-à-dire à trousquin formant dossier de fauteuil, auquel le carquois est attaché à droite; cette selle est retenue par de larges sangles et un large poitrail en étoffe ornée.
Les fers du cheval sont attachés aux pieds par des clous à larges têtes formant crampons.
La fig. 46 représente un seigneur en action de chasse au faucon ; son costume indique positivemment le milieu du XIVe siècle. La bride a les deux fausses branches réunies par une traverse et se continuant par une paire de rênes simples. La selle est bien semblable à la précédente avec un trousquin en dossier de fauteuil bas, mais nous voyons sa solidité assurée par une croupière reliée à une avaloire par une paire de brancher simple qu'on ne voit plus actuellement que sur les chevaux de trait ; mais que nous les verrons à l'avenir sur tous les chevaux de selle jusqu'à Louis XIII,
FIG. 45.
FIG. 46.
FIG. 47.
et se compliquer de plusieurs branches et être plus ou moins ornées.
La fig. 47 représente un seigneur de la fin du XIVe siècle en promenade ou en voyage avec sa dame en croupe. La bride est toujours la même, mais il n'y a qu'une seule paire de de rênes, constituées par le large ruban dont nous avons déjà parlé ; la selle est à haut et large trousquin et à pommeau plus haut en- core; le poitrail et l'avaloire sont complétés Par des branches les dépassant, flottantes et très ornées. — Cet ornement de la croupière Va durer jusqu'à Henri IV.
Nous avons parlé, en traitant des Périodes Franque et Gauloise de trouvailles faites par un chercheur émérite, M. Frédéric Moreau, près e Fère en Tardenois (Aisne). Les pièces gausses ont été faciles à déterminer, mais il en est d'autres sur lesquelles l'indécision la plus complète régnait ; il s'agit de mors de brides rouvés au pied d'un chêne qu'on venait d'abattre.
d Ces mors étaient de modèles différents : à eux canons chez deux et à canon complexe chez le troisième ; brisés chez l'un (fig. 48), entiers chez deux autres et à fausses branches unies par une traverse (fig. 49 et 50).
Chez deux de ces brides des chaînettes com- eûçaient les rênes (fig. 48 et 49), chez les deux dernières (fig. 49 et 50) des fausses branches, c'est"dIre des branches faisant charnière avec le Ca GOn (fig. 49 et 50) reçoivent l'insertion des rè- lles Ou de leurs chaînettes. Plus nous examinons
ces pièces et plus nous les comparons avec les brides que portent les chevaux de nos figures 45 et 46, plus nous leur trouvons d'analogie dans les parties visibles. Cet air de parenté nous engage à les regarder comme appartenant au XIV" siècle; quant à la figure 49, qui évidemment est parente des deux autres, il y a une gourmette métallique pleine qui accuse une origine orientale. Du reste n'oublions pas que la fin des croisades marquée par la chute de Ptolémàïs (1290) précède de dix ans à peine la première année du xive siècle. Les relations avec l'Orient étaient encore récentes et leur influence sur la forme des brides se faisait sentir tout naturellement.
Il en est de même de la selle. En effet, comparons la selle de notre fig. 44 avec la selle arabe moderne (fig. 51), il y a plus que de l'analogie, il y a identité complète et cela s'explique, car elles ont la même origine : toutes deux sont empruntées au BasEmpire, qui avait inventé la selle et l'avait perfectionnée en la garnissant d'un trousquin et d'un pommeau très élevés. Les Croisés l'ont ràpportée de Constantinople, mais chez nous elle s'est successivement modifiée en devenant la selle à piquer puis les selles variées que nous verrons employer au XVIIe et au XVIIIe siècles. Chez les arabes, où les traditions sont figées et où les habitudes et les mœurs se conservent des siècles durant, la selle du temps des croisades est restée ce que nous la voyons encore aujourd'hui (fig. 51). Les Sarrasins ont
FIG. 48.
FIG. 49.
FIG. 50.
FIG.150 bis.
FIG. 51.
transmis cette selle et leurs brides aux Espagnols qui les emploient encore de nos jours dans les Corridas, et les Espagnols l'ont transportée au Mexique où elle existe toujours, ainsi que leurs brides dont nous donnons les figures suivantes (fig. 52 et 53) que nous empruntons au Moniteur de la Sellerie du 12 mars 1899.
Les Espagnols et les Mexicains ont même emprunté aux Arabes leurs larges étriers sur lesquels toute la face inférieure du pied prend son appui et on ne peut nier que la selle arabe et les étriers qui l'accompagnent donnent une solidité exceptionnelle au cavalier.
Cette solidité était nécessaire aux chevaliers bardés de fer du Moyen-Age et nous verrons que ces selles étaient surtout militaires ; on en avait d'autres pour la promenade ou la chasse.
La fig. 51 représente le harnachement arabe moderne qui n'a pas changé depuis les croisades. Les figures 52 et 53 représentent des brides mexicaines modernes qui représentent des brides arabes moyen-âge. La figure 52 est encore la bride arabe moderne.
Pour en finir avec l'histoire du harnachement au XIVe siècle, nous donnons, fig. 54, la copie d'une miniature existant dans le psautier Louterell, manuscrit précieux conservé dans la famille Weld, au château de Sulworth en Dorsetchire, cité dans le Horse-Shoes and Horse Shoeing, de Fieming, d'où nous l'extrayons.
C'est du même manuscrit qu'est extraite aussi notre fig. 46, dont le fauconnier à cheval a bien
tous les caractères et le costume du XIVe siècle, époque à laquelle on fait remonter le dit manuscrit.
Cette fig. 54 offre un très grand intérêt, tant au point de vue du harnachement des chevaux de paysans du temps, qu'à celui de leur ferrure et de la construction des voitures. Elle représente une charrette chargée de gerbes, attelée de trois chevaux en flèche, qui la traînent dans un chemin difficile et montueux et qui sont aidés par trois hommes poussant à ladite charrette. La bride de ces chevaux est constituée par un simple bridon, les colliers sont beaucoup plus lourds et plus épais que les colliers de paysans de nos jours ; la sellette du limonier est semblable, et rappelle la selle des cavaliers de Guillaume le Conquérant.
XVe SIÈCLE. — Le beau manuscrit sur la chasse, de Gaston Phœbus, comte de Foix, nous donne dans ses remarquables miniatures de précieux renseignements sur le harnachement du cheval de chasse.
On a l'habitude, même à la Bibliothèque Mazarine qui possède ce précieux livre, de le considérer comme étant du XVe siècle, et cependant il est en réalité de la fin du XIVe. En effet, Gaston Phœbus est né en 1331 et mort en 1391. La miniature frontispice de l'ouvrage représente Gaston Phœbus, genou en terre, offrant son ouvrage au duc de Bourgogne, régent de France pendant la folie de son neveu, le roi Charles VI. Or, dans cette miniature, Gaston Phœbus a la figure d'un vieillard en
FIG. 52.
FIG. 53.
Fu}. — Chevaux de charrette de paysan du XIV. siècle.
(Copie du Psautier ~LouMpçl, d'après une gravure de Horse-Shoes, de Fleming, i>. ',Oi).
FIG. 55. — Veneur du XIve-xv' siecle.
(Copie d'une miniature de La Chasse, de Gaston Phœbus)
cheveux blancs. C'est donc pendant sa vieillisse que Gaston Phœbus a composé sa Chasse et dans les dernières années, par conséquent, du XIVe siècle.
Quoiqu'il en soit, nous pouvons considérer les documents que cet ouvrage nous fournit comme se rapportant aussi bien au commencement du xve siècle qu'à la fin du XIVe.
Tous les chevaux de chasse montés par les veneurs, dans La Chasse de Gaston Phœbus, sont blancs, sans doute à dessein, car ils sont plus faciles à distinguer dans les bois que les chevaux de couleur. Ce sont de solides petits chevaux ayant l'apparence de bretons à chanfrein droit ou un peu camus, moins fluets que les tarbais actuels. Nous représentons dans la figure 55, ci-contre, un de ces chevaux monté par un veneur qui suit un piqueur en train de faire le bois, avec un limier tenu A to botte.
Tous les chevaux ont le même harnachement plus ou moins orné et de couleur rouge ou bleue. Celui de notre fig. 55 est un des plus fiorituré et on voit que le même motif d'ornement se répète sur les rênes, le poitrail et l'avaloire. Au lieu d'être à jour, comme celui-ci, les pièces du harnachement sont souvent pleines et festonnées comme dans la petite figure X.
La bride est un simple mors sans branches et celui-ci est assujetti par un montant ordinaire en cuir ou étoffe de couleur, ainsi que le frontal et la sous-gorge, plus une pièce qui vient se croiser sur le front entre les yeux, comme
dans la bride russe moderne. L'avaloire est reliée à la croupière par six bandes qui dépassent la première et se terminent en bouton.
Le nombre de ces montants est quelquefois réduit à cinq, à quatre et même à trois, et il semblerait que leur nombre aussi bien que l'abondance des ornements et la vivacité des couleurs soit en rapport avec le rang du cavalier.
La selle de chasse de Gaston Phœbus nous paraît être une selle rase comme la selle dite française. La selle à haut trousquin était la selle d'arme, nécessaire pour donner au cavalier une solidité capable de lui permettre de résister aux furieux coups de lance qui se donnaient alors et ne pas être désarçonné.
Nous avons montré dans notre figure 55 quel était le harnachement des veneurs dans le temps de Gaston Phœbus, temps qui est à cheval sur le XIVe et le xve siècle ; il différait peu du harnachement de promenade représenté fig. 46 ; quaud au harnachement de guerre ou de tournois il n'a guère changé non plus depuis un siècle, c'est-à-dire le XIVe siècle où il est représenté dans notre figure 44; la selle est toujours la selle à haut trousquin et à battes rapportée d'Orient, la bride a deux rênes, une large fixée à la branche toujours flasque ou mobile sur le mors, et une étroite fixée au mors; le caparaçon du cheval est composé de larges plaques métalliques : une très grande bombée couvrant les reins, la croupe, les flancs, les fesses et les cuisses ; une autre couvrant le
- - Chevalier germain peint par Lucas Cranach.
(XVe siècle).
poitrail, les épaules et les bras ; une autre couvrant tout le devant de la tête et enfin une couvrant le bord supérieur de l'encolure et composée de pièces articulées comme la queue d'un homard.
La figure 56 ci-contre, qui représente un chevalier germain, d'après un portrait peint par Lucas Cranach au XVe siècle (fig. extraite de Horse Schoes and Horse Schoeing de Fleming), montre toutes ces pièces comme lafig. 44, moins la Garde du cou qui est cependant toujours en usage comme nous le verrons plus loin et cela parce que nous pensons que la tenue de ce chevalier germain est une tenue de parade ou de tournoi plus qu'une vraie tenue de guerre, ce qu'indique les énormes panaches dont le casque est orné et qu'on ne portait guère au combat.
Nous venons de parler de tournois ; ils étaient dans leur pleine activité pendant le XVe siècle, c'était des combats simulés dans lesquels on ne se servait que d'armes courtoises, c'est-à-dire non vulnérantes. Ils prirent naissance du XIe siècle ; ils étaient d'origine germaine, mais ils ne furent bien réglés qu'en France où ils prirent, malgré l'interdiction des papes et de certains rois, un essor que seule la mort de Henri II vint arrêter: Pendant un tournoi où ce roi combattait avec le comte de Montgommery, le bois de la lance brisée de ce dernier ayant pénétré dans les ouvertures de la visière du roi lui creva un œil et pénétra dans le cerveau. De ce jour, les
tournois furent condamnés, mais le goût en persista toujours et ils furent remplacés par les carrousels importés d'Italie qui firent fureur à leur tour surtout pendant le grand siècle (le XVIIe).
CHAPITRE II
Le harnachement à l'époque de la Renaissance. —
Commencement des temps modernes \XVie SIÈCLE)
Le commencement du XVIe siècle ne se distingue pas du XVe au point de vue qui nous occupe ; il appartient encore en fait au Moyen-âge et il n'y a aucune différence dans le harnachement du cheval ; nous en trouvons la preuve dans une gravure, fig. 57, datant exactement de 1510, qui représente un cheval d'un haut personnage, en tenue de parade portant certaines pièces du harnachement de guerre, comme le chanfrein, le garde-cou, la selle à haut trousquin, et des pièces de harnachement de promenade comme la croupière, l'avaloire et les montants ornementés qui relient celle-ci fi la précédente. Cette croupière porte au point Où les montants se réunissent une sorte de globe qui paraît être un gros grelot. Toutes les autres pièces du harnachement sont très ornées, comme la housse de la selle et les Montants de la bride. Enfin le cheval porte Sur la tête un triple panache qui prouve que son harnachement est de pure parade.
Le harnachement de guerre à la même époque (commencement du XVIe siècle) est aussi semblable à celui du xve siècle ; l'armure de François Ier et celle de son cheval, qui sont
conservées au Musée des Souverains, le montrent, et nous donnons, figure 58, la copie d'une gravure datant de 1520, qui en est aussi la preuve. Ce sont ses derniers beaux jours, car le perfectionnement et la multiplication des armes à feu vont faire disparaître les harnais de fer du cheval avant la fin du siècle.
On donne le nom de Renaissance à la rénovation littéraire, artistique et scientifique qui se produisit en Europe au XVIe siècle et qui fut facilitée, sinon causée, par la découverte de l'imprimerie qui vulgarisa les œuvres de l'esprit, par l'invention de la gravure qui vulgarisa les œuvres d'art.
C'est l'époque de l'Arioste, du Tasse, de Léonard de Vinci, de Michel-Ange, de Ra.
phaël, etc. En Italie, la Renaissance littéraire et scieutifique poursuivit sa carrière parallèlement à la Renaissance artistique.
La France sentit le même enthousiasme de rénovation, après en avoir eu le spectacle sous les yeux dans les campagnes d'Italie.
François Ier attira les savants et les artistes : le Primatice, Léonard de Vinci, Cellini, qui formèrent de brillants élèves, Lescot, Delorme, GoujoD, Cousin, Germain Pilon.
Un art qui avait aussi brillé dans l'antiquité, surtout en Grèce, l'Equitation, et qui, comme les autres, avait disparu au MoyenAge, reparut en Occident à l'époque de la Renaissance. « L'auteur de cette rénovation, dit
fiÜ'Ur FIG. 57. - Extraite d'un Psautier du musée Kinsington; figure faisant partie de la représentation d'une procession qui eut lieu en l'honneur de la reine Catherine, le 5 février 1510.
FIG. 58.
Victor Cherbuliez (1) fut un gentilhomme napolitain, Federigo Grizone. A Naples, à Rome, furent fondées les premières académies équestres Plus tard, parut Pignatelli dont les enseigLements furent propagés en France par ses disciples, La Broue et Pluvinel. Mais c'est en matière d'éducation que l'esprit antique eût le plus de peine à se faire accepter des modernes : l'éducation du cheval fut brutale d'abord et ce fut un contemporain de Jean Jacques, La Guérinière, qui fit prévaloir dans l'équitation les règles de la nature et des Grecs. Le fameux Grisone, grand homme en son genre et qui semble avoir suivi Xénophon sur plus d'un point, n'avait pas réussi à dépouiller cette brutalité qui était encore dans les mœurs du temps, mariée on ne sait comment à toutes les recherches d'une politesse raffinée.
« Il ne savait que conseiller les attaques violentes et multipliées de l'éperon pour réveiller l'action et assouplir l'arrièremain ; il enjoignait aussi de faire parcourir avec furie de longues distances pour amortir le feu du cheval et le traitait non en ami, mais en esclave dont il faut réduire sans pitié les caprices et les résistances.
« Je vous advise, écrivait-il, que quand le « cheval use de quelque malice, comme de « branler la tête, se lever debout, ou s'appuyer « sur sa bride, ou bien lorsqu'il fera d'autres
(1) Victor Cherbuliez : le cheval de Phidias.
« notables fautes, lors vous lui donnerez le « châtiment, avec une voix terrible et ef« frayante, et ireusement direz, avec un cri « âpre et menaçant, celles de ces paroles qui « vous viendra à gré : Or sus! or sus! hors là !
« Ah! traître, ah! ribaud! tourne, arrête, « tourne ci, tourne là. et autres semblables, « pourvu que ce soit terrible !. »
« N'est-ce pas là l'image de ces maîtres enyvrésde leur cholère que réprimandait Montaigne et qui lui faisait dire : Quelle manière pour éveiller l'appétit envers leur leçon à ces tendres âmes et craintifves de les y guider d'une trongne effroyable, les mains armées de fouets! Autrement parlait à son cheval le sage élève de Socrate et l'on peut dire que dans son école, comme le voulait Montaigne, il avait fait pourtraire la Joye, l'Allaigresse, Flora et les Grâces; comme lui, il voulait que là ou est le proufit de l'escotier, là fut aussi son esbat. Ecoutez-le plutôt, recommandant de dresser le poulain de telle sorte qu'il devint ami de l'homme philanthrope et à cet effet de pourvoir à ce qu'il ne souffre jamais qu'étant seul, et à ce que la cessation de toute incommodité lui vienne des soins de son maître.
« C'est ainsi, disait-il, qu'il en viendra à « aimer et à désirer la présence de l'homme.
« Qu'on ait grand soin, dit-il encore, de chan« ger le lieu du travail, d'en varier la durée des « reprises, le cheval, ainsi s'ennuiera moins.
« mieux se plaira à faire ce qu'on lui demande.
CI Dès que vous avez obtenu de lui une marque
* d'obéissance, ayez soin de lui en témoigner « votre contentement en lui accordant quelque « relâche ou en lui faisant telle chose qui lui « soit agréable. »
Et ailleurs : « Les mauvais traitements ne produisent jamais que maladresse et mauvaise grâce. Avec les chevaux, ne rien faire Par colère, c'est la première de toutes les régies; car la colère ne prévoit rien et ce qu'elle fait faire est presque toujours suivi de repentir. Le premier soin sera d'éviter tout ce qui peut chagriner l'animal, toute aide brusque trouble un cheval impatient, comme tout bruit, toute apparition, toute sensation soudaine trouble l'homme; généralement le cheval appréhende et se brouille à tout ce qui "It trop subit. Si sa fougue l'emporte, pour s en rendre maître il ne faut pas tirer la bride tout à coup, mais la ramener tout doucement t soi et par gradation le réduire sans violence.
Lorsqu'on verra qu'il porte beau et sent avec plaisir la légèreté de la main, qu'on se garde bIen alors de le chagriner en rien, comme Pour le faire travailler, mais qu'on le caresse au contraire, comme pour cesser le travail. »
Le parallèle que nous venons d'emprunter à * Cherbuliez sur les méthodes de dressage res actives de Frédéric Grison èt de Xénophon, i est pas aussi éloigné de notre suj et, dans un. travail sur l'histoire du harnachement, Itle cela pourrait paraître. En effet, la bride es Grecs n'était qu'un simple bridon qui se COntInua pendant tout le moyen-âge, tandis
qu'avec Frédéric Grison apparaît une bride qui est un véritable instrument de supplice : les branches flasques, articulées, mais non fixées au mors et qui sont une continuation des rênes, avec les chaînettes qui les prolongent souvent, sont remplacées par de longues branches soudées au mors qu'elles dépassent supérieurement, pour s'attacher à la gourmette qui était inconnue auparavant, en sorte que la bride ainsi composée forme un levier susceptible de casser la mâchoire sans de grands efforts. Cet instrument de supplice était digne de Grison et surtout de ses élèves qui avaient perfectionné ses procédés de sévérité.
La bride de Frédéric Grison et des rénovateurs de l'Equitation à l'époque de la Renaissance, nous la retrouvons figurée sur une fresque de cette époque qui existe au Campo Santo de Rome et qui représente un groupe de cavaliers.
Nous représentons (fig. 59) la tête d'un de ces chevaux coiffé de cette bride.
C'est la première œuvre d'art où nous voyons figurer la gourmette et cet accessoire allait de paire avec les longues branches que nous voyons aussi pour la première fois avec ces dimensions. On comprend qu'avec un tel bras de levier et un tel point d'appui, la bride soit devenue un instrument de torture suseep' tible de casser la mâchoire sans grands efforts, et cet instrument était nécessaire pour produire les airs de manège auxquels s'atta-
FIG. 59.
chaient les élèves et successeurs de Grison, * après lui, dit Cherbuliez (1), l'équitation tomba dans la manière ; les piliers et la muraille devinrent les grands engins d'équitation équestre ; Pluvinel, comme plus tard le duc de Newcastle, mirent toute leur étude à ces fameux assouplissements dont l'excès est si contraire à la grâce du cheval, comme tout ce qui force la nature. Ce ne fut encore qu'au XVIIIe siècle qu'on s'avisa de revenir aux prescriptions du bon sens. « J'ai vu, écrivait en * 1756, Gaspard Saulnier, écuyer de l'université de Leyde, j'ai vu des écuyers qui pous* saient l'extravagauce jusqu'à plier le cou CI des chevaux de manière que leur tête venait toucher la botte du cavalier; ils croyaient « alors faire des merveilles et être fort habiles « et réellement ils passaient pour tels dans le * public ». Et La Guérinière, ce Jean-Jacques du cheval, se plaignait aussi amèrement de « ces partisans de justesses recherchées qui amortissent le courage de l'animal et lui * ôtent toute la gentillesse que la nature lui a * donnée ». Après lui, les d'Abzac prisent peu le pli en demi-cercle, ou le demi-pli en arc - et, abandonnant ce travail raccourci où se réduisait l'équitation, la ramenèrent à des allures plus franches, réduisirent à leur juste importance les ballotades, les sarrabandes, les terre à terre et le galop sur deux pistes, et se confinèrent sans s'en douter aux traditions de
(1) Loco citato.
la Grèce, préférant le cheval qui brille dans le turf, à la chasse, ou dans les batailles, à celui dont tout le mérite consiste à la parade. »
L'instrument sur lequel les Pignatelli, les de la Broue, les Pluvinel, les Soleysel, etc., comptaient le plus pour arriver à la perfection dans leurs fameux airs de manège si en honneur aux XVIe et au XVIIe siècle, était la bride, aussi l'art d'emboucher les chevaux était-il devenu des plus compliqués et les formes de brides des plus variées ; pour en donner une idée, nous allons copier dans Soleysel (1) les formes variées de mors que cet écuyer et ses prédécesseurs préconisaient.
Mais pour montrer combien était compliquée cette science de l'embouchure, nous allons rapporter un passage du dernier auteur que nous avons cité et où il en fait ressortir l'importance : « Emboucher un cheval c'est lui donner la bride qui lui est la plus convenable pour pouvoir gagner son consentement aux actions qu'on demande de lui.
On gagne le consentement par une bonne bride qui assure et résoud les bouches trop sensibles ou égarées, ou allegérir les sourdes et pesantes, ramener ou assujettir celles qui sont trop fortes.
« Pour aèquérir cette connaissance il faut
(1) Soleysel. — Le Véritable Parfait Maréchal. Tré- voux 1673.
<\ FIG. 60.
P. simple canon. — B. Canon à trompe. — G. Gorga de pi'ge"n* - D. Canon montant. — E. Escache montante. —
P* Ives à couplet. - G. Escache à bavette.
Fia. 61.
W. Canon à col d'oye, la liberté gagnée. — I. Canon à basculle. —
J. Escache à pignatelles, la liberté gagné — K. Canon à pas d'ane, la liberté gagnée. — L. Olive tambour à Pignatelles. —
M. Balottes à col d'oye. — N. Poires secrettes.
avoir quelques principes et sur iceux on se détermine à donner une embouchure plutôt qu'une autre et une branche d'une façon plutôt que d'une autre qui sera différente : ces Principes sont ce qu'on appelle théorie, la.
quelle jointe à un peu de pratique vous ouvrira le chemin, en sorte que vous pourrez emboucher vos chevaux sans conseils ni aide de personne. Pour parvenir à cette fin, il faut Ilon seulement connaître la bouche et les reins d'un cheval, mais encore la jambe et les Pieds, bons ou mauvais et même, s'il se peut, son inclination naturelle.
et La science d'emboucher les chevaux se divise en trois parties, savoir, en celle qui considère ce qui se met dans la bouche du cheval, que nous appelons l'embouchure ou le mors.
« La seconde est celle qui considère la branche qui est cette partie plus longue que a bride et que nous voyons extérieurement.
* La troisième est la gourmette, espèce de chaîne attachée à la branche et placée sur la barbe du cheval.
« L'Embouchure nous donne l'appui de la lllain duquel dérive l'obéissance du cheval.
et La Branche a son effet de faire agir l'embouchure et de placer la tête et l'encolure du cheval.
La Gourmette est cette chaîne sans laquelle la Branche n'aurait aucun effet.
01 L'embouchure se proportionne aux parties intrieures de la bouche : elle est composée de
ses côtés, des chaperons, des olives, des fonceaux, et de la liberté de langue.
« La Branche se proportionne à l'encolure et au dessein qu'on a de ramener ou de relever ; elle est composée de l'œil, du banquet, du coude de la barbe, du pli du banquet, du jarret, du bas de la branche ou touret.
« La Gourmette se proportionne au dessein qu'on a de ramener ou relever ; elle est composée de deux longs crochets qui tiennent à l'œil, de mailles et de grosses S.
« Les côtés de l'embouchure sont faits de canons, d'escaches, d'olives, de berges,, de tambours, campanelles, poires, balottes, melons, annelets, rouelles, patenostres, et plu- sieurs autres hors d'usage. »
Nous arrêtons là notre citation, qui suffit à montrer combien les différentes parties de l'embouchure étaient nombreuses, et ce n'est rien comparé aux différents cas où telle embouchure devait être employée plutôt que telle autre. C'était, comme nous l'avons dit, une science très compliquée. On a reconnu avec raison depuis qu'il n'en fallait pas tant pour s'adresser à l'intelligence et se faire comprendre d'un cheval.
Nous représentons de A à N (fig. 60 et 61) les principales embouchures employées aux XVIe et xvii" siècles, nous nous contentons de donner leurs noms, Soleysel consacre à chacune un cha pitre sur son emploi, son usage et ses avantages.
FIG. 62.
Fia. 63.
FIG. 64.
FIG. 65.
Nous donnons (fig. 62) la figure de la brabche la plus employée, dite Branche à la Conestable.
Il y en avait encore plusieurs autres plus ou moins différentes de formes, mais tout aussi longues, nommées : Branche droite à pistolet, Branche à la Gigotte, Branche à genouil, Branche française, etc.
Cela suffit pour montrer à quels supplices variés la nouvelle école d'équitation avait condamnés les malheureux chevaux de selle 61 qu'ils subirent pendant près de trois siècles.
Ce genre de bride s'est conservé jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, en se simplifiant Un peu dans le mors, mais en gardant ses branches exagérées. Nous verrons plus loin que la bride anglaise a eu l'avantage, au XVIIIe siècle, de nous débarrasser de ces œuvres de fine serrurerie qu'on appelait l'embouchure des chevaux.
La Selle. — Si la bride du cheval se cômpliquait à la renaissance de l'équitation, la selle se simplifiait, en ce sens que le modèle rapporté d'Orient par les croisés, caractérisée par son haut trousquin et ses hautes battes, qui dura pendant tout le Moyen âge et qui a été sonservée par les Arabes, les Tauréadors et es Gauchos du Mexique et de l'Amérique du SUd, la selle orientale, disons-nous, était remplacée par la véritable selle à piquer.
Nous donnons, d'après un auteur du temps (Og. 63), les détails de la construction de la selle à piquer, qui, au XVIe et au XVIIe siècle, était
la véritable selle d'armes et même la selle de chasse.
La figure 64, copie d'une statuette d'un cavalier du temps de la Ligue (fin du XVIe siècle) représente le harnachement du cheval à cette époque, la selle est peu distincte, étant masquée par le cavalier et surtout son écharpe, mais entre les deux bouts de cette écharpe on voit assez du trousquin pour deviner que la selle est comme nous l'avons figuré en B, fig.
63, elle est retenue en avant par un poitrail assez simple et en arrière par une avaloire et un montant qui rattache cette dernière à la croupière.
La figure 65 représente un veneur du milieu du XVIe siècle d'après une gravure de la Vénerie de Jacques du Fouilloux, édition princeps. Elle est ici plus visible que dans la figure précédente; elle est retenue par un poitrail simple et par une avaloire dont les ornements rappellent ceux des rènes et par deux montants à extrémités flottantes rattachant cette avaloire à la croupière. La sangle est double et les deux parties sont reliées par une traverse.
Jusqu'à l'époque de la Renaissance, tous les voyages, toutes les visites, toutes les affaires se faisaient à cheval chez les nobles et les bourgeois. Les voitures de luxe ne commencèrent à apparaître qu'au XVIe siècle : sous François 1er, il n'y avait que deux carrosses à Paris, l'un pour la reine, l'autre pour la duchesse d'Etampes ; — les dames se ren-
\¡tj. - Veneur se rendant à la chasse sous terre, dans une charrette.
Figure extraite de la Vénerie de Jacques du Fouilloux, 1560.
FIG. 67. — Carrosse d'un noble sous Louis XIII.
daient à la Cour à cheval. — Mais le nombre de ces véhicules ne tarda point à augmenter, au point que Charles IX, dans ses lettres patentes pour la répression du luxe, défendit l'emploi des carrosses dans l'intérieur de la ville.
Le roi Henri IV n'en avait qu'un, et il écrivit un jour à Sully qu'il ne pouvait aller le voir parce que la Reine se servait du carrosse. Mais en 1652 on en comptait déjà 300 dans Paris.
Pour se rendre à l'endroit où il voulait pratiquer la chasse sous terre du blaireau ou du renard, pour porter les instruments nécessaires à cette chasse et surtout les harnois de gueule à consommer dans les entr'actes, Jacques du Fouilloux se servait d'une charrette à deux roues et à ridelle, conduite par un de ses serfs. — C'était la voiture de chasse, le dog-car du temps. — Comme on peut le voir par la gravure 66 que nous empruntons à son ouvrage publié en 1560, le cheval attelé à cette charrette a pour harnachement un POitrail-bricole fixé à une selle à piquer maintenue par une avaloire; cette avaloire et la bricole sont ornées de houppes. C'est au POitrail-bricole que sont fixés les brancards de la charrette. La bride est simple et aux branches sont attachées une paire de rênes ou de guides.
La charrette n'est pas suspendue et le veneur, sans doute pour atténuer la dureté es cahots, a emmené avec lui une garce dont e giron lui sert de coussin.
Les carrosses, comme le montre notre fig. 67 empruntée à une gravure du temps, étaient, sous Louis XIII, de lourdes voitures constituées par une grande caisse carrée, évasée du haut et couverte en dos d'âne ; cette caisse, non suspendue, était posée à même sur un train à quatre roues grossières. La caisse de la voiture avait des portières de chaque côté avec des marches fixes. Ces portières avaient la moitié supérieure vitrée et munie d'un rideau. De grandes baies à rideau étaient aussi pratiquées sur les faces antérieures et postérieures. Des banquettes à coussins se voient à l'intérieur, et sur le devant existe aussi un coffre-banquette à coussins pour le cocher. Sous cette banquette, s'insère le timon auquel sont attelés deux chevaux. Le harnachement de ces deux chevaux consiste en une bride simple ou plutôt un bridon dont les deux paires de guides sont réunies dans la main du cocher. L'appareil de traction consiste en un poitrail-bricole fixé au devant d'une selle qui est masquée par une housse ornée de l'écusson du maître. Cette selle est maintenue par une avaloire ornée comme le poitrail-bricole. C'est à cette selle que paraissent fixés les traits, larges bandes de cuir fendues en avant, ce qui indique deux points d'attache à l'extrémité antérieure pour chaque trait ; l'extrémité postérieure est attachée à un palonnier fixé au timon. En avant, le bout du timon est rattaché par une bride au poitrail-bricole.
Ces carrosses, non suspendus, devaient être
très durs et les cahots étaient transmis intégralement aux voyageurs, ce qui devait être Un supplice incessant, car les rues et les routes n'étaient pas pavées et unies à cette époque reculée comme elles le sont aujourd'hui. On avait bien des coussins qui étaient de véritables sacs bourrés de laine; néanmoins, on chercha des doyens de suspension et le premier qu'on trouva furent des supports en bois dressés sur le train, en face de chaque coin de la caisse portant des cordes fixées aux coins inférieurs de celle-ci et la soutenant au-dessus du train.
Les pièces de bois en question furent remplacées plus tard, au xvmc siècle, par de vrais ressorts en fer, arqués en cou de cygne, et les cordes de suspension par de fortes courroies doublées.
Siècle de Louis XIV. — Le siècle de Louis XIV est à cheval sur le XVIIe et le XVIIIe siècle, Ou plutôt il comprend la plus grande partie du Premier et la première moitié du second.
Nous trouvons les éléments de l'histoire du harnachement dans un livre très intéressant qu'on ne croirait pas si complet au seul vu de son titre ; c'est : Le NOUVEAU PARFAIT MARÉCHAL OU La connaissance générale et universelle du Cheval, divisé en sept traités : 1° de la construction ; 2° du haras; 3° de l'écuyer et du harnais; 4° du médecin ou traité des maladies des chevaux ; 5° du chirurgien et des opérations; 6° du
maréchal-ferrant; 7° de l'apoticaire et des remèdes. — Avec un dictionnaire des termes de cavalerie. Le tout enrichi de cinquante figures en taille-douce. — Par M. Fr. A. DE GARSAULT, ci-devant capitaine en survivance du Haras du Roi, Paris 1739.
C'est dans le Traité de l'Ecuyer, consacré à l'hygiène, au dressage et à l'emploi non seulement du cheval de selle, mais encore de celui de carrosse, de chaise et de gros trait, que nous trouvons la description des brides et harnais employés pour ces différents services.
La bride (fig. 68 A) s'est grandement modifiée depuis celle que nous avons décrite et représentée aux figures 60, 61 et 62 et qui était le résultat de l'application des principes de l'équitation italienne importée en France par les élèves de Frédéric Grizon. Elle s'est simplifiée, ce qui indique que les méthodes barbares, où l'on employait ces instruments de torture, se sont adoucies. La monture est à peu près la même et aussi les branches, mais on n'a conservé, des quatorze mors compliqués à olives, à escaches, à pignatelles, etc., que les formes A, C, D, H, que nous avons représentées aux figures 60 et 61.
Les branches dites à la conétable de la fig. 62, se voient encore, mais on en voit aussi beaucoup de très simples et toutes droites, comme notre figure A, 68, et Garsault dit avec raison : « Anciennement on avait tant d'égard aux moindres variations des lèvres, de la langue et
FIG. 68.
FIG. 69.
FIG. 70.
même des différents degrés de sensibilité les Plus subtils, et jusqu'aux moindres inclinations du cheval, que pour chacun de ces cas, on avait imaginé un mors différent ; mais on a reconnu depuis quelque temps cet abus, parce que ces mors égaraient à la fin ou endormaient la bouche du cheval et on a vu que trois ou quatre espèces d'embouchures suffisaient pour conduire tous les chevaux. »
La bride avait, comme actuellement. une double rêne de filet et une paire de rênes de bride ; en plus une martingale qui s'attachait d'une part à la sous-gorge et d'autre part aux sangles. (Voyez la fig. 69.) Caveçon (fig. 68 B). — Le caveçon est une sorte de muserolle en fer avec une monture de bride, composée de trois pièces articulées, munie de trois anneaux, rembourrée et couverte de cuir; qu'on employait surtout pour pesser les jeunes chevaux au manège.
La selle. — La selle aussi s'est simplifiée.
La selle à piquer, que nous avons représentée fig. 63, est toujours employée, mais seulement au manège. Pour l'extérieur, pour l'usage des grands personnages et des officiers, c'est la selle royale (fig. 69) qui est en honneur; elle e&semblQ à la selle à piquer, mais avec des vtes et un troussequin beaucoup plus bas ; es Quartiers sont de velours, de drap ou de roussi (?) et ces selles étaient communément ornées de galons, de tresses et de franges.
Pour les voyageurs du commun, les valets, les soldats à cheval et les dragons, on se servait d'une selle analogue à la royale, mais plus grossière. Ces selles étaient faites de cuir de résistance, montées sur des arçons et munies d'anneaux, soit pour attacher les pistolets, soit pour attacher les valises et les trousses,
Fia. 71.
les étuis à bêches et à haches, ou pour y passer une courroie qui réunissait plusieurs chevaux quand elles appartenaient à des dragons qui combattent à pied.
La selle anglaise (fig. 70 B) a fait son apparition dans ce siècle, c'est une vulgarisation de la selle de course — les courses datant de cette époque — et qui est préférée par certains anglomanes. Son influence a fait simplifier encore la selle française (fig. 70 A) qui, sous le nom de selle rase ou demi-anglaise, est préférée
POur la chasse comme moins embarrassante.
« La selle de femme, dit Garsault (fig. 71) est une selle faite exprès pour servir aux femmes qui ne montent point à cheval jambe de ci, jambe de là. C'est une selle à arçon de bois ; l'arçon de devant était fait en col d'oye et on y ajoutait une main de fer que la femme empoignait quand elle était assise sur la selle. Il n'y avait à cette selle qu'un étrier rembouré. a C'est la première fois que nous entendons Parler de cette selle et il est probable qu'avant l'époque du siècle de Louis XIV la plupart des femmes montaient à califourchon, ou en croupe.
Il y avait d'autres espèces de selles moins importantes; la principale était la selle de postillon pour le conducteur de chaise de poste : elle tenait le milieu, pour la forme, entre la selle à piquer et la selle royale (fig. 72), c'est-àdire que les battes et le trousquin avaient deux pouces et demi de hauteur ; elle était en cuir noir pour cadrer avec celui des harnais des chevaux de chaise de poste.
La selle était munie d'une croupière embrassant la base de la queue et destinée à empêcher la selle de couler en avant et d'un poitrail Pour l'empêcher de couler en arrière et, enfin, de sangles simples, doubles ou triples pour fixer la selle sur le dos (voyez les figures 69 et 73).
Le poitrail avait la forme de celui qui existe encore dans l'artillerie moderne; mais il avait Un ressort qui permettait au cavalier, sans escendre de cheval, de décrocher instantané-
ment le poitrail pour parer à un accident qui était fréquent à cette époque et qui était provoqué par la longueur exagérée des branches de la bride, lesquelles, quand le cheval était tenu trop encapuchonné, s'accrochaient au poitrail, faisaient en quelque sorte que le cheval tirait au renard de pied ferme et tombait en arrière.
L'appareil en question permettait de prévenir cet accident qui ne se voit plus depuis la suppression des longues branches de mors.
De chaque côté de la selle et fixés sous les quartiers par une boucle, s'attachaient les étrivières qui supportaient les étriers.
Enfin, sur les côtés et en arrière de la selle se plaçaient, dans les harnais de luxe, une pièce d'étoffe plus ou moins ornée (voyez la fig. 69) correspondant à ce qu'on appelle aujourd'hui la chabraque et qu'on appelait alors croupelins, qui servaient à garantir l'habit du cavalier de la sueur du cheval. En avant de la selle et se bouclant sur le poitrail se plaçait aussi une pièce d'étoffe qui complétait le croupelin et qu'on appelait housse en soulier, parce qu'on ne s'en servait que lorsque le cavalier ne mettait ni guêtres, ni bottes ; elles garantissaient la jambe.
Harnachement des chevaux attelés. — Si les véhicules attelés étaient rares sous François 1er à l'époque de la Renaissance, ils étaient devenus communs et variés sous le règne du Grand Roi. Outre le carrosse, qui ne s'était pas beau-
coup modifié depuis Henri IV et qui servait aux visites en ville et dans les châteaux des environs, il y avait la chaise de poste (ou chaise tout court) pour les voyages plus étendus à
Fia. 72.
travers le royaume et à l'étranger. Il y avait aussi la litière, véritable chaise à porteur, un Pen plus grande que celle portée par des hommes et qui ne servait qu'à une personne, fldis que la litière pouvait en loger au moins deux se faisant vis-à-vis, et était portée par des mules.
La bride du cheval de carrosse différait peu de celle du cheval de selle : le mors était le même, mais les montants étaient munis d'œillères « pour empêcher, dit Garsault, que le cheval ne voye à côté de lui et ne soit pas dis-
FIG. 73.
trait de son travail par les objets qui l'approchent. » La têtière de la bride était ordinairement munie d'une aigrette (fig. 72).
La principale pièce du Harnais du cheval de carrosse, celle qui servait au tirage et sur laquelle le cheval poussait avec son poitrail, était appelé le poitrail — c'est celle qui se nomme actuellement bricole, par extension du nom d'une pièce qui supportait le poitrail. —
Il n'y avait pas encore de collier pour les che-
FIG. 74.
FIG. 75.
vaux de trait léger; il était exclusivement réservé aux chevaux de gros trait et datait du Moyen âge (voy. fig. 45). Ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle qu'on donna un collier aux chevaux de chaise, un peu plus léger que celui des chevaux de gros trait ; puis ce collier léger Passa aux chevaux de carrosse. Le poitrail, composé de trois bandes de cuir superposées de largeur différente — celle qui touchait la Peau étant la plus large — était soutenu par deux paires de montants, dont la dernière paire s appelait bras de bricole; ils s'attachaient à un coussinet placé en arrière du garrot. Le poitrail Se continuait, par l'intermédiaire d'un large anneau, avec le reculement, large bande horizontale faisant le tour du cheval en s'appuyant sur les côtes, les flancs, les cuisses et les fesses.
Le reculement était supporté sur les côtés par es montants qui se réunissaient au surdos, pièce ronde et impaire placée au milieu du dos, et en arrière par l'avaloire et la croupière et autres montants se réunissant à ces dernières pièces. Des extrémités du poitrail partaient les traits qui, passant dans des porte-traits, finissaient par un anneau sans ardillon se serrant aux deux bouts d'un palonnier (fig. 73).
Suivant le nombre des chevaux attelés au carrosse, le harnais différait un peu pour les evaux de devant, qui n'avaient pas de recuement ni d'avaloire. Ces harnais étaient plus Ou moins luxueux et plus ou moins ornés, le cuir était, soit noir et blanc, soit rouge, soit autres couleurs ; l'été il était recouvert d'un
émouchoir en filet et l'hiver de housses de drap de couleur, ou de peaux d'ours, ou de tigre.
Les chevaux de Chaises n'étaient pas attelés également ; l'un était entre les deux brancards de la chaise, et l'autre à gauche du premier, attelé à un palonnier, ayant sur lui une selle destinée à porter le postillon. Le harnachement était, par suite différent. Celui du cheval d'entre les brancards était assez analogue à celui du cheval de carrosse, mais plus simple et en cuir plus fort et plus grossier, le coussinet et le surdos étaient remplacés par une selette, semblable à une selle, mais plus petite et plus courte. Le reculement était une simple courroie soutenue par l'avaloire.
Le cheval de côté de la chaise, ou le bricolier, était attelé à un palonnier tenant au brancard gauche de la chaise par deux traits.
Il avait, comme le cheval de brancard, un poitrail dont le montant de soutien passait sur la selle à l'usage du postillon. Cette selle était à troussequin. (Voyez fig. 74.)
Harnachement des chevaux de gros trait. —
La pièce principale du harnais des chevaux qui tiraient la charrette, la charrue, etc., était le collier qui existait déjà pour le même service au moyen âge (Voyez fig. 54). Comme bride ils n'avaient généralement qu'un gros mors creux en fer muni d'un anneau à chaque bout. Ce mors était soutenu par une monture en gros cuir blanc formant une croix sur le chanfrein.
I*ig. 76.
Le collier et le harnais du cheval de gros trait, que nous représentons fig. 75, est encore exactement celui du cheval de nos rouliers d'au- jourd'hui, aussi ne nous donnons-nous pas 11 Peine de la décrire.
Les mules qui portaient la litière et que nous rePrésentons fig. 76, avaient un harnachement j^ès simple : comme bride un bridon avec œileres et une aigrette au sommet de la tête.
Pour supporter les brancards de la litière chaque mule était munie d'une selle à troussequin sur laquelle portaient les sangles supportant les brancards, le tout était recouvert Une housse. Il n'y avait ni poitrail, ni recueInents, ni avaloire, ni leurs nombreux accessoires.
La tourmente révolutionnaire de 89 arrêta netles progrès qui s'étaient réalisés dans les In,odeB de locomotion, depuis François Ier et ®urtout depuis Louis XIV.
1 Avec la noblesse, les litières disparurent et es carrosses se cachèrent ; le vieux coche luieme, cette première et grossière voiture pubhque qui datait de Henri IV et qui consistait a une grande voiture de paysan, à échelles et quatre roues, couverte d'une bâche et traînée P r deux ou quatre chevaux, termina ses jours en InêIne temps que la royauté. Et cela parce jue les affaires commerciales furent réduites à l'il, disp ensable, et parce qu'il n'y avait plus de evaux : les quatorze armées de la République et celles de l'Empire absorbant tout ce qui était valide. Presque tout le monde allait
à pied. Dans ce temps, d'ailleurs, il fallait bien user de ses jambes, comme les soldats de la Grande Armée que Napoléon faisait mouvoir dans toutes les contrées de l'Europe comme les pièces d'un vaste échiquier et qui avaient coutume de dire : « l'Empereur fait la guerre avec nos jambes a et pour qui étudia les marches prodigieuses qu'accomplirent ces hommes rebelles à la fatigue, il est aisé de se convaincre qu'ils exprimaient ainsi, à leur façon, une grande vérité. Dans ce temps d'ailleurs, il fallait bien user de ses jambes pour se transporter d'un lieu à un autre, les moyens de locomotions étant si peu nombreux! Ils étaient en outre fort coûteux et accessibles seulement à quelques rares privilégiés.
On en était revenu, sous le rapport des moyens de locomotions, à ce que nous avons vu exister au moyen âge où on ne voyageait qu'à cheval; seulement les chevaux dont on se servait dans le civil n'étaient que le rebut de l'armée.
Le commerce le plus florissant à cette époque était celui des chevaux de troupe et de viande sur pied pour l'armée. Aussi rencontrait-on sur les routes de la Normandie ou simplement sur celle de Poissy où se tenait le grand marché aux bestiaux, de nombreux maquignons à cheval dont Karl Vernet nous a conservé le souvenir. Nous représentons, d'après lui, fig. 77, extrait de sa gravure en couleur, inti- tulée : « Sur la route de Poissy a, un maqui' gnon ventripotent montant une haridelle mar-
FIG. 77.
Flo. 78.
FIG. 79. — Chevau-léger (Polonais) 1812.
FIG. 80. — Carabinier (1809)
chant le pas relevé, allure la plus agréable Pour des gens étant presque toute la journée à cheval et leur permettant de parcourir de grandes distances, presque sans fatigue. On appelait les chevaux marchant le pas relevé, des bidets d'allure, ou des patineurs, parce que les battues des membres se faisaient comme dans le pas ordinaire mais beaucoup plus rapidement et en rasant le tapis, c'est-à-dire en relevant très peu les pieds. Certains de ces chevaux allaient aussi vite qu'au trot et le cavalier n'était pas plus secoué qu'au pas. Tous les marchands de chevaux ou de bestiaux, ou même de cochons, allaient de foire en foire en montant des bidets d'allure, c'est-à-dire des chevaux marchant le pas relevé. Certains de ces négociants montaient des chevaux qui marchaient l'amble, autre allure douce, espèce de trot dans lequel les deux membres du même côté se levaient et s'abaissaient ensemble; on était ainsi doucement balancé d'un côté à l'autre. On appellait aussi l'allure de l'amble, un trot de curé, parce que les prêtres avaient souvent de ces chevaux Pour visiter les parties éloignées de leur paroisse. Les allures du pas relevé et de l'amble étaient naturelles chez certains chevaux, mais on pouvait les leur faire acquérir par certains dressages.
Nous représentons figure 78 la selle qui serVait à cette époque pour les voyages à cheval ; elle était disposée pour porter à l'arriére une valise et en avant des sacoches. Elle était
maintenue en place par une croupière à laquelle se rattachait une avaloire et par un poitrail fixé en deux points au devant de la selle, plus une forte sangle de cuir à deux chefs.
La selle militaire ne différait de la selle de voyage civile que par l'absence d'avaloire et parce que le poitrail se rattachait à la sangle par une courroie spéciale qui passait entre les deux membres de devant. La selle de cavalerie légèra ou de ligne avait en plus, en arrière, un trousquin auquel on attachait le portemanteau. Dans la selle de grosse cavalerie deux pointes étaient attenantes à l'arrière de la selle et était destiné à supporter une valise portemanteau. Une housse, ou chabraque, en peau de mouton couvrait les fontes et tout le devant de la selle aussi bien que le dos et les flancs du cheval dans la cavalerie légère ou de ligne; cette chabraque, munie de couvrefontes, était en drap et galonnée dans la grosse cavalerie (voyez fig. 79 et 80).
Comme nous l'avons dit, la Première Révolution apporta une grande perturbation dans les moyens de locomotion : les voitures de luxe devinrent très rares et certains véhicules comme les chaises à porteurs et les litières dis- parurent tout à fait. Les grands personnages seuls se servaient de carrosses, nommés berlines, et nous représentons (fig. 81), d'après une ancienne gravure, la voiture dans laquelle se trouvait le premier consul lors de l'explosion de la machine infernale, le 24 décembre 1800 :
FIG. 81. — Berline et Harnachement de 1800.
Voiture qui conduisait le Premier Consul, lors de l'attentat de la machine infernale.
(D'après une gravure du temps).
FIG. 82. — Mail-Coche moderne.
la présence d'esprit du cocher qui enleva rapidement ses chevaux, sauva la vie à Bonaparte.
Les chevaux étaient harnachés comme ils le sont encore de nos jours avec un collier léger et des brides à œillères.
Sous l'ancien régime les chevaux de paysans et de roulage étaient munis d'un collier lourd à attelle de bois pour attacher les traits, collier qUe nous avons représenté figure 75 et qui Existe encore exactement le même de nos Jours. Tous les chevaux de luxe et de trait Rapide, les chevaux de carrosse et de poste étaient attelés à la bricole (voyez fig. 73 et 74).
Ce n'est que sous Louis XVI qu'on eut l'idée e remplacer, pour les chevaux de carrosse, la d rlcole par un collier léger dans lequel l'attelle de bois était remplacée par une attelle métal- liqlll- appuyée sur la matelassure. Ce collier gest affiné avec le temps et est resté le même, ainsi que le montre la figure 82, qui repréSente un mail-coche moderne. Le nombre 0 ossal de véhicules qui se sont multipliés epUIS n'ont pas modifié le harnachement.
La bricole, telle qu'elle était au XVIIIe siècle, e8t restée en usage pour les voitures de chasse, POUr les voitures de courses, les diligences, et Irae remplacé le collier pour les chevaux artillerie dès 1857, parce qu'on a constaté que s chevaux, en campagne, maigrissant coasi5rablement, le collier qu'ils portaient n'était Us ajusté, ballottait et blessait gravement les eVaux. C'est à la suite de la guerre de CriInée que le collier a été définitivement sup-
primé pour les chevaux de trait de l'armée et remplacé par la bricole. C'est aussi à la même époque que l'on a remplacé la housse, ou chabraque en peau de mouton, qui datait du Premier Empire, par une chabraque en drap bleu bordée d'un large galon rouge. Sous le Premier Empire et pendant la Révolution, les chevaux de trait de l'artillerie avaient des colliers à attelles en bois et étaient semblables à ceux des paysans. Sous la Restauration ces colliers devinrent semblables à ceux des voitures de poste et enfin, comme nous le disons ci-dessus, ils furent supprimés en 1857 et remplacés par la bricole qui se trouve toujours ajustée quel que maigre que devienne le cheval.
Depuis le Premier Empire la selle militaire n'a pas fait de grands progrès, nous représentons figure 83 la selle actuelle de grosse cavalerie, de gendarmes et d'artillerie et, figure 84, la selle de cavalerie de ligne et de cavalerie légère.
La bride militaire a été d'abord assez compliquée : par dessus le licol on mettait une bride et un filet dont les mors, heureusement très simples, se superposaient dans la bouche du cheval (fig. 85). C'était dans le but d'avoir à la fois une bride dure et une bride douce, puis, après l'avoir débridé, d'avoir encore le cheval attaché par le licol. 0 n a supprimé la monture du filet qui a été remplacée par une chaînette rattachant le mors du filet à la monture de la bride (fig. 86).
Enfin, le dernier progrès comme simplification
FIG. 83.
FIG. 85.
FIG. 84.
FIG. 86.
Fm 87.
FIG. 88.
FIG. 89.
FIG. 90.
FIG. 91.
FIG. 92
FIG. 93.
FIG. 94.
de la bride militaire nous a été fourni par les Boers, dont le mors de bride peut se détacher instantanément de sa monture qui devient ainsi Un licol (fig. 87). La selle des Boers était semblable à notre selle de grosse cavalerie (fig.
88 b), dont l'arson est représenté en a. C'est aussi la selle militaire anglaise.
La selle civile n'est autre chose que la selle anglaise depuis le commencement du XIX8 siècle et elle n'a pas changé depuis (fig. 89). Pour la chasse on se sert d'une selle un peu plus forte munie d'un poitrail et d'une martingale qui rattache celui-ci à la sangle (fig. 90). La selle de dame n'a pas changé non plus (voyez 91 où elle est vue par le côté hors montoir).
La bride anglaise accompagne la selle anglaise et se compose d'un mors de bride entier et d'un mors de filet brisé, avec des montures très légères (fig. 92). Elle accompagne aussi la selle de dame.
La bride de voiture de luxe a aussi deux mors accouplés, un de bride dont les branches sont diversement ornées et un mors de filet dont les guides s'enrênent à la sellette. Les montants portent une paire d'œillères (fig. 93).
Il nous reste à parler d'un genre de bride qui nous vient d'Angleterre et qui est beaucoup plus doux que ceux qui précèdent, bien <ÏUe la bride moderne ait beaucoup gagné sous ce rapport sur la bride du XVIIIe et surtout du XVIIe et du XVI- siècle, nous voulons parler du elham (prononcez Pelem).
Le Pelham est le mors de bride le plus sim-
pie et ne se compose que d'un canon rigide ou le plus souvent brisé ayant une monture de bride et auquel on n'associe jamais de filet; il a cependant quatre rênes : des rênes semblables à celles de filet s'attachant à un anneau de la branche en contact avec l'extrémité du mors ; les rênes de bride s'attachent à l'extrémité des branches comme dans les brides ordinaires, et il n'y a pas de gourmette.
Le Pelham peut être employé pour les chevaux de selle et pour les chevaux de trait léger qui sont sensibles de la bouche. Enfin, nous représentons fig. 89 deux Pelhams, un pour la selle (fig. a), un pour le trait (fig. b), dont le mors est constitué par une chaînette recouverte de caoutchouc. C'est le mors le plus doux dont on se soit servi jusqu'à présent et nous terminons par lui notre histoire du harnachement.
HISTOIRE DE LA FERRURE
PRÉLIMINAIRES
Les hippiatres du XVIIIe siècle et en particulier Bourgelat fondateur des Ecoles vétérinaires, croyaient que les Anciens avaient connu la ferrure du cheval et qu'ils la pratiquaient habituellement comme nous. Cette opinion leur était venue de ce que les plus grands écrivains de l'antiquité employaient des expressions telles que chevaux aux pieds d'airain, comme Homère en parlant des chevaux qui traînaient le cheval de Neptune. Ils Pensaient que cela signifiait que les pieds de Ces chevaux étaient garnis d'airain, métal alors employé pour les armes au lieu du fer qui était plus rare.
Bracy-Clarck, célèbre vétérinaire anglais, a réfuté cette opinion dans un travail intitulé : ® On the Knowledge of the Ancients respecting the art of Shoeing the Horse » publié en 1831. Une traduction analytique de ce travail sert de Préface à l'article FERRURE du nouveau dictionnaire vétérinaire de Bouley et Raynal, et c'est d après cette traduction résumée, due à notre ancien maître H. Bouley, que nous allons rapporter la réfutation de Bracy-Clarck.
Bracy-Clarck fait observer avec une grande justesse de critique qu'il ne fallait pas prendre au pied de la lettre les expressions de l'Iliade ; que, dans la bouche du poète, le mot KALKOPOUS n'était qu'une métaphore par laquelle il voulait dépeindre la qualité par excellence des pieds du cheval, la grande dureté qui est la condition de leur résistance à l'usure, et que cette expression, loin d'impliquer qu'aux temps homériques, les sabots du cheval étaient garnis d'airain, devait au contraire faire admettre une conclusion toute opposée. « Et, en effet, n'était-il pas naturel, dit Clarck, qu'une nation qui ne connaissait pas la ferrure et qui se trouvait si fort sous la dépendance de la puissance du cheval et de l'aptitude de ses sabots à résister à l'usure des frottements, estimât au plus haut degré cette dernière qualité et l'élevât au-dessus de toutes les autres, puisque, sans elle, le cheval était réduit à une incapacité absolue. Quoi d'étonnant donc qu'on qualifiat un cheval de cheval aux pieds d'airain, quand on voulait exprimer sa qualité par excellence? Des expressions correspondantes ne se retrouvent-elles pas dans Virgile ? Quand le poète veut qualifier le cheval par un de ses plus précieux attributs c'est la dureté de ses ongles qui vient à sa pensée.
Catvaque Tellurem, et solidograviter sonat ongula cornu (Georgiques)
Dans l'Enéïde le cheval est appelé sonipes, l'animal aux pieds sonores.
Horace aussi, dans le même sens que Virgile, se sert des expressions sonans ungula.
Des expressions poétiques analogues se retrouvent dans les livres saints : Lorsque le prophète Isaïe prédit la ruine de Jérusalem, il dit, en faisant allusion aux armées romaines qui doivent accomplir cette prédiction : « Leurs flèches sont aiguisées, leurs arcs sont déjà tendus, la corne des pieds de leurs chevaux est dure comme le diamant, etc., etc. ».
Comme on le voit cette qualité de la dureté naturelle, autrement dit de la résistance à l'usure, est celle qui est prisée le plus haut et qui devait l'être à une époque où l'on ne connaissait pas le moyen de la donner artificiellement à tous les pieds en leur adaptant une semelle métallique.
Après avoir restitué aux textes des poètes leur véritable signification et prouvé ainsi l'inanité des arguments qu'on avait cru y trouver en faveur de l'antiquité de la ferrure, Bracy-Clarck invoque contre cette thèse, l'opinion d'écrivains spéciaux qui ont laissé des ouvrages sur le cheval de guerre et sur la Manière de le gouverner. Sur ce point son argumentation nous paraît sans réplique.
Voici comment il s'exprime : « Si l'art de la ferrure eût été connu du temps d'Homère, on ne voit pas pourquoi il ne se serait pas conservé dans les âges suivants puisque tous les arts se perfectionnèrent dans les Etats de la
Grèce longtemps après cette époque et jusqu'au moment où ce pays subit le joug de Rome. Il n'est pas admissible qu'une nation aussi intelligente que celle des Grecs ait laissé se perdre un art d'une si grande utilité pour elle dans les guerres presques continuelles qu'elle avait à soutenir.
« La force du sabot naturel était chose de tant de considération pour un peuple qui ignorait l'art de ferrer que, non seulement elle a été célébrée par ses poètes, mais encore que les généraux en ont fait l'objet de leur sollicitude, tant elle intéresse la sûreté du soldat.
On en trouve la preuve manifeste dans les écrits de Xénophon, homme de guerre profondément versé dans la connaissance du cheval et les soins qu'il réclame, et il est présumable, si l'on en juge par le petit nombre d'ouvrages ayant trait à cette matière qui nous sont venus, après lui, de la Grèce et de Rome, que ses Instructions ont été considérées comme si pleinement satisfaisantes et si utiles qu'on n'a pas cru nécessaire de rien y ajouter.
« Xénophon commandait le corps de cavalerie de dix mille grecs, lorsqu'ils effectuèrent, après la défaite et la mort de Cyrus-le-jeune, cette fameuse retraite qui est un des faits d'armes les plus étonnants dont l'histoire fasse mention et c'est chose curieuse que de voir avec quelle sollicitude il indique les précautions à prendre pour que la corne des sabots se maintienne toujours dure et résistante,
condition indispensable pour qu'elle soit apte à remplir sa fonction protectrice ».
Voici, d'après la traduction qu'en donne Bracy-Clarck, le résumé des instructions, sur ce point, du grand capitaine grec : — « De même qu'on doit fortifier le corps du cheval par une bonne nourriture et des exercices bien ménagés, de même il faut donner à ses Pieds une attention très scrupuleuse, car ceux mêmes qui sont le mieux conformés peuvent être altérés dans l'écurie par l'humidité et la mollesse du sol. Pour prévenir l'action de ces causes nuisibles, il faut que le sol de l'écurie soit disposé en pente et recouvert d'une couche de pierres arrondies, serrées les unes contre les autres et de la grosseur du sabot. Dans ces conditions, le pied du cheval est maintenu à l'abri de l'humidité et il se fortifie. Il faut aussi que le palefrenier ait le soin de conduire le cheval en dehors de l'écurie pour le panser après son déjeuner, afin qu'en l'éloignant de sa crèche son appétit soit excité et qu'il mange mieux sa ration du soir.
« En dehors de l'écurie, la place où le cheval est attaché doit être recouverte de quatre ou cinq charges de pierres arrondies d'une grosseur convenable, maintenues dans Un cadre de fer qui les empêche de se disperser. Ce lit de pierres produit sur les pieds des chevaux le même effet qu'un exercice de chaque jour sur une route pavée, car leur frottement arrondi le bord du sabot et fortifie la fourchette ».
Les mêmes conseils sont donnés dans différentes parties du même ouvrage.
La preuve que les Anciens ignoraient complètement l'art de ferrer, ou pour mieux dire de garnir les sabots des chevaux d'une semelle métallique inhérente à la corne, comme elle l'est de nos jours, cette preuve ressort encore, d'après Bracy-Clarck, de différents passages des auteurs de l'antiquité qui ont traité dans leurs écrits des choses de la guerre ou de l'agriculture.
Ainsi Diodore de Sicile signale les accidents produits par l'usure des ongles des chevaux sous l'influence des marches continuelles, (lib. XVII).
Cinnamus fait mention de faits identiques (Edit Tollié-Toupet 1652) : « Il ordonna que les autres troupes resteraient dans l'Attalic et que les chevaux y seraient soignés ; car une maladie à laquelle ces animaux sont sujets avait atteint les plantes des pieds et les avait gravement affectés.
Dans le récit que fait Appien du siège de Cysique par Lucullus (73 ans avant J. C.) on trouve le passage suivant : « Il envoya en Bithynie, par des chemins éloignés de l'ennemi, les chevaux alors inutiles, affaiblis par le manque d'aliments, boiteux par l'usure de la corne des sabots.
Dins les plus anciens livres des agronomes latins il n'est nullement question de ferrure, mais on exige toujours que le cheval ait les sabots très durs.
Les auteurs vétérinaires grecs de l'empire Byzantin n'ont rien écrit dans leurs ouvrages, dit Bracy-Clarck, qui ait trait à la ferrure.
Végèce, qui vivait au IVe siècle, qu'on peut considérer comme un des derniers auteurs anciens et dont les ouvrages plus que ceux de ses prédecesseurs peuvent fournir des documents auxquels on peut ajouter foi sur le gouvernement des animaux, parle de presque toutes les maladies ou accidents auxquels les chevaux peuvent être exposés et cependant jamais il ne parle de la ferrure fixée avec des clous ni des accidents de brûlure et d'encloure auxquels la ferrure analogue à celle d'aujourd'hui les expose.
Bracy-Clarck n'invoque pas seulement pour soutenir sa thèse de la non existence de la ferrure chez les Grecs et les Romains, le silence significatif que tous les littérateurs de l'antiquité ont gardé sur l'art de ferrer, silence qui ne peut s'expliquer que parce que cet art n'était pas encore connu dans les pays auxquels appartenaient ces littérateurs, bien que le cheval y fut déjà étroitement associé aux destinées de l'homme auquel il était si utile, comme machine de guerre et comme instrument de la paix.
Le célèbre vétérinaire anglais puise un autre ordre d'arguments, ceux-ci non moins Probatifs que les premiers, dans l'histoire mêIIle des différents moyens auxquels il paraît que les anciens ont eu recours dans des occa-, sions exceptionnelles pour mettre les pieds
des chevaux à l'abri de l'usure, ou en prévenir les conséquences.
Ainsi, il résulte du passage suivant de l'Histoire des douze Césars, par Suetone (an 70 de notre ère), que les chevaux de l'empereur Vespasien avaient les pieds garnis d'un appareil protecteur : « Dans un voyage, ayant soupçonné qu'un palefrenier était descendu sous prétexte de rechausser les mules, mais en réalité pour donner à un solliciteur le temps et le moyen de s'approcher, il lui demanda combien avait été payée sa peine et il exigea une partie de son gain. »
Un autre passage de cet auteur (Vie de Néron) semble prouver que l'appareil, quel qu'il fut, dont on garnissait les pieds des chevaux, était doublé de plaques métalliques. Le luxe de Néron était tel, dit Suetone, qu'il ne voyageait pas sans qu'il eût à sa suite mille voitures traînées par des mules dont les pieds étaient garnis de semelles d'argent. D'après Pline, les semelles de la mule de Poppée, femme de Néron, étaient en or. Enfin, l'usage de ces sortes de défenses des pieds des solipèdes ressort encore d'une citation de Catulle (en 86), qui compare un homme indolent et paresseux à une mule qui laisse sa chaussure empétrée dans une fondrière profonde.
Mais de quelle nature étaient ces moyens de défense dont les anciens faisaient usage pour préserver contre l'usure les pieds des chevaux? C'était probablement, disent les auteurs qui se sont occupés de ces questions
d'antiquité, des sortes de souliers ou brodequins qui se trouvent désignés sous le nom d'embattai et de carbatinai dans les écrits des auteurs grecs et sous celui de solea dans les ouvrages latins. Ces souliers ou sandales,
FIG. 95.
qu'on garnissait quelquefois pour les rendre plus durables de plaques de fer ou d'airain et InêIlle de métaux plus précieux, comme nous venons de le voir, s'attachaient aux pieds des chevaux ou des mules, non à l'aide de clous, mais au moyen de liens fixés autour du patron.
Il Paraît aussi qu'on se servait pour protéger es pieds des chevaux d'appareils fabriqués avec des branches flexibles du genêt, lesquels
étaient désignés sous le nom de SPARTOU par les Grecs et de spartea ou sparteum opus par les Romains. Mais ces appareils, on doit le supposer, dit Bracy-Clarck, n'étaient que des moyens provisoires d'un usage exclusivement chirurgical, comme les tresses de paille dont nous nous servons actuellement dans le même but, car ils ne pouvaient résister au delà de quelques minutes aux frottements de la marche. C'est ce qui ressort incontestablement des écrits des auteurs qui en ont recommandé l'emploi : a Quand un bœuf devient boiteux, dit Columelle, il faut lui faire une petite saignée entre les deux onglons, appliquer un pansement imbibé d'une solution vinaigrée et salée et envelopper le pied avec une solea spartea, ou semelle de genêt, en ayant soin de la tenir à l'abri de l'humidité. »
Théomneste, écrivain vétérinaire bysantin, prescrit l'usage du même appareil dans le cas d'usure excessive des ongles du cheval, ce qui est une preuve nouvelle que la ferrure ne lui était pas connue : « Si l'animal, dit-il, a les sabots usés à l'excès par suite de la marche et qu'on néglige cet accident, la fièvre survient et emporte bientôt le malade, à moins qu'on ne vienne à son secours. Il faut dans ce cas faire une décoction de racines d'althea, ou mauve sauvage, et en fomenter le pied jusqu'à ce que la corne s'amollisse, puis exciser les lambeaux de corne éclatés, déterger les parties meurtries et enfin avoir toutes prêtes des chaussures en minces tiges de genêt ou en cordes
de fil retors, des bandes un peu fortes, de étoupe, des oignons, de la graisse ; avec le tout on dispose un appareil qu'on fixe autour du sabot. »
Mêmes prescriptions dans Vegèce : il recommande, après que le pansement astringent est appliqué dans le cas d'usure de l'ongle, de l'entourer de la chaussure de genêt.
Sans nier que la chaussure de genêt fût très employée par les vétérinaires pour maintenir les pansements de pieds appliqués aux chevaux, nous ne pensons pas, comme BracyClarck et son traducteur H. Bouley, que ce fut là son seul usage et, si nous en jugeons par Ce qui se fait encore dans un pays d'extrêmeOrient, au Japon, nous serions tenté de croire qUe la solea spartea des Grecs et des Romains était la chaussure la plus ordinaire des chevaux et surtout des mules de trait commun.
La plupart des journaux quotidiens de Paris ont reproduit le fait divers suivant : * La guerre de Chine appelle l'attention du public sur les diverses armées qui y prennent Part. Sait-on que la ferrure est rarement eraPlOYée au Japon ?
et Tous les chevaux portent des espèces de souliers en paille ou genêt tressé, dont la enielle a environ deux centimètres d'épaisseur et qui protègent suffisamment le sabot de l'animal. Tous les chevaux de trait sont chaussés de ces curieux souliers de paille qui °Jttent quelques centimes la paire et qu'on aisse sur la route quand ils sont usés.
« Dans certaines îles du Japon, comme Yéso et Kiou-Siou, les habitants du pays ont l'habitude de mesurer la distance qui sépare deux villes par le nombre de sabots de paille usés dans le trajet; on compte en général que la durée d'une double paire de sabots équivaut à un trajet de quatorze kilomètres »• Nous donnons ci-dessus (fig. 95) la figure d'une solea spartea japonaise que nous extrayons du dictionnaire d'antiquités romaines et grecques d'Anthony Rich, (traduction française de Cheruel, Paris 1861) qui, à son article solea, donne les mêmes renseignements que Bracy- Clarck, pnisés sans doute aux mêmes sources.
A propos de la figure que nous donnons, copiée sur sa figure 13 il dit : « Le spécimen ci-joint n'est pas tiré d'un spécimen antique, il représente un objet de même nature dont se servent maintenant les habitants du Japon : c'est un petit panier qui a la forme du pied de l'ani- mal auquel il est attaché par des cordons noués autour du paturon ».
La preuve que les chaussures en cuir, pro- pres à l'usage des chevaux, n'étaient pas fixées avec des clous, continue Bracy-Clarck, ressort péremptoirement d'un passage très curieux d'un ouvrage d'Apsyrthe, vétérinaire grec qui vivait au temps de Constantin. « Il arrive souvent, dit cet auteur, que les jambes des chevaux, ou plutôt les parties qu'on appelle MESOKONIA (paturons) sont coupées par les IPPOPÈDES, espèces de courroies qu'on enroule autour d'elles et qui peuvent détermi-
FIG. 96.
Fig. 97.
ner la gangrène de la peau et la dénudation des tendons ». Ces ippopèdes dont parle Apsyrthe, Bracy-Clarck a cru les avoir retrouvés sur un bas-relief du musée britannique dont il a donné une représentation dans son ouvrage. Cette gravure représente une course de chars au moment où le vainqueur va tourner la borne : a sont figurées autour des canons antérieurs de trois des chevaux du quadrige les courroies des ippopèdes, dit Bracy-Clarck.
Les canons postérieurs n'ont rien ». Nous donnons ci-dessus (fig. 96), la reproduction galvanique de la gravure de Bracy-Clark qui est loin, d'après nous, de prouver ce qu'il veut lui faire prouver : il n'y a pas trace de solea; les Pieds sont nus aussi bien que les paturons dont parle Apsyrthe, qui ne dit rien des canons. Les bandes enroulées autour des canons, ne sont pas des liens d'ippopèdes qui n'existent pas, mais des bandes de flanelles COUlme on en met encore aujourd'hui aux chevaux de course. Nous donnons une gravure de chevaux d'un Haras de Nubie (fig. 97), — qui est une copie d'une mosaïque trouvée en Tunisie, -- lesquels chevaux portent les mêmes bandes aux canons antérieurs et certainement ces chevaux n'ont pas d'ippopèdes qui étaient inutiles en Afrique. Du reste des chevaux de course, courant sur des arènes sablées n'aient pas besoin d'ippopèdes qui les auraient gênés, ils n'auraient pu les supporter en courant, ils les auraient lancées au loin au Premier temps de galop. Les ippopèdes se
mettaient seulement aux animaux de trait marchant au pas et surtout aux mules.
Comme conclusion de tout ce que nous venons de dire si les Grecs et les Romains mettaient quelquefois des sortes de chaussures aux chevaux, il est parfaitement démontré qu'ils ne connaissaient pas notre ferrure à clous mais ce n'est pas une raison pour dire qu'elle n'était pas encore inventée de leur temps.
Métallurgie et forgerons Celtiques. — Les Celtes et les Germains ont dû apporter avec eux la connaissance de l'airain et du fer, aussi bien que celle de l'or et de l'argent, puisque ces métaux ont conservé leurs noms aryens primitifs (1). La facilité de travailler le cuivre et le bronze a donné à ces métaux une sphère d'application plus étendue, sans que pour cela la connaissance du fer se soit entièrement perdue. C'est ce qui a eu lieu, en effet, chez les Grecs, où le bronze servait à la fabrication des armes du temps d'Homère, époque à laquelle le fer était cependant bien connu (2). Il est certain que, dans l'Orient, ce métal a été en usage de temps immémorial, puisque la Genèse parle déjà de Tubal-Caïn.
fils de Lameth, qui forgeait, avant le déluge, toutes sortes d'instruments d'airain et de fer (6) •
(1) Pictes de Genève. — Voyez dans le Dict. de Bescherelle les mots fer, étain, marteau, ce sont des mots aryens.
(2) Iliade, chap. VI, v. 7.
(3) 1.600 ans avant J.-C , les Egyptiens constataient le fait de l'aciération. M. Place a trouvé qu'à Khorsabad.
Lorsque les Celtes arrivèrent dans les Gaules, ils trouvèrent peu de matériaux propres à la fabrication de l'airain : les mines de cuivre sont rares dans notre pays et les mines d'étain à peu près nulles, tandis que les minerais de fer, comme on le voit encore actuellement, couvraient le sol dans certaines localités, notamment dans les pays des Bituriges et des Sequanes (Berri et Franche-Comté) ; aussi nos ancêtres s'y livrèrent-ils de bonne heure à la fabrication du fer. C'est ce que prouvent les recherches d'un patient archéologue suisse, M. Quiquerez, qui, dans le Jura seulement, a déterré plus de cent soixante établissements sidérurgiques de ces temps reculés (1); il est niême arrivé à donner une date précise à l'un d'eux, dont les restes étaient couverts par une tourbière qui, d'après des calculs rigoureux, aurait mis environ 3,000 et quelques années à se former. L'installation de cette forge correspondait bien ainsi à l'arrivée des premiers Celtes, les Gaels, dans les Gaules. Des crassiers, ou dépôts très anciens, de scories de fer, se trouvent aussi aux environs de Digoin; ils abondent près de Périgueux, près de Royan
1"3n seulement le fer, mais l'acier de la meilleure qualité, paient employés à la fabrication d'outils analogues à ceux ont il est question dans le livre de Samuel. Au siège de r°yes, quand les Grecs vont couper du bois pour le cher de Patrocle, c'est avec des haches d'acier.
(J. Fournet, Le Mineur.)
(1) Bulletin de la Société d'émulation du Doubs, 1860.
,4( suivants.
(Drôme), prés de Pont-Gibaud (Auvergne), entre Hyères et Toulon, sur le mont Cenis, à 1,800 mètres d'élévation, sur le mont Thabor (Alpes), à 2,600 mètres. Il y avait alors des forêts qui sont remplacées par des glaciers ; il y a même des voies romaines aujourd'hui couvertes par des glaciers ; d'autre part, des glaciers ont disparu, ce qui prouve les variations alpestres. (J. Fournet, Le Mineur.) Les Kymris, qui suivirent les premiers Celtes à mille ans de distance (VIe siècle avant J.-C ), connaissaient aussi la manipulation du fer; on a retrouvé sur les bords du pont Euxin, où ils ont séjourné quelques siècles, les traces d'une industrie très avancée et d'une antique civilisation (1), et il est probable que c'est à eux que l'on doit l'importation de l'épée longue adoptée par les Gaulois. Cette arme se retrouve dans les mains de la plupart des peuples qui envahirent l'empire romain, con- firmation suffisante de son origine orientale.
De nouvelles notions sur la science que possédaient les Gaulois dans la manipulation des métaux et sur la position sociale de ceux qui la pratiquaient découlent de la combi- naison des découvertes si curieuses de M.
Rossignol, de l'Institut, consignées dans son livre : Des origines religieuses de la métallurgie, avec ce que les historiens A.Thierry et H.Martin nous disent de la religion de nos ancêtres : a De cet ensemble de faits, dit M. Rossi-
(1) Dubois de Montpereux, Voyage autour du Camail.
gnol, partant du même principe, s'enchaînant Par de régulières déductions et aboutissant à une même fin, il est impossible de méconnaître une doctrine religieuse fondée sur la découverte et le premier usage des métaux, comme celle d'Eleusis l'était sur l'invention de la première culture du blé. Dès lors, nous n'hésitons pas à croire que nous avons remis en lumiére les mystères de la métallurgie, cachés sous le nom de mystères de la Samothrace. »
D'un autre côté, nous lisons dans l'Histoire de France d'Henri Martin : « Les anciens n'ont pas méconnu l'étroite Parenté de ces mystères (les mystères du druidisme) avec ceux de la Samothrace, où se retrouve presqu'entièrement le même symbole : Gwyon est le Gigon des Phéniciens, le Kasmil pélasgique ; Koridwen est la grande déesse des rites cabiriques de Thrace et de Phrygie (Rhée). Un indice très positif, c'est que les noms des Cabires, ces génies cosmiques de l'Asie occidentale, se retrouvent à peine altérés dans les poésies irlandaises. Les Gaels rapportèrent sans doute avec eux ces symboles en Occident. »
Strabon dit aussi positivement : * Dans une de ces îles sacrées, voisines de la « côte de Bretagne, se célèbrent des mystères Pareils à ceux de la Samothrace et d'Eleusis, « c est-à-dire les mystères de Koridwen au « culte de laquelle les druidesses semblent
« particulièrement vouées » (Strabon liv. IV, p. 190).
Or, comme dans les mystères de la Samothrace, c'était la classe sacrée des Cabires qui procédait à la manipulation des métaux et qui fabriquaient les armes, armures, ou tout autre instrument métallique, ce qu'ils faisaient toujours avec un grand mystère ; nous devons retrouver leurs pendants dans les mystères gaulois. Eu effet, parmi les trois classes de prêtres dont était constituée la hiérarchie druidique, c'était aux Ovates, qui formaient la deuxième classe que les fonctions industrielles, les opérations de la main, en général, étaient dévolues. M. d'Eckstein en a retrouvé la preuve dans les anciennes poésies des Gaëls (p. 152) : « Il (le druide) forge une double esa pèce d'épée et de lances : les armes reli« gieuses, le glaive de la parole et les armes a meurtrières, l'épée et la lance des combats. »
Et voici comment H. Martin décrit les autres fonctions : « Les ovates sont à la fois des augures et a des aruspices comme chez les Romains, des « physiologistes, des médecins, voués aux a sciences naturelles, toujours mêlées de ma« gie dans l'antiquité ». (H. Martin, Hist. de France 4e édit. 1 er vol, n° 17).
Ces forgerons étaient, comme les Bardes, sous les ordres des Nemèdes, ou druides principaux, prêtres et physiciens, comme les Ovates, de plus théologiens, métaphysiciens, moralistes, jurisconsultes, en un mot philo-
sophes comme les appellent les historiens grecs. Selon Polyhistor, Pithagore aurait proclamé que les druides étaient les plus éclairés des mortels (Jean Reynaud).
Si l'on réfléchit à la valeur énorme que devaient avoir de bonnes armes chez des peuples essentiellement guerriers comme les Gaulois, et dans un temps où le travail des métaux devait être plein de difficultés, on sera moins surpris de la position élevée qu'occupaient ceux qui se consacraient à l'industrie des métaux. On s'en étonnera moins encore si l'on se rappelle que, pour conserver tout leur prestige, toute leur influence, les druides avaient bien soin, à l'instar des Prêtres égyptiens, de garder le monopole de toutes leurs connaissances, de toutes leurs Pratiques, au point même de proscrire l'écrire qui aurait aidé à leur diffusion. Ne serait-ce pas là l'origine des maîtrises du moyen âge et du compagnonnage? N'est-ce Pas là aussi la raison pour laquelle les Romains n'ont eu pendant si longtemps que des armes d'airain tandis que les Gaulois en avaient en fer et même en acier? Si pendant trois cents ans le nom de Gaulois a été la terreur de Rome, l'esprit industrieux de nos pères aussi bien que leur bravoure en j* été la cause. Pourquoi faut-il que grâce aux discordes et aux dissentions, ces brillantes qualités aient été obligées de s'incliner devant les disciplines de la légion romaine (1).
(1) Il Si la Gaule sait être unie et devenir une nation, el le peut défier l'univers. (Vercingétorix).
(Commentaires de Jules César).
L'histoire est un perpétuel recommencement, a-t-on dit avec juste raison, nous ne le voyons que trop aujourd'hui.
LES MARÉCHAUX SACRÉS DE LA GAULE
Le souvenir des mystérieux forgerons gaulois dont nous avons parlé dans nos Préliminaires s'est conservé pendant tout le MoyenAge et il ne serait pas impossible que quelques-uns d'entre eux eussent continué leur secrète industrie, puisque le druidisme n'a été éteint définitivement en France que vers le xe siècle. Rien ne prouve même que Saint-Eloi, patron des maréchaux, ne soit un de ces prêtres savants, converti à la foi nouvelle dont il devint un des hauts dignitaires. (1).
Non seulement les légendes, mais bien l'austère et sérieuse histoire, nous apportent le récit des prouesses extraordinaires réalisées par les paladins, grâce aux armes enchantées fabriquées par le maître des maîtres, par Galanus, Galano, Wallander, Vayland, Ve- land, Vilind, etc., noms qui ne sont autre chose que le mot gaulois plus ou moins altéré (2).
Lors de la conquête de l'Angleterre, le duc
(1) Son maître, Saint Colomban, venait lui-même d'Irlande, d'une de ces villes saintes des Culdees (Cul-dee, solitaires de Dieu), oasis de lumière où s'unissait la charité chrétienne à la science druidique.
H. Martin, Hist. de France, 4e édit. t, II, p. 114.
(2) La Gaule, Gallia, s'appelait par les habitants V/alland, de Wal, heureux et land, pays.
(Langlet-Mortier, Etymologie gauloise).
normand Geoffroy Plantagenet, comte d'Anjou, portait une antique épée à la marque de Galanus fabrorum superlatum (1).
Une chronique du XIIe siècle d'Adhémar dit que le comte d'Angoulême reçut le nom de Taille fer, de ce que son épée fabriquée par Wallander fendait en deux un guerrier armé de pied en cape. Gautier de VascasteiD, dans la légende de Prima expeditine Attila regis Hunnorum in Gallias, porte des armes de Ve- land. Dans le poème de Tristan et Isolde, Gode- froy de Strasbourg appelle le célèbre forgeron Vilind. Dans les Sagas scandinaves, on trouve toute la légende d'un personnage analogue ; car on sait que le culte d'Odin, qui régnait dans les pays du Nord, n'était qu'une variété du druidisme. Mais c'est dans la Grande Bretagne que ce souvenir est resté le plus vivace : dans Le Roi Alfred (2) se trouve cette exclamatIon : « Où sont maintenant les ossements du sage et fameux orfèvre Veland? Qui est-ce qui connaît SOn tombeau? ». Il est une légende bien connue que Walter Scott a rendue de nouveau populaire en la mettant en œuvre dans son Château de Kenilworth, : dans une vallée du Berkshire, au bas de la colline de White-Horse (Cheval blanc, encore un emblème gaulois), au milieu de pierres brutes fichées en terre et formant comme un champ de bataille pétrifié (Menhirs,
(1) Joan-Mon, Hist. Gaufredi duris norman dans le Recueil des Historiens de France).
\:!) Oxford 1698.
monuments druidiques), habitait autrefois un forgeron invisible appelé Wayland. Quiconque voulait profiter de son talent merveilleux conduisait et attachait son cheval au milieu du champ solitaire, déposait une pièce de monnaie sur l'une des pierres, puis s'éloignait.
Revenant après un temps raisonnable, il trouvait la pièce disparue et le cheval ferré.
Les druides ferraient donc aussi les chevaux? Pourquoi pas puisqu'ils avaient le monopole de tout ce qui ressort de la métallurgie? Ne voyons-nous pas encore aujourd'hui, dans les campagnes, le même ouvrier être à la fois taillandier, armurier, serrurier, charron et maréchal-ferrant. On pourrait même pousser l'analogie plus loin puisque souvent il joue encore le rôle de médicastre et même de sorcier. — On a beaucoup trop de tendance à juger des choses anciennes par ce qui se passe actuellement; dans les temps antiques les artisans occupaient les premiers rangs dans la société : Marius était un simple fabricant d'épées, il n'en fut pas moins sept fois consul. D'ailleurs la ferrure du cheval, aussi importante dans ces temps-là qu'aujourd'hui, était d'autant plus prisée que les hommes pour l'exécuter étaient plus rares et s'il est prouvé que la ferrure existait à l'époque druidique, ceux qui l'exécutaient ne pouvaient être que ces forgerons sacrés et mystérieux, les ovats si bien préparés par les connaissances anatomiques que leur donnaient de nombreux sacrifices de chevaux, à cette utile et
audacieuse invention d'une armature métallique CLOUÉE au pied du cheval.
Comme dernière preuve enfin que les fabricants d'armes étaient aussi, chez les Gaulois comme chez les Germains les ferreurs de chevaux, c'est qu'on a trouvé des fers de cette Période qui, non seulement portaient une véritable marque de fabrique commune avec ces dernières, à savoir, le nom du faiseur frappé au coin. (1) Outre la découverte du fer à cheval faite dans des tombeaux ou tumulus authentiquement celtiques et dont nous parlerons plus loin, il y a deux raisons qui rendaient eu Gaule, l'application de la ferrure d'une impérieuse nécessité, au point que sans elle l'emploi du cheval eût été à peu près impossible.
Ces raisons sont : 1° Un climat tempéré et humide qui agit sur le sabot du cheval en l'amollissant et en déduisant sa force de résistance à l'usure.
2° Des chemins durs et rabotteux qui agissent mécaniquement sur le sabot, et d'autant Plus rapidement que la première cause était Peu active.
(,') Voyez dans les Nibelungen, l'histoire du nain Regin qui était à la cour de Childéric, à la fois maréchal, dres8'91le de chevaux et qui fabriqua pour Sigfrid, l'épée C'e,2rn qui coupait si bien que, plongée dans le Rhin, elle endit Un flocon de laine poussé contre elle par le courant du fleuve.
/) (Albert Reville l'épopée de Nibelungen, ou Revue des eUjB Mondes, Décembre 1866
Tout le monde sait que la première circonstance existait au plus haut degré dans la Gaule celtique couverte en grande partie de vastes forêts ; c'est son absence en Grèce, en Italie, en Espagne, en Afrique, dans tous les pays méridionaux, en un mot, qui donne la raison de la dureté de la corne chez les chevaux de ces pays et qui explique qu'on ait pu si longtemps et même qu'on puisse encore se passer de ferrure dans ces pays, malgré leurs parties rocailleuses, comme nos spahis s'en passent au Sénégal, sans que pour cela les archéologues de l'avenir eussent le droit d'en inférer qu'au XIXe siècle les français ne connaissaient pas la ferrure du cheval.
L'histoire nous apprend que des chemins, des vrais chemins empierrés existaient en Gaule avant la conquête romaine. Les Phéniciens qui, au XIIIe siècle avant J.-C., étaient venus fonder des colonies sur nos côtes et avaient pénétré à l'intérieur pour exploiter les mines d'argent que recélaient à fleur de terre les Pyrénées, les Cévennes et les Alpes, avaient construit, pour le service de cette exploitation, une route d'une hardiesse et d'une solidité merveilleuse qui partait des Pyrénées-Orien- tales et se rendait en Italie par le col de Tende (1). Une autre voie était ouverte du nord au midi de la Gaule pour le transport de l'étain extrait de la Grande-Bretagne. Jules César dit que les Helvétiens avaient deux voies pour
(1) H. Martin, Histoire de France, préface p. 17.
leurs émigrations, l'une à travers le pays des Allobroges, l'autre entre le Jura et le Rhône où leurs charriots ne pouvaient passer qu'à grand peine les uns après les autres (1). Un Patient chercheur, M. le capitaine Bial, professeur à l'école d'artillerie de Besançon en 1855 et années suivantes, a retrouvé plusieurs spécimens de ces chemins celtiques caractérisés : 1° par leur étroitesse telle que les moyeux ferrés des chariots gaulois appelés par César petoritum et esseda, écorchaient les parois rocheuses latérales lorsqu'ils étaient encaissés et y laissaient leurs empreintes ; 2° par deux ornières parallèles creusées dans le roc par le frottement des roues ; 3° par des sortes de gradins tracés par les pieds des chevaux, lorsque ces chemins étaient en pente. Comme les charriots qui laissaient ainsi leurs traces étaient ferrés — on en a retrouvé des ferrures complètes — on pourrait déjà déduire que, pour la lIlêrne raison, les pieds des chevaux l'étaient aussi, mais nous avons d'autres preuves plus Palpables, et nous y arrivons.
On connaît la fameuse question qui divise les historiens : laquelle d'Alise Sainte-Reine, Près Semur en Auxois, ou d'Alaise, près Sa-
(1) Le pays sans aucun doute, était traversé par des chemins carrossables, puisque les Gaulois avaient un grand nombre de charriots de toute espèce, qu'il reste des vestiges de routes celtiques, et qu'enfin César signale l'existence de ponts sur l'Aisne, le Rhône, la Loire, l'Allier et la Seine.
(Napoléon III, Hist. de Jules César, t. 11 p. 18).
lins, représente l'antique Alésia qui fut le tombeau de l'indépendance gauloise ? Chacune des deux hypothèses a des partisans d'une position scientifique considérable ; aussi nous garderons-nous d'entrer dans ce débat qui, du reste, n'a rien à faire ici. Mais cette querelle a eu de précieux résultats pour l'archéologie : de part et d'autre on a fouillé le sol, on a en quelque sorte fait renaître de leurs cendres deux bourgades parfaitement celtiques qui ont rendu de nombreux spécimens de l'industrie de leurs anciens habitants. A Alaise surtout où certaiuement a été livrée une grande bataille dont l'histoire n'a gardé aucun souvenir, les tombeaux des guerriers gaulois se comptent par milliers.
L'usage de placer dans la tombe des guerriers une ou deux roues du chariot quelquefois le chariot tout entier avec le harnachement du cheval de guerre et ce cheval lui-même, existait chez tous les peuples celtiques ; M. de Bonstetten avait déjà vérifié la chose en explorant les tombeaux d'Anet en 1849 (1). Ce fait s'est encore présenté à Alaise ; nous allons donner, d'après le compte rendu de M. Castan, archiviste-paléographe de la ville de Besançon, le contenu d'une de ces tombelles ouvertes en 1858 (2) : « Au-dessus de deux squelettes accouplés
(1) Troyon, Habitations lacustres, Lauzanne; 1860, p. 334.
(2) Mémoires de la Société d'Emulation de Besançon.
dont l'un était muni d'une courte épée en fer (la fig. 98 en représente !e troDçon) au fourreau de bronze (c'était sans doute l'essedarius et le guerrier combattant) et qu'entouraient sur le pourtour sept autres squelettes, on a trouvé les principales ferrures d'un essedum, savoir ; hUit boîtes cylindriques en fer avec leurs clous encore adhérents, ayant servi de garnitures à des bouts d'essieux et quatre cercles aussi en fer à peu près entiers ; l'un de ces derniers s'est rencontré dans une position Perpendiculaire au sol. Des traces de bois observées sur tout le contour intérieure donnent à croire qu'ils avaient été appliqués sur Une roue pleine composée de membrures ou Plateaux que les anciens appelaient tympana à cause de leur ressemblance avec le fond d'un tambour. Il existe un accord parfait entre les données fournies par les empreintes observées dans quelques chemins celtiques et celles récitant des débris de chars exhumés des tumuUs ; de part et d'autre, même maximum pour le diamètre des roues 0m,95 centimètres, même I11inimum 0m ,80 cent, pour les roues pleines On tympanons ; même épaisseur de jantes, 3 à 4 centimètres ; enfin l'indication manifeste d'un charronnage nullement grossier, mais, au contraire fin, léger, très avancé. Enfin, à côté Jjes restes d'un cheval deux morceaux d'un (er Q, cheval en bronze fortement usé en pince (fig. 99) ».
f Plusieurs autres tombelles, ou tumulus, ont oUrni avec des débris d'armes, de cuirasses,
de ceinturons, de colliers en dents de sanglier, le kelt ou hache celtique caractéristique (fig.
100), des clous en fer à tête plate sur champ, dite en clef de violon et servant à attacher les fers à cheval, comme le montre le dessin du fer à cheval (fig. 101), trouvé au même endroit) auquel adhéraient encore trois clous sem- blables.
Mais la découverte la plus curieuse faite dans les fouilles d'Alaise est celle d'un atelier complet de forgeron celtique. Nous laissons encore parler M. Castan qui présidait lui-même à la fouille : « Poursuivant notre exploration, nous arri- vâmes à la pointe extrême du promontoire des Châteleys occupé par un de ces entassements de pierres que l'archéologie anglaise appelle cairns. Des traditions de trésors enfouis, qui s'attachaient de toute antiquité à cette butte, avaient engagé un propriétaire des environs à y pratiquer des fouilles. Déçu bientôt dans ses espérances (il n'avait retiré, dit-on, qu'un pied de marmite en bronze), ce chercheur d'or avait abandonné la place, laissant le monticule percé d'un large entonnoir au sommet. Cette trouée, qui remontait à environ soixante ans et dont le plus grand nombre avait oublié l'origine, faisait considérer la ruine des Châteleys comme la base d'une tour ou d'une habitation circulaire. Dans son état primitif, la bute des Châteleys figurait un cône à base ovoïde, long de trente mètres et large Èvi.
ron vingt mètres. Le sol qui lui servait d'as-
FIG. 98.
fi'Hl, 99.
FIG. 100.
FIG. 102.
FIG. 105.
siette avait été disposé par la nature en manière d'amphithéâtre. La calotte de pierres qui était superposée, formée de gros quartiers, De contenait absolument rien et semblait n'avoir été construite que pour protéger contre l'action du temps et contre la cupidité des hommes la couche de débris qui tapissait le fonds.
« Tout autour du noyau formant autel, rayonnaient de longues traînées de cendres mélangées de charbon, de fragments de vases et d'ossements calcifiés d'hommes et de chevaux. A côté de ces foyers éteints gisaient épars, sur le sol, des mâchoires de porcs et un squelette d'ours.
Il Du milieu des foyers qui occupaient la région du nord, furent retirées successivement : une petite lime triangulaire longue de 65 millimètres (fig. 102 A) ; un fragment de grosse lune plate large de 23 millimètres (fig. 102 B) ; \1n petit ciseau long de 3 centimètres, qui devait avoir été enchassé dans un manche de bois (fig. 102 C) ; trois scories de fer informes ; deux petits morceaux de bronze coulés d'un millimètre d'épaisseur, dont l'un est orné de disques pointés exécutés au burin; un gros marteau en fer pesant 2 kil. 1|2 et conservant encore six coins en fer qui avaient servi à consolider le manche (fig. 102 D) ; non loin de ce marteau, sous un tas de cendres qui s'étenfait au nord-ouest, reposait une boucle en fer fig. 102 E), composée de deux anneaux reliés Par une patte de laquelle sort un ardillon.
« Venaient ensuite : une section de fer à cheval muni d'un clou à tête plate oblongue (fig. 103); puis une lame de couteau en fer qui avait perdu sa pointe et était encore longue de 12 centimètres (fig. 104).
« Les nombreux morceaux de vases recueillis à travers les cendres et les charbons du foyer sont d'une pâte grise remplie de grains siliceux, mais mieux liés et plus solides que les poteries celtiques ordinaires. Quelques fragments ont acquis par suite d'une forte cuisson, la dureté du grès. D'autres, plus friables, sont revêtus d'un vernis noirâtre et entourés d'un relief très saillant.
« Ces vases paraissent avoir été brisés à dessein et leurs morceaux dispersés sur le sol, car les fragments recueillis à des places très distantes ont pu être rapprochés et constituer le col d'un bidon (fig. 105).
« Le cairn des Châteleys n'était point, comme on voit, une tombelle ordinaire. Ce marteau de forgeron, ces outils à travailler le fer, ces chevaux, ces porcs, emblèmes de la nationalité gauloise, gisant pêle-mêle dans lefoyer des sacrifices à côté d'un autel édifié par la nature, tout cela lormait une page du symbolisme antique curieuse à déchiffrer. »
Evidemment, on avait mis à jour un sanc- tuaire druidique, et cette découverte archéologique est la confirmation la plus éclatante qu'on puisse désirer des déductions de l'his- toire par lesquelles nous avons débuté.
Pour qu'il ne reste aucun doute dans l'es-
prit du lecteur sur l'authenticité des découvertes faites à Alaise, nous allons rapporter l'opinion de savants de notoriété telle que leur opinion fait loi en pareille matière.
M. Troyon, l'archéologue suisse, l'auteur des savantes recherches sur les Habitations lacustres, dit à propos d'Alaise : « Il est évident que cette localité a été le siège d'un établissement gaulois d'une grande importance ; ses nombreux tumulus recouvrent les restes de générations diverses inhumées depuis l'âge de bronze à la période romaine; la plupart des pièces recueillies sont de cette époque et donnent lieu à d'importants rapprochements avec les antiquités helvétiques (1). »
M. Quicherat, membre de l'Institut, professeur d'archéologie à l'Ecole des Chartes, s'est prononcé très catégoriquement à l'égard des fers à cheval celtiques, dans une réplique à M. le colonel de Coinard, à propos d'une discussion sur les faits relatifs à la Campagne de Jules César dans les Gaules. Dans le Moniteur de l'Armée du 10 avril 1864, on lit ces lignes caractéristiques : « M. de Coinard triomphe de ce que nous admettons que les chevaux gaulois étaient ferrés ; il nous accable de citations pour prouver que le ferrage n'était usité, ni dans la cavalerie romaine, ni dans la cavalerie de Mithridate. Pourquoi nous objecter la cava-
(1) Troyon, Habitations lacustres, Lauzanne, 1860, p.
334.
lerie romaine à celle du Pont lorsque nous parlons de la cavalerie gauloise ? Des fers de chevaux se sont rencontrés avec de la poterie gauloise dans deux des tumulus d'Alaise ; ils gisaient au fond de la sépulture au milieu des cendres, sous un dallage épais.
« M. Castau a consigné cette découverte dans ses rapports sur les fouilles d'Alaise : J'y étais présent, je garantis le bon aloi du gisement. L'autorité du compilateur Beckmann, alléguée par M. de Coinard, ne peut prévaloir contre un fait qne Beckmann a ignoré et dont M. de Coinard ne parle pas. »
Les fers à cheval celtiques n'ont pas été retrouvés seulement à Alaise : M. Quiquerez, que nous avons déjà cité, ainsi que M. Troyon, les ont retrouvés en Suisse en assez grand nombre, le premier a même eu la bonne fortune d'en découvrir un qui porte avec lui une date assez certaine : « Il gisait, dit-il, avec une partie des ossements d'un cheval, dans une tourbière voisine de l'ancienne abbaye de Bellelay à 3 mètres 60 centimètres de profondeur, reposant sur le sol primitif. Il y a donc toute apparence que ce cheval n'avait pas été enfoui dans la tourbe mais, qu'au contraire, il avait péri en ce lieu avant la formation de la tourbière, puisque ses os dispersés annonçaient l'œuvre des carnassiers qui s'étaient emparés de cette proie. Cette même tourbière a restitué des rouleaux de monnaies de la première moitié du XVe siècle jusqu'à l'an 1480.
Ils n'étaient recouverts que par 60 centi-
mètres de tourbe encore spongieuse qui n'avait Pas mis cependant moins de quatre siècles à se former. Or, au cas particulier en prenant cette donnée de 15 centimètres par siècle — et elle est beaucoup trop faible, en raison de la densité que prend la tourbe à mesure qu'elle vieillit ou qu'on descend dans les couches inférieures — ce fer devait être là depuis plus de 2.400 ans. Cela correspond au vi8 siècle avant J.-C., c'est-à-dire à l'époque de l'arrivée des Kymris dans les Gaules et des Helvètes en Suisse (1).
M. Quiquerez a recueilli plus de vingt de ces mêmes fers dans le sol celtique entre DeléIIlont et Soyhères, sur la rive droite de la Byrse, territoire de Courroux et près de Vorbourg. Là il n'y avait nulle trace d'objets romains ou des temps postérieurs, mais seulement des antiquités dès l'âge de pierre, de celui du bronze et enfin du fer, ce dernier caractérisé uniquement par des fers à cheval et par deux disques rappelant les monnaies de .er des Spartiates. Sur l'autre bord de la rivière, il y avait encore des fers à cheval semblables, avec de ces beaux fers de lance ou de javelots gaulois d'une coudée de longueur.
Près des premiers fers il y avait un éperon à Pointe.
Tous ces fers des premiers temps sont pe- tits, étroits et faibles de métal, constamment
(t) Quiquerez Les anciens fers à cheval dans le Jura, Besançon, 1864.
percés de six trous, dont l'ouverture extérieure est fortement étampée, en forme longitudinale pour loger la base de la tête du clou ; cette tête se termine en T conique, ou en clef de violon, pour servir de crampon auxiliaire à ceux des talons qui, toutefois, ne sont pas constants.Le peu d'épaisseur et surtout de largeur du fer, a toujours fait distendre celui-ci à chaque étampure de manière à festonner le bord externe du fer. L'épaisseur de celui-ci est de trois à quatre millimètres et sa largeur de quinze à seize entre chaque trou, ce qui indique la dimension du métal ou de la barre avant l'étampage. Le poids des fers ne dépasse pas 90 à 120 grammes et nous les verrons augmenter progressivement de grandeur et de poids à mesure que nous les examinerons dans les âges suivants.
Il est à remarquer que ces fers sont parfaitement plats, c'est-à-dire sans ajusture et sans pinçons. Les clous qui adhèrent encore sur plusieurs spécimens montrent qu'ils étaient rivés très-bas, comme dans la ferrure arabe ou cosaque et, comme dans celles-ci, il est probable qu'ils étaient appliqués à même sur le pied, c'est-à-dire sans que celui-ci ait été paré, et à froid. Le boutoir, instrument qui sert à parer le pied ne s'étant pas retrouvé dans l'attirail du maréchal celtique, et étant probablement d'importation germanique (t),
(t) Suivant les auteurs des Origines de la langue française, le mot Boutoir viendrait du vieil allemand bozen, botzen, pousser.
l'analogie de pratique nous permet de conclure que la ferrure gauloise était aussi inoffensive que l'est actuellement la ferrure arabe. En effet, chez ces peuples cavaliers (les arabes) à habitudes primitives, où la ferrure n'a jamais eu d'autre but que de prévenir l'usure de la corne et où la pratique de parer le pied n'existe pas on ne connaît ni l'encastelure, ni les bleimes, ni les seimes, ni la brûlure, ni même la Piqûre, en un mot, aucun des accidents ou Maladies qu'on attribue avec raison à la ferrure de nos jours ; c'est que, chez eux, lorsque le cheval a le pied suffisamment long et fort, on ne le ferre pas, l'usure se fait normalement et le pied conserve sa forme initiale et sesbonnes qualités, ce n'est que lorsque l'usure est trop prononcée, qu'on a à marcher sur de Mauvais terrains, ou à faire de longues et fatigantes courses, qu'on ferre le cheval. Dès qu'il a de nouveau les pieds longs, il est immédia- tement déferré et laissé pieds nus en sorte qu'ils ne sont jamais parés que par la bonne nature.
Si l'on fait attention que les clous sont toujours brochés dans la corne très près du bord, ce que l'on remarque parfaitement sur certains fers gaulois, on comprend que la pathologie du pied, qui tient tant de place dans notre médecine vétérinaire, soit une lettre morte pour les Arabes et l'ait été de même pour les Gaulois.
Les fers à cheval, ces modestes objets d'an-
tiquité, nous révèlent aussi un fait très intéressant pour l'hippologue et l'historien, c'est que leur petitesse uniforme, indique une race chevaline, elle-même beaucoup plus petite que celle actuelle et beaucoup moins lourde, ce aui. du reste, est confirmé par l'examen des
FIG. 106.
squelettes et même des dents trouvés en même temps que les fers. Leur uniformité de grandeur et de poids dans une même époque, quelles que soient les localités où on les ait trouvés, indique en même temps une race unique pour tous les peuples celtiques, race qui s'est légèrement agrandie pendant la période gallo-romaine où l'agriculture a commencé à sortir de ses lymbes d'après le témoignage des agronomes latins.
Un numismate belge, M. Lelevel, sur le vu des figures de chevaux que portent presque toutes les médailles et mon- naies gauloises, avait pourtant
voulu retrouver toutes les races de chevaux telles qu'elles existent actuellement en France et en Belgique, comme s'il était possible, avec ces figures informes, variant nécessairement avec l'habileté des artistes, qui n'a jamais été très grande en Gaule, d'y reconnaître une race quelconque. Nous en faisons juges nos lecteurs, au moyen des dessin
FlG. 107. — Cheval Camargue (d'après une photographie).
plus haut, dont nous garantissons l'exactitude et qui sont la représentation de monnaies autbentiquement gauloises (fig. 106).
Ces chevaux celtiques, ainsi que le prouve l'examen des squelettes de cette époque, devaient être tout à fait les analogues des chevaux de la Camargue qui sont les derniers représentants de cette race primitive, bien qu'ils soient regardés par beaucoup d'hippologues comme d'origine arabe, datant de l'invasion des Sarrasins. Il y avait des chevaux en Camargue bien avant cette époque et ils ne ressemblent en rien aux chevaux arabes, comme on peut le voir par la figure cicontre qui est la reproduction d'une photographie (fig. 107) ; leur élevage à demi-sauvage a dû les conserver tels qu'ils étaient au moment des campagnes de Jules César.
C'est sur ces petits chevaux et grâce à la ferrure, que nos ancêtres du Ille siècle avant J. 'C-. ont parcouru en vainqueurs presque toute l'Europe et une partie de l'Asie. — Deux ~IIe ans après, leurs descendants devaient renouveler les mêmes prodiges presque aux ^qae lieux. — Sous la conduite de leurs ,&'e,nns les Gaulois firent la conquête de l'Ita9 et de Rome ; ils parcoururent la vallée du anube, envahirent la Thrace, battirent Sos- thène et la fameuse phalange macédonienne et Passèrent en Asie, après avoir pillé le tem? e de Delphe ; ils laissèrent partout des traces durables de leur passage.
* Si l'on jette un regard sur la carte du
monde ancien, vers la première moitié du Ille siècle avant J.-C., on voit la race gauloise déployée depuis Erin jusqu'à l'Esthonie, depuis la pointe septentrionale de la presqu'ile symbrique jusqu'aux Apennins, depuis les trois Finis-terrœ de Bretagne, de Gaule et d'Espagne jusqu'aux frontières du Pont et de la Cappadoce, en passant le long du Danube qu'ils tiennent jusqu'au delà de son confluent, avec la Save, par les Karpattes, les Alpes Illyriennes, l'Hemus et la Thrace. Les Gaulois planent sur l'Europe du haut de toutes les chalnes de montagnes qui parcourent le continent de l'Espagne au Pont-Euxin. L'empire romain, seul, doit un jour égaler les pro-, portions de cette gigantesque domination (1) JI.
Et veut-on savoir pour quelle proportion compte la cavalerie dans ces immenses armées de valheureux Gaulois devant qui tout pliait : Etrusques, Romains, Grecs, Macédoniens, Perses, etc.? L'armée celtique qui écrasa Sosthène et sa phalange, l'an 180 avant J.-C, se composait de 150,000 fantassins et soixante mille cavaliers (2), sans compter les innombrables charriots qui transportaient les femmes, les enfants et les vieillards. Ainsi, il y avait deux cavaliers pour cinq fantassins, c'est-à-dire trois fois plus que dans les armées modernes.
(1) Henri Martin, Histoire de France, 11, p. 29.
(2) Henri Martin, Histoire de France, II. p. 26.
La cavalerie gauloise avait tant de réputation que c'était à qui se l'adjoindrait : Annibal en avait à Cannes et à Trasimène, et c'est aux troupes gallo-kimriques qu'il dut la victoire (1).
Dans la guerre de Jules César contre Arioviste, la cavalerie romaine était composée pres- qu'en totalité d'auxiliaires gaulois (2). Et dans celle qui décida du sort de la Gaule, ce n'est qu'en appelant à son aide la cavalerie germaine que le même César put vaincre ses anciens alliés (3).
Strabon dit en propres termes : « C'est le cheval qui fait la supériorité du guerrier celtique dans les combats » (4).
Quoi d'étonnant alors que nous soyons rede vables à nos ancêtres celtes, qui aimaient tant le cheval et qui savaient si bien s'en servir, des arts qui rendent l'utilisation de ce noble animal plus complète et même possible ? Nous avons surabondamment prouvé que nous leur devons la ferrure, nous pouvons dire la maré.
chalerie, mot qui lui est aujourd'hui synonyme mais qui, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, a eu une signification bien plus étendue et complètement en rapport avec son étymologie : il dérive de deux mots celtiques, markh (cheval) et schalk (serviteur) et embrassait dans sa
(1) D'Alluin ; Les Deux Yeux de l'Histoire.
Q) J. César : Commentaires.
(3) César: de Bell. gall., lib.VII, cap. XV.
\'t) Strabon: Géographie, lib. IV, cap. III,
signification tous les soins que réclame le cheval: hygiène, médecine, ferrure, etc. (1).
Que penser, après tout ce que nous venons de dire de la véracité de certains auteurs latins qui représentent nos ancêtres comme des sauvages aux cheveux graissés de beurre rance (2).
PERSISTANCE DE LA FERRURE CELTIQUE EN GAULE ET DANS LA GRANDE-BRETAGNE
Nous avons dit que les fers celtiques des premiers temps, c'est-à-dire d'avant la conquête romaine, sont petits, étroits et faibles
(1) La seconde partie du mot maréchal : sehalk, est plutôt teutonique; ainsi, ce mot serait composé d'une racine celtique et d'une racine teutonique. Il ne paraît, en effet, dater que de l'époque de la fixation des Francs sur le sol de la Gaule et de leur renonciation aux habitudes vagabondes. Il caractérise ainsi la fusion des mœurs des deux peuples et l'histoire du premier maréchal dont les chroniques fassent mention vient à l'appui de cette hypothèse: C'était un cerf gaulois de l'île de Ré du nom de Leutaste qui devint plus tard un très grand personnage et à qui Markovefe, femme de Haribert (en 577), confia la garde de ses meilleurs chevaux et lui donna, parmi ses domestiques, le titre de Mariskalk. (Gregor., luron, llisl.
Franc., lib. V, apud script, cer. galic. et francic., t. H.
p. 261.) Ainsi, les Francs prirent la chose aux Gaulois et fabriquèrent le mot.
(2) Du commencement du IIIe siècle avant notre ère à la fin du second, la physionomie de la Gaule change peu à peu et surtout dans les régions du centre et du sud. Le commerce remonte les fleuves jusqu'au cœur du pays, passe d'un bassin à l'autre par de faciles portages et de belles routes. La nombreuse marine des Venetes (Vannes)
de métal, sans ajusture ni pinçon, constamment percés de six trous dont l'ouverture extérieure est fortement étampée de forme longitudinale pour loger la base de la tête du clou. Cette tête est en forme T conique ou en clef de violon, (selon l'expression consacrée,) pour servir de crampons auxiliaires à ceux des talons qui, toutefois, ne sont pas constants.
Le peu d'épaisseur et surtout de largeur du fer a toujours fait distendre celui-ci à chaque étampure, de manière à festonner le bord externe du fer. L'épaisseur de celui-ci est de trois à quatre millimètres et sa largeur de
le plus puissant des peuples armoricans, accapare presque tout le négoce des îles et des côtes océaniques.
Les Gaulois ne se contentent plus d'arracher l'or aux riches filons de leurs montagnes; ils manipulent euxlllêmes leurs métaux au lieu de les vendre aux étrangers.
Ils perfectionnent la trempe du cuivre, commun aussi dans la Gaule. Ils frappent des monnaies où l'imitation des types grecs se combine fréquemment avec les insignes nationaux le sanglier adopté par la race gauloise tout entière et le cheval adopté par les Armoricains et les Séquanais, et plus tard par les Arvernes.
Les Bituriges (Berrichons) fabriquent toutes espèces ustensiles en fer; les Edues (Autunois) en fabriquent d'or et d'argent.
L'esprit ingénieux des Gaulois découvre une foule de Procédés qui ont échappé à l'Orient, à la Grèce et à l'Italie: les Bituriges imaginent l'étamage, ou application a chaud de l'étain sur le cuivre; puis les habitants d'AléSIa, ville fameuse encore malgré sa déchéance, appliquent l'argent sur le cuivre et, grâce à ce brillant placage, les chevaux et les bêtes de somme semblent porter des freins et des jougs d'argent; les chefs semblént montés sur des chars d'argent.
quinze à seize entre chaque trou, ce qui indique la dimension du métal ou de la barre avant l'étampage. Le poids de ces fers ne dépasse pas 90 à 120 grammes et correspond à l'emploi de chevaux petits, d'un modèle uniforme, dont le cheval camargue nous a conservé le type.
Tel est le fer à cheval de la belle période gauloise d'avant la conquête romaine.
L'art de tisser, de brocher, de teindre les étoffes en couleurs éclatantes qu'affectionnent les Gaulois n'est point resté en arrière. Les industries relatives à l'alimentation de l'homme se perfectionnent également. La charrue à roue, une des améliorations capitales de l'agriculture, est inventée par les Gaulois cisalpins Le crible de crin, l'emploi de la marne comme engrais, de l'écume de bière comme levure du pain, sont encore des inventions gauloises. Les fromages des Gabales et de Nîmes, ceux des Alpes, sont en renom. Les jambons de la Séquanie sont recherchés jusqu'en Grèce. Les vigies se multiplient et s'améliorent des deux côtés du Rhône. Les Gaulois remplacent les jarres et les outres par des tonneaux de bois.
La science religieuse et la valeur guerrière ne sont plus les seules forces sociales : l'opulence se fait place à côté d'elles. Si le luxe du bâtiment est inconnu aux riches Gaulois, la religion ayant empêché le développement de l'architecture, ils se dédommagent par le luxe des repas, des ustensiles et du costume. Ils traînent partout après eux, avec une foule de dévoués et de clients, un splendide attirail d'armes, de chevaux et de chars de guerre.
Ils revêtent, par-dessus leur saye brodée de fleurons d'or, une cuirasse dorée ou une brillante cotte de mailles en fer, récente invention gauloise (Varron, p. 816) qui indique le changement de mœurs. Le Gaulois, naguerre, combattait nus, tel qu'il était sorti des mains des dieux.
C'est le prélude de la décadence.
(H. Martin, Hist. de France, t. I, p. 90).
Pendant la période gallo-romaine le fer à cheval a conservé exactement la forme du fer celtique, il s'est seulement un peu agrandi, ce qui prouve que le cheval lui-même a augmenté de taille par suite, sans doute, des progrès de l'agriculture et de l'augmentation de la qualité et de l'abondance des fourrages.
La justification de nos assertions se trouve dans la découverte de fers à cheval authentiquement gallo-romains et découverts particulièrement en Franche-Comté et en Suisse.
En 1853, des fouilles furent faites à Besançon tout le long de sa principale artère pour l'établissement de nouveaux égouts. La profondeur de ce creusage s'est arrêtée généralement sur le terrain du IVe siècle, c'est-à-dire sur le niveau même de la première ville galloromaine détruite par l'empereur Constance le véritable barbare d'alors qui venait raser systématiquement toutes les villes de la rive gauche du Rhin à quarante lieues de distance et voulait convertir la Séquanie en désert. (1)» Ce terrain du IVe siècle est caractérisé par la c°uche de débris qui repose sur l'admirable VO!e dallée si bien conservée, et immédiatement au-dessous des strates du moyen-âge.
CoIntlae depuis les temps gallo-romains, celtiques mêmes, la Grande-Rue de Besançon et la rue Battant n'ont pas cessé jusqu'à nos leurs d'être la principale ligne de passage, les
/) (1) Castan, Mémoires de la Société d'émulation du Doubs 1858.
strates déposées en quelque sorte siècle par siècle, ont rendu chacune à son tour témoignage de la manière dont les animaux que l'on a coutume de ferrer l'ont été successivement durant dix-huit cents années.
En effet, dans le haut de la rue Battant, la chaussée a été défoncée jusqu'au roc. En cet
FIG. 108.
endroit ce roc se trouve sillonné d'ornières comme un véritable chemin celtique et recou- vert de deux mètres au moins de débris, jus- qu'à la couche de tuiles romaines, de cendres, de débris antiques à laquelle on reconnaît à Besançon les ruines datant du IVe siècle. Or, partout s'est montré avec la Solea ou hipposan- dale, dont nous parlerons plus loin, et le fer à cheval galo romain; puis, moins profondément d'autres fers à cheval se rapprochant progressivement par le poids et par les formes du fer à cheval moderne. L'analogie du fer à cheval
gallo-romain avec le fer à cheval pur celtique prouve, avec beaucoup d'autres faits, que la domination romaine n'a eu aucune influence sur la maréchalerie gauloise et que les mêmes errements ont été suivis pendant cette période : Le fer à cheval gallo-romain trouvé à Besançon a exactement les mêmes caractères que le fer celtique, sauf les dimensions légèrement plus grandes ; il est également à six trous avec des étampures allongées pour loger des clous à tête en clef de violon, les branches terminées par des crampons, sans ajusture et sans pinçon et ondulés extérieurement.
Le métal est d'une extrême ductilité comme celui de tous les fers antiques.
M. Quiquerez a constaté en Suisse les mêmes faits, il fait seulement remarquer que les fers gallo-romains ont un peu plus de poids et sont 1111 peu plus grands que les fers celtiques ; Primitifs ainsi, après avoir établi que tous ceux de cette dernière origine fié dépassent pas 90 à 120 grammes, il reconnaît que ceux des âges suivants croissent graduellement de dimensions et de poids, de manière que ceux des temps romains arrivent à 180, jusqu'à 245 grammes. Néanmoins ils indiquent toujours une race de chevaux légers et à petits pieds, Car la moyenne des fers recueillis à Besançon en 1858 ne dépasse pas 0m, 110 en largeur et 0111,120 en longueur. Un officier supérieur de cavalerie, qui s'est beaucoup plus occupé de races dt chevaux que d'antiquités, s'exclamait à la vue de ces fers, déclarant que tous
avaient dû appartenir à des chevaux arabes (1).
Beaucoup d'autres fers à cheval authenti- quement gallo-romains offrant les mêmes caractères que les précédents ont été trouvés en divers endroits (2). Ainsi, en 1844, rapporte l'abbé Cochet, il a été fait une découverte d'autant plus intéressante qu'elle paraît porter avec elle une date déterminée : à Yebleron, près Yvetot, on a trouvé un seau en bois avec anses et cercles en fer renfermant trois chandeliers en bronze, dont un porté sur un bouc, ayant tout à fait le cachet antique, puis un coutre de charrue, un marteau, un fer à cheval et un éperon (fig. 108). Les quatre derniers objets sont en fer. Ce petit mobilier, en se basant sur le cachet artistique des chandeliers, ne peut être que gallo-romain : le fer est ondulé à six trous et l'éperon ressemble aux nôtres, à cela près que la molette est remplacée par une tête conique et aiguisée.
(1) « Namur, rapporteur des fouilles de Dalheim (Luxembourg) dit : il paraît établi que les chevaux gaulois des premiers siècles de l'ère chrétienne étaient des petits chevaux de selle demi-sauvages à petits sabots durs et étroits comme sont encore aujourd'hui ceux de l'Ukrainé ou des steppes qui avoisinent la mer Caspienne. »
L'abbé Cochet, Le Tombeau de Childéric Ier, Paris 1862.
(2) A Premeaux, arrondissement de Nuits, une certaine quantité de fers de chevaux a été exhumée dans le voisinage d'un chemin de construction romaine, mis à nu par la pioche d'un cultivateur. Plusieurs de ces fers ont été trouvés enfouis sous le strate de la voie. On en avait conclu que les Romains connaissaient la ferrure du cheval.
Constitutionnel, 4 mai 1863.
Ce n'était pas vrai pour les Romains, mais c'était vrai pour les Gallo-Romains.
Les trouvailles de fers celtiques appartenant à la période gallo-romaine sont nombreuses.
En 1842 (1) à Sauvoy parmi les ruines d'une
habitation galloromaine et au milieu de tuiles à rebords caractérisant cette époque, M. de Widrange a recueilli un fer à bords ondulés percé de huit étampures ayant l'une de ses
FIG. 109.
branches plus de deux fois plus large que autre (fig. 109); c'était certainement un fer Pathologique destiné à protéger le pansement une blessure de la sole au point correspondarlt.
Dans les ruines d'une villa romaine, au lieu dit les Egliseries, dans le Jura, qui paraît avoir été incendiée vers le ne siècle de notre ère, Car la fouille n'a pas mis à jour de médailles postérieures à Marc-Aurèle, on a retrouvé de nombreux objets en bronze et en fer et parmi Ces derniers la moitié d'un fer à cheval de forme tout à fait celtique muni de crampons et Portant trois trous oblongs. Cette pièce a été trouvée au niveau d'une médaille de Marc-
(1) L'abbé Cochet. Le tombeau de Childéric [or, Paris 1862.
Aurèle sur l'aire d'une sorte de hangar situé au centre de la villa et qui était recouverte par une couche de déblais épaisse d'environ 40 centimètres, très abondamment pourvue de tuiles et de poteries romaines.
Ces faits suffisent, nous pensons pour prouver que la maréchalerie était pratiquée pendant l'époque gallo-romaine tout à fait suivant la méthode celtique, et qu'elle ne subit pas de modification pendant cette période. Ainsi les nombreux fers ondulés que l'on remarque dans les musées de Nantes, de Troyes, de Tours, de Gluny, sont tous celtiques, gallo-romains, ou même gallois suivant leur dimension ou les caractères de gisement.
Mais quelle était la position de ceux qui fabriquaient ces fers après la conquête romaine.
Nous avons vu quel rang élevé occupaient les forgerons des temps druidiques. Dans la Gaule romaine nous les retrouvons presque tous esclaves ou tout au plus affranchis.
C'était en effet le sort réservé à tous les vaincus et surtout à ceux qui persistaient dans leur attachement au druidisme (1).
On comprend que, pour se soustraire aux persécutions et à cet abaissement, quelquesuns, comme le Wallander de la légende, aient
(1) Les affranchis étaient une classe très nombreuse en Gaule qui tiraient leur origine de toutes les nations diverses contre lesquelles les Romains avaient porté leurs armes, et la classe la plus nombreuse, lors de l'invasion des Barbares était celle des esclaves.
Sismondi, Histoire des Français, t. 1, p. 104.
Préféré les solitudes mystérieuses, solitudes d'autant plus inviolables que les superstitions Populaires sur les korigans, les farfadets, les gnomes et les nains dont ces proscrits affectaient de jouer le rôle et dont ils sont probablement l'origine, que ces superstitions, disons nous, avaient plus d'empire sur les masses de ces temps d'ignorance (1).
Un des principaux résultats de la conquête romaine fut la sécularisation, la vulgarisation de l'industrie. De véritables manufactures d armes, où travaillaient les industriels gaulois réduits en esclavage, furent établies en Gaule par les soins des empereurs ; nous en comptons jusqu'à huit : une de toutes espèces d'armes à Strasbourg; une de flèches à Mâcon; Une de cuirasses à Autun ; une de boucliers, de machines de jet (balsi loe) et d'armures en écailles de fer (clibani) à Soissons; une de grandes épées (sparihœ) à Reims; enfin, une dépées et de boucliers à Amiens. Tous ces ateliers étaient sous la direction d'un « ministre de l'intérieur » appelé maître des offices,
\? (1) Tout gaulois investi du titre de citoyen romain deI cllt renier le druidisme. Des édits particuliers d'Auguste j proscrivirent; le reste des croyances celtiques avec la langue fut rélégué dans les dernières classes du peuple.
(Sismondi, loco citato, t. I, p. 64.) Le corps des affranchis possédait presque tous les j ? et métiers et il se recrutait sans cesse ; mais il ne jouissait d'aucune considération et d'aucune autorité ; il éta't 'Oumis à des règlements vexatoires. »
(Sismondi, loco citato, p. 58.)
dignité créée par Constantin (H. Martin, Hist.
de France, I, p. 37).
Lorsque les ouvriers esclaves, qui travaillaient ainsi au compte de l'Etat ou des riches particuliers, parvenaient à s'affranchir, ils travaillaient pour leur compte et constituaient avec les commerçants une sorte de bourgeoisie qui habitait les villes ; mais ils étaient tellement écrasés d'impôts que jamais ils ne récupérèrent leur prépondérance (1).
Les nobles seuls qui avait adhéré à l'état de chose nouveau, qui s'étaient romanisés jusque dans leur nom et qu'en récompense on avait nommés sénateurs, eurent seuls une position transcendante et concentrèrent dans leurs mains toute la richesse du pays; mais ils y gagnèrent aussi la mollesse qui caractérise la- décadence (2). Ainsi s'éteignit la valeureuse nation gauloise.
Un fait digne de remarque c'est que le goût du cheval et l'emploi de cet animal sur une large échelle, suivit toutes les fluctuations de fortune de la nation gauloise : nous l'avons
(1) Les commerçants et les artisans libres étaient responsables de l'impôt industriel, de même que les curiales étaient responsables de l'impôt foncier. Une main de fer étouffait l'industrie libre et l'empêchait de rivaliser avec l'industrie des esclaves, qui fabriquaient pour le compte des riches et du fisc impérial. Le désespoir était tel qu'ils abandonnaient leurs maisons pour vivre dans les bois et les déserts, avec les Bagaudes et les esclaves fugitifs. (H. Martin, loco citato, p. 327.)
(2) H. Martin, loco citato.
vue, au moment de sa plus grande splendeur, au Ill- siècle av. J. C. réunir des armées de cavaliers comptant plus de 60.000 chevaux.
Vercingétorix, en réunissant toutes les forces hippiques de la Gaule, en trouve à peine 15.000; à l'époque gallo-romaine la cavalerie gauloise s'efface tellement qu'on n'en trouve Plus trace au moment de l'invasion des barbares. Les Francs étaient de purs mais solides fantassins et si parfois les rois et les reines se font transporter, c'est dans des basternes traînées par des bœufs. Il faut arriver jusqu'aux Carlovingiens pour voir le réveil de notre cavalerie nationale, suivi bientôt après de celui de la chevalerie française, fille directe et légitime des « Colliers d'or de la Table ronde » dont les Gallois nous avaient précieusement conservé la tradition.
Les Gallois, qui étaient une branche celtique très importante conservèrent les mœurs druidiques dans toute leur pureté jusqu'à la conquête de leur pays par Edouard 1 (1272- 1307). Ils pratiquaient la ferrure celtique comme les anciens gaulois et ils la pratiquèrent encore longtemps après leur réunion a l'Angleterre ; cela explique la présence des fers ondulés sur tous les champs de bataille du moyen-âge ou la cavalerie anglaise a opéré.
41 Le champ de bataille de Crécy a livré avec des objets du XIVe siècle (tels que des éperons à molettes) des fers festonnés mêlés d'autres de type tout à fait différent qui
très vraisemblement sont tous des épaves de la célèbre bataille de 1346. » (1) Les fers festonnés (celtiques) ont été trouvés si fréquemment dans des lieux où avaient combattu les Anglais jusqu'au xv* siècle, que certains auteurs les nomment communément fers anglais. (2) En France, dès le IVe siècle ils ont disparu remplacés par des fers germains apportés par des peuplades teutones cavalières comme les Suèves ou quelque embranchement de cette même race comme les Burgundes.
FERRURE GERMAINE
Les conditions climatériques et géologiques de la Germanie étaient les mêmes qu'en Gaule pour nécessiter la ferrure du cheval et cette pratique a été certainement utilisée depuis les temps les plus reculés de l'autre côté du Rhin. Seulement toutes les peuplades germaines n'utilisaient pas le cheval comme le faisaient généralement les peuplades gauloises Tacite nous apprend qu'à l'exception de quelques tribus Suèves, les Germains en général n'étaient pas beaucoup cavaliers : « Leurs chevaux ne sont remarquables ni par la beauté ni par la vitesse ils ne savent que les pousser en avant et tout au plus les détourner à droite ;
(1) M. J. de Saint-Venant, anciens fers de chevaux à double traverse, Bourges 1902, 3e note de la page 12.
(2) J. de Saint-Venant, loco citato, note 1 page 14.
A tout prendre leur force est dans leur infanterie ». (1). De toutes les peuplades germaines dont il a étudié les mœurs, il ne cite que les Teuctères comme excellents cavaliers et chez lesquels l'équitation est l'amusement de l'en- fance, la passion de la jeunesse et l'occupation des vieillards (2). Beaucoup d'autres comme les Cattes de la forêt Hercynienne (Forêt noire et Hesse actuelle) les Gotons, les Francs, sont exclusivement fantassins (3) ; quelques-uns, comme les Fennes « sont dans un état de sauvagerie tel qu'ils n'ont ni chevaux, ni armes, ni maisons, et qu'à défaut de fer, ils arment leurs flèches d'os pointus (4). Quant aux Sarmattes, qui ne sont pas germains ils errent et Pillent sans cesse, passent leur vie dans un chariot ou à cheval et n'ont point d'habitations fixes (5).
Il est peu probable que ces derniers dont l'industrie devait être très bornée en raison de leur vie nomade, aient jamais connu la ferrure cheval; leurs descendants, les Tartares de l'Ukraine et de la Crimée, ne la connaissaient ras encore au XVIIe siècle, époque où les visita le Chevalier de Beauplan qui, dans son voyage iïa ns midi de la Russie (1630), dit : cr Lorsque la terre est durcie par la gelée et par la neige, *—
(i) Tacite La Germanie VI.
fD, ACITE loco-citato XXXII.
\UJ Tacite loco-citato xxx.
(4) Tacite loco-citato XLVI.
,-, acit© loco-citato XLVI,
les Tartares cousent sous les pieds de leurs chevaux des morceaux de vieille corne afin de les empêcher de glisser et d'empêcher l'usure des pieds ». Ce n'est pas plus chez les Germains du nord que chez les Sarmates que l'on peut trouver des traces de l'usage de la ferrure et pourtant ce sont précisément les Germains du nord qui passent généralement pour être les inventeurs de cette pratique. En effet, c'est dans le nord de la Germanie que se trouvent les peuplades les moins cavalières, c'est-à-dire les Francs, les Saxons, les Danois ou Normands, et chez lesquels on ne trouve aucune trace de l'existence de la ferrure.
Chez plusieurs peuplades de la grande nation des Suèves, chez les Burgondes en particulier, on a des indices certains qu'ils prati- quaient la ferrure du cheval, ce qui n'étonnera personne si on se rappelle que les Gaulois, au Ille siècle avant J .-C., ont parcouru en vain- queur toute la vallée du Danube et ont même laissé chez les Suèves des colonies parlant en- core le Gaulois du temps de Tacite. Nous verrons plus loin que les fers à cheval des Suèves sont caractéristiques et parfaitement distincts des fers celtiques, ils constituent même un progrès sur ceux-ci car ils ne sont pas ondulés : pour éviter cette disposition défectueuse les ouvriers germains substituèrent aux étam- pures allongées mais séparées, une rainure con- tinue au fond de laquelle sont percés les trous.
Nous avons dit que les Germains du Nord
n'étaient pas cavaliers, en voici la preuve : Sismondi parlant des Francs à la solde des Romains, dit qu'ils fournissaient une excellente infanterie, constante, inébranlable, obstinée au combat et cependant facile à manœuvrer. « Aucun peuple ne pouvait mieux remplacer dans les armées de l'empire, l'ancienne infanterie romaine qui avait dû aux mêmes qualités la conquête du monde ». (1) Les Francs n'importèrent donc pas la ferrure à cheval puisqu'ils n'avaient pas de cavalerie ; jusqu'à Charles Martel on ne trouve aucune trace de cette dernière dans les armées franques. Les chefs seuls étaient quelquefois montés et même chez les descendants de Clo\Fis, leurs écuries étaient si peu fournies que c'était un grand luxe pour le roi d'avoir six chevaux (2).
Une autre preuve que les Francs ne connurent pas la ferrure avant leur arrivée en Gaule est fournie par les nombreuses explorations de sépultures franques opérées le long du cours inférieur du Rhin. Dans les principales de ces sépultures, probablement dans celles des chefs militaires, des kœnigs, On a souvent trouvé des restes de chevaux, des mors, des brides, quelquefois même des harnachements complets mais jamais de fers à cheval, cela est attesté par les archéologues
(1) Sismondi, loco citato T. 1 p. 40.
(i) Gregor. Turon, lib. III p. 24, 198.
allemands Lindenschmidt, Durricht et Menzel (1).
Le tombeau de Childéric Ier, découvert à Tournai en 1665 par le médecin Chifflet fait peut-être exception à cette règle, si toutefois c'est une exception, car, d'un côté, on sait que le père de Clovis était en relation avec les Gaulois du Nord et les Romains leurs maîtres, et rien d'étonnant alors que son cheval ait été ferré ; d'un autre côté, plusieurs archéologues, l'abbé Cochet en tête, doutent que le morceau de fer très oxydé que l'on a trouvé dans son tombeau soit un reste de fer à cheval. Voici, dans tous les cas, la relation de cette trouvaille telle que la donne Montfaucon dans les Monuments de la monarchie française. (T. I. p.
10-16, pl. VI, fig. 1).
« Parmi les pièces que nous venons de décrire se trouvèrent aussi le crâne, la mâchoire et les dents du cheval de Childéric, avec une partie du fer d'un pied qui faisait
(f ) Dans les sépultures franques, entre autre à Evernum où il y avait trois ou quatre chevaux, nous n'avons jamais rencontré de fers et pourtant les jambes ne manquaient pas. En revanche, nous avons trouvé des boucles et des mors bien caractérisés. M. Landenschmidt, & Selsen, a rencontré un squelette de cheval sans fers. Il en a été de même à Sainchoins, à Ascherade, à Langweid, à Nordendorf, MM. Durich et Manzel, dans les fouilles si intéressantes d'Obenflacht, ont rencontré un équipement complet sans fers.
Les squelettes des chevaux francs trouvés en Allemagne prouvent que la race en était petite, ce qui est confirmé par Tacite : Equi (corum) non forma conspicui.
juger que ce cheval était petit. La coutume des anciens peuples était d'enterrer avec les hommes, les chevaux et les autres animaux qui étaient à leur usage et qu'ils aimaient le Plus. Un crâne qui fut découvert parmi tout cela, fit juger que l'écuyer ou le palefrenier
FIG. 110.
avait été enseveli avec le roi son maître, suivant la coutume de certains peuples barbares dont parle Hérodote (lib. 4) qui enterraient avec le maître le cheval et l'écuyer ». Ci-contre le dessin de ce fer tel que l'a donné Montfeucon et sa reproduction d'après Chifflet (fig.
110).
Une preuve encore que chez les Francs les chevaux étaient rares et précieux et que certains chefs seuls en possédaient, nous est fournie par l'historien que nous avons déjà souvent cité, Grégoire de Tours : Clovis ayant défait les Wisigoths à Vouillé, va au tombeau de Saint-Martin remercier Dieu de sa victoire; 11 offre en présent au monastère, le cheval sur
lequel il était monté le jour de la bataille.
Mais bientôt, tant un bon coursier est chose rare, Clovis regrette son offrande ; il redemende son cheval au prix de 50 marcs d'argent. Les moines répondent que StMartin tenait beaucoup au présent qui lui avait été fait. Clovis fut obligé de doubler la somme pour faire taire les scrupules du monastère. Ce fut alors que le rude Sicambre murmura, dit on, dans sa barbe : « SaintMartin sert bien ses amis, mais il vend ses services un peu cher. »
Nous avons dit que les Saxons et les Danois ou Normands n'étaient pas cavaliers, pas plus que les Francs. C'est ce que prouvent les chroniques où se trouvent racontées leurs conquêtes.
Voici, en effet, ce que nous lisons dans l'une d'elles, à propos des premiers qui suivirent de très près les Angles sur la terre bretonne : Et eodem, ipso anno parvenit magnus pagnorum exercitus in Anglorum terram et hiberna experunt in orientalibus anglis, ibique equites facti sunt (cette même année, il arriva une grande armée de païens sur la terre des Angles; ils prirent leurs quartiers d'hiver sur la côte orientale et, dans la suite, se firent cavaliers).
En ce qui concerne les Normands, on lit dans Robert Vace, troubadour du XIIe siècle, qui raconte leur arrivée et leur établissement en Neustrie :
N'étaient mie chevaliers N'ils ne savaient chevalchier Tôt à pied portaient lor armes.
En effet, montés sur leurs barques rapides, l'équitation leur était inutile et leur chef Rollon, surnommé dans les chroniques : the Walher (le marcheur), allait toujours à pied.
Mais les Normands, devenus sédentaires, ne furent pas longtemps, de même que les Saxons, à s'approprier les usages du pays où ils s'établirent et il ne s'écoulera pas cent cinquante ans que nous les verrons à la tête des plus beaux établissements hippiques de France et descendre en Angleterre avec la Plus belle et la plus nombreuse cavalerie que l'on ait vue depuis de longs siècles.
En même temps que les Francs occupaient le nord de la Gaule, à l'est et au centre s'installaient les Burgundes, fraction de la grande nation des Suèves, dont nous avons déjà parlé et qui se distinguaient des premiers par leurs mœurs industrieuses (1).
La Suisse et la Franche-Comté offrent de nombreuses traces de leur passage et de leur séjour: non seulement on a constaté la restauration par les Burgundes d'un grand nombre
(1) Les autres peuples teutoniques avaient peu d'esh. ttie pour les Burgundes : ils les accusaient d'avoir dégénéré de leur race en habitant dans les bourgades, ou leur nom de Burgundii était venu, et ils les regardent comme bien plus adonnés aux professions méca- niques de forgerons et de charpentiers qu'à la vie militalre. (Sismondi, I, p. 120).
de villas romaines incendiées par les Barbares, mais on a retrouvé bien des débris de ces guerriers de six à sept pieds de haut, encore armés de leur scramasax à rainures, l'éperon à pointe au talon et portant de grosses plaques de ceinturon damasquinées d'argent.
L'un de ces septipèdes du ve siècle était couché dans un tombeau formé de grosses pierres de tuf à peine taillées et près de lui se trouvaient les ossements d'un cheval qui avait été probablement celui du géant et dont les fers existaient encore (1).
Non loin de là, beaucoup d'autres sépultures de la même époque ont fourni aussi des fers. Ce sont tous des fers larges, couvrant une grande partie de la plante du pied, à six clous, non festonnés et creusés le long du bord externe d'une rainure plus ou moins pro- fonde, au fond de laquelle sont percés les trous, de telle sorte que la tête du clou y est presqu'entièrement logée.
Le poids de ces fers est en moyenne de 265 grammes et le crampon est constitué par un renflement en forme de biseau, long de deux centimètres (fig. 111). Comme la rainure de ces fers est évidemment faite par les mêmes procédés et avec les mêmes outils qui creusent les deux faces du scramasax, large coutelas tranchant d'un seul côté qui était l'arme caractéristique des Germains, et qu'on
(1) Quiquerez. Les Fers du Jura (Bulletin de la Société d'émulation de Besançon).
la remarque aussi sur des couteaux de mêmes origines que l'on sait être de la fin du IVe siècle ou du commencement du ve, la date des fers eux-mêmes et leur origine se trouvent ainsi parfaitement établies.
FIG. 111.
Le fait de ces rainures prouve de plus que, comme chez les Gaulois, le même ouvrier, chez les Burgundes, fabriquait les armes et les fers de chevaux (1).
(1) Le nain Regin s'enfuit (de chez ks Burgundes) à la cour du roi franc Hialprek (Chilpéric) qui régnait sur les bords du Rhin et y remplit les fonctions de maréchal (au sens propre du mot); il y rencontra le jeune Sigurd, fils du roi Sigmund, descendant d'Odhin, ééhappé miracueusement aux meurtriers de son père. Il dirigea son éducation et lui parla du merveilleux trésor des Nibelhungen en lui inspirant l'idée de l'enlever à Fafner. Il lui forgea l'épée Gram dont la lame coupait si bien que, plongée dans le Rhin, elle fendit un flocon de laine poussé contre elle par le courant du fleuve, et lui dressa incomparable cheval Grani (Albert Reville, Etude sur l'épopée des Niebelhungen).
Ce genre de fers à rainure, qui s'est perpétué jusqu'à nos jours chez les Anglais, leur vient probablement de la conquête normande, ce qui indiquerait que la ferrure burgunde s'est généralisée en Gaule et jusqu'en Nor-
FIG. 112,
mandie, entre le ve et le XIe sièclp, remplaçant peu à peu la ferrure celtique qui, au xv* siècle, était encore pratiquée dans certaines régions de l'Angleterre, entre autres dans le pays de Galles. Les fers allemands ont aussi conservé la rainure.
M. Quiquerez possède de ces fers trouvés dans un amas d'ossements de chevaux dont les pieds étaient restés ferrés et qu'on a découverts en réparant la route de Courtenay à Sainte Ursanne non loin des camps romains de Moron et de Mont-Terrible. Dans les fondations de l'église de Moutiers-Grandval, bâtie au vii" siècle, on a trouvé un fer analogue. Il eu
a été ainsi dans les ruines de divers châteaux suisses, à Logron, par exemple (fig. 112) (1).
(1) Il y a de grandes raisons de croire que les autres Peuplades suèves ferraient leurs chevaux depuis longtemps de la même manière que les Burgundes; en effet, on sait que c'est toujours de la cavalerie suève, amenée en Gaule par Arioviste que les Gaulois trouvaient en face eux, soit qu'ils combatissent pour les Romains, soit qu'ils combatissent contre. Or, à propos du grand combat de cavalerie qui précéda le siège d'Alézia, combat que Napoléon III, dans son Histoire de Jules César place sur les bords de la Vingeanne, entre Langres et Dijon, voici ce que nous lisons, au tome II, p. 296 de cet ouvrage : « - - - Il faut ajouter que les cultivateurs de Montsaugeon, d'Isonnes et de Cusey, trouvent depuis plusieurs années, en faisant des fossés de drainage, des fers à cheval enfouis à un ou deux pieds dans le sol. En 1860, lors du curage de la Vingeanne, on a extrait, du gravier de la rivière, à deux ou trois pieds de profondeur, par centaines, disent les habitants, des fers à cheval d'un métal excellent; ils sont généralement petits et portent dans leur pourtour une rainure où se loge la tête du clou. Un grand nombre de ces fers ont conservé leurs clous qui sont plats, ont la tête en forme de T et sont encore garnis de leurs rivets, c'est-à-dire de la pointe qu'on recourbe sur la corne du pied, ce qui indique que ce ne sont pas des fers perdus, mais des fers d'animaux dont le corps a pourri dans la terre ou le gravier. On a recueilli trente-deux de ces fers à cheval. (Quelques uns ont les bords ondulés ainsi que l'on peut le constater au musée de Saint-Germain où tous figurent). L'un d'eux est frappé au milieu du cintre d'une marque qu'on rencontre quelquefois sur des objets celtiques et qui a de l'analogie avec l'estampage d'une plaque de cuivre trouvée dans un des tumulus de Montsaugeon ».
En un mot c'est un mélange de fers celtiques et germains qui indiquent qu'une mêlée de cavalerie a eu lieu stlr les bords de la Vingeanne entre cavaliers gaulois et suèves.
UNE OEUVRE D'ART DÉMONTRANT L'ANTIQUITÉ DE LA FERRURE
En faisant l'histoire du harnachement du cheval pendant la période Gallo-romaine, nous avons signalé un bas-relief de cette époque montrant deux chevaux attelés à une voiture du temps et conduisant des prêtres païens qui se rendaient à un sacrifice. Un autre bas-relief montrait ces mêmes prêtres en fonction.
Ces bas-reliefs furent trouvés à Vaison (Vaucluse) et estimés par les archéologues être du IIe siècle. Ils figurent maintenant avec cette date au musée d'Avignon. Nous répétons ciaprès la reproduction d'un dessin, que nous avons fait d'après nature, de celui des deux basreliefs qui nous intéresse le plus, non seulement au point de vue du harnachement, mais aussi au point de vue de la ferrure, car le cheval de gauche de l'attelage (fig. 113) est manifestement ferré du pied gauche de devant, les rivets de quatre clous sont bien visibles, aussi bien que le fer lui-même par son bord. On constate même que les clous sont, ce qu'en terme de métier, on appelle brochés en musique, c'est-à-dire que leurs rivets ne sont pas à la même hauteur, ce qui n'est pas une preuve d'habileté.
Les détracteurs de l'antiquité de la ferrure, dont cette œuvre d'art détruisait les théories, ont voulu dire que ce fer et ses rivets avaient été simulés après coup et que c'était l'œuvre d'un sculpteur relativement moderne, que c'était du truquage en un mot. Mais sur quoi
FIG. 113. — Attelage Gallo-Romain.
se basent-ils pour le dire ? Des savants émérites regardent le monument avec tous ses détails comme parfaitement authentiques et c'est à l'illustre littérateur Mérimée, qui était en même temps inspecteur des monuments historiques, que le musée Calvet, d'Avignon, doit la possession de cette œuvre, connue sous le nom d'Attelage (1), qui ornait le château Marandi, à Vaison-sur-Ouveze. Elle est gravée dans le Monuments de la France de M. A.
de Laborde, dans le Nouveau Voyage Pittoresque d'Ostervale et dans l'Atlas de la France pittoresque de Monin (2), sans compter les élégantes reproductions photographiques du Livre tl/Or du musée Calvet.
On regarde ce monument comme la preuve de l'inauguration de la ferrure au IIe et III" siècles dans les pays civilisés (3). On ignorait qU'elle était pratiquée dans les pays celtiques depuis le iii- siècle av. J. C., apportée sans doute d'Orient par les Gaels et les Kimrés, souche de la nation gauloise. Voici ce que dit ?d. Levat de la ferrure en Orient : De ce que les Romains ne se servaient pas avant l'ère chrétienne du fer à cheval, il ne faut pas conclure qu'il n'ait pas existé quelque part avant eux. L'art de la maréchalerie a eu pour berceau les anciens peuples
(1) Galerie lapidaire du musée Calvet, à Avignon.
«h -
d w Dictionnaire des Antiquités, de Rich et Handbuch, de Morquardt.
s \,;jJ L.-A. Levat, Les Origines de la Ferrure in Revue Ctent*fiqtte, 1SKM).
de l'Orient, y compris les Perses, les Babyloniens, les Assyriens, les Phéniciens, les Egyptiens, etc. Les chevaux ferrés de Darius sont restés célèbres : Les Mongols ont ferré leurs chevaux de temps immémorial.
A la Pinacotheque de Pompéi on a retrouvé des peintures représentant des attelages asiatiques où les chevaux sont munis de fers et une mosaïque représentant la défaite de Darius par Alexandre, montre un fer à clou bien marqué sous le sabot d'un cheval d'un satrape. »
« On attribue l'invention des hipposandales à Charaka (le Charsak des Arabes). C'étaient des fers à planche emboîtant le sabot par des rebords munis en mamelles et en talon, d'oreillons pour le passage des courroies. Les Hippiatres Mohamed et ben Scheriff proclament dans leurs ouvrages la nécessité de ferrer les chevaux, eu égard à la faiblesse de leur ongle aux difformités et aux maladies qui le défigurent et l'altèrent. »
LES HIPPO-SANDALES
L'abbé Cachet, dans sou Histoire du tombeau de ~Chilpéric Ier (Paris 1862), a nommé hipposandales, des pièces en fer biscornues, rendues par les fouilles archéologiques et qui avaient été prises successivement pour des strigilles, des étriers, des supports de lampe, des sabots d'enrayages de voiture (fig. 114 et 115). Le célèbre abbé a vu dans ces pièces des chaussures de cheval, les célèbres soléas romaines,
FIG. 114.
FIG. 115.
FIG. 116.
la première forme, disait-il, de la ferrure du cheval. Tout le monde a été plus ou moins de son avis parce qu'on ne connaissait pas encore les travaux de la Société d'Emulation du Doubs et des archéologues suisses sur les ferrures celtique et germaine qui suivirent à deux ans de distance les travaux de l'abbé Cochet. Cependant des savants d'une grande autorité même encore maintenant se refusent a croire que ces pièces, attachées aux pieds d'un animal aux allures quelque peu rapides aient pu y rester fixées quelques instants. Il est évident, en effet, que certains de ces ins- truments que nous possédons (fig. 114 et 115) n'ont jamais pu servir de chaussures. D'autres ont pu certainement être employés à cet usage, mais seulement pour des animaux à allures tantes comme des mules ou des bœufs et que le nom qui leur convient c'est celui de mulo- sandales ou bo-sandales que leur a affecté M. A.
Delacroix (1) qui a trouvé des hippo-sandales en fer s'appliquant exactement au pied du bœuf et même à un seul de ses onglons (fig.
B.-C., fig. 116) et quelques-uns de ces engins s'appliquent très bien au pied du mulet.
Quelques-uns s'appliquent aussi au pied du cheval : M. Troyon a trouvé sous les ruines romaines de Granges, canton de Vaud (Suisse), Un squelette de solipède portant à chaque pied Ce genre de sandales (2).
1) Delacroix. Mémoire de la Soc. d'Em. du Doubs, 1864.
v ) L'abbé Cochet, loco citato.
Les plus nombreuses de ces vraies hipposandales affectent la forme suivante (fig. 116 A) : une semelle arrondie avec une sorte d'éperon à l'arrière; deux oreilles relevées sur les côtés destinées à s'appuyer sur la muraille du sabôt, région dite des mamelles, et se terminant par un anneau mobile ou fixe. Un lien servant à fixer l'hippo-sandale au pied devait passer par ces anneaux et par le crochet situé à l'arrière. Un trou ovale est pratiqué au centre de la semelle, tant pour l'aération du pied que pour l'écoulement des eaux qui se seraient logées entre le pied et le fer ; des stries sont quelquefois pratiquées dessous pour prévenir les glissades.
Nous possédons une de ces hippo-sandales qui a été trouvé à Tours, sur le bord de la Loire, sur un chemin de halage celtique, recouvert de plus d'un mètre d'alluvion, nous en donnons la figure ci-contre (fig. 117). Cette hippo-sandale est manifestement usée par le travail à sa partie extérieure, dans la région dite de la pince, et elle avait évidemment servi à des chevaux de halage, les transports par eau étant des plus actifs pendant la période gauloise. Or à cette époque où les chemins de halage n'étaient pas entretenus comme de nos jours, où les animaux qui tiraient les bateaux avaient les pieds souvent dans l'eau et les sabots ramollis et attendris, il aurait été impossible d'y attacher solidement des fers avec des clous et on s'explique ainsi l'usage des hipposandales attachées avec des liens. Rappelons
que la ferrure à clous était un monopole des forgerons sacrés de la Gaule et probablement réservée aux chevaux de guerre comme elle l'était encore au moyen-âge. Les hippo-sandales devaient étie réservées aux animaux de
FIG. 117.
trait lent des paysans et seulement par suite de certaines nécessités, peut-être de blessures ou de maladie du pied, Des hipposandales ont été trouvées très nombreuses en France, en Angleterre, dans les Flandres et en Allemagne et pas du tout en Italie, ce qui prouve, entre parenthèse, qu'elles ne représentent pas les Soleas romaines qUJ, nous le savons, était en sparterie quelquefois munie d'une semelle métallique.
On a trouvé de ces sandales entièrement en fer dans la Sarthe, la Moselle, à Arques, dans la Seine-Inférieure, à audebec, à la rivière hlbou\Fille, au Vieil-Evreux, à Vieux, près de
Caen, au Châtelet, à Dijon, à Autun, à Troyes, à Montbéliard, à Mandeure, à Besançon, à Londres, à Strany-Strafford et à Spring Heai dans le Kent. Le seul camp de Dalheim, près de Luxembourg, en a montré dix. En 1862, les démolitions du vieux pont de Reignac (Indre), ont mis à dcouvert un certain nombre de ces plaques de fer avec une lame d'épée et des monnaies d'Adrien et d'Antonin (1). En 1854, furent extraites de la voie romaine allant de Langres à Reims, deux de ces sandales qui font partie aujourd'hui du musée du camp de Châlons. Le musée de Cluny possède une pièce semblable trouvée au château de Beauregard (Hautes-Pyrénées) et donnée par M. Fould en 1860.
Un deuxième modèle d'hipposandale qui se trouve concurremment avec la précédante (fig. 116), est une semelle plus étroite, s'adaptant mieux au pied du mulet (fig. 118), ayant un éperon à l'arrière plus relevé et plus large qu'au précédent, avec un éperon plus relevé encore à la pince et représentant presque une proue de galère antique; des oreilles flan- quent également les côtés, elles sont plus hautes et ne paraissent pas avoir eu d'anneaux. La semelle n'a pas de trou au milieu.
On a trouvé de ces pièces à Reignac mêlée3 à celles du premier modèle (2), et dans les sépultures de la Lorraine et de la Champagne
(1) De Sourdeval, Journal des Haras 1862.
(2) De Sourdeval, loco citato.
M. de Widrange, antiquaire à Bar-le Duc, assure, sur le rapport de l'ouvrier qui a fait la trouvaille, que l'une d'elle était encore assujettie au pied de l'animal au moyen de cour- roies qui, après avoir été enroulées autour,
PlG. 118.
Passaient dans la tige de 1er antérieure terminée par un œillet et se bandaient ensuite au-dessous d'un tenon qui se dresse à la partie Postérieure de la ferrure (1).
Le musée de Besançon possède une trentaine d'hipposandales en fer trouvées dans diverses localités de la Franche-Comté, mais surtout dans les fouilles faites dans la ville
(1) L'abbé Cochet, loco citato.
même, en 1863, tout 1(3 long de ses principales artères, pour l'établissement d'égouts et dont nous avons déjà parlé.
Les hipposandales ne paraissent pas avoir persisté après la période gallo-romaine, car on n'en trouve plus dans les terrains postérieurs à cette période.
LA FERRURE AU MOYEN-AGE
Les fers, authentiquement du Moyen-Age et antérieurs au XVe siècle sont caractérisés, nous dit M. Quiquerez, par ceux venant des châteaux d'Azuel et de Vorbourg (fig. 119 A et B), l'un d'eux présente la particularité d'avoir un pinçon très primitif constitué par la pince du fer un peu allongée et recourbée (fig. 119 B) et il a les crampons en sens inverse, c'est-à-dire que les éponges sont relevées et se moulent sur les talons du cheval. Le fer du château d'Azuel (flg. 119 B) pèse 425 grammes.
Ils sont tous deux encore en partie à rainures et toujours à six clous comme ceux du XIIe siècle dont il est question dans le Roman du renard (1) lorsque le rusé compère engageait le loup Isangrain à lire sous le pied d'une cavale à quelle condition celle-ci lui cèderait la chair de son poulain. Ces sortes de fers, plus forts de métal et de dimensions, semblent caractériser les chevaux du moyen-âge appelés à porter de lourds caparaçons de fer,
(1) Douzième siècle, Edit. Willem, 241.
FIG. 119.
FIG. 120.
FIG. 121.
et des hommes couverts de pesantes armures.
Ils offrent parfois une Indication importante consistant dans la marque du maréchal qui les a forgés ; on la voit distinctement sur le fer d'Azuel et sur ceux de Vorbourg et de Logron. a Le fer d'Azuel nous rappelle le temps ou les derniers sires de ce lieu guerroyaient pour Charles le Téméraire contre la Suisse et ses alliés ». (QUIQUEREZ loco citato).
Nous possédons un autre modèle de fer à cheval du moyen-âge provenant des ruines d'un vieux château franc-comtois, qui nous paraît d'une fabrication assez simple ; il Paraît avoir été découpé à la tranche dans une plaque de tôle un peu épaisse ; c'est ce que montre son bord interne formant un angle aigu à bords rectilignes (fig. 120) Ce fer a Je POurtour bien régulier, de la forme du pied et a été à peine bigorné; il ne l'a pas été en dedans où l'on voit l'effet de la tranche ; il est à six trous et sans rainure, et ses brauches se terminent en pointes retroussées formant de petits crampons. Il nous paraît très analo- gUe de forme avec le for trouvé par Quiquerez dans le château de Logron en Suisse (fig. 121) don, il ne diffère que par la rainure très distincte sur ce dernier.
Ce genre de fer a évidement en V, a été rencontré assez abondamment dans d'autres restes du moyen-âge. M. de Saint-Venant en Parle dans sa brochure (1) à la Dote 1 de la page
(1) Anciens fers de chevaux, Bourges 1902.
11 : « Ce modèle à voûte angulaire aiguë, à rives internes rectilignes et à éponges aiguës est regardé généralement aussi comme très archaïque. Nous n'en connaissons personnellement aucune preuve, mais nous avons au çontraire de bonnes raisons pour croire qu'il était en usage lors de la guerre de cent ans.
Il en a été rencontré, entre autres, à Orléans dans des milieux qui semblent dater du fameux siège de la ville dans la première moitié du xv siècle ; d'autres ont été ramassés sur le champ de bataille de Crécy avec des fers ondulés du premier type (Musée d'Artillerie) ; d'autres encore avec les mêmes compagnons au Pré de Paques près Saint-Flour, par UDelort sur ou près des lieux où se battirent anglais et français. Nous pouvons même affirmer que le modèle était encore employé à la fin du XVIe siècle, car il est de ces fers en V représentés très nettement en relief sur uc mortier en bronze du Musée archéologique de Tours qui portait inscrit la date de 1597, • également coulée avec l'objet. a De véritables produits de la maréchalerie du moyen-âge, avec leurs dates, sont signalés par Lafosse fils, le célèbre hippiatre des écuries de Versailles dans son Cours d'hippiairique publié en 1798. Ce sont deux fers de la fin de celte période, dont il donne les figures que nous reproduisons ci-dessous. La figure 121 B représente un fer dit à bords renversés, datant de 1300 sous Philippe-le-Bel, et la figure 121 A nl1 fer datant de 1573 sous Charles VII Ces pièces
étaient attachées à la porte d'une chapelle de Saint Saturnin ; elles y étaient déposées par des ouvriers maréchaux comme chefs-d'œuvre, c est-à-dire comme spécimens de leur habileté, qu'ils étaient obligés de produire pour obtenir le grade de maître qui donnait droit à être chef d'atelier au beau temps des maîtrises, des jurandes et du compagnonnage qui seul a persisté jusqu'à nos jours mais n'existe plus que pour certains métiers, comme celui des charpentiers.
Anciens Fers à planche en T. — Les fouilles archéologiques du moyen-âge ont fourni assez fréquemment un autre fer à cheval très différent de ceux dont nous avons parlé jusqu'ici, et qui est relativement assez abondant dans les collections. Pour notre part, nous en possédons trois trouvés l'un près de Paris, l'autre près de Montbéliard, et le troisième dans la ferraille d'un maréchal.
M. de Saint-Venant, inspecteur des Eaux et Forêt::, archéologue distingué, dont nous avons déjà signalé les recherches sur les ferrures anciennes, a publié l'année dernière (1902) une brochure sur les anciens fers de chevaux à double traverse, où il donne les figures de 30 de ces fers qu'il a examinés dans divers musées de province ou de Paris, ou à l'ExpoIOn du centenaire de la classe 37 de l'Exposition universelle de 1900, où figurait notre propre collection avec quelques spécimens promut des Escoles d'agriculture de Province.
Ces fers à double traverse, ou à planche en T, comme nous les nommons, ont fortement intrigué ceux qui les ont examinés, entre autres M. de Saint-Venant : « Personne ne peut nier, dit-il, que ces fers singuliers ne soient pathologiques et destinés certainement à corriger l'inégalité d'un mem- bre raccourci par accident, ou à traiter un cheval boiteux, ou encore à soutenir une jambe malade. Ils sont les ancêtres directs des fers à patins des XVIIIe et xix8 siècles qui en constituent une transformation logique. *
Nous croyons que M. de Saint-Venant fait fausse route dans sa recherche de l'utilisation des fers à double traverse comme précurseurs des fers à patin. Ils devaient, pense-t-il, servir à corriger l'inégalité d'un membre. Les mem- bres de chevaux raccourcis par accident ou naturellement sont très rares, beaucoup plus que chez l'homme, nous doutons même qu'ils existent, car ils n'ont jamais été signalés par les vétérinaires. Les fers à patin qui exau" çaient le membre de 5 à 6 centimètres étaient employés pour combattre les boîteries chroniques et placés au membre opposé au membre malade qu'on forçait ainsi à se mettre à l'appui et à fonctionner, ce qui était absurde et contraire au principe de thérapeutique cfui veut le repos de tout organe malade, aussi les fers à patin n'ont-ils pas été longtemps préconisés.
Ce n'est qu'en apparence qu'ils ressemblent aux fers à double traverse, qui, eux, ont duré
plusieurs siècles et avaient certainement une réelle utilité.
C'était évidemment des fers pathologiques qui avaient pour but de maintenir un pansement sous le pied affecté d'une maladie chronique et permettre encore l'utilisation d'un cheval qui, sans cela, aurait été un serviteur complètement inutile. Il y avait, au moyenâge, des maladies chroniques des pieds du cheval, nécessitant une ferrure exceptionnelle et assez communes pour que cette ferrure ait laissé des représentants assez nombreux.
Quand on connaît l'histoire de la médecinevétérinaire, un nom de maladie du pied du cheval, connue par sa chronicité et son incurabilité, vient immédiatement sur les lèvres, c'est le crapaud, que les hippiâtres appelaient encore fie, ou poireau. Le crapaud fait peu souffrir le cheval, qui est longtemps sans boiter, aussi peut-on l'utiliser pendant de longs mois en le ferrant convenablement.
Voilà l'utilité du fer à planche en T. On sait, historiquement, que le crapaud a régné sur une grande échelle pendant tout le moyen-âge, qu'il a diminué peu à peu, grâce au progrès de l'agriculture et de l'hygiène, et qu'il a à peu près disparu à l'heure qu'il est. Il était encore assez commun au commencement du XIXe siècle pour être dénommé par les maîtres, à cause de sa ténacité, l'oprobre de l'art vélê* rinaire.
Le fer à planche en T devait être aussi employé dans le cas de fourbure chronique, où
l'on utilise actuellement le fer à planche fortement couvert et ajusté (ou creusé), et le fer dit à bord renversé (fig. 121 B).
Il y avait d'autant plus de raisons d'employer ce fer, dans le cas de fourbure chronique, que tout dernièrement, en 1889, un vétérinaire allemand, qui certainement ne le connaissait pas, M. Hermann Schneider, d'Eisenberg, a préconisé dans ce but un fer qui est la copie exacte de l'ancien fer à planche en T; qui nous occupe (1).
M. de Saint-Venant rapporte, dans son intéressante brochure, qu'il tient d'un officier de cavalerie belge, M. Léman, qu'une peuplade du Nord de la Russie, pendant ses longs hivers, ferre ses chevaux de fers à double traverse, analogues à ceux du moyenâge, pour leur faciliter la marche dans la neige et leur éviter les embottages. M. de Saint-Venant pense qu'en Gaule on les em- ployait peut-être aussi dans le même but.
Avant d'en arriver à la description de nos propres fers, nous voulons en reproduire quelques-uns des plus typiques, décrits et figurés par M. de Saint-Venant dans sa brochure; nous lui empruntons aussi sa description : (Fig. 122). — « 3. Cher, environ de la Guer- che avec deux autres fers semblables, 1 à 8* les deux autres à 6 étampures sub-ovales typi- ques, l'un d'eux portant encore quatre têtes
(1) G. Joly. Analyse dit travail de Schneider in Recueil de médecine vétérinaire d'Alfort 1889, p. 402.
FIG. 122.
FIG. 123.
FIG. 124.
FIG. 125.
de clous en clef de violon. Forme plus archaïque, bords un peu ondulés. »
D'après notre avis, et par suite de ce dernier caractère, ce fer doit avoir été confectionné par un maréchal pratiquant encore la ferrure celtique, ferrure qui, d'après ce que nous avons vu, était encore en usage dans certains pays, au XVe siècle.
« 8. Allier, Billy. — Petit, très couvert, presque circulaire, à rives unies et de travail assez soigné; tous caractères tendant à le rajeunir. Six étampures typiques ont paru suffisante à sa modeste taille et nous n'y voyons pas un signe d'archaïsme.
« Rencontré dans les ruines d'une villa gallo-romaine contre la rive de l'Allier, par M. Bertrand, conservateur du musée de Moulins.
« 9 Loir-et-Cher, Montoire. — Encore plus Petit que le n° 8, il n'a pu servir qu'à un âne, aussi n'y voit-on que quatre de ces grosses étampures que nous qualifions de normales dans ce travail.
u Recueilli avec nombre d'objets, dont des fers de chevaux, un peu après la guerre de 1870-71, dans des fouilles nécessitées par la reconstruction d'un pont que le génie militaire avait fait sauter.
15. Côte-d'Or, Pouilly-en-Auxois.— Moyen fer léger à bords un peu ondulés et à étampures typiques ; aspect assez archaïque. Se distingue par un rivet qui fixe la traverse à la place ; c'est peut-être un raccommodage après
accident, plutôt qu'un crampon impaire en pince appelé grappe.
(Musée archéologique de Dijon : Don Cu- nisset-Bourgeois).
« 16. Côte-d'Or. — Petit fer très analogue au précédent assez régulier. Feu le colonel Robert nous a dit qu'il le regardait comme provenant de la Côte-d'Or et le considérait comme pouvant remonter à la guerre de Cent ans, il ajoutait que sa forme convexe était fréquente au XIVe siècle, son inventeur, archéologue également distingué l'avait classé luimême comme anglais ; ces deux attributions sont loin d'être contradictoires.
(Musée d'artillerie de Paris, n° 6,708) ».
Nous arrivons aux fers à double traverse ou à planche en T, qui font partie de notre collection de fers à cheval anciens.
La fig. 123 représente un fer à base rectiligne à traverse longitudinale élargie au centre et très creusée, une traverse aussi élargie (elle l'est même plus), ne se remarque que dans le fer n° 25 parmi les trente décrits et figurés par M. de Saint-Venant. Ce fer mesure 12 centim. sur 10 centim.; il nous a été donné par un des abonnés de notre journal l'Eleveur, M.
Batharel, propriétaire près de Joinville-le-Pont, qui l'avait trouvé dans une sablière à 1 m. 80 de profondeur, ce qui fait penser à une assez haute ancienneté; il possède encore deux clous en clef de violon encore incrustés dans leur étampure par la rouille. Ces étampures au
nombre de trois sur la branche qui paraît être l'interne, et de quatre sur l'autre.
La fig. 124 représente un fer à double traverse beaucoup plus grand que le précédent : il mesure 15 centimètres de long sur 12 centimètres de large. Il est remarquable, non seulement par sa taille, mais par le grand nombre de ses étampures, il y en a 5 à droite, 3 à gauche ayant encore leurs clous et une impaire en pince, total 9. La traverse postérieure est oblique, s'insérant avant l'extrémité de la branche gauche qui se prolonge après cette insertion par une extrémité auguleuse et renflée destinée à surélever le talon gauche. La maladie du pied occupait probablement le talon et la lacune gauche.
La grandeur de ce fer et ses nombreuses étampures nous fait préjuger qu'il n'est pas très ancien, malheureusement nous n'avons aucun renseignement sur son origine.
Il provient de la réserve de vieux fers du chef-maréchal de notre ancien régiment, Qui faisait souvent des provisions de ferrailles chez ses confrères de la campagne, lesquels, eux, les recevaient des paysans. Cette ferraille servait à confectionner des fers neufs qui étaient d'excellente qualité, étant d'un métal très ductile.
Notre fig. 125 représente un fer à double traverse qui nous a été adressé par notre ami M. le Dr V.., de Montbéliard. Il provient de fouilles faites à l'emplacement d'un village Qui fut détruit pendant la guerre de Cent ans
par les troupes de Charles le Téméraire, qui ravagèrent souvent le pays et réédifié plus tard à une certaine distance; c'est actuellement le village de Grand-Charmont. Sou ancieu emplacement fut converti en terres agricoles et c'est dans ces champs que ce fer fut trouvé. Il est moins grand que le précédent et mesure 13 centimètres de long sur il de large. Les étampures qui sont au nombre de trois d'un côté et deux de l'autre sont toujours ovales pour loger des clous en clef de violon et par conséquent ce fer remonte au moins au xv" siècle.
Nous reproduisons la lettre suivante que nous adresse un ami et ancien confrère de l'armée, M. Pichard, actuellement vétérinaire distingué de Paris, à propos de notre dernier article sur la ferrure du moyen-âge et sur le fer à planche à T ou à double traverse, en particulier : Monsieur Mégnin, Lisant votre dernier et intéressant numéro de l'Eleveur, je vois dans l'Histoire de la ferrure au moyen-âge, un fer à planche et à traverse que depuis oetobre 1887, j'emploie, toujours avec le même succès, dans les cas de fourbure chronique. Pour guérir cette grave affection et empêcher la déformation des pieds, je dispose ce fer, — que je croyais avoir inventé, — de la façon suivante afin d'éviter le basculement en arrière de l'os du pied. — Les moyenâgeux étaient aussi malins que nous — : La traversa
est placée de manière à ce qu'elle vienne appuyer légèrement la fourchette et la sole jusqu'à 2 ou 3 centimètres en arrière du sillon d'union de cette dernière avec la paroi, évitant ainsi le bord tranchant de l'os qui ne manquerait pas de couper l'enveloppe de chair et la sole, si ces dernières se trouvaient comprimées entre lui et la traverse du fer.
Le premier cheval que j'ai fait ferrer ainsi en octobre 1887 appartenait au major du 7e hussards. Depuis je m'en sert toujours et m'en suis presque fait une spécialité — nombreux sont les cas de guérisons que j'ai obtenus par ce fer, la maison Breton et Cie, quai de la RaPée en sait quelque chose.
Agréez, etc.
PICHARD. ,
LES MARECHAUX AU MOYEN-AGE
Après avoir passé en revue les différentes formes revêtues par le fer à cheval depuis l'époque gauloise jusque et y compris le Moyen âge, il n'est pas sans intérêt de re* chercher quelle situation occupèrent successivement les artisans chargés de sa confection ,et de son application.
Nous avons vu quel rang élevé occupaient les forgerons des temps druidiques. Dans )a Gaule romaine, nous les avons retrouvés presque tous esclaves ou tout au plus affranchis.
C'était, en effet, le sort réservé à tous les v&iQcus et surtout à ceux qui persistaient
dans leur attachement au druidisme. Ceux qui ne voulaient pas accepter le joug se cachaient au fond des forêts, dans les cavernes et pratiquaient leur art en secret, dans le plus grand mystère, comme le Walland de Walter-Scott.
Le mystère dont ils s'entouraient était leur meilleure sauvegarde.
Un des principaux résultats de la conquête romaine, comme nous l'avons déjà dit, fut la sécularisation, la vulgarisation de l'industrie.
De véritables manufactures d'armes, par exemple, où travaillaient des industriels gauois réduits en esclavage, furent établies en Gaule par les soins des empereurs et on en comptait jusqu'à huit, établies dans les principales villes. (Voyez Sismondi, Histoire des Frangais, T. 1, p. 58, 64, 104.) Lorsque les ouvriers esclaves qui travaillaient ainsi pour le compte de l'Etat ou des riches particuliers parvenaient à s'affranchir, ils travaillaient pour leur compte et constituaient avec les commerçants une sorte de bourgeoisie qui habitait les villes, mais ils étaient tellement écrasés d'impôts que jamais ils ne récupérèrent leur ancienne prépondérance. (Henri Martin.) A l'arrivée des Francs, les maréchaux, comme les autres ouvriers, ne firent que changer de maîtres, leur position resta la même; c'est ce que nous voyons clairement dans la description si curieuse que fait Grégoire de Tours de la ville de Braine, séjour préféré des premiers rois Francs et qui n'était
autre qu'une vaste ferme, où se trouvaient réunies toutes les choses et toutes les industries nécessaires à leur entretien et à celui de toute leur suite (1).
L'histoire a conservé le souvenir d'un marèchal de ces temps reculés. Il s'appelait Leudaste, était fils d'un cerf-vigneron de l'île de
(1) Braine, sur la Vesle. entre Soissons et Reims, était une de ces immenses fermes dont les chefs des Francs Préféraient le séjour à celui des plus belles villes de Gaule et dans lesquelles ils convoquaient les mais nationaux et les synodes des évêques.
Ces habitations des rois barbares ne ressemblaient en rien aux châteaux dont les ruines imposantes étonnent encore les yeux. C'était de grands bâtiments non fortifiés, construits en bois plus ou moins élégamment travaillés et entourés d'un portique emprunté à l'architecture romaine.
Autour de la demeure du prince étaient disposés les céments des officiers de son palais, des leudes qui avaient à la table royale et ne s'étaient pas fixés sur leurs propres terres, et enfin les moindres personnes, des htes germains, des fiscalinis, ou serviteurs du fisc, qui gerçaient au profit du roi toutes espèces de métiers, epuis l'orfévrerie et la fabrique des armes jusqu'à la sseranderie et la mégisserie, depuis la fabrication des ojjtes grossières, destinées aux petites gens, jusqu'à la roderie en soie et en or.
Ces fiscalins avaient été arrachés aux corporations zndustrielles des cités pour peupler les villas royales et on les assimilait aux lites germaniques.
Des bâtiments d'exploitations agricoles, des haras, des éiables, des bergeries et des granges, les masures de dateurs (colons) et les cabanes des serfs du domaine complétaient le village royal, qui rappelait le village d'Outre-Rhin. (Aug. Thierry, Dix ans d'études histozques, 1836, p. 369.)
Ré et avait réussi à se faire nommer mariscalk des écuries de la reine.
Encouragé par le succès de cette nomination, il cessa bientôt de borner ses désirs à sa position présente, qui lui donnait le premier rang parmi les esclaves fiscalins, et, aspirant plus haut, il ambitionna la suprême intendance des haras de sa patronne et le titre de comte de l'écurie (comer stabuli ou conétable), dignité que les rois barbares avaient empruntée, comme beaucoup d'autres choses, à la cour impériale. A la mort de la reine, il brigua près du roi Haribert le même emploi. Il l'emporta sur tous ses compétiteurs et devint comte des écuries royales.
Après avoir joui un an ou deux du haut rang qu'il occupait daus la domesticité du Palais, Leudaste, qui s'était sauvé plusieurs fois à l'origine pour éviter l'esclavage et qui avait eu une oreille coupée, indice auquel on reconnaissait les esclaves marrons, fut fait comte de Tours, l'une des villes les plus considérables du royaume de Haribert (1).
Cette histoire nous prouve que le comte des écuries, le connétable, qui était le supérieur du maréchal, n'était encore, comme ce dernier, qu'un domestique, sous les Mérovingiens.
Les lois saliques, allemandes et burgondes que l'on a si souvent invoquées pour établir l'origine germaine du maréchal français, ne prouvent rien à cet égard puisqu'elles ne datent qUe
(1) Aug. Thierry, loco-citato, T. II, p. 214.
des descendants de Clovis. (1) Elles peuvent nous servir pour fixer exactement le rang qu'occupait le maréchal à l'époque où elles étaient en vigueur : la rançon (wehr-geld), ou Prix du sang que l'on imposait au meurtrier d'un maréchal, était de 40 sous d'or, d'après la loi salique, c'est-à-dire d'un prix inférieur à celui fixé pour un romain tributaire (60 sous).
La vie d'un Franc noble était payée 600 sous ; celle d'un simple Franc 200 sous et celle d'un propriétaire gallo-romain 100 sous (2). Le sou d'or valait 15 fr. de notre monnaie et descendit sous Dagobert à 9 fr. Les lois allemandes et saliques nous donnent un autre enseignement : c'est que les fonctions d'un maréchal consistent à donner des soins à 12 chevaux. (3) Les lois allemandes s'appliquaient à tous les pays outre-Rhin tributaires des Francs ; la loi salique à l'Austrasie et la loi Gombette à la Bourgogne.
Cette position infime du maréchal chez les Francs était en rapport direct avec l'importance qu'avait le cheval chez ces peuples fatassins. Jusqu'aux Carlovingiens on ne trouve pas de cavalerie dans les armées franques. (4) Les rois et les chefs supérieurs ont quelques chevaux mais aucune idée de no-
(*) Sismondi, loco-citato, T. I, p. 200 et 208.
(2) Henri Martin. Hist. de France, I, p. 437.
t,t(3~ Lex allemannor, tit. LXXIX § IV — Lex salica, ut- U. g- VI.
) Henri Martin, loco-citato, T. I, p. 416.
blesse n'est attachée à leur possession. Quand ils voyagent, c'est en basterne traînée par des bœufs, et ceci n'est pas particulier aux rois fainéants, les plus nobles dames du temps de Clovis ne voyagent pas autrement. (1) Quand un prince franc fait son entrée solennelle dans une ville, c'est à pied qu'il se présente, ainsi que toute sa suite. (2) Si les rois Francs ont un tribut à imposer aux Saxons qu'ils ont vaincus ce sont des vaches qu'ils se font donner en tribut. Pépin le Bref est le premier à changer ce tribut annuel de 500 vaches contre un autre de 300 chevaux. (3) Plusieurs raisons firent que le goût du cheval reparut en France avec les Carlovingiens.
Avec Saint-Columban, ce druide christianisé, avec les solitaires de Dieu qu'il amena des villes saintes de la verte Erin « oasis de lumière où s'unissait la charité chrétienne à la science druidique » on vit les légendes celtiques renaître de toute part. (4) Or ces légendes celtiques étaient trop pleines des hauts faits des colliers d'or, des chevaliers gaulois, pour que les Francs, qui avaient fini par aimer la fixité, la propriété et la vie fastueuse, ne cherchassent pas à les imiter ; pour mar- cher sur les traces des chevaliers de la Table- Ronde, il fallait des chevaux : voilà pourquoi
(1) Henri Martin, loco-citato, T. I, p. 416.
(2) Henri Martin, loco-citato, T. I, p. 406, note.
(3) Sismondi, loco-citato, T. II, p. 32.
(4) Henri Martin, loco-citato, T. II, p. 114.
nous les voyons en rechercher et se les procurer même par la conquête, sous Pépin.
Et puis les guerres avec les Maures, commencées avec Charles Martel, se continuant ensuite durant des siècles mirent en évidence l'utilité du cheval de guerre, ce précieux auxiliaire des peuples orientaux. Charles Martel pût les vaincre à Poitiers grâce à la solidité de son infanterie (1) mais s'il eût eu une cavalerie mobile, sa victoire eut été complète et les débris de l'armée musulmane ne lui eussent pas échappé avec leurs armes et leurs chevaux - (ce qui n'empêche pas les zootechniciens, Peu ferrés sur l'histoire, de dire que notre race limousine a pour origine les chevaux arabes pris à la bataille de Poitiers. où l'on n'en prit aucun !) Charlemagne comprit si bien l'utilité de la cavalerie qu'il s'attacha à en organiser une formidable, à en assurer le recrutement et à en réglementer les moindres détails (2); aussi lui dût-il la plupart de ses succès (3), et il lui accordait une telle confiance qu'après qu'une épizootie meurtrière la lui eût moissonnée en Panonie (4), il préféra rester dans l'inaction trois longues années, malgré les provocations Ml recevait (5), et il ne reprit l'offensive que
(1) Henri Martin, Hist. de France, T. II, p. 202.
;„) Sismondi, Histoire des Français, T. II, p. 390.
FI) Eginhard, Annales, p. 206.
| < Eginhard, Annales, p. 210.
\VI Eginhard, Annales, p. 211.
quand, grâce aux nombreux chevaux d'Espagne que ses lieutenants lui envoyaient comme sa part de leurs conquêtes sur les Maures (1), sa cavalerie fut enfin reconstituée.
Sous les descendants de Charlemagne l'équitation militaire devint une véritable passion chez les grands, et les petits fils du grand empereur ne furent pas les derniers à s'y distinguer, ainsi qu'en font foi les récits de l'historien Nitard, petit-fils lui-même de Charlemagne par sa mère Berthe.
La faveur croissante dont le cheval et les choses équestres devinrent l'objet sous Charlemagne et ses successeurs devait nécessairement s'étendre à tout ce qui s'y rattachait.
Aussi voyons-nous sous leur règne les fonctions serviles du comte de l'étable (connétable) devenir une distinction honorifique donnant droit au commandement des armées (2). Le maréchal bénéficia naturellement de l'élévavation de son supérieur, car moins d'un siècle après, c'est-à-dire lorsque la chevalerie fut définitivement constituée, nous le retrouvons réunissant à ses anciennes fonctions celles qu'a abandonnées le connétable, c'est-à-dire le gouvernement de l'écurie et des haras et portant le titre d'écuyer ou d'officier du seigneur féodal auquel il était attaché.
Ce détail fait partie d'un ensemble de faits qui prouvent que les traces des dominations
(1) Eginhard, Annales, p. 213.
(2) Eginhard, Annales, p. 205, Nibellurny, p. 27.
romaines et barbares tendent à disparaître et que les mœurs celtiques reprennent partout le dessus. En effet : « En tant qu'institution militaire, la chevalerie descend en droite ligne des coutumes celtiques. L'usage de la réception du jeune homme parmi les guerriers tomba en déssuétude chez les populations gallo-romaines, mais persévéra chez les peuples purement celtiques (1). La féodalité s'en empara et lui donna le nom significatif de chevalerie qui indiquait que la possession d'un cheval de guerre, d'un destrier était le signe distinctif du noble homme (2).
« Les jeunes nobles avant de parvenir au grade de chevalier, de guerrier complet, avaient à subir plusieurs années d'apprentissage sous les titres successifs de page, de varlet, de damoiseau et d'écuyer. c'était au nom de SaintGeorges ou de Saint Michel qu'il était armé chevalier. (3).
Les jeunes nobles remplissaient dans la Maison du seigneur toutes sortes d'offices domestiques auxquels la féodalité conservatrice des traditions celtiques n'attachaient aucune idée de servilité. En ce qui concerne l'office du maréchal, leurs précurseurs et précepteurs les Gallois et les Bretons, en avaient donné l'exemple aux jeunes nobles français. Voici en
(1) A. Thierry, Considérations sur l'histoire de France, p. 188, note 1.
(2) H. Martin, loco citato, T. III, p. 335.
> ii. Martin, loco citato, p. 336.
effet ce qu'on lit dans les chants populaires de Bretagne, recueillis par M. de la Villemarqué, et qui sont dus, comme on sait, à des bardes des ve et VIe siècles ; «.Et toutes les maisons qu'il voyait étaient « remplies d'hommes, d'armes et de chevaux, « et chacun fourbissait son casque et frottait « son épée et lavait son armure et ferrait son Œ cheval D.
Dans un autre chant intitulé le barde Merlin se trouve l'histoire d'un jeune seigneur se rendant à une course de chevaux dont le prix est Lénor, la fille du roi : «Il a équipé son « poulain rouge, il l'a ferré d'acier poli, il l'a « bridé. »
Une autre preuve que l'art mauuel de ferrer les chevaux n'avait rien de déshonorant aux yeux de la noblesse française des xe et XIe siècles, c'est que, comme nous l'avons déjà dit dans la constitution de la chevalerie, le maréchal est un officier de la suite du chevalier ou du prince, marchant de pair avec le chambellan le fauconnier, etc., etc. «. A la suite d'un noble de grande maison, il y avait un écuyer de corps, c'était le plus élevé en grade, un écuyer de chambre ou chambellan, un écuyer de table, ou tranchant, un écuyer d'écurie eu maréchal, un écuyer d'écbansonnerie, de fauconnerie, etc. Servait-on un pauvre chevalier, il fallait lui tenir lieu de quatre ou cinq écuyers. Ce n'était pas assez de se connaître en oiseaux, en chiens et en chevaux, de savoir manier avec adresse la lance, la hache et
l'épée, franchir une haie et un fossé, grimper à l'assaut, parler avec politesse aux dames, et aux princes, habiller son maître et le déshabiller, le servir à table, parer les coups qu'on lui portait dans la mêlée ; on devait en outre s'entendre en médecine afin de pouvoir, au besoin, poser le premier appareil sur la blessure ; on devait être en état de ferrer un cheval, de réparer avec un marteau une arme faussée et avec l'aiguille un manteau troué — les connaissances variées acquises formaient l'écuyer accompli et on pouvait aspirer après aux honneurs de la chevalerie et se flatter d'en être digne. » (A. Callet, Dictionnaire encyclopédique.
art. Ecuyer).
Le Cartulaire de Besançon nous fournit de curieux renseignements sur la composition de la maison de son seigneur au xe siècle, l'archevêque Hugues Ier, et sur la position du maréchal qui en faisait partie : « Les grands officiers de l'archevêque, qui tous possédaient des hôtels fortifiés en ville, étaient au nombre de neuf : le chambrier (camerarius ou chambellan), le maître d'hôtel (sénéchal ou dapifer), le bouteiller (pincerna ou echanson), le panetier (panetarius), le maréchal (marescalus), le forestier (forestarim), le monétaire (monetariul), le vicomte (vicomes), le maire (major ou villicus).
« Le maréchal avait l'intendance des écuries de l'archevêque et le commandement de ses hommes d'armes (maréchaussée). Les cabaretiers qui s'établissaient dans la rue de la Lue,
ne pouvaient exercer qu'après lui avoir payé un tribut d'un chauveau de vin. Tous les ouvriers sur métaux qui créaient des ateliers à Besançon lui devaient un impôt qui s'éleva jusqu'à la somme de cinq sous. Chaque fois que les archevêques de Besançon ou les évêques leurs suffrageants entraient pour la première fois dans la ville, il leur faisait escorte et s'emparait ensuite du cheval ou mulet sur lequel ils étaient montés ainsi que de la coupe qui avait servi au premier repas.
Quant il s'agissait de l'empereur, le maréchal exerçait le même droit, mais à la condition d'avoir au préalable garni lui-même la monture du monarque de quatre fers d'argent. » (1) A la cour des ducs de Bourgogne, le jour de la Saint-Eloi on donnait un plat d'argent au maréchal qui ferrait les chevaux du duc (Houel).
A la cour des ducs de Normandie, la position des maréchaux n'était pas moins élevée, si l'on en juge par l'extrait suivant d'un mémoire du docteur Pegge (1773) : « Guillaume le Conquérant donna à Simon Saint-Liz, un normand de sa suite, la ville de Northampton et le district de Falkley, à la condition qu'il pourvut à la ferrure de ses chevaux, et Henry de Ferrers qui faisait aussi partie de sa suite fut nommé par lui sous-intendant des ferreurs.
(1) Mem. Loc. Emul., Besançon, p. 379.
Les comtes de Ferrera, descendants de Henry de Ferrers, portaient dans leurs armoiries six fers à cheval indice de la fonction première du chef de leur race. A Oakham, dans le comté de Rutland où résidait cette famille, un usage singulier ou plutôt tyrannique a longtemps persisté. Lorsqu'un baron du royaume traversait la ville, on lui confisquait un des fers de son cheval, à moins qu'il n'aimât mieux le racheter par une amende, et le fer ainsi saisi, ou le remplaçant, était cloué aux portes du château avec l'indication du nom de son propriétaire. Par suite de cette coutume, ces portes, avec le temps, se couvrirent d'un très grand nombre de fers, dont quelques-uns étaient d'une dimension inusitée et d'autres dorés. »
Les ducs de Normandie avaient des haras dans leurs principales possessions, spécialement aux environs de Rouen et de Caen. Ces princes, conformément à l'ancienne coutume, avaient un march'shall pour présider aux soins des chevaux. Cet office de maréchal devint quelquefois héréditaire et souvent fournit un titre de noblesse à diverses familles, parmi lesquelles on pourrait citer le maréchal de Venoix : Au fief de Venoix, près Caen, était attaché la charge de surveiller les écuries du duc de Normandie et par suite tout ce qui tenait à la récolte des foins que devaient fournir aux écuries du Suzerain les grandes Prairies de Caen, de Venoix, de Louvigny, etc.
En raison de cet office, le possesseur du fief
était qualifié de maréchal de Venoix, ou maréchal de la prairie. (1) Parmi les familles nobles de France qui tirent leur origine de la même source on peut citer les de la Ferrière et les de Ferrières ; ceux-ci portent : de gueule à l'écusson d'hermine et à l'orle de huit fers à cheval.
Le roi de France, comme tous les nobles, ses vassaux, avait parmi ses officiers un maréchal qui veillait à ses écuries et aux soins à donner aux chevaux, le tout sous les ordres du conétable ; et ce qui prouve bien que ces fonctions étaient les mêmes que celles qui sont dévolues aux vétérinaires de nos jours, c'est ce passage qu'on lit dans le père Anselme à propos des fonctions du conétable : « Le roi payait aux cavaliers les chevaux qu'ils perdaient à la guerre et tous ceux tuez ou estropiez au service ; le conétable doit faire priser par son maréchal les chevaux d'armes de lui et ses compagnons et de tous les gens de son hôtel et tel prix comme son maréchal y met, le roi lui doit rendre. (Privilège du conétable). (2) Le premier maréchal du roi qui commença d'élever sa position et de la rendre honorifique au point de vue militaire, le premier qui figure en tête de la liste des maréchaux de France, fut Albéric Clément, seigneur du
(1) E. Houel; Histoire du cheval, p. 178.
(2) Le Père Anselme, Histoire de la maison royale de France. 1730.
Mez, en Gatinais. Il accompagna le roi Philippe-Auguste en Terre Sainte et s'y signala au siège de Saint-Jean-d'Acre où il fut tué à un assaut en 1191. Selon Guillaume le Breton et Rigord, chroniqueurs, il avait conduit plusieurs fois l'avant-garde au combat, et son fils lui Succéda dans sa charge quoique fort jeune et en considération des services rendus par son père. (1) Outre ses fonctions militaires de commandant de l'avant-garde, les premiers maréchaux de France, toujours sous les ordres du conétable, conservèrent la direction de l'écurie et des soins à donner aux chevaux du roi. (2) Un dernier mot sur l'emploi de la ferrure du cheval au moyen-âge qu'on se figure à tort avoir été générale comme de nos jours.
Le père Daniel, dans son Histoire de France, nous dit, qu'au douzième siècle, les chevaux n'étaient guère ferrés qu'en hiver. Il ne veut probablement parler que des chevaux de travail, car le cheval de guerre, le destrier l'était toujours en campagne. Le fer du pied faisait Partie de l'armure du cheval et caractérisait son état de belligérant, si l'on peut dire ; cela résulte de ce passage de la Trêve de Dieu proclamée en 1027, dans les Etats de Bourgogne : « Je n'assaillerai ni le clerc, ni le moine désarmés, ni ceux qui les accompagnent sans armes ; je ne m'emparerai point du bœuf, de
(1) Le Père Anselme, loco citato.
W Le Père Anselme, loco citato.
la vache, de la chèvre, de l'âne, de l'ânesse, ni de leurs fardeaux ; je respecterai également les oiseaux, le coq et la poule, à moins que je n'en ai besoin pour mes éperviers, et dans ce cas je les achèterai deux deniers; je n'enlèverai pas la jument non ferrée ni le poulain indompté. »
(Fragmentum concilü Verdunensis, apud Chif- flet).
Le nom d'Auferrand donné quelquefois au cheval d'armes a probablement cette particularité pour cause.
Dans la tapisserie de Bayeux, — dont nous avons déjà parlé et qui fut faite en 1066, — représentant les principaux épizodes de la conquête de l'Angleterre, avec l'exactitude et la naïveté artistique de l'époque, les chevaux de la cavalerie de Guillaume le Conquérant sont ferrés. (1) Sur les verrières de Saint-Denis exécutées par ordre de Suger, avant 1140, et représentant la prise de Nicée pendant la première croisade, on voit des combats de cavalerie entre Maures et Chrétiens, les chevaux des uns et des autres sont ferrés (2).
LA MARÉCHALERIE A L'ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE
Sous le règne de François Ier et surtout sous celui de Henri II, au moment où les Lettres,
(1) Montfaucon, Monuments de la monarchie française
(2) Montfaucon, loco citato.
les Arts, les Sciences et la Philosophie renaissaient de toutes parts, le goût de l'équitation suivit le flot ascendant et participa au grand mouvement de rénovation, qui partit de l'Italie, apporté par des artistes, des savants des lycées du Bas-Empire fuyant devant les Turcs après la chute de Contantinople, et s'étendit sur toute l'Europe.
Des écuyers italiens fondèrent des académies où la science du cheval fut étudiée comme elle ne l'avait plus été depuis les Grecs du temps de Xénophon. Les élèves de ces académies se répandirent partout et l'imprimerie leur vint en aide dans cette œuvre de régénération. C'est alors qu'apparurent successivement : La Maréchalerie, de l'écuyer italien Laurenti Rusi, traduite en 1563, sur une première édition latine de 1486, par Bernard du Poy-Monclar, qui, la même année, donna aussi une traduction de la Médecine du cheval 11 autres vétérinaires aliénez et altérez de leur naturel, en quatre livres, de PublicusVégétius Renœ, Kténiâtre (1) bysantin, qui vivait sous Constantin Porphyrogènete, c'est-à-dire au 18 siècle, et qui n'est qu'une compilation des auteurs grecs qui l'avaient précédé avec de légères additions de son cru.
(1) De Ktenos bestiaux et iâtros médecin (Columelle el Le mot vétérinaire employé seul signifiait, au XVI" sièele, animal malade, comme adjectif il qualifiait les mots ri i médecin ; ce n'est que par abréviation qu'on est arVé à l'employer seul comme synonyme de médecin- vetérinaire, qui signifiait : médecin d'animal malade.
En 1563 parut aussi La Maréchalerie ou l'art vétérinaire, de Jean Macé, médecin champenois, qui n'est que la traduction littérale des lettres et écrite sur la médecine du cheval, par les vétérinaires du Bas-Empire : Absyrte, Hiéroclès, Pelagone, Théomneste, Eumèle, Hippocrate, Hiéron, Didyme, etc., etc., déjà rasemblées en corps d'ouvrage par Hiéroclès, et enfin : La manière de bien emboucher, manier et ferrer les chevaux, de César Fiaschi, gentilhomme ferrarais, traduit et annoté par François de Prouanne (dédié au roi Henri II; chez Ch. Perrier, Paris 1564).
Tous ces ouvrages sont remarquables par le talent d'observation qu'y déploient leurs auteurs, quand il est question du dressage et de l'hygiène du cheval et même de l'étude de ses maladies, mais quand il s'agit de prescriptions thérapeutiques toutes leurs formules sont plus absurdes les unes que les autres ; en voici des exemples : c'est d'abord une ordonnance signée de trois médecins, Pelagone, Hemery, Théomneste : « Le sang de pourceau est un ex- cellent remède pour un cheval pulmonique; il faudra couper la gorge à une truie qui allaite et faire prendre tout chaud au cheval malade le sang qui sort de la blessure. Hiéroclès traite les ulcères au moyen d'une poudre qu'il obtient par la calcination d'une tête de chien. Laurenti Rusi purge les chevaux au moyen de deux ou trois ventres de tanches ou de barbeaux coupés en petits mor-
ceaux et mêlés à du vin blanc. Un autre guérit la morsure de la vipère en appliquant sur la plaie, et tout chaud, le corps d'un coq ouvert vivant !!!. Mieux aurait valu en rester aux clefs de Saint-Martin ou de SaintHubert et aux patenôtres du Moyen-Age.
Aucun des vétérinaires grecs, pas même Végèce qui écrivit son ouvrage à la cour de Constantin VII, en 945, ne parle de la ferrure du cheval. Elle leur était pourtant connue, puisque Léon XI, mort en 911, dans sa Tactique militaire, en faisant l'énumération des objets nécessaires à la cavalerie, entrant en campagu e, la désigne clairement :. Capistra, ferra fanatica cum clavis eorum. (des licous, des fers en croissant avec leurs clous). C'est que tous ces écrivains bysantins étaient des médecins qui n'étaient vétérinaires que par occasion (1).
Le grand développement qu'avait pris la cavaerie dans l'Empire d'Orient, l'importance que les questions équestres y avaient acquise et
d (1) « On peut remarquer que les deux médecines, celle s hommes et celle des brutes, étaient autrefois exerC es par une même personne. Absyrtrus est nommé sou"ent un médecin de chevaux et quelquefois simplement '1 médecin. Ainsi, au commencement du premier livre, il y a pour inscription : Absyrtus à Hippocrate, médecin de chevaux, salut ; et au chapitre 22 : Absyrtus à Secont Qs, médecin de chevaux, salut ; au chapitre 42 : Absyr8 à Statillus Stephanus, médecin, salut. Dans les mé- :e& Corespondances ils parlent alternativement de procéàè» 8 comme la saignée applicable aux hommes et aux cheUx> ou d'autres traitements. »
(De Foubert, préface de l'ouvrage de Markam)
qui était telle que le sort des empereurs même se disputait sur l'hippodrome, les avait engagés à joindre à leurs connaissances la médecine du cheval, toute vile et honteuse (1) qu'ils la jugeassent. La ferrure étant encore inférieure à la médecine et probablement d'une application très restreinte dans ce pays relativement chaud ; ils avaient probablement jugé indigne d'eux de s'en occuper.
Les écuyers italiens n'ont pas été si délicats que les médecins bysantins, et cependant il est probable qu'ils tenaient la plus grande partie de leur science des hippiâtres grecs chassés de Constantinople par les Turcs et réfugiés en Italie, ils ont compris toute l'importance de la ferrure du cheval et tous les inconvénients qu'entraîne son abandon à des mains ignorantes. Ils se sont efforcé d'en rechercher les principes rationnels et d'en donner des règles claires et précises ; aussi tout ce qu'ils en ont dit est-il d'un grand bon sens et dans toutes les Maréchaleries qui ont été publiées après eux, même le Parfait Maréchal, de Soleysel, et celui de Garsault, beaucoup plus connus et plus réputés, n'a-t-on fait que leS paraphraser.
Le chapitre que Laurenti Rusi (2) consacre à la ferrure du cheval n'est pas long, mais * est parfait : «. Il faut ferrer le cheval de
(1) Vegèce Préambule.
(2) Maréchalerie. - Edition latine, Spire 1486 ; tro"
française, Paris 1563.
FIG. 126.
FIG. 127.
fers bons et convenables, ronds comme la corne ; davantage que l'extrémité du tour de fer (les éponges) soit étroite et légère, car plus facilement il lèvera les pieds et tant plus le tour est étroit et tant plus la corne deviendra large. Il faut savoir aussi que tant plus on ferre un cheval jeune et plus la corne est tendre et faible, et, au contraire, l'accoutumance d'aller sans fers en sa jeunesse fait devenir la corne plus grande et plus forte. »
Dans les chapitres de l'enclouure, de l'entretaillure, de la sète ou sétule (seime) et des différentes maladies du pied, on trouve le complément des principes de ferrure de Laurenti Rusi, principes parfaitement rationnels.
Mais c'est réellement à César Fraschi (1) que l'on doit le premier traité complet de la ferrure du cheval, et nous voudrions pouvoir transcrire en entier, dans son naïf langage, les trente-cinq chapitres qu'il y consacre, nous y verrions que jusqu'à Lafosse, sans en excepter les ouvrages de Bourgalat, c'est ce qu'il y a eu de plus rationnellement écrit sur cette question.
Nous donnerons au moins les titres des chapitres et la reproduction de ses figures de fers, on aura ainsi une idée de cet excellent traité (fig. 126 et 127).
(1) Traité de la manière de bien emboucher, assoir. et ferrer les chevaux, avec les figures de mors de brides, tours et maniements et fers qui y sont propres, dédié au roi Henri If, chez Ch. Perrier, Paris 1554.
CHAPITRE PREMIER. — En forme de prologue, a Sur la rarité des bons maréchaux ». C CHAPITRE II. — Avis touchant la couleur de l'ongle pour connaitre la bonté et malice d'icelle.
CHAPITRE III. — De la différence qu'il y a entre les mains, ou pieds de devant, et les pieds de derrière, et pareillement entre les talons et les pointes des pieds du cheval.
CHAPITRE IV. — De quelle façon doivent être les bons fers pour les pieds de devant et pour les pieds de derrière.
CHAPITRE V. — Des crampons, clous à glace, crestes, barbettes et quelques annelets que parfois on met aux fers des pieds de devant.
CHAPITRE VII. - De la forme qu'on doit garder pour ouvrir (parer) le talon et le cartilage (fourchette) du pied du cheval, et pour vuider la pointe de l'ongle et icelui nettoyer le dedans.
CHAPITRE IX. — De la forme que doivent avoir ordinairement les fers des pieds de devant pour les bien mettre en œuvre.
CHAPITRE X. — Quels doivent être ordinairement les fers des pieds de derrière.
CHAPITRE XI. — De la manière d'ajuster le fer et l'ongle du cheval ensemble.
CHAPITRE XII. — Quels doivent être les clouds pour bien assoir les fers de chevaux.
CHAPITRE XIII. — De la bordure ou pancette que l'on met quelquefois au fer.
CHAPITRE XIV. — D'aucuns advertissements pour cognoistre le bon pié du cheval, et du moyen qu'il faut tenir pour bien ferrer.
CHAPITRE XV. — De l'ongle forte, toutefois moyennement tempérée avec un discour touchant icelui.
CHAPITRE XVI. — De l'ongle forte, laquelle en temps chaud devient sèche.
CHAPITRE XVII. — Des pieds ou ongles forts ou vitriols ou éclatants comme verre, et encore de ceux qui sont un peu ou assez fristelles, plats et pleins comme un bignet.
CHAPITRE XVIII. — Du pied qui a le talon et le cartilage (fourchette) tendre et délicat.
CHAPITRE XIX. — Du pied fort et encastellé.
CHAPITRE XX. — Du pied fort à la semblance de celui du mulet.
CHAPITRE XXI. — Des pieds forts et glacioles et de ceux qui ont la casse pleine et qui sont plats.
CHAPITRE XXII. — Du moyen de bien ferrer les jeunes chevaux qui n'ont pas le cartilage (fourchette) bon vers les talons.
CHAPITRE XXIII. - Du cheval qui s'entretaille.
CHAPITRE XXIV. - Du cheval qui naturellement va assez large.
CHAPITRE XXV. — Pour cognoistre quand un cheval a souffert, ou souffre, pour ce qu'il aura cheminé sans fers.
CHAPITRE XXVI. — Du cheval qui se ballotte.
CHAPITRE XXVII. — Du pied rampin ou pied bot.
CHAPITRE XXVIII. — Cheval qui forge ou qui se blesse les talons ou les nerfs.
CHAPITRE XXIX. - Du cheval qui ne veut se laisser ferrer.
CHAPITRE XXX. - Des causes pour lesquelles les chevaux font quartiers neufs et des moyens propres à y remédier.
CHAPITRE XXXI. — Du cheval qui n'assied pas à plein le pied de derrière (pinsard), en le posant à terre et du moyen d'y pourvoir.
CHAPITRE XXXII. — Du moyen de bien ferrer les pieds de derrière.
CHAPITRE XXXIII — Des moyens propres à secourir un cheval qui se déferre en chemin.
CHAPITRE XXXIV. — Advertissement proufitable et honorable pour le chevalier.
CHAPITRE XXXV. — Justification de l'auteur avec quelques advertissements nécessaires au chevalier.
Les figures 126 et 127 qui accompagnent ce livre représentent : Fig. 1. — Fers de devant unis, sans crampons.
Fig. 2. — Fer avec crampon à l'aragonaise d'un côté et renforcé de l'autre.
Fig. 3. — Fer à lunette ou à quarts rognés.
Fig. 4. — Fer avec un quart en moins.
Fig. 5. — Fer bordé (couvert) avec un crampon à l'aragonaise et renforcé sur l'autre quart (éponge).
Fig. 6. — Fer avec sciette (bordure proéminente dentelée) et à quarts (éponges) renforcés.
Fig. 7. — Fer rengrossi par le côté, subtile et tenu par le milieu plus que l'ordinaire (ajusture anglaise de Sommer).
Fig. 8. — Fer avec bouton du côté du dedans et rengrossis sur le quart du même côté..
Fig. 9. — Fer qui a le quart du côté du dedans plus gros et plus étroit que l'ordinaire (fer à la turque).
Fig. 10. — Fer à creste tant à la pointe comme aux côtés avec barbettes.
Fig. 11. — Fer avec crampons pliés et avec annelets en iceulx.
Fig. 12. — Fer renversé en dessus aux deux bouts de derrière (couvrant les talons).
Fig. 13. — Fer avec deux crampons.
Fig. 14. — Fer bordé (couvert) avec les verges (branches) de derrière plus rapprochées que d'ordinaire (fer à planche non soudée).
Fig. 15. — Disferres (fers à tous pieds à charnière).
Fig. 16. — Fer sans clous.
Fig. 17 à 19. — Fers de derrière.
Fig. 20. — Fer de derrière avec renvers à la pointe.
En résumé, on voit que la ferrure du XVIe siécle, c'est-à-dire à l'époque de la Renaissance, sauf qu'elle était un peu trop couverte, ce qui la faisait durer davantage, était parfaitement rationnelle et qu'il existait déjà des ferrures exceptionnelles, comme les fers à lu-
nette, à la turque, à planche, encore très employées de nos jours, qui passent pour n'avoir été connues que beaucoup plus tard.
Carlo Ruini, sénateur bolonais, est l'auteur d'un livre intitulé : Anatomia et tnfirmita del Cavalo, 1re édition 1598: 2e édition Venise 1602.
Il est par conséquent à cheval sur la fin du XVI8 et le commencement du XVIIe siècle.
On peut dire que, jusqu'à Lafosse et à Bourgelat, rien n'a été fait sur la structure et les maladies du cheval de comparable à l'ouvrage de Ruini qui complète très heureusement celui de César Fiaschi. En effet son Anatomia del cavalo est remarquable pour le temps et celles de Snap et de Garsault n'en sont que des copies. On peut en dire autant du livre des Infirmités qui n'a jamais été égalé par les Soleysel, les Beaumont, les Saunier et tous les autres écuyers maréchaux du XVIIe et du commencement du XVIIIe siècle. Sous le rapport de la maréchalerie proprement dite, Ruini s'attache principalement aux méthodes de ferrures applicables aux pieds défectueux et c'est surtout à ce point de vue qu'il est, comme nous l'avons dit, un heureux complément de César Fiaschi ; en effet, pour la ferrure normale, il répète à peu près les mêmes préceptes dans tous les cas où celui-ci traite à fond la question; mais où César Fiaschi trouve des difficultés insurmontables, Ruini ne craint pas de les aborder de front. C'est ce que nous voyons dans son chapitre consacré à l'Encas-
FIG. 128.
tellure où il emploie des moyens qui ne sont autres que ceux qui ont fait tant de bruit il y a quelques années où elles passaient pour nouvelles sous le nom de méthodes Jarrier, Defaix, Watrin, etc. On peut s'en assurer en lisant ce chapitre dans l'édition de Venise 1602 in-f° page 381. Nous l'avons traduit en entier dans notre mémoire sur la Maréchalerie française, publié dans le Recueil de mémoires et observations sur l'hygiéne et la médecine vétérinaire militaire, publié par ordre du ministre de la guerre, tome seizième, Paris 1863.
Il n'est pas possible de mieux expliquer que ne l'a fait Carlo Ruini, dans ce chapitre, l'action bienfaisante des demi fers (fers à lunettes) dans l'encastellure par la gymnastique forcée qu'ils provoquent dans la région des talons et d'en mieux régler l'emploi.
Il conseille aussi l'emploi de fers à oreilles étirées en dedans de l'extrémité des branches, ou éponges, pour maintenir l'écartement des talons que l'on obtient au moyen des branches des tricoises enfoncées dans les lacunes latérales, c'est-à-dire à la face interne des talons, et écartées à force de bras. Que penser maintenant du droit de priorité que réclamaient les Jarrier, Defays, Watrin, etc., dans l'invention de leurs procédés mécaniques ou mieux orthopédiques de désencastellure ?
Soleysel, auteur du Parfait maréchal (1660) - nous possédons l'édition de Trévoux, 1675 — représente la maréchalerie du XVIIe siècle. Il pa-
raphrase César Fiaischi, en ajoutant quelques absurdités de son cru, tel que le barrage de la veine pour empêcher la nourriture d'arriver au sabot dans les cas de pied plat, ou comble.
Il apporte cependant une innovation heureuse dans la ferrure du pied encastellé, c'est l'emploi du fer à pantoufle qu'il donne comme une invention de M. de la Broue, écuyer de Henri III. Ce fer, si décrié par Lafosse, Bourgelat, Gohier, etc., est le point de départ avec celui de Ruini, de tous les procédés de désencastellure artificielle qui ont abondé il y aune cinquantaine d'années ; il leur est même supérieur quand il est employé avec tact et sans exagération, c'est-à-dire sans inclinaison exagérée des branches (fig. 128 A). Lorsque l'encastellure s'accompagne de seimes, ce qui est l'ordinaire, Soleysel emploie de préférence le fer à demi pantoufle (fig. 128 B), qu'il attribue à M. de Belleville, écuyer du même temps, et qui ne diffère du fer à pantoufle qu'en ce que l'inclinaison de l'extrémité des branches, de dehors ou dedans, est due à une simple torsion de ces mêmes extrémités et non à une épaisseur de métal au bord internes des éponges.
Nous ne voyons pas qu'il puisse y avoir une différence d'action chez ces fers : chez tous les deux, il y a un talus sur lequel glissent les talons en s'écartant forcément l'un de l'autre par le seul effet de l'appui du corps sur le pied. Ce fer réexpérimenté dans ces dernières années a donné d'assez
bons résultats. Voici ce que Defays disait de ces deux sortes de fers, dans le Recueil de médecine-vétérinaire de 1859 p. 820 : « 1° A l'égard du fer à pantoufle : Depuis que Lafosse a fait la critique de ce fer, il a été rangé dans la catégorie des fers, non seulement inutiles, mais nuisibles. Nous croyons injuste le blâme dont il a été l'objet : on a confondu l'appareil avec le mode d'application. Les talons sont abattus, et on laisse ainsi à la sole ainsi qu'aux arcs-boutants leur intégrité. Il doit en résulter que la rive interne écrase ces parties et que le bord de la muraille et des talons prend son appui à la distance de un centimètre de la rive du fer. Le vice de l'action de parer a donné des effets défavorables qui ont rejailli sur le fer lui-même ».
2° A l'égard du fer à demi-pantoufle : a La demi-pantoufle de de Belleville, a été rangée Par Bourgelot au nombre des fers nuisibles.
Malgré son autorité nous continuons à employer ce fer et les avantages que nous en avons retirés sont un encouragement pour Persister. Les accidents qu'on lui attribue dépendent aussi du mode de parer les pieds. »
Nous sommes tout à fait d'accord avec Defays et nous nous sommes toujours bien trouvé de l'usage du fer à demi-pantoufle, plus facile à confectionner que l'autre.
LA MARÉCHALERIE AU XVIIIe SIÈCLE
Depuis le milieu du XVIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe tous les ouvrages qui parurent sur la maréchalerie, et ils sont nombreux, ne font que copier Soleysel, qui lui-même n'avait fait que paraphraser César Fraschi ; c'est ce qu'on peut voir en parcourant : Le Grand, Maréchal français, de Prôme, 1622.
Le Nouveau Parfait Maréchal, de Beaumont, 1660.
La Grande Maréchalerie, de d'Epinay, 1664.
L'Ecole de Cavalerie, de La Guérinière, 1733.
La Parfaite connaissance des chevaux, de Saunier, 1734.
Le Nouveau Parfait Maréchal, de Garsant, 1755, etc., etc.
Nous arrivons au célèbre maréchal des petites écuries du roi, Lafosse père et au fon- dateur des Ecoles vétérinaires, Bourgelat.
Lafosse père est l'auteur de la Nouvelle pratique de ferrer les chevaux de selle et de carrosse, Paris 1756. Avec Ronden, maréchal des grandes - écuries du roi, auteur des articles de maréchalerie de la Grande Encyclopédie, ce sont les véritables réformateurs de la maréchalerie qui, malgré les préceptes si rationnels de César Fiaschi et de ses continuateurs, avait complu tement dévoyé. En effet sous le grand Roi, la mode des grands chevaux de carrosse ou de selle à chanfrein busqué, d'origine hollandaise ou hanovrienne, avait amené l'usage d'une
ferrure lourde à crampons ou à branches épaisses ; c'est ce que nous montrent les tableaux de bataille ou de chasse de l'époque. Les inconvénients de cette nouvelle ferrure étaient palpables pour tous les hommes de bon sens dégagés des étreintes de la routine ou de la mode. Lafosse les énumère dans une trentaine d'alinéas dont voici les principaux : « Les fers longs et forts d'éponge sont sujets à ne point tenir fermement par leur poids et font péter les rivets.
« Il faut de gros clous à proportion des fers Pour les tenir, ce qui fait éclater la corne, ou souvent leurs grosses lames pressent la chair cannelée et la sole charnue et font boiter le cheval.
« Les chevaux sont sujets à se déferrer par la longueur des fers, savoir, lorsque le pied de derrière attrape l'éponge du pied de devant, soit en marchant, soit en restant sur place et mettant le pied l'un sur l'autre, ou bien entre deux pavés, ou bien dans les barres des portes, ou sur les ponts-levis des villes de guerre ou bien dans les terres fortes.
a Ils marchent lourdement par la pesanteur du poids des fers qui les fatiguent.
* Les fers longs et forts d'éponge éloignent la fourchette de terre et empêchent le cheval à marcher sur elle. Alors si le cheval a de l'humeur dans la fourchette, il lui viendra un fie ou crapaud parce que l'humeur séjourne.
ex Les fers longs et forts d'éponge font glis-
ser et tomber les chevaux parce qu'ils font l'effet d'un patin sur le pavé sec, tant en hiver qu'en été.
« Les fers longs sont encore nuisibles lorsque les chevaux se couchent sur l'éponge, ce qu'on appelle se coucher en vache, parce que pour lors ces fers les blessent au coude.
« Les crampons en dedans sont sujets à estropier le cheval en croisant ses pieds sur la couronne, ce qui fait des atteintes encornées.
a Le cheval avec des crampons, se fatigue et ne marche pas à son aise.
« Le pied paré est principalement cause que les quartiers se ressèrent, le sabot devient plus petit et toutes les parties intérieures du pied sont gênées (encastelure).
« Il résulte un autre accident ; c'est que quand le quartier se resserre il fait fendre le sabot dans sa partie latérale ; cet accident s'appelle seime et le cheval devient boiteux.
* Si un cheval qui a les pieds parés se déferre et marche nu-pieds, la corne sera vite usée et les pieds endommagés. »
Etc., etc., etc.
Après avoir ainsi énuméré les défauts de la ferrure de son temps, défauts qui consistevt dans la lourdeur des fers, le volume excessif des branches, l'usage des crampons, l'excès du parage, surtout de la sole et des talons; Lafosse s'occupe de poser les bases d'une ferrure rationnelle. Il observe très judicieuse" ment que, dans l'état de nature toutes leS parties inférieures du pied concourent à l'&P"
pui, que les talons et la fourchette ne sont jamais endommagés, que la muraille seule est usée par la marche sur les terrains durs et que c'est cette partie seule qu'il faut protéger et parer, tout en laissant aux autres la liberté
1.
FIG. 129.
entière de leurs fonctions lors de l'appui. C'est là, en effet, dans toute leur simplicité les vrais et uniques principes de toute bonne ferrure, et ce qui étonne c'est que, non seulement ces Principes si simples et si vrais aient été si longtemps méconnus, mais encore qu'ils soient restés lettre morte pour des hommes supérieurs comme les Bourgelat, les Chabert, les Gohier, etc., etc., après qu'ils furent
proclamés : il a fallu cent dix ans pour qu'on en reconnaisse la justesse ! 0 puissance de la routine!
Pour établir les principes d'une bonne ferrure, Lafosse n'a eu en quelque sorte qu'à prendre le contre-pied de celle qui existait de son temps et dont il a si magistralement fait ressortir les défauts.
Voici comment il met ses principes en pratique : « Pour empêcher les chevaux de glisser sur « le pavé sec et plombé, il faut mettre un fer a en croissant, c'est-à-dire un fer qui n'occupe a que le pourtour de la pince et dont les épona ges viennent en s'amincissant, se terminer « au milieu des quartiers ; en sorte que la « fourchette et les talons portent d'aplomb « sur le terrain, tant du devant que du der- « rière, mais surtout du devant, parce que le « poids du corps du cheval y est plus porté, « et plus le fer est court et moins le cheval « glisse, la fourchette faisant pour lors le « même effet que ferait sur la glace du vieux « chapeau que nous aurions mis sous nos « souliers.
« Il faut cependant faire attention qu'aux « pieds faibles de muraille les fers doiveDt « être un peu plus longs, de manière que « l'éponge vienne en s'amincissant sur les « talons, pour que le bout de l'éponge ne porte « point sur la muraille, parce qu'elle s'écrase« rait en sa faiblesse et que l'éponge vienne
« se terminer sur le talon, parce que le talon n'éclate jamais (fig. 129) » Il fait ferrer de même les pieds combles en faisant couvrir un peu la pince, les pieds à ognons en évitant que la partie lésée touche la terre, et aussi les pieds à bleimes et à seimes en quartier. Enfin suprême recommandation « il ne faut jamais parer la sole ni la fourchette ; on doit se contenter d'abattre seulement la muraille si on la juge trop longue. »
Pour un cheval qui se coupe il fait mettre un fer dont la branche interne soit plus courte et plus mince que l'autre.
Enfin pour que le fer tienne plus longtemps il emploie un clou qu'il a imaginé dont la tête est en forme de pyramide allongée, remplissant exactement l'étampure et la contre-perÇure et le fer est ainsi toujours maintenu en place quoique très usé. (Voyez la figure 129 que nous empruntons au livre même de Lafosse).
Cette ferrure à branches amincies de La- fosse a été réinventée il y a quelque temps Par M. Foret, sous-directeur de la cavalerie des Omnibus de Paris, où son usage est très apprécié depuis plusieurs années qu'elle y est employée.
Outre la ferrure usuelle que nous avons décrite et figurée, Lafosse père en a inventé d'autres qui ont été réinventées plus de cent ans après lui par des hommes de mérite qui, certainement, ne connaissaient pas les diverses ferrures de Lafosse, telle, par exemple, la
Ferrure Charlier, qui a fait beaucoup de bruit il y a quelques quarante ans.
En effet, voici ce que nous lisons encore dans le livre de Lafosse cité : « Ferrure à demi-cercle pour la sûreté du cava« lier, sur le pavé sec et plombé, tant l'hiver que « l'été, soit en montant les montagnes, soit en les « descendant au galop, sans glisser d'aucune façon « (fig. 130). - Le demi-cercle doit être de 2 à 3 « lignes de largeur sur 1 1/2 d'épaisseur, pour « que les trous en soient faits avec un poin« çon ; on les doit contre-percer du côté qu'ils « sont étampés, afin que les clous soient en« chassés dans l'étampure. Il faut faire au « moins dix trous pour des clous qui soient « petits à proportion, afin qu'ils puissent seule« ment soutenir la muraille ; il faut aussi que « le fer du demi-cercle soit doux. On abattra, « selon la coutume, l'excédant de la muraille, « observant néanmoins d'en laisser davantage, « afin de pouvoir y incruster le demi-cercle ; « pour réussir, on fera une rainure dans le mi« lieu de la muraille du pied, de la profondeur « et de l'épaisseur du cercle, de manière qu'il CI soit enchassé dans la muraille et que le bord a déborde tout autour du demi-cercle pour la a facilité de porter sur le pavé. Il faut que les « deux bouts du demi-cercle soient incrustés a dans les talons, ce qui produira deux avanta« ges mutuels : l'un, que la muraille conservera a le demi-cercle qui, sans cela, s'userait « promptement, à cause de sa minceur ; l'au« tre, que le demi-cercle réciproquement em-
« pêchera la muraille d'éclater. Cette ferrure « est avantageuse au cheval de monture; elle
Fio. 130.
fi l'est aussi au cheval de trait, excepté qu'elle j5® résistera pas si longtemps. Cependant, cc j'ai vu plusieurs chevaux qui conservaient cette ferrure pendant trois semaines ; à plus forte raison, s'ils faisaient moins d'ouvrage,
« leurs fers dureraient plus longtemps. Je « dirai néanmoins qu'il y a une ferrure plus « convenable aux chevaux de trait : c'est un « fer qu'on enclave dans tout le fort de la « muraille, observant aussi de le laisser dé« border dans tout son contour ; on peut appe« 1er ce fer le croissant enclavé; il doit être « étampé extraordinairement maigre (voyez la « figure 131). Remarquez que ces deux derniè« res sortes de ferrures ne sont propres qu'aux « chevaux qui ont les pieds forts. »
Comme on le voit, tout ce qu'a dit Lafosse est marqné au coin d'un profond et très judicieux esprit d'observation pratique ; on ne peut pas dire qu'il ait eu une idée très claire de la physiologie et de la mécanique du pied, telle qu'on l'a démontrée plus tard; on chercherait vainement cette idée dans ses écrits ; mais l'expérience lui avait montré que le cheval, en marchant sur ses talons et sa fourchette, non seulement n'en éprouvait aucun tort, mais y gagnait un véritable bien-être et une grande amélioration s'il avait de la tendance à l'encastelure, ou seulement un resserrement des talons. Colleman, le véritable auteur de la découverte de l'élasticité du pied, s'est chargé de montrer que la ferrure Lafosse est la véritable ferrure physiologique.
Bourgelat, le fondateur des Ecoles vétérinaires, est l'auteur d'un livre intitulé : Essai théorique et pratique de la ferrure du cheval, Paris 1771.
Sans tenir aucun compte des travaux de Lafosse, qui pourtant avaient fait du bruit, puisqu'ils furent l'objet d'une polémique entre lui et les maîtres maréchaux de Paris, Bourgelat fce fait que consacrer dans son ouvrage les
FIG. 131.
errements de ces derniers et essaie même d'en poser des règles immuables.
Nous avons dit qu'il avait été bien inférieur à César Fiaschi, son prédécesseur de plus de deux siècles; en effet, l'écuyer italien, comme s'il avait eu la prescience des fonctions physiologiques du pied, lui applique une ferrure plate et des étampures concentrées en pince dans les fers de devant, où l'élasticité du sabot est le plus prononcée, disposition que les hipPiatres qui le suivirent observent consciencieusement en la traduisant par le dicton : Pince devant, talon derrière.
Pour Bourgelat, ce dicton est un non-sens : il veut les étampures du fer également espacées des éponges à la pince et l'ajusture faite de telle sorte que, dans son ensemble et vu de
profil, le fer représente une ligne courbe et sa pince une véritable proue de bateau, ce qui fait que le cheval a le pied à peu près comme dans une cuvette, de là un appui instable et, à la longue, rétrécissement forcé du pied. Et pour qu'il ne soit pas possible de s'éloigner de ce beau modèle, Bourgelat en donne la figure et les dimensions dans ses moindres parties (fig. 132) : « La longueur totale du fer ordinaire du a pied de devant doit être quatre fois sa lar« geur en pince mesurée entre les deux prete mières étampures, c'est-à-dire entre le bord c antérieur de la pince et son bord postérieur a ou voûte.
a La distance de la rive externe de l'une et « l'autre branches prise entre les deux prete mières étampures, en talon, sera trois fois c et demie cette longueur — (ou largeur de la a pince) — et la moitié de cette mesure donci nera la juste dimension de la couverture « des éponges à leur extrémité la plus recu« lée.
« En égard à l'ajusture, la pince doit se a relever en bateau dès les secondes étam« pures en talon de deux fois l'épaisseur du a fer, à compter du sol à sa rive inférieure à a cet endroit; il faut aussi que, de ce même a lieu, les éponges perdent terre du côté des
« talons de la moitié de son épaisseur réelle « et, dès lors, la convexité du fer sera une fois « et demie son épaisseur (voyez la figure ci« contre). »
On est à se demander comment Bourgelat
FJG. 132.
peut allier ce rigorisme dans les mesures avec cette prescription de faire le fer pour le pied.
Tout son livre est rempli de règles dans le genre de celles ci-dessus pour toutes les sortes de ferrures, sans qu'aucune raison physiologique soit invoquée pour les justifier.
Après l'ouvrage de Bourgelat qui eut de nombreuses éditions, — la dernière est de 1813, — parurent successivement sur la fer-
rure, des travaux de Chabert épars dans diverses publications ; le Traité du pied, de Girard (Paris 1813) ; les Tableaux synoptiques, de Gohier (Lyon 1820), et le volumineux in-4° de Janze (Maréchalerie, Paris 1827); tous suivent servilement les errements du maître.
En somme, la maréchalerie française n'est rien moins que redevable à Bourgelat et il faut arriver à 50 ans plus tard pour voir, grâce aux travaux des vétérinaires anglais sur cette matière et surtout à leurs recherches sur l'élasticité du pied, les vétérinaires français secouer les langes classiques et adopter une ferrure conforme aux principes qui découlent de la connaissance exacte de la physiologie du pied.
En raison de l'influence heureuse qu'ont eue les travaux des vétérinaires anglais sur la maréchalerie française nous allons les passer en revue.
XIXe SIÈCLE. — LES AUTEURS ANGLAIS
Coleman. — Malgré les chaudes revendications que Bracy-Clarck fit retentir plus tard, c'est à Coleman, directeur du Collège vétérinaire de Londres, que l'on doit la première indication claire et précise de l'élasticité du sabot du cheval. Voici en effet ce qu'en dit Delabère-Blaine (1) ouvrage qui a précédé de quinze ans celui de Bracy-Clarck:
(1) Notions sur l'art vétérinaire, trad. francaise, Paris 1803. -
« M. Coleman semble, en s'écartant de la route battue et de celles qui avaient été indiquées par les différents auteurs qui ont écrit sur le même sujet, M. Coleman semble avoir été dirigé par des idées particulières qu'il s'est formé sur la nature et l'usage des parties que concerne la ferrure. Il croit que les lames sont destinées à supporter le pied, que la sole, naturellement concave, descend et se rapproche des talons lorsqu'elle est comprimée ; que dans le même temps les lames s'éloigoent, que la fourchette est un corps élastique qui ne donne pas seulement du ressort au pied, mais qui entraîne l'expansion du sabot par celle des cartillages et de cette manière empêche l'animal de glisser, et que, pour cette raison, la fourchette doit toujours se trouver en contact avec le sol ; il ne pense pas d'ailleurs que les barres, qui servent à l'expansion des talons doivent jamais être enlevées ».
C'est en se basant sur ses idées très justes du mécanisme du pied que Coleman voulut importer en Angleterre la ferrure de Lafosse comme la plus propre à maintenir les fonctions des diverses parties du pied dans toute leur intégrité. Après quelque temps d'essai le sort de cette ferrure fut le même qu'en France la routine reprit le dessus ; il est vrai qu'elle fut aidée par l'apparition de systèmes plus ou moins rationnels.
Déjà Osmer, contemporain de Lafosse, avait imaginé un fer parfaitement plat par sa face inférieure et légèrement concave par sa face
supérieure ; c'était un progrès sur le fer ordinaire, dont la concavité supérieure correspondait à une convexité inférieure. Le fer d'Osmer avait sur celui-ci l'avantage de donner un appui plus ferme et plus solide, mais comme lui il avait l'inconvénient de provoquer la constriction du sabot en empêchant par sa concavité tout écartement, tout jeu normal des talons. Cette dernière difficulté à été vaincue par Morcroft dans la confection de son fer à siège.
Morcroft (1). - Le fer à siège imaginé par Morcroft, successeur immédiat de Coleman, a la face inférieure plate (fig. 133 A.) comme le fer d'Osmer, mais la face supérieure se divise en deux parties, une externe qui est parfaitement plane (fig. 133 B.) et correspond en largeur à l'épaisseur de la muraille à laquelle elle est destinée à fournir un appui ; c'est celle qu'on appelle le siège (the seat) ; l'autre, interne s'incline du bord interne du siège vers la rive interne du bord du fer ; c'est, en un mot, une véritable ajusture prise, comme celle d'Osmer, au dépend de l'épaisseur du fer. Ce biseau (fig.
133 C.) est ainsi disposé pour prévenir toute compression sur la sole et on le fait d'autant plus large que le service du cheval qui le porte est plus rude, afin que le fer résiste plus longtemps à l'usure.
Les clous doivent être à égale distance les
(1) Méthode de ferrure, London 1800.
FIG. 133.
uns des autres au nombre de quatre pour chaque branche, mais de façon que le dernier clou soit distant du talon de deux pouces à un pouce et demi environ, « afin. de permettre aux parties postérieures du pied l'élargissement naturel, quoique peu considérable que l'on remar- que lorsque le pied frappe le sol ».
D'après Morcroft, un bon fer à cheval doit réunir les conditions suivantes : 1° Il doit être assez fort pour pouvoir durer un temps raisonnable ; 2° Il doit offrir à la muraille toute la surface d'appui nécessaire ; 3° Il ne doit pas altérer la forme naturelle du sabot ; 4° Enfin il ne doit pas presser sur la sole et ne doit en rien mettre obstacle aux fonctions Naturelles du pied.
Son fer à siège réunit-il toutes ces conditions? C'est à croire, car il a fini par se généraliser dans toute l'Angleterre, où il est encore employé presque partout. Et puis, il a donné lieu aux remarques suivantes : c'est que des pieds resserrés par la méthode habituelle de ferrure et ferrés ensuite avec des fers à siège, devenaient peu à peu plus larges, sans que le service du cheval ait été un instant interrompu. Des chevaux ont porté pendant Plusieurs années toujours la même pointure de fer et n'ont, par conséquent, montré aucune variation dans la forme de leurs pieds.
Il faut dire aussi que Morcroft a inventé une machine au moyen de laquelle on fabrique les
fers à siège par milliers, de toutes grandeurs et de formes variées, et à meilleur marché qu'à la main. Cela n'a pas peu contribué à répandre ce fer partout. Il est même employé en France, à Paris surtout, et sur une assez grande échelle pour le ferrage des chevaux de luxe.
Morcroft parle encore d'un fer étroit (plate qui parait être de son invention et nous trans- crivons ce qu'il a dit parce qu'il a été réin- venté depuis par Naudin, pour faire concurrence à celui de Charlier : « Un fer étroit, de la largeur exacte de celle de la muraille et d'une épaisseur modérée, peut défendre cette partie suffisamment pen- dant tout le temps qu'il dure; mais il est infailliblement usé en peu de jours et comme, d'autre part, une ferrure souvent renouvelée est coûteuse et nuisible au sabot lui-même, cette espèce de ferrure ne convient que pour les courses ou pour les chasses sur une terre molle.
Bracy-Clarck est l'auteur des Recherches sur la construction du pied du cheval, Londres 1810, traduction française 1817, 2e édition anglaise 1829. C'est, par conséquent, plus de dix ans après les travaux de Coleman et de Morcroft que Bracy-Clarck fit paraître les siens, dans lesquels, comme nous l'avons dit, sans respect pour les opinions émises par ses devanciers, 11 s'attribue exclusivement la découverte de l'élasticité du sabot du cheval. Il a le mérft0
de l'avoir démontrée par des expériences irréfutables, mais là doit se borner sa revendication, car il en tire des conclusions manifestement exagérées, dépassant par trop le but.
« La propriété d'élasticité, dit-il, existe surtout dans les parties postérieures de l'ongle, sur lesquelles le poids est rejeté en raison de l'inclinaison de la surface articulaire de la troisième phalange, et dont il détermine la dilatation et l'expansion en arrière. Là sont réunies toutes les conditions d'élasticité : D'abord, le sabot est comme fendu dans cette partie par le repli, en dedans de sa cavité, des extrémités convergentes de la paroi (barres ou arcs-boutants), dispositions méconnues par les anciens écrivaius qui n'ont eu aucune idée de la grande simplicité et de la puissance de ces arrangements mécaniques d'une seule pièce, si dignes d'exciter notre admiration pour le grand architecte qui les a conçues.
« Ces parties ainsi infléchies, ou les barres, forment en dedans de l'échancrure de la sole Une sorte de muraille intérieure qui, par sa proj ection hardie, protège la sole ou la fourchette contre la pression du terrain qu'elles ne doivent pas supporter (?).
« Elles sont inclinées en bas et en dedans, afin que toute pression exercée sur elles par le 1301 les force à s'ouvrir et à s'écarter de la fourchette ; qu'elles suivent ainsi la dilatation générale de la muraille et des quartiers et qu'elles préviennent, de cette manière, la con-
tusion trop forte et la contusion des parties sensibles.
« Enfin, on peut admettre, sans trop d'invraisemblance, que lorsque le jeune animal est dans une très forte action et qu'il s'élance en avant avec une vélocité presqu'égale à celle de l'oiseau qui vole, ces parties postérieures de la muraille et du sabot cèdent sous l'impression de son poids, aussi librement que les faibles branches de l'osier fléchissent sous le vent, et que, par leur retour soudain, elles contribuent à ajouter au mouvement qui l'anime (!!!).
a A première vue, on serait porté à croire que la fourchette correspond au coussin central du pied des animaux digités ; mais cette manière de voir n'est pas correcte : la masse triangulaire de la fourchette fait l'office d'une clef de voûte, élastique elle-même, communiquant dans quelques cas les mouvements de cette arche et la suivant dans tous ceux qu'elle subit.
« La partie inférieure du pied s'adapte par sa conformation aux différents terrains sur lesquels elle doit poser. Lorsqu'un cheval progresse sur un terrain dur, comme un rocher, le pavé, c'est le bord inférieur de la muraille seule qui porte, corps dur contre corps dur ; mais si le sol est plus mou et pour ainsi dire brisé, comme le sable, le gravier, la muraille s'enfonce un peu et de nouvelles parties servent à l'appui ; c'est le bord externe de la sole et les barres. Enfin, sur un sol très mou,
comme celui d'une prairie ou d'un champ cultivé, la muraille s'enfonce plus profondément,
FIG. 134
le bord externe des barres et de la sole pénètre aussi et un troisième ordre de parties concourent à l'appui, savoir : le corps de la fourchette d'abord et sa base ensuite ; ainsi, les parties
molles sont opposées à parties molles et aucun dommage ne peut être produit (!). Sur un sol dur et uni, la fourchette reste élevée de 3/8 de pouce au-dessus du niveau du bord inférieur de la muraille, elle ne porte à terre qu'au moment où l'action du poids et de l'effort sont le plus énergique, alors que les côtés des pieds sont élargis transversalement jusqu'à la dernière limite qu'ils peuvent atteindre. »
Le rôle de dilatation latérale attribué aux quartiers par Bracy-Clarck est vrai, quoique exagéré; quant à la situation que la fourchette occupe dans les pieds normaux et à son rôle, il n'en a aucune idée ; ce qu'il en dit appartient aux pieds serrés ou même encastelés. Quant à la position de la fourchette et à son rôle dans les pieds normaux, c'est Coleman qui avait raison : Nous avons vu les moules en plâtre de pieds de chevaux d'Afrique qui n'avaient jamais été ferrés. Dans ces pieds vierges, le bord inférieur de la muraille, les barres, la face inférieure de la fourchette sont sur le même plan, inférieur à la sole, et l'écartement qui s'opère dans la région du talon pendant le poser, écartement que les expériences de BracyClarck ont mis hors de doute, est causé autant par l'abaissement de la sole que par l'aplatissement de la fourchette et l'inclinaison des barres.
Malgré ses nombreuses observations et en dépit de ses efforts, Bracy-Clarck n'a jamais pu obtenir de résultats pratiques satisfaisants.
11 avait une idée tellement exagérée de l'élas-
ticité du sabot et de la nécessité de maintenir cette fonction dans toute son intégrité, que le fer à charnière lui-même était à peine capable d'atteindre ce but.
Turner, Miles, Reeve. — Turner pensait arriver au but poursuivi par Bracy-Clarck au moyen de sa ferrure unilaterale, qui n'est autre chose que le fer à siège de Morcroft, dans lequel les étampures étaient ainsi distribuées : trois sur la branche externe et deux en pince sur la branche interne, de cette manière, rien n'empêchait l'écartement des talons et des quartiers à l'appui.
Miles, riche gentleman anglais, s'était chargé de répandre cette ferrure par son exemple et par ses écrits (1). Il fit lui même des expériences sur l'élasticité du pied qui lui prouvèrent que les talons s'écartent chez certains sujets jusqu'à 1/8 et même 1/4 de pouce et il prétendit que c'était sa ferrure (fig. 134) qui favorisait le mieux cette élasticité. Seulementon lui reprocha que sa ferrure n'était pas solide et que cinq clous étaient insuffisants pour qu'elle tienne bien dans les terrains rocailleux.
Pour clore la liste des auteurs anglais qui se sont occupés de la ferrure, citons encore Reeve qui prétend que la dilatation des sabots ne dépasse pas 1/40 de pouce et Gloag et Auker
(1) Miles, The horse's food and how the heep il sound, 6* édition 1856.
qui disent qu'elle est nulle, et tous ces auteurs ont raison, car sur des pieds vierges, elle peut atteindre aux mesures que lui donne Miles, tandis que la dilatation est nulle chez les pieds encastelés ou même seulement serrés. Chez les autres elle est très variable et dépend des mains des maréchaux entre lesquelles ils ont passé.
FERRURE FRANÇAISE AU XIXe SIÈCLE
Les idées de Bracy-Clarck sur l'élasticité de l'oDgle du cheval furent généralement adoptées en France sans grandes contestations et servirent de base aux pratiques de la ferrure et à leur inteprétation ; ainsi l'ancien fer français, le fer de Bourgelat, fut heureusement modifié : on concentra les étampures dans le voisinage de la pince aux fers de devant, et l'ajusture en bateau fit place à une ajusture presque plate, surtout aux branches.
Ferrure Périer. — Il y eut pourtant quelques récalcitrants, entre autres M. Périer, vétérinaire militaire, qui exposa ses idées sur l'élasticité du pied dans son ouvrage : Sur les moyens d'avoir les meilleurs chevaux (Paris 1835).
D'après cet auteur, au lieu d'une dilatation qui s'opérerait dans les parties postérieures du sabot, comme l'avait démontré BracyClarck, c'est une dilatation des mamelles suivie d'une contraction des talons qui avait lieu d'après lui, et c'est pour respecter l'action
des forces contentive et dilatente du sabot, qu'il admettait sans preuves, que Périer conseillait de reporter le poids du corps sur les parties antérieures du pied en parant ce pied à fond en pince, en laissant intacts les talons, et en le munissant d'un fer à éponges très nourries. —
Il retombait dans le travers des ouvriers de Paris du temps de Lafosse et combattu avec tant de succès par celui-ci. — Quelques succès obtenus au moyen de la ferrure Périer sur certains chevaux à talons bas ou à tendons fatigués, purent faire croire à quelques-uns à l'excellence de sa méthode, mais elle disparut avec lui malgré les miracles qu'il lui attribuait, car c'était pousser l'aveuglement de la paternité un peu loin que de croire sa ferrure capable, non seulement de refaire les aplombs aux chevaux qui n'en ont plus, mais encora de guérir la pousse, les crampes, la péripneumonie, la pleurésie et même le tétanos!!! Nous ne plaisantons pas, l'ouvrage de Périer renferme neuf observations de maladies semblables guéries par sa ferrure ! C'est le cas de répéter : qui veut trop prouver ne prouve rien.
Ferrure Riquet ou podométrique (1). — M.
Riquet s'exagérant, ou plutôt exagérant à dessein les inconvénients de la ferrure ordinaire à chaud, eut l'idée de généraliser et de rendre obligatoire ce qui se fait quelquefois par nécessité, c'est-à dire de faire ferrer tous les chevaux
(t) Riquet. De la ferrure podométrique. Tours 1840.
à domicile ou à l'écurie. Pour cela, il imagina un instrument de son invention, le podomètre, sorte de courte chaîne à la Vaucanson, dont les rivets unissant les maillons, étaient serrés un peu dur, en sorte que ce podomètre gardait facilement la forme qu'on lui imprimait. On pouvait ainsi, par le moyen de cet instrument, prendre la forme du pourtour inférieur du pied, la dessiner sur une feuille de papier et confectionner un fer exactement pour le pied sans la présence du cheval; puis on allait attacher ce fer à l'écurie.
L'animal n'était plus effrayé par le feu de la forge, le bruit de l'enclume et ne risquait plus d'être brûlé par le fer chaud.
Les avantages de la ferrure podométrique méritent-ils le bruit fait en sa faveur par son inventeur et n'a-t-elle elle même aucun inconvénient?
D'abord est-ce un bien d'empêcher qu'un ouvrier s'exerce le coup d'oeil ? Et ce compas une fois acquis, n'est-il pas préférable mille fois à tous les podomètres possibles ? Et puis s'il n'a pas encore l'œil suffisamment exercé, n'a-t-il pas le vieux fer et la paille traditionnelle pour prendre la mesure ? M. Crépin, dans les discussions auxquelles la ferrure podométrique donna lieu à la Société centrale vétérinaire jusqu'en 1846 où elle fut définitivement condamnée, a jugé très spirituellement le podomètre en ces termes : « Cette mesure, on peut s'en servir à la rigueur lorsqu'on a un peu de temps à perdre, mais, de bonne
foi, sans envie de blâmer, disons le mot, elle est plus embarrassante qu'utile. Qu'un maréchal l'ait dans son atelier comme une sorte de curiosité pour compléter son petit musée et quelquefois jeter de la poudre aux yeux aux amatenrs de choses inconnues, passe ! mais s'en servir tous les jours, en user pour de bon, c'est plus qu'inutile, c'est gênant ».
Et il réfute avec autant de bon sens que d'esprit les assertions de M. Riquet relativement à l'influence que la vue de la forge a sur le moral du cheval : a Dans tous les cas au lieu d'éloigner les chevaux de la forge qui les épouvante si fort, dit-on, il serait sage au contraire, de saisir l'occasion de familiariser, avec les bruits les plus insolites, des chevaux destinés à la guerre ; car s'ils redoutaient au dernier point le bruit des soufflets, le tintement des enclumes ; si les battitures enflammées, si l'aspect des ouvriers, si l'odeur de la corne brûlée, sont capables de les faire tomber en pamoison, que deviendront-ils lorsqu'ils entendront le canon et tout le tintamare même d'une petite guerre, lorsqu'ils chargeront sur des bataillons carrés vomissant à torrent, feu, flammes et fumée ? »
Depuis la discussion de 1846 à la Société centrale vétérinaire où la ferrure podométrique fut définitivement condamnée, comme nous l'avons dit, elle n'est plus qu'un souvenir historique,.
H. Boulay. — Un véritable monument élevé à la science de l'organisation et des fonctions du pied du cheval, science qui est la base de toute bonne maréchalerie, c'est l'ouvrage publié en 1851 par l'ancien inspecteur des Ecoles vétérinaires, alors professeur de clinique à l'École d'Alfort. (Traité de l'organisation du Pied du cheval, Paris 1851). Tout ce qui tient à l'anatomie et à la physiologie de l'organe principal de la locomotion du cheval y est traité d'une manière supérieure et si complète qu'on peut dire que c'est le dernier mot de la science sur ce sujet et que tous ceux qui voudront l'aborder à l'avenir ne pourront faire que le copier.
L'élasticité du sabot y est examinée sous toutes les faces et mise hors de doute, quoiqu'elle fût moins étendue que ne le croyait Bracy-Clarck.
La secrétion cornée et l'usure normale de la corne y sont démontrés avec toute la clarté désirable.
Enfin les conclusions suivantes y sont posées : « L'art du maréchal doit être de conserver au sabot l'intégrité de sa forme, essentiellement liée à celle de ses fonctions, et ce résultat on ne peut l'obtenir qu'en laissant aux barres, aux talons, à la fourchette et à la sole, toute leur force de résistance; en les protégeant sans nuire à leur action, à leur appui sur le sol, à leur souplesse, à leur flexibilité naturelle. »
Les premiers auteurs qui ont écrit sur la maréchalerie, Fiaschi et Rusé, parlent de l'encastelure ce resserrement douloureux et trop souvent incurable des talons du cheval.
Il est très probable que cette infirmité est contemporaine de l'importation germanique
FIG. 135. — Sabot normal.
du boutoir, — (évidemment dérivé du vieil allemand botzen, pousser) — instrument au moyen duquel, sous prétexte d'enlever l'excédent de corne, on creuse le dessous du pied quelquefois jusqu'au sang ; c'est ce qu'on appelle parer. Comme le boutoir n'a pas été retrouvé dans l'attirail des maréchaux gaulois et que, du reste, nous avons vu que leur pratique avait beaucoup d'analogie avec celle des Arabes, il est probable que nos ancêtres pas plus
que ces derniers, De connaissaient l'encastelure. C'est donc une conséquence de l'application de la ferrure moderne.
Dès le XVIe siècle on a cherché à remédier à l'encastelure par des ferrures que l'on peut
FIG. 136. — Sabot encastelé.
appeler orthopédique. Nous avons vu Ruini imaginer le fer à oreilles étirées à l'extrémité interne des branches et destinées à maintenir l'écartement des talons obtenu au moyen des branches des tricoises. Puis M. de la Broue inventer dans ce but le fer à pantoufle, ainsi appelé probablement, parce que le cheval, primitivement dans ces petits souliers, devait être, à l'aide de ce fer, à l'aise comme dans des pantoufles. Le fer à demi-pantoufle de M. de Belleville devait produire le même résultat.
Du temps de Gaspard Saunier on imagina le fer à crémaillère : c'est un fer à double charnière en mamelles, dont le bord interne des branches était crénelé de manière à loger les bouts d'un étrésillon que tous les jours on fai-
FIG. 137. — Fer à crémaillère.
sait avancer d'un cran ou deux vers les talons qui s'écartaient d'autant ; les quartiers intimements unis au fer par les clous suivaient forcément l'écartement imprimé aux branches.
Il est probable que ce procédé devait souvent faire éclater la corne à l'endroit de l'implantation des clous et qu'on l'a abandonnée pour cette raison.
Après l'abandon de ces différentes ferrures on traitait généralement l'encastelure par des moyens chirurgicaux ou par le fer à branches raccourcies et incrustées, dit à lunette, de Lafosse, qui donnait déjà d'assez bons résul-
Fia. 138. — Dilatateur Jarrier.
tats lorsque vers le milieu du XlXo siècle une véritable fièvre de production de fers désencasteleurs surgit de divers côtés.
Vers 1854, Jarrier, maréchal-ferrant à Blois fit connaître une ferrure particulière qu'il présentait comme de son invention et qui n'était autre que le fer à oreilles de Ruini ou le fer à pantoufle géneté de Coleman. Mais ce qui était bien de son invention c'était l'instrument à double griffe s'écartant, comme les branches d'un compas, avec lequel il écartait les talons avant d'y appliquer son fer à oreilles lequel, placé ensuite, maintenait l'écarté-
ment obtenu. Bien qu'expérimenté officiellement dans l'armée française et même approuvé, il n'en a pas moins disparu de même que ceux qui vinrent lui faire concurrence et dont nous allons parler.
Le procédé Jarrier avait le grave inconvénient de n'opérer la dilatation des talons que par à-coups et de nécessiter l'enlèvement du fer à chaque opération ; Defays, professeur à l'Ecole vétérinaire de Bruxelles, fit connaître en 1859 un procédé imaginé et mis en pratique par son père dès 1829, qui n'a aucun des inconvénients du procédé Jarrier et en a tous les avantages.
Le fer à pantoufle expansive de Defays est épais, étroit, d'une largeur uniforme sur toute sa circonférence, sauf deux points. Destiné à un pied uniformément resserré, on le rétrécit en pince et à cinq ou six centimètres des éponges lorsque les quartiers seuls sont rapprochés.
Au bout de chaque branche le contour supérieur de la rive interne porte une élévation, un pinçon solide et résistant, disposé à angle droit qui s'applique contre la face interne de la muraille des talons. Ce fer, dépourvu d'ajustuie, étampé à l'anglaise et très gras porte son dernier clou le plus loin possible des éponges.
Une condition essentielle c'est qu'il soit forgé en métal de première qualité afin de supporter à froid et sans se rompre un élargissement forcé à l'aide d'un étau dilatateur. Les deux points offrant le moins de résistance ont pour
objet de le faire céder en pince ou en quartiers lorsque l'étau est mis en activité. L'épaisseur de ce fer, l'absence d'ajusture, sa résistance qui n'est pas égale partout le différencient des fers génetés ou à pantoufles connus, il ne
FIG. 139. — Ferrure Defays.
touche point à l'arc-boutant et n'exige point la dessolure; ses effets sont combinés avec la conservation des talons.
Pour appliquer ce fer de même que pour appliquer les fers à pantoufle ou à demi-pantoufle, voici comment M. Defays fait préparer le pied : on ne touche aux talons que pour les mettre au même niveau ; c'est donc l'interne qu'il faut légèrement parer ; la sole et les arcsboutants sont amincis au point de céder à une pression du pouce. Le pied se trouve ainsi placé dans la condition reconnue être la plus
favorable à la production de l'encastelure ; mais, comme la circulation s'en trouve facilitée, et par conséquent la nutrition du coussinnet plantaire, dont l'atrophie persistante forme un obstacle permanent à la guérison il
FIG. 140. — Étau dilatateur Defays.
est indispensable de ne rien négliger afin de ramener l'état normal. Le pied ainsi préparé, si on lui applique le fer à pantoufle ou à demipantoufle, on obtient inévitablement au bout de quelques mois l'écartement des talons, surtout si on combine cette ferrure avec le travail et l'humidité qui en favorisent l'actioD. Le fer à pantoufle expansive a sur les précédentes l'avantage de réaliser plus promptement les
effets désirés, soit dans l'encastelure complète, soit dans le simple resserrement des talons ; il devient indispensable lorsque le mal est ancien et accompagné de claudication ; il ne rencontre qu'une seule contre-indication et encore est-elle du fait de l'homme : le pied dont les talons ont été abattus n'offre point de prise à son action. Dans le placement du fer, les deux pinçons solides et résistants du bord supérieur de la rive interne des éponges viennent appuyer contre la face interne des quartiers sans exercer une pression. Le fer fixé (fig. 139) commence le rôle de l'étau dilatateur.
Cet instrument (fig. 140) représente, au volume près, un étau dont on aurait retourné les mâchoires qui s'écartent au lieu de se rapprocher. Il est formé de trois pièces principales : une vis et deux mâchoires. La vis a une longueur de quinze centimètres et un diamètre de deux centimètres ; elle se termine d'un côté par une tête qui reçoit un levier mobile, de l'autre elle tourne follement dans un des mors de l'étau. Ces mors, dont l'un fait écrou et porte le manche, présentent chacun une saillie de deux centimètres qui s'applique contre la rive interne des éponges.
Les deux mors de cet étau introduits entre les éponges du fer, on tourne la vis lentement jusqu'à ce que les branches se soient écartées de 8 à 9 millimètres, puis à l'endroit ou aux endroits qui doivent céder on porte sur la rive externe du fer des coups secs de bro-
choir, jusqu'à ce que l'étau tombe sans desserrer la vis.
Au bout de trois ou quatre jours on dilate de nouveau ; l'écartement est porté à 4 ou 5 millimètres. Il faut qu'il soit inférieur au premier parce que le contact, moins parfait entre les reliefs des éponges et la muraille, a permis une plus forte dilatation en ne produisant pas un effet plus considérable. Ces dilatations continuées de quatre en quatre jours sont favorisées par l'application de cataplasmes émollients chez des chevaux auquels la douleur et la claudication rendent le séjour à l'écurie forcée. Les autres sont soumis au travail et ne reçoivent des cataplasmes que pendant le repos ; ou bien encore on leur donne du vert en liberté dans une prairie humide.
La durée de la cure est d'un mois en moyenne.
Le procédé de Watrin, alors vétérinaire au 3e lanciers, publié en 1863, consiste dans l'emploi d'un fer qui n'est autre que le fer de Ruini, de Coleman, de Jarrier, ou même de Defays dont les pinçons, au lieu d'être verticaux sont inclinés de manière à représenter exactement la demi-pantoufle. De plus on opère tous les deux ou trois jours un écartement forcé des branches avec une sorte de dilatateur en fer en forme de coin sur lequel on agit au moyen d'une forte vis. Le résultat était le même que dans len cas précédents.
Comme on voit c'était de l'orthopédie forcée. Les succès de la ferrure CharJier dont
nous allons parler firent abandonner les ferrures orthopédiques, Jarrier, Defays et Watrin.
Charlier, vers 1863, préconisait, sous le nom de ferrure périplantaire, un système de ferrure qui réalisait mieux que tout autre les conditions posées par le maître H. Bouley : « Conserver au sabot l'intégrité de sa forme essentiellement liée à celle de ses fonctions et, pour cela, laisser aux barres ou arcs-boutantf, à la fourchette et à la sole toute leur force de résistance et les protéger sans nuire à leur action, à leur appui sur le sol, à leur souplesse, à leur flexibilité naturelle. »
De toutes les ferrures connues jusqu'à présent, c'était la ferrure Lafosse qui réalisait le mieux ces conditions et nous devons dire, pour être juste, que la ferrure périplantaire n'est qu'une très légère modification du croissant enclavé de cet auteur. Dans celui-ci, une mince couche de la paroi est conservée et cache le fer extérieurement ; dans le système Charlier, cette mince couche n'existe pas ; voilà toute la différence, car, dans l'une comme dans l'autre ferrure, la sole, la fourchette et les barres sont scrupuleusement respectées et font autant que possible leur appui sur le sol.
La ferrure périplantaire consiste essentiellement dans l'application méthodique d'une petite barre carrée, de fer ou d'acier, contournée en fer à cheval, plus épaisse en pince et en mamelles qu'en quartier et en talons, sur-
tout à sa branche externe, de la largeur à peu près de la muraille à sa face supérieure et percée de 4 à 6 trous-étampures, ou trous coniques, s'élargissant de dessus en dessous (fig. 141).
Ce petit fer léger s'incruste, en quelque
FIG. 141.
sorte, dans une entaille, ou feuillure, pratiquée au bord inférieur de la muraille, et y est fixé au moyen de petits clous anglais à lame très déliée plantés à la manière des clous ordinaires (fig. 142).
C'est, en un mot, une bordure artificielle métallique, remplaçant le bord inférieur de la muraille et lui donnant une solidité, une consistance lui permettant de résister à l'usure produite par la dureté des chemins.
Le cheval qui en est pourvu — à part les premiers jours de la première application, où il parait quelquefois un peu gêné — marche avec aplomb, légèreté, grâce, souplesse et gaîté; toutes ses allures, en un mot, indiquent
qu'il se trouve plus libre qu'avec la ferrure ordinaire ou sousplantaire. Comme le fer Lafosse, il empêche de glisser, même sur le verglas, et les chevaux ne se bottent ni dans la neige ni dans la terre argileuse. Enfin, elle dure autant que la ferrure ordinaire.
FIG. 142.
Pour appliquer cette ferrure, les instruments sont les mêmes que pour la ferrure ordinaire, le boutoir seul diffère. Ce boutoir est plus étroit, avec des bords relevés à angle droit de 12 millimètres de hauteur (fig. 143), est pourvu d'un guide régulateur placé en long dans son milieu à la face inférieure de la lame, de manière à donner de chaque côté une largeur proportionnée à l'épaisseur de la muraille qu'on veut disposer à recevoir le fer.
Ce boutoir ne sert absolument qu'à pratiquer la feuillure destinée à recevoir le fer; la
sole, la fourchette, les arcs-boutants ne devant jamais être parés. Il peut être remplacé par une renette plate à guidon double ou simple.
FIG. t43.
Le fer à employer doit être de première qualité; on le prend en barres de 20/15 millimètres pour les grands fers et en barres de
FIG. 144.
15/10 millimètres pour les plus petits. Un ouvrier seul peut les confectionner, car on ne les contreforge pas. Il faut avoir soin, en le bigornant, de lui donner sur sa face externe l'inclinaison naturelle de la muraille qu'il est destiné à prolonger.
Pour appliquer la première ferrure, il faut attendre que le cheval soit vieux ferré, afin que la sole ait acquis l'épaisseur qu'on lui enlève ordinairement. On le déferre avec précaution pour ne pas faire éclater la corne et de deux pieds à la fois seulement, en diagonale.
FIG 145.
Puis on abat, avec une rape ou un rogne-pied, l'angle du bord inférieur de la muraille (fig. 144), de manière à faire un chanfrein ou biseau, sur lequel on pratique, avec le boutoir à guide, la feuillure qui doit recevoir le fer (fig. 145).
Cette feuillure doit être un peu moins profonde que l'épaisseur de la sole en ayant soin de s'arrêter sur la zone ou ligne blanche qui marque cette épaisseur en dedans du trajet des anciens clous.
On place le fer, qui doit avoir exactement la tournure du pied, dans cette feuillure et on l'y fixe avec les petits clous dont nous avons parlé, comme dans la ferrure ordinaire.
Dans des bons pieds, forts de muraille, la ferrure Charlier est facile à appliquer. Dans les pieds délicats, à muraille étroite, à sole mince, le maréchal a besoin de prendre les plus grandes précautions pour ne pas blesser les parties vives.
Après plusieurs ferrures, l'application du fer Charlier devient de plus en plus facile. La sole à laquelle on n'a pas touché s'écaille en larges plaques et devient très résistante ; les talons s'écartent et la fourchette prend de la force et du volume, en sorte que cette ferrure est un véritable désencarteleur et favorise le développement du pied par une véritable gymnastique de ses éléments, lesquels s'atrophient par l'inaction.
« Il semblerait, a dit M. H. Bouley en parlant de la ferrure Charlier, que cette incrustation est quelque chose de monstrueux, qu'elle sépare des parties qui doivent être fortement unies, la paroi et la sole, et qu'elle s'approche trop des parties vives. Eh bien, non, la feuillure ne va pas plus profondément que le rognepied dans le parage ordinaire; c'est la sole exhubérante qui la fait paraître ainsi; en sorte qu'il n'y a guère de différence entre une ferrure ordinaire étroite et une ferrure incrustée que cette grande épaisseur de sole et de
talons qui sont laissés intacts pour le plus grand bien du cheval. »
Malgré les avantages incontestés et même les grands succès de la ferrure Charlier, qui fut même généralisée pendant quelque temps comme ferrure de luxe, elle n'en finit pas moins par être délaissée et par disparaître.
Nous croyons que c'est parce qu'elle exigeait de la part du maréchal plus d'intelligence et d'adresse que la ferrure ordinaire ; elle a donc été victime de la médiocrité des ouvriers et de la routine.
Les ferrures à glace françaises.— En 1874, au ministère de la guerre de France on pensa à doter l'armée d'une bonne ferrure d'hiver, d'une ferrure à glace pouvant être utilisée dans des pays plus froid que la France et dont on pourrait faire des approvisionnements importants. Cette question fut mise au concours et un grand nombre de vétérinaires envoyèrent au ministère des ferrures d'hiver de leur invention. Des expériences furent instituées, d'abord dans les régiments d'artillerie de Vincennes, puis dans les régiments de cavalerie en province, et enfin après 15 ans (1) d'attente, de discussions, de tergiversations, une ferrure à glace fut adoptée.
Nous lisons en effet dans la Revue du Cercle militaire du 8 décembre 1889 : « Les expériences faites pendant l'hiver de 1888-89, par les régiments de cavalerie, dans le but d'apprécier le meilleur des nombreux
systèmes de ferrure à glace proposés, ont fait ressortir manifestement la supériorité du crampon en acier à vis tronc-conique et à tête carrée.
« Le ministre, a, en conséquence, décidé, sur la proposition du Comité technique de la cavalerie, que ce système sera, à l'avenir, le seul employé pour la ferrure à glace des chevaux dans les corps de cavalerie.
« La tête ou partie saillante du crampon aura, suivant les armes, de 13 à 15 millimètres de hauteur.
« La tige filetée du tenon doit avoir un diamètre uniforme de un centimètre. La longueur de cette tige variera de 8 à 10 millimètres, suivant les armes.
« Le pas de vis aura 2 millimètres de hauteur.
« Il ne sera placé que deux crampons à chaque pied.
« Les huit crampons dont chaque cavalier sera muni seront placés dans la poche à fer. »
C'est certainement grâce à la persévérance et à l'insistance de notre confrère, feu M. Decroix, ancien vétérinaire principal de l'armée, que ce résultat fut obtenu ; les brochures, les démarches pour faire exécuter des expériences sérieuses, rien ne lui coûta pour atteindre un résultat que son patriotisme lui faisait considérer comme nécessaire et devant être atteint à tout prix.
De notre côté, depuis plus de vingt ans, nous soutenions la même thèse de la supériorité du
système du crampon à vis sur tous les autres systèmes de ferrure à glace et nous avons aidé M. Decroix de tout notre pouvoir.
Voici ce qu'on lit, en effet, dans le numéro du 7 février 1887 de l'Eleveur : Dans tous les pays du Nord, la ferrure vulgaire des chevaux est à crampons pendant toute l'année, c'est-à-dire que l'extrémité de chaque branche du fer est coudée à angle droit de manière à former sous chaque talon une petite saillie de deux centimètres environ, qui est très utile, pour empêcher les glissades, dans les chemins montueux et sur les terrains glaiseux.
L'habitude de cette ferrure à crampons existe même de temps immémorial dans nos provinces du Nord-Est et de l'Est : en Lorraine, des deux côtés des Vosges, en FrancheComté et en Dauphiné.
Lorsque l'hiver, qui est toujours très sérieux dans les pays d'outre-Rhin et dans ceux dont nous venons de parler, annonce sa venue, on met à tous les chevaux des fers neufs à forts crampons, qui sont munis en plus d'un troisieme crampon en pince, qu'on appelle grappe et qui est constituée par une pièce en acier soudée à chaud — c'est d'habitude un morceau d'une grosse lime usée.
Nous représentons (fig. 146) un fer allemand à crampons et à grappe vu de face et vu de profil; on voit que la saillie que forme la grappe en pince est la même que celle que
orment les crampons de l'extrémité des branches.
Dans certains pays, en Hongrie par exemple, le crampon de la branche interne est longi- tudinal, au lieu d'être transversal comme l'autre, et c'est certainement une excellente
FIG. 146.
condition pour éviter les glissades dans le sens latéral. (Nous donnons plus loin la figure d'un de ces fers).
Ces fers, sur un terrain continuellement glacé ou couvert de neige, ne s'usent pas; les crampons et la grappe seuls s'arrondissent et leur efficacité comme grappins diminue; aussi, à chaque mois, quand on relève les fers, ce qui est indispensable pour pouvoir rogner la corne qui s'est allongée pendant ce temps, on rafraîchit les crampons et les grappes eu les rebattant à chaud et en rétablissant leur saillie et le vif de leurs angles, nous avons vu, à des chevaux hongrois arrivant en France
dans nos régiments, des fers dont les crampons et la grappe avaient été ainsi rebattus de manière à leur donner la forme de coins et une saillie de plus de quatre centimètres.
En Autriche et en Russie, dans les corps de troupes à cheval de la ligne, les chevaux sont
Fia. 147.
ferrés comme nous venons de le dire, mais, dans les corps de la garde les fers des chevaux ne sont pas à crampons fixes, mais ils portent des trous, taraudés qui permettent de leur adapter des crampons à vis quand les chemins sont mauvais : chaque cavalier porte dans une petite poche ad hoc une provision de crampons à vis (fig. 147) qu'au moyen d'une petite clef il place au moment
du besoin. Le trou taraudé, qui est pratiqué d'avance sur le fer destiné à être fixé au pied du cheval pendant l'hiver, est protégé contre la boue ou le gravier qui pourraient s'y introduire, par un crampon à vis à tête plate et carrée (1) ; lorsque les chemins sont glacés on remplace le crampon à tête plate par un crampon à tête pyramidale beaucoup plus
(1) Nous nous sommes assuré qu'on peut très bien remplacer ce crampon à tête carrée par un morceau de liège ou un peu de crottin qu'on introduit dans le trou taraudé et qu'on enlève facilement ensuite avec la pointe d'un clou.
efficace. Dans des expériences officielles faites en France et exécutées par des commissions dont nous faisions partie, il a été surabondamment démontré que la ferrure à crampons à vis est la plus solide et la plus efficace en cas d'hiver très rigoureux. On n'a jamais eu qu'un reproche à lui faire : c'est d'être un peu plus coûteuse que le simple clou à glace. Mais dans les pays où elle est généralisée pour les chevaux de luxe et de voitures publiques, comme à Vienne, à Moscou, à Saint-Pétersbourg, à Berlin et même dans nos villes du Nord comme Lille et Méziéres, son prix devient une considération très secondaire en raison des services considérables qu'elle rend et qu'aucune autre ne pourrait rendre comme elle. En un mot, c'est la ferrure idéale des pays froids.
La Ferrure Delperrier. — En signalant plus haut le système de ferrure à glace qui a été adopté pour les corps de troupes à cheval de l'armée française, nous avons parlé du concours qui précéda son adoption. Un des concurrents fut M. Delperrier dont la ferrure était très intéressante et qui fut adopté par la pratique civile. Voici pourquoi : Dans la plus grande partie de la France et à Paris surtout, nous n'avons généralement pas d'hiver rigoureux ; les hivers sérieux se comptent, et ceux de 1871 et 1878, sont des exceptions qui, heureusement, ne se présentent pas souvent; c'est pourquoi on ne prend pas,
d'habitude, de précautions, au point de vue de la ferrure des chevaux, contre les chemins couverts de neige ou de verglas. Aussi, il arrive souvent qu'à Paris la chute inopinée d'un paquet de neige, ou la formation brusque
FIG. 148
d'une couche de verglas dans les rues, met tout le monde à pied : les chevaux de fiacres et d'omnibus sont obligés d'aller au pas, avec mille précautions, conduits par la figure par leurs conducteurs, et les voyageurs sont forcés de regagner pédestrement leur domicile; mais la circulation ne tarde pas à se rétablir grâce aux clous à glace que tous les maréchaux de la capitale, mis en réquisition, s'empressent d'appliquer aux pieds des chevaux.
Le clou à glace ne diffère du clou à cheval ordinaire (fig. 148 — 1) que par le volume et la
forme de sa tête qui est anguleuse ou carrée et deux fois plus saillante que celle de ce dernier (fige 148 — 2 et 2').
Pour le placer on dérive et on arrache deux clous en pince et deux clous en talon et on les remplace par des clous à glace que l'on rive à la même place.
La saillie que forme la tête du clou à glace, agit comme un véritable crampon et donne au cheval toute la sûreté d'appui désirable sur un sol couvert de neige ou de verglas ; mais comme la couche de neige ou de verglas n'est jamais bien épaisse dans nos rues, la tête des clous à glace est fréquemment en contact avec le pavé ou le macadam et s'use rapidement : aussi l'efficacité du clou à glace ne dure guère qu'une journée et on est obligé de le remplacer le lendemain.
Ces remplacements fréquents de clous à glace ne se font pas s'en altérer gravement le sabot, ils entraînent des délabrements de la paroi et finissent par rendre le pied dérobé.
(On dit, en terme de maréchalerie, qu'un pied de cheval est dérobé quand la partie de la corne où l'on fixe les clous s'est détachée par éclats et qu'il y a impossibilité d'y planter de nouveau des clous). C'est un défaut très grave; car le fer n'a plus de solidité et le cheval est exposé à marcher pieds nus, à s'user la corne jusqu'au vif, à se blesser et à être rendu inca- pable de tout service pendant un temps plus ou moins long, c'est-à-dire jusqu'à ce que les pieds se soient recouverts d'une corne solide,
ce qui ne va pas vite étant donné que la poussée, ou l'avalure de la corne d'un sabot de cheval, n'est que d'un centimètre par mois.
Frappé de ces inconvénients, un vétérinaire ingénieux, M. Delperrier, imagina de disposer
FIG. 149.
obliquement les étampures du fei destinées à recevoir les clous à glace (fig. 149 A. B C. D.) de manière que la tige de ces derniers, au lieu de s'enfoncer perpendiculairement au plan du fer et de pénétrer dans la corne, vienne au contraire affleurer au bord du fer sur lequel on la rive solidement. De cette façon on peut remplacer indéfiniment les clous à glace (fig.
148 — 3) sans jamais intéresser la corne ; le sabot reste par conséquent toujours intact, ne se dérobe jamais et le fer, lui, est toujours solidement attaché (fig, 150).
Le remplacement des clous à glace usés peut se faire par le cavalier, s'il s'agit d'un cheval monté, ou par le cocher s'il s'agit d'un cheval attelé : il suffit que l'homme de cheval •ait une provision de clous à glace, une tricoise
FIG. 150.
et un marteau dans la caisse de sa voiture ou dans une poche ad hoc fixée à la selle. Deux fers de rechange ou même deux cailloux peuvent, dans les mains d'un homme adroit, remplacer les outils de maréchalerie dont nous parlons.
La ferrure Delperrier est excellente comme ferrure à glace et parfaitement suffisante dans les contrées où l'hiver est généralement doux comme le centre, le midi et l'ouest de la France, et surtout dans des villes comme Paris, où la neige dure peu, grâce au sel marin qu'on répand à profusion sur la voie et aux armées de balayeurs doût dispose le service de la voi-
rie ; mais dans les pays où l'hiver est sérieux et où, pendant plusieurs mois, d'épaisses cou- ches de neige battue couvrent les rues et les chemins, cette ferrurre est insuffisante : il faut alors des fers à forts crampons saillants, soit soudés au fer, soit fixés par des vis, et qu'aucun clou rivé ne peut remplacer.
C'est ce qu'on a fini par comprendre en haut lieu après bien des années de tergiversations.
Dans ces derniers temps M. Delperrier, frappé du peu de résistance que présente le clou à glace ordinaire malgré son application d'après sa méthode, a pensé à le remplacer par un clou d'une autre forme, à tête crénelée qui assure à ce clou-crampon une adhérence au sol beaucoup plus grande, ainsi que l'usage l'a démontré (fig. 151).
Ces nouveaux crampons-Delperrier sont faits avec un acier préparé spécialement et dont la composition permet d'obtenir une tête très dure en même temps qu'une rivure très solide ; au lieu de s'arrondir à l'usage comme les têtes pointues ou tranchantes, les crénelures s'écrasent, s'écartent, ce qui assure l'efficacité du crampon tant qu'il n'est pas usé à ras du fer.
La pose de ces clous-crampons est très facile : il suffit, aux approches de l'hiver, de faire pratiquer par le maréchal, au moyen de l'étampe oblique (fig. 152), quatre étampures obliques disposées comme il est dit plus haut. Cette opération doit être faite avec soin, car c'est elle qui assure le bon fonction-
FIG. 151.
nemeut de la ferrure ; les propriétaires devront y veiller de tout près et se méfier de
h mauvaise volonté de certains maréchaux à l'égard d'un sys- tème, suivant eux, trop facile à pratiquer, une fois les étampures faites. En effet, pour placer les clous-crampons, il suffit de les mettre à fond dans l'étampure et de river l'extrémité de la tige sur le fer, ce qu'on obtient avec le premier marteau venu et au besoin même avec un morceau
FIG. 152.
de fer quelconque, un caillou, mais surtout avec l'outil imaginé par M. Delperrier qui contient à lui seul tous les outils du
maréchal : les tricoises, le brochoir, le rogne pied, le débouchoir et jusqu'à une rape : c'est une tricoise dont les branches s'assemblent sans être rivées, qui se séparent à volonté et qui, dans cet état, représentent tous les outils en question (fig.
153). Les voituriers, les domestiques, les propriétaires pourront renouveler eux-mêmes les clouscrampons pendant tout un hiver sans crainte d'endommager le pied du cheval, puisque la tige ne pénètre pas dans la corne.
FIG. 153.
Ferrure concave ou prismatique de COUSIN-
THARY. — Le fer Cousin-Thary est de coupe triangulaire. Sa face supérieure est plus ou moins oblique (ou à pantoufle légère) ou plane suivant la conformation de la sole. Sa face inférieure est en biseau d'une rive à l'autre.
Les étampures obliques sont plus ou moins rapprochées des rives suivant la direction et l'épaisseur de la paroi et le degré de concavité de la sole. En nombre pair suffisamment éloignés de la pince, également distantes entre elles, les dernières au milieu de chaque branche, ces étampures sont carrées, ou rectangulaires suivant le clou que l'on veut employer.
Celui-ci est donc le clou ordinaire à long collet, approprié au fer, à l'épaisseur et à la consistance de la paroi. Les étampures doivent être largement débouchées pour que le collet du clou ne soit scié, ni coupé par la contreperçure par suite du jeu du sabot sur le fer. Les éponges sont arrondies et biseautés (fig. 154).
Avantages de ce fer d'après les auteurs. — « Ce fer offre un appui rationnel au sabot, car il est parrallèle à la face plantaire de l'os du pied, maintient la paroi et la sole dans leur direction normale et favorise l'élasticité propre de ces régions et des tissus intra-cornés. Il prévient ainsi et guérit l'affection la plus fréquente et la plus tenace du sabot : l'encas- telure.
« Il assure au pied une grande stabilité sur toutes les routes et en toute saison, permettant l'utilisation complète de toutes les forces du cheval. Le bord saillant du fer représen-
FIG. 154.
tant un crampon circulaire, s'accroche comme une griffe aux aspérités de la route ou au sillon qu'il trace. Il prévient donc les glissades et toutes leurs conséquences. Il est d'une grande légèreté, à épaisseur et largeur égale, ce fer renferme moitié moins de matière que le fer usuel.
« Il n'use pas plus vite. En acier doux, demandant à être moins chauffé que le fer ordinaire pour être travaillé utilement, il tient le sol aussi longtemps que le fer de coupe rectangulaire actuel, plus lourd et plus glissant. Cette légèreté est des plus favorables au pied et au cheval. Les étampures situées sur un plan plus élevé que l'appui, donnent abri à la tête des clous contre les heurts, et restant intactes, sont propres à recevoir au besoin des clous à glace qui sont eux-mêmes protégés contre les chocs.
« Les clous sont brochés sans crainte d'accident par l'ouvrier le plus inhabile, l'homme le plus inexpérimenté. Tout conducteur, tout cavalier, tout propriétaire pourra au besoin ferrer à froid son cheval ou ses chevaux avec la plus grande aisance. »
Malgré tous les avantages de ce fer qui, nous en sommes certain, est un excellent fer d'hiver et un très bon désencasteleur, il ne parait pas s'être généralisé ; sa vogue a été très courte et s'est borné aux réclames que lui ont faites ses auteurs. Est-ce parce qu'il usait plus que ne le disent ces derniers, ou parce qu'il heurtait des idées reçues ?
Fer Pichard (dit le zèbre). — Il y a quatre ans, M. Pichard, vétérinaire à Paris, présentait à la Société des sciences vétérinaires de Lyon, un fer de son invention qui a l'apparence d'un fer ordinaire étroit et épais, mais qui est creusé à sa face inférieure d'une profonde rigole ne laissant sur les côtés et au fond de cette rigole qu'une épaisseur de fer de trois millimètres (fig. 155 A) d'où une très grande légèreté à cause de la petite quantité de métal que ce fer comporte. La rigole a pour but de recevoir une quantité de petits carrés de cuir épais, découpés à l'emporte-pièce sur des rognures de cuir à semelles, et empilés sur champ après avoir été imbibés de goudron de Norvège (fig. 155 B). C'est précisément la couleur alternant du noir et plus clair, de ces petits carrés de cuir, faisant un effet plus ou moins analogue à la robe du zèbre, qui a engagé M. Pichard à donner à son fer le nom de cet animal.
La fig. 155 A représente le fer brut tel qu'il sort de la fabrique. On débouche à chaud les trous à clous avant de placer les carrés de cuir, et on imprime le trajet des clous à travers le cuir, au moyen d'une tige de fer ayant la dimension d'une lame de clou, et chauffée à blanc, que l'on fait traverser la pile de cuir de dedans en dehors.
Cette pile de cuir — (on peut lui donner ce nom, car elle ressemble à une pile de Volta tournée en arc) est la partie la plus utile de la ferrure : c'est elle qui a le plus de contact
FIG. 155.
avec le sol et le plus d'adhérence, qui empêche toute glissade et retarde l'usure du fer qui se règle sur sa propre usure.
Malgré toutes ses qualités le nouveau fer de M. Pichard ne pouvait être modifié dans sa
FIG. 156.
tournure sur la bigorne de l'enclume, comme on le fait pour le fer ordinaire et comme il est nécessaire de le faire si l'on veut que le fer soit fait pour le pied. Ses rebords et son fond, épais seulement de trois millimètres n'eussent pu sans se déformer ou s'aplatir, supporter les coups de marteaux pour le mettre à la tournure voulue. M. Pichard a donc, dû chercher et imaginer des appareils mécaniques qui fussent à même de faire ce que la volonté et la main de l'ouvrier ne pouvaient faire.
Il y est arrivé au moyen de deux appareils spéciaux : un podomètre et un conformateur de son invention.
Le Podomètre Pichard est composé de huit branches métalliques rayonnantes, articulées
FIG. 157.
sur une monture et sur chacune desquelles un curseur à pointe peut se mouvoir (fig. 156).
Avec ce podomètre, placé sur le pied de manière que son centre corresponde au centre du pied, les curseurs venant tous en contact avec le pourtour du bord plantaire du sa-
bot, on arrive à prendre une empreinte exacte de ce bord plantaire, que l'on imprime sur une feuille de carton en y plaçant le podomètre et en appuyant légèrement sur chaque curseur dont la pointe fait un petit trou (fig.
157); on n'a plus qu'à découper la feuille de carton en suivant la ligne des points pour avoir un patron exact du fer qui convient au cheval.
Pour donner au fer le zèbre, la tournure exacte du pied dont on a pris le patron à l'aide du podomètre, M. Pichard, s'inspirant sans doute du conformateur des chapeliers, a construit un conformateur hippique qui est une puissante machine constituée par huit charriots glissant sur une table de fonte, véritable étau à huit mâchoires entre lesquelles on place le patron en carton pour marquer l'arrêt de leur course, puis qu'on remplace par le fer, et, en un tour du volant de la machine, ce fer est comprimé sur tout son pourtour et prend exactement la conformation du patron qui le précédait à la même place, et, par suite, la conformation du pied du cheval à ferrer; en même temps qu'un véritable sertissage de la pile de cuir est opérée qui la fixe dans sa rainure d'une manière indélébile.
La ferrure le zèbre et les machines qui servent à la confectionner sont très ingénieuses ; nous espérons avoir fait comprendre leur mécanisme tout en étant bref comme nous y oblige le présent travail. Malheureusement les frais de ce matériel sont élevés et le fer le zè-
bre est une véritable ferrure de luxe qu'on ne peut donner au même prix qu'une ferrure ordinaire malgré ses avantages. Les avantages de ce nouveau fer sont les suivants, d'après l'inventeur : « 1° Il supprime l'usage des caoutchoucs de toutes sortes appliqués aux chevaux dans le seul but de les empêcher de glisser. Il pèse 500 grammes de moins par pied que le fer ordinaire muni d'un caoutchouc dit pneumatique, ce qui donne pour les quatre pieds une différence de deux kilogrammes en sa faveur.
En laissant le pied à l'air libre, il supprime l'échauffement de la fourchette occasionné par les caoutchoucs pendant la durée du séjour sur la litière.
« 2* Etant toujours posé à froid, soit à la forge, soit à l'écurie, il offre tous les avantages de la ferrure à froid, tout en ayant la coaptation parfaite de la ferrure à chaud et toute sa solidité.
« 3° Quelles que soient les alternatives de sécheresse et d'humidité, il reste solidement fixé par les clous du sabot pendant toute la durée de la ferrure, sans qu'il soit besoin de resserrer les rivets qui ne s'allongent jamais sur la paroi.
« Avec lui plus de chevaux déchirés par des rivets redressés, plus de fers qui clochent.
CI 4° Le fer « le zèbre » dout la garniture, au sortir de l'écurie, s'imprègne aussitôt de sable, de poussière ou de terre, donne par ce fait, à l'usure, un frottement analogue à celui
d'un chiffon humide, serré et sablé; il est merveilleux pour empêcher les glissades aux chevaux qui travaillent aux allures vives sur le sol dur et glissant des villes, quelle qu'en soit la nature (pavé de pierre, de bois, d'asphalte) et son degré de sécheresse et d'humidité.
« 5° Il donne aux chevaux qui le portent l'assurance de leur sécurité ; il ménage leurs tendons et leurs articulations et prévient, par suite, leur usure prématurée.
« 6° Par la grande souplesse de sa structure et principalement par celle de ses branches et éponges qui, pendant son usure, se relèvent progressivement par leur rive interne en véritables pantoufles expansives, au-dessus du vide des arcs-boutants, ce fer devient le plus rationnel et le plus sûr des fers désencasteleurs.
« 7° Le fer « le zèbre » existe pour tous les services d'attelage et de selle, en tous modèles, en toute pointure et en trois calibres différents, pour toutes formes et toutes natures de pied et pour tous défauts d'aplombs.
« 8° La durée moyenne de son usure est égale à celle du fer ordinaire de poids moyen ; son prix de revient est inférieur à ce dernier avec ses caoutchoucs. »
Nous ajouterons que le patron étant conservé et étiqueté, la ferrure peut être renouvelée quelle que soit la distance où se trouve le cheval, fût-il au bout du monde.
Nous voulons terminer notre Histoire de la ferrure du cheval par les figures de quelques spécimens de fers étrangers que nous avons pu nous procurer et qui font partie de notre collection et par des renseignements qui nous arrivent à l'instant où nous écrivons ces lignes, sur la ferrure réglementaire russe.
FIG. 158. — Fer à cheval hongrois.
Rapporté par des chevaux de remonte arrivés de Hongrie, au 12e d'artillerie, à Vincennes, en 1880.
Dimensions 13/11,3 centimètres. hauteur de la grappe et des crampons 2 cent. 5; pas de pinçons. De ces derniers, l'un est longitudinal, l'autre transversal.
FIG. 159. — Fer russe de la Wolhynie.
Rapportés par des poneys reçus par Heymann, marchand de chevaux, à Paris, et détachés en malprésence pour être remplacés par des fers français.
Dimensions 12/10,centimètres ; forte grappe et forts crampons, l'un pointu, l'autre longitudinale hauts de 2 cent. 5; pas de pinçons.
FIG. 160. — Fer russe de Tambow.
Don de mon confrère Blanc-Percheron (1900).
Dimensions 15/15 centimètres ; hauteur de la grappe et du crampon, tous deux longitudinaux, 0,35 ra/m ; pas de pinçons, étampures faites à la tranche.
FIG. 161. — Fer turco-syrien.
Apporté par des pur-sang arabes venus de Syrie à l'Exposition universelle de 1900, et referrés à Paris à la Française, après leur vente.
Dimensions 13/11 centimètres.
FIG. 162. — Fer arabe du nord de l'Afrique.
Provenant de chevaux barbe de la remonte d'Algérie venus en France.
Dimensions 10110 centimètres.
FIG. 163. — Fer de course américain.
Ne diffère des fers de course français que par l'existence d'une grande grappe longitudinale aux fers de derrière.
Dimensions 11 cent. 5/12 centimètres, largeur 4 œ/m; clou très petit.
FER RÉGLEMENTAIRE RUSSE
Dans tous les corps de troupe à cheval de l'armée russe, artillerie, train et cavalerie — à l'exception de la cavalerie irrégulière qui continue l'usage de la ferrure vulgaire représentée dans nos fig. 159 à 160) — il existe une ferrure réglementaire et uniforme depuis 1893.
Les études préparatoires pour l'adoption de cette ferrure furent faites dans l'artillerie et ce fut le capitaine B. de Gontscharoff (aujourd'hui colonel) qui en fut chargé. Le résultat en a été consigné dans une brochure imprimée d'une vingtaine de pages, accompagnée de neuf grandes planches où les fers sont figurés au trait, de grandeur naturelle, et les mesures les plus minutieuses y sont indiquées. Cette brochure, dont nous possédons un exemplaire grâce à l'amabilité de M. le colonel de Gontscharoff lui-même, est devenue le règlement auquel tous les maréchaux sont astreints aussi bien que les fabricants, car tous les fers à cheval pour l'armée sont fabriqués à la mécanique dans des usines spéciales, et il en existe en magasin des approvisionnements considérables.
A part les différences de taille — (ces tailles sont au nombre de six depuis les plus petites aux plus grandes) — tous les fers sont d'un même modèle, dans lequel on a cherché à réunir la plus grande légèreté et la plus grande résistance.
Nous donnons ci-contre (fig. 164 A) la figure
d'un de ces fers calqué sur la première planche de la brochure-règlement et que nous avons réduit de moitié, c'est un fer de devant pour un petit cheval de selle. Il est aminci — (ce que nous appelons ajusté) — sur les deux faces supérieure et inférieure (fig.
164 B). L'ajusture supérieure est tout à fait celle du fer anglais, dit à siège, de Coleman; l'ajusture de la face inférieure rappelle celle du fer à pantoufle français atténuée (fig.
164 C). Le fer russe a sa plus grande épaisseur, c'est-à-dire sa plus grande résistance, en trois points : en pince et aux éponges (fig. 164 D) ; là existent trois trous taraudés pour y fixer au besoin des crampons à vis (fig. 165 E F); pendant l'été, lorsque les crampons sont inutiles, leur place est occupée par une sorte de crampon à tête plate, non pointue, qui est là pour maintenir intacts les trous taraudés.
Les étampures et les clous d'attache sont les étampures anglaises ou allemandes, c'està dire que les contre-perçures sont pratiquées au fond d'une rainure ; elles sont au nombre de huit.
Les fers à crampons fixes existent encore pour les chevaux de gros trait, mais pour le reste, ces derniers sont en tout semblables aux autres.
FIG. 164.
Fer à cheval réglementaire des troupes à cheval russes.
FIG. 165.
Taraud et crampon réglementaires.
ADDENDA
LES FERRURES CORÉENNES ET CHINOISES Par H. BARASCUD
Du rapport de M. le vétérinaire principal Barascud, chef du service vétérinaire pendant la dernière expédition de Chine, nous extrayons la description curieuse et inédite des ferrures coréennes et chinoises.
Le fer coréen, aussi large que long, est découpé dans une feuille de tôle de 2 mm. d'épaisseur ; sa rive externe est refoulée et repliée de dessus en dessous de façon à former un crampon circulaire, mesurant de 6 à 7 mm. de hauteur en pince et allant en diminuant progressivement jusqu'aux éponges. La couverture, très accusée en pince, va en s'atténuant jusqu'aux éponges qui sont pointues.
Les étampures, au nombre de huit, sont rondes, percées à la base du crampon circulaire et distribuées régulièrement sur tout le pourtour du fer, à gras en pince, à maigre sur les branches et les éponges. La face supérieure du fer comporte deux talus : l'un, oblique de haut en bas et de dedans en dehors, part des contreperçures et aboutit à la rive interne ; l'autre, de même forme, va des contreperçures et aboutit aussi à la rive interne et est
obtenu aux dépens de l'épaisseur du fer. Un sillon d'un demi-millimètre de profondeur, allant de la rive externe à la rive interne, divise la face supérieure du fer, en pince, en deux parties égales.
Les clous, fabriqués à la main, sont assez dissemblables, caractérisés par une lame courte et forte, une tête irrégulièrement pyramidale cubique formant épaulement sur le fer par sa face inférieure ; la lame est quadrangulaire et incurvée légèrement.
L'ouvrier coréen se sert pour ferrer : d'un rogne-pied analogue à une plane, et se maniant à deux mains ; d'un couteau à lame convexe, mais à tranchant concave et à manche recourbé à angle droit; de tricoises, d'une mailloche légère, et d'un coin de fer, servant à tenir coup sur la corne quand il broche les clous.
Le cheval coréen étant assez indocile, le maréchal n'hésite pas à l'abattre pour le ferrer ; cependant il sait appliquer le fer sur l'animal debout. La caractéristique de cette ferrure est qu'elle est plus petite que le pied sous lequel elle est placée, et que les clous sont rivés très solidement sans être coupés, mais en pénétrant par leur pointe dans la paroi.
Le fer chinois est une mince et étroite lame de fer, présentant d'une façon grossière la forme du bord inférieur de la paroi ; son épaisseur est de 5 mm. en pince, et presque réduite à 1 mm. en éponges.
La couverture n'est pas uniforme ; elle me-
sure 25 mm. au niveau des étampures, 6, 7, 8, 9 mm. partout ailleurs.
La face supérieure du fer présente des rainures au fond desquelles sont disséminées quatre ou cinq étampures rectangulaires. La face supérieure est plane ; les contreperçures sont larges de 4 mm. et rectangulaires. Les rives sont ondulées grossièrement; les clous sont à tête applatie à lames rectangulaires de 35 mm. de longueur munie d'un collet.
L'instrument servant à raccourcir ou à parer le sabot est une sorte de spatule tranchante, à couteau rectangulaire ; il est muni d'une béquille que le maréchal appuie dans le creux de son épaule quand il manie ce bizarre rogne pied.
L'ouvrier chinois ne se sert pas de tricoises ; il coupe ses clous et les rive avec un coin de fer lui servant à tenir coup aussi lorsqu'il les enfonce. Le couteau chinois est de même forme que le couteau coréen ; la mailloche est tranchante sur un de ses angles.
La ferrure se pratique sur l'animal debout ; le maréchal opère sans aide et toujours à froid. Les éponges laissées longues à dessein sont repliées sur les talons, lorsque le fer est fixé sous le pied ; l'hiver, elles sont rabattues de dessus en dessous et forment des crampons.
(Recueil de médecine et d'hygiène vétérinaires militaires, 3e série, tome III, 1902).
TABLE DES MATIÈRES
HISTOIRE DU HARNACHEMENT DU CHEVAL
Préface. 5 CHAPITRE PREMIER Le Harnachement préhistorique, antique et du moyen-âge. 9 Harnachement égyptien. 22 Harnachement Assyrien. 24 Harnachement chez les Gaulois. 36 Harnachement pendant la période galloromaine. 43 La bride chez les Perses, les Grecs. les Etrusque, les Romains, les Sarmates, les Normands et les Italiens. 49 Le Harnachement des Grecs et des Romains 61 Période franque. 78 Renaissance du goût du cheval. 93 Le Harnachement au XIe siècle 103 Le Harnachement au XIIe et au XIIIe siècle. 116 Le Harnachement au XIVe siècle. 121 Le Harnachement au xve siècle 144
CHAPITRE II Le Harnachement à l'époque de la Renaissance et au commencement du temps moderne, xvie siècle. 157
Le Harnachement au siècle de Louis XIV. 193 Le Harnachement au temps de la Révolution de l'Empire et d'aujourd'hui. 215 2e PARTIE Histoire de la Ferrure 247 Préliminaires 247 Métallurgies et forgerons celtiques 264 Les maréchaux sacrés de la Gaule. 270 Persistance de la ferrure celtique en Gaule et dans la Grande-Bretagne 286 Ferrure Germaine. 310 Une œuvre d'art démontrant l'antiquité de la ferrure. 322 Les Hipposandales. 326 La Ferrure au moyen-âge. 336 Anciens fers à planche en T 343 Les maréchaux au moyen-âge. 355 La maréchalerie à l'époque de la Renaissance. 370 Le livre de César Fiarchi. 379 Le livre de Carlo Ruini. 384 Le livre de Soleysel 387 La maréchalerie au XVIIIe siècle. 390 Lafosse père 390 Bourgelat. 398 xixe siècle, les auteurs Anglais 402 Morcroft. 404 Bracy-Clarck 408 Turmer, Miles, Reeve 413 Ferrure Française au xixe siècle. 414 Ferrure Perrier 414 Ferrure Riquet. 415 H. Bouley. 418 Les désencarteleurs 419 Dilateur Jarrier 422
Pantoufle expansive Defays 423 Ferrure Watrin 427 Ferrure Charlier 428 Ferrure à glace française. 434 Ferrure à glace Delperrier 439 Fer Cousin-Thary 448 Fer Pichard (le zèbre) 452 Quelques ferrures actuelles, hongroises, russes, américaines, turque et arabe 460 Ferrure réglementaire russe. 467 Addenda : ferrure chinoise et coréenne 471
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