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Title : Géographie illustrée de la France et de ses colonies / par Jules Verne. précédée d'une Etude sur la géographie générale de la France / par Théophile Lavallée ; illustrations par Clerget et Riou ; cartes par Constans ; gravées par Sedille
Author : Verne, Jules (1828-1905). Auteur du texte
Author : Lavallée, Théophile (1804-1867). Auteur du texte
Publisher : J. Hetzel (Paris)
Publication date : 18..
Contributor : Clerget, Hubert (1818-1899). Illustrateur
Contributor : Riou, Édouard (1833-1900). Illustrateur
Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43866613z
Type : text
Type : printed monograph
Language : french
Format : 1 vol. (XXXII-768 p.) : fig., cartes, couv. ill. ; gr. in-8
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Format : application/epub+zip
Description : Collection : Bibliothèque d'éducation et de récréation
Description : Collection : Bibliothèque d'éducation et de récréation
Description : Comprend : Étude sur la géographie générale de la France
Description : Appartient à l’ensemble documentaire : BvdPrs001
Description : Contient une table des matières
Description : Avec mode texte
Rights : Consultable en ligne
Rights : Public domain
Identifier : ark:/12148/bpt6k6567060h
Source : Ville de Paris / Fonds Heure joyeuse, 2013-376450
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Online date : 16/12/2013
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GÉOGRAPHIE
DE LA FRANCE
— LA FRANCE ILLUSTRÉE -
— SITES — MONUMENTS — CARTES —
GÉOGRAPHIE
ILLUSTRÉE
DE
LA FRANCE
ET DE SES COLONIES
PAR JULES VERNE PRÉCÉDÉE D'UNE
ÉTUDE SUR LA GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE DE LA FRANCE
PAR THÉOPHILE LAVALLÉE ILLUSTRATIONS PAR CLERGET ET RIOU
CAPTES PAR CONSTANS, GRAVEES PAR SEDILLE
BIBLIOTHÈQUE D'ÉDUCATION J. HETZEL, 18, RUE JACOB, PARIS
AU LECTEUR.
Je fus, il y a plusieurs années déjà, très-vive- ment impressionné par la lecture d'un travail que publiait l'Indépendance belge sur le grand atlas Dufour édité par le Chevallier.
Quellebonne et belle préface, me dis-je alors, ferait un tel article en tête d'une Géographie de la France! Et le mettant à part, je me promis de l'utiliser le jour où j'aurais à offrir au public une géographie de la France vraiment digne de son sujet et cependant, par son prix et ses dimensions, accessible à tous.
Ce jour Est venu. J'ose dire que le livre de M. Jules Verne, et le travail si remarquable de M. Théophile Lavallée qui le précède, sont une bonne fortune pour un public où, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, tous commencent à comprendre que l'ignorance est le plus cruel ennemi des sociétés modernes.
Le jour est venu aussi, par conséquent, d'emprunter au travail qui m'avait frappé, les passages qui conviennent à notre œuvre.
Certes, jamais plus justes pensées sur ce grand sujet n'ont été exprimées en meilleur langage.
« Après l'astronomie, dit l'écrivain anonyme, rien ne donne une plus grande idée de la puissance de l'homme que la géographie. Ce globe en regard duquel il n'est qu'un atome, il en a reconnu, constaté la forme, mesuré la superficie, évalué la masse. Il sait les espaces occupés, ici et là, par les terres, par les eaux liquides, par les eaux éternellement congelées;
il sait la hauteur des montagnes, la profondeur des mers.
« La géographie, maintenant, est une science dont la base et l'ensemble n'ont plus rien de conjectural, et sont fixés avec une précision géométrique. Sur une boule de quelques pouces de diamètre, sur une feuille de papier, à l'aide de quelques signes conventionnels, de quelques instruments, création de son esprit, l'homme peut représenter, décrire avec une suprême exactitude, le monde, dont il est l'éphémère habitant.
« L'apparition de l'espèce humaine sur la terre date d'une époque inconnue, mais à coup sûr immensément reculée. Cependant, c'est hier seulement, pour ainsi dire, que la géographie est devenue une science exacte et qu'elle a embrassé tout notre globe. Il y a quatre siècles, elle ne possédait que des méthodes excessivement imparfaites, des instruments très-défectueux pour mesurer, reconnaître, constater, représenter la partie connuedu globe, et elle ne soupçonnait même pas que cette partie, si grande qu'elle fût, n'était qu'une fraction du domaine donné à l'homme par la nature.
« Pour saisir d'un coup d'œil, pour apprécier les merveilleux progrès accomplis depuis cette époque dans la science et dans l'art de la géographie, il suffit de comparer une mappemonde d'aujourd'hui. Cette, comparaison, je la faisais, un jour, en visitant le Musée Britannique. J'y voyais une très-belle copie de la mappemonde exécutée, de 1457 à 1459, par Fra
Mauro. Un des premiers, sinon le premier géographe de son temps, renommé comme savant en physique et en mathématiques, Fra Mauro a donné, dans cette œuvre, l'exposé le plus complet des connaissances géographiques contemporaines.
« Or, il y manque un hémisphère, cela va sans dire : Colomb n'est pas encore venu, et dans l'hémisphère qui y est représenté, les inexactitudes sont évidentes, infiniment multipliées les lacunes énormes. Fra Mauro ne connaît pas toute l'Europe; il en découpe le littoral par à peu près, et place les chaînes de montagnes, les fleuves, les villes principales d'après les itinéraires, d'après les observations de latitude plus ou moins anciennes, plus ou moins imparfaites. Son Asie est bien plus incomplète, bien moins reconnaissable que son Europe, quoiqu'il ait largement mis à profit les récits des plus récents voyageurs et notamment ceux du célèbre Marco Polo. Quant à l'Afrique, il en représente le littoral nord avec une sorte d'exactitude qui s'étend même, sur le côté ouest, jusqu'au cap Vert, jusqu'au golfe de Guinée, que viennent de découvrir les Portugais; mais, en revanche, il charge ce continent de pays imaginaires, et le termine, au sud, en face dé l'île de Madagascar, qu'il appelle Sofalo, du nom d'une ville déjà connue des Arabes et dont la position a été reconnue plus tard à quatre cents lieues de là, sur la côte est.
« Voilà où en est la science du géographe vers le milieu du quinzième siècle. Non-seulement elle ignore la plus grande partie du globe, mais encore elle est impuissante à se rendre un compte fidèle de la partie qu'elle n'ignore pas, impuissante aussi à représenter aux yeux avec quelque exactitude les terres mêmes, les mers que parcourent journellement ses adeptes les plus justement renommés.
« Quarante années, ou à peu près, s'écoulent sans lui apporter aucun progrès sensible. Mais, au bout de ce temps, quelle série rapide, prodigieuse, de découvertes ! Quelle marche incessante vers la méthode, vers la précision!
« C'est Christophe Colomb qui découvre tout un monde; c'est Vasco de Gama qui double l'extrémité méridionale de l'Afrique et va naviguer jusque dans les eaux de la Cafrerie. Dès ce moment, tous les systèmes, si péniblement construits par les anciens, sont ruinés par la base; Magellan achève de démontrer, même au vulgaire, la sphéricité de la terre; sous le souffle de Copernic, de Tycho-Brahé, de Galilée, l'astronomie grandit subitement; l'invention du télescope vient lui fournir une aide puissante; les étoiles se rapprochent de l'œil de l'observateur, et, désormais, elles serviront à fixer avec
une précision mathématique un point quelconque du globe terrestre.
« Malgré les tributs immenses apportés à la science géographique par tant d'hommes de génie, par tant d'intrépides navigateurs, les mappemondes du seizième siècle sont encore bien incomplètes : il reste une cinquième partie du monde à connaître, et les continents im menses, les îles nombreuses qu'on vient de découvrir, attendent encore des explorateurs; mais, déjà, on voit la précision se manifester dans la détermination, dans la représentation de certaines parties du globe.
« Mercator est venu, et de lui date la véritable géographie.
« Les recherches continuent; Portugais, Es pagnols, Français, Anglais, Hollandais courent avec une fiévreuse ardeur à la conquête des pays inconnus. La méthode se crée peu à peu ; l'édifice de la science géographique se construit sur la triple base de la géométrie mathématique, de l'astronomie et de la physique.
« Cent ans plus tard, le géographe ne peut encore indiquer que d'une manière incertaine le continent de la Nouvelle-Hollande ; il ignore une multitude d'îles de l'Océanie; mais il a connaissance complète de l'Europe civilisée ; il la représente avec fidélité ; il a rapporté sur ses cartes, ici avec une scrupuleuse exactitude, là avec une certaine approximation de la réalité, les contours de l'Afrique, de l'Asie, de l'Amérique; il a déterminé une foule de points, de distances sur ces continents, la position, la forme de bien des îles sur toutes les mers.
En deux siècles, l'homme a donc reconnu, constaté, à peu près, l'étendue de son domaine : en deux siècles, c'est-à-dire en un instant, relativement à l'ancienneté de sa race, il a presque accompli l'œuvre à peine ébauchée par ses ancêtres en des milliers d'années.
« Pendant le dix-huitième siècle, Carteret, Wallis, Byron, Bougainville, Cook, la Pérouse, Behring, Vancouver, bien d'autres encore moins illustres viennent augmenter la masse des connaissances acquises. Ils reconnaissent de longues étendues de côtes, en déterminent la position, ajoutent une multitude d'îles aux archipels déjà découverts et ne laissent plus à leurs successeurs qu'à glaner sur l'immensité des mers. Le globe est connu dans ses masses principales. Ce qu'il faut désormais, c'est l'étude des détails, l'étude attentive, minutieuse. La tâche est moins glorieuse qu'elle ne l'a été jusque-là, mais elle est utile, indispensable; les navigateurs de notre siècle se sont attachés, s'attachent journellement à la remplir. A la synthèse, pour ainsi dire, ils ont fait succéder l'analyse, et la développent sans relâche, aidés
par les immenses progrès des sciences, par le perfectionnement croissant des constructions navales, par la précision croissante aussi des instruments nautiques, disposant de la vapeur pour manœuvrer à leur gré leurs navires, même en dépit des vents et des courants ; c'est merveille que la multiplicité, l'activité, l'extrême exactitude de leurs travaux; on peut l'affirmer, en toute assurance, peu de générations passeront avant que le littoral le plus lointain des continents et des îles soit connu aussi complétement, représenté avec autant de fidélité que les rives d'un fleuve de la vieille Europe. Pas un îlot, pas un écueil qui ne figurent bientôt sur les cartes où le marin lit sa route.
« Depuis le commencement de la grande période ouverte par Colomb, les armées de l'Europe, les aventuriers, les marchands, les missionnaires des diverses sectes chrétiennes, les politiques, les savants, les pionniers, les colons n'ont cessé d'avancer dans l'intérieur de ces continents, de ces îles dont les explorateurs des mers leur ont successivement signalé les côtes ; et la géographie marchant à leur suite a fixé sur la mappemonde les pays dont ils ont pris possession et ceux qu'ils ont seulement visités.
Mais la terre est à l'homme un obstacle plus difficile que la mer. Montagnes, fleuves, marais, sables, déserts, retardent, arrêtent ses pas, et souvent il s'y heurte à son semblable défendant par tous moyens l'accès de la contrée où il a construit sa hutte, où il a posé sa tente.
« C'est là ce qui explique pourquoi d'immen- ses étendues de pays, comme le centre de l'Afrique, sont restées jusqu'ici absolument inconnues ou mal connues, comme de si grandes parties de l'Amérique, de l'Asie, tandis que la surface des mers a été parcourue en tout sens ; pourquoi, en un mot, le champ des découvertes, si vaste encore pour la géographie pro- prement dite, est relativement si restreint aujourd'hui pour l'hydrographie.
« Mais notre civilisation est douée d'une force si expansive, est armée de moyens si puissants, et de puissance si rapidement croissante, qu'aucun pays, si retiré qu'il soit, ne saurait échapper à ses investigations, se soustraire à sa domination. Le jour n'est plus bien éloigné où elle aura fouillé, jusque dans leurs dernières profondeurs, les mystères des pays encore inaccessibles. Ce n'est pas là une vaine hypothèse, c'est une certitude. Pour s'en convaincre, il suffit de mesurer, le compas à la main, la rapidité et l'ampleur de sa marche vers ce but suprême , surtout depuis le commencement de ce siècle. L'imagination en est confondue. Là où naguère la mappemonde ne
portait que des indications vagues, en une multitude de points où elle n'en portait au- cune, le géographe a inscrit, représenté de vastes superficies conquises par des armées, occupées par des colonies, reconnues par d'intrépides voyageurs qui ont enfoncé dans le sol d'indestructibles jalons.
« En même temps qu'a progressé ce qu'on pourrait appeler la géographie générale, la géographie de détail ou topographie a pris le plus grand développement. « Une des bases essentielles de l'administration, en prenant ce mot avec son acception la plus large, c'est la connaissance exacte de l'étendue, de la configuration du pays à administrer, de la position de ses villes, villages, hameaux, des eaux qui le baignent, des bois, des forêts qui l'ombragent, etc., etc. Ce sont là, en effet, tout autant d'éléments indispensables à posséder pour établir, délimiter les districts administratifs, judiciaires, militaires, et leurs subdivisions, pour organiser la défense matérielle, pour déterminer le tracé des routes, des chemins, des canaux.
« Jamais cette nécessité des études géographiques n'a été plus impérieuse que de notre temps, car jamais les affaires d'une nation n'ont été ce qu'elles sont à présent, les affaires du monde entier. L'attention du savant, de l'économiste, du commerçant, de l'homme de guerre, de l'homme d'État, son intervention sont appelées, à chaque instant, d'un point à l'autre du globe., et il est littéralement vrai de dire qu'ils sont obligés d'avoir sous les yeux, tantôt la carte de leur propre pays, tantôt celle d'un pays voisin ou lointain. »
S'il est un pays où ces lignes soient utiles à méditer, c'est en France, en France où il faut que nous soyons en guerre avec un peuple pour que l'envie nous prenne de savoir dans quel coin du monde il va falloir l'aller chercher et le combattre, en France où l'on ne se décide (examen tardif!) à jeter les yeux sur une carte, à y planter des épingles et de petits drapeaux, qu'au bruit lointain du canon, et où l'on croit enfin qu'on en sait assez en matière de géographie quand on a appris par le récit d'une bataille le nom d'une terre, jusque-là inconnue, où le sang français a coulé.
Cette ignorance est une des plaies vives de notre pays. Mais, si ignorer le monde entier est une sottise énorme qui peut conduire une nation à sa perte comme y marcherait un aveugle, ignorer le pays où l'on vit et ses ressources et ses besoins est une de ces fautes sans excuse, qui peuvent plus sûrement encore conduire l'individu à sa ruine.
Ce que l'écrivain que nous venons de citer a dit de l'utilité de la connaissance générale du globe est donc mille fois plus vrai et plus pressant encore, si on l'applique à l'obligation où nous sommes tous, de bien savoir ce que vaut et ce qu'exige la terre où nous sommes nés. Ne pas connaître son pays, on ne saurait trop le faire entendre, c'est ne pas connaître la maison qu'on habite, le lieu de son travail et celui de son repos, c'est ignorer l'indispensable, car c'est s'ignorer soi-même. C'est à la fois l'oubli de l'intérêt individuel et l'oubli de ce grand intérêt collectif, qui se résume dans le mot : Patrie.
Si cette ignorance tient en partie à ce que jamais des éditions vraiment populaires d'ouvrages géographiques n'ont été mises, chez nous, à la disposition du public, la géographie illustrée que nous publions aujourd'hui dans des conditions extrêmes de bon marché, répondra à un besoin sérieux.
L'auteur célèbre de l'Histoire des Français, des Frontières de la France et de la Géographie physique et militaire, — un livre qui a inauguré une voie nouvelle dans les sciences géographiques et qui est resté classique, — M. Théophile Lavallée, a résumé dans l'Intro-
duction de cet ouvrage tous les éléments géologiques, historiques, géographiques, administratifs et statistiques de la France.
M. Jules Verne qui s'est fait un renom de géographe dans ses excellents livres de voyages, abandonnant cette fois les domaines d'imagination, où il a si rapidement passé maître, pour celui de la réalité la plus stricte, s'est chargé de la description de chaque département. Situation, limites, aspect général, orographie, hydrographie, climat, superficie, population, agriculture, mines, carrières, industrie, com- merce, routes, canaux, chemins de fer, his- toire, hommes célèbres, divisions administratives, description des chefs-lieux de département, d'arrondissement, de canton et des principales communes, telle sera la série des études que comprendra chaque département.
M. Jules Verne, il serait superflu de le dire, a puisé aux sources les plus récentes, aux statistiques les plus nouvelles, au recensement de 1866 imprimé au Bulletin des Lois, pour faire de cette publication un ouvrage essentiellement moderne d'une certitude et d'une précision qui ne laisseront rien à regretter.
J. HETZEL.
PARIS NOUVEAU. — Buttes Chaumont. — Boulevard de l'Empereur. — Pavillon des Tuileries.
Campanile de l'Hôtel de Ville.
INTRODUCTION.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le pays que nous habitons et qui forme aujourd'hui la FRANCE, s'appelait autrefois la GAULE ; c'était une région distincte dont la nature avait tracé les limites : au nord la mer Germanique et la Manche, au couchant l'océan Atlantique, au midi les Pyrénées et la Méditerranée, au levant les Alpes et le Rhin.
La Gaule garda ce cadre si simple et si parfait pendant tant de siècles qu'il est impossible de
les énumérer ; puis des révolutions diverses le lui firent perdre, en même temps qu'elle prenait le nom de France, et aujourd'hui ce nom glorieux est donné à un empire, qui ne comprend que les sept huitièmes du territoire de la Gaule, limités maintenant suivant les conventions politiques, principes et traités de 1815.
La France est bornée au N. par la mer Germanique et la Manche, depuis Dunkerque jusqu'au cap Saint-Mathieu ; à l'O. par le golfe de
Gascogne jusqu'à l'embouchure de la Bidassoa ; au S. O. par une ligne qui, partant de l'embouchure de la Bidassoa, irait en suivant à peu près la crête des Pyrénées jusqu'au cap Cerbera; au S. E. par la Méditerranée, depuis le cap Cerbera jusqu'à l'embouchure de la Roya ; à l'E. par une ligne de convention qui va joindre les Alpes-Maritimes au col de Tende; par la crête des Alpes-Maritimes, Cottiennes, Graïes et Pennines jusqu'au Grand Saint-Bernard ; par le contre-fort des Alpes de SaintMaurice ; par le bord méridional du lac de Genève; par une ligne de convention qui entoure le canton de Genève; puis, après avoir coupé le Rhône, par une limite tortueuse qui court sur le revers occidental du Jura jusqu'au col des Rousses ; par la crête du Jura jusqu'à Jougne, et le cours du Doubs que la limite coupe deux fois; par une ligne de convention entre Dôle et Porentruy, entre les cours de l'Ill et de la Birse jusqu'à Huningue ; par le cours du Rhin depuis Huningue jusqu'au confluent de la Lauter. Enfin au N. E. la France est bornée par une ligne de convention qui suit en partie la Lauter et coupe successivement les Vosges au N. de Bitche, la Sarre au N. de Sarreguemines, la Moselle au N. de Sierck, la Meuse au N. de Givet, la Sambre au N. de Mau- beuge, l'Escaut au N. de Condé, la Lys au S.
de Menin, l'Yser au S. de Rousbrugge, enfin le canal de Bergues et la grande Moer pour atteindre la mer au N. de Zuytcoot.
On verra dans la description les départements frontières, combien ces limites de convention brisées, morcelées, absurdes, ont nui à la grandeur et à la prospérité de la France.
La forme de la France ainsi limitée est un hexagone irrégulier dont le côté N. s'appuie sur la Manche et la mer Germanique dans une longueur de 900 kilomètres, le côté O. sur le golfe de Gascogne dans une longueur de 1000 kilomètres, le côté S. O. sur les Pyrénées dans une longueur de 600 kilomètres, le côté S. sur la Méditerranée dans une longueur de 600 kilomètres, le côté E. sur les Alpes, le Jura et le Rhin dans une longueur de 930 kilomètres, le côté N. E. sur l'Allemagne et la Belgique dans une longueur de 700 kilomètres.
La région française « dans son ensemble ne présente pas un aspect grandiose, excepté au S. 0. et au S. E., où elle est ceinte par les plus hautes sommités des Pyrénées et des Alpes. Le système de ses montagnes intérieures est peu considérable: jonction de deux grands massifs, il ne se montre ni en longues chaînes ni en vastes groupes, et n'offre en aucune de ses parties des pics qui conservent une neige éternelle; mais il s'étend et se ramifie de
toutes parts, soit en montagnes à formes douces et mamelonnées, soit en larges et fertiles coteaux enceignant des vallées riches, mollement accidentées où les eaux coulent abondamment et sans obstacles dans des lits peu profonds et facilement navigables. Une région aussi vaste avoisinée par des mers, bordée par de hautes montagnes, traversée par de grands fleuves, doit présenter une température très-variée, mais qui est généralement la plus modérée de l'Europe, et des produits très-divers, dont les plus renommés sont les vins, les céréales, les huiles, le bois, les métaux, les eaux thermales, etc. Un sol si favorable à l'agriculture, à l'industrie, au commerce, non-seulement par l'abondance et la multitude des productions, mais encore par le grana nombre et la facilité des communications, un climat doux et salubre, une longue étendue de côtes, une ligne de contact avec le continent dans toute sa largeur, une position admirable entre deux mers, au centre de la véritable Europe, de l'Europe méridionale et civilisée, enfin le génie de ses habitants, qui ont par-dessus tous les peuples modernes l'esprit de sociabilité, et qui semblent chargés providentiellement depuis quinze siècles de la mission du progrès, ont fait de la France le cœur du globe. « Il semble, dit Strabon, qu'une divinité tutélaire éleva ces chaînes de montagnes, rapprocha ces mers, traça et dir igea le cours de tant de fleuves, pour faire un jour de la Gaule le lieu le plus florissant de la terre. » C'est d'elle que partent le mouvement et la vie; en elle se résument et se fondent les divers modes de civilisation des autre s peuples ; agricole et industrielle, guerrière et maritime, artiste et savante, elle n'est point exclusive et spéciale, mais universelle comme sa langue, le plus logique des idiomes modernes, et par lequel il semble que les idées doivent passer pour avoir droit de cité. Enfin ce n'est pas seulement par la pensée qu'elle régente l'Europe, elle la domine souvent aussi par les armes, et sa centralité la rend éminemment propre à la guerre offensive. Au S. elle tient les péninsules Hispanique et Italique comme deux satellites attachés naturellement à suivre ses mouvements; par la Mé diterranée elle confine à l'Afrique et s'immisce dans les affaires d Orient; à l'O. l'océan Atlantique ouvre carrière à ses vaisseaux pour donner la main au nouveau continent ; au N. elle touche à l'Angleterre, protégée contre elle par le Pas-deCalais ; enfin à l'E. elle n'est séparée du pays germanique que par ce fossé du Rhin tant do fois franchi par ses armées victorieuses1. »
1. Lavallée, Géographie physique, historique et militaire, 7e édit., p. 99.
Superficie. — La superficie de la France est de 54 305 141 hectares, soit 543 051 kilomètres carrés avec la Corse et les îles voisines de la côte. Cette étendue n'est que la dix-huitième partie de celle de l'Europe.
En dehors de son territoire européen, la France comprend les possessions suivantes : 1° En Asie, dans l'Indoustan : Pondichéry, Karikal, Yanaon, Chandernagor, Mahé et le Cam- bodge Annamite; 2° En Afrique : l'Algérie, les îles Saint-Louis et Gorée, avec les établissements du Sénégal et de la Sénégambie, les comptoirs de Guinée, les îles Bourbon, Sainte-Marie, Mayotte et Nossi-bé ; 3° En Amérique : la Martinique, la Guade- loupe, Marie-Galante, les Saintes, la Désirade, la Guyane française, Saint-Pierre et Miquelon ; 4° En Océanie : les îles Marquises, la NouvelleCalédonie, Taïti, etc. La superficie totale de ces colonies est évaluée à 36 400 000 hectares, soit 364 000 kilomètres carrés.
Constitution géologique1. — La France se divise géologiquement en un certain nombre de régions naturelles qui diffèrent des grands bassins hydrographiques, et qui sont parfiitement distinguées les unes des autres par des caractères particuliers et par le terrain qui les constitue. Voici quelles sont ces régions :
P /| ramtIques P 'nées et Vosges.
I S ) schisteuses. Monts des Maures.
Jura.
El a calTes. Provence.
1 /Granitiques t Plateau d'Auvergne.
W 1 b l et Ardennes.
M I Bretagne.
oj2 | ] schisteuses. ( Bretagne.
JK Causses.
1 Languedoc.
r Ualeaires.
Haut Piitou.
I [ Bourgogne.
[ V Lorraine.
Champagne. de Paris).
Neustrie (bassin de Paris )
d l, Aquitaine (bassin de Bordeaux).
Aquitaine (bassin de Bordeaux )
J Limagne.
s Bresse.
Alsace.
Ces diverses régions naturelles exercent, en raison du caractère physique de chacune d'elles, des influences directes sur les populations qui les habitent, lors même qu'elles emploient la même langue et sont soumises aux mêmes lois. 11 en sera reparlé avec plus de dé-
1. Extrait des explications sur la carte géologique de la France, par MM. Dufrenoy et Élie de Beaumont.
tails dans la description de chaque département.
La France possède à très-peu près la succession complète, mais dans une étendue fort variable, de tous les terrains stratifiés ou non stratifiés; voici, en allant de la circonférence au centre de la terre, l'ordre dans lequel les ont établis les révolutions du globe, et leur répartition à la surface de notre sol : 1° Terrains d'alluvions : (alluvions, sables, graviers, vases calcaires : 520000 hect ). Ils se trouvent dans toutes les vallées et surtout en Alsace, dans la Flandre maritime, la Vendée, et le littoral entre Marseille et Port-Vendres.
2° Terrains tertiaires: (sables, grès, meulière, calcaire grossier, molasse, faluns, argile, gypse, marne, etc. : 15 800 000 hect ). Ils occupent envit on le tiers de la France, savoir : tout le bassin de Paris, moins la bande orientale; la Limagne, l'Aquitaine, moins le N., la B esse, partie du Languedoc et de la Provence, quelques parcelles éparses en Vendée, en Alsace, dans la Bretagne ; en un mot, ils forment presque toutes les plaines de la France.
3° Terrains crétacés : (craie, craie-tufau, calcaires, marnes, grès, sables, argile : 6 340 000 hect.). Ils couvrent la Champagne, le bassin de Paris (bande circulaire intérieure au 8 jurassique), le N. de l'Aquitaine, les deux revers des Pyrénées, la partie du Languedoc qui touche au plateau central; la Provence au N. E. des Maures, et quelques parties des Alpes et du Jura.
4° Terrains jurassiques : (divers calcaires, marnes, grès, argile: 10 600 000 hect.). Ils dessinent un 8, ouvert au N. et au S., autour du plateau central et du bassin de Paris. Appendice au N. vers Boulogne, et à l'E. par le Jura qui envoie un rameau en Alsace.
5° Terrains triasiques : (argile, marnes, grès, sel gemme, calcaire coquillier : 2 700 000 hect., en y comprenant les terrains permiens). On les rencontre dans l'E. de la Lorraine; à l'E. des Vosges ; au N. et au S. O. du plateau central; dans les Pyrénées occidentales et sur le revers N. O. des Maures.
6° Terrains permiens ou pénéens : (grès, cal- caire magnésien et calcaire argileux). Daus les Vosges.
7° Terrains carbonifères : (grès, schistes, houilles, carbonate de fer, calcaire : 520 000 hect.).
Dans les Corbières, le plateau central, la Bretagne, les Vosges et les Maures, en petite quantité. Bande importante au N. des Ardennes, surtout en Belgique.
8° Terrains de transition : (schistes, ardoises, phylades, grès, grauwacke, anagénite : 5400000 hect.). Ils se trouvent dans toute la longueur
des Pyrénées ; le centre de la Bretagne, du Cotentin et de l'Ardenne ; les Vosges, et dans les parties E. et S. du plateau central.
9° Terrains primitifs : (gneiss, micachistes, talcshistes : 10 600 000 hect. On les rencontre au N. E. du plateau central et dans les Maures; ils apparaissent en outre sur une foule de points à travers les terrains de transition.
10° Terrains volcaniques ou d'éruption: (porphyres, serpentine, trachite, basalte, laves actuelles, granit : 520 000 hect.). Sur le plateau central; dans la Lorraine, la Provence, les Maures, le Languedoc et les Causses.
Les terrains les plus abondants de la France sont donc les terrains tertiaires, ensuite les terrains primitifs et les terrains jurassiques.
Les premiers constituent le bassin de Paris, tandis que les deuxièmes forment le massif du plateau central. Autour de ces deux grandes régions, les assises du terrain jurassique décri- vent une espèce de 8 dont les deux boucles offrent un aspect complètement opposé. La boucle inférieure renferme un massif montagneux qui domine toute la région méridionale : c'est le plateau central de la France, que couronnent les volcans de l'Auvergne; la boucle septentrionale, au contraire, limite un bassin déprimé, véritable amphithéâtre composé de roches calcaires, dont Paris occupe le milieu; l'un est en relief et répulsif, tandis que l'autre est creux et attractif, ce qui explique le rôle politique et l'influence de la région du N., dans l'histoire de notre pays.
Cette différence dans la structure des deux parties de la France influe très-heureusement sur son climat; grâce, en effet, à l'élévation des terres du midi, la température y est plus froide proportionnellement à sa latitude, que dans le bassin du N. ; d'où résulte une moyenne à peu près constante de température pour toute la France, abstraction faite de la Gascogne et du littoral de la Méditerranée.
De chaque côté du grand 8 jurassique s'étendent, du N. au S., deux grandes dépressions qui rattachent naturellement le bassin de Paris et les plaines du N. avec le bassin de la Médi- terranée. L'une est formée par la vallée de la Saône qui se prolonge jusqu'à la mer par celle du Rhône inférieur ; l'autre, moins bien déterminée, se compose d'une série de plaines basses comprises, d'une part entre les collines du Perche et celles du Limousin, d'autre part entre les collines boisées de la Mayenne et de la Vendée. Ces deux grandes dépressions, qui sont devenues des communications importantes entre le N. et le S., se relient au S. du plateau central par les contrées basses et fertiles de la Méditerranée, de manière qu'elles forment
un U qui représente la direction générale du courant social et de l'activité intérieure de la France.
La France a presque partout des limites formées par la nature : l'Océan, les Pyrénées, la Méditerranée, les Alpes et le Jura ; mais, chose remarquable, ses meilleures frontières la séparent des populations qui ont avec elle une communauté d'origine celtique ou latine, les Espagnols et les Italiens; tandis qu'elle se trouve immédiatement en contact avec l'élément germanique, là où les barrières naturelles lui font défaut, c'est-à-dire entre le Jura et la mer du Nord. Possédât-elle le Rhin, objet si passionné des convoitises nationales, cette ligne n'aurait que l'apparence d'une limite naturelle, car c'est bien plus une artère commerciale servant à réunir les populations des deux rives, qu'un obstacle destiné à les séparer; c'est précisément, d'ailleurs, à cette absence de frontières naturelles de ce côté, que la France a dû la facile expansion de ses idées dans le reste de l'Europe, et l'influence qu'elle a exercée de tout temps sur les destinées politiques de la région germanique.
Orographie générale. — La ligne de partage des eaux de la France est celle de l'Europe depuis le col de Goritty jusqu'au massif du SaintGothard. Elle se compose, tantôt de montagnes du premier ordre, tantôt de fortes collines, tantôt de plateaux ou terrains montueux, et divise ce pays en deux versants généraux : versant de l'océan Atlantique et versant de la Méditerranée. Ces versants se subdivisent au moyen des contre-forts détachés du faîte général de partage en quatre versants secondaires, ceux du golfe de Gascogne, de la Manche, de Ja mer du Nord, de la Méditerranée inférieure, et en cinq bassins de fleuves principaux, ceux de la Garonne, de la Loire, de la Seine, du Rhin (rive gauche), du Rhône.
Ce chapitre n'étant qu'un exposé de l'anatomie générale de la France, nous donnerons simplement la nomenclature et la disposition des différentes portions de la ligne de partage des eaux, ainsi que celles des contre-forts qui s'en détachent, en renvoyant leur description détaillée aux départements dont elles forment la charpente orographique.
Le faîte général de partage des eaux de la France comprend : 1° Les Pyrénées occidentales et les Pyrénées cen- trales, du col de Goritty au pic de Corlette; leur étendue est de 350 kilomètres et leur élévation moyenne de 800 à 2800 mètres.
2° Les Corbières occidentales, du pic de Corlette au col de Naurouze (189 mèt.), seuil de passage
du canal du Midi. Leur étendue est de 320 kilomètres et leur élévation de 300 à 400 mètres.
3° Les Cévennes, du col de Naurouse au mont Pila. Leur étendue est de 320 kilomètres , et leur élévation de 1000 à 1200 mètres. On les subdivise en Montagnes noires (500 mèt.), monts Espinous, de l'Orb, Garrigues, du Gévaudan (1400 mèt.) et du Vivarais.
4° Les monts entre Loire et Saône, appelés improprement Cévennes septentrionales, depuis le mont Pila jusqu'au mont Tasselot, aux sources de la Seine ; leur étendue est de 220 kilomètres et leur hauteur de 600 à 900 mètres. On les subdivise en Monts du Lyonnais, du Beaujolais, du Charolais et de la Côte-d'Or.
5° Les plateaux entre Seine, Rhin et Rhône, du mont Tasselot jusqu'aux environs de Bâle; leur ensemble figure un demi-cercle dont la longueur est de 280 kilomètres , et leur élévation moyenne de 400 à 600 mètres. Ils se subdivisent ainsi : plateau de Langres jusqu'aux sources de la Meuse, monts Faucilles jusqu'aux sources de la Moselle, front méridional des Vosges et collines de Valdieu.
6° Le Jura septentrional, jusque vers le col des Rousses, avec une étendue de 150 kilomètres et une hauteur de 500 à 1400 mètres.
7° Le mont Jorat, jusqu'aux monts Diablerets, avec une étendue de 110 kilomètres et une hauteur de 600 à 1400 mètres.
8° Les Alpes bernoises, jusqu'au Saint-Gothard, avec une étendue de 120 kilomètres et une élévation moyenne de 3500 mètres.
De cette longue et tortueuse chaîne de partage des eaux se détachent de nombreux contre-forts dans les deux versants; les uns séparent les versants de mers secondaires, les autres les bassins de fleuves, d'autres enfin divisent seulement des affluents ou des bassins de cours
d'eau côtiers.
Voici la nomenclature et la disposition des principaux de ces contre-forts dans l'ordre où on les rencontre en allant du S. au N.: CONTRE-FORTS DU VERSANT DE L'ATLANTIQUE.
1° Les monts de Haya, petit rameau détaché des Pyrénées au col de Goritty; il finit à la pointe du Figuier et sépare les deux régions hispanique et française.
2° Les monts de Basse-Navarre qui finissent près de la montagne de Rhune.
3° Les hauteurs entre Adour et Garonne qui commencent au mont Cylindre, où se joignent les Pyrénées centrales et les Pyrénées occidentales ; elles comprennent le mont du Bigorre, les collines de l'Armagnac, les Landes de Bor- deaux et finissent à la pointe de Grave. Leur étendue est de 320 kilomètres et leur élévation de 2000 à 25 mètres.
De la partie la plus élevée des Cévennes, entre le mont Lozère et le mont Gerbier des Joncs se détache un triple contre-fort qui compose la partie la plus montagneuse de l'intérieur de la France; ces trois branches sont en remontant du S. au N.
4° Le plateau des Causses qui se détache du mont Lozère, court entre le Lot et le Tarn, et se sépare en deux parties aux sources de l'Aveyron : plateau de Levezon, entre Tarn et Aveyron ; monts du Rouergue, entre Aveyron et Lot. Son élévation est de 500 à 1000 mètres.
5° Les monts entre Loire et Garonne. Ils comprennent les monts de la Margeride, d'Auvergne, du Limousin, et se bifurquent pour enceindre le bassin de la Charente; la branche N., sous le nom de collines du Poitou et plateau de Gatine, va finir à la pointe de Saint-Gildas à l'embou chure de la Loire; celle du S., sous le nom de collines du Périgord, d'Aunis et de Saintonge, va atteindre la pointe de Coubre à l'embouchure de la Garonne. La plus grande hauteur de cette chaîne est de 1800 mètres dans les monts d'Auvergne.
Ce vaste contre-fort jette de nombreux rameaux sur ses deux versants ; ceux du S. n'ont qu'une faible élévation ; ceux du N., au contraire, sont très-remarquables ; ce sont la chaîne des monts Dômes, qui s'élève jusqu'à 1400 mètres, les monts du Cher (600 mèt.) et les monts de la Marche (800 mèt.).
6° Les monts du Velay et du Forez qui séparent la Loire de l'Allier, et se terminent sous le nom de monts de la Madeleine ; leur étendue est de 200 kilomètres et leur élévation moyenne de 1000 mètres.
7° Les hauteurs entre Loire et Seine qui se détachent de la Côte-d'Or au mont Moresol ; elles commencent par les monts du Morvan et du Ni- vernais, se continuent par le plateau d'Orléans, les collines du Perche et de Normandie, enfin les
monts de Bretagne jusqu'à la pointe Saint-Mathieu.
L'étendue de ce long contre-fort est de plus de 600 kilomètres, mais sa hauteur ne dépasse pas 800 mètres dans les monts du Morvan, et descend jusqu'à 150 mètres dans le plateau d'Orléans. C'est le faîte de partage des eaux entre le golfe de Gascogne et la Manche.
Il s'en détache au S. des contre-forts sans importance ; au N. il faut citer une série de collines qui, partant des sources de la Vire, va former la charpente de la presqu'île du Cotentin.
8° Les hauteurs entre Seine et Rhin; elles se détachent du plateau de Langres, comprennent l'Argonne occidentale, les Ardennes occidentales, et se partagent en trois branches au plateau de Saint-Quentin entre les sources de l'Escaut et de Somme ; la branche S. O. ou collines de Picardie
sépare le bassin de la Somme de celui de la Seine ; la branche du N. 0 ou collines de l'Artois sépare les deux bassins de la Somme et de l'Escaut, et se termine par le cap Gris-Nez ; la branche N. ou collines de Belgique sépare le bassin de l'Escaut de celui de la Meuse. L'étendue de cette série de hauteurs est d'environ 450 kilomètres; sa hauteur varie en décroissant de 400 à 100 mètres. C'est le faîte de partage des eaux de la Manche et de la mer du Nord.
9° Les hauteurs entre Meuse et Moselle se détachent des monts Faucilles sous le nom d'Argonne orientale, Ardennes orientales; elles s'élèvent de 300 à 500 mètres et vont finir hors de France entre la Meuse et le Rhin.
10° Les Vosges, dont l'étendue est de 220 kilomètres et la hauteur de 500 à 1400 mètres; elles se terminent hors de France entre la Mo- selle et le Rhin.
CONTRE-FORTS DU VERSANT DE LA MÉDITERRANÉE. — 1° Les Pyrénées orientales, du pic de Corlitte au cap Creus; leur étendue est de 80 kilomètres et leur élévation de 800 à 2800 mètres.
Il s'en détache d'importants contre-forts : 1° les Corbières orientales (1500 mèt.); 2° les Aspres où culmine le Canigou (2780 mèt.).
2° Les monts Bouttières, détachés des Cévennes entre l'Ardèche et l'Eyrieux (1000 mèt.).
3° Le Jura méridional, qui part du col des Rousses et prolonge au S. le Jura septentrional entre le Rhône et l'Ain. Son étendue est de 100 kilomètres et sa hauteur de 1200 mètres.
4° Les Alpes occidentales, du Saint-Gothard au col de Cadihone. Elles séparent le bassin du Rhône de celui du Pô, ou les deux régions française et italique. Elles se composent des plus hautes montagnes de l'Europe (3000 mètres d'élévation moyenne) et figurent dans leur ensemble un demi-cercle de 600 kilomètres de développement. On les subdivise en Alpes Pennines, du Saint-Gothard au mont Blanc; Alpes Graïes jusqu'au mont Cenis ; Alpes Cottiennes jusqu'au mont Viso; Alpes Maritimes jusqu'au col de Cadibone.
De cette chaîne se détachent trois contre-forts importants : Les Alpes de Savoie qui courent entre l'Arve et l'Isère et vont se terminer sur le Rhône audessous de Genève ; elles jettent à l'O un rameau très-considérable qui sépare les eaux du Rhône de celles de l'Isère.
Les Alpes du Dauphiné, qui se détachent du mont Thabor, séparent les deux bassins de l'Isère et de la Durance, et se divisent en plusieurs branches entre les divers affluents du Rhône. Leur hauteur est de 3000 mètres.
Les Alpes de Provence qui se détachent au mont Caméléone, et séparent la Durance des bassins
côtiers de la Mé diterranée; leur élévation est de 1500 mètres; elles se rattachent par de faibles collines aux monts des Maures (600 à 700 mèt.) qui longent le littoral.
De ce qui précède, il résulte que la France est divisée par la ligne de partage des eaux en deux grandes parties: l'une orientale, étroite au N., large au S., comprenant les plus hautes montagnes et ne formant qu'un seul bassin principal, celui du Rhône qui se jette dans la Méditerranée; l'autre occidentale, large au N , étroite au S.,composée généralement de plaines ou de plateaux, et subdivisée par les deux grands contre-forts qui se terminent à lapointe Saint-Mathieu et au cap Gris-Nez, en trois versants secondaires; ces versants sont ceux du golfe de Gascogne, de la Manche et de la mer du Nord, qui renferment quatre grands fleuves, la Garonne, la Loire, la Seine et le Rhin.
La France se trouve ainsi définitivement partagée en 4 versants: 1° de l'océan Atlantique ou du golfe de Gascogne; 2° de la Manche; 3° de la mer Germanique ou du Nord; 4° de la Méditerranée.
Hydrographie générale. — Après avoir décrit sommairement les collines et les montagnes qui forment pour ainsi dire la partie osseuse de la France, nous allons donner la nomenclature et la disposition générale des cours d'eau qui en constituent ce qu'on pourra t appeler la partie artérielle. On connaît déjà la division de notre pays en quatre versants secondaires; nous allons les examiner dans l'ordre qu'ils occupent naturellement.
I. VERSANT DU GOLFE DE GASCOGNE.— Il s'étend sur la côte, de la pointe du Figuier à la pointe Saint-Mathieu; il est formé par le revers oriental des monts de Haya, le revers septentrional des Pyrénées occidentales et centrales, par la pente occidentale des hauteurs qui composent la ligne de partage des eaux de la France depuis le pic de Corlitte jusqu'au mont Moresol, enfin par le revers méridional de la chaîne entre Seine et Loire qui se termine au cap Saint-Mathieu.
Il comprend : 1° les bassins de la Bidassoa, de la Nivelle, de l'Adour et de la Leyre; — 2° le bassin de la Garonne; — 3° les bassins de la Seudre, de la Charente, de la Sèvre Nior- taise et du Lay; — 4° le bassin de la Loire; — 5° les bassins de la Vilaine, de l'Auray, du Blavet, du Scorf, de l'Ellé, de l'Odet, de l'Aulne et de l'Elorn.
COURS D'EAU AU S. DE LA GARONNE. — Ils ont pour ceinture les monts de Haya, les Pyrénées occidentales, les monts de Bigorre, les collines de l'Armagnac et les Landes de Bor- deaux. Les bassins sont ceux : — 1° de la Bi-
dassoa qui sert en partie de limite entre la France et l'Espagne et arrose Irun et Fonta- rabie; — 2° de la Nivelle qui finit au petit port de Saint-Jean-de-Luz;— 2° de l'Adour qui arrose Tarbes, Dax, et se jette dans la mer audessous de Bayonne; il reçoit à droite la Mi- douze, à gauche les deux Leuy, le Gave de Pau qui arrose Pau et Orthez et se grossit de plusieurs affluents, la Bidouze, la Joyeuse et la Nive qui passe à Saint-Jean-Pied-de-Port; — 4° de la Leyre qui finit dans le bassin d'Arcachon à la Teste de Buch.
BASSIN DE LA GARONNE. — Sa ceinture est formée par les Landes du Bordelais, les collines de l'Armagnac, les monts de Bigorre, les Pyrénées centrales, la chaîne de partage des eaux depuis le pic de Corlitte jusqu'au mont Lozère, et la chaîne entre Loire et Garonne jusqu'à la pointe de Coubre.
La Garonne prend sa source dans le val d'Aran en Espagne, arrose Saint-Béat, SaintGaudens, Cazères où elle est navigable, Toulouse, Agen, Marmande et Bordeaux. A 20 kilomètres au-dessous, elle reçoit la Dordogne au bec d'Ambez, prend alors le nom de Gironde, forme un canal de 3 à 4 kilomètres de large et se jette dans la mer entre les pointes de Coubre et de Grave après un cours de 580 kilomètres. La marée remonte le fleuve jusqu'à 120 kilomètres dans l'intérieur.
Les affluents de gauche n'ont qu'une importance médiocre ; les principaux sont : la Save, le Gimone, le Gers, la Bayse, etc.
Ceux de droite, nombreux et difficilement navigables, sont : 1° Le Salat qui passe à SaintGirons; — 2° l'Ariège qui descend du col de Puy-Morens, arrose Tarascon, Foix, Pamiers, et reçoit à droite le Lers;— 3° le Tarn qui arrose Millau, Alby, Montauban; il reçoit à droite l'Aveyron qui passe à Rhodez et Villefranche, à gauche l'Agout grossi par plusieurs ruisseaux; son cours est de 360 kilomètres ; — 4° le Lot qui descend comme le Tarn du massif du mont Lozère; il arrose Cahors et Villeneuve d'Agen; il reçoit à droite la Truyère et finit près d'Aiguillon, après un cours de 440 kilomètres; — 5° la Dordogne qui descend du Mont-Dore en Auvergne, devient navigable à Souillac, arrose Bergerac, Castillon et se réunit à la Gironde; le flux y produit le mascaret ou barre d'eau quelquefois très-dangereuse; elle reçoit à droite la Vézère, grossie à gauche de la Corrèze qui passe à Tulle, l'Isle qui arrose Périgueux et se grossit à droite de la Dronne, à gauche de la Haute-Vézère. Le bassin de la Garonne comprend quatorze départements faisant partie des anciennes provinces de Guyenne, Gascogne et Languedoc.
COURS D'EAU AU N. DE LA GARONNE. — Ils ont pour ceinture les collines de la Saintonge et du Périgord, les collines du Poitou, le plateau de Gatine et les collines du Bocage; les côtes sont couvertes d'étangs et de marais salants. Les principaux de ces bassins sont : 1° la Seudre qui finit-près de Marennes; — 2° la Charente qui descend des monts du Limousin, arrose Angoulême, Cognac, et finit à 15 kilomètres au-dessous de Rochefort; elle a pour affluents, à droite la Boutonne, et à gauche la Touvre formé de deux rivières; — 3° la Sèvre Niortaise qui sort des monts du Poitou, arrose Niort, et reçoit à droite la Vendée; — 4° le Lay qui sort du plateau de Gatine et reçoit à droite l'Yon; — 5° la Vie et 7° le Falleron qui descendent du Bocage.
BASSIN DE LA LOIRE. — Sa ceinture est formée par la pente septentrionale de la chaîne entre Loire et Garonne, par la pente occidentale de la ligne de partage des eaux depuis le mont Lozère jusqu'au mont Moresol, entin par la pente méridionale de la chaîne d'entre Loire et Seine jusqu'au plateau d'Ernée d'où se détachent les collines du Maine qui vont finir à la pointe du Croisic. C'est le bassin le plus vaste de la France; il comprend le cinquième de son territoire, le quart de sa population et vingt-quatre de ses départements.
La Loire descend du mont Gerbier-de-Joncs, passe près du Puy, devient navigable à SaintRambert, arrose Nevers, la Charité, Cosne, Gien, Orléans, Blois, Tours, Saumur, Nantes, passe entre Saint-Nazaire et Paimbœuf, et finit dans la mer entre les pointes du Croisic et de Saint-Gildas. Ce fleuve est difficilement navigable à cause de son peu de profondeur, et ses inondations sont fréquentes.
Ses affluents de droite sont d'abord peu nombreux et sans importance à cause du voisinage des montagnes; ce n'est que dans la partie inférieure du fleuve qu'ils deviennent considérables; ce sont : 1° le Furens ou Furand qui descend du mont Pila et arrose SaintÉtienne; ses eaux sont excellentes pour la trempe de l'acier, et il renferme dans son bassin des mines de fer et de houille; — 2° l'Arroux qui descend du mont Moresol et passe à Autun; — 3° la Nièvre qui finit à Nevers;—4° la Mayenne qui arrose Mayenne et Laval; elle reçoit à droite l'Oudon, à gauche la Sarthe qui passe à Alençon et au Mans; la Mayenne et la Sarthe réunies deviennent la Maine qui passe à Angers; la Sarthe reçoit à gauche l'Huisne qui passe à Nogent-leRotrou, et le Loir qui arrose Châteaudun, Vendôme et la Flèche; — 5° l'Erdre qui finit à Nantes.
Ses affluents de gauche sont plus nombreux et plus considérables; ce sont : 1° L'Allier qui descend du massif du mont Lozère, arrose Vichy et Moulins ; il est sujet à de grands débordements ; les affluents sont, à gauche, l'Ala- gnon, sort du Cantal, la Sioule qui descend du Mont-Dore, et à droite, la Dore; — 2° le Loiret, le Cosson, le Beuvron qui sortent du plateau de Sologne; — 3° le Cher qui descend des monts d'Auvergne, arrose Montluçon et devient navigable à Vierzon ; c'est une rivière dange- reuse par ses débordements; elle reçoit à droite l'Auron qui passe à Bourges, et la Sauldre; à gauche, la Tarde et l'Arnon;— 4° l'Indre qui arrose Châteauroux, Châtillon, où il est navigable, Loches et Montbazon; — 5° la Vienne qui sort du plateau de Mille-Vaches, arrose Limoges, Châtellerault où elle devient navigable, et Chinon; elle reçoit à droite, le Taurion et la Creuse grossie à droite de la Gartempe qui passe à Guéret; à gauche, le Clain qui passe à Poitiers ; — 6° le Thouet qui descend du plaeau de Gâtine, et reçoit à droite la Dives;— 7° la Sèvre Nantaise, qui descend aussi du plateau de Gâtine, et traverse le pays le plus sauvage de la Vendée ; elle reçoit à droite la Moine, et à gauche la Maine; la Boulogne naît dans le Bocage et traverse le lac de Grandlieu qui doit prochainement disparaître.
COURS D'EAU AU N. DE LA LOIRE. — Leur ceinture est formée par les collines du Maine, les monts de Bretagne et les monts d'Arès jusqu'à la pointe Saint-Mathieu. Ces rivières sont : 1° La Vilaine qui descend du plateau de Fougères et passe à Rennes; elle reçoit à droite l'Ille et l'Ouet, à gauche la Seiche et l'Isac; — 2° l'Auray; — 3° le Blavet qui finit entre Lorient et Port-Louis; il reçoit vers son embouchure le Scorf; — 4° l'Ellé grossi de l'Isole; — 5° l'Odet qui passe à Quimper; — 6° l'Aulne et — 7° l'Élorn qui finissent dans la rade de Brest.
II. VERSANT DE LA MANCHE. — Ce versant s'étend sur la côte, entre la pointe Saint-Mathieu et le cap Gris Nez; il est formé par le revers septentrional de la chaîne entre Loire et Seine; par le revers occidental des monts de la Côted'Or et du plateau de Langres; par la pente occidentale des monts de la Meuse, de l'Argonne occidentale, des Ardennes occidentales et des collines de l'Artois jusqu'au cap GrisNez.
Il comprend le bassin de la Seine et plusieurs petits cours d'eau à l'O. et au N. de l'embouchure de ce fleuve. Les hauteurs de la ceinture de ce versant sont si faibles qu'il est ouvert de toutes parts et n'offre dans son intérieur que de molles ondulations; c'est la con-
trée la plus civilisée du globe, le centre du mouvement européen , l'une des plus riches et des plus fertiles de la France COURS D'EAU A L'O. DE LA SEINE. — Leur ceinture est formée par les monts d'Arès, de Bretagne, les collines de Normandie et un petit contre-fort qui se détache du plateau de Montagne pour finir à l'embouchure de la Seine.
Ces cours d'eau qui ont à peine 30 à 40 kilomètres de longueur ne sont navigables que vers leur embouchure; ce sont, le Tréguier, le Gouet qui passe à Saint-Brieuc, la Rance qui passe à Saint-Servan et à Saint-Malo, le Couesnon, la Sée, la Sélune, la Divette qui finit à Cherbourg, la Douve grossie de la Taule, la Vire, l'Orne le plus important de tous, qui a 120 kilomètres de cours et passe à Caen, enfin la Toucques.
BASSIN DE LA SEINE. — La Seine descend du mont Tasselot, à une hauteur de 446 mètres; elle arrose Bar, Troyes, Méry où elle est navigable, Montereau, Melun, Charenton où elle reçoit la Marne, Paris, Saint-Denis, Saint-Germain, Vernon, Elbeuf, Rouen, et finit entre Harfleur et le Havre, après un cours de 640 kilomètres.
Ses affluents de droite sont : 1° L'Aube qui sort du plateau de Langres, et arrose Arcis; — 2° la Marne qui sort également du plateau de Langres, arrose Chaumont, Vitry, Châ- lons, Château-Thierry et Meaux dans un cours de 420 kilomètres; elle reçoit à droite l'Ornain qui passe à Bar-le-Duc, l'Ourcq dont les eaux dérivées forment un canal jusqu'à Paris; à gauche, le Petit et le Grand-Morin qui coulent dans des pays de plaines; — 3° l'Oise qui a sa source en Belgique dans les Ardennes occidentales; elle arrose Guise, la Fère et Compiègne; elle reçoit à droite le Thérain qui passe à Beauvais ; à gauche l'Aisne grossi de l'Aire qui naît dans l'Argonne occidentale, arrose Sainte-Menehould, Vouziers, Rethel, Soissons, et reçoit à gauche la Vesle qui passe à Reims ; l'Oise établit la communication de la Seine avec le bassin de l'Escaut et tous les canaux du Nord, ce qui rend sa navigation trèsimportante; son cours est de 260 kilomè- tres.
Les affluents de gauche de la Seine sont beaucoup moins considérables que les précédents; ce sont : 1° L'Yonne qui descend des monts du Morvan, passe à Auxerre, à Joigny, à Sens, et finit à Monterea elle reçoit à droite la Cure, le Serein et l'Armançon qui passe à Tonnerre; — 2° le Loing qui sort du plateau d'Orléans, arrose Montargis et fait communiquer la Seine avec la Loire par les
canaux de Montargis, de Briare et d'Orléans; — 3° l'Essonne qui finit à Corbeil; — 4° l'Eure qui sort des collines du Perche, arrose Chartres et Louviers; elle reçoit à gauche la Blaise, l'Avre et l'Iton qui passe à Évreux; — 5° la Rille qui descend du plateau de Mortagne.
COURS D'EAU AU N. DE LA SEINE. — Leur ceinture est formée par les collines de Caux, de Picardie et par celles de l'Artois, entre la pointe de Hève et le cap Gris-Nez. Les principaux sont : 1° La Béthune grossie de l'Arques, qui finit à Dieppe; — 2° la Bresle; — 3° la Somme qui arrose Saint-Quentin, Amiens et Abbeville; — 4° l'Authie; — 5° la Canche; — 6° la Liane qui finit à Boulogne.
La description de ces cours d'eau se trouvera dans les départements auxquels ils appartiennent.
III. VERSANT DE LA MER DU NORD.—Ce versant est formé depuis le cap Gris-Nez, par le revers septentrional et oriental des collines de l'Artois, des Ardennes occidentales, de l'Argonne occidentale, des monts Faucilles et des Vosges méridionales, du Jura septentrional, des monts Jorat, des Alpes Bernoises et des Alpes centrales.
Une partie seulement de la rive gauche de ce bassin appartient à la France; le reste est occupé par la Belgique et la Prusse; quant à la rive droite, elle appartient tout entière à la région Germanique. Nous n'aurons donc à nous occuper que de la partie occidentale et française.
Cette partie ne renferme que le grand bassin du Rhin (rive gauche) avec le bassin secondaire de l'Escaut et quelques petits ruisseaux.
COURS D'EAU A L'O. Du RHIN. — Leur ceinture est formée depuis le cap Gris-Nez par les collines de l'Artois jusqu'au plateau de Saint-Quentin, et ensuite par les collines de Belgique qui vont s'effacer dans des marais entre l'Escaut et la Meuse. Ces cours d'eau sont : 1° L'Aa qui passe à Saint-Omer et finit à Gravelines ; — 2° l'Yser, né en France, qui est coupé par la frontière au-dessus de Rousbrugge et finit à Nieuport en Belgique; — 3° l'Escaut dont le bassin est entièrement ouvert, abondamment arrosé de rivières et de canaux, très-peuplé, très-riche, fertile et couvert de villes et de villages ; la partie supérieure seulement, la moins considérable, appartient à la France; ce fleuve descend du plateau de Saint-Quentin, arrose Cambrai, Valenciennes, Condé, et va finir à Anvers après un cours de 340 kilomètres; il reçoit à droite, en France, la Rhonelle et la Haisne; à
gauche, la Sensée, la Scarpe qui passe à Arras et à Douai, et la Lys grossie à droite de la Lawe et de la Deule qui-arrose Lille.
BASSIN DU RHIN. — Ce fleuve dont le cours est de 1280 kilomètres depuis le Saint-Gothard jusqu'à la mer, n'appartient à la France que sur une étendue de 200 kilomètres entre Bâle et l'embouchure de la Lauter. La partie supérieure seulement de ses grands affluents est comprise dans notre pays. Le Rhin sort du Saint-Gothard, enveloppe en partie la Suisse dans son cours supérieur et entre en France au-dessous de Bâle; il arrose alors NeufBrisach et quitte définitivement la frontière au confluent de la Lauter pour aller finir en Hollande à travers la Prusse rhénane.
Ses principaux affluents sont : 1° L'Ill, qui arrose Mulhouse, et se grossit à gauche du Fecht et de la Bruche; — 2° la Moder qui passe à Haguenau, et reçoit à droite la Zorn; — 3° la Lauter qui arrose Weissembourg et Lauterbourg, et sert de limite entre la France et la Bavière rhénane ; — 4° la Moselle, qui descend des monts Faucilles, arrose Épinal, Toul, Metz, Thionville, et sort de France au-dessous de Sierck pour aller finir dans le Rhin à Coblentz ; ses affluents sont, à droite, la Meurthe qui passe à Nancy, la Seille qui finit à Metz, la Sarre qui passe à Sarreguemines et entre en Prusse à Sarrebruck ; son seul affluent de gauche est l'Orne; — 5° la Meuse qui sort du plateau de Langres, arrose Commercy, Verdun, Sedan, Mézières et quitte la France au-dessous de Givet; elle reçoit à droite le Chiers qui passe à Longwy et Montmédy, la Semoy qui prend naissance dans le grand duché de Luxembourg et finit au-dessous de Mézières ; à gauche, la Vaire dont une source passe à Rocroi, la Sambre qui sort des Ardennes occidentales, arrose Landrecies, coupe la frontière au-dèssous de Maubeuge, reçoit à droite la Grande-Helpe, et va finir à Namur.
IV. VERSANT DE LA MÉDITERRANÉE.— Ce versant s'étend sur la mer depuis le cap Creus jusqu'à Savone; il est formé par la pente septentrionale des Pyrénées orientales, par la ligne de partage des eaux de la France tout entière, du pic de Corlitte au Saint-Gothard, et par la chaîne des Alpes occidentales depuis le Saint-Gothard jusqu'au col de Cadebone.
Il comprend le grand bassin du Rhône, et quelques petits bassins côtiers à l'O. et à l'E.
de ce fleuve.
COURS D'EAU A L'O. DU RHÔNE. — Ce sont : le Tech, la Tét qui passe à Perpignan, et l'Aude qui descendent des Pyrénées, n'ont aucune importance ; l'Orb et l'Hérault qui sortent des Cévennes; le Lez, qui arrose Montpellier; la
Vidourle et la Vistre, qui ont leur source dans les collines du Gard.
BASSIN DU RHÔNE. — Le bassin oriental, ou du Rhône supérieur, n'appartient pas à la France. Le Rhône sort du massif du Saint-Gothard, traverse une partie de la Suisse et entre en France après sa sortie du lac de Genève. Il arrose Fort-l'Écluse, Seyssel, où il est navigable, Lyon, où il tourne droit vers le S., Tournon, Valence, Montélimart, Avignon, Beaucaire, Tarascon et Arles. Au-dessous de cette ville, il se divise en deux branches qui embrassent un vaste delta marécageux formé par les atterrissements du fleuve et qu'on appelle la Camargue. Son cours est de 850 kilomètres dont 250 seulement sont navigables; c'est le fleuve le plus impétueux de l'Europe.
Ses affluents de droite sont : 1° Le London, la Valserine qui descendent du Jura méridional; — 2° l'Ain grossi de la Bienne, laquelle arrose Saint-Claude; — 3° la Saône qui sort des monts Faucilles, devient navigable à Gray, arrose Auxonne, Châlon, Mâcon, et finit dans le Rhône à Lyon ; elle reçoit à droite, la Tille, l'Ouche qui passe à Dijon, l'Azergues; à gauche, le Durgeon, l'Ognon, le Doubs, qui arrose Pontarlier, Besançon, et se grossit à droite de la Savoureuse qui passe à Béfort, et à gauche de la Loue qui reçoit la Furieuse; la Seille; la Reyssouze qui descendent des pentes occidentales du Jura; — 4° le Gier qui sort du Mont-Pila; — 5° l'Érieux, l'Ouvèze, l'Ardèche, torrents qui ont leur source dans les monts du Vivarais, le Gard, redoutable par ses inondations, et formé de deux ruisseaux qui sortent des monts du Gévaudan.
Le Rhône reçoit à gauche 1° La Dranse savoyarde, qui finit dans le lac de Genève; — 2° l'Arve qui descend du mont Blanc et finit à Genève; — 3° le Fier qui passe à deux lieues de la ville d'Annecy; — 4° le Guiers formé de deux sources, qui descend du massif de la Grande-Chartreuse, et arrose les Échelles; — 5° l'Isère qui descend du mont Séran et coule à travers un pays très-tourmenté, en arrosant Montmélian et Grenoble ; il reçoit à gauche l'Arc qui a sa source au même point, passe à Saint-Jean de Maurienne et ouvre la route du mont Cenis, et le Romanche-Drac, formé de deux torrents redou- tables par leurs débordements; — 6° la Drôme qui passe à Die, le Roubion, l'Aygue, la Sorgues, grossie à droite de la Nesque et de l'Ouvèze, qui descendent des Alpes du Dauphiné ou de leurs contre-forts; — 7° la Durance, formée de la réunion de plusieurs sources qui descendent du mont Thabor et du mont Genèvre; elle passe à Briançon, Embrun et Sisteron ; ses affluents
de droite sont la Luye qui arrose Gap et le Buech; elle reçoit à gauche le Cuil, l'Ubaye qui forme la vallée de Barcelonnette et descend des Alpes, la Blanche, la Bléonne et le Verdon qui ont leur source dans les montagnes Blanches.
COURS D'EAU A L'E. DU RHÔNE. — Ce sont : 1° l'Arc qui finit dans l'étang de Berre; — 2° l'Argens dont les sources sont opposées à celles de l'Arc; il reçoit la Nartuby qui passe à Draguignan et finit près de Fréjus;— 3° le Var qui descend du mont Cameleone, reçoit à gauche la Vesubie et la Tinéa, et à droite l'Es- teron; — 4° la Roya, la Taggia, l'Arascia qui descendent des Alpes maritimes et se jettent dans le golfe de Gênes.
En résumé, tous les cours d'eau que nous venons de décrire sommairement forment 5 grands fleuves, 90 fleuves secondaires, 5000 rivières ou ruisseaux; 113 de ces cours d'eau sont navigables sur une étendue d'environ 9600 kilomètres; 212 sont flottables; 5000 appartiennent au nord de la France, et 4600 au midi.
Lacs. — Étangs. — Marais. — La France ne possède qu'un petit nombre de lacs; le plus considérable est celui du Bourget en Savoie, qui a environ 20 kilomètres de longueur sur 4 kilomètres de large, et dont la profondeur atteint parfois 200 mètres. Vient ensuite le lac de Grandlieu dans la Vendée; mais il cessera bientôt d'exister pour être livré à l'agriculture. On peut encore citer le lac de Saint-Point (Jura) qui a 600 hectares de superficie, celui de Palladru (Isère) qui a 400 hectares, celui de Nantua (Ain) qui en a 268, le lac d'Annecy (Haute-Savoie), etc.
Les étangs se rencontrent en grand nombre sur les côtes de la Gascogne, du Roussillon et du Languedoc; on en trouvera la description dans la géographie des départements auxquels ils appartiennent.
Les marais, considérablement amoindris par les travaux de dessèchement, sont néanmoins encore assez nombreux dans notre pays. Les contrées qui en renferment le plus sont les bassins de la Somme, de l'Escaut, de l'Aisne, de la Sèvre niortaise, les Landes de Gascogne, une partie de la rive gauche du bassin de la Loire et les Bouches-du-Rhône.
Description des côtes. — L'étendue totale des côtes de la France est d'environ 2840 kilomètres, dont 2100 pour l'océan atlantique et 740 pour la Méditerranée.
VERSANT DU GOLFE DE GASCOGNE. — Depuis la pointe du Figuier jusqu'à l'Adour, la côte est
généralement élevée, escarpée, ouverte seulement par la petite rade de St-Jean-de-Luz et le port de Biarritz.
De l'Adour à la Gironde, elle est droite, sablonneuse, formée de dunes envahissantes, ouverte seulement par des étangs marécageux.
On y trouve le port de Bayonne, celui de la Teste de Buch dans le bassin sans profondeur d'Arcachon, Royan, Bordeaux, etc.
De la Gironde à la Loire, la côte est encore basse et couverte de sables ou de marais; quelques parties sont formées de falaises calcaires rongées par la mer ; on y trouve quelques baies peu profondes et difficiles, et des îles qui semblent les débris de l'ancien rivage.
Ces îles sont celles d'Oléron, de Ré, d'Aix, d'Yeu et de Noirmoutiers. Les ports accessibles seulement aux petits bâtiments, sont Brouage, La Rochelle, les Sables d'Olonne, puis Rochefort.
De la Loire àla pointe Saint-Mathieu, la côte d'abord basse et marécageuse se redresse ensuite en hautes falaises, en masses de granit, fortement déchirées et sans cesse battues par les tempêtes ; elle est bordée d'une redoutable ceinture d'écueils, de récifs et d'îles rocheuses.
Les saillies les plus remarquables sont la presqu'île de Quiberon, les pointes de Penmark, du Raz, de la Chèvre, la presqu'île de Quelern et la pointe Saint-Mathieu. Les baies sont celles de Bourgneuf, du Morbihan, d'Audierne, de Douarnenez et de Brest. Les îles sont celles de BelleIle avec Houat et Hœdic, Dumet, de Groix, de Glenans, de Sein, d'Ouessant. Les ports nombreux, profonds et généralement faciles, sont : Paimbœuf, Saint-Nazaire, Vannes, Port-Louis, Lo- rient et Brest. VERSANT DE LA MANCHE ET DE LA MER DU NORD.
— Du cap Saint-Mathieu à la Seine, la Manche forme deux golfes que sépare la presqu'île du Cotentin : celui de Saint-Malo et celui de la Seine.
Dans la presqu'île de Bretagne, la côte est formée de roches granitiques très-élevées, trèsdécoupées , et bordées d'île et d'écueils ; elle renferme de bons ports. Les baies principales sont celles de Saint-Brieuc et de Cancale; ses îles sont celles de Batz, les Sept-îles et Bréhat. Les ports sont ceux de Morlaix, Perros, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Saint-Servan. Dans la presqu'île du Cotentin, la côte est formée de hautes falaises qui se prolongent jusqu'à la Seine, et a devant elle entre la Vire et l'Orne, la ceinture d'écueils appelés Rochers du Calvados. Les îles sont l'archipel Normand (Jersey, Guernesey et Aurigny) appartenant à l'Angleterre, et les îles Saint-Marcouf. Les ports sont ceux de Granville, Cherbourg, Saint-Waast-la-Hougue et Caen.
De la pointe de Hève, embouchure de la Seine, à l'embouchure de la Somme, la côte
est formée de hautes falaises que la mer ronge sans cesse et réduit en galets ; on n'y trouve, à l'exception du Havre, que cinq petits ports : Ronfleur, Étretat, Fécamp, Dieppe et le Tréport.
De la Somme à l'Escaut, la côte est basse, sablonneuse, bordée de dunes et embarrassée de bancs de sable; les ports difficilement accessibles, sont en France ceux de Saint-Valery, Étaples, Boulogne, Gravelines, Mardick et Dun- kerque.
VERSANT DE LA MÉDITERRANÉE. — Le littoral de la Méditerranée se partage en deux parties très-distinctes: la première, du cap Creus au delta du Rhône, forme un arc de cercle concave, favorable aux invasions de la mer; la deuxième, du delta du Rhône au golfe de Gênes forme un arc convexe sur lequel la mer vient se briser en formant des ouvertures et des îles.
Du cap Creus à l'embouchure du Tech, la côte est montueuse, escarpée, ouverte par les ports de Collioure et de Port-Vendres; au delà, jusqu'au Rhône, elle est basse, sablonneuse, coupée d'étangs maritimes, parmi lesquels ceux de Leucate, Sigean, Thau et Aigues-Mortes. Les ports sont ceux de la Nouvelle, Agde, Cette et Aigues-Mortes.
Du Rhône à la Roya, la côte est très-escarpée, très-découpée et bordée d'îles. On y trouve les golfes de Berre, Grimaud, Napoule et Juan; les caps Couronne, Cicie, Cépet, etc. ; les îles Pomègue et Ratonneau, d'Hyères, de Lérins; les ports de Berre, Martigues, Bouc, Marseille, la Ciotat, la Seyne, Toulon, Saint-Tropez, Fréjus, Cannes, Antibes, Nice et Villefranche.
En résumé, le nombre des ports grands ou petits, baies, anses, criques, est de 216 pour le golfe de Gascogne, 101 pour la Manche et la mer du Nord, 83 pour la Méditerranée; total 400.
Il nous reste, pour compléter ce chapitre, à décrire les côtes de la Corse. Leur développement est de plus de 450 kilomètres; elles sont élevées et très-découpées à l'O.; elles y forment les golfes de Saint-Florent, de Calvi, d'Ajaccio, et d'excellentes rades ; à l'E., au contraire, elles sont basses et marécageuses surtout vers le centre; néanmoins, on y trouve au S. le PortoVecchio qui est réputé l'une des meilleures rades de la Méditerranée.
Formation territoriale. — Depuis les temps les plus reculés, le pays compris entre l'Océan, les Pyrénées, la Méditerranée, les Alpes et le Rhin, portait le nom de Gaule. Il était habité par trois peuples de races distinctes, divisés en nombreuses tribus indépendantes, fédérées ou ennemies: au S. entre les Pyrénées et la Ga-
ronne, les Aquitains, de race Ibérique; au N.
entre la Seine, le Rhin et la mer, les Belges, d'origine germanique; au milieu, les Galls ou Celtes, les plus anciens habitants du pays; enfin quelques colonies phéniciennes et grecques avaient fondé Nîmes, Alais, Marseille, la plus florissante et la plus célèbre, Avignon, Arles, etc.
sur le littoral de la Méditerranée.
Marseille ayant appelé les Romains en Gaule, ceux-ci s'emparèrent de toute la partie inférieure du Rhône dont ils firent leur province (Provence), s'immiscèrent dans les querelles des peuplades gauloises, et finirent par soumettre tout le pays, environ 50 ans avant J. C.
Après la conquête, la Gaule du midi fut désignée à Rome sous le nom de Gaule Transalpine, par opposition à la Gaule Cisalpine située- au S. des Alpes, pays devenu romain depuis plusieurs siècles; on lui donnait aussi le nom de Gaule aux braies ou aux bragues du vêtement national de ses habitants, tandis que la Gaule romaine était appelée la Gaule en toge. Quant à la Gaule du N., elle était surnommée Gaule chevelue à cause de la longue chevelure que portaient ses populations; c'était un reste des anciennes coutumes de la Germanie.
La Gaule comprit donc alors quatre provinces : la Provence proprement dite, l'Aquitaine, la Belgique et la Celtique.
Auguste la réorganisa en Narbonnaise, Aquitaine, Lyonnaise et Belgique (23 ans avant J. C.).
Sous Adrien, elle s'accrut de la soumission de nouvelles peuplades, et fut divisée en Belgique, Germanique, Lyonnaise, Viennoise et Aquitaine.
Probus en fit sept provinces ; Dioclétien douze ; enfin Gratien la partagea en neuf provinces subdivisées en dix-sept gouvernements secondaires qui comptaient cent quinze cités avec leurs territoires ; cette organisation fut la dernière que reçut la Gaule (379 après J. C.).
La grande invasion des barbares, à la fin du cinquième siècle, détruisit l'empire romain et aména en Gaule l'établissement de trois nouveaux peuples d'origine germanique : les Francs qui s'avancèrent jusqu'à la Somme; les Bourguignons qui occupèrent le bassin du Rhône et celui de la Saône ; les Visigoths qui se rendirent maîtres de tout le pays au S. de la Loire.
Le royaume des Francs s'étendit sur les deux anciennes provinces de Germanie et de Belgique avec une partie de la Lyonnaise ; celui des Burgundes comprit le reste de la Lyonnaise, la grande Séquanaise, la Viennoise, et les pays alpins, celui des Visigoths occupa la Narbonnaise, l'Aquitaine et la Novernpopulanie.
Sous le règne de Clovis, les Francs battirent les légions de Syagrius à Soissons, et firent
disparaître les derniers débris de la domination romaine; la victoire de Vouillé, remportée sur les Visigoths, les rendit maîtres du midi, et les Burgundes, à leur tour, furent soumis à un tribut. Avant de songer à s'étendre vers les Pyrénées et la Méditerranée, Clovis avait définitivement arrêté les invasions barbares sur les bords du Rhin par la bataille de Tolbiac; en sorte qu'à la fin de son règne, les Francs dominaient toute la Gaule.
Le pays fut alors très-confusément divisé en quatre parties principales : 1° la Neustrie, entre la Loire, la Meuse, l'Escaut et l'Océan ; 2° l'Austrasie, de la Meuse à l'Escaut, jusqu'au delà du Rhin ; 3° la Bourgogne, dans les bassins du Rhône et du Haut-Rhin, tour à tour possédée par les rois de Neustrie et ceux d'Austrasie; 4° l'Aquitaine, de la Loire aux Pyrénées, occupée au S. O. par les Vascons indépendants, et au S. E. par les Visigoths qui appelèrent leur contrée Septimanie.
A la suite de la bataille de Testry en 687, les Francs Austrasiens renversèrent la domination des Neustriens, conquirent toute la Gaule, et sous le règne de Charlemagne, ils étendirent leur puissance jusqu'à l'Elbe et au Danube. Ce vaste empire ne subsista que quarante-trois ans et fut démembré en 843 par le traité de Verdun. 11 forma alors trois grands États distincts : 1° La France, entre l'Océan, les Pyrénées, la Méditerranée, le Rhône, la Saône, la Meuse et l'Escaut ; 2° la Germanie, sur la rive droite du Rhin ; 3° la Lotharingie, longue bande de territoire irrégulière, située entre les deux pays précédents.
Nous n'avons pas à nous occuper de la Germanie, qui eut ses destinées particulières; quant à la Lotharingie, pays détaché du cadre naturel de l'ancienne Gaule, il fut perpétuellement disputé par la France et la Germanie, et reconquis incomplétement par la première après huit siècles de lutte persévérante.
Grâce aux querelles des successeurs de Charlemagne, à leur faiblesse, au démembrement de son empire, et aux attaques des Normands, une foule de seigneurs s'étaient rendus complétement indépendants dans le nouveau royaume de France fondé par le traité de Verdun; il s'était formé au S. des comtés de Toulouse, de Foix, de Gascogne, d'Aquitaine, etc., se subdivisant en une multitude d'autres petits États inférieurs, seigneuries, vicomtés, etc.
Dans le N. se trouvaient les comtés de Flandre, de Vermandois, de Bretagne, et dans le même temps, les rois de France se trouvaient réduits à la possession de la seule ville de Laon. En 987, un des grands vassaux de la couronne,
Hugues Capet, duc de France, fut proclamé roi ; son petit État qui comprenait seulement l'Ile de France, la Picardie et l'Orléanais-devint le domaine royal, et le nom de France qu'il portait exclusivement fut substitué à celui de Gaule pour désigner tous les pays soumis au nouveau roi.
Avec Hugues Capet commence le grand travail de l'unification territoriale de la France; ce prince et ses successeurs s'efforcèrent de réunir à leur domaine, non-seulement les États féodaux indépendants depuis le traité de Verdun, mais encore ceux de l'ancienne Gaule séparés par le même traité; la réunion des premiers forme toute l'histoire intérieure de notre pays: celle des seconds l'histoire de sa politique extérieure, et cette revendication s'est poursuivie sans relâche depuis huit siècles jusqu'à nos jours.
On trouvera dans chaque département l'historique de sa réunion à la couronne; voici, sommairement, à quelle époque furent réunies les principales provinces : En 1183, Philippe Auguste obtint par acquisition une partie de la Picardie; il y ajouta en 1203 la Touraine, l'Anjou, le Maine, le Poitou, la Saintonge et la Normandie, confisquées et conquises sur les Anglais.
Saint Louis réunit en 1229 une partie du Languedoc; le reste fut acquis en 1270 par son fils Philippe III.
Par son mariage avec Jeanne de Navarre, Philippe le Bel obtint la Champagne et la Brie en 1285 ; la même année, il fit l'importante acquisition du Lyonnais.
Philippe VI acheta le Dauphiné en 1349.
Charles VII reprit sur les Anglais le Limousin, la Guyenne et la Gascogne en 1453.
Louis XI acquit par héritage la Marche, la Bourgogne en 1479, la Provence, le Maine et l'Anjou en 1487.
François 1er, à son arrivée au trône en 1515, apporta à la couronne son domaine particulier qui comprenait l'Angoumois, le Forez, le Beaujolais; il y ajouta en 1531 le Bourbonnais et le Dauphiné d'Auvergne confisqués sur le connétable de Bourbon, et en 1547 la Bretagne dont il avait épousé l'héritière.
François II conquit en 1552 la Lorraine française dont la possession fut définitivement confirmée à la France aux traités de Westphalie en 1648; il enleva également le Calaisis aux Anglais.
Henri IV apporta à la couronne son patrimoine composé du Bearn, du Bigorre, de la Basse-Navarre, du comté de Foix et de l'Arma- gnac en 1590; en 1601, il échangea le Marquisat de Saluces avec le duc de Savoie contre la Bresse et le Bugey.
Sous Louis XIV, le traité de Westphalie (1648) donna à la France l'Alsace; le traité des Pyrénées (1659) l'Artois et le Roussillon; le traité d'Aix-la-Chapelle (1668) la Flandre française; le traité de Nimègue (1678) la FrancheComté.
Louis XV réunit par héritage la Lorraine et le Barrois, et acheta l'Ile de Corse aux Génois. Les conquêtes faites par la République amenèrent la réunion au territoire français de la Savoie, du comté de Nice, de tous les pays de la rive gauche du Rhin, de la République de Genève et du Piémont.
L'Empire y ajouta la République de Gênes, les duchés de Parme et de Plaisance, la Toscane, les États Romains, le canton suisse du Valais, la Hollande, le cercle de Westphalie et les villes Anséatiques, qui portèrent à cent trente le nombre des départements français.
Le résultat de cette extension gigantesque fut de soulever toute l'Europe contre la France.
Aux termes des traités de 1814 et de 1815, elle dut renoncer à toutes ses conquêtes depuis 1792, et rentrer dans ses anciennes limites, encore ébréchées dans leurs points les plus vulnérables.
Cet état de choses a subsisté jusqu'en 1861; à cette époque, le traité de Turin céda la Savoie et l'arrondissement de Nice à Napoléon III en échange de la Lombardie conquise sur les Autrichiens par nos armes, et la frontière naturelle de la France se trouve ainsi entièrement rétablie du côté des Alpes.
Population. — D'après le recensement quinquennal de 1866, la population des 89 départements de la France s'élève à 38 067 094 habitants.
Voici quel a été le chiffre de cette population depuis un siècle dans les territoires qu'occupe la France actuelle, moins les départements de la Savoie.
Habitants.
En 1700, d'après les rapports des Intendants. 19 669 320 En 1772, d'après Buffon. 22672000 En 1785, sous le ministère Necker. 24 800000 En 1789, d'après de Pomelles. 25065000 En 1790, d'après le comité de l'Assemblée nationale, chargée de la réorganisation territoriale. 26 363 000 En 1798, territoire de l'ancienne France avec l'annexion de Vaucluse 28810 694 En 1821. 30461875 En l841. 34 230 178 En 1851. 35783170 En 1861 (y compris la Savoie). 37 382 225 En 1866 38 067 094
Vue générale de Marseille.
La France actuelle contenant 543 051 kilomètres carrés et sa population s'élevant en chiffres ronds à 38 millions d'habitants, on compte donc environ 69 habitants par kilomètre carré. Les départements les plus peuplés sont la Seine, le Rhône, le Nord, la Seine-Inférieure, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. Les moins peuplés sont les Basses-Alpes, les Hautes-Alpes, la Lozère, la Corse, les Landes et l'Indre.
Envisagéeau point de vue des sexes, la France renferme à peu près 19 millions d'individus du sexe masculin et 19 000 000 du sexe féminin.
On compte environ 3 300 000 hommes de 21 à 35 ans et 300 000 de 20 à 21 ans, c'est-à-
dire 3 600 000 hommes dans toute la force de l'âge et susceptibles de porter les armes, sans recourir aux jeunes gens de moins de 20 ans ni aux hommes de plus de 35 ans.
Pris en chiffre rond de 38 millions d'habitants la population de la France se subdivise ainsi :
Agriculteurs 20 500 000 Manufacturiers. 2 500 000 Artisans 9 000 000 Professions libérales, rentiers, fonctionnaires, etc 4000 000 Domestiques. 1000000 Divers 1 000 000 Total. 38000000
Vue générale de Lyon.
Le nombre des propriétaires inscrits sur les rôles de l'impôt dépasse le chiffre de 6 millions.
C'est dans les départements de la Seine, SeineInférieure, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, et généralement dans le Nord que se trouvent les plus grands propriétaires.
Races. — Langues. — Religions. — Caractère. — RACES. — La nation française est formée principalement d'éléments celtiques ou gaulois auxquels ont été ajoutés d'abord des éléments romains, ensuite des éléments germaniques. On retrouve encore sur quelques points du territoire des débris des éléments
primitifs: tels sont les Bas-Bretons d'origine celtique, les Basques d'origine ibérique, les Allemands de la Lorraine et de l'Alsace, et les Flamands de race germanique.
Sur 38 millions d'habitants, on compte en France 1 million de Bretons, 150 000 Basques, 1 300 000 Allemands, 70 000 Juifs, 7000 Bohémiens de race hindoue, 200 000 Flamands et 250 000 Italiens de la Corse et de l'arrondissement de Nice.
LANGUES. — La langue française est, comme la nation, née des idiomes celtique, romain et germanique. Perfectionnée constamment depuis son origine, et principalement depuis le
commencement du dix-septième siècle, elle est devenue la première des langues modernes, celle de la diplomatie et des classes élevées chez tous les peuples; mais si elle est parlée partout, jusqu'en Orient, elle est loin d'être d'un usage général dans toute la France Six millions de Français parlent environ 30 patois dérivés des deux anciennes langues du moyen âge, la langue d'Oc etla langue d'Oil. Le gascon, le béarnais, le provençal, le languedocien, sont la langue usuelle du peuple au delà de la Loire; le picard, le bourguignon, le champenois ont aussi leur patois particulier, et ce n'est réellement que dans l'île de France, l'Orléanais, la Touraine et le Blaisois, c'est-à-dire l'ancien domaine des ducs de France, où l'on parle le français pur. A ces divers patois, il faut ajouter les langues originales : le celtique dans la Basse-Bretagne, l'ancien ibérique et l'espagnol dans les Pyrénées, l'allemand dans l'Alsace et la Lorraine allemande, le flamand dans le Nord et l'italien en Corse et à Nice.
RELIGION.— Les cultes reconnus en France et salariés par l'État sont : le catholicisme, la religion réformée (calviniste), la religion de la confession d'Augsbourg (luthérienne) et la religion juive.
La religion catholique forme la religion de la majorité des Français; l'exercice du culte est réglé d'après les bases du concordat de 1802, qui sauvegarde les libertés de l'Église gallicane.
On estime à 1 million, dont 300000 luthériens, le nombre total des protestants de France ; les calvinistes habitent principalement les départements de la vallée du Rhône, et la région S. O. entre la Loire et les Pyrénées; les luthériens sont généralement répandus dans l'E. (Haut et Bas-Rhin, Doubs, Haute-Saône), et dans le département de la Seine; quant aux israélites, on les rencontre à peu près partout, mais principalement à Paris, dans la Lorraine et dans l'Alsace.
CARACTÈRE. — Le mélange des éléments romain et germanique avec le fond commun celtique, a produit dans la population de la France deux grandes divisions, celle du Nord, celle du Midi, empreintes des caractères particuliers de chacune des races dont elle dérive. Ainsi les hommes du Midi, issus du mélange romain, sont petits, bruns, intelligents, passionnés, tandis que ceux du Nord, où domine l'élément germanique, diffèrent par leur grande taille, la couleur blonde de leurs cheveux, leur teint blanc, une démarche plus lente et plus grave.
On peut regarder les populations de la Normandie, de la Picardie, de la Champagne et de
l'ancien comté de Paris comme les populations fondamentales de la France, celles qui ont constitué le plus efficacement la nationalité française ; comme il est juste de reconnaître aussi que les populations plus fines, plus brillantes du Midi, ont donné à notre pays la plupart de ses hommes d'État.
« Le Français est le peuple le plus sympa« thique et le plus sociable de la terre : d'une « grande vivacité d'esprit, d'une imagination « prompte, ardente et inventive, il est bon, « loyal, honnête par nature et par instinct ; sa « générosité est toujours prête à accueillir les « infortunes, à protéger les faibles et à oublier « les injures; cultivant les arts et les lettres, « d'un courage bouillant qui le rend éminé« ment propre à l'attaque, il a conservé ces « qualités antiques des Gaulois que César re« présente comme aimant à combattre vaillam- « ment et à parler finement. Mais avec ces érni« nentes qualités qui font du Français le peuple « le plus brillant des temps modernes, il est es« sentiellement léger, mobile, inconstant, avide « de nouveautés et de plaisirs, crédule et vani« teux. Sacrifiant tout à l'esprit, il se console « de tout avec un bon mot, se moque de tout, « même de lui; contempteur du passé, in« soucieux de l'avenir, tour à tour s'indi« gnant de la moindre injure et subissant « les jougs les plus étranges, il est enfin, sui« vant ses haines ou ses amours du moment, « le peuple le plus difficile et le plus facile à « gouverner1. »
Climat. — Par sa latitude et le peu d'élévation de son sol, la France appartient doublement à la zone tempérée; cependant les variations de température y sont encore assez considérables pour qu'on y distingue cinq régions climatoriales bien tranchées.
Le climat vosgien comprend toute la région limitée par le Rhin, la trouée de Belfort, la chaîne de partage jusqu'à la Côte-d'Or et une ligne tirée de Clamecy à Givet. C'est un climat excessif, c'est-à-dire qu'à latitude égale les hivers sont plus rudes et les étés plus chauds que dans les régions occidentales.
La température moyenne est de neuf degrés six dixièmes. Les étés y sont marqués par de grandes pluies et de fréquents orages.
Les vents régnants sont ceux du S. O. et du N. 0.
Le climat séquanien s'étend à la partie N. 0.
de la France limitée au S. par la Loire, le Cher, et une ligne tirée de Bourges à Clamecy; 1. Géographie de Malte-Brun et Th. Lavallée, t. I, p. 592 et suiv.
ses caractères sont moins prononcés à cause de l'abaissement du sol et du voisinage de la mer. La température y est plus uniforme, l'hiver moins froid que dans l'E., l'été moins chaud. La température moyenne est de dix degrés neuf dixièmes. Il y pleut moins que dans la région précédente, exception faite de la Bretagne et du Cotentin. Le vent dominant est celui du S. O.
Le climat girondin ou du S. O., est celui des pays situés au S. du Cher et de la Loire jusqu'aux Pyrénées Il est plus excessif que celui du N. O.; sa température moyenne est de douze degrés sept dixièmes. Les pluies d'automne et d'hiver y prédominent, et chaque année y voit éclater de fréquents orages.
Le climat rhodanien ou du S. E. règne dans toute la vallée de la Saône et du Rhône, jusque vers le confluent de l'Ardèche. La température moyenne y est de onze degrés; il y pleut moins souvent que dans les autres régions, mais la quantité annuelle des eaux pluviales y est plus grande. Les orages et les tremblements de terre y sont aussi plus fréquents.-Les vents dominants viennent du S. et du N.
Le climat méditerranéen ou du S. comprend toute la France méridionale le long des côtes de la Méditerranée; mais ses caractères ne sont bien tranchés qu'entre Pont-Saint-Esprit, Toulon et Montpellier. Le climat provençal est le plus chaud de la France, et sa température moyenne est de quatorze degrés huit dixièmes. Il y pleut rarement en été.
Le vent dominant est le mistral qui vient du N. O.
En résumé le climat de la France est tempéré et agréable, surtout vers le centre. Au S.
E., il participe du climat de l'Italie ; mais il est rigoureux dans les régions montagneuses, telles que les Vosges et le Jura et surtout dans les Alpes et les Pyrénées.- L'air y est sain presque partout, même sur le littoral méditerranéen qui est le plus chaud ; les côtes sabloneuses des Landes forment la partie la moins salubre du territoire.
Régions agricoles. — Nature des terrains.
— Produits. — Animaux. — La France, grâce à la richesse de son sol et à sa situation géographique, qui lui permet d'écouler facilement ses productions, est un pays essentiellement agricole, se prêtant à presque toutes les cultures. Sous ce rapport, on peut la diviser en plusieurs zones suivant les végétaux qu'elle produit plus spécialement, sans que cette division soit cependant d'une exactitude rigoureuse.
RÉGIONS AGRICOLES. — La première zone, ou zone des oliviers, est limitée au N. par une ligne
qui, partant des sources de la Garonne, passerait par Die et Embrun; elle occupe donc tout le pays compris entre la Méditerranée, le revers oriental des Pyrénées, le revers méridional des Cévennes inférieures et des Alpes du Dauphiné. La deuxième zone, ou zone dumaïs, s'étend au N. de la précédente jusqu'à une ligne partant de l'embouchure de la Gironde, passant au N.
de Nevers et se prolongeant jusqu'au confluent de la Lauter avec le Rhin.
La troisième zone au delà de laquelle la vigne cesse d'être cultivée, est circonscrite au N. par une ligne qui partant de l'embouchure de la Loire passerait au S. des sources de l'Eure, longerait l'Oise, et irait atteindre Je Rhin au N. O., en laissant au S. l'Aisne, Verdun et la Meuse.
Au delà de cette ligne règne une région plus froide que la précédente et que caractérise la culture du pommier.
NATURE DES TERRAINS. — Les 53 millions d'hectares environ qui forment l'étendue du territoire de la France, comprennent 25 millions d'hectares de terre labourable; 2 135 000 hectares de vignes; 644 000 hectares de vergers et potagers; 5 500 000 hectares de prairies; 465 000 hectares de châtaigneraies et oseraies; 8 millions d'hectares de forêts et de bois dont les 5/8 appartiennent aux particuliers ; 8 600 000 hectares de landes, bruyères et rochers; 510000 hectares d'étangs, marais et canaux d'irrigation ; 206 000 hectares de rivières, lacs et canaux de navigation; 552 000 hectares de cultures diverses; la différence est occupée par les routes, les rues, les édifices publics et particuliers, et s'élève à 1459 000 hectares. Les quatre cinquièmes du sol sont productifs. Sur ce chiffre , 5 millions d'hectares appartiennent à l'Etat ou aux communes, et 47 millions aux particuliers; ce qui, sur le taux d'une population de 38 millions d'habitants, donne environ par individu 1 hectare 24 centiares.
L'ensemble des propriétés agricoles représente une valeur d'environ 45 milliards, ré- partie entre 3 millions de propriétaires. Ce.
morcellement de la propriété dû à la révolution de 1789 constitue la France en un pays de moyenne et de petite culture.
La part de la grande propriété est évaluée à environ 6 millions 1/2 d'hectares, celle de la moyenne à 25 millions 1/2, et à 10 miilions celle de la petite. Dans ces nombres ne sont pas comprises les forêts. Les cinquante-sept centièmes de la population sont adonnés àl'agriculture, et sur 10 000 agriculteurs, on compte environ 3500 propriétaires.
Les valeurs brutes créées par l'industrie
produisent un total de 7 milliards 316 millions environ. Les céréales seules produisent 2 milliards 160 millions, les pommes de terre 300 millions, le tabac 80 millions, les prairies 750 millions, les vignes 550 millions, la bière et le cidre 140 millions; les animaux domestiques 2 milliards 280 millions, les forêts 300 millions, etc.
PRODUITS. — Les céréales tiennent le premier rang dans les produits agricoles de la France, et cependant l'excédant des années moyennes suffit a peine à alimenter le pays pendant 33 jours. Le froment se récolte principalement dans le nord et au centre.
Après les céréales, la culture de la vigne est la plus importante; elle occupe le vingt-cinquième de la superficie du pays et se trouve répandue dans 76 départements, excepté dans la zone du Nord. La quantité de vins récoltée subit naturellement des variations, mais la production moyenne paraît être de 50 à 55 millions d'hectolitres dont on n'exporte pas plus de 2 millions. Outre le vin, la vigne fournit encore des alcools et des eaux-de-vie; ces dernières s'élèvent à environ 1 300 000 hectolitres, d'une valeur de 75 millions. La culture de la pomme de terre est très-répandue en France, notamment dans l'E. et dans le N. Le département du Bas-Rhin en fournit, à lui seul, plus de 7 millions d'hectolitres.
Le lin, le chanvre et les graines oléagineuses sont plus spécialement cultivés dans les régions du N.; les plantes tinctoriales ne se trouvent que dans les départements du Midi; le tabac, dont la fabrication est un monopole réservé au gouvernement, est cultivé dans huit départements.
Les forêts occupaient avant la Révolution une surface d'environ 12 millions d'hectares ; un défrichement imprévoyant en a réduit l'étendue à 9 millions d'hectares, dont 1 million appartient à l'État, 2 millions aux communes et le reste aux particuliers. Le département le plus boisé est celui de la Nièvre.
Les prairies naturelles occupent une surface de plus de 4 millions d'hectares, les prairies artificielles couvrent 1 million 500 mille hectares. Quant aux terres vagues, landes, bruyères non susceptibles de culture et qui servent de pâtis aux troupeaux, elles n'occupent pas moins de 8 millions d'hectares, soit un sixième de la France, et ne se trouvent qu'au midi et dans les parties montagneuses.
ANIMAUX. — Les animaux domestiques constituent encore une des grandes richesses du pays; on y compte près de 3 millions de chevaux, 413 000 Anes, 10 millions de bêtes à cornes, et 35 millions de bêtes ovines.
Les chevaux les plus estimés sont ceux de race normande pour le luxe; de race percheronne, bretonne et ardennaise pour le trait léger; de race limousine, flamande et boulonnaise pour les charrois et l'agriculture; du Bigorre, de la Navarre et de la Lorraine pour la cavalerie légère. Le département qui produit le plus de chevaux est celui du Finistère, et le département qui en possède le moins est celui des Hautes-Alpes; la production du pays ne suffit pas à sa consommation. Le gouvernement entretient deux haras au Pin , dans l'Orne, et à Pompadour, dans la Corrèze.
Parmi les animaux sauvages, on trouve l'ours dans les Alpes et dans les Pyrénées, le lynx dans les Alpes, le loup, le sanglier et le renard dans les vieilles forêts des montagnes, le putois, la belette, la fouine, le blaireau, le hérisson, le mulot, le rat, le loir, etc.; les lièvres et les lapins pullulent partout; les chevreuils et les cerfs sont plus rares.
La France possède à peu près toutes les espèces d'oiseaux qui sont en Europe.
Mines. — Carrières. — Eaux thermales. —
MINES. — Le sol de la France, formé de presque tous les terrains géologiques, renferme dans son sein une grande variété de minéraux. Le fer, qui tient le premier rang dans les exploitations, se trouve dans 72 départements et plus particulièrement dans les Ardennes, le Nivernais, le plateau de Langres, la Côte-d'Or, la Haute-Marne, l'Aveyron, le Jura, la Moselle et les Cévennes. Sa production totale est de 35 millions de quintaux métriques.
Le plomb est extrait dans les départements du Finistère, de la Lozère, du Puy-de-Dôme et de l'Isère ; il donne un produit brut de 160 000 quintaux métriques.
Le cuivre n'est exploité que dans le département du Rhône, et sa production ne dépasse pas 100 000 kilogrammes.
Le manganèse se rencontre principalement dans les départements de la Loire et de Saôneet-Loire.
On trouve, dans les mines de plomb, des filons argentifères, d'une valeur d'environ 500000 francs et des paillettes d'or pour une valeur de 100 000 francs dans les eaux de l'Ariége, du Gard, du Rhône et du Rhin.
La France produit du sel en grande abondance, et sous toutes les formes; il y a des mines de sel gemme dans 8 départements de l'E., sur une étendue de 5 377 000 hectares, qui fournissent par an 280 000 quintaux métriques. Les marais salants en produisent aussi une quantité très-considérable avec plus d'économie.
La houille est extraite de 260 mines, dans
46 bassins et 33 départements formant 3 groupes : celui du N., dans le bassin de l'Escaut vers Anzin et Valenciennes;—celui du centre, entre la Loire et la Saône, et dans la vallée du Cher; — celui du Midi, entre la Loire et le Rhône, dans les vallées de l'Aveyron et du Gard, avec les bassins de Saint-Étienne, Rives-deGier, Alais et la Grand'Combe. Il y a en France environ 600 mines de houille en exploitation, qui produisent 113 millions de quintaux métriques dont la valeur moyenne est de 1,15 le quintal, 245 mines de fer produisant 11 millions de quintaux, et 333 minières de diverses substances. L'extraction de ces richesses minérales emploie plus de 500 000 ouvriers.
Le lignite végétal fossile de formation moins ancienne que la houille, est exploité dans la Nièvre, la Haute-Savoie et le bassin du Rhône inférieur.
L'anthracite se rencontre dans le Nord, le Calvados, l'Isère, la Sarthe et la Mayenne; la tourbe dans la Somme, l'Oise et la Loire-Inférieure.
Parmi les substances minérales non métal- liques sont : le pétrole dans l'Hérault, le bitume et l'asphalte dans le Haut et le Bas-Rhin, l'Ain, les Landes et le Puy-de-Dôme; on les exploite dans 12 mines.
CARRIÈRES. — Le granit se trouve dans les Vosges, la Bourgogne, l'Auvergne, la Bretagne et la Normandie; le porphyre abonde dans les Vosges et en Auvergne; les trachytes et les basaltes sont spéciaux à l'Auvergne.
Plus de 40 départements fournissent des marbres dont les plus remarquables sont ceux du Languedoc, des Pyrénées, du Dauphiné, de la Champagne et de la Corse.
Les pierres calcaires à bâtir, les pierres meulières, les argiles, la marne calcaire, la craie et la pierre à chaux sont principalement exploitées dans les bassins de la Seine, de l'Oise et de la Marne; les pierres lithographiques, dans l'Ain et l'Indre.
EAUX THERMALES. — Le nombre des sources minérales est d'environ 800, dont 150 ont des établissements hospitaliers. Les eaux de Bagnères de Bigorre, de Bourbonne, de Colombes, de Luxeuil, de Bourbon-Lancy, de ChaudesAigues, etc., sont thermales et salines; celles du Mont-Dore, de Vichy, de Bourbon-l'Archambault, sont gazeuses et acidulées; celles de Bagnères de Luchon, de Baréges, de Cauterets, de Saint-Sauveur, d'Eaux-Bonnes, d'Aixles-Bains, etc., sont sulfureuses et thermales.
Industrie. — Tant que l'industrie nationale se borna à fournir la population française, elle fut considérée comme un apanage royal et on pouvait la dédaigner. « Mais, lorsqu'en 1792,
la France fut menacée par les armées de l'Europe, l'industrie, qui venait d'être déclarée libre, se montra soudain digne de sa nouvelle destinée. Elle improvisa dans ses ateliers, élevés partout comme par enchantement, des moyens de résistance qui surpassèrent, par la rapidité de leur exécution et par leurs quantités innombrables, tout ce qu'avaient pu faire jusqu'alors, dans leurs plus grands efforts, les nations les plus énergiques. La production du fer et sa fabrication en armes de toute espèce furent décuplées; les cloches devinrent des canons, le salpêtre sortit de tous les murs, le papier fut changé en or, la télégraphie fit franchir l'espace à la pensée, les aérostats servirent de machines de guerre, l'artillerie put courir au grand galop sur l'ennemi. Un million de volontaires et le double de gardes nationaux furent habillés, armés, équipés de la tête aux pieds, par des manufactures qui n'avaient pas trois mois d'existence 1. »
L'industrie émancipée venait de conquérir sa place; elle l'a conservée, peut-être même agrandie dans l'opinion publique aux dépens de l'agriculture; mais le temps permet de prévoir le moment où l'on donnera à chacun la part qui lui appartient. Quoi qu'il en soit, l'industrie française suit aujourd'hui une marche ascendante; elle occupe sans contredit, en Europe, le premier rang pour tous les produits qui exigent de la grâce et de l'élégance, pour tout ce qui est affaire d'art plutôt que de métier. Les articles de Paris, les bronzes, les plaqués, la bijouterie, l'ébénisterie, la quincaillerie, les modes, les fleurs artificielles, etc., sont recherchés du monde entier. La valeur de l'exportation est de près de 5 millions de francs. La France est sans rivale pour l'industrie de la soie qui remonte au milieu du quinzième siècle, et qu'elle a constamment perfectionnée ; sa consommation est de 5 à 6 millions de soie grége, dont près de 3 millions produits dans le pays; la valeur des tissus s'élève à 1 milliard et demi.
L'industrie cotonnière est de création toute moderne. Le coton est la seule matière première que la France doive tirer de l'étranger, et son importation, qui déjà en 1688 s'élevait à près de 220 000 kilogrammes introduits par Marseille, a plus que décuplé depuis moins d'un siècle. Telle est actuellement la vitalité de cette industrie, qu'elle a pu résister sans trop de souffrances à la terrible crise de l'Amérique. La Normandie, la Flandre et l'Alsace en sont les principaux centres ; elle occupe plus d'un million d'ouvriers et donne annuel-
1. Moreau de Jonnès, Statistique de l'industrie.
lement 650 millions de produits, dont 150 millions exportés à l'étranger.
La fabrication des toiles, considérablement accrue depuis l'invention des machines à filer, a pour centres principaux la Flandre, la Normandie et la Bretagne.
Les manufactures de laines, draps, châles, tapis, étoffes diverses, etc., consomment plus de 50 millions de produits bruts d'origine française ou algérienne, et donnent une valeur de 500 millions.
Citons encore les cuirs et les peaux, d'un produit de 40 millions; l'industrie du fer dont nous avons parlé à l'article des mines ; la coutellerie, qui se fabrique à Langres, Châtellerault et Moulins; la construction des machines, au Creuzot, à Mulhouse, à Lille; la fabrication des armes, à Tulle et Saint-Étienne; la porcelaine à Sèvres, Chantilly et Limoges; la faïence à Montereau et à Creil; la verrerie à Alais et Folembray; les cristaux à Baccarat et Saint-Louis; les glaces à Saint-Gobain; les produits chimiques; enfin ces papiers qui par l'imprimerie seulement, atteignent une valeur de plus de 30 millions, etc.
En résumé, l'ensemble de valeurs créées par l'industrie française s'élève à plus de 5 milliards; le nombre des individus occupés aux travaux industriels atteint le chiffre de plus de 6 millions ; le nombre des industriels patentés a doublé depuis l'année 1830; l'importation des matières premières a triplé , en même temps que le nombre des machines mues par la vapeur s'est élevé de 500 à 10000.
Commerce intérieur et extérieur. — Placée presque au centre de l'Europe méridionale, entre deux mers, sillonnée de rivières et de canaux, de routes et de chemins de fer, la France possède aujourd'hui les plus grandes facilités, soit à la circulation de ses produits dans l'intérieur, soit à leur écoulement à l'extérieur.
Son commerce intérieur dépasse de beaucoup l'importance du commerce extérieur, et l'on peut dire sans exagération qu'il atteint une valeur presque décuple. « Que l'on songe à l'énorme mouvement d'affaires qui a lieu, en effet, chaque année, entre les 38 millions d'habitants de la France; que l'on considère qu'il n'est pas pour ainsi dire d'objet qui, avant d'arriver à la consommation, ne passe par trois ou quatre intermédiaires, et ne donne ainsi lieu à plusieurs opérations commerciales; que l'on ajoute à ces achats, et à ces ventes effectives, les opérations de banque et les institutions de crédit, qui sont les auxiliaires du commerce, et l'on reconnaîtra qu'il n'y a
rien d'excessif à attribuer une valeur approximative de 30 à 40 milliards au mouvement du commerce intérieur 1. »
Les éléments constitutifs de ce commerce sont très-difficiles à constater et à rassembler: ce sont d'abord les grains, les viandes, les vins et eaux-de-vie, les produits des mines, les produits des fabriques, les denrées coloniales, etc., dont le transport s'effectue par le roulage sur les routes ordinaires; par les canaux et rivières qui transportent généralement les matières encombrantes ; par les chemins de fer; enfin par le cabotage.
Le commerce extérieur comprend tous les mouvements des marchandises échangées entre la France et les pays étrangers ou les colonies.
Sa prospérité date de Colbert, en 1664; elle continua à s'accroître dans le dix-huitième siècle, comme le prouvent les chiffres suivants :
1716. 277511000 livres.
1765. 7836&000 — 1789. 1017564000 —
Ce commerce fut ruiné par la Révolution, la guerre, et le décret du 1er mars 1793 qui prohiba la plupart des marchandises étrangères; il se releva en 1815, mais il ne put retrouver les marchés qu'il avait perdus, les Indes orientales, les Échelles du Levant, Saint-Domingue surtout; il dut en chercher de nouveaux, et dix ans après, il avait déjà atteint une importance de 1200 millions.
En 1836 il s'élevait à 1866 millions.
En 1847 — 2614 — En 1853 — 3493 —
dont 1632 millions à l'importation et 1661 pour l'exportation.
Jusqu'en 1860, les prohibitions à l'importation, quoique vivement attaquées et combattues depuis leur origine, avaient subsisté avec de légères modifications ; le traité conclu avec l'Angleterre leur a porté le premier coup; toutes les prohibitions existantes ont été remplacées par des droits ad valorem, primitivement de 30 0/0., et aujourd'hui réduits à 25 0/0.
Les traités conclus avec l'Angleterre et les autres États de l'Europe voisins de la France n'ont fait qu'ajouter au développement naturel de son commerce, extérieur ; on estime sa valeur actuelle à environ 4 milliards. L'Angleterre est l'État avec lequel la France entretient les plus importantes relations commerciales ; après elle viennent les États Unis, la Belgique, l'Italie, l'Espagne, etc.
Le commerce maritime ne date réellement
1. Statistique de la France, par Maurice Bluck.
que de l'ordonnance de 1681 qui a servi de modèle à toutes les nations commerçantes ; avant cette époque la marine marchande de France ne comprenait que 500 à 600 bâtiments.
Ce commerce fut ruiné par les guerres de la Révolution, mais dès 1824, le mouvement de notre navigation occupait déjà (entrées et sorties) 7342 navires français jaugeant 640000 tonnes, et 10 521 navires étrangers jaugeant 853 246 tonneaux, soit 18863 navires et 1 493 000 tonneaux.
Malgré des progrès très-lents, ce commerce s'est constamment accru, et dans ces dernières années, le mouvement de la navigation en France s'est élevé à 45 000 navires jaugeant ensemble 7 millions de tonneaux; ce nombre se décompose ainsi: 20 000 navires français jaugeant près de 3 millions de tonneaux, et 25 000 navires étrangers jaugeant 3 700 000 tonneaux.
Sur le chiffre de notre commerce intérieur, 4 milliards, le commerce par mer absorbe près de 3 milliards, et la part du pavillon national a été de 1300 millions, soit environ 0,30.
Routes. — Les voies de terre en France se divisent en : routes impériales, créées et entretenues par l'État ; routes départementales, à la charge des départements; chemins vicinaux de grande et de petite communication, qui sont au compte des communes. La largeur des routes impériales est de 12 à 13 mètres, celle des routes départementales de 10 à 12 mètres, et celle des chemins d'une moyenne de 5 mètres.
La France possède environ 38 000 kilomètres de routes impériales, 48 000 kilomètres de routes départementales, 76 000 kilomètres de chemins de grande communication, et 500 000 kilomètres de chemins de petite vicinalité.
Toutes les routes impériales partent de Paris, d'un point unique marqué au pilier de la porte principale de l'église métropolitaine de Notre Dame, et aboutissent à un point de l'extrême frontière.
Sept rayonnent entre Dunkerque et Metz, sur la frontière du N. E.; six entre Strasbourg et Lyon., sur la frontière de l'E. ; trois entre Chambéry et Antibes, sur la frontière du S. E.; trois entre Toulon et Montpellier, sur la frontière de la Méditerranée; trois entre Perpignan et Bayonne, sur la frontière des Pyrénées; quatre entre Bordeaux et Brest, sur la frontière du golfe de Gascogne; enfin trois entre Cherbourg et Boulogne, sur la frontière de la Manche et de la mer du Nord.
Total : 29 routes impériales.
Chemins de fer. — Le premier chemin de fer construit en France est celui de Saint-Étienne
à Lyon, créé par l'industrie privée dès 1823 ; mais ce n'est que depuis la loi du 11 juin 1842 que ces nouvelles communications ont commencé à prendre un sérieux développement.
D'après le dernier exposé de la situation de l'Empire, le réseau des chemins de fer français comprenait un développement de 19988 kilomètres. Au 31 décembre, 13570 kilomètres étaient exploités et avaient coûté 5850millions aux compagnies et 984 millions à l'État.
Les chemins de fer de la France sont formés par cinq réseaux principaux qui rayonnent de Paris à la frontière, et d'un réseau méridional qui met en communication l'Océan et la Méditerranée. Ces réseaux se composent de lignes principales reliées entre elles par des embran- chements et des sous-embranchements qui se- ront rigoureusement indiqués dans la description des départements et dont le nombre dépasse 120.
Voici la nomenclature des six grands réseaux avec leurs lignes principales, les chefs-lieux de département qu'ils desservent et toutes les stations d'où part un embranchement : 1° CHEMIN, DE FER DU NORD. — Deux lignes principales : 1° de Paris à Mouscron (frontière belge), par Saint-Denis, Creil, Longueau, Arras, Douai et Lille ; — 2° de Paris à Erquelines (sur Cologne), par Creil, Chauny, Tergnier, Busigny et Maubeuge; 2° CHEMIN DE FER DE L'EST. — Deux lignes principales : 1° de Paris à Strasbourg, par Épernay, Châlons-sur-Marne, Blesmes, Bar-le-Duc, Frouard, Nancy, Blainville, Lunéville, Avricourt et Vendenheim ; — 2° de Paris à Mulhouse, par Gretz, Longueville, Flamboin, Troyes, Chaumont, Chalindrey, Port-d'Atelier, Vesoul
et Belfort; 3° CHEMIN DE FER DE L'OUEST. — Trois lignes principales et cinq lignes de banlieue : 1° de Paris au Havre, par Mantes, Rouen, Malaunay et Beuzeville ; — 2° de Paris à Cherbourg, par Mantes, Evreux, Serquigny, Lisieux, Mezidon, Caen et Lizon ; — 3° de Paris à Brest, par Versailles, Chartres, Le Mans, Laval, Rennes et Saint-Brieuc ; —4° lignes de banlieue: de Paris à Saint-Germain, de Paris à Versailles (rive droite et rive gauche), de Paris à Auteuil, de Paris à Argenteuil et Ermont (sur la ligne du Nord) ; 4° CHEMIN DE FER D'ORLÉANS. — Trois lignes principales et une ligne de banlieue : 1° de Paris à Bordeaux, par Bretigny, Orléans, Blois, Tours, Poitiers, Angoulême et Coutras ; — 2° de Paris à Saint-Nazaire, par Tours, Angers, Nantes et Savenay; —3° de Paris à Agen, par Orléans, Vierzon, Châteauroux, Laurière, Limoges, Périgueux et Niversac ; — 4° lignes de banlieue : de Paris à Sceaux et à Limours.
4
5° CHEMIN DE FER DE LYON. — Deux lignes principales : 1° de Paris à Lyon et Marseille, par Melun, Moret, Montereau, La Roche, Nuits, Dijon, Chagny, Maçon, Lyon, La Chasse, Saint-Rambert, Valence, Livron, Avignon, Tarascon et Rognac ; — 2° de Paris à Lyon par le Bourbonnais, par Melun, Moret, Montargis, Nevers, Saincaize, Moulins, SaintGermain-des-Fossés, Roanne, Andrezieux, Saint-Etienne et Givors; 6° CHEMIN DE FER DU MIDI. — Deux lignes principales : 1° de Bordeaux à Bayonne, par Lamothe, Morcenx, Dax, Biarritz, Handaye (frontière espagnole); — 2° de Bordeaux à Cette, par Langon, Agen, Sauveterre, Montauban, Toulouse, Castelnaudary, Carcassonne, Narbonne, Béziers et Agde.
Toutes les parties du territoire français se trouvent ainsi rattachées: Par le chemin de fer du Nord, aux chemins de fer de l'Angleterre, de la Belgique, de la Hol- lande et de la Prusse; Par le chemin de fer de l'Est, aux chemins de fer de l'Allemagne et à ceux de la Suisse; Par le chemin de fer de Lyon et de la Méditer- ranée, aux chemins de fer de la Suisse et de l'Italie , à l'Algérie et à tout le Levant par les paquebots de la Méditerranée; Par le chemin de fer cl'Orléans et ses différentes branches, au bassin de la Méditerranée, aux chemins de fer espagnols, et à l'Amérique du Sud et aux Antilles par les paquebots transatlantiques de Bordeaux et de Saint-Nazaire; Par la double ligne de l'Ouest, à l'Amérique du Nord et à l'Angleterre par les paquebots de la Manche. Une loi du 12 juillet 1865 a déterminé les conditions d'établissement et d'exploitation des chemins de fer d'intérêt local qui viendront se rattacher aux grandes lignes et activer la circulation dans les départements de la France.
Canaux. — Il existe en France trois systèmes de canaux de navigation : 1° Ceux qui joignent les deux grands versants de la France ou le bassin du Rhône avec les bassins de laGaronne, de la Loire, de la Seine et du Rhin, et qui traversent par conséquent la grande ligne de partage des eaux. Ce sont : le canal du Midi, de Toulouse à Cette, ayant pour compléments le canal des Étangs et celui de Beaucaire qui le prolonge jusqu'au Rhône ; — le canal du Centre qui va de Châlon sur la Saône à Digoin sur la Loire ; — le canal de Bourgogne, de Saint-Jean-de-Losne sur la Saône à la Roche sur l'Yonne ; — le canal du Rhône au Rhin, de Saint-Symphorien sur la Saône à Strasbourg sur l'Ill.
2° Les canaux qui joignent entre eux les bassins du versant de l'océan Atlantique, qui sont : le canal du Loing, de Saint-Mamert sur la Seine, à Buges sur le Loing; là il se bifurque pour former les canaux de Briare et d'Orléans, qui viennent aboutir à la Loire; — le canal de Saint-Quentin, de Chauny sur l'Oise à SaintQuentin sur la Somme; la première partie se nomme le canal Crozat; — le canal de l'Oise à la Sambre, de la Fère sur l'Oise à Landrecies sur la Sambre; —le canal des Ardennes, de Neufchâtel sur l'Aisne à Dorchery sur la Meuse; — le canal de la Marne au Rhin, de Vitry sur la Marne à Strasbourg, par les bassins de l'Ornain, du Sarron et de la Zorn.
3° Les canaux latéraux aux fleuves qui sont : le canal de la Garonne, de Toulouse à Castets; — le canal de la Loire, de Roanne à Briare; — le canal de la Somme, d'Abbeville à SaintValery.
Quant aux canaux d'un ordre inférieur, nous les retrouverons dans la description des départements.
Les canaux ou rivières assimilées aux canaux offrent un développement de 4800 kilomètres et représentent une dépense de 800 millions.
Sur cette longueur 1030 kilomètres sont l'objet de concussions, en sorte que l'étendue des lignes administrées par l'État n'est que de 3770 kilomètres.
Quelques nouveaux canaux d'une longueur totale de 160 kilomètres sont en outre en voie d'exécution. Ce sont ceux de Vitry à SaintDizier, des houillères de la Sarra, de Roubaix, de la Rochelle-Marans, et de la Haute-Seine, entre Troyes et Bar-sur-Seine.
Divisions territoriales anciennes. — Avant la conquête romaine, la Gaule était divisée en une multitude de petites circonscriptions ou confédérations indépendantes, pagi ou pays, ayant pour capitale des cités qui prirent sous la domination impériale le nom même de leur territoire ou celui des peuplades qui l'habitaient.
La première division provinciale, faite par Jules César, fut plusieurs fois modifiée, notamment sous Auguste, Adrien, Dioclétien, Valen- tinien et Gratien. Aux débris de la vieille organisation indépendante et à l'organisation provinciale romaine, succédèrent avec l'invasion les comtés francks qui devinrent eux-mêmes, au dixième siècle, les comtés féodaux, et au quatorzième siècle les bailliages royaux.
La première division politique qui ait été faite en dehors des divisions féodales, est celle de Louis XI qui partagea la France en quatre gouvernements militaires. François 1er porta
ce nombre à neuf qui étaient : la Picardie, la Normandie, l'Ile-de-France, la Champagne, la Bourgogne, la Guyenne, le Languedoc, le Dauphiné, la Provence. A la mort de Henri IV, on en comptait douze, dont trois nouveaux : Bretagne, Orléans, Lyonnais. A la mort de Louis XIV, il y en avait trente dont huit anciens : Picardie, Normandie, Ile-de-France, Champagne et Brie, Bourgogne, Bretagne, Provence, Dauphiné ; dix-huit nouveaux formés d'anciens : Nivernais, Berry, Poitou, Aunis et la Rochelle, Anjou, Maine et Perche, Touraine, Orléanais, Marche, Auvergne, Bourbonnais, Lyonnais et Beaujolais, Navarre et Béarn , Guyenne et Gascogne, Saintonge et Angoumois, Limousin, Foix, Languedoc; quatre nouveaux récemment conquis : Roussillon, Alsace, Flandre et Hainaut, Franche-Comté. Enfin en 1789, il y avait quarante gouvernements militaires dont deux nouveaux, ceux de Lorraine et d'Artois, séparés de celui de Picardie en 1765; huit gouvernements particuliers de ville : Paris, Dunkerque, Boulogne, le Havre, Saumur, Toul, Metz et Verdun, Sedan.
Outre ces quarante gouvernements, on comptait alors sept gouvernements généraux de colonies : Saint-Dominique, la Martinique, Sainte-Lucie, la Guadeloupe, Tabago, Cayenne et la Guyane Française, le Sénégal avec Gorée, et treize gouvernements de maisons royales.
La marine comprenait six départements ; c'étaient sous Louis XIV : Dunkerque, le Havre, Brest, Rochefort, Marseille et Toulon. En 1789 Marseille avait été remplacé par Bordeaux. Il y avait cinquante amirautés jugeant les affaires maritimes.
Sous le rapport financier, la France était divisée en trente-trois généralités représentant assez exactement les provinces dont elles portaient le nom. Cette division remontait à Charles VI, alors que la France était partagée financièrement entre quatre trésoriers de finance : de la langue d'oil, de la langue d'oc, de Normandie et de Champagne. François Ier fixa à seize le nombre des généralités et des tréso- riers; ce nombre fut doublé sous le ministère de Richelieu, en 1635, à l'époque de l'établissement des intendants.
Chaque généralité se subdivisait en territoires désignés sous le nom d'élections, parce qu'elles avaient chacune un tribunal dont les membres avaient été autrefois élus. La généralité était administrée par un intendant qui avait, dans ses attributions outre les finances, la police, le commerce, les routes, les prisons, et généralement toute l'administration intérieure; cet intendant, qui jouissait d'une fort
grande autorité, avait dans chaque élection un subdélégué.
Certaines généralités dites pays d'élection étaient régies par les intendants, et là, le roi levait directement l'impôt et sans contrôle.
D'autres généralités, appelées pays d'État, possédaient des assemblées des trois ordres, ou états provinciaux qui votaient eux-mêmes les impôts, en réglaient la perception , et avaient une part dans l'administration du pays. Les grands pays d'États étaient le Languedoc, la Bretagne, la Bourgogne, la Provence, et l'Artois. Les petis pays d'États étaient la Flandre Vallonne, le Cambresis, le comté de Foix, le Béarn et la basse Navarre, le Nebouzan, les Quatre Vallées, la Soule, le Labourd, et le Marsan. La juridiction financière s'exerçait par des chambres des comptes et des cours des aides, chacune souveraine dans son ressort, et ayant les mêmes attributions que la Cour des comptes actuelle. En 1789, il y avait neuf chambres des comptes et neuf cours des aides.
Sous le rapport judiciaire, la France se subdivisait en treize parlements et quatre conseils.
Les parlements étaient ceux de Paris, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Rouen, Aix, Ren- nes, Pau, Metz, Douai, Besançon et Nancy. Les conseils étaient ceux d'Artois, d'Alsace, de Roussillon et de Corse, pays nouvellement réunis et encore en tutelle. Les bailliages ou sénéchaussées étaient au nombre de 220 dont 70 portaient le titre de présidiaux et formaient des tribunaux d'appel. Il y avait en outre des justices seigneuriales très-nombreuses, des justices ecclésiastiques et des justices consulaires. Enfin la France était partagée en pays coutumier et pays de droit écrit, selon que ces pays étaient régis par des coutumes locales ou par les lois romaines.
Sous le rapport religieux, la France était partagée en 18 archevêchés et 116 évêchés, non compris la Corse qui en avait 5. Le revenu de ces 134 prélats s'élevait à la somme de 8 millions. Le siége de Strasbourg donnait un bénéfice de 500 000 livres. Tous ces diocèses renfermaient 35 156 paroisses, 715 abbayes, 713 prieurés des deux sexes, 511 chapitres et 800 hôpitaux. Le clergé comptait au moins 120 000 individus dont le revenu était d'environ 120 millions.
Telles étaient les principales divisions de la France sous l'ancienne monarchie. La division mathématique du territoire opérée par l'Assemblée nationale, la substitution des noms physiques aux anciens noms de provinces, fut sans doute une nécessité politique, et l'acte constitutif de l'unité nationale poursuivie avec
tant de persévérance depuis Hugues Capet.
Mais aujourd'hui que la division départementale a produit irrévocablement les effets qu'on en attendait, il est permis de remarquer avec quelle précipitation, quelle ignorance de la constitution géologique du pays, quel mépris des divisions naturelles du sol, des souvenirs historiques, des coutumes et des besoins de ses habitants, s'est opérée cette grande et révolutionnaire transformation. Aussi la vieille division gauloise, née du sol et des races, la division par provinces, a-t-elle subsisté à travers le temps et les réformes; elle est restée populaire comme la seule vraie, la seule historique, la seule rationnelle.
Divisions administratives actuelles. — La France est aujourd'hui divisée en 89 départements y compris la Corse, sans compter l'Algérie et les colonies qui ne sont pas complétement régies par les lois de la métropole.
Les départements sont subdivisés en ar- rondissements, en cantons et en communes; on compte, en 1866, 373 arrondissements, 2938 cantons et 37 510 communes.
Le département est administré par un préfet nommé par le gouvernement, chargé de faire exécuter les lois et de la surveillance de toutes les parties de l'administration publique.
Chaque arrondissement estadministré par un sous-préfet, qui jouit, sous les ordres du préfet, des mêmes pouvoirs etdes mêmes attributions.
Le canton n'est qu'une division nominale au point de vue administratif, et n'a pas d'administration particulière.
La commune est administrée par un maire assisté d'adjoints.
Auprès du préfet fonctionne un conseil de préfecture, sorte de tribunal administratif qui juge les réclamations des citoyens contre l'administration; ses décisions peuvent être portées devant le Conseil d'État.
Les autres autorités administratives sont : 1° Le conseil général du département, chargé de larépartition des impôts divers entre les arrondissements, et du budget départemental ; il peut émettre des vœux sur les besoins locaux, etc
2° Le conseil d'arrondissement, qui a dans la circonscription les mêmes attributions que les conseils généraux; il répartit l'impôt entre les communes; 3° Le conseil municipal, chargé de discuter et de voter le budget des communes, et de toutes les questions d'intérêt local ; il répartit l'impôt entre les habitants.
Les ressources affectées au service départemental s'élèvent, pour 1866, à 137 830113 francs
dont 39 millions sont spécialement affectés aux travaux des diverses grandes voies de communication.
Les communes possèdent des ressources qui s'élèvent à 191 millions; elles affectent 32 millions au culte, 65 millions à l'instruction primaire, 15 millions à des établissements de bienfaisance, et 77 millions à leurs chemins vicinaux.
L'administration générale du département est du ressort du ministre de l'intérieur, Justice. — L'organisation judiciaire comprend : une cour de cassation pour toute la France et les colonies; 28 cours impériales ou d'appel; 1 cour d'assises par département; 1 tribunal civil par arrondissement; 1 justice de paix et 1 tribunal de simple police par canton; enfin des tribunaux de commerce et des conseils de prudhommes dans les principales villes commerçantes et industrielles.
La Cour de cassation, instituée pour maintenir l'unité de jurisprudence dans toute la France, prononce souverainement sur les affaires qui lui sont déférées, mais jamais au fond, et seulement pour défaut de forme; le jugement infirmé est renvoyé à un autre tribunal. Elle se subdivise en chambres des requêtes, de cassation civile, et de cassation criminelle.
Les cours impériales reçoivent en appel les décisions des tribunaux de commerce et des tribunaux civils; elles comprennent également trois chambres : 1° des mises en accusation; 2° chambre civile; 3° chambre correctionnelle.
Les cours d'assises sont des tribunaux criminels composés de jurés tirés au sort parmi les citoyens; ces jurés constituent un jury chargé de prononcer sur la culpabilité des accusés. Un conseiller de cour d'appel, président, et deux autres juges complètent le tri- bunal.
Les tribunaux correctionnels ou de première instance jugent les délits ordinaires; les tribunaux civils, les causes civiles et les appels des juges de paix.
Le juge de paix agit comme conciliateur et comme juge dans les différends entre les citoyens; il est aussi revêtu d'attributions civiles. Ses jugements sont sans appel jusqu'à 100 fr. ; avec appel, jusqu'à 300.
Les conseils de prudhommes connaissent de toutes les affaires entre patrons et ouvriers.
Organisation ecclésiastique. — Les cultes reconnus et salariés en France par l'État, sont : le catholicisme, la religion réformée, la religion luthérienne et la religion judaïque.
La Grand'Place à Lille.
Le catholicisme est reconnu comme religion de la majorité des Français. La France est divisée en 86 diocèses, dirigés par 17 archevêques et par 69 évêques. Chaque diocèse se subdivise en paroisses que l'on distingue en cures ou succursales, à la tête desquelles sont des curés ou des desservants. Un canton forme ordinairement le ressort d'une cure. Chaque diocèse renferme un grand et un petit séminaire. D'après le concordat de 1802, le gouvernement nomme directement les archevêques et les évêques, et le pape leur donne l'investiture canonique ; ceux-ci, sauf approbation du gouvernement, choisissent les vicaires et les cu-
rés de leurs diocèses. Le clergé catholique se compose de 17 archevêques, 69 évêques, 175 vicaires généraux, 600 chanoines, 3000 curés environ, 28 000 desservants et 6500 vicaires.
Le clergé calviniste se compose de pasteurs réunis en consistoires et en synodes. On compte 106 consistoires calvinistes, répartis dans 38 départements ; ils sont formés chacun d'un ou plusieurs pasteurs et de notables ou anciens choisis parmi les laïques ; ces consistoires veillent à l'administration de leur Église et des aumônes, ainsi qu'au maintien de la discipline. Cinq Eglises consistoriales for-
ment l'arrondissement d'un synode; les synodes sont composés d'un pasteur et d'un ancien de chaque consistoire. A la tête de toute l'administration du culte réformé est placé le conseil central qui réside à Paris. On compte envi- ron 600 pasteurs rétribués par l'État; le culte calviniste a une Faculté de théologie à Mon- tauban.
Les luthériens ont 44 Églises consistoriales composées comme celles des calvinistes et chargées des mêmes fonctions. Ils sont répartis dans six inspections, dont quatre pour le Bas-Rhin, une pour le Haut-Rhin et une pour le Doubs; chaque inspection se compose d'un pasteur-inspecteur et de deux laïques. Le culte compte environ 250 pasteurs salariés par l'État; il possède une Faculté de théologie et un Gymnase à Strasbourg.
Le culte israélite est dirigé par un consistoire central à Paris, composé d'un grand rabbin et de 7 membres laïques; au-dessous de lui sont 8 synagogues consistoriales composées d'un grand rabbin et de 4 laïques. Viennent ensuite les simples synagogues ayant chacune un rabbin ou un ministre officiant. Le personnel comprend environ 50 rabbins et 60 ministres; il y a une école rabbinique à Metz.
Instruction publique. — L'instruction pu- blique est dirigée par un ministre, un conseil impérial et des inspecteurs généraux. La France compte 17 académies universitaires gouvernées chacune par un recteur assisté d'un conseil académique et de plusieurs inspecteurs.
Il y a trois degrés dans l'instruction publique en France : 1° l'enseignement supérieur, qui comprend les Facultés, l'École normale supérieure, les Écoles supérieures de médecine et de pharmacie, les Ecoles préparatoires des lettres et des sciences; 2° l'enseignement secondaire, qui comprend les lycées impériaux, les colléges communaux, les petits séminaires, les institutions et les pensions particulières ou libres; 3° l'enseignement primaire, qui comprend les écoles normales primaires, et les écoles primaires publiques ou libres de garçons ou de filles.
Il y a 5 sortes de Facultés qui se subdivisent ainsi : 11 de droit, 16 de lettres, 16 des sciences, 3 de médecine et 7 de théologie.
En dehors de l'Université se trouvent : le Collége de France, fondé en 1530 par François Ier; le Musée d'histoire naturelle, où l'on fait 15 cours publics, et qui possède de riches collections; la Bibliothèque impériale; l'École des chartes; l'Observatoire de Paris; l'École fran- çaise d'Athènes, etc.
L'Institut de France est divisé en cinq Aca-
démies: Académie française; Académie des in- scriptions et belles-lettres; Académie des sciences; Académie des beaux-arts; Académie des sciences morales et politiques.
La dernière statistique de l'instruction publique constate que 36 692 communes sont en possession de moyens d'enseignement primaire. Le nombre des écoles publiques de garçons s'élève à 38 386, recevant 2 399 292 élèves. On compte 14 059 écoles publiques de filles, recevant 1 014537 élèves. Il faut ajouter à ce chiffre 3108 écoles libres de garçons et 13208 écoles libres de filles, plus 3308 asiles recevant ensemble 1 915 622 enfants.
Armée de terre. — L'armée de terre se recrute, soit par engagement volontaire, soit par le tirage au sort, soit par réengagements d'anciens militaires, moyennant une prime d'environ 2000 fr., prélevée sur les versements opérés par les jeunes gens exonérés du service. Cette partie de l'administration militaire forme ce qu'on appelle la dotation de l'armée.
Le contingent des jeunes soldats appelés chaque année s'élève généralement, en temps de paix, à 100 000 hommes, dont une moitié fait un service actif, et l'autre moitié forme ce qu'on appelle la réserve.
L'effectif de l'armée est actuellement de 400000 soldats; mais il varie suivant les circonstances politiques, et, en temps de guerre, il peut être porté immédiatement à 700000 combattants, à l'aide des 300 000 hommes de la réserve, sans nécessiter aucun appel nouveau au pays.
L'effectif de l'armée française, sur le pied de 400 000 hommes, se décompose de la manière suivante :
États-majors : maréchaux, officiers, généraux, officiers d'état-major, intendance etc.-- ~0 Garde impériale 30 144 Gendarmerie.-""-'' 20337 Infanterie 223 779 Cavalerie.-"" 53169 Artillerie » 34 818 Génie.- « Équipages militaires. 4722 Vétérans.-"-"-" "--- G48 Services administratifs : subsistances, habillement, campement, ele 9 137 Corps étrangers. 11 538 Total. 400 000
Et 85 000 chevaux.
La France, en y comprenant l'Algérie, est partagée en 7 grands commandements placés sous les ordres des maréchaux. Les comman- dements se subdivisent en 22 divisions territo-
riales, commandées par des généraux de divi-
sion ; ceux-ci ont au-dessous d'eux un certain nombre de généraux de brigade, commandant des subdivisions.
Les frontières de la France sont défendues par 140 places fortes divisées en deux classes, non d'après leur importance, mais suivant les servitudes militaires qu'elles imposent aux immeubles qui les avoisinent. Pour l'entretien et la conservation des places, les zones du territoire des frontières sont partagées en 21 directions du génie; et pour la conservation du matériel de l'artillerie, en 33 directions d'artillerie.
Les Écoles qui doivent pourvoir aux différents services de l'armée, sont : l'École d'ap- plication de l'artillerie et du génie, à Metz; l'E- cole d'application du corps d'état-major, à Paris; l'École polytechnique, à Paris, d'où sortent les officiers-élèves destinés à l'artillerie et au gé- nie; l'École spéciale militaire, à Saint-Cyr, qui fournit des officiers à l'infanterie, à la cavalerie et à l'état-major; l'Ecole de cavalerie, à Saumur; le Prytanée de la Flèche; l'École de tir, au camp de Châlons; l'École vétérinaire, à Alfort La justice militaire est rendue dans chaque division militaire, par deux conseils de guerre permanents, et pour toutes les divisions par 9 conseils de révision.
Les hôpitaux militaires, y compris les établissements hospitaliers thermaux, sont au nombre de 54; il existe, en outre, à Paris, une École d'application de la médecine et de la pharmacie militaires, et à Strasbourg, une École du service de santé militaire.
Enfin, il y a 17 dépôts de remonte et 20 succursales.
Marine. — Les côtes de la France sont divisées en 5 préfectures ou arrondissements maritimes, administrés par un officier général de la marine, dit préfet maritime. Chacun de ces arrondissements se divise en sous-arrondissements, administrés par un officier supérieur de la marine ; les sous-arrondissements se divisent en quartiers et en syndicats pour l'inscription maritime.
L'inscription maritime, organisée par Colbert, oblige tout homme, exerçant la profes- sion de marin sur les côtes ou dans l'intérieur des rivières jusqu'à la limite de la marée, à répondre à l'appel de l'État pour le service de la marine de 18 à 50 ans. Le contrôle de l'inscription donne actuellement 140 000 marins, dont 25000 servent sur la flotte en temps de paix, et 70 à 80 000 en temps de guerre.
Cette institution a été complètement modifiée depuis 1863; par suite d'un décret impé-
rial, les engagements sont désormais ouverts pour la marine ; le temps de service à bord a été réduit à peu près aux limites de celui de l'armée de terre, et enfin, comme celle-ci, l'armée de mer a été admise au bénéfice de l'exonération.
Le personnel de la marine se compose: 1° De 2 amiraux, 12 vice-amiraux, 20 contreamiraux, 110 capitaines de vaisseau, 230 capitaines de frégate, 650 lieutenants de vaisseau, 600 enseignes et 700 aspirants de 1re classe; — 2° des inspecteurs de tous les services maritimes (génie, travaux, santé, matériel, infanterie) ; — 3° des officiers du génie, ingénieurs et professeurs de la marine; — 4° du commissariat de la marine, des comptables du matériel et du personnel administratif des travaux des ports; — 5° du service de santé, aumôniers , infirmiers, etc.; — 6° de maîtres entretenus des directions des constructions navales, des mouvements des ports, des établissements, des chefs de pilotage, etc.
Viennent ensuite les équipages et les troupes : les équipages de ligne, ou troupes de marine à bord des bâtiments, formant 5 divisions, comprenant 148 compagnies, et réparties dans les 5 arrondissements maritimes. Les troupes proprement dites se composent : 1° de 4 régiments d'infanterie de marine employés dans les ports et dans les colonies;—2° d'un régiment d'artillerie de marine affecté au service des arsenaux; — 3° de 5 compagnies de gendarmerie maritime.
La marine possède des arsenaux dans tous les chefs-lieux d'arrondissements et dans ceux des sous-arrondissements; des établissements à Indret, sur la Loire, pour la fabrication des machines à vapeur; à la Chaussade (Nièvre), pour la fabrication des ancres et des chaînes ; à Ruelle, près d'Angoulême, et à Saint-Gervain (Isère), pour la fabrication des bouches à feu; à Charleville, pour la fonderie des projectiles. L'École navale est à Brest, celle du génie à Lorient, celle de pyrotechnie à Toulon.
Le matériel de la nouvelle flotte déjà transformée , ou en voie de transformation, se compose : en navires cuirassés, de 10 frégates, 1 corvette, 1 garde-côte à éperon; en navires non cuirassés, de 36 vaisseaux, 24 frégates, 11 corvettes, 46 avisos, sans compter les canonnières et 39 bâtiments à divers degrés de construction. Il faut y ajouter le matériel de l'ancienne flotte qui comprend 300 bâtiments de tous rangs.
Finances. — La France est, de tous les grands États de l'Europe, celui qui a le bud-
get le plus riche, et le plus régulièrement administré.
En 1789, le budget était de 535 millions; en 1814, de 572 millions; en 1818, par suite des charges de l'occupation étrangère et de l'indemnité accordée aux émigrés, il atteignit le chiffre de 1434 millions. Redescendu à 906 millions en 1820, il était en 1830 de 1095 millions, et suivant dès lors une période toujours ascendante, il était en 1848 de 1770 millions. Celui de 1866 s'élève à 2181 millions pour les recettes, et à 2179 millions pour les dépenses, en y comprenant les comptes spéciaux et l'amortissement.
En général, les dépenses dépassent chaque année les recettes; d'où il résulte qu'au bout d'un certain temps, l'État se trouve obligé de contracter des emprunts auprès des particuliers pour combler les déficits. Lorsque ces emprunts ne sont que temporaires, ils forment ce qu'on appelle la dette flottante jusqu'à leur liquidation définitive; si l'emprunt a lieu sans condition de temps pour le remboursement, l'État en acquitte la rente annuelle, tout en se réservant la faculté de se libérer quand il lui plaît; ce second mode d'emprunt s'appelle la dette inscrite.
L'origine de la dette inscrite date de l'apurement général fait en 1793 de toutes les dettes antérieures et de leur réunion en un seul titre sur le grand livre de la dette publique; la dette résultant de cette liquidation, fut de 42 millions de rentes environ ; elle est aujourd'hui de 500 millions, représentant un capital de 10 milliards.
Le ministre des finances est chargé de l'administration générale des revenus publics, perçus par ses soins, de l'administration de la dette inscrite, et de celle des monnaies.
Il y a, pour les revenus publics, un receveur général des finances par département, qu'une mesure récente supprime au fur et à mesure des extinctions de titulaires; un receveur particulier par arrondissement, et un percepteur par canton.
L'administration des revenus publics em-
brasse les différentes branches de service sui- vantes : 1° L'administration des contributions directes, chargée de l'assiette et du recouvrement de l'impôt direct; 2° L'administration de l'enregistrement et des domaines, chargée de tous ce qui concerne les droits de timbre et d'enregistrement sur les actes publics ou sous seing privé, les mutations de propriété, la conservation des hypothèques, l'administration des domaines de l'État, etc. ;
3° L'administration réunie des douanes, des contributions indirectes et des tabacs, chargée pour les douanes, de la perception des droits de douanes, de la taxe du sel, des droits de tonnage et autres de navigation; pour les contributions indirectes, de la perception des droits sur les boissons, denrées, poudres, tabacs, cartes à jouer, etc. ; pour les tabacs, de la culture, de la fabrication et de la vente des tabacs; 4° L'administration des postes, chargée du transport des dépêches, des voyageurs dans les malles-poste, ou paquebots-poste, et des envois d'argent; 5° L'administration des eaux et forêts, chargée de tout ce qui concerne l'entretien, l'exploitation, la vente, etc., des forêts de l'État; 6° L'administration des monnaies, chargée de la fabrication des monnaies, et de faire exécuter les lois monétaires en France.
Au-dessus de toute l'organisation financière se trouve la cour des comptes, chargée d'examiner et de vérifier les comptes de recettes et dépenses de tous les comptables des deniers publics.
Parmi les nombreux établissements financiers de la France, nous citerons la banque de France fondée en 1800, qui a des succursales dans un grand nombre de villes. Elle émet des billets payables à vue et au porteur; les principales opérations consistent à escompter les effets de commerce à moins de trois mois d'échéance et revêtus de trois signatures, et à faire des avances sur les valeurs publiques ou sur des lingots.
THÉOPHILE LAVALLÉE.
Château de Beauregard. — Salle des gardes du château de la Flechère.
Tombeau dans l'église de Brou. — Château de la Flechère.
AIN.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Ain est situé sur la frontière orientale de la France et confine à la Confédération helvétique. Il est limité : au N., par les départements du Jura et de Saône-et-Loire; à l'O., par ceux de Saône-et-Loire et du Rhône ; au S., par celui de l'Isère; à l'E., par celui de la Haute-Savoie et la Suisse.
De ce dernier côté, le département dépasse la limite naturelle de la France, et l'ar-
rondissement de Gex se trouve entièrement sur le versant oriental du Jura, de sorte que la limite entre le département et le canton de Genève est une ligne de convention, d'abord parallèle au Rhône et circulant de l'O. à l'E. au pied du Jura, puis parallèle au lac de Genève et grimpant du N. au S. jusqu'au sommet de cette chaîne vers le point où passe la route de Gex à SaintClaude.
Le département de l'Ain est un des plus calmes, un des plus modestes, on pourrait dire un des plus obscurs de la France. Il ne se distingue ni par ses richesses, ni par son agriculture, ni par son industrie; il n'a pas de grandes villes et semble, comme ses rivières, ses vallées, ses habitants, attiré tout entier vers Lyon, la capitale du sud-est; il n'est remarquable que par sa position géographique et ses beautés naturelles. Encadré entre la Saône, le Rhône, le Jura, il touche à la Suisse et à la Savoie, dont sa population rappelle les mœurs simples et agrestes, comme ses montagnes semblent les premières ondulations, les premières assises des Alpes.
Ce département offre deux aspects et deux parties distinctes : la partie orientale ou du Bugey et du pays de Gex, qui forme les arrondissements de Belley, Nantua et Gex, et la partie occidentale ou la Bresse et la Dombes, qui renferme les arrondissements de Bourg et de Trévoux. La première, comprise entre l'Ain et le Jura, est toute montagneuse; elle occupe les positions les plus élevées et les plus épaisses du Jura. Presque tout ce pays est composé de montagnes aux sommets âpres, chauves, infertiles, et de vallées profondes, rocheuses, parcourues par des torrents. On y trouve les paysages les plus agrestes, les eaux les plus fougueuses, les gorges les plus sauvages. Les vallées renferment d'excellents pâturages; les pentes des collines sont plantées de vignes; des forêts occupent les flancs des montagnes ; mais la terre n'y suffit pas à la nourriture des habitants.
La partie presque plane, située entre l'Ain et la Saône, est formée de bas plateaux, de landes marécageuses, de plaines qui, depuis les collines du Revermont, premières as- sises du Jura, jusqu'à la Saône, vont continuellement en s'abaissant. Le sol est composé d'une argile dense, froide, rebelle à la culture, qui n'absorbe pas l'eau et semble même la retenir à la surface; aussi, dans l'hiver, la plupart des terres restent-elles inondées, et les villages sont-ils entièrement enveloppés par les eaux; enfin il se forme de très-nombreux étangs qui occupent plus de 20 000 hectares et qu'on travaille aujourd'hui à dessécher pour les rendre à l'agriculture.
Avec ses marécages, ses plaines immenses, son atmosphère brumeuse et lourde, son sol alternativement inondé ou crevassé par le soleil, ses villages pauvres, ses fermes couvertes de chaume, ce pays était autrefois une des parties les plus tristes de la France. Mais aujourd'hui, grâce aux voies ferrées, de grands travaux ont été entrepris et l'ont en partie transformé.
Orographie. — Hydrographie. — Le territoire du département de l'Ain appartient à la partie la plus méridionale de la chaîne du Jura.
Les chaînes ou contre-forts qui s'en détachent couvrent presque tout le pays, descendent vers l'ouest en étages, et tracent ainsi par leurs plissements les vallées de la Bienne, de la Seille,du Suran, du Furan, de l'Albarine, etc.
Au delà du Suran ou de Ceyseriat se dessine le plateau de la Bresse marécageuse, dont les petits coteaux portent vers la Saône les eaux de la Reyssouze, de la Veyle et de la Chalaronne.
Les points culminants de ces contre-forts sont le Crêt de la Neige (1724 mèt.), le Reculet de Thoiry (1720 mèt.), le Mont-Credo (1690 mèt.), le Colombier de Geix (1689 mèt.), le Chalet de Retord (1320 mèt.), le Crêt de Planadjat (1237 mèt.).
Le département de l'Ain tout entier fait partie du bassin du Rhône.
Le Rhône prend naissance en Suisse, entre en France au-dessus de Pougny, et sert d'abord de limite entre le département de l'Ain et celui de la Savoie pendant 60 kilomètres; il baigne ainsi sur la rive droite Fort-l'Écluse, Seyssel, Pierre-Châtel ; après le confluent du Guicy, il sépare les départements de l'Ain et de l'Isère, sans arroser aucun lieu remarquable, et quitte le premier de ces départements à 3 kilomètres en amont de Lyon. Dans la première partie de son cours, c'est un torrent qui roule à travers des rochers tellement rapprochés qu'il disparaissait autrefois pendant environ 60 mètres, entre le Mont-Credo et le Mont-Vouache, près de Bellegarde; on a fait sauter le barrage, mais le fleuve reste tortueux, rapide, tourmenté, et n'est navigable qu'au-dessous de Seyssel.
Le Rhône reçoit dans le département de l'Ain, du nord-est au sud-ouest: 1° la Valserine, qui prehd sa source sur la frontière de la Suisse, près de la vallée des Dappes, longe un instant le département du Jura, puis entre dans celui de l'Ain, où elle arrose Lelex, Chezery et Châtillon de Michaille; elle reçoit alors la Semine, puis s'engouffre dans une profonde fissure, d'où elle sort pour courir à travers les gorges de Bellegarde profondes de 25 mètres, et se jette enfin dans le Rhône après un cours de 52 kilomètres; 2° le Séran, qui naît dans les hauteurs du Valromey, parcourt une vallée étroite et trèsprofonde, et, arrivé près d'Yon, dans le canton de Champagne, il forme par une chute de plus de 50 mètres la belle cascade de Cerveyrieu; puis, après avoir baigné le pied du Grand-Co- lombey et sillonné la plaine tourbeuse de Lavours, il s'écoule aussi dans le Rhône après un
cours de 35 kilomètres; 3° le Furan, torrent du même caractère que le précédent; 4° l'Ain, dont le cours supérieur appartient au département du Jura, et qui entre dans le département de l'Ain après avoir reçu la Bienne; il passe à Pontd'Ain, absorbe le Suran à droite, l'Albarine à gauche, et va se jeter dans le Rhône, après 170 kilomètres de cours dont la moitié est navigable pendant les grosses eaux; 5° la Saône, qui, depuis le confluent de la Seille jusqu'à Neuville, sépare le département de l'Ain des départements de Saône-et-Loire et du Rhône ; elle a un cours d'une lenteur et d'une indolence extrêmes ; ses bords sont peu élevés et la navigation y est facile; elle reçoit la Reyssouze qui sort du Revermont, arrose Bourg et compte 55 kilomètres de cours, la Veyle qui sort d'un étang de la Dombes, près de Châtenay, reçoit de nombreux tributaires et se divise en deux bras dans la région basse qui borde la Saône, où elle se jette en face de Mâcon, après un cours de 75 kilomètres, la Chalaronne qui naît aussi dans la Dombes et porte à la Saône les eaux de plusieurs étangs de cette région marécageuse.
Parmi les innombrables amas d'eau qui couvrent le département de l'Ain, il faut distinguer d'abord le lac de Nantua, situé près de la ville de ce nom, à 425 mètres au-dessus du niveau de la mer, et qui occupe une superficie de 268 hectares; puis le lac de Silan, tributaire de la Valserine, qui a 180 hectares de superficie et se trouve dominé de deux côtés par des masses rocheuses d'une grande élévation.
Climat. — Placé dans la partie la plus élevée du Jura et dans le voisinage des Alpes, le département de l'Ain a une température assez rigoureuse et des pluies très-abondantes. Le climat y est généralement sain, mais la Dombes a été, pendant des siècles, l'un des pays les plus insalubres de la France ; le desséchement des étangs, en lui donnant un air plus pur, l'a délivrée des fièvres qui y étaient endémiques.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Ain est de 580 660 hectares, et sa population est de 371 643 habitants, ce qui donne environ 64 habitants par kilomètre carré. Il y a eu une augmentation de 72 000 habitants depuis le commencement du siècle.
La population de l'Ain, presque entièrement d'origine gauloise, offre deux caractères tranchés comme le pays lui-même. Elle est alerte, active, laborieuse, intelligente, opiniâtre dans
les montagnes; calme, lente et routinière dans les plaines; partout, d'ailleurs, droite, honnête et courageuse.
Agriculture. — Le département de l'Ain possède, comme domaine agricole, à peu près 558 000 hectares, dont 241 000 de terres labourables ; 122 000 de bois ; 84 000 de prés et herbages; 70 000 de landes, bruyères, montagnes; 20 000 d'étangs; 14 000 de vignes, etc.
Ce département est essentiellement agricole. Au N. O., entre la Seille et la Veyle (ancienne Bresse), on y cultive avec succès le froment, le maïs et la vigne, et les prairies y prospèrent également; elles sont très-fertiles et se développent en magnifiques étendues; cette réunion de produits si divers tient à un climat tout à la fois chaud et humide, et au sol d'excellente nature, qui appartient au calcaire jurassique. Sur les bords de la Saône, la culture est plus particulièrement remarquable; la culture du blé est plus importante que celle de la betterave et du colza.
La propriété est assez morcelée dans ce département, car elle se décompose en 1 722 357 parcelles, qui sont possédées par 161 910 propriétaires, la plupart aisés et très-entendus en industrie agricole.
Au S. de la Veyle, dans l'arrondissement de Trévoux, le sol, composé d'une argile compacte et impénétrable à l'eau, demandait une culture particulière, et longtemps on y a vu prospérer un mode d'exploitation né des circonstances. Le pays fut couvert de chaussées qui, contenant les eaux
dans des espaces limites, creerent des étangs riches en poissons; un an sur trois, ces étangs étaient vidés dans d'autres bassins tout préparés; on pêchait le poisson, et le lit asséché, riche du limon déposé par les eaux, devenait un champ excellent pour la culture. Mais une extrême insalubrité résultait de ce mode d'exploitation. Aujourd'hui, les étangs sont asséchés et convertis en prés bien arrosés. Le drainage et le chaulage ont permis de substituer, sur beaucoup de points, la culture du seigle et du blé à celle de l'avoine et du sarrasin. L'élève du bétail et de la volaille y est devenue un élément important de prospérité pour la population.
Au S. E. du département, entre l'Ain et le Rhône, on trouve des coteaux où, malgré un morcellement extrême, la vigne et les céréales donnent d'abondants produits. Mais une exploitation immodérée des bois qui garnissaient les dernières assises du Jura a dénudé ces hauteurs, et aujourd'hui l'Etat est obligé d'imposer aux populations le reboisement au-
quel il prête d'ailleurs son concours par de larges subventions.
Riches en pâturages, les hauts plateaux du Bugey ont vu se développer l'industrie des fromageries qui rivalisent avec celles de la Franche-Comté et de la Suisse, et la culture des plantes fourragères, notamment celle de l'esparcette, ne laisse à nu aucune partie de la roche elle-même.
Le pays de Gex, qui occupe le nord de la région orientale du département, semble appartenir à la Suisse ; il en a l'aspect montagneux, les forêts de sapins et les beaux pâturages.
C'est là que s'est formé le beau troupeau de moutons mérinos de Naz, dans la commune de Chevry près de Gex, connu depuis le commencement de ce siècle pour la finesse et le soyeux de ses laines.
Le département de l'Ain, contigu à des régions renommées pour leurs vins, le beaujolais et le mâconnais, en produit lui-même en quantités notables; quelques-uns de ses crus ont acquis de la réputation; on peut citer ceux de Machuraz, de Cerveyrieu et Virieule-Grand, dans le Valromey.
Une école régionale d'agriculture établie à la Saulsaie, dans l'arrondissement de Trévoux, une ferme-école à Pont-de-Veyle, dans l'arrondissement de Bourg, cinq comices agricoles indiquent suffisamment l'accord du gouvernement et des populations pour donner à la culture tout le développement désirable.
Mines.— Carrières.— Le sol du département de l'Ain renferme de grandes richesses minières, mais l'exploitation en est assez restreinte. On exploite le lignite à Soblay, dans l'arrondissement de Bourg, le fer à Villebois, Soudon et Serrières, dans l'arrondissement de Belley, et l'asphalte à Pyrimont, dans la commune de Seyssel.
Le gypse pour les constructions et l'amendement des terres est extrait des marnes irisées à Montanges et à Lagnieu; la chaux hydraulique est exploitée à Tenay, surtout depuis qu'on l'a appliquée à l'amélioration des terres du placeau des Dombes. Lyon et Genève tirent le calcaire nécessaire à leurs constructions des carrières de Villebois, Argis, Seyssel, Thoiry; celles de Ceyzeriat, Jasseron et Montmerle fournissent leurs produits à Bourg. La tourbe est exploitée à Ceyzeriat. Lavours, Oyonnax et les environs de Belley fournissent une pierre lithographique aussi estimée que celle d'Allemagne.
Industrie. — Commerce. — L'industrie et
le commerce du département sont assez actifs et même florissants grâce aux voies faciles de communication établies dans ces dernières années.
L'arrondissement de Bourg s'enrichit par l'élève des volailles, dont l'exportation atteint plusieurs centaines de mille francs. L'art du potier est en pleine prospérité à Bourg qui fabrique des émaux renommés.
La betterave, cultivée en grand dans les arrondissements de Bourg et de Trévoux, y alimente les sucreries de Crèches et de Tournus, et les distilleries d'alcool de Chérinal, de Montmou et de Notre-Dame-desChamps.
L'élève des chevaux a pris de l'importance surtout à Ambérieux, Lent, Montmerle et Pont-de-Vaux.
L'arrondissement de Belley produit des vins qui supportent le transport et commencent à être connus au dehors. Le fer et surtout l'asphalte y sont activement exploités, ainsi que la chaux de Tenay.
L'arrondissement de Nantua a une fabrication importante de peignes, tabatières et tabletterie; Nantua, Oyonnax et Neyrolles sont les principaux centres de cette industrie.
Depuis quinze ans environ, l'industrie de la soie est venue de Lyon chercher dans les arrondissements de Belley et de Nantua une main-d'œuvre moins chère, et plus de cinquante communes de l'arrondissement de Nantua travaillent pour la fabrique lyonnaise.
L'arrondissement de Gex a des fromageries rivales de celles du Jura et de la Suisse et des scieries importantes où se débite le bois de ses riches forêts.
Routes.— Canaux.— Chemins de fer. — Les routes impériales qui traversent le département sont au nombre de six, et ont un parcours de 448 kilomètres; les routes départementales, au nombre de 22, ont 593 kilomètres de développement, et l'on y compte 5282 chemins vicinaux. La principale route impériale est de première classe, et conduit de Paris à Genève, par Montrevel, Bourg, Ceyzériat, Nantua, Chatillon de Michaille et SaintGenis.
Le département ne possède qu'un seul canal, celui de Pont-de-Vaux, qui n'a que 3 kilomètres et demi, et évite au commerce les lenteurs et les difficultés qu'offrent les méandres de la Reyssouze, depuis Pont-de-Vaux jusqu'à son embouchure dans la Saône.
Le département de l'Ain est desservi par la
ligne principale du chemin de fer de Paris à Lyon qui touche à Trévoux seulement, et par 5 embranchements ou sous-embranchements qui se rattachent à la ligne principale du réseau.
Ces embranchements sont : 1° Celui de Mouchard à Bourg, qui descend du N. au S. avec stations à Coligny, Moulindes-Ponts et Saint-Étienne; 2° celui de Bourg à Ambérieux, qui prolonge le précédent avec stations à la Valvrette, Pont-d'Ain et Ambronay; 3° celui de Mâcon à Bourg, qui traverse la partie occidentale du département, avec stations à Pont-de-Veyle, Vonnas, Mezeriat et Polliat; 4° celui de Lyon à Genève par Culoz, dont le parcours traverse toute la partie méridionale du département et relie entre elles les nombreuses stations de Miribel, Beynost, Montluel, Meximieux, Leyment, Amberieux, Saint-Rambert, Tenay, Rossillon, Virieu-le-Grand, Artemare, Culoz, Seyssel, Pyrimont, Bellegarde et Collonges; 5° celui de Lyon à Bourg, qui entraînera forcément la transformation des Dombes, et a des stations à Sathonay, les Échets, Mionnay, SaintAndre de Corcy, Villars, Marlieux, Saint-Paul et Servas.
Le développement total de ces diverses voies ferrées est de 309 kilomètres.
Histoire. — Le département a été formé des anciennes provinces de Bresse, Bugey, Valromey, du pays de Gex et de la principauté de Dombes, acquis successivement par les Bourbons à la couronne de France.
Ces provinces étaient comprises dans la partie de la Gaule que les Romains appelaient Celtique. Les Ségusiens ou Sébusiens en formaient la population principale, et Forum Segusianorum occupait, dit-on, l'emplacement où plus tard Bourg s'est élevé. Les Ambarri, autre tribu celtique, ont seuls laissé trace de leur existence, et les noms d'Ambérieux ou Ambronay rappellent encore aujourd'hui leur souvenir.
L'invasion des Helvètes amena les Romains dans ces régions, et c'est près de Trévoux que César vainquit les envahisseurs. Le pays des Sébusiens et des Ambarres fit successivement partie de la Germanie supérieure sous Auguste, de la Grande-Séquanaise sous Constantin, et enfin de la Lyonnaise 1re sous Honorius. Le Valromey (vallis romana), dans le canton de Champagne, rappelle par son nom même cette longue occupation des Romains.
Au cinquième siècle, les Burgondes s'em- parèrent de cette partie de la Gaule, mais ils
furent bientôt soumis par les Francs, et leur territoire fit partie tantôt du royaume d'Orléans et tantôt du royaume de Metz. Lorsque l'empire carlovingien vint à se dissoudre, on vit apparaître le nom de Bressia, qui s'appliquait alors au territoire situé à tout le bassin de l'Ain et comprenait le pagus Dom- bensis, le pays de Dombes. Après la mort de Charles le Chauve, ces contrées firent partie des royaumes de Bourgogne cis-jurane et transju- rane, puis elles furent comprises dans l'empire d'Allemagne. Alors les seigneurs locaux se constituèrent indépendants, et ainsi se formèrent les sireries de Baugé, de Coligny, de Thoiré, de Villars. Les sires de Baugé devinrent les véritables seigneurs de la Bresse; Baugé, aujourd'hui Bagé-le-Châtel, était leur capitale, et leur suzeraineté s'étendait depuis la Seille, au N., jusqu'au Rhône, au S. La Dombes appartenait plus particulièrement aux sires de Villars qui possédaient aussi une portion du bas Bugey. Le Revermont et la partie nord du Bugey reconnaissaient l'autorité des sires de Coligny. Enfin le pays de Gex et le sud-est du Bugey obéissaient aux seigneurs de Mau- rienne, maîtres de la Savoie. En 1272, un mariage fit passer les biens des sires de Baugé dans la maison de Savoie, qui ne tarda pas à acquérir tout le Bugey. C'est alors que Bourg devint la capitale de la Bresse au détriment de Baugé qui ne cessa de décroître. D'autre part, au quatorzième siècle, Humbert VII, sire de Villars et de Thoiré, céda au duc de Bourbon-Beaujeu les châtellenies de Trévoux, d'Ambérieux et du Chatelar, qui formèrent la principauté de Dombes.
En 1535, François Ier, roi de France, voulant détruire cette maison de Savoie, s'empara des pays de Gex, Valromey, Bugey et Bresse, mais il fut forcé de les rendre au traité de Cambrai.
En 1601, Henri IV contraignit le duc de Savoie à conclure le traité de Lyon, par le- quel celui-ci lui donna la Bresse, le pays de Gex et le Bugey, en échange du marquisat de Saluces. Cette nouvelle frontière permettait à Henri IV de donner la main « à ses alliés et bons compères » les Suisses. Cette acquisition ne fut pas précieuse seulement sous le rapport des territoires ; elle le fut encore, parce qu'elle dota la France d'une population solide, dont le patriotisme ne s'est jamais démenti.
La Dombes, acquise une première fois sous François Ier, lors de la confiscation des biens du connétable de Bourbon, fut rendue par Charles IX à la branche de Montpensier. Elle fit partie de la dot de Marie de Bourbon, mariée
au duc d'Orléans, frère de Louis XIII. De ce mariage naquit une fille, la grande Mademoi- selle, qui donna la Dombes au duc du Maine, fils naturel de Louis XIV, Le second fils de celui-ci la céda à Louis XV, en 1761, en échange du duché de Gisors.
Ces diverses portions du territoire firent partie du gouvernement de Bourgogne jusqu'en 1790. A cette époque, ils devinrent le département actuel qui les comprend presque en entier.
Hommes célèbres. — Le département de l'Ain compte un certain nombre de personnages remarquables, parmi lesquels on peut citer : les deux VAUGELAS; Mlle CHOIN, épouse secrète du grand Dauphin, fils de Louis XIV; CARRA et GOUJON, membres de la Convention; JOUBERT, général en chef de l'armée d'Italie; BRILLAT-SAVARIN, le spirituel auteur de la Physiologie du goût; l'astronome LALANDE; les médecins BONNET, RÉCAMIER et RICHERAND; MICHAUD, l'auteur de l'Histoire des Croisades; et parmi les contemporains : l'écrivain EDGARD QUINET, et Charles-Philippe ROBIN, membre de l'académie de médecine
Divisions administratives. — Le département de l'Ain forme cinq arrondissements ainsi subdivisés :
Arrond. de Bourg. 10 cant. 120 comm.
— Trévoux. 7 — 112 — — BeIIey. 9 — 114 — — Nantua. 6 — 73 — — Gex. 3 — 31 — 35 cant. 450 comm.
Ce département forme la 4e subdivision de la 8e division militaire, dont le quartier général est à Lyon; il possède deux points fortifiés : Pierre-Chatel et Fort-l'Écluse.
Dans l'organisation ecclésiastique, le département forme un diocèse, suffragant de l'archevêché de Besançon et dont le siége est à Belley. Ce diocèse comprend 430 paroisses; il a un grand séminaire à Brou et deux petits séminaires à Belley et à Mexi- mieux. Les protestants, peu nombreux, ont des temples à Bourg et à Ferney.
La justice est rendue par cinq tribunaux de première instance, dont le siège est aux chefslieux d'arrondissement et qui ressortissent à la Cour impériale de Lyon.
Il y a un lycée et une école primaire à Bourg, et un collége communal à Nantua. Le département compte, en outre, 676 écoles publiques recevant près de 54 000 élèves.
Description des villes. — Voici les principales villes du département de l'Ain :
ARRONDISSEMENT DE BOURG.
BOURG (13 733 hab.), ancienne capitale de la Bresse, aujourd'hui préfecture et chef-lieu du département, est situé à 422 kilomètres de Paris, sur la rive gauche de la Reyssouze, dans une vallée que limitent, à l'est, les hauteurs de Revermont. Cette ville, de construction irrégulière, a pour principaux monuments l'église Notre-Dame et l'hôtel de ville, où se trouve le
musée; la statue de Bichat, œuvre de David d'Angers, et un obélisque érigé en l'honneur du général Joubert ornent deux des places de la ville. Une inscription désigne la maison où naquit l'astronome Lalande. Près de Bourg s'élève l'église de Brou riche en sculptures et en vitraux, et qui est un chef-d'œuvre de l'architecture du seizième siècle.
Bourg, bâtie sur l'emplacement d'une ancienne ville gauloise, date du treizième siècle et était alors fortifiée; aujourd'hui, c'est une ville ouverte. Elle essaya de résister en 1814 et fut pillée par les Autrichiens.
Treffort (1911 hab.), chef-lieu de canton, situé sur l'un des petits affluents de la Saône, possède des poteries, des tuileries importantes et une pépinière départementale.
Pont-de-Vaux (3117 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur le canal de ce nom.
Bagé-le-Chatel (756 hab.), chef-lieu de canton, était autrefois la résidence des sires de Baugé.
Les autres chefs-lieux de cantons sont : Ceyzeriat (1051 hab.), Coligny (1668 hab.), Montre- vel (1496 hab.), Pont-d'Ain (1406 hab.), Pont-deVeyle (1389 hab.), et Saint-Trivier-de-Courtes (1433 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont Viriat, Bagé-la-Ville, Marboz, Foissiat, dont la population dépasse 2000 habitants.
ARRONDISSEMENT DE TRÉVOUX.
TRÉVOUX (2863 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, à 49 kilomètres de Bourg, estsituée sur le penchant d'une colline, près de la Saône. Cette ville, fort ancienne, était la capitale de la petite principauté de Dombes et le siège d'un parlement. En 1701, une imprimerie dirigée par les jésuites y commença la publication du Journal scientifique et du Dictionnaire qui portent son nom.
Châtillon-sur-Chalaronne (3046 hab.), cheflieu de canton, est situé sur la Chalaronne. On y trouve d'importantes tanneries. On y voit sur l'une des places la statue de saint Vincent de Paul, qui fut curé de cette ville en 1617.
Montluel (2981 hab.), chef-lieu de canton, est
bâti sur un petit affluent du Rhône, dans une région de vignobles et près de la ligne ferrée de Lyon à Genève. On y fait une fabrication active de draps et de couvertures de laine.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Chalamont (1866 hab.), Meximieux (2559 hab.), Thoissey (1748 hab.), et Saint-Trivier-sur-Moi- gnans (1866 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Reyrieux (1529 hab.); Miribel (3360 hab.), qui doit sa prospérité à sa position sur la ligne ferrée de Lyon à Genève près du Rhône; Saint-Didier-sur-Chalaronne (2549 hab.); Sathonay (6565 hab.), etc.
ARRONDISSEMENT DE BELLEY.
BELLEY (4624 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 74 kilomètres de Bourg, dans la vallée fertile du Furan, et à 5 kilomètres du Rhône. Cette ville fort ancienne possède quelques monuments, entre autres le palais épiscopal et la cathédrale, de construction moderne. Il se tient à Belley des foires importantes pour la vente des bestiaux, des chevaux, de la draperie et de la mercerie.
Ambérieux (3047 hab.), chef-lieu de canton, est situé au pied d'une des murailles du Jura, sur l'Albarine. Cette ville très-ancienne doit à sa situation et à la fertilité de son territoire sa prospérité; on y trouve des fabriques de drap et de toile, des tanneries et des papeteries.
Saint-Rambert (2531 hab.), chef-lieu de canton, au confluent du Brevon et de l'Albarine, entre deux montagnes à pic, est situé à peu de distance de l'embranchement de Lyon à Genève, fabrique des toiles communes, du linge damassé, et possède des filatures importantes de laine et de soie. On y fait un grand commerce des vins du pays.
Seyssel (1234 hab.), chef-lieu de canton, est bâti sur la rive droite du Rhône, qui y devient navigable. Un pont suspendu réunit cette commune à celle du même nom, qui appartient au département de la Haute-Savoie. Seyssel est renommée pour ses mines d'asphalte et de bitume qui sont d'une richesse inappréciable.
Les autres chefs-lieux de canton sont Cham- pagne (558 hab.), Hauteville (798 hab.), L'huis (1266 hab.), Lagnieu (3259 hab.), et Virieu-le- Grand (910 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont: Villebois (2518 hab.), Ambronay (1706 hab.), Saint-Benoît (1204 hab.), SaintSorlin (1357 hab.), Tenay (1498 hab.), Contrevoz (817 hab.), Virignin (1014 hab.), où se trouve la forteresse de Pierre-Chatel, qui commande le passage du Rhône ; Culoz (1453 hab.), où s'em-
branche la route ferrée de la Savoie et du Mont-Cenis, etc.
ARRONDISSEMENT DE NANTUA.
NANTUA (3776 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est située à 40 kilomètres de Bourg, sur un petit torrent tributaire du lac du même nom. Cette ville est assez bien bâtie et possède une église remarquable. Charles le Chauve y mourut en 877 et y fut inhumé. On fait à Nantua une importante fabrication de tabatières et de peignes en corne, et un grand commerce de fromages et de bois de sapin.
Izemore (1011 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans la vallée de l'Ognon, affluent de l'Ain. Cette petite localité a acquis, depuis quelques années, une certaine célébrité, à cause des nombreuses antiquités romaines qu'on y a découvertes, et qui, en éveillant l'examen sur son passé, ont donné naissance à l'opinion, un peu hasardée, que là s'élevait jadis la célèbre Alésia.
Oyonnax (3547 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur l'Ange. Cette petite ville doit sa prospérité à sa fabrication d'objets en corne et en buis, et à son grand commerce de bois.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Brenod (960 hab.), Châtillon-de-Michaille (1262 hab.), et Poncin (2187 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Chamfromier (1053 hab.), Dartan (1298 hab.), Échallon (1247 hab.), Cerdon (1770 hab.), Saint-Jean-le-Vieux (1559 hab.), Jujurieux (2666 hab.).
ARRONDISSEMENT DE GEX.
GEX (2642 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est située à 183 kilomètres de Bourg, sur le versant oriental du Jura, d'où la vue s'étendsur le lac Léman et sur les montagnes de la Savoie. Un petit torrent, le Jornand, fait mouvoir des moulins à tanneries et à blé, et des scieries mécaniques. Gex fait un commerce actif avec le canton de Vaud.
Ferney ou Fernex (1288 hab.), chef-lieu de canton, doit son renom au séjour de Voltaire, qui y créa des fabriques d'horlogerie, aujourd'hui fort dégénérées.
Collonges (1166 hab.), chef-lieu de canton, est situé au pied du Mont-Credo. Dans cette commune se trouve Fort de l'Écluse, qui ferme le seul passage par lequel le Rhône sort des montagnes.
Les principales communes de l'arrondisse ment sont: Divonne (1356 hab.), Lancrans (550 hab.), Feron (1206 hab ), Thoiry (1640 hab.), Léaz (1013 hab.), etc.
Eglise de Notre-Dame de Liesse. — Ancienne porte à Laon. — Vue de Laon.
Vue de Saint-Quentin. — Cathédrale de Laon.
AISNE.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Le département de l'Aisne tire son nom de l'un des cours d'eau qui l'arrosent. Il est situé dans la partie septentrionale de la France et a pour limites : au N., le département du Nord et la Belgique; au S., celui de Seine-et-Marne; à l'E. les départements des Ardennes et de la Marne; à l'O., ceux de l'Oise et de la Somme.
Ce département, l'un des plus célèbres de
la France par ses souvenirs historiques, est en même temps l'un des plus riches et des plus peuplés; agricole et manufacturier, il est renommé à la fois par les tissus de Saint-Quentin, les glaces de Saint-Gobain et par les produits abondants de son sol.
Le département de l'Aisne dans la plus grande partie de sa superficie est plat ou faiblement ondulé; les séparations de ses rivières sont à peine marquées, et ce n'est que dans le N. E
qu'on trouve un renflement de terrain plus important par sa célébrité que par son élévation : ce sont les Collines de Picardie qui se rattachent aux Ardennes et qui forment la séparation des eaux entre la Seine, la Somme et l'Escaut; c'est là que prennent leurs sources divers cours d'eau avec leurs premiers affluents. Ce plateau, qui n'a nulle part plus de 200 mètres d'élévation, offre dans sa masse principale une étendue plane, à peine ondulée, où cependant se dessinent quelques hauteurs isolées; il est de construction calcaire; niais dans les vallées qui ne semblent à l'origine que de brusques fissures, il est de nature argileuse.
A ce terrain montueux, il faut ajouter entre la Seine et l'Aisne une série de hauteurs détachées des Ardennes, et dont la Montagne de Laon est la sommité principale.
De magnifiques forêts couvrent une partie du département; au N., se trouvent celles de Nouvion, d'Audigny, de Regnaval, de SaintMichel; au centre, celles de Coucy et de Samoussy; au S., celles de Villers-Cotterets, de La Fère et de Ris. Des plants de vignes couronnent les coteaux qui ondulent le long de la Marne et donnent à son cours un aspect pittoresque.
Hydrographie.— Le département appartient à 4 bassins : ceux de la Somme, de l'Escaut et de la Sambre, dont les eaux l'arrosent seulement pendant quelques kilomètres, et celui de la Seine, qui occupe tout le reste de son territoire par ses affluents, l'Oise, l'Aisne et la Marne.
La Somme prend naissance près de Fontsomme, à environ 12 kilomètres de Saint-Quentin, se croise avec la voie ferrée de SaintQuentin à Erquelines, passe à Saint-Quentin, d'où part un canal qui la fait communiquer avec l'Escaut, puis à Saint-Simon, où se soude le canal qui conduit à l'Oise; un peu au-dessous, elle entre dans le département de la Somme après 35 kilomètres de cours, et va se jeter dans la Manche, après un parcours total de 245 kilomètres.
L'Escaut prend sa source au N. O. du département, près de l'ancienne abbaye de SaintMartin, arrose le Câtelet, traverse le département du Nord et entre en Belgique après un cours de 120 kilomètres en France.
La Sambre, qui prend sa source près de Fontenelle, dans la forêt de Nouvion, arrondissement de Vervins, en sort après 21 kilomètres de cours, L'Oise, affluent direct de la Seine, naît en Belgique près de la frontière de France, pé-
nètre dans le département par la forêt de SaintMichel, se dirige d'abord vers l'O., baigne Hirson, reçoit l'Artois, passe à Etreaupont où elle absorbe le Ton, arrose Orbais, Marly, Guise, Valencourt où elle rejoint le canal de la Sambre, prend alors la direction du S. O., et pendant tout ce parcours elle est longée par le canal de la Sambre; depuis Valencourt elle baigne Origny, Ribemont, Moy, 'La Fère, reçoit la Serre, passe à Chauny, et quitte le département après s'être encore accrue de la Lette; elle n'est navigable que depuis Chauny.
L'Aisne, affluent de l'Oise, naît au village de Somme-Aisne, dans le département de la Meuse, traverse celui de la Marne où elle reçoit de nombreuses rivières, puis celui des Ardennes, et entre enfin dans le département qui porte son nom; là, elle arrose Neufchâtel et suit constamment la direction du S. O.; elle reçoit la Suippe à Vailly, passe à Béry-au-Bac, absorbe la Vesle, baigne Soissons et Vic-surAisne ; parvenue à ce point, elle pénètre dans le département de l'Oise après un cours de 100 kilomètres, et se jette dans cette rivière un peu au-dessus de Compiègne.
La Marne, affluent direct de la Seine, traverse le S. du département, où elle reçoit le Surmelin grossi de la Dhuys, baigne ChâteauThierry, Charly, entre successivement dans les départements de Seine-et-Marne et de la Seine, et va se jeter dans la Seine à Charentonle-Pont, après un cours de 494 kilomètres ; son principal affluent est l'Ourcq, qui naît dans le département, près de la forêt de Bièze, arrose Fère-en-Tardenois, la Ferté-Milon, et passe dans le département de Seine-et-Marne.
Climat. — Le climat de ce département est généralement froid, humide, susceptible de brusques variations. La partie orientale, voisine des Ardennes, a une température plus âpre que la partie occidentale, dont le climat rappelle celui du département de la Seine. Les vents y sont très-variables du N. O. au S. O., et ils changent pour ainsi dire avec chaque mois de l'année.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Aisne est de 735 200 hectares. Sa population est de 565 025 habitants environ, ce qui donne 76 habitants par kilomètre carré. Depuis 1800, il y a eu une augmentation de 138 600 habitants.
La population de ce département a conservé peu de chose des mœurs provinciales; la facilité des communications avec Paris lui ôte toute originalité; cependant, les habitants des parties picardes ont gardé les qualités solides
qui se retrouvent dans ceux de l'Oise et de la Somme; ils sont grands, forts, laborieux, sensés, loyaux, honnêtes, modestes; dans les affaires commerciales et industrielles, ils déploient une remarquable activité, une loyauté parfaite. Les agriculteurs et les industriels y sont presque en nombre égal, 228 000 environ. Quant au nombre des habitants sans profession, il est très-élevé et dépasse 80 000.
C'est une population qui a donné au caractère national ses plus solides éléments et qui a fait les plus constants efforts pour la défense du pays. Cet éloge appartient de droit égale- ment aux parties champenoises et parisiennes du département, qui se sont glorieusement montrées pendant les funestes événements de 1814.
Agriculture. — Sur les 735 200 hectares que comprend la superficie du département, on en compte 507 000 de terres labourables ; 147 000 de bois, forêts, étangs, terres incultes; 51 000 de prairies naturelles; 11 000 de pâturages, landes, bruyères; 9000 de vignes, etc. Le nombre des marais susceptibles de dessèchement et par conséquent de culture, est considérable ; il s'élève à 3355 hectares.
Le sol est fertile et l'agriculture perfectionnée. L'arrondissement de Saint-Quentin (ancien Vermandois), considéré comme l'un des plus productifs de la France, présente d'ailleurs toutes les richesses que peut fournir la petite culture; les arrondissements de Laon et de Soissons sont principalement occupés par la grande culture, et la moyenne des exploitations y dépasse 100 hectares. L'élève du bétail, favorisée par de magnifiques prairies, est très-importante, et l'on compte 1 million de bêtes à laine, 160 000 bêtes à cornes, près de 80 000 chevaux, etc.
La culture de la betterave, celle des plantes oléagineuses, du lin, du chanvre, a pris un grand développement; le lin y est cultivé sur une surface de plus de 600 hectares; mais les céréales tiennent toujours le premier rang, et l'on exporte chaque année 800 000 hectolitres de blé.
Les haricots de Soissons et de Braisne, les artichauts de Laon et de Chauny, sont cultivés en grand et donnent des produits renommés.
Sur les bords de la Marne, la vigne réussit, mais sur l'Aisne et sur l'Oise, elle ne fait que des vins médiocres.
Les pommiers et le houblon fournissent à la population le cidre et la bière, qui forment sa boisson habituelle.
En somme, la valeur de la production agricole dépasse chaque année 133 millions de
francs, et le revenu brut des animaux domes- tiques atteint 79 millions.
Mines. — Carrières. — Le département ne possède presque aucune mine, mais son sol de nature essentiellement calcaire renferme d'importantes carrières de pierres à bâtir et de marbre. L'argile à brique se trouve partout et partout est mise en œuvre. L'ardoise y apparaît en quelques endroits.
La tourbe existe principalement dans les arrondissements de Saint-Quentin et de Vervins, et fournit plus de 100 000 quintaux métriques.
Industrie. — Commerce. — Ce département renferme l'un des grands centres industriels de la France , Saint-Quentin. On y fabrique des batistes, des toiles de coton, des tissus laine et soie, du linge de table et deschâles, des couvertures de laine, des tapisseries, etc.
Les verreries de Prémontré et de Folembray ont un juste renom, et la manufacture de Saint-Gobain jouit depuis Louis XIV d'une célébrité européenne. Enfin les oseraies, trèsnombreuses, fournissent du travail à 6000 ouvriers.
Le commerce, alimenté par les produits du sol et de l'industrie, est considérable, et trouve dans les routes de terre, les voies navigables et ferrées des moyens faciles de s'étendre.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer.— Ce département est desservi par 12 routes impériales, offrant un développement de 612 kilomètres, et dont la principale va de Paris à Bruxelles par Villers-Cotterets, Soissons, Laon, Vervins, La Capelle ; par 30 routes départementales d'une longueur de 672 kilomètres, et par 2672 chemins vicinaux qui dépassent 5000 kilomètres.
Le département possède de nombreux canaux : 1° le canal de l'Aisne-à-la-Marne, qui commence à Béry-au-Bac, mais passe aussitôt dans le département de la Marne où il aboutit à Condé; 2° le canal de la Sambre-à-l'Oise, qui prend naissance dans le département du Nord, à Landrecies, franchit dans celui de l'Aisne la ligne de faîte entre Évreux et Oisy, et descend l'Oise jusqu'à La Fère, sur une longueur de 53 830 mètres; 3° le canal de SaintQuentin, qui commence à Cambrai, dans le département du Nord, entre dans le département de l'Aisne, où il reçoit presque aussitôt le canal des Torrents, déversoir des eaux pluviales du territoire de Bohain, puis il s'écarte de l'Escaut et par les souterrains de Riqueval et du Tron.
quoy, il franchit la ligne de séparation des bassins de l'Escaut et de la Somme, passe à Saint-Quentin, où il rejoint le canal de la Somme; de là, par la tranchée de Jussy, il pénètre dans le bassin de la Seine et va se terminer sur l'Oise; 4° le canal de Manicamp, qui n'a que 4851 mètres et a été creusé pour obvier à l'insuffisance des eaux de l'Oise; une écluse les élève à la hauteur du canal de Saint-Quentin et permet ainsi de passer de Chauny à Mani- camp, où commence le canal latéral ; 5° le canal latéral à l'Oise qui part de Manicamp, et, longeant la rivière jusqu'à Janville, abrége le trajet de 18 kilomètres.
Le département de l'Aisne est desservi par deux lignes principales des réseaux de l'Est et du Nord.
La ligne de l'Est de Paris à Strasbourg traverse sa partie inférieure, et n'y possède que 4 stations : Nogent-l'Artaud, Château-Thierry, Mezy et Varennes.
La ligne du Nord de Paris à Erquelines traverse l'angle N. O. du département, et dessert les stations de Chauny, Tergnier, Montescourt, Saint-Quentin, Essigny-le-Petit, Fresnoy-leGrand et Bohain. Puis elle rayonne sur tout le département au moyen de 5 embranchements, qui sont : 1° celui de Saint-Denis à Laon, avec stations à Villers-Cotterets, Longpont, Verzy, Berzy, Soissons, Crouy, Margival, Anizy-Pinon, Chailvet-Urceil; 2° le sous-embranchement de Soissons à Reims, avec stations à Siry-Sermoise et Braisne; 3° celui de Laon à Reims, avec stations à Coucy, Saint-Erme et Guignicourt; 4° l'embranchement de Tergnier à Laon, avec stations à la Fère et Crepy-Couvron; et 5° celui de Chauny à Saint-Gobain, avec stations à Sinceny, Rond-d'Orle et Barisis.
L'ensemble de ces diverses voies ferrées est de 227 kilomètres.
Deux nouveaux embranchements compléteront le réseau départemental en reliant Laon à Amiens par Tergnier, et Laon à Chimay par Vervins et Herion.
Histoire. — Le département de l'Aisne est célèbre par ses souvenirs historiques. Ce fut le centre de la Neustrie, le royaume de Soissons des fils de Clovis, ce fut le dernier domaine des successeurs de Charlemagne; c'est là que fut fondé le royaume des Francs mérovingiens par la bataille de Soissons; c'est là que fut fondé le royaume des Francs carlovingiens par la bataille de Testry; dans ce pays étaient les principales communes du moyen âge; comme toutes les cités picardes, ces villes subirent des siéges héroïques au XVIe siècle; placé entre la Belgique et Paris,
sur la grande route des invasions, l'Aisne fut l'un des théâtres de la campagne de 1814, el les batailles de Château-Thierry, de Craonne, les siéges de Soissons et de Laon lui donnèrent un nouveau renom.
Avant la conquête romaine, les Suessones, les Lauduni, les Viromandui et les Novioduni, dont les noms ont laissé trace dans les appellations modernes de Soissonnais, Laonnais, Vermandois, Noyonnais, habitaient les divers territoires dont on a composé ce département.
Rome, après les avoir domptés, sut s'en faire des alliés dévoués, qu'elle enrichit, d'ailleurs, de routes et de monuments utiles. Elles les comprit dans la Belgique IIe. C'est dans cette contrée, à Soissons, en 486, que le général gallo-romain Syagrius tenta le dernier effort contre la conquête des Francs. Sous les successeurs de Clovis, Soissons devint l'un des centres du nouvel empire, le séjour de Chilpéric et de Frédégonde. Sous les Carlovingiens, son importance diminua, et Louis d'Outremer s'étant établi à Laon, cette ville devint la résidence des rois francs jusqu'en 991. Dans le démembrement de l'empire carlovingien, le pays se partagea en plusieurs seigneuries dont la principale fut le Vermandois qui fut réuni à la couronne des Capétiens par Philippe-Auguste; le Valois, le Laonnais, le Soissonnais restèrent à la couronne comme faisant partie du duché de France ; la Champagne y fut réunie sous Philippe le Bel. Tous ces pays appartinrent directement aux Capétiens; ils n'eurent à subir aucune transformation pendant plusieurs siècles, mais ils furent ravagés successivement par les Anglais, par les Bourguignons, par les Espagnols, et cette dernière invasion donna lieu à la bataille et au siége de SaintQuentin. Les habitants s'y montrèrent en toute occasion pleins d'un ardent patriotisme.
Pendant la Révolution, la population de l'Aisne prit ardemment parti pour les idées nouvelles, et elle fournit à cette grande époque quelques-uns de ses plus fougueux personnages.
En 1790, lorsque le territoire fut divisé en départements, on forma le département de l'Aisne avec une partie de la Picardie méri- dionale, une partie du Valois, et on le compléta avec une portion de la Brie champenoise.
Hommes célèbres. — Le département de l'Aisne compte un grand nombre d'hommes célèbres, mais il doit mettre au premier rang LA FONTAINE, né à Château-Therry, en 1621,
et JEAN RACINE, né en 1639, à la Ferté-Milon.
On peut citer, après ces grands noms, les rois de France CARIBERT, CHILPÉRIC 1er, CLOTAIRE II, LOTHAIRE Ier; la reine FRÉDÉGONDE; le roi de Navarre ANTOINE DE BOURBON, père d'Henri IV; LAHIRE, le compagnon de Jeanne d'Arc; le philosophe RAMUS; le DUC DE MAYENNE, chef de la Ligue; les maréchaux d'ARMENTIÈRES, de BÉZOUS, de CHOISEUL, d'ESTRÉES, de PUYSÉGUR; l'avocat OMER TALON; le premier prince de CONDÉ; le duc CÉSAR DE VENDOME; le duc de SAINT-SIMON, l'un des plus grands écrivains de la France; l'architecte François BLONDEL; les poëtes DEMOUSTIER et LUCE DE LANCIVAL; le peintre LATOUR; le philosophe CONDORCET; le conventionnel QUINETTE; BABEUF, CAMILLE-DESMOULINS, RONSIN, qui ont si terriblement marqué pendant l'époque révolutionnaire; le maréchal SERRURIER; les généraux CAULINCOURT, SHERER, HEDOUVILLE; le duc de VICENCE, ministre de Napoléon ; et parmi les contemporains: les littérateurs ALEXANDRE DUMAS, ARSÈNE HOUSSAYE, CHAMFLEURY; l'historien HENRI MARTIN.
Divisions administratives. — Le département de l'Aisne forme cinq arrondissements ainsi subdivisés :
Arrond. de Laon. 11 cant. 288 comm, — Saint-Quentin. 7 - 1'27 — — Vervins. 8 — 132 — — Soissons. 6 — 166 — — Château-Thierry.. 5 - 12q — 37 cant. 837 comm
Le département de l'Aisne forme la 2e subdivision de la 4e division militaire, dont le siège est à Châlons-sur-Marne.
Ce département forme un évêché, dont le siège est à Soissons, et qui est suffragant de l'archevêché de Reims. Ce diocèse comprend 38 cures, 519 succursales, un grand séminaire à Soissons, et deux petits séminaires à Soissons et à Liesse. Les protestants y ont six temples et une église consistoriale.
La justice est rendue dans les chefs-lieux d'arrondissement par 5 tribunaux de première instance et par 4 tribunaux de commerce siégeant à Saint-Quentin, Vervins, Soissons, Chauny, qui ressortissent à la cour impériale d'Amiens.
Le département a un lycée à Saint-Quentin et des colléges communaux à Laon, ChâteauThierry et Soissons, une école normale primaire à Laon, et 1185 écoles publiques; il dépend de l'Académie de Douai. Les trois quarts des jeunes conscrits y savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de l'Aisne :
ARRONDISSEMENT DE LAON.
LAON (10 268 hab.), préfecture et chef-lieu du département, est située à 148 kilomètres de Paris, au sommet d'une montagne isolée, au pied de laquelle passe l'embranchement de la ligne du Nord. Cette ville conserve encore des traces de son ancienne enceinte fortifiée, quelques tours du moyen âge et une de ses portes. On y remarque plusieurs vieux édifices classés parmi les monuments historiques, tels que la cathédrale de Notre-Dame, ancienne église qui date de 1115 et dont le style mêlé de roman et de gothique rappelle celui de Notre-Dame de Paris, l'ancien palais épiscopal, récemment restauré, et qui sert aujourd'hui de palais de justice, et la chapelle des Templiers, bâtie, dit-on, au XIIe siècle, sur le modèle de la chapelle du Saint-Sépulcre. La bibliothèque de Laon a d'intéressantes collections de manuscrits du VIIe au XVIe siècle, et un grand nombre d'autographes des anciens rois de France. Le musée est riche d'une
grande quantité d'antiquités gallo-romaines, telles que peintures murales et fragments de mosaïques. La ville de Laon, par sa position même, offre de beaux points de vue sur les fertiles plaines qui l'environnent. Elle est peu remarquable par son industrie, mais c'est un centre actif pour le marché des produils de Saint-Quentin, de Saint-Gobain et de Folembray.
Laon, l'ancienne Bibrax des Gaulois et Lau- danum des Romains, n'est guère citée d'abord que par deux siéges soutenus contre les Vandales en 407 et contre Attila en 451. Après la conquête des Francs, elle devint le siège d'un évêché, la résidence des derniers Carlovingiens,
le lieu de naissance de Lothaire et de Louis V, ensuite le domaine propre de ses évêques. Au XIIe siècle, elle se constitua en commune et garda ses privilèges jusqu'au XIVe siècle.
Alors elle resta directement sous l'autorité royale et conserva presque sans interruption son heureuse obscurité jusqu'en 1814. Napoléon livra aux alliés sous ses murs une bataille de trois jours. En 1815, elle soutint un siége de quatorze jours contre les envahisseurs.
Chauny (9080 hab.), ancienne ville située sur l'Oise à l'embranchement du canal de Saint-Quentin, est un chef-lieu de canton commerçant et industriel où se fait à l'aide d'une machine hydraulique le polissage des glaces de Saint-Gobain.
Coucy-le-Château (846 hab.),chef-lieu de canton, est situé sur une colline escarpée que dominent les ruines du château des fameux sires
de Coucy, démantelé en 1652 par Mazarin et réparé récemment aux frais de l'État comme monument historique ; le donjon, qui est presque entièrement conservé, est, suivante. Viollet-le-Duc, la plus belle construction militaire du moyen âge.
Craonne (826 hab.), chef-lieu de canton; est situé au sommet d'une colline où Napoléon vainquit les alliés le 7 mars 1814.
La Fère (4984 hab.), chef-lieu de canton, est une ville forte au confluent de la Serre et de l'Oise ; elle renferme une garnison-école et un arsenal d'artillerie; en 1815 elle fut assiégée par les Prussiens.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Anisy- le-Châtecm (1116 hab.), Crécy-sur-Serre (1953 hab.), Marle-et-Behaine (1956 hab.), Rozoy-sur- Serre (1578 hab.), Sissonne (1455 hab.), et Neufchâtel (884 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Folcmbray (1080 hab.), célèbre par sa verrerie qui date de 1705 et occupe 900 ouvriers; Prémontré (312 hab.), où se trouve l'abbaye de Saint-Norbert, fondée en 1120; Quierzy (703 hab.), qui possède des ruines d'un manoir des rois Carlovingiens ; Crépy-enLaonnais (1634 hab.), ancienne place forte, célèbre par le traité de 1546 signé entre François Ier et Charles-Quint; Saint-Gobain (2190 hab.), où est établie la fabrique renommée qui produit 200 000 mètres de glaces par an; Sinceny (2062 hab.); Beau-revoir (2036 hab.); Montbrehain (2047 hab.) ; etc.
ARRONDISSEMENT DE SAINT-QUENTIN.
SAINT-QUENTIN (32 690 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, située à 50 kilomètres de Laon, s'étage sur le versant d'une colline baignée par la Somme, dont elle occupe aussi l'autre rive. De construction ancienne, et jadis fortifiée, elle a brisé sa ceinture et régularisé ses rues mal bâties et mal alignées; ses monuments les plus remarquables sont l'hôtel de ville et la cathédrale, classés parmi les monuments historiques.
Cette ville, déjà importante au temps de la domination romaine, était alors connue sous le nom de Augusta Veromanduorum; après avoir subi tous les désastres qui affligèrent cette partie du territoire franc pendant les premiers siècles de la monarchie, Soissons devint, au XIIe siècle, l'une des grandes communes de la Picardie; mais par letraité d'Arras, en 1470, elle passa sous la domination de Charles le Téméraire. En 1470, ses habitants se révoltèrent contre le duc de Bourgogne, et se placèrent sous l'autorité du roi de France.
Pendant le règne d'Henri If, Saint-Quentin,
tant de fois éprouvée, tomba au pouvoir des Espagnols, après la bataille du 10 août 1557, où fut défait le duc de Montmorency, et ne fut définitivement rendue à la France que par le traité de Cateau-Cambrésis en 1559.
Cette ville, la plus considérable du département, doit son importance à l'industrie; on estime qu'elle emploie plus de 130 000 ouvriers et que sa production cotonnière atteint une valeur de 80 à 90 millions de francs.
Ses principaux produits sont les tissus de laine, les tissus de coton, les batistes, les linons, les mousselines, les percales, les calicots, les machines, les produits chimiques, les sucres indigènes.
Bohain (5322 hab.), chef-lieu de canton, possède des fabriques de châles et d'horloges.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Le Catelet (569 hab.), Moy (1417 hab.), Ribemont (3126 hab.), Saint-Simon (600 hab.), et Vermand (1302 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Fresnoy-le-Grand (4441 hab.), où il existe une grande fabrique de gazes et de cachemires; Origny Sainte-Benoîte (2646 hab.); Prémont (1888 hab.); Seboncourt (2580 hab.); Flavy-le-Martel (2324 hab.); etc.
ARRONDISSEMENT DE VERVINS.
VERVINS (2732 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, à 40 kilomètres de Laon, est bâti sur le versant d'un coteau que baigne un ruisseau sous affluent de l'Oise. Cette ville est fort ancienne et sa charte de commune date de 1238; elle eut beaucoup à souffrir pendant les guerres des Bourguignons et des Impériaux. Elle fait un grand commerce de toiles de lin et de chanvre, et a des fabriques de tricots de laine.
Aubenton (1549 hab.), chef-lieu de canton, situé près de la source de l'Oise, possède une église dont le portail est classé parmi les monuments historiques.
Hirson (3334 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive droite de l'Oise, est cité pour son église de Saint-Michel, dont le chœur fait également partie des monuments historiques.
Guise (5289 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche de l'Oise et traversé par un canal de dérivation de cette rivière; cette petite ville a des fabriques de châles, des filatures de coton et de laine, des fonderies de fer et de cuivre. Guise, jadis place forte, possède encore un vieux château, dont la construction remonte à 1649, et qui s'élève à 50 mètres au-dessus de la ville. En 1528, le comté de Guise fut érigé en duché-pairie en faveur de Claude de Lorraine et donna son nom à
l'illustre famille qui faillit arriver au trône de France.
Les autres chefs-lieux de canton sont : La Capelle (1738 hab.), Le Nouvion (3261 hab.), Sains (2340 hab.), et Wassigny (1379 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Buironfosse (2479 hab.) ; SaintMichel (3190 hab.); Mondrepuis (1810 hab.); Esquehéries (2149 hab.) ; Grigny (2655 hab.); Mennevret (2387 hab.) ; etc.
ARRONDISSEMENT DE SOISSONS.
SOISSONS (11 099 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est située à 32 kilomètres de Laon sur la rive gauche de l'Aisne.
Cette ville est bien bâtie ; elle est le siège de l'évêché et renferme plusieurs édifices remarquables : la cathédrale, qui date du commencement du XIIIe siècle; deux tours, restes de la célèbre abbaye de Saint-Jean-des-Vignes, où Thomas Becket se retira de 1161 à 1170; la chapelle de l'Institut des sourds-muets, élevée dans l'enceinte de l'ancienne abbaye de Saint-Médard, où Louis le Débonnaire fut enfermé par ses enfants. C'est une place de guerre de première classe qui couvre la trouée de l'Oise et la route de Paris à Mau- beuge. Elle fait un commerce considérable de grains, de farines, de lin, de chanvre, de haricots et de bois.
L'origine de Soissons est très ancienne; sous les Gaulois, c'était déjà une ville forte nommée Noviodunum Augusta Suessionum. Clovis, en 486, y gagna une bataille qui fit rentrer la Gaule sous sa domination, et elle devint la capitale d'un des royaumes francs. Elle a été souvent pillée et ravagée tour à tour par les Armagnacs, les Bourguignons, puis par les Huguenots qui s'en emparèrent; mais le duc de Mayenne parvint à les en chasser, et fit à Soissons une ceinture de fortifications. Malheureusement, en 1814, les fortifications étaient en ruines; les Prussiens purent s'y réfugier dans leur fuite, et ce fut une des causes de la chute de l'Empire.
Villers-Cotterets (3396 hab.), chef-lieu de canton, est situé au milieu de la forêt qui porte son nom, sur la route de Paris à Soissons et sur le chemin de fer de Paris à Maubeuge. Elle possède un château bâti par François Ier, qui est aujourd'hui converti en dépôt de mendicité.
Villers-Cotterets est célèbre par l'édit de 1539 qui prescrivit l'emploi de la langue française pour tous les actes publics.
Vailly (1748 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive droite de l'Aisne, a conservé une église des premiers siècles du gothique et une vieille tour de l'ancien château fort de Pontarcy.
Braisne (1649 hab.), chef-lieu de canton, est située sur la Vesle, et possède les restes d'une église du XIIe siècle, qui est rangée parmi les monuments historiques. Cette petite ville a un dépôt d'étalons et un haras impérial. On y trouve quelques sources minérales.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Oul- chy-le-Château (701 hab.), et Vic-sur-Aisne (908 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Couy, Cuffies, Bucy-le-Long, Chavignon et Ambleny, dont la population dépasse 1000 habitants.
ARRONDISSEMENT DE CHATEAU-THIERRY.
CHATEAU-THIERRY (6519 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est située à 80 kilomètres de Laon sur la rive droite de la Marne; un pont la relie avec la rive gauche où elle possède un faubourg considérable.
Cette ville n'a pas d'édifices remarquables; mais elle possède un souvenir populaire, la maison où la Fontaine prit naissance, et près de laquelle, sur le pont, est la statue en marbre du fabuliste. On trouve à ChâteauThierry des fabriques de toiles, des teintures et des tanneries. Il s'y fait un commerce considérable de moutons, de céréales et de laines.
Château-Thierry, doit son origine à un château que fit bâtir Charles-Martel pour servir de résidence au jeune roi Thierry IV; c'était dès le xe siècle une ville fortifiée d'une grande importance à cause de sa position à l'entrée de la Champagne. Elle eut à subir de nombreux désastres de la part des Anglais, des Bourguignons et des Espagnols et de la part des Prussiens en 1814.
Fère-en-Tardenois (2393 hab.) est un cheflieu de canton situé dans une large et belle vallée. Les antiquaires y admirent les restes d'un château fort du XIIIe siècle qui est classé parmi les monuments historiques.
Neuilly-Saint-Front (1762 hab.), chef-lieu de canton, situé sur un plateau élevé, possède plusieurs tanneries assez importantes et des bonneteries.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Charly (1774 hab.), et Condé-en-Brie (750 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont: Essommes (1781 hab.), où se trouve une vieille église classée parmi les monuments historiques et remarquable par ses boiseries sculptées du XVIe siècle; Nogent-l'Artaud (1353 hab.); Treloup (1494 hab.) ; La Ferté-Milon (2018 hab.), bâtie sur un joli coteau que baigne l'Ourcq; là est né Jean Racine, dont la statue orne la place de l'Hôtel-de-Ville.
AISNE
Vichy : Promenade des Grivas. — Vue de la maison Strauss.
ALLIER.
Situation.— Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Allier se trouve situé dans la région centrale de la France. Il est limité : au N. par les départements du Cher et de la Nièvre ; à l'E. par ceux de Saône-et-Loire et de la Loire; au S. par celui du Puy-de-Dôme; enfin, à l'O. par ceux de la Creuse et du Cher.
L'Allier, comme tous les départements du centre, présente peu de traits distincts et son caractère est généralement effacé; son histoire
elle-même serait presque nulle s'il n'avait eu l'honneur de donner son nom de province à la plus illustre maison régnante des temps modernes, la famille des Bourbons; à part cela, pas de célébrités historiques ; son agriculture est médiocre, et il ne se distingue que par son industrie métallurgique, ses produits minéraux et surtout ses eaux thermales, qui sont les plus célèbres et les plus fréquentées de la France.
Situé sur les pentes N. E. du plateau central
de la France, il est fortement incliné du S. au N. Il se compose de trois vallées sensiblement parallèles : celle de la Loire, à l'E., celle de l'Allier, au centre, et celle du Cher, à l'O. La partie orientale doit aux ramifications des Monts-du-Forez un aspect pittoresque et pour ainsi dire alpestre ; là apparaissent des hauteurs granitiques, où la neige persiste une partie de l'année. La partie centrale forme des coteaux boisés au S., s'aplanit en s'inclinant vers le N. et finit même par présenter quelques parties marécageuses et de nombreuses forêts. La partie occidentale, à part quelques coteaux, présente dans sa masse une région plane, baignée d'eau, où les prairies naturelles sont nombreuses, où les étangs abondent.
Les cantons montagneux sont d'une culture difficile. Ce sont surtout les plaines et les coteaux, c'est-à-dire les basses terres, qui for- ment la partie la plus fertile du pays. On estime que la moitié du sol à peu près, surtout dans le haut pays, est sablonneuse et siliceuse avec un fond granitique, tandis que l'autre moitié, formée généralement de dépôts d'alluvions mêlés de graviers, repose sur une couche d'argile et constitue surtout les basses terres.
C'est au fond des vallées et sur le bord des rivières que se présentent des terres argileuses, très-fertiles, où le froment réussit particulièrement ; entre Gannat et le Donjon, dans ce pays arrosé par la Bouble, la Sioule et la Bèbre, des terres plus fortes reposent sur cette même base d'argile; là on cultive la vigne que ce sol favorise spécialement ; mais il ne faut pas aller rechercher la couche d'argile sur les basses collines, car l'action de l'atmosphère l'a décomposée à la surface.
Cette portion, du département de l'Allier est donc riche en produits qui varient suivant la qualité du sol. Le contraste des plaines couvertes de moissons et des brandes, landes incultes, arides, sauvages, hérissées de bruyè- res, de genêts et de joncs comme les landes de Bretagne, y produit les plus pittoresques effets.
Orographie. — Le département de l'Allier peut être considéré comme un appendice de l'Auvergne, mais il n'est réellement montagneux que dans sa partie méridionale. Sa charpente orographique se compose : au N.-E.
du prolongement des Monts-du-Forez et des Monts-de-la-Madeleine; au N.-O., d'un prolongement épanoui des Monts-d'Auvergne.
Les Monts- du-Forez se bifurquent aux sources de la Bèbre; ils forment, au N.-O., entre
la Bèbre et l'Allier, des hauteurs de médiocre élévation ; là les forêts de hêtres et de sapins croissent sur ces roches primitives, encore toutes convulsionnées des chocs de l'époque géologique, auxquelles succèdent bientôt des terrains tertiaires moyens. Au N.-E., les Montsde-la-Madeleine prolongent les Monts-du-Forez et s'abaissent graduellement d'une hauteur de douze cents pieds pour mourir au confluent de la Bèbre. Là, le touriste se trouve tout à coup transporté dans une petite Suisse, devant des sites pittoresques et des points de vue délicieux, empruntés au panorama des Alpes.
Entre les vallées de la Loire et de l'Allier, le sol présente un plateau dont l'altitude moyenne peut être estimée à 300 mètres; d'un côté, au S., il repose sur un massif de roches primitives; de l'autre, au N., il se déprime rapidement, forme les bassins houillers de Montcombroux, les marnes irisées de Liernolle, et finit par s'effacer dans les terrains tertiaires moyens.
Vers l'O., les Monts - d'Auvergne viennent s'épanouir et se ramifier par de nombreux contre-forts, où le granit et le porphyre apparaissent çà et là.
Le point culminant du département est le Puy-de-Montoncel, dont l'altitude mesure près de 1300 mètres.
Aux pieds de ces collines et de ces coteaux s'étendent d'une part des plaines bièn culti- vées, sillonnées par un grand nombre de cours d'eau, et de l'autre, des terres vagues, des brandes, où poussent à profusion les joncs et les bruyères. *
Hydrographie.—Le département de l'Allier appartient tout entier au bassin de la Loire, dont les deux affluents les plus importants sont l'Allier et le Cher.
La Loire forme la frontière orientale du département, depuis Avrilly, au S., jusqu'au delà de Gannay, au N.; dans cette partie de son cours, qui est environ de 64 kilomètres, ce fleuve a peu d'importance en raison des basfonds qui en rendent la navigation dangereuse ; aussi l'on n'y trouve aucune localité remarquable; un canal latéral a même été construit pour remplacer la voie fluviale. Pendant ce parcours, les principaux affluents que la Loire reçoit, dans le département de l'Allier, sont: la Vouzancc, qui sort des Monts-de-la-Madeleine, baigne Neuilly-en-Donjon et coule près de Saint-Léger-des-Bruyères, la Lodde qui passe au Donjon et se bifurque au moment de se jeter dans la Loire, la Bèbre qui baigne Clémentde-Montagne, La Palisse, Jaligny et Dompierre ; cette rivière, torrentueuse jusqu'à la Palisse
est traversée par le canal latéral près de son embouchure.
L'Allier ne pénètre dans le département qu'après avoir traversé la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme ; il arrose Vichy et Moulins ; sa direction générale est du S. au N. ; dans la dernière partie de son cours, il incline à l'O.
et sert alors de limite au département qu'il sépare de celui de la Nièvre. Il est navigable dans toute l'étendue de ce parcours, qui compte 110 kilomètres. L'Allier, de nature torrentueuse jusqu'à Moulins, est sujet à des crues et à des débordements désastreux ; il reçoit, à droite : le Sichon, qui naît au pied d'une montagne de 936 mètres, sur la limite méridionalé du département, parcourt une vallée étroite, sauvage et pittoresque, où se trouvent Ferrières, Arronnes et Cusset, et qui, après avoir reçu le Jolan, se termine près de Vichy; le Mourgon, qui baigne Saint-Germain-des- Fossés; le Valençon, qui passe à Varennes.
L'Allier reçoit à gauche, l'Andelot, qui arrose Gannat, Escurolles, et se jette vis-à-vis de Varennes; la Sioule, rivière très-encaissée, qui n'entre dans le département qu'après un cours torrentueux de 110 kilomètres, baigne Ébreuil, Saint-Pourçain, reçoit la Bouble, affluent important qui vient du Puy-du-Dôme, et absorbe un grand nombre de ruisseaux ou de torrents.
Le Cher arrose la partie occidentale du département et lui sert d'abord de limite au S.; puis il tourne au N., passe à Montluçon et se dirige vers le département du Cher ; ses bords, peu élevés depuis Montluçon, le laissent facilement déborder ; il n'est point navigable, d'ail- leurs, et ne se grossit à droite que d'un affluent important, l'Aumance, accru lui-même de la rivière de l'Œil, et qui baigne Hérisson.
Climat. — Le département de l'Allier appartient à la zone tempérée ; cependant le climat est généralement froid. Les vents du S.-E. y sont redoutés plus encore que ceux du N., car ils apportent un souffle glacial des Monts-d'Auvergne et des Mont-du-Forez. L'hiver y est long et rigoureux, et si quelquefois l'été offre de grandes chaleurs, de brusques variations en rendent le passage dangereux pour la santé.
Les orages sont fréquents. Quelques cantons ont à souffrir des miasmes qui se dégagent des étangs ou des marécages.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Allier est de 730 836 hectares. Sa population est de 376 164 habitants, ce qui donne 48 habitants environ par kilomètre carré. C'est un donc des départements les
moins peuplés de la France. Il y a cependant eu un accroissement de 107 500 habitants depuis le commencement du siècle.
Le caractère de cette population. est trèseffacé. « Les habitants de l'Allier, dit un écrivain du Bourbonnais, sont légers, spirituels, enclins à la plaisanterie, humains, hospitaliers, poussant à l'excès leur empressement envers les étrangers, généreux par caractère, jamais par calcul. Il y a dans leur entretien plus de raison et de gaieté que de culture d'esprit. Les femmes sont jolies et ont une amabilité remar- quable. Les habitants des campagnes passent pour être tracassiers et pour aimer les procès ; ils sont très-attachés au lieu qui les a vus naître ; jusqu'à présent, il a été presque impossible de vaincre leur obstination dans certaines pratiques routinières. En général, ils sont doux, honnêtes, économes, hospitaliers, et malgré leur tranquillité apparente, gais, vifs, adonnés aux plaisirs. »
Agriculture. — Ce département est un des moins avancés au point de vue agricole, à cause de l'apathie et de l'indolence des habitants que n'ont pu stimuler les facilités des communications, cinq chemins de fer, les 30000 visiteurs qu'attirent les eaux thermales; et cependant, grâce à l'exemple donné par quelques grands propriétaires, de notables progrès ont été accomplis depuis plusieurs années.
Sur une superficie de 730 837 hectares, le département de l'Allier comprend 481 300 hectares de terre labourable; 143 789 hectares de bois, forêts, étangs, chemins, etc.; 68438 hectares de prairies naturelles; 19 125 hectares de pâturages, landes, bruyères, pâtis ; 17029 hectares de vignes, etc.
L'arrondissement de Moulins, qui s'étend sur presque toute la partie septentrionale du département, renferme à la fois et les plaines les plus étendues et les bois les plus considérables.
Les forêts de Bagnollet, de Moladier, de Civrais de Gros-Bois, de Perroque, de Hume, de Leyde, fournissent en grande partie au commerce de bois de charpente et de la marine. Le sol léger et de nature sablonneuse y est particulièrement favorable à la culture du mûrier et à la production des légumes. Dans l'O., où le sol est plus varié et sillonné d'un grand nombre de rivières, les vastes plaines offrent tous les genres de cultures ; on y récolte des pommes de terre, des betteraves, du chanvre, du colza, etc. C'est dans la vallée du Cher qu'apparaissent les. plus beaux pâturages du département, dont la valeur totale atteint sept millions de francs.
Les produits agricoles consistent principalement en nombreux troupeaux de moutons qui couvrent les brandes , en bêtes à cornes, dont le nombre dépasse 190 000 têtes et la valeur 20 millions de francs; 75 000 porcs, 25 000 chèvres, élevés presque sans dépense, caractérisent tout à la fois l'aspect du pays et les dispositions de la population à la vie pastorale.
Les forêts sont largement exploitées et leur produit atteint plus d'un million et demi de francs.
Au total, la valeur annuelle de la production agricole est arrivée à 38 millions, de francs.
Mines. — Carrières. — Le département de l'Allier est un des plus riches de la France en mines et en carrières. C'est là que se fabrique la plus grande quantité de fonte au charbon de terre. La houille abonde dans le bassin de Commentry ; le fer se trouve à Bourbonl'Archambault, à Ébreuil, le manganèse dans la commune de Saligny, et le sulfure d'antimoine à Brenay. Le granit, le porphyre, le grès, la pierre à chaux, le marbre, se rencontrent presque partout.
La richesse principale du département consiste dans ses eaux thermales de Vichy, de Cusset, de Bourbon, de Néris, qui sont connues du monde entier.
Industrie.— Commerce. — Une partie du département et principalement l'arrondissement de Montluçon occupe le premier rang par son industrie. Il faut d'abord compter l'exploitation de la houille qui entretient quatorze établissements, parmi lesquels Commentry occupe 12 000 ouvriers, puis des forges et hauts-fourneaux au nombre de 50, enfin la fabrication de glaces et les verreries de Montluçon. Moulins était autrefois renommé dans toute l'Europe pour sa coutellerie, mais cette industrie a perdu une partie de son importance.
Le commerce consiste en produits agricoles, principalement, en moutons, en produits minéraux, surtout en houille et eaùx thermales, enfin en produits manufacturés.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Ce département compte neuf routes impériales, dont le parcours comprend 498 kilomètres.
Moulins est le point central, où les quatre plus importantes se croisent, entre autres celle qui, venant du département de la Nièvre, court du N.
au S., passe à Moulins, à Varennes, à la Palisse, et pénètre dans le département de la Loire.
L'Allier est également desservi par 8 routes départementales et 6507 chemins, vicinaux dont le développement est de 13637 kilomètres.
Ce département compte deux canaux : celui
de Roanne à Digoin, qui a une étendue de 17 993 mètres et rejoint le canal latéral à la Loire; le canal latéral à la Loire, qui reçoit le canal du Centre, et fait suite au précédente longe comme lui la rive gauche de la Loire qu'il supplée, franchit la Vouzance, la Lodde, le Roudon, la Bèbre, et quitte le département à la hauteur de Gannay.
Le département de l'Allier est desservi : 1° par la seconde ligne principale du réseau, de Paris à Lyon (ligne du Bourbonnais), qui le traverse du N. au S., avec stations à Villeneuve, Moulins, Bessay, Hauterive, Varennes, Créchy, Saint-Germain-des-Fossés, Saint-Gérand-le-Puy, la Palisse et Arfeuilles. De cette ligne se détachent deux embranchements : 1° celui de Saint-Germain-des-Fossés à Clermont, avec stations à Saint-Remy, Monteignetet Gan- nat; 2° celui de Saint-Germain-des-Fossès à Vichy.
2° Par quatre embranchements d'une ligne principale du réseau d'Orlëans, de Paris à Agen: 1° celui de Bourges à Montluçon, avec stations à Urcay, Vallon, Maquette, les Trillers; 2° celui de Montluçon à Moulins, avec stations à
Commentry, Doyet - la - Presle, Villefranche, Chavenon, Tronget, Noyant, Souvigny; 3° ce- lui de Doyet-la-Presle à Bézénet; 4° celui de Montluçon à Sulpice-Laurière, avec stations à Domerat, Huriel, Treignat, Lavaud et Chanon.
Ces diverses voies ferrées présentent un développement de 278 kilomètres.
Un embranchement sera construit de Moulins à Monceau-les-Mines, qui soudera ainsi la ligne du Bourbonnais à celle de Paris à Lyon.
Histoire. — Le territoire qui formait la province du Bourbonnais fut occupé autrefois par les Boiens, peuplades d'origine germanique, qui vinrent au secours des Helvétiens pendant là grande invasion dans les Gaules. Les Helvétiens, vaincus par César, durent se réfugier dans leurs montagnes, mais le conquérant, ayant admiré pendant cette guerre le courage de leurs alliés les Boiens, offrit à ces peuplades de rester dans la Gaule; les Boiens acceptèrent, et fondèrent une colonie, sous le patronage des Arduens, dont ils devinrent les clients. Ce fut précisément entre la Loire et l'Allier que les nouveaux colons s'établirent, et peu de temps après, ils avaient déjà une capitale connue sous le nom de Gergovia Boiorum.
Cette ville fut assiégée par Vercingetorix et délivrée par César.
Pendant la domination romaine, le terri- toire des Boiens fut compris dans la première Aquitaine ; au ve siècle, il passa sous la domination des Visigoths et des Bourguignons.
La bataille de Vouillé, gagnée par Clovis en
507, eut pour résultat de réunir la partie occidentale de ce territoire au royaume des Francs. Quatre siècles plus tard; après le démembrement de l'empire de Charlemagne, l'ancienne colonie boienne appartenait à des seigneurs particuliers. En 912, c'était la sirerie d'Aymar, le premier sire de Bourbon que mentionne l'histoire. Il demeurait au château de Bourbon et fonda la ville de Moulins. La dynastie d'Aymar s'éteignit en 1218, dans la personne d'une fille unique qui avait apporté le Bourbonnais en dot à son mari, Guy de Dampierre. Un demi-siècle plus tard, en 1272, le Bourbonnais appartenait par mariage au sixième fils de saint Louis, et l'héritier de ce seigneur, Louis Ier, prenait le titre de duc de Bourbon. Depuis cette époque, il fut une seigneurie vassale des rois de France, jusqu'au fameux connétable de Bourbon, tué au siége de Rome, en 1527, et dont les biens furent confisqués et réunis à la couronne de France.
Le Bourbonnais, après avoir successivement fait partie du domaine de plusieurs reines de France, fut donné en apanage au grand Condé par Louis XIV. La maison de Condé en a joui jusqu'à la Révolution.
Lors de la formation des départements, le Bourbonnais fut compris presque tout entier dans le département de l'Allier, qui reçut, en outre, un petit territoire détaché de l'Auvergne, le canton d'Ébreuil.
Hommes célèbres. — Parmi les hommes célèbres du département de l'Allier, on cite : les maréchaux DE VILLARS et DE BERWICK; le maréchal DE LA PALISSE ; le philosophe DE TRACY ; l'abbé CHATEL; et, parmi les contemporains, le médecin LAUSSEDAT; le jurisconsulte DURANTON; le chanteur FAURE.
Divisions administratives. — Le département de l'Allier forme quatre arrondissements ainsi subdivisés :
Arrond. de Moulins. 9 cant. 84 comm.
— de La Palisse 6 — 75 — —, de Gannat. 5 — 67 — — de Montluçon. 8 - 91 — 28 cant. 317 comm.
Le département forme la 3e subdivision de la 19e division militaire, dont le chef-lieu est à Bourges.
Il forme un diocèse dont le siège est à Moulins, et qui est suffragant de l'archevêché de Sens. Ce diocèse compte 30 cures et 257 succursales, un grand et un petit séminaires à Moulins. Les protestants y possèdent cinq temples.
La justice est rendue par quatre tribunaux de première instance, siégeant aux chefs-lieux d'arrondissement, et par le tribunal de commercé de Cusset qui ressortissent à la Cour impériale de Riom.
Il y a un lycée, une école normale d'instituteurs et d'institutrices à Moulins, des colléges communaux à Montluçon et à Cusset, et 315 écoles publiques et libres. Les deux tiers des jeunes gens appelés au tirage ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de l'Allier :
ARRONDISSEMENT DE MOULINS.
MOULINS (19 890 hab.), préfecture et chef-lieu de département, petite ville dont l'origine remonte au Xe siècle, est placée dans une situation agréable, mais mal bâtie; elle renferme, pour tous monuments, une cathédrale de styie gothique encore inachevée, une vieille tour d'un palais ducal détruit par le feu en 1755, l'ancien couvent de la Visitation, qui sert aujourd'hui de lycée, et où l'on voit le mausolée du duc de Montmorency décapité sous Louis XIII. Cette ville, divisée en deux cantons, est située à 288 kilomètres de Paris, sur la rive droite de l'Allier que traverse un beau pont de treize arches. Sa coutellerie est renommée et l'on y fabrique des tissus, de la bonneterie, etc. Elle fait un grand commerce des produits du pays. Moulins a été souvent désolée par des désastres, pestes, incendies, et surtout par les inondations de l'Allier.
Dompierre-sur-Bèbre (2229 hab.), chef-lieu de canton, doit son importance à son port sur la Bèbre, qui facilite l'expédition des bois et charbons de cette partie du département. Près de cette petite ville, on trouve l'ancienne abbaye des Sept-Fonds de l'ordre des Cîteaux, où des religieux ont fondé et exploitent actuellement un établissement agricole.
Bourbon-l'Archambault (3466 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Burge, est une ville fort ancienne, connue déjà par les Romains pour ses eaux thermales. Elle figure dans les itinéraires sous les noms de Aquæ Bormonis ou Borvonis, et a, sans doute, donné son nom à la famille des Archambault. Cette petite ville est dominée par les ruines de l'ancien château des sires de Bourbon, qui se dressent sur une plate-forme de rochers creusés à pic de trois côtés par le courant de la Barge. Les eaux thermales de Bourbon-l'Archambault, encore très-fréquentées au XVIIe siècle, et dont parle Mme de Sévigné avec une reconnaissante admiration, sont aujourd'hui presque entièrement délais-
sées ; l'État y a cependant un hôpital pouvant contenir 250 lits. Bourbon-l'Archambault possède deux édifices, qui comptent parmi les monuments historiques de la France : d'abord une église du XIIe siècle, puis les tours et l'enceinte d'un vieux château féodal, achevé au xve siècle, par Anne de Beaujeu; là se voit la célèbre tour de Quiquengrogne, dont le nom rappelle à la postérité la mauvaise humeur des bourgeois de la ville contre leur duchesse.
Lurcy-Lévy (3684 hab.), chef-lieu de canton, est cité pour sa fabrication de briques réfraçtaires et sa manufacture de porcelaines, dont les produits s'expédient principalement sur Lyon.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Chevagnes (1009 hab.), Montet-aux-Moines (691 hab.), Neuilly-le-Réal (1553 hab.), et Souvigny (3017 hab.), sur le Quesnon, célèbre par son abbaye de Bénédictins, où les sires de Bourbon se faisaient enterrer, et qui est comprise parmi les monuments historiques.
Les principales communes de'l'arrondissement sont : Yzeure (3585 hab.); Ygrande (1862 hab.); Buxières-la-Grue (2623 hab.); Tronget (1263 hab.); Couleuvre (2157 hab.).
ARRONDISSEMENT DE LA PALISSE.
LA PALISSE (2821 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, à 54 kilomètres de Moulins, est située sur la Bèbre, au pied d'un coteau où s'élève l'ancien château des sires de la Palisse, édifice remarquable par ses façades, sa décoration intérieure, et rangé dans la catégorie des monuments historiques. L'industrie de cette petite ville a peu d'importance, mais elle fait un assez grand commerce de grains et de bestiaux.
Le Donjon (2048 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans un vallon entouré de collines ; il a des tuileries et des fabriques de draps ; on n'y trouve plus de trace du château qui a donné son nom à cette localité.
Jaligny (950 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive droite de la Bèbre. Cette commune possède un beau château du XVe siècle, qui se reliait à une muraille d'enceinte à peine marquée aujourd'hui.
Cusset (6575 hab.), chef-lieu de canton, est situé entre les vallées ondoyantes du Sichon et du Jolan, qu'enveloppent les plus riantes collines. C'est une vieille ville qui date du IXe siècle et qui était, au moyen âge, très-bien fortifiée. C'est là que Louis XI, encore dauphin, demanda merci à son père Charles VII contre lequel il s'était révolté. De ses fortifications, il ne reste qu'une grosse tour servant de prison. Son église de Saint-Saturnin, dont la
façade romane et le clocher datent du XIe siècle, est classée parmi les monuments historiques.
Cusset était autrefois une ville assez florissante, dont le voisinage de Vichy a absorbé la vie. Elle est reliée à cette importante commune par la belle allée des Dames, longue de 4 kilomètres et bordée de peupliers, et n'est fréquentée que par le trop plein des visiteurs de Vichy qui vont boire ses eaux minérales, lesquelles sont absolument de même nature. Près de Cusset, sur le torrent du Sichon est la manufacture des Grivas, célèbre par les tissus de coton qui portent ce nom.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Le Mayet (1908 hab.), Varennes (2496 hab.).
La principale commune de l'arrondissement est Vichy (5666 hab.), qui n'est pas même un chef-lieu de canton. C'est pourtant la localité la plus connue du département et aussi l'une des plus célèbres de la France. Elle doit cette renommée à ses eaux minérales, déjà visitées au temps des Romains, sous le nom d'Aquæ calidæ, comme le prouvent les nombreuses antiquités trouvées dans le sol, des figurines, des médailles, des statuettes, des bronzes, des poteries, des monnaies, des fragments de frises
et de chapiteaux. Ces sources, fréquentées sur- tout depuis le XVIIe siècle, ont, de nos jours, pris une telle importance qu'elle reçoivent annuellement 20 à 25 000 visiteurs, et fournissent à l'exportation plus de deux millions de bouteilles.
Vichy est situé dans une belle vallée, sur la rive droite de l'Allier, près du confluent du Sichon, à 60 kilomètres de Moulins, à 360 kilomètres de Paris, et est relié par un sous-embranchement au chemin de fer de Paris à Lyon par le Bourbonnais. Cette ville repose sur une nappe d'eaux minérales dont elle semble le couvercle, et d'où émergent dix à douze sources essentiellement alcalines ; ces eaux peuvent se diviser en deux groupes : elles sont bicarbonatées sodiques, ou bicarbonatées sodiques et ferrugineuses; les principales sources sont celles de la Grande-Grille, du Puits-Carré, du Puits-Chomel, de l'Hôpital, des Célestins, du Puit-Lardy, du Parc, du Puits-Larbaud, de Mesdames.
Vichy se divise en deux parties : la vieille ville, située sur une éminence, et composée
de rues étroites, tortueuses, de maisons noires et mal bâties, où l'on distingue seulement le pavillon habité, en 1676, par Mme de Sévigné; la ville neuve, formée presque entiè- rement de larges rues, de beaux boulevards, de riches hôtels, de maisons à la mode, de villas splendides ; son ancien parc, planté de belles allées de platanes, est situé entre le nouveau Casino et l'Établissement thermal; son nou-
veau parc, qui forme un jardin anglais sur le bord de l'Allier, est protégé contre les inondations de cette rivière par une belle levée de 2 kilomètres. Le nouveau Vichy, dans la saison des eaux, animé par une population riche, élégante, venue de tous les coins de l'Europe, et moins occupée de maladies que de plaisirs, ressemble aux plus beaux quartiers de Paris, aux Champs-Élysées et à leurs entours. Le centre de cette nouvelle ville est l'Établissement thermal bâti au-dessus des trois principales sources, commencé en 1787 par Mesdames, sœurs de Louis XVI, et continué en 1821 par la duchesse d'Angoulême. Il a été agrandi et doublé sous ces dernières années. C'est le plus vaste et le mieux approprié qui soit en Europe; il peut donner trois cents bains par jour. Le complément de cet établissement est le magnifique Casino, situé entre les deux parcs, et qui renferme un joli théâtre, des salles de bal, de lecture, de jeux.
La plupart des embellissements de Vichy sont dus à la sollicitude de Napoléon III, qui vient quelquefois prendre les eaux dans cette ville. Il a fait construire, pour les visiteurs, des chalets très-modestes dans le nouveau parc, sur les terrains fangeux qu'inondait autrefois l'Allier. On lui doit encore la levée qui borde cette rivière, l'église nouvelle, chefd'œuvre de simplicité et d'élégance, et les agrandissements de l'hôpital militaire, qui peut hospitaliser 150 officiers.
Les environs de Vichy sont très-pittoresques ; la belle vallée où elle est assise, entre l'Allier et le Sichon, semble un prolongement de la Limagne d'Auvergne; au S. et au S.-E., se dressent les sommets des Monts-Domes et des Monts-du-Forez ; à l'E. et au N. s'étagent en amphithéâtre de hauts coteaux richement accidentés, couverts de vignobles ou de pâturages, et plantés d'arbres fruitiers ; enfin la vallée du Sichon offre les sites les plus pittoresques, et les plus imprévus, de jolies positions, des gorges sauvages, des eaux limpides, des cascades fougueuses.
Les autres communes importantes de l'arrondissement sont : Arfeuilles (3148 hab.); Isserpent (1065 hab.) ; Ferrières (3233 hab.) ; SaintGérand-le-Puy (1717 hab.) ; etc.
ARRONDISSEMENT DE GANNAT.
GANNAT (5528 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, à 58 kilomètres de Moulins, petite ville assez laide, aux rues mal pavées et irrégulières, est située dans la vallée de l'Andelot. Son église de Sainte-Croix, dont le chœur, suivant M. Violet-le-Duc, appartient au pur style auvergnat du XIe siècle, est
classée parmi les monuments historiques. Gannat fait un grand commerce de grains et de vins.
Ébreuil (2287 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Sioule, est remarquable par son église, seste d'une abbaye de Bénédictins, comprise parmi les monuments historiques de France.
Saint-Pourçain (5001 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive gauche de la Sioule, possède une église, dont la nef date du XIe siècle; cette ville fait un commerce actif de blé, noix, chanvre et vin.
Les autres chefs-lieux de canton sont Chantelle (2073 hab.), et Escurolles (1136 hab.) Les principales communes de l'arrondissement sont : Biozat (1525 hab.); Bellenaves (2528 hab.) ; Bransat (1251 hab.) ; Vendat (1156 hab.); Saint-Bonnet-de-Rochefort (1250 hab.); etc.
ARRONDISSEMENT DE MONTLUÇON.
MONTLUÇON (18 675 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisé en deux cantons, est situé à 78 kilomètres de Moulins, près des rives du Cher et sur un mamelon qui domine la rivière. Elle se divise en deux parties : la ville haute ou ville vieille, qui a des rues tortueuses et étroites, et de nombreuses maisons de bois, datant du xve siècle; la ville basse ou ville neuve, où se trouvent les grands établissements industriels qui ont fait de Montluçon une localité importante. L'église Notre-Dame, du XIVe siècle, et l'église romanobyzantine de Saint-Pierre, sont des édifices curieux à étudier. On trouve à Montluçon des usines à fer, de très-belles fabriques de glaces, des verreries, des tanneries, et il s'y fait un commerce considérable des produits agricoles de l'arrondissement.
Commentry (9978 hab.), chef-lieu de canton, situé dans une région montagneuse et sur les bords de l'OEil, doit sa prospérité à l'exploitation des mines de houille de son territoire une usine métallurgique avec des hauts fourneaux y occupe 1200 ouvriers.
Les autres chefs-lieux dé canton sont: Cerilly (2691 hab.), Hérisson (1493 hab.), Huriel (2988 hab.), Marcillat (1810 hab.) et Montmarault (1731 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Domérat (3438 hab.) ; La Celle (1288 hab.) ; Ainay-le-Château (2203 hab.) ; Doyet (2730 hab.); Montvicq (4733 hab.); Néris (2180 hab.), situé à la tête du canal du Cher qui la divise en ville haute et en ville basse ; la première, construite sur une colline, possède une église du XIe siècle ; la seconde, bâtie dans la plaine, renferme des bains qui étaient déjà célèbres sous la domination romaine.
ALLIER
Vue de Digne. — Vue de Sisteron.
ALPES-BASSES.
Situation — Limites. — Aspect général. —
Le département des Basses-Alpes tire son nom des montagnes qui couvrent son territoire. Il est situé dans l'angle S. O. de la France, et limité au N. par le département des HautesAlpes; à l'E. par l'Italie et le département des Alpes-Maritimes ; au S. par les départements du Var et des Bouches-du-Rhône ; à l'O.
par ceux de Vaucluse et de la Drôme.
Ce département est entièrement monta-
gneux, et les montagnes croissent à mesure qu'on s'élève du S. au N. et de l'O. à l'E., des bords du Verdon ou de la Durance vers le sommet des Alpes Maritimes. La chaîne prin- cipale des Alpes de Provence, qui court du N. au S. sur la rive gauche du Verdon, sépare le département en deux parties bien distinctes : la région supérieure comprenant les arrondissements de Barcelonnette et de Castellane, et la région inférieure avec les arrondissements
de Sisteron et de Forcalquier. Entre ces hautes chaînes de montagnes et leurs ramifications s'étendent de profondes vallées, tantôt sauvages, tantôt agrestes, généralement étroites, que parcourent les eaux ravageuses de la Durance et de ses affluents ; dans les parties basses apparaissent des terres arides ou des plaines fertiles; les flancs des vallées sont couverts de pâturages, quelquefois élevés de 2500 mètres, où les troupeaux de la Provence séjournent chaque année en nombre considérable; au delà, les sommets des montagnes surgissent tantôt avec leurs rochers nus, tantôt avec des forêts de sapins et de mélèzes, que domine un chaos de pics revêtus de neiges éternelles. Entre toutes les vallées des Basses-Alpes, la plus remarquable est celle de l'Ubaye ou de Barcelonnette, fermée de toutes parts par des montagnes qui ont jusqu'à 3000 mètres de hauteur. Dans la région méridionale, les champs, d'une heureuse fertilité, sont couverts de mûriers, d'oliviers et de vignes qui contrastent avec les régions alpestres du nord.
Orographie. — La charpente orographique de ce département est formée par le versant occidental et par les contre-forts des Alpes-Ma- ritimes, depuis la montagne de Saint-Véran jusqu'au Mont-Lauzanier, et par l'extrémité des Alpes du Dauphiné.
Les Alpes - Maritimes renferment le MontLongets, haut de 3153 mètres, point culminant de toute la chaîne, situé aux sources de l'Ubaye , et le Col de l'Argentière, qui domine les sources de l'Ubayette, entre Barcelonnette et Demoute (Italie). Le premier contre-fort des Alpes se détache du Mont-Viso, court entre la Durance et l'Ubaye, ferme au N. la vallée de Barcelonnette, et sépare le département de celui des Hautes-Alpes ; on y trouve les sommités suivantes : le Saint-Véran (2040 mèt.), le Vars (2113 mèt.), le Parpaillon (2722 mèt.), le Grand-Bérard (3047 mèt.) et le Joug-de-l'Aigle dans la montagne de Pontis (2900 mèt.), en face du fort Saint-Vincent. Le deuxième contre-fort, sous le nom d'Alpes de Provence ou Basses-Alpes, se détache vers le Mont- Lauzanier, au S. du Col de l'Argentière, se recourbe bientôt directement vers le S. entre le Verdon et le Var, en séparant le département de celui des Alpes-Maritimes, et pénètre dans le département du Var sous le nom de Mont-Esterets ; sa hauteur moyenne est de 2500 mètres; on y remarque le Combière à l'E. de Colmars et le Valplane aux sources de l'Esteron. De cette chaîne se détache au Col d'Allos un rameau assez considérable qui
achève de fermer la ceinture méridionale de l'Ubaye, et dont l'extrémité, sous le nom de Montagnes-Blanches ferme la vallée de Barcelonnette. à la hauteur du fort Saint-Vincent; ce rameau jette à son tour plusieurs ramifications qui séparent entre elles les vallées de la Durance, de la Bléone, de la Sasse et du Yerdon.
La partie méridionale des Alpes du Dauphiné forme à peu près la limite entre le département des Basses-Alpes et celui de Vaucluse; on l'appelle Montagne-de-Lure ; elle envoie plusieurs ramifications sur la Durance, et a son point culminant, haut de 1825 mètres, au S. O. de Sisteron.
Les montagnes du département des BassesAlpes couvrent les cinq sixièmes environ de son territoire.
Hydrographie. — Le département des BassesAlpes, sauf une petite partie du S. E. traversée par le Var, appartient au bassin moyen de la Durance.
La Durance est la rivière la plus désordonnée de France et la plus féconde en désastre; elle descend du Mont-Genèvre dans le département des Hautes-Alpes, sert un instant de limite entre les deux départements depuis le confluent du Guil jusqu'à 10 kilomètres au-dessus de Sisteron, arrose alors cette ville,les Mées, Ma- nosque, Volonne, et quitte le département au confluent du Verdon.
La Durance reçoit dans le département des Basses-Alpes, à gauche : 1° l'Ubaye, qui descend du lac Longet près duquel se trouve le col du même nom, absorbe le torrent de la Cula et alimente le lac très-profond de Paroird, élevé de 1000 mètres; cette rivière reçoit alors le Mary, traverse la vallée de Blaichière, arrose le fort de Tournoux, forme la vallée de Barcelonnette, reçoit l'Ubayette qui descend du Col de l'Argentière, passe à la Condamine, où le Parpaillon mêle ses eaux aux siennes, baigne Jauziers, où se jette le Verdon, arrose Faucon, la petite place de Barcelonnette, absorbe le Bachelard, arrose Méolan, Revel, le Lauzet, passe devant le fort Saint-Vincent bâti sur un mamelon de la Croix-de-Colbac, montagne superbe qui avec le Joug-de-l'Aigle situé en face, ferme la vallée, et enfin elle se jette dans la Durance après un cours de 80 kilomètres ; 2° la Blanche, torrent sans importance qui passe au fort de Seyne ; 3° la Bléone, qui arrose Digne, finit aux Mées, et se grossit à droite de la Besse et à gauche de l'Edruye ; 4° le Verdon, qui descend du Col d'Allos, arrose la petite place de Colmars, laisse à droite Castellane et va finir à Cadarache, après avoir
reçu la Sence, l'Isole, le Jabron, la Volonge et le Colostre. La Durance reçoit à droite : 1° le Buech, qui descend des Monts-du-Dauphiné, traverse les Hautes-Alpes et finit près de Sisteron, après un cours de 15 kilomètres dans les Basses-Alpes ; 2° le Caldron, qui descend des Monts-de- Lure et entre presque aussitôt dans le département de Vaucluse.
Le Var descend du Mont-Pelouze, entre dans les Basses-Alpes à quelques kilomètres audessus d'Entrevaux, baigne cette forteresse, et passe ensuite dans le département des AlpesMaritimes.
Parmi les nombreux lacs que renferme ce département, nous citerons : le lac d'Allos, aux sources du Verdon, qui se trouve situé à 2229 mètres de hauteur, et dont la superficie est de 250 hectares ; puis le lac de Lauzet, près du village du même nom, qui a 500 mètres de circonférence.
Climat. — Par sa position méridionale et montagneuse, le département des Basses-Alpes réunit en quelque sorte tous les climats. Il présente en même temps au levant la végétation du printemps, au midi les fruits de l'automne et au nord les glaces de l'hiver. On récolte déjà à Manosque lorsqu'on sème encore à la Sestrière. Dans la vallée de Barcelonnette, on ne connaît que deux saisons, l'hiver qui s'annonce en novembre par la chute des neiges, et l'été qui commence à la mi-mai, époque de la fonte des neiges. Les limites extrêmes de la température sont renfermées entre 24 degrés centigrades au-dessous de zéro et 20 degrés au-dessus. L'air est vif, pur et salubre, mais la température est très-variable.
Superficie. — Population. — Le département des Basses-Alpes a 740 895 hectares de superficie, et compte 143 000 habitants, ce qui ne donne que 21 habitants environ par kilomètre carré; c'est donc le département le moins peuplé de la France; depuis 1801, il n'a augmenté que de 9000 habitants; il est, comme moyenne, près de neuf fois au-dessous du département du Nord, qui lui est cependant inférieur en superficie. L'émigration est un fait permanent dans les Basses-Alpes; elle est due principalement à la rigueur de la température, aux dangers des avalanches et des ouragans qui détruisent en quelques instants le fruit d'un pénible labeur, enfin au déboisement qui a livré le sol aux dévastations des torrents et frappé de stérilité presque tout le pays.
La popu ation qui persiste est naturellement vigoureuse et attachée aux lieux qui l'ont vue
naître. On y compte peu de personnes sans profession, 3700 au plus, tandis que le nombre des agriculteurs est de près de 120 000 contre 2 000 industriels ou commerçants.
La vie pastorale est générale dans certaines parties, et le costume y a conservé ses particularités. Ainsi, les hommes sont encore vêtus d'une longue casaque, couverts d'un large chapeau et chaussés de souliers dont l'épaisse semelle, garnie de clous énormes, les aide dans leur marche pénible. Les femmes sont vêtues d'étoffes de laine éclatantes; leur coiffure est un bonnet garni de dentelles sur lequel elles posent le plus souvent un large chapeau de feutre ou de paille. Les habitants des villes parlent français, mais le langage général est le provençal.
Agriculture. — Le département des BassesAlpes est essentiellement pasteur et agricole ; c'est l'un des plus pauvres de la France. On estime qu'ilrenferme 160 000 hectaresde terres labourables ; 33 000 de prairies ; 14 000 de vi- gnes, 186 000 de boisements, d'étangs, de terres incultes; 296 000 de landes, bruyères et pâtis.
Le sol, naturellement ingrat, coupé de rochers et dévasté par les torrents, ne doit sa fer- tilité qu'à l'énergie industrieuse de ses habitants. Dans le N., on cultive surtout le seigle, l'orge et l'avoine; à mesure que l'on descend vers le S., les mûriers, les oliviers, les amandiers, les figuiers, les orangers et les citron- niers se mêlent aux céréales. Les arbres fruitiers, et principalement le prunier, y sont répandus sur plusieurs points.
Les vignes cultivées avec soin produisent des vins très-estimés, entre autres ceux des Mées qui passent pour les meilleurs. Les forêts renferment de nombreuses essences parmi les- quelles dominent le chêne blanc et vert, le hêtre, le sapin, le pin et le mélèze. Mais la principale ressource de la contrée consiste dans les pâturages naturels des montagnes, dont les herbes odoriférantes donnent au mouton une qualité supérieure en chair qui est fort recherchée. Indépendamment de 400 000 bêtes ovines appartenant au département et qui trouvent leur nourriture toute l'année dans le libre parcours de ses montagnes, on en voit encore arriver une égale quantité des départements du Var et des Bouches-du-Rhône, qui, sous le nom de transhumants, viennent, chaque été, paître l'herbe de ses riches prairies.
Ces moutons, divisés par troupeaux de 2000 têtes, se nourrissent en marchant, font environ 12 à 14 kilomètres par jour, et ne quittent le pays qu'aux premières atteintes de b
saison d'hiver. Parmi les plus considérables des montagnes pastorales, on distingue celle de Loux près d'Allos, celle de Monier à Colmars, et les montagnes de l'Arche et du Lauzanier dans la vallée de Barcelonnette.
Outre les animaux de race ovine, on élève dans les Basses-Alpes environ 13 000 bêtes bovines, 45 000 porcs qui trouvent une nour- riture succulente dans les forêts, 24 000 chèvres, 3500 chevaux, 14 000 mulets et 7000 ânes.
Les ruches d'abeilles sont très-nombreuses dans le département, et donnent un assez beau revenu.
Les cultivateurs des Basses-Alpes ont conservé presque partout leurs habitudes routinières, et c'est dans le but de leur ouvrir la voie des améliorations par l'exemple, que l'administration a créé une ferme-école à Paillerols, canton de Mées, près de la Durance. Cependant la valeur totale de la production agricole ne dépasse pas annuellement 26 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Parmi les richesses minérales du département, qui sont assez importantes, il faut citer le plomb, le baryte, le bismuth, l'alun répandus abondamment dans le sol; le soufre, la houille, le jaspe, le cristal de roche ne manquent pas à ces terrains formés de couches secondaires, tertiaires ou diluviennes. On parle vaguement de filons d'argent anciennement travaillés, et de mines d'or dans la vallée de Barcelonnette ; mais jusqu'ici l'alun et le plomb sont seuls en cours d'exploitation productive avec les houilles de Forcalquier. On tire aussi d'assez beaux marbres du lit des torrents, des ardoises et du gypse.
Les sources minérales sont assez nombreuses dans les Basses-Alpes; cependant on n'exploite que celles de Digne et de Gréoulx qui sont assez fréquentées; on trouve également des sources d'eau salée, notamment dans le vallon du Bouquet, ce qui fait supposer la présence d'un banc de sel gemme dans le département.
Industrie. — Commerce. — L'industrie longtemps limitée au filage de la laine et à la fabrication des produits les plus nécessaires aux besoins des habitants, a pris depuis quelques années une véritable importance. La fabrication des draps s'est développée à Digne, à Castellane, etc., et compte près de trente établissements. La filature de la soie, dont la production dépasse annuellement plus de 4000 kilogrammes, a aussi pénétré dans le département; elle a poussé à la culture du mûrier, et Sainte-Tulle, dans l'arrondissement de Forcal-
quier, possède actuellement une magnaneriemodèle et un cours gratuit de sériciculture. Les autres produits de l'industrie consistent en peausseries, coutelleries communes, faïenceries, tanneries, poteries, papeteries, huileries et distilleries. On exporte seulement des draps, des toiles, des vins, des bestiaux, des plantes aromatiques, du miel, de la cire et des fruits secs, parmi lesquels des pruneaux dits de Brignolles sont très-estimés. Le nombre des mines de houilles exploitées dans le département est de 28 ; elles s'étendent sur une superficie de 75 kilomètres carrés, et produisent environ 40 000 quintaux métriques par année.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. —
Les routes impériales sont au nombre de 4, et s'étendent dans le département sur une longueur de 124 kilomètres. La plus importante vient de Gap, dans les Hautes-Alpes, passe à Sisteron et à Volonne, se bifurque à Malijay sur la Bléone et se dirige, d'un côté, par les Mées sur Forcalquier, et de là dans le département de Vaucluse; de l'autre, elle remonte la Bléone jusqu'à Digne, descend ensuite vers le sud par Barrème, Senez, Castellane, et entre dans le département du Var. Le Col de l'Ar- gentière met ce département en communication avec l'Italie; celui d'Entrevaux le relie au département des Alpes-Maritimes. On compte, en outre, 22 routes départementales et 1116 chemins vicinaux, d'un développement de 4681 kilomètres.
Le département ne renferme aucun canal navigable; on n'y trouve que le canal d'irrigation de la Brillonne dans l'arrondissement de Forcalquier.
Quant aux chemins de fer, ils n'existent encore qu'à l'état de projet ; une ligne partant de Grenoble descendra le long de la Durance par Sisteron, les Mées, Pertuis, Cavaillon, et se rattachera par Avignon à la ligne principale du réseau de Lyon.
Histoire. — Les Albici, les Reii, les Rodiontici, les Esubiani, les Salinienses d'origine celtique et mêlés à des Ligures, paraissent avoir été les premiers habitants du pays. Ils formaient une confédération qui lutta énergiquement contre la domination romaine, et dont le territoire fut compris après la conquête dans la Province-Romaine (Provincia ulterior).
Pendant la grande invasion des barbares, ce territoire fut ravagé successivement par les Ostrogoths, les Lombards, les Hérules, les Vandales et les Francs; réuni un instant au royaume d'Italie sous Théodoric, il fut de nouveau envahi au VIIIe siècle par les Sarrasins qui brûlèrent
Digne, Sisteron et Manosque. Après le démembrement de l'empire de Charlemagne, le pays fit successivement partie de la Lotharingie, du royaume d'Arles et du comté de Pro- vence sous des princes qui relevaient nominalement de l'empire d'Allemagne. Dans le courant du XIIIe siècle, il passa par héritage à Charles d'Anjou, frère du roi Louis IX, qui détruisit les privilèges et les libertés municipales dont jouissaient les grandes villes et soumit tout le pays à un joug tyrannique.
Les habitants respirèrent sous la deuxième maison d'Anjou et parvinrent même à reconquérir presque toutes leurs libertés ; mais après la mort du dernier comte René, ses États furent réunis à la couronne en 1486, et depuis lors le pays n'a pas cessé d'appartenir à la France.
Au milieu de toutes ces vicissitudes, les ducs de Savoie s'étaient rendus maît es de la vallée de Barcelonnette; quand les populations de la Durance lurent devenues françaises, elles eurent à souffrir cruellement des dévastations de leur voisin ; pour y mettre un terme, François Ier s'empara du territoire de Barcelonnette et le réunit au Dauphiné; mais les ducs de Savoie le retrouvèrent au traité de Cateau-Cambrésis.
Les guerres de religion amenèrent de grands troubles dans le pays, et pendant près de quinze ans, il sembla entièrement détaché de la France; rentré sous l'autorité royale, il s'agita encore pendant la Fronde, mais ce fut un dernier effort. La guerre de la succession d'Espagne attira de nouveaux désastres sur la vallée de la Durance, sans cesse exposée aux invasions des ducs de Savoie ou de leurs alliés, par la vallée de l'Ubaye. Pour fermer définitivement à l'étranger cette porte de la France, Louis XIV négocia sa cession avec le duc de Savoie, et l'obtint définitivement en 1713, au traité d'Utrecht.
A l'époque de la formation de la France par départements, celui des Basses-Alpes fut composé de la réunion des diocèses de Senez, de Glandevez, de Digne, de Riez et de Sisteron. Le premier forma l'arrondissement de Barcelonnette et les cantons de Colmars, SaintAndré, Castellane et Senez ; le second forma la partie de l'arrondissement de Castellane appartenant au bassin du Var ; le troisième forma le canton de Seyne, de la Javie, de Digne, de Barrême, et une partie de l'arrondissement de Sisteron ; le diocèse de Riez forma les cantons des Mées, de Mézel, de Moustiers, de Riez et de Valensole; celui de Sisteron comprit la partie occidentale de l'arrondissement du même nom et l'arrondissement de Forcalquier.
Hommes célèbres. — Les hommes célèbres du département des Basses-Alpes, sont : JEAN DE MATHA, fondateur de l'ordre de la Rédemption des Captifs; les frères BLACAS, qui enlevèrent Corfou aux Grecs dans le XIIe siècle; GUILLAUME DE PORCELET, troubadour et compagnon d'armes de Richard Cœur de Lion; PIERRE GASSENDI, le mathématicien; DE RÉAL, l'économiste; ALPHONSE RABBE, publiciste; CHAUDON, auteur du Dictionnaire historique; DELEUZE, bibliothécaire du musée d'histoire naturelle; ITARD, membre de l'Académie de médecine; BAYLE, médecin distingué; les généraux BRUNET, BREISSAND, DESMICHELS, GASSENDI, HERBEZ, LATOUR et MASSOL; les amiraux RICHERY, VILLENEUVE, le vaincu de Trafalgar, et le grand citoyen MANUEL.
Divisions administratives. — Le département des Basses-Alpes forme cinq arrondisse- ments subdivisés ainsi :
Arrond, de Digne. 9 cant. 84 comm.
— Barcelonnette. 4 — 20 — — Castellane. 6 — 48 — — Sisteron 5 — 49 — — Forcalquier.. 6 — 50 — 30 cant. 251 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de-la 9e division militaire, dont le quartier-général est à Marseille. On y compte 6 forteresses Tournoux, Barcelonnette et Saint-Vincent, qui défendent la vallée de l'Ubaye; Sisteron, Seyne et Colmars, qui ferment les débouchés de cette vallée sur la basse Provence.
Le département des Basses-Alpes forme le diocèse de l'évêché de Digne suffragant de l'archevêché d'Aix, comprend 35 cures, 312 succursales, et possède à Digne un grand et un petit séminaire.
La justice est rendue par 5 tribunaux de première instance et un tribunal de commerce à Manosque, ressortissant à la Cour impériale d'Aix.
L'instruction publique est dirigée par un inspecteur de l'Académie d'Aix qui réside à Digne; il y a 4 collèges communaux à Digne, à Barcelonnette, à Manosque et à Sisteron, et une école normale primaire à Barcelonnette.
L'instruction est généralement répandue, et plus des trois quarts des jeunes gens inscrits pour le contingent savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département des BassesAlpes : ARRONDISSEMENT DE DIGNE.
DIGNE (7002 hab.), préfecture et chef-lieu du département, à 750 kilomètres de Paris, est
située près de la rive gauche de la Bléone, sur le flanc d'un mamelon dominé de tous côtés par des crêtes élevées. La partie ancienne est généralement mal bâtie; les rues y sont étroites, tortueuses et malpropres. Le seul monument de la ville est la cathédrale qui n'offre rien de remarquable et présente une confusion choquante de tous les styles, car on vient de la restaurer; son clocher est surmonté d'un dôme en fer. Parmi les constructions modernes, on peut citer une belle fontaine sur la place du marché, la préfecture, le palais de justice et le boulevard Gassendi, jolie promenade au pied de la haute ville. Digne est renommée pour son grand commerce de pruneaux et de pistaches et pour certaines eaux thermales sulfureuses, très-efficaces contre les blessures.
Digne, autrefois Dinia, était la capitale des Bodiontici. Cette ville, d'origine gauloise, fut détruite par les invasions des barbares et rebâtie par ses habitants sur la hauteur où elle est aujourd'hui. La cité nouvelle s'accrut rapidement et forma deux parties distinctes : la ville haute, qui est la cité moderne, et le bourg ou ville basse, aux pieds de la première.
Digne fut saccagée pendant les guerres de religion et décimée en 1629 par une peste qui réduisit sa population de 10000 à 1500 habitants.
Barrême (1102 hab.), chef-lieu de canton, est située au confluent de l'Asse et d'un torrent.
On y fabrique des toiles et des étoffes de laine dites Cadis, et il s'y fait un commerce considérable de prunes. Auprès de cette ville, le hameau de Géyaudan possède une fontaine salée et des dépôts de soufre.
Les Mées (2116 hab.), chef-lieu de canton au confluent de la Biéone et de la Durance, fait un grand commerce de tous les produits du pays, et principalement des vins de son territoire. Aux environs se trouve la ferme-école de Paillerols.
Moustiers (1193 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur un affluent du Verdon et au pied d'une chaîne élevée de rochers ; un vallon sépare cette petite ville en deux parties que relient plusieurs ponts. Moustiers, jadis célèbre par la fabrication de faïences à dessins, exploite encore cette industrie, mais sans grand succès; cependant ses environs lui fournissent de l'argile excellente pour cette fabrication.
Riez (2575 hab.), chef-lieu de canton, est bâtie sur le penchant d'une montagne dont le pied est baigné par un petit torrent. Elle fabrique des prîtes et a des tanneries et des corderies importantes; le vin de son territoire a un renom local.
Seyne (2511 hab.), chef-lieu de canton, est située sur le penchant d'une montagne arrondie, entourée d'une enceinte fortifiée et que domine une petite citadelle. Cette ville, autrefois capitale des Édenates, servit de place de refuge aux protestants pendant les persécutions du XVIe siècle. Elle était autrefois fortifiée, et les ruines de ses fortifications sont encore apparentes; sa tour de l'Horloge est classée parmi les monuments historiques. On fait aujourd'hui à Seyne une fabrication importante de toiles et un commerce assez étendu de bestiaux, de mulets et de plantes vulnéraires de ses environs.
Les autres chefs-lieux de canton sont : la Javie (455 hab.), Mézel (806 hab.), et Valensole (3021 hab.) Les principales communes de l'arrondissement sont Oraison (2055 hab.); Puimoisson (1164 hab.); Gréoulx (1400 hab.), où existent des sources thermales presque analogues à celles de Barréges.
ARRONDISSEMENT DE BARCELONNETTE.
BARCELONNETTE (2000 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est située à 84 kilomètres de Digne, sur la rive droite de l'Ubaye, dans une vallée que dominent de hautes montagnes, et passe pour la plus jolie ville des Alpes françaises; elle ne possède réellement qu'une seule rue qui conduit de la rivière à une place carrée, où l'on a érigé à la mémoire du député Manuel, mort en 1827, une fontaine monumentale décorée de son buste. Cette petite ville a des fabriques de drap, d'étoffes de laine, et fait un grand commerce de bétail.
La vallée de Barcelonnette est défendue par le fort Tournoux, situé sur un promontoire rocheux qui domine le confluent de l'Ubaye et de l'Ubayette.
Allos (1205 hab.), chef-lieu de canton, est entouré de vieilles fortifications en ruine, que les archéologues attribuent aux Romains. L'église de la Foux est comptée parmi les monuments historiques, et l'église de Notre-Dame-deVal-Vert paraît remonter au XIe siècle. A peu de distance de cette petite ville, et sur une mon- tagne élevée, se trouve le lac qui porte son nom.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Le Lauzet (904 hab ), et Saint-Paul (1482 hab.), où l'on admire plusieurs belles églises de diverses époques.
Les principales communes de l'arrondisse- ment sont : Jausiers (1717 hab.); Bréole (989 hab.); Méolans (980 hab.), qui, par suite de sa position au pied du mont Siolane, est privé de la vue du soleil pendant plusieurs mois de l'année.
ARRONDISSEMENT DE CASTELLANE.
CASTELLANE ( 1842 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 50 kilomètres de Digne, entre des coteaux couverts de vignes, de figuiers et de vergers, sur la rive droite du Verdon, avec un beau pont d'une seule arche jeté hardiment sur le torrent. Une enceinte en ruine rappelle qu'elle fut fortifiée. C'est une ville bien bâtie, qui a des rues larges et propres, et une belle place publique plantée de platanes; elle possède des ossuaires et des cippes d'origine évidemment romaine.
Il s'y fait une grande fabrication de chapeaux, de lainages, de poteries, etc., et un commerce assez étendu de pruneaux et de fruits. Aux environs , on exploite des bancs de gypse trèsimportant?.
Entrevaux (1461 hab.) , chef-lieu de canton et ville forte, est située comme son nom l'indique au fond d'une espèce de gouffre dominé de toutes parts par de hautes montagnes. Au N. se trouve un fort aujourd'hui déclassé et qui servait jadis à fermer l'un des passages du Piémont en Provence.
Colmars (1002 hab.), chef-lieu de canton, est une ancienne petite ville défendue par plusieurs forts, au milieu de montagnes, près de la rive droite du Verdon. Cette place, aujourd'hui déclassée, couvrait les passages de la vallée de Barcelonnette dans la haute Provence.
Les autres chefs-lieux de canton sont : SaintAndré (892 hab.), Annot (1137 hab.) , et Senez (750 hab.), avec un monument historique, son ancienne cathédrale.
Principales communes de l'arrondissement : Moriez (571 hab.); Thorame-Haute (667 hab.); Méailles (607 hab.) : etc.
ARRONDISSEMENT DE SISTERON.
SISTERON (4210 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, à 40 kilomètres de Digne, est située dans un défilé creusé par la Durance et à une hauteur de 516 mètres. La ville se compose presque entièrement d'une seule rue, et présente le même aspect que les autres localités du département. Sisteron n'a de remarquable que sa citadelle et la masse imposante des débris de ses anciennes fortifications. Cependant l'église de Notre-Dame, et une grosse tour bâtie par les comtes de Provence, sont classées parmi les monuments historiques.
Au VIe siècle, la ville était le siège d'un évêque, et elle fut plusieurs fois pillée parles Vandales et les Huns. Son commerce principal consiste en vins, en bestiaux et en grains; elle possède une filature de cocons et une papeterie assez importante.
Volonne (1038 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive gauche de la Durance, au bas d'une colline très-abrupte, fait un grand commerce de bois de construction, de blé, de vins, d'huile et de fruits.
Les autres chefs-lieux de canton sont : La Motte (690 hab.), Noyers (995 hab.), et Turriers (589 hab.), où se trouve une source minérale.
Les principales communes de l'arrondissementsont: Vaternes(662hab.);Bayons (678 hab.); Salignac (619 hab.); etc.
ARRONDISSEMENT DE FORCALQUIER.
FORCALQUIER (2841 hab.), sous-préfecture et chef lieu d'arrondissement, à 54 kilomètres de Digne, est bâtie en amphithéâtre sur le versant d'une colline que dominent les ruines d'un ancien château fort et qu'entourent de jolis boulevards plantés d'arbres. Son église l'une des plus belles du département, appartient au style roman et au style ogival, et compte parmi les monuments historiques. Forcalquier fut, au moyen âge, le chef-lieu d'un comté très-puissant; prise et reprise pendant les guerres qui dévastèrent longtemps la contrée, elle eut aussi à souffrir de la peste qui, au XVIIe siècle, lui enleva plus de 2000 habitants. Cette petite ville fait le commerce de vins, eaux-devie, chapeaux, laines, poteries, amandes, miel et cire jaune, graines de trèfle et de luzerne; on y trouve plusieurs filatures de soie.
Manosque (5919 hab.), chef-lieu de canton, est la ville la plus importante du département, et le siège d'un tribunal de commerce.
Située au pied d'une montagne qui domine la rive droite de la Durance, elle est environnée de bois d'oliviers et possède des tanneries, des filatures de cocons et des mégisseries. Elle fait un grand commerce des produits de son sol et de son industrie; aux environs, on exploite des bancs de gypse très-importants. Manosque appartenait autrefois aux chevaliers de SaintJean-de-Jérusalem, qui y conservaient le tombeau de leur fondateur; elle possède d'assez belles ruines d'édifices historiques. Une partie de la ville fut détruite, en 1708, par un tremblement de terre.
Banon (1172 hab.), chef-lieu de canton, a d'importantes fabriques de tissage de laine, et produit des fromages très-estimés.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Saint-Etienne ( 1039 hab.), Peyruis, (773 hab.), et Reillanne (1435 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Mane (1528 hab.); Simiane (1327 hab.); Sainte-Tulle (887 hab.); Cereste (1272 hab.), dont les deux ponts romains sont classés parmi les monuments historiques.
ALPES-BASSES
Vue générale de Briançon. — La Bessée, route d'Embrun à Briancon-
ALPES-HAUTES.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Ce département doit son nom à des montagnes qui forment la partie la plus élevée des Alpes françaises. Il est borné : au N. par les départements de l'Isère et de la Savoie ; à l'E.
par le royaume d'Italie; au S. par les BassesAlpes, et à l'O. par le département de la Drôme.
Le département des Hautes-Alpes est entièrement couvert de montagnes qui s'élèvent par degrés du S. au N. et de l'O. à l'E.. jus-
qu'à la grande chaîne des Alpes. Son aspect pittoresque présente les contrastes les plus étranges : « Des vallées que les torrents principaux ont formées, qu'ils arrosent et qu'ils ravagent; les gorges et les vallons qu'on y voit aboutir en tout sens, en toute direction, et qu'ont creusés des torrents secondaires, qui vont grossir les premiers ; les montagnes d'où toutes ces eaux vagabondes s'échappent avec fracas, et qui, s'élevant graduellement en am-
phithéâtre, grandissent, pour ainsi dire, depuis l'ancienne Provence jusqu'au Mont-Genè- vre; sur leurs pentes, ici des champs ou des vignobles ; là, et surtout au N., quelques forêts et des groupes de bois ; trop souvent, au midi, des terrains arides et des crevasses ravinées; sur les plateaux, de vastes plaines émaillées d'une quantité prodigieuse de fleurs; la chaîne des hautes montagnes couronnée par des glaciers où se sont entassées à des profondeurs immenses les neiges presque éter- nelles que dominent des pics, des rocs nus et décharnés, s'élançant comme pour atteindre les cieux; tous les aspects, toutes les expositions, toutes les températures ; tout ce qu'il y a de plus varié et de plus monotone, de plus curieux et de moins intéressant, de plus imposant et de plus simple, de plus riche et de plus pauvre, de plus riant et de plus triste, de plus beau et de plus horrible, voilà le département des Hautes-Alpes.1 » C'est dans le bassin supérieur du Buech, que se trouve la région désolée du Dévoluy qui s'étend sur la Drôme, sur l'Isère et principalement sur les Hautes-Alpes. C'est un massif montagneux, complètement dénudé et brisé par la succession brusque des pluies, des froids et des chaleurs. Des sommets entiers se sont écroulés; d'autres se sont arrêtés au milieu même de leur destruction et restent suspendus comme une menace pour l'homme qui s'aventure dans leur voisinage. La terre végétale, les sources ont disparu, et l'eau des orages s'y précipitant sans frein, entraîne dans sa course tout ce qui tenterait de s'y fixer. Aussi trois mille habitants ont-ils peine à v-ivre sur une étendue de pays qui n'est pas moindre de 48 000 hectares ; le pâturage forme leur seule ressource ; la Provence leur envoie 50 000 moutons qu'ils gardent pendant la belle saison moyennant une faible redevance, mais ce temps est très-court, car, dans cette région, l'hiver dure de sept à huit mois.
Une vallée haute parcourue par le Drac est célèbre sous le nom de Champsaur; cette vallée, longue de 30 kilomètres sur 8 kilomètres de largeur, offre un peu l'aspect de la région du Dévoluy; les forêts y ont presque entièrement disparu, les ruisseaux sont devenus torrents, et le Drac y court en dévastateur. Là encore, le déboisement et le pacage désordonné dans les jeunes pousses y ont produit ces causes permanentes de désastres. Vingt communes végètent dans cette vallée à des hauteurs moyennes de mille à quinze cents mètres.
1. Baron de Ladoucette, ancien préfet du département.
C'est entre Briançon et la limite du département de l'Isère que se trouve la masse la plus considérable et la plus imposante des Alpes françaises; on y rencontre le Mont-Pelvoux, dont la hauteur atteint près de 4000 mètres, et autour duquel règne un épouvantable chaos de pics, de glaciers de neiges et de précipices; le Mont-Ollan, haut de 4212 mètres, que les plus hautes sommités de la Suisse dépassent à peine ; le pic de l'Arsine, d'une altitude de 4105 mètres, etc., qui projettent de nombreuses ramifications à l'O. dans le bassin de l'Isère.
Orographie. — Le système des montagnes du département est formé par le versant occidental des Alpes-Cottiennes, depuis le Mont-Thabor jusqu'à la montagne de Saint-Véran, et par leurs contre-forts.
Les Alpes-Cottiennes ont une hauteur d'environ 3000 mètres ; en partant du Thabor, elles présentent comme points remarquables le Moni-Genèvre, haut de 3592 mètres, sur le flanc duquel, à 1974 mètres de hauteur, passe la route de Besançon à Suze dans un col qui appartient par moitié à la France et à l'Italie et qui fut traversé par Charles VIII ; la montagne de Gondran; le col des Thures, de Queyras à Cézane; celui de Randouril, d'Abriès à Fénestrelle ; le col d'Abriès, de Mont-Dauphin à Pignerol; le Mont-Viso, haut de 3836 mètres, sur le plan méridional duquel est pratiqué le col d'Agnello, élevé de 3245 mètres, allant de Queyras à Château-Dauphin; enfin la montagne de Saint-Véran.
Cette chaîne présente tous les caractères des grandes Alpes : neiges perpétuelles, glaciers, difficultés et rareté de passages, etc. Ses contre-forts renferment les sommités les plus hautes et les plus intéressantes de la France.
Ce sont : 1° Les Alpes du Dauphiné qui se détachent du Mont Thabor en se dirigeant d'abord à l'O. avec les monts de l'Aiguille-Noire, élevés de 3200 mètres, et du Galibier; au col de ce nom, à la hauteur de 2790 mètres, elles tournent au S.
en séparant la haute Durance des vallées de la Romanche et du Drac et contiennent dans cette partie, ainsi qu'on l'a vu précédemment, les points culminants de la France, les plus vastes glaciers, les gorges les plus sauvages; là se trouvent la montagne Lautaret et le col du même nom, dont l'altitude est estimée à 2093 mètres, de Grenoble à Briançon, la montagne de l'Arsine, le Galéon-de-la-Grave, haut de 3800 mètres, le Pelvoux-de-Vallouise et ses vastes glaciers, la montagne de Bonvoisin qui s'élève à 2109 mètres et projette au N. O. un vaste massif où culmine le Mont-Ollan.
Le versant septentrional dé ces montagnes est couvert, de forêts ; leurs flancs sont dans l'été revêtu de beaux pâturages, de châlets, de laiteries, occupés seulement pendant la belle saison et où viennent paître de nombreux peaux.
Au S. de Bonvoisin, les Alpes du Dauphiné commencent à diminuer de hauteur, se continuent par le Mont-Chirac, élevé de 2097 mè- tres, d'où part, vers Mont-Dauphin le contrefort de la montagne de Rochelaure, et se recourbent à l'O. entre la moyenne Durance et le Drac supérieur. On y remarque les montagnes de Mourfret et de la Diablée, puis la crête des Bartes, le col du Noyer, haut de 1653 mètres, entre Gap et Grenoble, le Mont-Aubiou, qui atteint une hauteur de 2912 mètres, le Mont-Toussière; là, elles reprennent leur direction au S., diminuent encore de hauteur, sont traversées par la route de Gap à Pont-SaintEsprit, et enfin vont s'épanouir sur les limites du département de Vaucluse et des BassesAlpes, dans les montagnes de Lure.
2° Le contre-fort entre la Durance et le Guil, qui se détache du col des Thures, court au S.
O. avec le Mont-Souliers, au sud duquel se trouvent les deux mauvais cols d'Hizoard et des Hayes, menant dans la vallée de Queyras, et se termine au N. E. de Mont-Dauphin par la montagne de Furfaride.
3° Le contre-fort entre le Guil et l'Ubaye, qui sert de limite entre les deux départements des Hautes-Alpes et des Basses-Alpes, se détache du Mont-Viso, se prolonge par la montagne de Saint- Veran, haute de 2040 mètres; la montagne de Vars et le col du même nom, entre Mont-Dauphin et Saint-Paul; la montagne de Crachet, le Mont-Parpaillon, dont la hauteur atteint 2722 mètres, et le Joug-de-l'Ai- gle, dans la montagne de Pontis qui forme son extrémité.
Les lieux habités les plus élevés du département sont les suivants : Fort de l'Infernet, situé à 2400 mètres; le bourg de Genèvre, à 2074 mètres; Château-de-Queyras, à 1450 mètres; Briançon, à 1306 mètres; Embrun, à 930 mètres; Gap, à 760 mètres.
Hydrographie. — Le département des Hautes-Alpes appartient au bassin supérieur de la Durance et pour une faible partie à celui de l'Isère.
La Durance est formée par la réunion de trois sources : la principale ou la Durance sort du Mont-Jouan sur le col du Mont-Genèvre; les deux autres, le Clairet et la Guizane qui traverse une petite vallée très-pittoresque et arrose le Monêtier, descendent du Mont-Thabor
et du Mont-Lautaret ; toutes trois se réunissent vers Briançon ; la rivière se dirige d'abord au S. par un cours très-rapide en arrosant Mont-Dauphin, s'infléchit bientôt au S. O. en passant à Embrun, puis à partir du confluent de l'Ubaye, elle sert de limite entre-les deux départements des Hautes-Alpes et des BassesAlpes jusqu'à 10 kilomètres au N. de Sisteron; dans cette partie de son cours, la Durance n'est ni navigable ni même flottable à cause des caprices de ses eaux, de leur peu de profondeur et des rochers qui les embarrassent; depuis Briançon elle est côtoyée par des vignobles ; au moment des crues elle occasionne des dégâts tellement considérables qu'ils ont enlevé à l'agriculture du département près de 11 000 hectares. Les principaux affuents de la Durance sont : 1° le Guil qui descend du col d'Abriès, arrose le Fort- Queyras et finit à Mont-Dauphin; cette petite rivière ouvre la route du col d'Abriès que défendent le fort Queyras et Mont-Dauphin ; — 2° la Luye d descend des crêtes des Bartes, arrose Gap, et est longée en partie par la route de Gap au col du Noyer; — 3° le Buech qui descend du MontObion dans le département de la Drôme, entre dans les Hautes-Alpes au-dessous de Lus et de la Croix-Haute, se grossit de plusieurs torrents et par la jonction du petit Buech, arrose Sers, Laragne et Ribiers, puis sort du département pour aller finir dans la Durance au-dessous de Sisteron.
Dans le bassin de l'Isère, on peut citer parmi les cours d'eau : 1° la Romanche qui descend des glaciers de l'Arsine, et dont la partie supérieure seulement appartient au département; elle arrose Villard d'Arène à 1526 mètres d'altitude et sort du département à l'O. de la Grave; cette rivière traverse la région pittoresque de l'Oisans, que l'on a comparée aux parties les plus sauvages et les plus curieuses de la Suisse, et dont il sera donné une description complète dans le département de l'Isère où elle a son étendue principale; — 2° le Drac qui tombe par différentes sources du massif du Pelvoux; c'est un torrent furieux, bondissant dans un lit profond et encaissé et qui cause des ravages épouvantables par ses inondations; il arrose Orcières-le-Glaizil, entre dans l'Isère à l'O. d'Aspres-les-Gorps, et va se jeter dans l'Isère à Grenoble, après avoir reçu le Drac-deChampoléon, la Rouane, la Séveraiselte, la Sève- rette et d'autres affluents nombreux, mais peu importants.
Le département des Hautes-Alpes renferma beaucoup de lacs, mais ils ne méritent aucune mention particulière; celui de Pelleautier est plus exactement un marais à la surface duquel
se balançait autrefois un îlot flottant de tourbe, appelé la Motte tremblante. L'arrondissement de Briançon est sillonné de canaux d'irrigation, qui arrosent 7000 hectares, et sont dus en partie aux libéralités des anciens Dauphins du Viennois.
.Climat. — Le climat du département des Hautes-Alpes est également pur et serein, mais la température y est très-variable à cause des différents vents. Ainsi, l'hiver est parfois extrêmement rigoureux et la chaleur de l'été excessive dans les vallées les plus resserrées; pendant la mauvaise saison, qui dure huit mois, les habitants des hautes vallées sont privés de communications avec les autres portions du territoire. Le vent le plus redoutable est le vent d'O. qui déracine les arbres et enlève les toitures des habitations. Vers la fin de l'année, tout le pays est couvert de neige jusqu'au mois de mai où les montagnes se revêtent d'une magnifique verdure; mais les plus hautes Alpes conservent leurs cimes éternellement blanches.
Superficie. — Population. — La superficie du département des Hautes-Alpes est de 558 961 hectares et sa population de 127117 habitants, ce qui donne 22 habitants par kilomètre carré; elle ne s'est accrue que de 12 000 habitants depuis le commencement du siècle. C'est, après les Basses-Alpes, le moins peuplé des départements.
L'oisiveté forcée des longs hivers de ce pays y produit des émigrations plus considérables que dans les départements voisins. On compte en moyenne une population flottante de 6000 émigrants qui rentrent dans leurs foyers, après quelques années d'absence, avec un modeste pécule laborieusement amassé.
Les habitants des Hautes-Alpes sont énergiques, mais rebelles aux progrès. Les vieux usages ont encore toute leur puissance chez eux. Cette observation ne s'applique pas aux habitants des villes, dont les mœurs et le costume ne diffèrent en rien de ceux des autres parties de la France; mais dans un département où la vie pastorale domine, il ne faut pas s'étonner d'y voir persister l'ignorance.
Les costumes anciens sont encore de mise; les hommes portent la culotte recouverte aux genoux par les bas, le long gilet et la veste carrée et large : de grands chapeaux abritent leur chevelure longue et flottante. Les femmes ont un justaucorps et un jupon adaptés ensemble, et un mouchoir cache habituellement leur bonnet.
La misère est extrême dans certaines parties
de ce pays : ainsi, les habitants du Dévoluy, n'ont pour se nourrir qu'un pain grossier de farine de seigle non blutée ; lorsque l'année a été mauvaise, ils n'ont à leur disposition que des herbes, des racines ou des escargots. Leurs demeures sont des masures où la lumière pénètre à peine à travers un papier huilé. Cependant l'hospitalité y est pratiquée avec empressement. La population de cette triste contrée paraît être plus particulièrement d'origine sarrasine; on y parle un patois bizarre, mélangé de celte, de grec, de latin, d'italien et de français.
Agriculture. — Sur une étendue de 558 961 hectares, le département des Hautes-Alpes ne compte pas moins de 199 121 hectares de bois, forêts, étangs, chemins, terres incultes, 196 646 de pâturages, landes, bruyères et pâtis, 63999 de prairies naturelles, et seulement 92 108 hectares de terre labourable situés principalement dans le S., au delà de Gap.
Près de la moitié du territoire se compose de terres communales.
Cette statistique indique suffisamment l'in- fériorité agricole de ce département, infériorité qui résulte surtout du manque d'eau; la seule fortune des habitants consiste en pâturages où viennent chaque année les moutons de la Provence, quand l'été a desséché les plaines de son territoire.
L'arrondissement de Gap produit quelques céréales; celui de Briançon donne des pommes de terre de bonne qualité, mais les principales récoltes consistent en avoines, châtaignes, chanvre, etc.
Les bêtes à laine sont évaluées à près de 300 000 têtes; on compte 21 000 chèvres et 10 000 porcs; les chevaux sont en petit nombre par suite de leur peu d'utilité dans un pays aussi montagneux; il y en a 5000 au plus; au contraire, le chiffre des ânes et des mulets s'élève à 14 000.
Une ferme-école a été établie à Vantavon, dans l'arrondissement de Gap, et on a créé de nombreuses pépinières sur différents points du département pour faciliter le reboisement des montagnes ; malheureusement les habitants témoignent peu d'empressement à répondre à ces mesures de prévoyance.
En somme la valeur totale de la production agricole n'atteint pas 20 millions de francs par année.
Mines. — Carrières. — Le département des Hautes-Alpes paraît posséder de grandes richesses minérales, mais peu d'exploitations ont été entreprises. On trouve des gisements
de cuivre carbonaté, de fer et de plomb sulfuré à Lazer; des mines de houille, de plomb sulfuré et de cuivre à Saint-Firmin; des carrières de plâtre et d'ardoises, des gisements d'anthracite sur le territoire d'Orcières. On exploite également des marbres, des granits, des pierres lithographiques, mais surtout la craie de Briançon et la houille.
Les sources minérales sont assez nombreuses, mais peu recherchées; la plus importante est à Monêtier; viennent ensuite celles de SaintPierre, de Trescheaux et de Saint-Bonnet.
Industrie. — Commerce. — L'industrie manufacturière ne produit guère que pour les besoins de la consommation locale; elle fournit des draps communs, des étoffes diverses, des outils et des pelleteries; on trouve quelques forges et hauts fourneaux, des scieries le planches, des filatures de laine, de coton, les distilleries d'eau-de-vie, etc. Mais les bras sont peu nombreux, et l'émigration enlève à l'industrie la partie la plus active de la popu- lation. Le commerce consiste en grains, fruits secs, fromages estimés, vins, plantes tinctoriales et chair de chamois; la quantité de laine exportée dans les départements voisins est assez considérable.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département des Hautes-Alpes compte 5 routes impériales dont le parcours est de 354 kilomètres ; deux de ces routes pénètrent dans le département en venant de Grenoble; la première par la vallée de la Romanche, le col du Lautaret et Monêtier, passe à Besançon et à travers le col du Mont-Genèvre va aboutir,à Turin ; la deuxième remonte la vallée du Drac jusqu'au S. de Saint-Bonnet, se dirige sur Gap par le col du Noyer, et forme la grande route de Lyon. Les trois autres routes impériales rayonnent de Gap : la première à l'O. par Serres, va aboutir sur le Rhône à PontSaint-Esprit; c'est la route des Pyrénées; la deuxième au S. prolonge la route de Lyon, en descendant la vallée de la Durance par la Saulce et va à Sisteron dans les Basses-Alpes; c'est la grande route de Marseille et de Toulon ; la troisième à l'E. remonte la vallée de la Durance, passe à Chorges, traverse la Durance sur un pont de fil de fer, à la hauteur de Savines, revient à la rive droite, vis-à-vis des Crottes, par un mauvais pont de bois, passe à Embrun et Saint-Clément, quitte de nouveau la rive droite en traversant la Durance sur un beau pont de pierre, passe ainsi près de Mont-Dau- phin, franchit une dernière fois la rivière au Pont-Roux ou Pont-Roche, beau Dont d'une
seule arche, et arrive à Briançon. La ville de Gap se trouve ainsi à l'intersection de quatre grandes communications : route de la Méditerranée, route des Pyrénées, route de Lyon, route des Alpes, ce qui en fait un centre stratégique important dans les opérations sur la frontière.
Il y a vingt ans, certaines parties de ce département étaient inaccessibles aux voitures, et, comme dans le département des BassesAlpes, c'était à dos d'homme que s'effectuait le transport des produits. Aujourd'hui les difficultés sont vaincues et les différentes localités du territoire sont reliées par 7 routes départementales, 27 chemins de grande communication et 1173 chemins vicinaux, présen- tant un développement d'environ 3500 kilomètres.
Le département ne possède que des canaux d'irrigation. Les principaux sont ceux d'Aubessagne et de Saint-Firmin; mais plusieurs autres sont en cours d'exécution ou en projet et doivent dériver de la Severaisse, du Drac, du Néallou, etc.
Aucun chemin de fer n'existe encore dans les Hautes-Alpes; mais Gap est appelé à devenir le centre de trois embranchements importants : l'un venant de Lyon par Grenoble et la vallée du Drac; le second descendant la Durance et se dirigeant par Sisteron sur Avignon et Marseille; le troisième remontant sur Brian- çon par la vallée supérieure de la Durance.
Histoire. — Les territoires qui composent ce département étaient autrefois occupés par les Caturiges dont Caturigæ (Chorges) était la capitale; par les Brigiani qui avaient Brigon- tium (Briançon) pour ville principale; par les Tricorii dont la capitale était Vapicum (Gap).
Au moment de la conquête, toutes ces peuplades reconnaissaient l'autorité d'un certain roi Cottius, qui conserva son titre et resta le client de Rome; mais après sa mort, Auguste, considérant le pays comme une des clefs de l'Italie, en fit une petite province impériale distincte de la Narbonnaise.
Dans la suite le pays des Caturiges, alors appelé Embrunois, fut successivement conquis pur les Visigoths, par les Francs, et fit partie dû royaume de Bourgogne et d'Arles; il passa alors sous la domination des empereurs d'Alle- magne qui le rétrocédèrent bientôt aux archevêques d'Embrun; enfin la famille des Dauphins du Viennois en devint maîtresse par un mariage.
Le Briançonnais, tombé aux mains des marquis de Suze, ne fut réuni que plus tard au Dauphiné, et avec la réserve du maintien des lois et priviléges particuliers du pays qu'il
conserva jusqu'en 1789. Le pays de Gap ne cessa de faire partie de la Provence, et en subit toutes les vicissitudes. C'est de la réunion de ces trois provinces qu'on a formé le département des Hautes-Alpes.
En 1815, la population opposa une résistance énergique à l'invasion, et ne livra ses places fortes qu'après la signature de la paix.
Hommes célèbres. — Le département des Hautes-Alpes a donné naissance à quelques personnages distingués : le connétable DE LESDIGUIÈRES; le savant J. MOREL, l'ami d'Érasme; le cardinal DE TENCIN ; Mme DE TENCIN, sa sœur, auteur de romans estimés; le littérateur RoLAND, de l'Assemblée constituante; le mécanicien FINÉ; les mathématiciens COMIEN et BÉRARD; les généraux ALBERT, BOURREY, FANTIN, GUIEUX, etc.
Divisions administratives. — Les HautesAlpes forment trois arrondissements, qui se subdivisent de la manière suivante :
Arr. de Gap. 14 cant. 126 comm.
— d'Embrun. 5 — 36 — - de Briançon. 5 - 27- - — 24 cant. 189 comm.
Il forme la 2e subdivision de la 22e division militaire dont le siége est à Grenoble, et renferme quatre places fortes : Briançon, MontDauphin, Embrun, le Fort-Queyras, destinées à couvrir les passages des Alpes et l'entrée de la Durance.
Il forme un diocèse suffragant de l'archevêché d'Aix dont le siège est à Gap ; il compte 26 cures, 213 succursales, avec un grand séminaire à Gap et un petit séminaire à Embrun.
Le culte calviniste y possède 14 temples et une église consistoriale à Orpierre, La justice est rendue par trois tribunaux de première instance, qui siègent aux chefslieux d'arrondissements, et ressortissent à la Cour impériale de Grenoble.
L'instruction publique comprend trois colléges communaux à Gap, Briançon et Embrun, une école normale d'instituteurs et un cours normal d'institutrices à Gap, et 365 écoles pu- bliques et libres. Près des quatre cinquièmes des jeunes gens appelés au sort savent lire et écrire.
Description des Villes. — Voici les principales localités du département des Hautes- Alpes.
ARRONDISSEMENT DE GAP.
GAP (8165 hab.), est une préfecture et un chef-lieu du département situé à 672 kilo-
mètres de Paris. Cette petite ville est pittoresquement située sur les bords de la Luye, entre les coteaux de Puymaure et de SaintMeins. Gap est d'une origine très-ancienne, mais assez douteuse; il est possible que cette ville ait été bâtie par les Caturigenses chassés du Milanais; elle semble avoir été celtique, puis gallo-grecque ; mais ce n'est que sous Néron qu'elle subit la domination romaine et fut comprise dans la Narbonhaise; elle a eu une existence fort agitée et passa au pouvoir des Lombards, des Burgondes, des Sarrasins, des Francs, des Allemands, avant de revenir aux rois Francs avec le Dauphiné; les guerres féodales et religieuses l'éprouvèrent ensuite, et après l'édit de Nantes, il s'y réunit un synode général de protestants. La peste de 1630 et la révocation de l'édit de Nantes faillirent la dépeupler entièrement. Mais elle se releva de ses ruines, et son industrie l'a rendue assez florissante. Sa cathédrale, qui est comprise parmi les monuments historiques du style ogival, est surmontée d'un beau clocher roman; l'hôtel de la préfecture renferme le tombeau en marbre noir du duc de Lesdiguières, dû au ciseau du sculpteur Jacob Richier.
Les principales industries de la ville comprennent le peignage des laines communes, le tissage de la soie et du coton, la fabrication des instruments de labourage, des tanneries et des brasseries. Elle fait un certain commerce de bestiaux, de cuirs et de laines.
Tallard (1094 hab.), chef-lieu d'arrondissement, bâti sur un roc qui domine la Durance, possède un vieux chlteau dont la chapelle renaissance est classée parmi les monuments historiques; cette petite ville, au commencement du treizième siècle, appartenait à la maison d'Orange, qui la donna à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem; puis, après avoir passé successivement aux maisons de Sassenages et de Clermont-Tonnerre et aux barons d'Auriac, elle fut érigée en duché-pairie en 1712. Le principal commerce de Tallard consiste en vins estimés.
Saint-Firmin-en- Valgodemar ( 1230 hab. ) chef-lieu de canton, est situé près d'une vallée où l'on a découvert un gisement de minerai de plomb et une source minérale froide.
Orpierre (805 hab.), chef-lieu de canton, situé au pied d'une haute montagne, fait des vins estimés et possède une belle carrière de marbre gris; son commerce porte sur les huiles de noix, les laines, les chanvres, les toiles, les amandes, les prunes dites de Bri- gnoles.
Saint-Bonnet (1789 hab.), chef-lieu de canton,
situé sur le Drac, était autrefois un duchépairie ; il possède encore la maison où naquit le duc de Lesdiguières ; son territoire est l'un des plus fertiles du département.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Aspresles-Veynes (731 hab.), la Batie-Neuve (798 hab.), Saint- Étienne-en-Dévoluy (753 hab.) , Ribiers (1206hab.),Rosans (862 hab.), Serres (1101 hab.), dont le territoire est fertile en grains et en fruits, Laragne (955 hab.), Veynes (1662 hab.), et Barcilonnette (343 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : la Roche, Ancelle, SaintLaurent, Neffes, dont la population dépasse 1000 habitants.
ARRONDISSEMENT D'EMBRUN.
EMBRUN (4183 hab.), sous-préfecture et le chef-lieu de l'arrondissement, est située à 40 kilomètres de Gap. Cette ville n'est plus maintenant qu'un petit centre industriel où se manufacturent la toile, la soie et le velours. Elle est bâtie sur un plateau que domine d'un côté le mont Saint-Guillaume et que la Durance défend de l'autre; son édifice le plus remarquable est l'église de Notre-Dame, de style roman, dont les archéologues font remonter la construction à Charlemagne; c'est un magnifique édifice, rangé avec raison parmi les plus beaux monuments historiques de la France.
Embrun, dont Strabon a parlé le premier, est évidemment d'origne celtique ; sous le règne de Galba, ce fut la métropole des AlpesMaritimes, et les empereurs la fortifièrent, car elle défendait les passages des montagnes ; les Vandales, les Huns, les Lombards, les Saxons, les Sarrasins la ravagèrent successivement; vers le milieu du IVe siècle, elle devint le siège d'un évêché, puis d'un archevêché, dont le palais fut brûlé douze siècles après par les protestants ; enfin, sous Louis XIV, elle fut bombardée et prise par le duc de Savoie.
Charges ( 1795 hab ), chef-lieu de canton, pos- sède une église, qui fut, dit la tradition, un temple de Diane.
Les autres chefs-lieux de canton sont Guillestre (1509 hab.), Orcières (1332 hab.), et Savines (1096 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Châteauroux (1875 hab.); les Crottes (1360 hab.) ; Saint-Crépin (1151 hab.); etc.
ARRONDISSEMENT DE BRIANÇON.
BRIANÇON (3579 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé sur la Durance à 90 kilomètres de Gap, et au centre de quatre vallées. C'est une place forte de pre-
mière classe, entourée d'une triple enceinte.
Sept forts et plusieurs redoutes peuvent croi- ser leurs feux et interceptent toute communication par les routes qui aboutissent à la ville.
Briançon est l'arsenal et l'entrepôt des Alpes françaises, et sa position a une extrême importance. Elle a des carderies considérables qui occupent 400 ouvriers, et fait une grande exploitation de talc.
Cette ville, très-ancienne, a une origine assez obscure que les historiens discutent encore; suivant Pline, ce sont des Grecs, chassés des environs du lac de Côme, qui l'ont fondée ; suivant d'autres, c'est à Brennus qu'il faut attribuer son origine ; quoi qu'il en soit, au temps des Romains, une voie romaine la traversait, et c'était une étape militaire; cette route stratégique a laissé d'importants vestiges ; Briançon sut conserver son indépendance pendant l'invasion des Barbares en Gaule, et même, après la chute de l'empire d'Occident, elle se constitua en république ; elle fut très-éprouvée pendant les guerres du XVIe siècle.
La Grave (1459 hab.), chef-lieu de canton, est située sur la Romanche, près de magnifiques cascades et au pied de glaciers superbes que domine l'aiguille du Midi, haute de 3987 mètres; les montagnes voisines passent à juste titre pour les plus belles des Alpes ; leur flore est d'une richesse incomparable, et compte plus de 1500 espèces de plantes ou de fleurs.
L'Argentière (1202 hab.), chef-lieu de canton, est située dans la vallée qui porte son nom, dû aux mines de plomb sulfuré argentifère que l'on exploite depuis longtemps sur son territoire; elle possède une chapelle de style ogival, dont l'origine remonte, dit-on, aux templiers.
Le Monêtier (2546 hab.), chef-lieu de canton, situé dans la vallée de la Guisanne, a d'importantes usines et filatures; la position de ce bourg est charmante, dans cette vallée regardée comme une merveille des Alpes, au milieu de hauteurs couronnées de sapins et de mélèzes, avec un horizon resplendissant de l'étincelante blancheur des glaciers.
Aiguilles (713 hab.), chef-lieu de canton, est bâti sur le ruisseau qui porte son nom ; on y montre une belle pierre druidique, nommée Pierre-Fiche.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Villard-Saint-Pancrace (962 hab.); Saint-Martin (1338 hab.); Vallouise (1177 hab.); Saint-Chaffrey (1285 hab.); la Salle (1377 hab.); Mont-Genèvre (401 hab.), située sur un plateau qui forme le col du Mont-Genèvre, ce chemin que tous les conquérants ont suivi depuis Annibal jusqu'à Charlemagne, et où se trouve un hospice pour les voyageurs.
ALPES-HAUTES.
Hôtel du Golfe, au golfe Jouan. — Maison de Garibaldi à Nice. — Vue générale de Nice, Iles Sainte-Marguerite.
ALPES-MARITIMES.
Situation.—Limites. — Aspect général. —
Ce département occupe l'extrémité S.-E. de la France, et s'appuie sur la mer Méditerranée où ses côtes offrent un développement d'environ 100 kilom. Il a pour limites : au N., le département des Basses-Alpes et le royaume d'Italie qui lui confine aussi à l'E.; au S., la Méditerranée; à l'O., les départements du Var et des BassesAlpes. La petite principauté indépendante.de Monaco forme une enclave de son territoire.
Ce département estl'un des plus montagneux de la France et se compose presque entièrement du petit bassin du Var. Les montagnes de na- ture calcaire y sont généralement dénudées et dépouillées de terre végétale; elles forment assez distinctement trois assises disposées du S. au N. parallèlement à la côte, dont la pre- mière s'élève de 200 à 800 mètres, la seconde de 1400 à 2000 mètres, et dont la troisième dépasse 3000 mètres. La partie supérieure des
vallées de l'E. et de l'O., abritée contre le vent du N., est riche en bois d'oliviers, d'orangers, de citronniers, de caroubiers et de pins d'espèces diverses, tandis que les hautes régions du N. rappellent par leurs vastes prairies et leurs torrents ravageurs la contrée des Basses-Alpes.
La côte est escarpée, très-découpée, tantôt nue et rocheuse, tantôt bordée de vignes, d'oliviers, quelquefois même d'orangers, et présente les sites les plus pittoresques, des criques charmantes, de petits ports, des îles, et partout une mer d'un azur admirable par les beaux jours de soleil.
On trouve sur la côte les golfes de Napoule et de Jouan, la baie de Saint-Raphaël, les ports de Cannes, d'Antibes, de Nice et de Villefranche; en face de Cannes et à 4 kilomètres en mer apparaissent les îles verdoyantes de Lérins qui émergent gracieusement des flots et sont renommées pour leur parfaite salubrité.
Orographie. — L'orographie de ce département est formée par le versant méridional d'une faible partie des Alpes-Maritimes, par leurs contre-forts méridionaux, et par les contre-forts orientaux des Alpes de Provence.
La partie française des Alpes-Maritimes est comprise entre le Mont-Pelouze et le Colla di Longa au N. du bassin de la Tinéa ; au delà, ces montagnes se prolongent en Italie jusqu'au col de Cadibone; c'est la partie la plus élevée des Alpes-Maritimes, et elle dépasse 3000 mètres de hauteur.
Les contre-forts dans le département se détachent du prolongement de cette chaîne et ont par conséquent leur origine en Italie. Le premier très-court, très-abrupt, se dirige du N.
au S., entre la Tinéa et la Vesubia, et se termine au confluent de cette dernière dans le Var; le second se détache du Mont-Clapier vers les sources de la Roya, court au S.-O. entre cette rivière, la Ves ubia et le Var, et va finir sur la côte par différentes ramifications entre Nice et Vintimille. Un de ces rameaux est coupé au Col de Brans, à la hauteur de 978 mètres, par la route de Nice au Col de Tende et à Coni.
Le premier contre-fort que jettent les Alpes de Provence, s'en détache au Mont-Brasseitta, sépare la. Tinéa du Var et finit au confluent des deux rivières; il renferme des cimes assez élevées et des groupes très-confus; le second court entre le Va.r et l'Esteron sans rien offrir de remarquable; le troisième se détache du Mont- Valplane aux sources de l'Esteron, et longe la rive droite de cette rivière avec les
Mont-Thorène et du Cheiron, hauts de 1778 mètres. Les derniers contre-forts sont des hauteurs peu considérables qui forment les premières assises des Alpes, et accidentent le N.
de l'arrondissement de Grasse, en conservant une direction généralement parallèle à la côte.
Hydrographie. — Le département des Alpes-Maritimes ne renferme que des torrents guéables pendant la plus grande partie de l'année et qui vont finir à la mer. Ce sont, en allant de l'E. à l'O. : 1° la Roya, qui naît au pied du col de Tende, en Italie, entre en France dans le département par la gorge de Gandarena, baigne Saorgie et Breglio et coupe la frontière pour achever son cours inférieur en Italie; son principal affluent, en France, est la Bevera qui arrose Sospelle ; — 2° le Paillon qui se jette dans la mer à Nice, et n'est qu'un petit torrent, dont les débordements causent néanmoins de fréquents désastres ; — 3° le Var, qui naît dans les Alpes de Provence, au mont Ca meleone, à 2500 mètres d'altitude, traverse une étroite vallée où il baigne Entraune et Saint-Martin-Guillaumes, fait un coude de quelques kilomètres à l'O. dans le département des Basses-Alpes, rentre dans les AlpesMaritimes, arrose Puget-Théniers et se termine au-dessous de Saint-Laurent; son cours est de 104 kilomètres et n'est pas navigable; rapide, ravageur et changeant de lit, le Var est guéable presque partout, excepté dans l'hiver où il devient redoutable par ses inondations, et n'est flottable qu'à partir de Puget-Théniers; le Var reçoit, dans le département, le Giaus, qui baigne d'admirables gorges, la Tinéa qui descend des Alpes de Provence, traverse une vallée profonde en arrosant San-Stefano, San-Salvator, Clans, et finit en avant de Villars, la Vesubia qui laisse Utello à droite, Levenzo à gauche, et se termine en face de Bonsone, et l'Esteron, qui traverse la magnifique cluse de Briançonnet, arrose Roquesteron, absorbe la Gironde et le Bouyon, et finit près de la Roquette-Saint-Martin, après un cours de 65 kilomètres; le littoral du département à partir de l'embouchure du Var, porte le nom de rivière de Gênes, qui s'étend à toute la côte jusqu'au delà de Gênes; — 4° la Siagne, petit cours d'eau, qui sert en partie de limite entre le département des Alpes-Maritimes et celui du Var, passe à Saint-Césaire, à Auribeau, et va finir dans le golfe de Napoule, après s'être grossie à gauche d'un ruisseau qui coule à Grasse; — 5° le Loup, qui sort des montagnes d'Audibergue, et se jette dans la Méditerranée au N. d'Antibes; 6° la Cagne, qui prend sa source
près de Coursegoules, arrose Vence, Saint-Paul, Cagne, et se perd dans la Méditerranée.
La région montagneuse du département contient plusieurs lacs sans importance; sur la côte on trouve l'étang maritime de la Napoule, et à l'embouchure du Var des marécages que les travaux de desséchement feront bientôt disparaître.
Climat. — Le département des Alpes-Maritimes est renommé pour la douceur de sa température; abrité contre les vents du N. par ses montagnes, il reçoit de la mer des brises qui viennent tempérer les chaleurs excessives de l'été. Cependant, cette réputation n'est exactement méritée que pour le territoire de Nice même, qui se trouve à la fois protégé contre les vents du N. et de l'E. par les dernières ramifications des Alpes-Maritimes; à mesure que l'on monte vers le N., on ressent l'influence des neiges qui couronnent les pics élevés, celle des vents qui s'engouffrent dans les vallées étroites où l'on souffre aussi de sécheresses d'autant plus à craindre que peu de précautions sont prises pour y parer. Le vent le plus impétueux est celui du N.-O., ou mistral qui souffle principalement sur l'arrondissement de Grasse.
Superficie. — Population. — Le département des Alpes-Maritimes a une superficie de 383 900 hectares. Sa population s'élève à 198 818 habitants environ, ce qui donne 50 habitants par kilomètre.
Les habitants de ce département ont les mêmes habitudes que ceux des départements des Hautes et Basses-Alpes. Bornés dans leurs désirs et leurs besoins, ils préfèrent la vie pastorale aux efforts et aux fatigues d'un travail quelconque ; le paysan ne donne au propriétaire que l'excédant des fruits de la terre ; aussi le propriétaire est-il toujours lésé. L'annexion a déjà modifié cet état de choses en commençant à établir le loyer fixe; mais c'est une véritable révolution à introduire dans les mœurs agricoles de la contrée.
Le langage est un patois mi-provençal, mi- italien. L'instruction est peu répandue et la superstition encore très-grande dans les campagnes.
Agriculture. — Les documents statistiques manquent sur ce département de création et d'organisation toutes récentes, et il serait téméraire de hasarder des chiffres que l'administration ne possède pas elle-même, ou n'a pas encore produits. Mais on peut dire, cependant, que, sauf l'arrondissement de Grasse,
ce département doit être rangé parmi les moins riches de notre territoire pour la production des choses nécessaires à la vie. Les céréales, le gros bétail manquent à l'alimentation; les moutons et les chèvres, au contraire, sont nombreux et produisent dans cette région de montagnes les mêmes désastres que dans les Hautes et Basses-Alpes : les hauteurs se sont dépouillées d'arbres, puis de verdure, puis de terre, et les érosions des torrents sont assez continues pour que le Var trouve des champs de cailloux, où ses eaux vagabondes se répandent sans profit pour la culture. C'est de l'Italie et de Marseille que le département tire les céréales qui lui sont nécessaires. Les légumes, les arbres fruitiers sont cependant cultivés avec soin, et quelques cantons donnent des produits recherchés ; mais les cultures véritablement prospères sont celles des oliviers, des fleurs pour la parfumerie, des orangers, des citronniers et des figuiers.
Mines. — Carrières. — Les mines et les carrières paraissent être nombreuses, mais l'exploitation n'a pas encore indiqué quelle en est la valeur : le cuivre semble être au premier rang, et après lui le plomb, le fer et le lignite.
Il existe aussi des sources minérales chaudes et froides, près de Saint-Sauveur, dans l'arrondissement de Puget-Théniers.
Industrie. — Commerce. — Les distilleries de parfums, la fabrication de l'huile d'olive et des savons, la préparation des fruits secs, telles sont les grandes industries et par suite les éléments du commerce de ce département. La pêche y tient aussi une place importante et donne lieu à une exportation considérable de sardines, d'anchois et de thons.
Routes. — Chemins de fer. — Ce département compte cinq routes impériales, qui s'étendent sur 333 kilomètres; la plus importante suit la côte en passant par Cannes, Antibes, Cagnes et Nice ; de Nice, elle rencontre au N.
la vallée du Paillon, franchit le col de Tende, et pénètre dans le bassin du Pô. Une autre venant de Castellane dans les Basses-Alpes passe à Grasse et rejoint la précédente à Cagnes.
De Nice part une route admirable, célèbre dans le monde entier sous le nom de route de la Corniche; elle longe le littoral jusqu'à Gênes, en suivant la crête des rochers qui dominent la mer; elle est belle partout, mais la partie comprise entre Menton et Nice défie toute description ; à chaque coude de cette capricieuse voie, les aspects se modifient, les points de vue changent, les sites les plus inattendus appa-
raissent brusquement, tantôt des gorges d'une indicible beauté et des montagnes aux sommets grisâtres, tantôt des villages perchés comme Ezza sur des rocs inaccessibles, ou de vieilles villes pittoresques comme Monaco, Yintimille, Roquebrune, puis des anses, des golfes, des ports, et cette admirable Méditerranée, dont l'azur resplendit jusqu'aux lointaines limites de l'horizon.
Les communications intérieures, quoique assez nombreuses , sont incomplètes à cause des difficultés du sol, et Puget-Théniers n'est pas encore relié suffisamment au reste du département.
Les Alpes-Maritimes ont une voie ferrée importante qui appartient au réseau de Lyon, l'embranchement de Marseille à Nice, par Toulon ; il suit presque parallèlement la grande route de la côte, et a des stations à Cannes, au golfe Jouan, à Antibes, à Vence-Cagnes, au Var et à Nice; il sera continué jusqu'à Ventimille et correspondra avec les chemins de fer italiens.
Histoire. — On trouve dans les temps les plus anciens ce pays occupé par un mélange de Ligures et de Celtes à demi sauvages et partagés en tribus ennemies. Après la fondation de Marseille, 600 ans avant J. C., la ville nouvelle domina bientôt sur tout le littoral, chassa les Ligures de la contrée des Alpes-Maritimes, et pour assurer sa conquête, établit des colonies à Nicca (Nice) et à Antipolis (Antibes). Ce territoire subit la domination romaine en même temps que Marseille et fut compris dans la Province; il fut ensuite affreusement ravagé par les Wisigoths et les Ostrogoths, qui s'y succédèrent tour à tour, fit partie de la Lotharingie, après le démembrement de l'empire de Charlemagne, puis de la Bourgogne-Cisjurane, et enfin du royaume d'Arles ou de Provence. Les comtes héréditaires de Provence possédèrent le pays jusqu'à Gilbert dont la fille le porta en dot, en 1090, aux comtes de Barcelone qui l'ont gardé jusqu'en 1245, époque à laquelle la maison de France en devint maîtresse par le mariage de Charles d'Anjou, roi de Naples et frère de saint Louis, avec Béatrix, fille de Raymond Béranger. Amédée de Savoie, profitant des troubles de Naples, l'usurpa sur Jeanne en 1388, et ses successeurs le gardèrent malgré les événements dont il fut le théâtre pendant la lutte de François Ier et de Charles-Quint. Une rectification de frontières, stipulée au traité de Paris, en 1763, fixa le Var comme limite entre la France et le Piémont. Réunies à la République française par décret du 4 février 1792, les Alpes-Maritimes furent de nouveau rendues
à la Sardaigne, en 1815, et annexées définitive ment à la France, le 12 juin 1860.
Hommes célèbres. — Les principaux personnages du département des Alpes-Maritimes sont : l'astronome CASSINI, les peintres VANLOO et FRAGONARD; le conventionnel ISNARD; les maréchaux MASSÉNA et REILLE, le général de BRÉA, et parmi les contemporains, le général GARIBALDI.
Divisions administratives. — Le département des Alpes-Maritimes forme trois arrondissements subdivisés ainsi qu'il suit :
Arr. de Nice. n cant. 40 comm.
— de Grasse , 8 — 59 — de Puget-Théniers. 6 — 47 — 25 cant. 146 comm.
Ce département forme la 5e subdivision de la 9e division militaire, dont le siége est à Mar- seille; ses places de défense sont : Antibes avec le Fort-Carré; Saint-Laurent du Var et la citadelle de Yillefranche qui défendent la route d'Italie ; le fort Sainte-Marguerite, sur les îles de Lérins, qui protège la côte. Il dépend également du 5e arrondissement maritime dont le préfet est à Toulon, et forme un sous arrondissement dont Nice est le chef-lieu.
Il appartient à deux diocèses : à celui de Nice, pour les arrondissements de Nice et de Puget-Théniers; à celui de Fréjus, pour l'arrondissement de Grasse ; ces diocèses sont suffragants de l'archevêché d'Aix, et comptent 33 cures, 178 succursales et 3 petits séminaires à Nice et à Grasse. Nice et Cannes possèdent des temples protestants La justice est rendue par les deux tribunaux de première instance de Nice et de Grasse et trois tribunaux de commerce siégeant à Nice, à Grasse et à Antibes, et ressortissant à la Cour impériale d'Aix.
Les établissements de l'instruction publique comprennent un lycée à Nice, 3 colléges communaux à Antibes, à Grasse et à Menton, une école normale primaire à Nice, et 322 écoles publiques ou libres, qui dépendent de l'Académie d'Aix.
Description des Villes. — Voici les principales localités du département des Alpes-Maritimes.
ARRONDISSEMENT DE NICE.
NICE (50 180 hab.), chef-lieu de préfecture et du département, divisé en deux cantons, à 870 kilomètres de Paris, est assise sur la Méditerranée, à l'embouchure du Paillon. Sa situation est une des plus heureuses qui soit
en Europe ; son climat un des plus doux, son sol un des plus fertiles ; le citronnier et l'oranger y abondent; son ciel semble exempt de toutes les vicissitudes des saisons ; l'hiver y est sans frimas et l'été sans orages. Aussi de tous les coins de l'Europe, les malades y viennent séjourner pendant la mauvaise saison, et ses vallées, ses collines, dans un rayon de plusieurs kilomètres, sont couvertes de villas et d'habitations enfouies sous des bosquets d'orangers et de citronniers.
Nice peut se diviser en trois parties distinctes : 1° le port, qui est creusé au pied de la Colline du Château, où viennent mouiller les caboteurs, les bateaux de pêche de la Méditerranée, des tartanes, des goëlettes, des bricks, des trois-mâts et des bateaux à vapeur qui font le service de la côte; 2° la vieille ville, comprise entre la promenade du Cours et le lit du Paillon ; 3° la ville neuve, bien bâtie, toute composée d'hôtels, de splendides villas, de maisons à toits plats qui supportent de larges terrasses.
Les principaux monuments de Nice sont : l'église Sainte-Réparate, du XVIIe siècle, la chapelle de Saint-Sépulcre, la chapelle de la Miséricorde, l'hôtel de ville, la tour de l'Horloge, l'ancien palais des Lascaris, avec ses plafonds peints par Carlone, les maisons où sont nés Masséna et Garibaldi ; mais ces édifices sont en général peu remarquables. Au contraire, les promenades de la ville sont magnifiques. De la plate-forme du vieux chateau situé sur un roc élevé de 96 mètres, la vue s'étend sur la mer, les vallées et les montagnes environnantes; on peut y arriver en voiture par des pentes ombragées de beaux arbres; la Promenade des Anglais est une superbe et large avenue plantée de palmiers, qui s'étend pendant 2 kilomètres sur les bords de la mer depuis l'embouchure du Paillon jusqu'à celle du Magnan ; le Cours avec ses ormes centenaires permet aux promeneurs d'admirer à l'horizon les gracieuses montagnes de l'Esterelle et les monts des Maures. La ville était très-forte autrefois, et elle est encore entourée des restes des vieilles murailles que dominent les ruines d'une citadelle démolie par Louis XIV en 1705.
Nice est un mot grec modernisé qui signifie victoire, et, en effet, les Phocéens fondèrent cette ville au IIIe siècle, pour rappeler le souvenir d'une victoire qu'ils venaient de remporter.
Sa prospérité fut grande, et, d'après Strabon, elle prit rang immédiatement après Rome parmi les cités italiennes ; elle demeura indépendante jusqu'à César, qui la soumit; puis, comme toutes les villes du Midi, elle fut livrée successivement aux déprédations des Goths, des Vandales, des Visigoths, des Bourguignons et des
Lombards, si bien qu'elle se vit réduite à la con- dition de misérable bourgade. Gênes la protégea pendant quelque temps contre les pirates sarrasins qui menaçaient les côtes liguriennes, mais elle ne fut réellement tranquille que sous la domination des comtes de Provence et de la maison d'Anjou, qui prit fin au traité de Chambéry, en 1419, époque à laquelle Nice fut cédée à la Savoie ; elle revit alors ses jours d'inquiétudes et de désastres pendant les guerres des grandes puissances, car sa position géographique en faisait toujours le chemin des vainqueurs et des vaincus. Pour leur compte, les Français l'assiégèrent et la prirent cinq fois en 1542, en 1691, en 1706, en 1744 et en 1792. On peut espérer qu'elle en a fini maintenant avec les assauts et les guerres, et que son annexion à l'empire français lui donnera une nouvelle ère de prospérité.
Nice est située dans une position très-agréable et entourée d'élégantes montagnes qui rendent ses environs riches en promenades et en points de vue ; ce sont le Mont-Gros, le Vinaigrier, le Mont-Boron, qui vient tomber à pic sur la mer, le Mont-Alban, couronné par une forteresse; la hauteur de ces groupes pittoresques est comprise entre 300 et 366 mètres. Les voya- heurs ne manquent pas de visiter et d'admirer des ruines romaines, un aqueduc romain, la fontaine de Mouraille, la source intermittente de la fontaine sainte, le vallon obscur, et, à quelques kilomètres seulement, la grotte de Saint-André et le sommet du Mont-Cau, élevé de 354 mètres.
L'industrie de Nice consiste en soieries, en parfumeries, en distilleries, qui emploient par an 30 000 kilogrammes de violettes et 200 000 kilogrammes de fleurs d'oranger, en savonneries, en tanneries; on pêche dans la mer de Nice beaucoup de thons et d'anchois. Son port, autrefois beaucoup plus actif, exporte les produits de son industrie, et surtout de trèsbeaux fruits. L'importation lui fournit presque exclusivement les denrées essentielles à la vie dont son territoire est dépourvu. Le port de Nice, continuellement barré par des sables, est peu sûr dans les temps d'orage ; néanmoins la voie ferrée, la route impériale et deux services réguliers de paquebots assurent au commerce et à l'industrie des moyens suffisants de communication.
Menton (5699 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur le rivage de la Méditerranée, à 2 kilomètres de la frontière italienne formée par une admirable gorge creusée dans les rocs de la côte. Menton se compose de deux parties : l'ancienne ville située sur un promontoire et ses escarpements, avec ses maisons pittoresque-
ment entassées les unes sur les autres, ses rues étroites et roides, ses arcades, ses passages sombres, ses escaliers difficiles, ses vieilles murailles; la nouvelle ville, qui se réduit à peu près à une grande rue longeant le rivage, et bordée de charmantes villas, de splendides hôtels, de jardins où les arbres exotiques, les palmiers, les eucalyptus, les plantes grasses, les orangers, les citronniers, poussent en pleine terre. Les principaux édifices de Menton sont des ruines d'un château fort du XVIe siècle, la Porte Saint-Julien, reste des fortifications féodales, l'église Saint-Michel avec dôme, campanule et clochetons. Sur la berge de la marine se trouve le Casino, avec salles de bal, de concert, de lecture et théâtre. De la plate-forme du cimetière situé dans la vieille ville, à 40 mètres d'élévation, la vue s'étend sur la mer, les montagnes, et, par quelques belles et claires journées, jusqu'à l'île de Corse.
La culture des citronniers, des orangers, des oliviers, la parfumerie, la distillerie, la fabrication de meubles en bois de caroubier, de citronnier et d'olivier, constituent l'industrie de Menton ; son port est peu sûr et même dangereux dans les gros temps.
Menton, fondée par des forbans, tomba aux mains des comtes de Vintimille, après l'expulsion des Sarrasins; puis elle passa aux Génois et partagea la destinée de toutes les villes du littoral pendant les guerres qui désolèrent l'Italie. Achetée par les Grimaldi en 1346, elle se constitua en ville libre après 1848. Un vote l'a annexée à la France en 1861.
Saint-Martin-de-Lantosque (2037 hab.), cheflieu de canton, est située au confluent des deux ruisseaux qui par leur réunion forment la Vésubia. Il s'y fait un commerce considérable de bestiaux et de céréales. Cette commune est l'une des plus riches du département, et cependant elle a beaucoup perdu depuis la création de la route du col de Tende ; avant cette époque, elle servait de marché aux Piémontais et aux habitants du comté de Nice.
Utelle (1961 hab.), chef-lieu de canton, sur une montagne entre la Vésubia et la Tinéa, forme une agglomération de hameaux beaucoup plutôt qu'une ville ; on y fabrique d'excellents fromages; elle était l'entrepôt du commerce de Coni et de Nice, quand les voies de communication faciles n'existaient pas encore et que le transport se faisait à dos de mulets.
Villefranche (3344 hab.), chef-lieu de canton, est placée sur le petit golfe, connu chez les Romains sous le nom de Portus Herculis. Resserrée entre les Alpes et la mer, cette ville,
dont les rues sont de véritables escaliers et dont les maisons sont anciennes, présente des aspects pittoresques. Le Piémont avait voulu y créer un port militaire, et les Russes y ont établi, avec l'autorisation de la France, une véritable station maritime pour leur flotte de guerre ; une citadelle et des batteries protégent la ville et défendent la rade.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Breil (2709 hab ), L'Escarene (1762 hab.), Levens (1795 hab.), Sospel (3912 hab.), et Contes (1748 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : la Trinité-Victor (1459 hab.); Saorge (3180 hab.); Apremont (1680 hab.); Tourette (385 hab.); Belvedere (1280 hab.); Lantosque (2232 hab.); Eza (570 hab.), située comme un nid d'oiseaux de proie au sommet d'un roc inaccessible ; la Turbie (848 hab.), village perdu en pleine montagne et placé au-dessus de Mo- naco, à ce point où commence la plus belle partie de l'admirable route de la Corniche, qui descend vers Nice; Roquebrune (844 hab.), autrefois l'une des villes principales de la principauté de Monaco.
ARRONDISSEMENT DE GRASSE.
GRASSE (12 241 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, située à 36 kilomètres de Nice, s'élève en amphithéâtre sur une colline arrondie, premier étage d'un mont escarpé de 700 mètres. De cette ville la vue embrasse un grand nombre de bourgs, de villages et s'étend d'un côté aux Alpes-Maritimes, et de l'autre jusqu'au littoral. Lorsque le ciel est pur, on peut même apercevoir les montagnes de la Corse, distantes de 16 myriamè- tres. La partie occidentale de la ville est assez bien bâtie, mais le reste est composé de ruelles mal pavées. Grasse n'a point de monuments remarquables; cependant, l'ancienne cathédrale et l'hôpital renferment quelques tableaux dignes d'attention, et les artistes peuvent en outre admirer, dans une vieille maison du conventionnel Isnard, quatre belles toiles de Fragonard.
On trouve à Grasse d'importantes fabriques de parfumerie et de savon et de nombreux moulins à huile. On évalue à onze millions de francs le produit de son exportation de parfumeries.
D'après une version généralement admise, Grasse fut fondée au sixième siècle par des Juifs venus de la Sardaigne; ce n'était encore qu'un bourg sans importance au XIe siècle; elle fut deux fois détruite par les corsaires africains, et relevée au XVIe; elle devint le siége d'un évêché qui fut occupé par Godeau au temps de Richelieu, et fut pendant quelque
temps, en 1794, le chef-lieu du département du Var.
Antibes (6064 hab.), chef-lieu de canton, jolie ville, admirablement située au pied des montagnes qui la protègent du vent du N., occupe l'entrée de la presqu'île qui limite à l'O. le golfe Jouan. Son port peu vaste, mais profond et sûr, est fermé par une longue jetée semicirculaire, et défendu par un îlot qui porte le Fort-carré ou Fort-Championnet, construit par Vauban; à l'extrémité du cap de la Garouppe, s'élève la chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde, très-vénérée des marins et des pêcheurs qui forment la principale population d'Antibes, Cette ville, fondée par les Phocéens de Marseille sous le nom d'Antipolis, fut le siège d'un évêché au IVe siècle; on découvre chaque jour de nouveaux vestiges de vieilles constructions qui rappellent son antique origine.
Cannes (9618 hab.), chef-lieu de canton, à 17 kilomètres de Grasse, s'étale au fond d'une petite anse et au pied d'une colline escarpée que couronnent les tours du château du MontChevalier et de l'église Notre-Dame-d'Espérance.
Mais l'intérieur de la ville ne répond pas à cette position pittoresque. La ville haute est mal pavée, composée de rues étroites; le quai lui-même est sale, et une seule rue, parallèle à la partie orientale de la plage, offre des habitations convenables. Le port de Cannes, éclairé par un feu fixe de quatrième ordre, peu profond et d'un abord difficile, tend à s'ensabler. L'industrie et le commerce de cette ville ont pour objet les parfums, les huiles, les savons, le poisson salé, etc.
Cannes, capitale celtique, et détruite par les Romains, aurait été, suivant la tradition, rebâtie par les Marseillais sous le nom de Castrum Marcellinum; après avoir été dévastée deux fois par les Sarrasins au vme et au xe siècle, elle fut repeuplée par les Génois.
Les environs de Cannes sont délicieux et offrent les plus belles plages de la Provence.
C'est près de cette ville, au golfe Jouan que débarqua Napoléon, en 1815, à son retour de l'île d'Elbe. En face de Cannes, entre les golfes Jouan et de Napoule, se trouve le petit archipel des îles de Lérins; les plus importantes sont Saint-Honorat et Sainte-Marguerite.
Sainte-Marguerite, dont la circonférence mesure 7 kilomètres, est couverte, dans sa partie orientale, d'une magnifique forêt de pins maritimes; sur la côte N., à la pointe de la Groi- sette, s'élève le fort construit par Richelieu, qui acheta l'île en 1637; ce fort, complété par les Espagnols et réparé sur les plans de Vauban, est devenu célèbre comme prison d'État par la captivité du mystérieux personnage,
connu sous le nom de l'Homme au masque de fer.
Saint-Honorat est célèbre par le grand monastère, fondé en 410, qui devint la plus fameuse communauté des Gaules, celle d'où sortirent une foule de prélats, de saints et de savants; elle fut dévastée par les Sarrasins qui tuèrent tous les religieux. C'est une petite île séparée de la première par un canal large de 700 mètres; sa circonférence n'est que de 3 ki- lomètres; son église, dont les principaux murs datent du VIIe siècle, les chapelles de la Trinité, de Saint-Sauveur, de Saint-Porchaire et son château fort, un vieux donjon du XIe siècle, à mâchicoulis, à chemin de ronde, à citernes, ont été classés parmi les monuments historiques.
Vence (2755 hab.), chef-lieu de canton, est située sur une petite montagne qui domine la rive droite d'un petit affluent de la Cagne; elle était autrefois fortifiée, et présente de nombreuses ruines. Elle fait commerce de parfumerie, de savon et de cire; ses figues ont de la réputation.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Coursegoules (505 hab.), Le Bar (1579 hab.), SaintAuban (574 hab.), et Saint-Vallier(539 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Mougins (1286 hab.); Valbonne (1275 hab.); Cabris (1725 hab.); Cagnes (2435 hab.); La Colle (1267 hab.); Vallauris (3016 hab.), jolie petite ville dans les montagnes, et sur le territoire de laquelle se trouve le golfe Jouan, vaste baie abritée contre tous les vents, excepté celui du S. O.; des flottes entières peuvent y manœuvrer à l'aise ; les rivages de la baie sont couverts d'habitations charmantes, telles que les villas Bruyères, Brimborion, etc., dominées par le magnifique hôtel du Golfe, d'où la vue s'étend sur la Méditerranée, depuis les montagnes de l'Esterelle jusqu'au col de Tende; une petite colonie de Parisiens qui s'est fondée depuis quelques années sur les bords du golfe est en pleine voie de prospérité.
ARRONDISSEMENT DE PUGET-THÉNIERS.
PUGET-THÉNIERS (1289 hab.), chef-lieu d'arrondissement, est situé sur la rive gauche du Var, au confluent de la Roudoule. Ville ancienne et fortifiée, elle est petite et laide ; on y trouve quelques vieux monuments, mais peu remarquables.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Guillaumes (1156 hab.), Roquesteron (433 hab.), Saint-Étienne (2150 hab.), Saint-Sauveur (635 hab.), et Villars-du-Var (841 hab.).
Les principales communes de l'arrondisse- ment sont : Lieusole (1145 hab.); Valdeblore (1060 hab.), etc.
ALPES MARITIMES
Vue de Largentière. — Vue générale d'Annonay. — Pont d'Arc sur l'Ardèche.
Vieille église romane de Quintenas.
ARDÈCHE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Ardèche est situé presque entièrement dans le bassin du Rhône dont il borde la rive droite sur une étendue de 140 kilomètres. Il tire son nom de la rivière qui arrose sa partie méridionale, et a pour limites : au N., le département de laLoire ; à l'E., ceux de l'Isère, de la Drôme et de Vaucluse; au S., celui du Gard ; à l'O., ceux de la Lozère et de la Haute-Loire.
Le département de l'Ardèche affecte sensiblement la forme d'un triangle montagneux, incliné de l'O. à l'E. entre les Monts-du-Vivarais et la rive droite du Rhône, sur laquelle viennent s'effacer leurs contre-forts; c'est un pays très-tourmenté, très-difficile, semé de détritus volcaniques; les rivières, dans leur partie supérieure surtout, sont de véritables torrents qui courent à travers des gorges étroites et sauvages, au milieu de montagnes couvertes
de châtaigniers, de noyers et de mûriers; leurs eaux inférieures produisent périodiquement des inondations qui ravagent les plus belles vallées. Dans la partie septentrionale du département s'étalent de beaux champs de blé, ainsi que dans toute la région de l'est, sur la rive droite du Rhône; mais le territoire de l'ouest, particulièrement accidenté, n'offre guère que des plateaux stériles et rebelles à toute culture.
Orographie. — Les Cévennes et leurs contreforts constituent tout le système montagneux du département sous le nom de Monts-du-Vi- varais. Elles y pénètrent au S.-E., entre les sources de l'Allier et celles du Chassezac, l'un des affluents de l'Ardèche, et forment à l'E., entre le cours supérieur de l'Ardèche et celui du Chassezac, un plateau basaltique élevé de 900 mètres appelé Mont-du-Tanargue; puis, se dirigeant au N. E. à travers les débris de la forêt de Bauzon sous le nom de Montagnes- de-la-Chavade, elles dessinent la ceinture orientale du cours de la Loire. Là, culminent le Gerbier-des-Joncs, montagne trachytique aux flancs escarpés, qui atteint une hauteur de 1562 mètres, le Mont-Mezenc, élevé de 1774 mètres, d'où se détache au S.-E. le Mont-des- Boutières, qui sépare l'Ardèche de l'Erieux, et dont l'altitude est de 1384 mètres; ce dernier contre-fort, remarquable par sa nature volcanique et l'effet grandiose de ses colonnes de basalte, forme au S. de Privas sur la rive droite de l'Ouvèze les Montagnes-de-Coiron et se termine sur le Rhône parles hauteurs abruptes de Rochemaure; ses points culminants sont le Mont-Rosée, dont l'élévation est estimée à 1397 mètres, et la Roche-de-Gourdon, qui mesure 1069 mètres. Les Monts-du-Vivarais se prolongent ensuite au N. en conservant leur caractère âpre et tourmenté jusqu'à l'extrémité du département, et se terminent dans le département de la Loire par le Mont-Pila dont la sommité principale atteint une hauteur de 1433 mètres.
Hydrographie. — Le département de l'Ardèche appartient au bassin de la Loire pour une étroite partie de l'arrondissement de Largentière au S.-O., et au bassin du Rhône pour sa masse principale. Son système hydrographique se compose donc de deux grands fleuves, la Loire et le Rhône, et de leurs affluents.
Les grands cours d'eau du bassin de la Loire sont la Loire et l'Allier. La Loire naît dans la ferme de Loire à 500 pas environ du Gerbier-desJoncs, coule d'abord du N. au S., puis tourne à l'O., et entre dans la Haute-Loire, après s'être
grossie de quelques petits affluents, tels que la Vernasson, le Gage, la Veyradeyre; l'Allier prend sa source dans la Lozère, sert un instant de limite S.-E. au département et y reçoit des ruisseaux sans importance.
Le principal cours d'eau du second bassin est le Rhône, qui forme toute la limite E. du département entre Limony et Saint-Just, et le sépare de celui de la Drôme; dans ce parcours, du N. au S., il arrose Serrières, Arras, Tournon, et laisse à droite Saint-Peray, Lavoulte, Rochemaure et Bourg-Saint-Andéol. Ses principaux affluents sont : 1° la Canse qui baigne Vocance, Ville-Vocance et Annonay; 2° l'Ay, qui prend sa source près de la Louvesc et passe à Satillieu; 3° le Doux, qui coule d'abord du N.
au S. jusqu'à Lamastre où une digue protège la campagne contre ses inondations, puis remonte vers le N.-E. en arrosant Monteil et Boucieuxle-Roi, pour aller finir au N. de Tournon, après un cours de 60 kilomètres; 4° l'Erieux, qui sort du Mont-Mezenc, passe à Saint-Agrève, au Cheylard, aux Ollières, à Saint-Fortunat, et se jette dans le Rhône en amont de Lavoulte; 5° l'Ouvèze, qui passe à Privas ; 6° l'Escou- tay, qui prend sa source dans la Montagne-de- Coiron et finit près de Viviers; 7° l'Ardèche qui, formée sur le revers oriental des Cévennes, dans l'arrondissement de Largentière, par la réunion d'une foule de ruisseaux et de cascades, coule d'abord à l'E. dans une vallée profondément creusée, après avoir descendu une pente presque verticale, arrose Mayres, Neyrac, Aubenas, laisse Largentière sur sa droite,Vallon sur la gauche, passe sous le Pont-d'Arc, vaste arcade naturelle de 60 mètres d'ouverture, sert un instant de limite au département, entre dans celui du Gard, et va se jeter dans le Rhône après un cours de 108 kilomètres; ses principaux affluents sont la Fontollière, la Volane, l'Auzon, la Ligne, la Baume qui passe à Joyeuse, et le Chassezac qui naît au village de Belvezet et se grossit de la Dorme.
Le seul lac qui mérite d'être cité dans le département de l'Ardèche est le Lac d'Issarlès dans le bassin de la Loire; il mesure 1296 mètres de longueur sur 1007 mètres de largeur; sa superficie est de 90 hectares et recouvre le cratère d'un volcan éteint.
Climat. — Le climat du département de l'Ardèche offre de grandes variations ; chaud près du Rhône, il devient plus froid à mesure que l'on remonte à l'O., où les montagnes conservent leur calotte de neige pendant une partie de l'année; aussi les saisons se montrent trèsirrégulières, probablement à cause du déboisement des montagnes ; les hivers sont géné-
ralement très-longs, et les étés très-pluvieux; les vents dominants sont ceux du N., du S., et 'du N.-O. ou mistral. Quelques parties du département sont livrées à des cataclysmes locaux d'une grande intensité; ainsi, au centre du bassin de l'Ardèche, les trombes de pluie fondent de temps en temps sur la petite ville de Joyeuse avec une violence sans égale, et ne laissent après elles que ruines et dévastations.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Ardèche est de 552 665 hectares, dont les terres labourables, les pâturages et les forêts occupent la presque totalité.
La population est de 387 174 habitants, ce qui donne environ 70 habitants par kilomètre carré. Depuis le commencement du siècle, elle s'est accrue de 122 000 âmes.
Les habitants de l'Ardèche, isolés dans leurs montagnes, privés jusqu'à ce jour des communications rapides qu'engendrent les voies ferrées, ont conservé leurs mœurs et leur caractère particulier; intelligents et laborieux, sobres et robustes, ils sont généralement religieux, attachés à leur pays, et ils ont toute la rudesse, mais aussi toute l'honnêteté et l'énergie des montagnards.
Dans les campagnes, le costume se modifie lentement; le grand chapeau et la veste longue sont toujours en usage, mais le pantalon s'est substitué à la culotte courte. La majeure partie de la population ne met de bas et de souliers que pour aller à la ville, et les grands jours de fête.
Le patois languedocien était autrefois généralement parlé dans les villes comme dans les campagnes ; depuis la Révolution, l'usage de la langue française s'est répandu dans les villes, mais avec l'accent méridional, et les campagnes ont obstinément conservé leur ancien patois.
Agriculture.—Le département de l'Ardèche étant essentiellement montagneux, n'offre à la culture des céréales que 138 485 hectares,c'està-dire un cinquième environ de sa superficie; les pâturages, les bruyères, les landes couvrent à peu près 145 000 hectares, et les bois, les forêts plus de 113000. La récolte des grains y est donc inférieure aux besoins des habitants, et ce sont les pommes de terre et les châtaignes qui fournissent principalement à l'alimentation des populations rurales.
En revanche, sur la rive droite du Rhône, les vignobles prospèrent et produisent des vins qui valent les crus de la rive gauche. Les 30 000 hectares livrés à la culture de la vigne rendent 500 000 hectolitres de vins, parmi les-
quels les plus estimés sont ceux de SaintPeray, de Limony, de Mauves et de Cornas.
La récolte des noix s'opère aussi sur une grande échelle, et on en extrait de l'huile qui forme un des principaux articles d'exportation. Les châtaigneraies occupent environ 65 000 hectares et fournissent, année commune, 100 000 hectolitres de châtaignes; ces fruits, de qualité supérieure, sont connus dans le commerce sous le nom de Marrons de Lyon et atteignent annuellement une valeur de 500 000 francs.
Mais ce qui fait surtout la richesse d'une partie du Vivarais, c'est la production de la soie; cette précieuse industrie s'exerce prin- cipalement dans les arrondissements de Largentière et de Privas, qui, par la nature de leur sol et leur douce température, réunissent les conditions les plus favorables à la végétation du mûrier et à l'éducation des vers à soie.
Pour donner une idée de la valeur de cette industrie, il suffira de dire que quelques plantations de mûriers valent jusqu'à 40 000 francs l'hectare ; la production annuelle du département est d'environ 25 millions de francs; cependant, depuis 1854, elle diminue sensiblement par suite de la mortalité qui a frappé partout les vers à soie. La sériciculture est donc attaquée sérieusement, et cette situation qui menace de ruiner toute une population industrieuse, a vivement attiré l'attention du gouvernement.
Le nombre des chevaux est faible dans le département de l'Ardèche; il ne s'élève qu'à 6 ou 7000, et celui des ânes, à 10 000. Les moutons, au contraire, y sont nombreux, excellents, et très-recherchés sur les marchés voisins; on en compte 260 000; les montagnes arides ont été utilisées pour l'élève des chèvres, dont le nombre dépasse 60 000, et ce département est celui où il se vend le plus de peaux pour la ganterie.
La valeur totale de la production agricole annuelle s'élève à plus de 35 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Le département de l'Ardèche renferme de grandes richesses minérales, le fer, la houille, le lignite, le marbre, le basalte, la pierre calcaire, le kaolin, etc.
On exploitait autrefois à Largentière une mine d'argent abandonnée depuis la découverte de l'Amérique; le Rhône et l'Ardèche charrient des paillettes d'or qui attirent encore quelques orpailleurs.
Les sources thermales sont très-nombreuses dans le département; les plus fréquentées sont celles de Saint-Laurent, de Vals, de Celles, et
les sources carbonatées de Neyrac dont la réputation est toute récente.
Industrie. — Commerce. — La principale industrie du département consiste dans la production de la soie, sa fabrication et celle du papier. On a vu que là première s'élevait à 25 millions par an ; cette valeur s'augmente de 10 à 12 millions par la fabrication des tissus.
L'industrie du papier a son centre à Annonay, dans l'arrondissement de Tournon ; elle est très-considérable, et ses produits sont recherchés dans toute l'Europe.
Viennent ensuite la fabrication de l'huile de noix, la préparation des peaux de chevreaux pour la ganterie, l'exploitation des mines de fer qui rendent 200 000 tonnes de minerai, et la production de la fonte qui s'élève à 75 000 tonnes.
On estime que la production industrielle peut atteindre annuellement une valeur de 17 millions de francs.
Le commerce écoule au dehors les divers produits de l'industrie locale, et trouve dans le Rhône sa principale voie d'expédition, car les voies ferrées importantes n'existent encore qu'à l'état de projet, et les cours d'eau intérieurs ne sont pas navigables.
Routes. — Canaux — Chemins de fer. — Le département de l'Ardèche. est desservi par 8 routes impériales, 29 routes départementales, et 2400 chemins vicinaux de moyenne et de grande communication, qui offrent un développement de 6219 kilomètres. Le chef-lieu du département se relie au N. par Tournon avec Lyon, au S. par Aubenas avec Montpellier et Cette, à l'E.par le Pouzin avec le département de la Drôme, et avec Marseille par le Rhône.
Un canal d'irrigation nouvellement concédé doit dériver les eaux du Rhône, et traverser les cantons de Chomérac, Rochemaure, Viviers et Bourg-Saint-Andéol.
Le département de l'Ardèche ne possède encore qu'un petit embranchement de la ligne principale de Paris à Lyon et à Marseille; cet embranchement part de Livron, traverse un bras du Rhône sur un viaduc de 15 arches, puis le Rhône lui-même sur un pont en fonte de 5 arches, passe par Lavoulte, le Pouzin, Saint-Lager-Bressac, Chomérac, et se termine à Privas, après un parcours de 32 kilomètres.
Un sous-embranchement doit être construit de Chomérac à Alais, et traversera l'angle S -E. du département.
Histoire.— Les Helvii, dont Alba Augusta (Aps) était la capitale, paraissent avoir été la princi-
pale peuplade du territoire de l'Ardèche. Ils s'unirent à César contre Vercingétorix et furent compris, après la conquête, dans la Gaule Narbonnaise, mais en conservant leurs lois sous des princes de leur tribu. Pendant l'invasion des barbares, Alba Augusta ayant été détruite par les Vandales, Viviers devint à la fois le centre religieux et la capitale du pays qui prit bientôt le nom de Vivarais. Après avoir appartenu successivement aux Bourguignons et aux Francs, il fut partagé entre les comtes de Viennois (Haut-Vivarais) et les comtes de Toulouse (Bas-Vivarais). Les évêques de Viviers profitèrent de la guerre des Albigeois pour enlever aux comtes de Toulouse le territoire de Largentière dont ils exploitèrent les mines alors très-productives; mais ils ne tardèrent pas à être menacés à leur tour par l'ambition des rois de France. Philippe le Hardi, Philippe le Bel et Charles V s'efforcèrent de ramener la province sous l'autorité royale, et en peu de temps ils parvinrent à y établir des baillis royau-x, en laissant toutefois subsister les libertés locales; ainsi les États du Vivarais, composés de la noblesse et du Tiers-État, précédèrent ceux du Languedoc auxquels ils ne tardèrent pas à se réunir.
Pendant la guerre de Cent ans, le Vivarais devint la proie des routiers qui désolèrent la France; au XVIe siècle, il fut de nouveau troublé par les guerres religieuses, se révolta contre l'autorité royale et finit par se rendre indépendant. Le duc de Montmorency fut chargé de le réduire par la force ; Louis XIII en acheva lui- même la soumission, et Privas disparut pour quelque temps du nombre des cités.
La révocation de l'édit de Nantes produisit au siècle suivant la terrible insurrection des Camisards dans le Haut-Vivarais; la répression fut épouvantable, mais le pays s'était soulevé pour la dernière fois. Éloigné de tout centre d'in- dustrie, privé de grandes communications pour son commerce, dépouillé de ses priviléges, le Vivarais fut presque entièrement ruiné depuis sa réunion au Languedoc, et il comptait à peine 200 000 habitants en 1789 ; aussi la révolution y fut-elle accueillie avec un grand enthousiasme.
A cette époque, le département de l'Ardèche fut formé avec le territoire de l'ancien Vivarais, moins le canton de Pradelles; grâce aux réformes de l'administration nouvelle, il reprit une grande activité et vit sa population se doubler en 70 ans.
Hommes célèbres. — Les hommes célèbres du département de l'Ardèche sont: le cardinal de TOURNON, ministre de François Ier et de Henri II,
l'agronome OLIVIER DE SERRES, propagateur de la culture du mûrier en France ; le cardinal de BERNIS, poëte et diplomate ; le marquis DE LAFARE, auteur des Mémoires sur le règne de Louis XV; les frères Joseph et Étienne MONT- GOLFIER, inventeurs des aérostats; BOISSY D'ANGLAS, président de la Convention au Ier prairial; les généraux RAMPON et LASNE; et parmi les contemporains : le géomètre A. BRAVAIS ; l'ingénieur MARC-SÉGUIN; etc.
Divisions administratives. — Le département de l'Ardèche comprend trois arrondissements ainsi subdivisés :
Arrond. de Privas 10 cant. 108 comm.
— Largentière. 10 — 106 — — Tournon. 11 — 125 — 31 cant. 339 comm.
Ce département forme la 8e subdivision de la 8e division militaire dont le quartier-général est à Lyon.
Dans l'organisation ecclésiastique, il comprend un diocèse, dont le siége est à Viviers, et qui est suffragant de l'archevêché d'Avignon; ce diocèse a un grand séminaire à Viviers, 2 petits séminaires à Aubenas et à Vernoux, et compte 37 cures et 326 succursales.
Les protestants y possèdent 52 temples La justice est rendue par les 3 tribunaux de première instance siégeant aux chefs-lieux d'arrondissement et les 2 tribunaux de commerce d'Aubenas et d'Annonay, qui ressortissent à la Cours impériale de Nîmes.
Les établissements de l'instruction comprennent un lycée à Tournon, une école primaire à Privas, et 729 écoles publiques et libres. L'instruction est très-arriérée; près de la moitié des jeunes gens qui tirent au sort ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de l'Ardèche :
ARRONDISSEMENT DE PRIVAS.
PRIVAS (7204 hab.), chef-lieu de préfecture et du département, est situé à 607 kilomètres de Paris sur une colline qui domine la rive gauche de l'Ouvèze, et qui est dominée ellemême à l'O. par le Mont-Toulon, haut de 416 mètres. Ses constructions modernes sont régulières, mais la ville ancienne n'a que des rues étroites, tortueuses et souvent sales ; ses édifices publics n'offrent rien de remarquable; cependant on peut y étudier quelques curieuses maisons de style gothique ; les promenades sont belles et ouvrent de charmantes perspectives sur les montagnes voisines; de l'Espla-
nade, la vue s'étend, d'un côté, sur la vallée de Coux, et de l'autre jusqu'aux Montagnes-de- Coiron, dont les flancs pittoresques se nuancent de couleurs variées.
Les principales industries de Privas sont la fabrication de la soie et des étoffes de laine, les distilleries et les tanneries; le commerce exporte ces productions, ainsi que des bestiaux, des châtaignes et des truffes qui se récoltent dans l'arrondissement.
Privas, longtemps seigneurie indépendante, était autrefois défendue par d'importantes fortifications, mais elle se mêla aux troubles que suscitèrent les protestants, et fut prise d'assaut et démantelée par Louis XIII en 1625.
Aubenas (7694 hab.), chef-lieu de canton, situé sur un coteau verdoyant qui domine la rive droite de l'Ardèche en face des Montagnes-deCoiron, est une des villes les plus importantes du département; elle est baignée par les eaux de l'Ardèche et de la Volane ; de nombreux ruisseaux arrosent son territoire et fournissent aux établissements industriels des moteurs hydrauliques d'une grande puissance. Son origine, que certains archéologues font remonter assez haut, est fort contestable et ne repose guère que sur des traditions qui n'offrent aucune garantie historique. Aubenas possède quelques édifices remarquables, l'église paroissiale, le collége et l'ancien château de Montlaur et d'Ornans, forteresse massive qui renferme aujourd'hui presque tous les services publics. On fait à Aubenas un très-actif commerce de bestiaux, de beurre, de fromages, et les expéditions mensuelles de marchandises sont évaluées à un million et demi de francs.
Chomèrac (2174 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur une hauteur qui domine la vallée de la Payre; là fonctionnent des moulins à soie, et s'exploitent des carrières de marbre.
Lavoulte (3160 hab.), chef-lieu de canton, est bâtie en amphithéâtre près de la rive droite du Rhône sur les flancs d'un rocher que couronne un ancien château fort restauré au XVIe siècle, et que Louis XIII habita, en 1629, pendant la révolte du Vivarais. C'est le centre d'usines métallurgiques qui produisent chaque année près
de 50 000 tonnes de fer. Là ont été construits un beau pont suspendu qui traverse le Rhône, et un viaduc dont les cinq arches, d'une ouverture de 56 mètres, supportent la voie ferrée qui relie maintenant Privas au chemin de fer de Lyon.
Villeneuve-de-Berg (2500 hab.), chef-lieu de canton, est située près de l'Ibie, petit affluent de l'Ardèche, et bâti sur un plateau qui domine le cours de la rivière. Une pyramide, élevée
au milieu de la place publique, rappelle le souvenir d'Olivier de Serres.
Viviers (2806 hab.), chef-lieu decanton et siège de l'évéché, est situé sur un coteau couronné par les ruines d'un vieux château-fort, et près du confluent de l'Escoutay et du Rhône; une ville nouvelle avec des rues droites et des constructions régulières s'est bâtie le long de la route impériale; la ville ancienne est triste et déserte; elle possède une cathédrale de style gothique, dont le clocher roman est classé parmi les monuments historiques, ainsi qu'un édifice appelé la Maison des chevaliers, un beau palais épiscopal, l'hôtel d'Albert de Noé, un monument de la Renaissance, et des restes d'anciennes fortifications. On y franchit le Rhône sur un pont en fil de fer. Viviers devint au ve siècle le siège épiscopal du pays des Helviens, puis plus tard la capitale du Vivarais. Au XVIe siècle, la ville se livra aux mains des protestants, fut reprise, en 1568, par les catholiques qu'elle chassa après la Saint-Barthélemy, et retomba définitivement en leur pouvoir en 1577.
Antraigues (1413 hab.), chef-lieu de canton, dont le nom indique sa situation au milieu des eaux, est situé sur un rocher basaltique que baignent trois ruisseaux limpides et torrentueux, la Bise, le Mas, la Volane, et au milieu de la plus pittoresque région du Vivarais; la vallée arrosée par la Volane est remarquable par ses basaltes. Non loin se trouve le cratère éteint du volcan de Crau. Les châtaigneraies et les pâturages fournissent ses principaux éléments au commerce d'Antraigues.
Bourg-Saint-Andéol (4516 hab.), chef-lieu de canton, est une ville commerçante et l'une des plus riches du Vivarais; son origine paraît être très-ancienne; la tradition rapporte que son patron y fut martyrisé au commencement du IIIe siècle sous le règne de Sévère; 1300 ans plus tard, Bourg-Saint-Andéol était assiégé et pris par le baron des Adrets pour le compte des protestants que les catholiques en chassèrent définitivement, deux siècles après. BourgSaint-Andéol possède une magnifique église romane, rangée parmi les monuments historiques et dans laquelle on admire un très-beau sarcophage gallo-romain. Aux environs se trouvent la curieuse fontaine de Tournes et les restes d'un monument élevé à un dieu ou à un héros dont l'état civil paraît embarrasser quelque peu les archéologues.
Rochemaure (1220 hab.), chef-lieu de canton, est située sur un plateau basaltique, non loin de la montagne de Chenavari, dont l'altitude est de 508 mètres, et à l'extrémité d'une chaîne qui, coupant le département dans la
direction du S.-E., vient mourir sur les rives du Rhône. Cette petite ville est bâtie avec des matériaux dont les volcans voisins, éteints maintenant, ont fait autrefois tous les frais d'extraction. Elle est dominée par les ruines imposantes d'un vieux château féodal, dont la plate-forme est riche en points de vue magnifiques et variés. Rochemaure communique avec le Dauphiné par un magnifique ponts uspendu, dont les détails architecturaux sont empruntés au style moresque, et qui traverse hardiment le Rhône. Les vins, les céréales, les muriers forment les principales productions de son territoire, et les moulins à soie sa première industrie.
Saint-Pierreville (1918 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive droite de la Glueyre, exporte une assez grande quantité de noix et de châtaignes; il s'y tient par an onze foires qui donnent lieu à un commerce important.
Les principales communes de l'arrondissement sont: Vals, Saint-Marcel, le Pouzin, Gluiras, le Teil, dont la population dépasse 2000 habitants.
ARRONDISSEMENT DE LARGENTIÈRE.
LARGENTIÈRE (3144 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est située à 42 kilomètres de Privas, au fond d'une gorge, et sur la rivière de la Ligne ; cette ville doit son nom aux mines de plomb argentifère qu'on y exploita du xe au XVe siècle. Les archéologues peuvent y étudier de curieux vestiges d'un an- cien château fort bâti sur l'emplacement d'un temple dédié à Jupiter, quelques maisons sculptées et de date ancienne, une église à trois nefs, de style romano-byzantin, qui est classée parmi les monuments historiques de la France, et des bas-reliefs gothiques d'une grande valeur. Les filatures de soie, les tanne- ries et les teintureries forment les principaux établissements industriels de cette ville; mais l'épuisement de ses filons argentifères lui a fait perdre l'unique cause de son ancienne prospérité.
Montpezat (2564 hab.), chef-lieu de canton, situé sur une montagne non loin de la forêt de Bauzon, possède une belle église rangée parmi les monuments historiques, une coutellerie et des moulins à soie.
Thueyts (2568 hab.), chef-lieu de canton, s'élève sur un plateau formé de laves, près de la rive gauche de l'Ardèche, et près d'un torrent que traverse un pont à deux rangées d'arcades superposées; ce torrent forme une double chute qui tombe d'une très-grande hauteur; le commerce de cette petite ville et son industrie portent sur le moulinage de la
soie et sur la vente des bestiaux et des châ- taignes.
Les Vans (2946 hab.) forment un chef-lieu de canton, situé sur la rive droite du Chassezac, dont il est séparé par des coteaux. Cette petite ville est fort ancienne et possède quelques édifices remarquables. Elle fait un commerce assez actif de soie, toiles, vins, huiles, provenant de l'industrie locale.
Vallon (2586 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche de l'Ardèche, au confluent de la rivière de l'Ibie et au milieu de plaines verdoyantes. Les ruines du vieux Vallon, communément appelées le Château de Chastelaz, flanquent le revers d'une colline et sollicitent le regard par leur aspect pittoresque. Non loin de Vallon, les touristes vont admirer le fameux Pont d'Arc, que la nature elle-même a jeté d'une rive à l'autre, à 60 mètres au-dessus des eaux tumultueuses de l'Ardèche.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Burzet (2726 hab.), Joyeuse (2576 hab.), SaintÉtienne-de-Lugdarès (1569 hab.), Valgorge (1252 hab.), et Cou-couron (1235 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Lablachère (2528 hab.) ; Jaugac (2509 hab.); Mayres (2451 hab.); Meyras (1593 hab.); Banne (2046 hab.); etc.
ARRONDISSEMENT DE TOURNON.
TOURNON (5509 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 50 kilomètres de Privas sur la rive gauche du Rhône, et en face de Tain, une commune du département de la Drôme avec laquelle elle communique par deux ponts suspendus. Cette petite ville est dominée par un ancien château transformé aujourd'hui en prison, et dans lequel on peut admirer une belle chapelle de style gothique. L'intérieur de Tournon ne répond pas à son aspect extérieur; néanmoins, ses rues et ses places sont animées, grâce à son port où se fait un grand commerce de vins fins de Saint-Peray et de bois de construction ; elle possède des moulins à soie et des fabriques d'impressions sur foulard. Son collége fut fondé en 1542 par le cardinal de Tournon et compte un certain nombre d'élèves. Tournon était autrefois un comté, le siège d'une justice royale, et sa fondation semble dater du VIIIe siècle.
Annonay (18 445 hab.), chef-lieu de canton, est agréablement bâti sur deux collines au conluent de la Déôme et de la Canse ; cette ville est importante par son industrie ; ses mégisseries, sa papeterie, ses moulins à soie, ses minoteries produisent annuellement pour plus de
30 millions de francs et occupent un très-grand nombre d'ouvriers. Annonay fait un actif commerce des bois expédiés de la Savoie et de la Suisse. C'est une ancienne ville, d'origine gauloise ou romaine (car les savants ne sont point d'accord sur ce point archéologique), que désolèrent les guerres de religion et la peste de 1585, mais que l'industrie a relevée de ses ruines. Sur une des places de la ville se dresse un obélisque élevé en l'honneur des frères Montgolfier, qui, indépendamment de leur célèbre découverte des aérostats, contribuèrent notablement au développement industriel de leur pays.
Saint-Agrève (3278 hab.), chef-lieu de canton est bâti sur le versant du Mont-Chiniac, dans l'une des plus belles régions du Vivarais, et domine un plateau couvert de forêts de pins qui s'étend entre les vallées supérieures du Doubs et de l'Erieux; c'est le marché des vins, huiles, savons et châtaignes des cantons voisins et des départements du Midi; le fer, les bois, les grains, les bestiaux y donnent lieu à un commerce très-suivi. Cette petite ville paraît avoir une origine très-ancienne, et fut fondée, dit-on, par Agrippanus, évêque du Puy.
Saint Peray (2710 hab.), chef-lieu de canton, est situé à 4 kilomètres du Rhône, sur un ruisseau qui arrose une délicieuse vallée ; là, 172 hectares de vignes sont cultivées avec profit, et produisent environ quinze cents pièces de vins blancs mousseux et non mousseux, qualifiés vins de Champagne du Midi; près de cette petite ville, on exploite les pierres de taille et les marbres bleus et roses des carrières de Crussol.
Vernoux (3202 hab.), chef-lieu de canton, est le centre d'un commerce considérable de draps, de marrons, de châtaignes, de chaux et de pierres detaille.
Le Cheylarcl (3422 hab.), chef-lieu de canton, bâti sur les bords de la Dorne et dans une étroite vallée, doit à un intelligent industriel, M. Chambon, d'avoir recouvré son ancienne prospérité. On y trouve maintenant des fabriques de soie et de foulards, des filatures de cotons et des tanneries.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Lamastre (3000 hab.); Saint-Félicien (2176 hab.); Saint-Martin-de-Valamas (1852 hab.); Serrières (1636 hab.), et Satillieu (2310 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont: Desaigne (3941 hab.); Saint-Victor (2204 hab.); Borée (1363 hab.); Saint-Martial (1889 hab.); Quintenas (1211 hab.), où s'élève une magnifique église romane à mâchicoulis avec un cloître dont la fondation est attribuée à Charlemagne.
ARDÊCHE.
Vue générale de Charleville. — Maison où naquit Turenne à Sedan. — Ancienne porte à Mézières.
Ruines du Château de Montcornet.
ARDENNES.
Situation. — Limites. — Aspect général.— Le département des Ardennes forme une partie de la frontière N.-E. de la France, du côté de la Belgique et du grand duché de Luxembourg. Il a pour limites : à l'E., le département de la Meuse; au S., celui de la Marne, et à l'O., celui de l'Aisne. Il doit son nom à l'ancienne forêt dont les restes couvrent encore sa partie septentrionale.
La région des Ardennes présente presque
partout un sol maigre et peu favorable à la végétation; il est jurassique dans la région centrale, calcaire dans les montagnes du N.-O. et du S.-E., et crayeux dans la portion S.-O. Sa partie septentrionale forme l'Ardenne proprement dite; c'est une contrée hérissée de montagnes que couronnent des forêts et tapissent des bruyères, et sur laquelle s'étendent de nombreux marais. Dans la région du S.-O. qui confine au département de la Marne, même
infertilité, même aridité; mais au lieu de montagnes, ce sont de vastes plaines nues, des landes marécageuses, que la science agricole transformera peut-être un jour. La portion centrale du département est celle des riches vallées arrosées par le cours fertile de l'Aisne; là apparaissent les champs de blé, les vignobles, les vergers, qui forment la richesse agricole des Ardennes. Entre Mézières et Sedan, une sorte de rempart naturel abrite les terres contre les vents humides du N. et du N.-O., et fait comme une petite Provence, où prospèrenttoutes sortes de cultures. En somme, le département des Ardennes offre des aspects très-variés, et présente une inclinaison générale du N. au S., quoique son principal cours d'eau, la Meuse, coule dans une direction précisément contraire. De sa configuration générale résulte un contraste frappant entre l'âpreté des flancs des vallées et les surfaces arrondies des masses ondulées qui forment son territoire.
Orographie. — Le département des Ardennes est traversé du S. au N. par une série de hauteurs qui comprennent une partie de l'Ar- gonne et les Ardennes-Occidentales. L'Argonne, ou la Forêt-de-l'Argonne se compose d'une suite de plateaux boisés de 300 à 400 mètres qui commencent dans le département de la Meuse entre Toul et Bar-le-Duc, et se prolongent dans celui des Ardennes jusqu'au Chêne-Populeux, en séparant les eaux de la Meuse de celles de l'Aisne, c'est-à-dire les deux bassins de la Meuse et de la Seine. Cette forêt, dans laquelle se rencontrent mille obstacles contre une invasion venant du N.-E., était autrefois coupée par plusieurs routes ; c'étaient les seules et très-difficiles communications du pays, que Dumouriez appelait en 1792 les Thermopyles de la France, et où il arrêta les Prussiens.
Depuis cette époque, des chemins toujours praticables ont été ouverts dans les anciens défilés, tels que ceux de Grandpré, de la Croixau-bois, du Chêne-Populeux. Le défilé de Grandpré, situé entre Varennes et Vouziers, longe la rive droite de l'Aisne; le défilé de la Croixau-bois conduit de Stenay, dans le département de la Meuse, à Vouziers, par Buzancy, et enfin celui du Chêne-Populeux sert de passage à une seconde route de Stenay à Vouziers, par Beaumont, et à la route directe de Sedan à Vouziers.
Au delà du Chêne-Populeux, la ligne de partage des eaux entre la Seine et la Meuse se continue jusqu'aux sources de l'Oise par les Ardennes-Occidentales qui traversent les plaines fertiles du Rethelois; c'est une succession de plateaux marécageux et de landes couvertes de
bruyères ou de genets qui se prolonge au N.
jusque dans le Luxembourg.
Les points culminants des Ardennes sont dans ce département les montagnes de l'arrondissement de Rocroy, élevées de 500 mètres, dont le point culminant est la Bergerie, au S.-E.
de Fumay; puis, ces hauteurs vont en diminuant vers l'O. former des plateaux profondément ravinés que découpent les vallées et le lit des rivières.
Hydrographie. — Le département des Ardennes est compris dans deux bassins : celui de la Meuse, dont les eaux s'épanchent vers la mer du Nord, et celui de la Seine qui s'ouvre sur la Manche. Le premier se compose du fleuve la Meuse et de ses affluents; le second de la rivière l'Aisne et des cours d'eaux qui s'y jettent.
La Meuse naît dans le département de la Haute-Marne, traverse celui de la Meuse, pénètre dans celui des Ardennes à l'E. de Beaumont, court vers le N. dans une vallée étroite, profonde, sinueuse, aux berges escarpées et boisées, en arrosant Mouzon, Sedan, Flise, Mézières, Charleville, Montharmé; puis, elle franchit une gorge profonde que surplombent les rochers des Dames de Meuse, hauts de 140 à 200 mètres, passe à Fumay, à Givet, à Charlemont, et quitte le département pour entrer en Belgique, après un cours de 262 kilomètres en France, dont 178 appartiennent au département des Ardennes. Les principaux affluents de la Meuse dans ce département sont à droite : 1° le Chiers, qui prend sa source dans le grandduché de Luxembourg, arrose Carignan, Douzy, et se jette dans la Meuse à 7 kilomètres audessus de Sedan; 2° la Semoy, qui sort du Luxembourg-Belge, arrose de ses eaux limpides Hautes-Rivières, Haulmé et Tournavaux, et se jette dans la Meuse vis-à-vis de Mon- thermé, après un cours de 25 kilomètres dans le département. A gauche, la Meuse reçoit : 1° le Bar, qui prend naissance dans l'Argonne, non loin de Buzancy, passe à Brieules, à Tannay où il est rejoint par le Canal-des-Ardennes, arrose Malmy, Chevenge, Villers, et se jette dans la Meuse, au-dessous de Donchery; son cours, obstrué de débris végétaux, est devenu impraticable à la navigation; 2° le Canal-desArdennes, qui réunit la Meuse à l'Aisne ; 3° la Sormonne, qui prend sa source dans le canton de Rocroy, absorbe l'Audry et le Thin, et se jette dans la Meuse, à Warcq, à 3 kilomètres au-dessous de Mézières.
L'Aisne descend du plateau de l'Argonne dans le département de la Meuse, coupe l'angle N.-E. du département de la Marne et entre
dans celui des Ardennes au-dessus d'Autry; elle arrose dans un cours de 92 kilomètres Autry, Vouziers, Attigny, Rethel, ChâteauPorcien, Asfeld-la-Ville, pénètre dans le département auquel elle a donné son nom, puis dans celui de l'Oise, où elle se jette dans cette dernière rivière. Ses affluents dans les Ardennes sont : 1° l'Aire, qui prend sa source dans le département de la Meuse, baigne Grand-Pré, et finit après un cours de 125 kilomètres; 2° la Vaux, qui sort de la forêt de Ligny, arrose Signy-l'Abbaye, Lalobbe, La Neuville, Wassigny, Hauteville, absorbe le Dommely, le Plumion, et se perd dans l'Aisne, à 4 kilomètres au-dessus de Château-Porcien; 3° la Retourne, qui arrose Bignicourt, Juniville, Saint-Remy, Haldicourt, Brienne, et dont le cours abondant et régulier alimente de nombreuses usines.
Le département des Ardennes renferme quelques étangs dans sa partie septentrionale, parmi lesquels on remarque ceux de Secheval et de Rocroy, et celui de Haut-Butté, dont on exploite la tourbe.
Climat. — Le climat du département des Ardennes est généralement froid; les pluies y sont fréquentes, et les bois entretiennent une humidité persistante dans l'atmosphère; les étés sont très-chauds pendant le jour, et souvent très-frais, quand le soleil est descendu sous l'horizon. Les vents du N., qui dominent dans cette contrée, contribuent à hâter l'arrivée de l'hiver et à en maintenir la durée.
Superficie. — Population. — La superficie du département des Ardennes est évaluée à 523 289 hectares, et sa population à 326 864 habitants, ce qui donne environ 62 habitants par kilomètre carré. Depuis le commencement du siècle, cette population s'est accrue de plus d'un quart.
Les habitants des Ardennes sont généralement bons, laborieux, intelligents; il n'est pas rare de voir des cultivateurs et des artisans acquérir une fortune par l'économie et le travail. Indépendamment du goût prononcé pour les spéculations de l'industrie et du commerce, les Ardennais ont une aptitude spéciale pour les sciences exactes; comme toutes les populations de la frontière du Nord de la France, ils ont constamment montré un dévouement héroïque à leur pays dans ses plus grandes calamités.
Agriculture. — Le département des Ardennes, qui n'avait autrefois pour ressources que les produits de ses immenses forêts, a pris rang depuis quelques années parmi les dé-
partements agricoles et manufacturiers de la France. Sur une étendue de 523 000 hectares, on en compte 300 000 de terres labourables, et 154 000 de bois, forêts, terres incultes, etc.
Par une méthode spéciale au pays, après la coupe d'un taillis, on brûle les branchages, les feuilles, tous les débris qui restent sur le sol; on laboure cette cendre sans craindre de blesser les racines d'arbres enfouis en terre; on l'ensemence en céréales, seigle, blé noir ou avoine, et l'on récolte pendant deux années; puis, quand les jeunes pousses viennent à sortir de terre, on abandonne ce terrain qu'un nouveau taillis ne tarde pas à couvrir.
Ce système, dit des Essarts, permet de gagner ainsi deux ans de récolte sans gêner la pousse des arbres, ni la retarder; les bois du département, d'ailleurs, ne sont, malgré leur étendue, que simples taillis exploités par coupes très-rapprochées.
De grands progrès ont été accomplis en agriculture dans le département des Ardennes ; l'industriel, devenu propriétaire rural, a employé le drainage à l'amélioration du sol sur tous les points du territoire. Néanmoins, les populations agricoles sont encore inférieures de plus d'un quart aux industriels et aux commerçants.
L'élève du bétail tient une place importante dans le département, qui compte près de 137 000 bêtes à corne. Cependant, ce chiffre est de beaucoup dépassé par celui des moutons qui s'élève à 600 000 têtes environ; le mouton des Ardennes est petit, mais supérieur pour la qualité de sa viande; on le croise maintenant avec le mérinos, et sa laine, qui est le meilleur produit d'une exploitation rurale, est fort recherchée; là est la grande richesse du département, et, de plus, grâce à l'engrais que ces animaux apportent, les campagnes incultes finiront par se transformer.
Le produit des animaux domestiques s'élève par an à 38 millions de francs, et la valeur totale de la production agricole dépasse 63 millions.
Mines, — Carrières. — Le département des Ardennes possède de nombreuses mines de fer et quelques mines de cuivre d'un assez fort rendement ; les principaux établissements où s'extrait le minerai de fer sont ceux de Grand-Pré, de Champigneulle, de Raucourt, de Brévilly, de Sedan, de Monthermé, de Flize.
Les carrières d'ardoises qui existent sur beaucoup de points du territoire, rivalisent avec celles de Maine-et-Loire. La pierre de taille, les grès, la pierre à chaux, les marnes sulfureuses, se rencontrent presque partout
dans ces terrains dont la richesse minérale est très-variée; la tourbe est fort commune dans la région du N., et la houille est exploitée près de Sedan. Cette ville possède également une source thermale assez estimée.
Industrie. — Commerce. — Les Ardennes doivent aux industrieuses aptitudes de leurs habitants d'occuper une place importante parmi les départements producteurs. En première ligne ligure l'industrie des laines, dont le centre principal est à Sedan; les manufactures de drap de cette ville occupent le premier rang entre toutes celles de l'Europe; 71 établissements, 10000 ouvriers, 67 millions de produits, telle est la part du département des Ardennes dans la fabrication des draps français, sans parler de celle des châles cachemires, des tissus mérinos, etc.
L'industrie métallurgique constitue le second élément de richesse des Ardennes; 172 mines sont exploitées, qui rendent 1 700 000 quintaux métriques de fer brut et occupent près de 1000 ouvriers; ce fer, traité au charbon de bois, est par cela même d'un prix élevé, mais de qualité bien supérieure au fer préparé à la houille. Quelques usines produisent également du cuivre pour une valeur qui dépasse 5 millions de francs. Des taillanderies, des clouteries emploient une nombreuse population ouvrière et donnent des produits recherchés.
L'exploitation des carrières d'ardoises et de marbre est très importante dans les Ardennes.
Les ardoisières de Deville et de Monthermé produisent 26 millions d'ardoises, celles de Fumay, 52 millions, celles de Rimagne, 44 millions. Les tourbières rendent 2540 quintaux métriques de combustible.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. —
Le département des Ardennes compte 7 routes impériales d'une étendue totale de 382 kilomètres, 9 routes départementales dont la longueur est de 211 kilomètres, et 2852 chemins vicinaux dont le développement est de 4492 kimètres. Du chef-lieu du département rayonnent 5 routes principales qui le mettent en communication directe avec Paris, Strasbourg, Cologne, Dunkerque et Bruxelles.
Les cours d'eau du département ont été améliorés pour la navigation par des canaux de dérivation. Il existe un canal de grande communication qui réunit la Seine au Rhin par l'Aisne et la Meuse, sous le nom de Canal-des-Ardennes; cette voie navigable part de Neufchâtel, remonte la rive droite de l'Aisne jusqu'à Semuy où elle jette un embranchement sur Vouziers par la rive gauche, et se dirige vers la ligne
de partage des deux bassins par une succession de 26 écluses qui l'élèvent à 79 mètres au-dessus de l'Aisne et à 17 mètres au-dessus de la Meuse; le bief de partage se trouve au Chêne-Populeux; 7 écluses font descendre ensuite ce canal par la vallée de la Bar jusqu'à Donchery sur la Meuse où il se termine; sa longueur totale est de 105 kilomètres dont 63 pour le versant de la Seine, 9 pour le bief de partage, et 21 pour le versant de la Meuse.
Le département des Ardennes est traversé du S.-O. au N. E. par un des embranchements de la ligne principale du réseau de l'Est de Paris à Strasbourg : c'est l'embranchement de Rheims à Philippeville par Mézières, qui a des stations à Le-Châtelet, Tagnon, Rethel, Amagne, Saulces, Launois, Poix-Terron, Boulzicourt, Mohon, Mézières, Charleville, Nouzon, Braux, Monthermé, Deville, Revin, Fumay, Haybes', Vireux et Givet.
De Mézières se détache un sous-embranchement, celui de Mézières à Thionville par Longuyon qui dessert les stations de Nouvion-surMeuse, Donchery, Sedan, Bazeilles, Douzy, Pourru, Sachy, Carignan, Blagny et Margut.
Ces diverses voies ferrées ont un développement de 176 kilomètres.
Un second sous-embranchement partant de Charleville se dirigera sur Valenciennes, et traversera la partie N.-O. du département.
Histoire. — Le pays des Ardennes était primitivement occupé par les Lingons et les Nerviens. Compris d'abord dans la Gaule-Belgique, il fit partie sous Honorius de la deuxième Belgique et fut rattaché aux pays rémois. Les Vandales, les Suèves et les Alains l'envahirent successivement, puis les Bourguignons, et enfin les Francs qui s'y maintinrent après la défaite de Siagrius et la chute de l'empire romain dans les Gaules. Sous les fils de Clovis, le territoire des Ardennes fut incorporé au royaume d'Austrasie, et par la suite au comté de Champagne, dans l'histoire duquel il se confond avec les départements de l'Aube et de la Marne.
L'immense forêt des Ardennes qui s'étendait autrefois sur la contrée était déjà, du temps de Tacite, le repaire d'une population assez mal famée, et les superstitions du moyen âge ont engendré de sombres légendes dans lesquelles saint Hubert et tous les animaux féroces de la création se partagent l'empire du pays avec les brigands et les fantômes.
Le département des Ardennes fut formé en 1791 d'une partie de la Champagne proprement dite avec le Rhetelois, de la principauté
de Sedan, d'un partie du Luxembourg et de quelques autres parcelles de territoire.
Hommes célèbres. — Les hommes célèbres du département des Ardennes sont: GERSON, l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ; ROBERT DE SORBON, le fondateur de la Sorbonne; le bénédictin MABILLON; le maréchal DE TURENNE; le compositeur MEHUL; le conventionnel BAUDIN; SAVART, membre de l'Académie des sciences; le chirurgien CORVISART; le ministre SAVARY, duc de Rovigo; le maréchal. MACDO- NALD; le général BERTON; le médecin BUCHEZ, président de l'Assemblée constituante en 1848; et parmi les contemporains : DE WAILLY, membre de l'Institut; l'archéologue LÉON RENIER, membre de l'Institut; le littérateur H. TAINE; l'éditeur HACHETTE; etc.
Divisions administratives. — Le département des Ardennes est divisé en cinq arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Mézières. 7 cant. 99 comm.
— Rocroy. 5 — 69 — — Rethel. 6 — 108 — — Vouziers. 8 — 121 — — Sedan. 5 — 81 — 31 cant. 478 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de la 4e division militaire dont le siège est à Châ- lons.
Dans l'ordre ecclésiastique, il fait partie du diocèse de Reims, où se trouve le siège de l'archevêché, et comprend 46 cures, 515 succursales, et un petit séminaire à Charleville.
La justice est rendue par 5 tribunaux de première instance siégeant aux chefs-lieux d'arrondissement et par les deux tribunaux de commerce de Charleville et de Sedan, qui ressortissent de la Cour impériale de Metz.
Le département des Ardennes ne possède pas de lycée, mais des colléges communaux à Charleville et à Sedan, une école normale d'instituteurs à Charleville, un cours normal d'institutrices à Mézières, et 720 écoles publiques libres; il ressortit à l'Académie de Douai; l'instruction y est très-généralement répandue, et les neuf dixièmes des jeunes gens inscrits pour la conscription savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département des Ardennes: ARRONDISSEMENT DE MÉZIÈRES.
MÉZIÈRES (5818 hab.), préfecture et chef-lieu du département, est située à 235 kilomètres
de Paris, au pied d'une colline, et sur la rive droite de la Meuse qui la sépare de Charleville.
Mézières, place de guerre de première classe, est importante seulement par ses fortifications et sa citadelle; la ville est mal bâtie, mais on y admire une belle église des xve, XVIe et XVIIe siècles, remarquable par la hardiesse de ses voûtes et le style flamboyant des fenê- tres de son al side. L'industrie de Mézières, restreinte à la taillanderie et à quelques tan- neries, n'engendre qu'un très-petit nombre d'affaires, et son commerce est presque nul.
Mézières, simple bourgade dont l'origine paraît remonter à la fin du IXe siècle, fut peuplée au XIIIe siècle par des Liégeois, et passa sous la suzeraineté des seigneurs de Rethel.
En 1521, Bayard y résista pour le compte du duc de Bouillon pendant six semaines et avec quelques centaines de soldais contre 35000 impériaux. La ville fut assiégée en 1815 parles Prussiens, et ne se rendit qu'après quarantedeux jours de tranchée ouverte. Louis XVIII l'en récompensa en donnant à sa garde nationale l'étendard du chevalier Bayard.
Charleville (11 244 hab ), chef-lieu de canton, est située sur la rive gauche de la Meuse, en face de Mezières, dont elle n'est distante que d'un kilomètre, et avec laquelle elle communique par un pont. Cette ville, dominée au N par le Mont Olympe et régulièrement bâtie, a de jolies promenades, une bibliothèque importante, et pour principal monument son église paroissiale, qui appartient au style roman de transition. Son industrie est trèsactive; ses clouteries, ferronneries, hautsfourneaux, fonderies de fer et de cuivre, ses exploitations du calcaire hydraulique et de la terre à brique, lui procurent un chiffre considérable d'affaires. Elle fabriquait autrefois des armes de guerre, mais cette manufacture, créée à la fin du XVIIe siècle, a été supprimée en 1860. Charleville est d'origine moderne; elle n'a que deux cent cinquante ans d'existence, et a été fondée en 1606 par Charles, duc de Nevers, qui lui a donné son nom.
Flize (380 hab.), chef-lieu de canton, a d'importantes exploitations de cendres sulfureuses, et possède un magnifique château dont les jardins ont été dessinés par le célèbre Le Nôtre.
Monthermé (2550 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive droite de la Meuse, dans la partie du territoire où cette rivière offre les sites les plus variés. L'industrie métallurgique, l'exploitation des carrières d'ardoises et de cailloux pour l'empierrement des routes, y occupent une nombreuse population ouvrière.
Son église paroissiale, dont la reconstruction
date du XIIe siècle, offre de magnifiques boiseries à l'admiration des sculpteurs.
Signy-l'Abbaye (2962 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans une région très-boisée; on y trouve quelques restes d'une abbaye fondée au XIIe siècle sous l'inspiration de saint Bernard, et dont l'emplacement est occupé aujourd'hui par une usine. Signy possède des établissements métallurgiques, des manufactures de laine et des fabriques de châles. Aux environs se trouvent les sources de la Vaux, connues sous le nom de Gibergeon et de la Source-aux-Mortiers.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Omont (421 hab.), qui a conservé les vestiges d'un ancien château fort bâti au IXe siècle par Foulques, archevêque de Reims, et Renwez (1642 hab.), où des carrières de quartz sont en exploitation.
Les principales communes de l'arrondissement sont Gespunsart, Nouzon, Hautes-Rivières , Braux, dont la population dépasse 2000 habitants.
ARRONDISSEMENT DE ROCROY.
ROCROY (2998 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, situé à 26 kilomètres de Mézières, est une place forte de deuxième classe construite dans une haute plaine entourée de tous côtés par des marais et par la forêt des Ardennes. Son commerce et son industrie sont peu importants ; ses principaux établissements sont les forges de Saint-Nicolas et une fonderie de projectiles. Simple hameau jusqu'au XVIe siècle, fortifié par François 1er, Rocroy prit rangde cité sous Henri II. Quelques jours après l'avénement de Louis XIV, les Espagnols étant venus investir la place, le jeune duc d'Enghien et Gassion les défirent le 19 mai 1643 dans une bataille qui porta un coup mortel à la puissance de l'Espagne. Cependant, dix ans après, Condé, trahissant alors la cause de la France, reprenait Rocroy à la tête des Espagnols, et il fallut le traité des Pyrénées pour remettre définitivement cette ville au pouvoir de Louis XIV. En 1815, la garde nationale de Rocroy défendit la place pendant un mois contre 10 000 Prussiens.
Fumay (4099 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive gauche de la Meuse entre des montagnes à pic couvertes de forêts et hérissées de rochers, est le centre d'une exploitation de carrières d'ardoises très-importantes, et dont l'une, l'ardoisière du Moulin-Sainte- Anne, fouillée sur une longueur de 500 mètres, fournit annuellement 35 millions de produits.
Givet (5801 hab.), chef-lieu de canton, se compose de trois parties : le Grand-Givet, sur
la rive gauche de la Meuse, le Petit-Givet ou Givet-Notre-Dame, sur sa rive droite, au confluent de la Houille, et la Citadelle-de-Charle- mont, bâtie par Charles-Quint sur un rocher à pic, à 215 mètres au-dessus de la rive gauche du fleuve. Givet, qui faisait autrefois partie du Luxembourg, devint ville française en 1699 et fut fortifié par Vauban. Les Prussiens s'en emparèrent en 1815, mais ils échouèrent devant Charlemont. Cette ville forte possède un remarquable édifice, l'église de Saint-Hilaire, qui est l'œuvre de Vauban; elle a d'importantes fabriques de colle forte, de crayons, de pipes de terre, etc.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Rumigny (858 hab.), où s'élève la Chapelle de la Houssaye, lieu de pèlerinage très-fréquenté des fidèles, et Signy-le-Petit (2138 hab.), où se trouvent des usines métallurgiques, des carrières de moellons et des fabriques de noir animal.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Hargnies (1692 hab.); Rimogne (1769 hab.), où se trouvent des ardoisières très-importantes qui emploient 600 ouvriers et produisent annuellement 44 millions d'ardoises; Revin (3208 hab.), où deux beaux ponts suspendus traversent la Meuse; etc.
ARRONDISSEMENT DE RETHEL.
RETHEL (7400 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 41 kilomètres de Mézières sur une montagne près de la rive droite de l'Aisne; cette ville n'a rien de remarquable, quoique de nombreux édifices publics y aient été bâtis. Parmi les constructions d'origine ancienne, on peut citer l'église paroissiale, formée de deux églises soudées latéralement, qui datent des XIIIe, xve et XVIe siècles, une vieille chapelle des Minimes, une tour octogonale élevée à l'E. de la ville et attribuée aux Romains qui l'auraient bâtie pour défendre le passage de l'Aisne. Rethel, ville très-ancienne, du reste, après avoir eu ses comtes particuliers, passa par des mariages successifs dans la maison de Duras qui la garda jusqu'à la Révolution. C'était autrefois une place forte; Turenne et les Espagnols furent battus sous ses murs en 1650 par le maréchal de Plessis-Praslin. Rethel fabrique des tissus légers et des mousselines; c'est le centre d'une grande industrie de tissage et de peignage de laines, qui occupe environ 8000 ouvriers.
Château-Porcien (1964 hab.), chef-lieu de canton, est situé partie sur une île de l'Aisne, partie sur la rive droite de la rivière, et dominé par les ruines d'un vieux château jadis construit sur une roche escarpée; des fouilles
pratiquées près de cette petite ville ont amené la découverte d'un grand nombre de débris de l'occupation romaine.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Asfeld (1151 hab.), dont l'église moderne n'est qu'une mauvaise imitation de la basilique de Saint-Pierre, à Rome, Chaumont-Porcien (1104 hab.), Juniville (1354 hab.), et Novion- Porcien (1203 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Tagnon (1329 hab.), où l'on admire une remarquable église du XIVe siècle; VieilSaint-Remy (1301 hab.), où se voient les vestiges d'une route romaine; etc.
ARRONDISSEMENT DE VOUZIERS.
VOUZIERS (3073 hab.), sous-préfecture et cheflieu de canton, est situé à 52 kilomètres de Mézières, sur la rive gauche de l'Aisne et dans une contrée fertile. Cette ville est bien bâtie, et possède une église du XVe siècle comprise dans les monuments historiques. On fabrique à Vouziers beaucoup d'ouvrages de vannerie, et on y fait un grand commerce de bestiaux, de sel, de houille et d'ardoises. Vouziers, au xve siècle, ne consistait qu'en un petit village auquel François 1er octroya des lettres patentes pour l'établissement d'un marché aux grains qui prit bientôt une importance considérable.
Attigny (1679 hab.), chef-lieu de canton, est situé près du Canal-de-l'Aisne à la Meuse; son marché est un des plus considérables pour les céréales ; les industries de la briqueterie, de la tannerie, de la filature de laines y prospèrent. Cette petite ville fut importante autrefois, sous les rois des deux premières races ; Clovis II y bâtit un palais que ses successeurs habitèrent souvent, et c'est là, qu'en présence de Charlemagne, le chef des Saxons, Witikind, reçut le baptême en 786. Plus tard, Attigny passa entre les mains des archevêques de Reims et déchut de sa prospérité.
Buzancy (862 hab.), chef-lieu de canton, formait une baronie au VIIe siècle; il est dominé par un édifice carré nommé la Mosquée de Mahomet, construite par un seigneur de Buzancy en souvenir de sa captivité en Palestine.
On exploite dans cette petite ville des carrières de marbre calcaire.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Le Chesne (1548 hab.), Grandpré (1482 hab.), Ma- chault (724 hab.), Monthois (616 hab.), et Tourteron (584 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Voncq (1012 hab.), dont les vignobles sont assez estimés dans la contrée ; Sauville (1080 hab.), qui possède une remarquable église et des tumuli fort curieux; etc.
ARRONDISSEMENT DE SEDAN.
SEDAN (15 057 hab.), sous-préfecture etcheflieu d'arrondissement, divisé en deux cantons, est situé à 22 kilomètres de Mézières sur la rive droite de la Meuse, dans un terrain inégal et environné de prairies. Cette petite ville, peu régulière, mais bien bâtie, a des rues propres, de belles promenades, plusieurs places, sur l'une desquelles s'élève la statue de Turenne, mais elle ne possède aucun édifice remarquable. Sedan, une des plus importantes places de guerre de la France, renferme des casernes, un arsenal, un hôpital militaire; c'est en même temps l'un des centres les plus actifs de la fabrication des draps et autres étoffes de laines qui occupe plus de 6000 ouvriers; on y construit des machines à vapeur; son commerce est alimenté par les produits de ses manufactures, les graines, les bestiaux, le chanvre, etc. En 1642, le maréchal Fabert, qui en avait pris possession au nom de Louis XIV, fit venir des ouvriers drapiers de Hollande et fonda les premières manufactures de Sedan; cette industrie se développa avec une telle force, qu'elle put résister aux terribles proscriptions qui suivirent la révocation de l'édit de Nantes.
Mouzon (2288 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive droite de la Meuse; cette ville est très-ancienne et fut fortifiée jadis; s'il faut en croire la tradition, elle existait au temps de la domination romaine et fut plus tard donnée par Clovis à Saint-Remy. Elle possède une remarquable église du XVe siècle, classée parmi les monuments historiques.
Mouzon a des filatures de laine, des fabriques de draps et des tanneries.
Carignan (2051 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Chiers, portait autrefois le nom d'Ivoi et était compris dans le Luxembourg français; cette petite ville fut donnée par Louis XIV au comte de Soissons, l'un des seigneurs de la maison de Savoie, qui l'érigea en duché-pairie sous le nom de Carignan. Les fonderies, les laminoirs, les fouleries, les fabriques de pointes et d'épingles forment ses principaux établissements industriels.
Raucourt (1593 hab.), chef-lieu de canton, exploite des carrières de pierres de taille, et son territoire renferme quelques filons de minerai de fer.
Les principales communes de l'arrondissement sont Floing, Gironne, Saint-Menges, Balan, Donchery qui possède des mines métallurgiques, Rubécourt, où fonctionnent des scieries de marbre, Beaumont, Bazeilles, Vrigne-aux-Bois, et Douzy, dont la population dépasse 1500 ha- bitants.
ARDENNES
Le château de Foix.
ARIÉGE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Ariège est placé sur le revers septentrional des Pyrénées dans le versant de l'océan Atlantique. Il a pour limites: au N. et à l'O., le département de la Haute-Garonne; au S., les Pyrénées qui le séparent de l'Espagne et de la vallée d'Andorre; à l'E., le département de l'Aude.
L'Ariége offre deux régions distinctes : au S., c'est un haut pays, étagé sur le versant py-
rénéen, qui descend vers le N. par une série de gradins jus qu'à la plaine ; les eaux, arrêtées dans leur course par les ramifications de la grande chaîne, tantôt s'y précipitent de cascade en cascade, tantôt s'accumulent dans les bassins naturels que leur offrent les cirques pierreux des montagnes; le piéton peut seul parcourir les vallées de cette curieuse et magnifique contrée, où les précipices, les roches éboulées, les torrents se rencontrent à chaque pas.
Au N., entre le Salat et l'Ariége, la région basse présente un plateau coupé de nombreux vallons généralement parallèles entre eux ; là seulement apparaissent avec l'agglomération de la population les produits d'une culture régulière; là, les sites charmants, les aspects inattendus produisent les plus pittoresques effets et contrastent avec les gorges abruptes, incultes, sauvages, capricieuses, que dominent des sommets neigeux; le haut pays, qui était autrefois couvert d'épaisses forêts, montre aujourd'hui des parties entièrement dénudées; les noms si fréquents d'Arce, d'Ersé indiquent que ces bois, plusieurs fois séculaires, ont été peu à peu détruits par des incendies. Les pâturages sont très-beaux dans cette portion accidentée du département et s'élèvent jusqu'à la région des neiges.
Orographie. — C'est aux Corbières-Occidentalcs et aux Pyrénées-Centrales que se rattachent les montagnes de l'Ariége, sous forme de contre-forts confusément enchevêtrés les uns dans les autres ; la plupart de leurs crêtes sont inabordables ; pendant une partie de l'année les mulets peuvent se hasarder dans les sentiers abrupts qui traversent cette difficile région, mais, la plupart du temps, les contrebandiers ont seuls le pied assez sûr pour s'aventurer sur les dangereuses passes de la frontière.
Les points culminants des Pyrénées-Centrales sont le Pic-de-Carlitte, dont l'altitude est de 2921 mètres, le Pic-d'Estats et le Pic-de-Mont- calm, qui dépassent, dans la vallée de Vicdessos, 3000 mètres de hauteur, le Pic-de-Fontargente, qui atteint, à l'extrémité du vallon d'Aston, une élévation de 2788 mètres; les plus basses sommités de la chaîne ne descendent pas au-dessous de 2400 mètres, et son épaisseur est de 40 à 50 kilomètres.
Les Corbières-Occidentales qui dessinent en partie la limite orientale du département y jettent deux rameaux importants, tous les deux parallèles à la chaîne pyrénéenne; le premier a son point culminant au S.-E. de Tarascon, au Pic-de-Saint-Barthélemy, haut de 2349 mètres, qui va en s'abaissant jusqu'aux rives de l'Ariége , puis se redresse de l'autre côté pour finir à l'E. de Saint-Girons; le second chaînon, d'une altitude moyenne de 500 à 800 mètres, passe au-dessous de Lavelanet, de Foix, de Mas-d'Azil, et l'Hers, la Lectouire, la Douctouire, l'Ariége, l'Arize y creusent leurs sinueuses vallées.
Il existe dans le département un grand nombre de ports ou cols qui mettent l'Ariége en communication avec l'Espagne et la répu-
blique d'Andorre; ce sont pour la plupart des sentiers difficiles, praticables seulement pendant quelques mois de l'année; les principaux sont les ports d'Andorre, de Frey-Miquel, de Puy-Maurin, de Fontargente, qui aboutissent plus ou moins directement à la vallée d'Andorre; les ports de Bouet, de Tabascan, d'Ustou, de Saleau, qui donnent passage jusqu'en Espagne, et les ports d'Orle et de la Hourquette, qui conduisent à la vallée d'Aran.
Hydrographie. — Le département de l'A- riége, situé dans l'angle que forment les Corbières-Occidentales avec les Pyrénées-Cen- trales, appartient naturellement au versant de la Garonne , sauf pour une très-petite partie du cours de l'Aude.
L'Aude sort des Pyrénées-Orientales, coupe l'angle S.-E. du département en arrosant un coin du canton de Quérigut, puis entre dans le département auquel elle a donné son nom, et va se jeter dans la Méditerranée près de Vendres.
Les autres principaux cours d'eau du département, tributaires de la rive droite de la Garonne, sont le Salat, l'Arize et l'Ariége.
Le Salat, qui naît au pied de la montagne des Guns, au-dessus du hameau de Saleau, dans le canton d'Oust, coule sur un lit qu'enserre une double ligne de rocs escarpés, descend vers le N. jusqu'au confluent de l'Arac, puis fléchit à l'O., baigne Saint-Girons, dont son bassin forme l'arrondissement presque tout entier, et passe ensuite dans le département de la HauteGaronne, où il se termine, après avoir reçu, dans un cours de 78 kilomètres, l'Aleth, l'Es- tours, l'Esthinthe, le Garbel, le Nert, le Baup et le Gouareze; à Saint-Girons, il reçoit le Lez, rivière formée de nombreux cours d'eau venus de la ceinture septentrionale du val d'Aran, qui absorbe l'Araing, l'Orlé, le Rivarot, le Betmale, la Bouigane, et arrose la vallée de Biros, Sentein, Bonnac et Castillon.
L'Arize, qui sort du mont d'Esplas dans le canton de Saint-Girons, coule sur un étroit lit semé d'écueils, baigne Forges-d'Estaguel, la Bastide-de-Sérou, Durban, disparaît tout à coup dans la célèbre grotte de la Roche-duMas dont l'ouverture mesure 80 mètres de hauteur, 50 mètres de largeur et 500 mètres de longueur, puis reparaît, descend peu après vers le N. O., arrose Mas-d'Azil, les Bordes, et va finir hors du département, après avoir reçu l'Aujol.
L'Ariége vient d'un étang situé au pied du Picde-Frey-Miquel, sur la limite de la vallée d'Andorre, coule d'abord à l'E. dans un défilé étroit et sauvage, puis descend vers le N. jusqu'à Ax,
d'où il est rejeté à l'O. par un rameau des Corbières-Occidentales, en baignant Savignac, Lassus et les Cabannes; à Tarascon, l'Ariége reprend la direction du N., arrose Foix, Varilhes, Pamiers, Saverdun, et entre ensuite dans le département de la Haute-Garonne, sans qu'aucune partie de son cours ait été navigable ; ses affluents sont le torrent de Nabre, l'Orlu, qui s'y jette à Ax, l'Aston, le Vicdessos qui finit à Tarascon, le Larget qui se perd un peu au-dessous de Foix, et enfin l'Hers qui descend du mont Saint-Barthélemy, se grossit de nombreux cours d'eau, tels que la Lectouire et la Douctouire, arrose Belesta, Mirepoix, et va finir hors du département.
Les montagnes de l'Ariége renferment un grand nombre de lacs et d'étangs, parmi lesquels on peut citer ceux de Lanoux, de Fontar- gente et de Saint-Barthélemy, qui sont riches en truites saumonées.
Climat. — Le climat, généralement doux au N. dans le bas pays, subit au S. des variations très-grandes de froid et de chaud ; l'hiver, parfois, se montre tellement rigoureux dans les montagnes, que les habitants sont obligés de déserter leurs villages. Les vents qui dominent sont ceux du N.-O., de l'E. et du S.-E. De fréquents orages éclatent pendant les mois de mai et d'août, et les arrondissements de Pamiers et de Saint-Girons sont souvent éprouvés par des grêles furieuses, très-redoutées des cultivateurs.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Ariége est de 489 387 hectares, et sa population de 250 436 habitants: ce qui donne environ 51 habitants par kilomètre carré. Depuis 1800, l'accroissement de la population a été de 55 400 habitants.
Les Ariégeois qui habitent le haut pays, sans communications faciles avec les territoires voisins, ont conservé toute l'originalité des anciennes mœurs; ce sont des hommes de race ibérique, fiers et indépendants, supportant avec dignité la misère et les privations; ils font de bons soldats, déjà endurcis à toutes les fatigues; mais sur l'extrême frontière, les contrebandiers qui passent en fraude le tabac et les laines sont des gens insoumis et en rébellion perpétuelle avec les autorités. Dans la plaine, l'Ariégeois se rapproche du Gascon et du Languedocien ; il n'a plus de caractère tranché et remplace par la finesse et la souplesse les âpres et franches vertus du montagnard.
Le costume distingue facilement l'habitant du haut pays de celui de la plaine. Dans la
vallée de Betmale, au S. de Castillon, les vieil- lards portent la petite culotte rouge et le gilet blanc bordé d'écarlate ; les femmes ont une coiffe blanche avec bavolet, et par-dessus la coiffe un léger bonnet rouge orné de rubans; elles sont vêtues d'un justaucorps et d'une jupe rayée de rouge et de blanc, et chaussées de sabots à pointe recourbée.
Agriculture. — Le département de l'Ariége n'a que 153 000 hectares de terres labourables; les bois, les étangs, les terres incultes en com- prennent 157 000, et les pâturages, les landes, plus de 129 000; la superficie des prairies na- turelles est de 36 000 hectares, celle des vi- gnobles de 12 000 environ.
Cette statistique indique immédiatement le caractère de l'exploitation agricole ; c'est l'é- lève du bétail qui prédomine; on compte en effet près de 426 000 moutons, 92 000 bêtes à cornes et 63 000 porcs; le nombre des ânes et des mulets dépasse un peu celui des chevaux qui n'est que de 8000.
Les forêts exploitées sans mesure pour l'usage des usines métallurgiques ont disparu sur beaucoup de points, et l'on est réduit à faire aujourd'hui du reboisement une question d'intérêt général.
L'Ariége n'a pas de grandes propriétés; chacun y possède une parcelle de terre, et le nombre de ces parcelles s'élève a près de 1 200 000.
Ce morcellement s'explique par le caractère du pays et fait comprendre en même temps la pauvreté des habitants. L'agriculture ne peut fournir un travail suffisant aux populations rurales; aussi, les villages de la région haute se dépeuplent-ils d'une manière sensible ; quelques-uns même ont été tout à fait abandonnés , et les montagnards ont émigré dans la Haute-Garonne, dans les Pyrénées-Orientales et en Espagne.
Une ferme-école a été établie à Royat, près de Montaut, dans l'arrondissement de Pamiers.
La valeur totale de la production agricole n'est annuellement que de 26 millions et demi de francs.
Mines. — Carrières. — Le département de l'Ariége est riche en mines de plomb argentifère, de cuivre, de manganèse, mais surtout en mines de fer, qui s'exploitent près de Tarascon, de Cabannes, d'Aulus, de Sem. L'alun est extrait à Mas-d'Azil, l'albâtre dans les montagnes, le grès à Pamiers, la pierre à aiguiser à Oust, le marbre à Belesta. Les eaux du Salat, de l'Arize et de l'Ariége ont longtemps charrié des paillettes d'or; le nom latin du département, Auriga, prouve qu'au temps des Romains son
principal cours d'eau roulait des parcelles du précieux métal.
Les sources minérales thermales sont assez communes; on peut citer parmi les eaux sulfureuses qui sont très-fréquentées, celles d'Ax, d'Aulus, d'Ussat, d'Audinac, etc.
Industrie. — Commerce. — Le département de l'Ariége a cherché dans l'industrie les ressources que l'agriculture lui refusait. Ses moutons, heureusement, lui fournissaient une laine abondante, et pour la fabrication des draperies communes, il a pu prendre rang parmi les quatorze départements producteurs de la France; on évalue la valeur de cette industrie à 2 500 000 francs, et le nombre des ouvriers qu'elle occupe à 1800 environ.
Pendant longtemps, l'Ariége a tenu une place importante en France dans la fabrication du fer; mais le manque de combustible a arrêté cette industrie; aujourd'hui, une seule mine, celle de Rancié dans la commune de Sem, est exploitée ; elle fournit près de 158 000 quintaux métriques de minerai, qui alimentent de nombreuses usines et des hauts fourneaux; leurs produits sont regardés comme les meilleurs pour la fabrication de l'acier; une mine d'alun, en cours d'exploitation à Mas-d'Azil, donne d'excellents produits.
Les carrières de marbre noir, de brèche violette, de marbre blanc, de marbre statuaire et de grès sont abondantes , et n'attendent pour fournir des revenus assurés qu'une plus grande facilité de communications.
Les fabriques de tabletterie, de savon, de produits chimiques, d'objets de corne et de buis, de jaiet, de papiers communs, etc., sont nombreuses dans l'Ariége.
Le commerce s'est concentré dans les villes et surtout au N. du département; c'est avec la Haute-Garonne que l'Ariége a les relations les plus suivies et échange les produits de l'in- dustrie locale ; d'autre part, c'est par les ports ou cols de la chaîne pyrénéenne que l'Espagne amène de France une partie des moutons et des mulets qui lui sont nécessaires.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département de l'Ariége a 4 routes impériales d'une étendue de 285 kilomètres; la première vient de Toulouse en remontant la Garonne par Saverdun, Pamiers, Foix, et se prolonge jusqu'aux Pyrénées par Tarascon, Ax et Hospitalet, d'où elle pénètre en Espagne; la deuxième se dirige à l'O. sur SaintGaudens par la Bastide et Saint-Girons; la troisième quitte la première entre Foix et Tarascon et conduit à Perpignan par Belesta.
Il existe aussi 15 routes départementales d'une longueur de 326 kilomètres, et 1403 chemins vicinaux dont le développement dépasse 3400 kilomètres.
Le département de l'Ariége n'a pas de voies réellement navigables ; il est question de construire un canal d'irrigation dans sa partie inférieure.
Ce département est desservi : 1° par un embranchement du réseau du Midi, détaché de la ligne de Bordeaux à Cette; c'est l'embranchement de Toulouse à Foix qui a des stationsà Saverdun, Vernet d'Ariége, Pamiers et Varilhes; 2° par un sous-embranchement de Boussens à Saint-Girons, qui traverse la partie O. du département, et a des stations à Caumont, Prat et Bonrepos.
Ces diverses voies ferrées offrent un parcours de 46 kilomètres.
Histoire. — L'histoire du département de l'Ariége, c'est l'histoire même de l'ancien comté de Foix, lequel, par sa position, a forcément participé à celle du Languedoc et s'est trouvé mêlé aux événements de ce vaste territoire.
Le comté de Foix, avant la domination romaine, fut habité par les Volces Tectosages, au N., et par les Conserans, au S. La partie occupée par les Volces, après l'entrée des Romains en Gaule, fut comprise, sous Auguste, dans la Narbonnaise, sous Honorius, dans la Lyonnaise 1re, et enfin, au IVe siècle, dans la Narbonnaise 1re, tandis que le Conseran formait une des portions de la Novempopulanie.
En 379, ce pays passa des mains des Romains sous la domination d'Alaric, roi des Visigoths, que Clovis chassa après la bataille de Vouillé, au commencement du VIe siècle. Mais, avant d'être définitivement réuni à la couronne de France, le territoire de l'Ariége devait encore appartenir aux Sarrasins, qui furent chassés par Charlemagne, le héros légendaire de ces montagnes, et dont le Val-Carol rappelle à la fois le nom et le souvenir.
Après le démembrement de l'empire, le pays se constitua en comtés et appartint successivement aux comtes de Toulouse, aux comtes de Barcelonne et aux comtes de Carcassonne.
Le premier comte de Foix fut Bernard, tige de la grande famille qui depuis Henri IV a donné tant de rois à la France. Sous Raymond-Ro- ger Ier, un des successeurs de Bernard, le comté se déclara pour les Albigeois et soutint la cause de l'indépendance du Midi contre les hommes du Nord que les rois de France entraînaient à leur suite. Le pays fut saccagé, ravagé jusqu'en 1229, date du traité de Paris, par
lequel Bernard II reconnut la souveraineté de Louis IX et rentra dans la possession de ses États.
En 1290, Bernard III épousa l'héritière du Béarn; les deux pays furent définitivement réunis par ce mariage, et plus tard, en 1425, le Bigorre leur fut adjoint par l'acquisition qu'en fit la maison de Grailly, alors maîtresse de cette contrée. La dernière héritière des Grailly épousa Jean de Navarre, père d'Henri II de Navarre, dont la fille, épouse d'Antoine de Bourbon, fut la mère d'Henri IV. Ainsi donc, en montant sur le trône de France, Henri IV joignit à sa nouvelle couronne les comtés de Foix, de Bigorre et de Navarre.
A l'époque où se lit la nouvelle division de la France, le département de l'Ariége fut formé du comté de Foix tout entier, et d'une partie de la Gascogne et du Languedoc.
Hommes célèbres. — Les principaux hommes célèbres nés dans ce département sont: le pape BENOÎT XII; GASTON DE Foix; l'écrivain PIERRE BAYLE; le maréchal de THERMES ; le conventionnel LA KANAL, qui eut une grande part à la constitution du haut enseignement en France ; le maréchal CLAUSEL; le romancier FRÉDÉRIC SOULIÉ; et parmi les contemporains; l'auteur dramatique LATOUR-SAINTYBARS.
Divisions administratives. — Le département de l'Ariége forme trois arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arr. de Foix 8 cant. 139 coram.
— de Saint-Girons. 6 — 83 — — dePamiers. 6 — 113 — 20 cant. 335 comm.
Il forme la 2e subdivision de la 11e division militaire dont le siège est à Perpignan.
Ce département appartient au diocèse de Pamiers, siège de l'évêché et suffragant de l'archevêché de Toulouse; il possède un grand et un petit séminaire à Pamiers, 22 cures et 301 succursales. Les protestants y ont 12 temples. Les juifs, peu nombreux d'ailleurs, appartiennent à la circonscription de Bayonne.
La justice est rendue par 3 tribunaux de première instance qui siègent aux chefs-lieux d'arrondissement, et qui ressortissent à la cour impériale de Toulouse.
L'instruction publique possède des colléges communaux à Foix, à Pamiers, à Saint-Girons, une école normale d'instituteurs à Foix, et 304 écoles libres, qui dépendent de l'Académie de Toulouse. La moitié des jeunes gens inscrits pour le tirage au sort ne sait ni lire ni écrire.
Description des villes. — Les principales localités du département de l'Ariége sont :
ARRONDISSEMENT DE FOIX.
Foix (6746 hab.), chef-lieu de préfecture et du département, est situé sur l'Ariége au confluent du Larget, à 752 kilomètres de Paris.
Cette ville est fort ancienne, si l'on s'en rapporte aux traditions, et existait déjà au VIIIe siècle; elle est construite irrégulièrement et dominée par un rocher élevé de 58 mètres, sur lequel se dressent encore trois grandes tours gothiques, antérieures au xve siècle, qui faisaient partie de l'ancien château des comtes de Foix. Ces ruines sont à juste titre classées parmi les monuments historiques; ce sont les restes imposants d'un château qui a supporté bien des sièges, notamment en 1210 et 1272, et qui, quatre siècles plus tard, devint la prison et le tombeau du pape Benoît XIII. La ville offre peu d'édifices remarquables; on ne peut guère citer que l'église gothique de Saint Volusien et les chapelles qui entourent son chœur semi-circulaire. L'ancien château des gouverneurs sert de palais de justice, et la pré- fecture et la bibliothèque sont logées dans une ancienne abbaye reconstruite sous la République, après l'incendie de l'an XII. Une assez belle promenade a été tracée sur la rive gauche de l'Ariége.
Foix n'a qu'un commerce fort restreint, dont les éléments sont fournis par les produits de l'industrie locale, avec la résine et la poix tirées des forêts voisines ; on y fabrique des faux, des limes et on y exploite des minoteries et des tanneries.
Ax (1632 hab.), chef-lieu de canton, ne se compose guère que d'une longue rue assez bien bâtie; cette petite ville est placée au confluent de l'Orlu et de l'Ariége, à l'entrée d'un
bassin où aboutissent les vallées de l'Oriége, de l'Ariége et de l'Osiou ; son élévation est de 710 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ax doit son importance à ses sources thermales, sulfurées sodiques, qui sont assez nombreuses et assez abondantes pour qu'on puisse les employer aux besoins domestiques; on n'en compte pas moins de cinquante-trois dont la température varie entre 21 et 76 degrés et qui sont distribuées entre trois établissements, les Bains de Tech, les Bains du Breil et les Bains du Couloubret. Ax fait un grand commerce de bétail.
La Bastide-de-Sérou (2781 hab.), chef-lieu de canton, située surla rive droite de l'Arize que traverse un pont d'une seule arche, possède des fabriques de bonneterie de laine, des tuileries, des briqueteries; c'est le centre d'un
important marché pour les graines. Non loin s'élève la Montagne-de-la-Garosse, où se trouve une magnifique grotte renommée pour ses stalactites.
Les Cabannes (465 hab.), chef-lieu de canton, est situé entre l'Aston et l'Ariége, et non loin des restes de l'ancien château fort de Verdun; les forges de Château-Verdun se trouvent dans cette vallée de l'Aston.
Lavelanet (3033 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive droite de la Lectoure, a d'importantes fabriques de draps, des scieries hydrauliques, des moulins à foulon et des teintureries; son territoire est riche en céréales, en arbres à fruit, et surtout en coudriers. Cette petite ville avoisine le château de Montsegur où deux cents Albigeois furent brûlés, en 1244, par une troupe de paysans fanatisés.
Tarascon (1513 hab.), chef-lieu de canton, autrefois l'une des quatre villes principales du comté, est situé sur la rive droite de l'Ariége; un beau pont en marbre brut relie cette ville avec un faubourg de construction moderne qui s'étend sur la rive gauche de la rivière. Tarascon possède des filatures de laine et des tanneries; quelques forges travaillent le minerai de fer extrait de ses environs; son marché est fréquenté des Espagnols, qui y viennent s'approvisionner de bestiaux, de fourrages et de laines. Un monticule isolé au centre de la ville supporte les ruines d'un château fort détruit par Louis XIII, et dont il ne reste plus qu'une tour ronde.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Querigut (686 hab.), situé entre les vallées de l'Ariége et de l'Aude, et Vicdessos (889 hab.), riche en minerai de fer; c'est dans la vallée de ce nom que s'élève le Pic-de-Montcalm, point culminant de l'Ariége.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Sem (445 hab.), où se trouve la mine de Rancié qui alimente des forges importantes; Bedeilhac (515 hab.) , célèbre par une grotte de stalactites qui est la plus belle de toute la région pyrénéenne; Belesta (2545 h.), sur la rive droite de l'Hers, près de la magnifique forêt de sapins qui porte son nom, et non loin de la fontaine intermittente de Fontestorbes, l'une des plus étonnantes curiosités du pays; Saurat (3728 hab.); Benac (272 hab.) ; Brassac (1462 hab.); Saint - Paul-de-Jarrat (1520 hab.); Serre (1516 hab.);etc.
ARRONDISSEMENT DE SAINT-GIRONS.
SAINT-GIRONS (4745 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 44 kilomètres de Foix sur le Salat; c'est une assez jolie ville dont la partie ancienne s'étend sur
la rive droite de la rivière et communique avec la partie moderne, appelée Villefranche, par deux ponts en marbre. Saint-Girons n'a de remarquable qu'un clocher très-élevé, de date ancienne, et attenant à l'église paroissiale de construction récente. L'industrie y est représentée par des papeteries, des scieries de marbre, des fabriques d'étoffes de laine, et des moulins à tan, à huile et à farine ; c'est une ville très-active, et l'une des plus industrielles du département. L'origine de Saint-Girons est assez peu connue, mais son patron était un apôtre vandale, qui, au Ve siècle, vint prêcher le christianisme dans ses murs.
Saint-Lizier (1156 hab.), chef-lieu de canton, est situé en amphithéâtre sur le penchant d'une colline que baigne le Salat; cette ancienne capitale des Conserans portait autrefois le nom d'Austria Consoranorum, et doit son nom moderne au souvenir d'un évêque qui la défendit contre une redoutable armée de Goths ; moins heureux par ses prières contre les Sarrasins, le prélat rebâtit du moins la ville qui avait été ruinée par ces barbares. Saint-Lizier a conservé de son opulence des premiers siècles l'ancienne cathédrale, devenue aujourd'hui l'église paroissiale dont une partie date de l'époque romaine, un palais épiscopal qui a été converti en asile pour les aliénés, un cloître roman du XIIe siècle qui est classé parmi les monuments historiques, le donjon de son ancien château, des restes de fortifications et de murs de construction romaine, et des têtes d'aqueduc avec sculptures antiques. Les éléments de son industrie sont exactement les mêmes que ceux de Saint-Girons.
Castillon (1050 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive droite du Lez au débouché des trois vallées de Ballongue, de Biros et de Betmale dont il forme le centre commercial; c'est une petite ville mal bâtie, mais fort ancienne, et dont le marché est abondant en céréales et en bétail. Elle possède une chapelle romane qui date du XIe siècle.
Sa population compte un assez grand nombre de crétins.
Massat (4140 hab.), chef-lieu de canton, situé dans la vallée supérieure et sur la rive gauche de l'Arac, a des scieries, des corderies, des forges, des filatures de laine, des moulins à foulon, à huile et à farine ; on trouve dans ses environs des gisements de zinc, de plombagine et de fer, dont l'exploitation ou n'a pas été tentée, ou a été abandonnée, faute de combustible. Dans la montagne, à 2 kilomètres de Massat, on a découvert deux grottes renfermant des ossements de carnassiers et de ruminants des époques géologiques.
Oust (1354 hab.), chef-lieu de canton, est placé sur la rive gauche du Garbet, affluent du Salat; on y exploite des carrières de pierres à aiguiser et une source minérale; les éléments de son commerce sont les fruits, les céréales, les légumes et les fourrages.
Sainte-Croix (1644 hab.), chef-lieu de canton, est située près du Volp et bâtie sur un terrain crétacé inférieur, très-voisin des terrains jurassiques ; on y fabrique des draps communs, de l'huile, des tuiles, des faïences. Cette petite ville possède une curieuse chapelle d'un couvent de religieux de Fontevrault.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Ercé (3321 hab.), situé dans un vallon qu'arrose le Garbet, et dont le territoire possède des carrières de pierres à aiguiser et de marbre statuaire; Ustou (3046 hab.), situé sur l'Aleth, au milieu de montagnes dont les forêts de sapins sont magnifiques; Biert (2509 hab.); Boussenac (2758 hab.); Moulis (2188 hab.), près du Trou-de-l'Oubli, carrière de marbre qui paraît avoir été exploitée par les Romains, et dans laquelle on a trouvé des outils et des médailles antiques ; Le Port (2290 hab.), situé près du Col-du-Four élevé de 1249 mètres ; Seix (3497 hab.); Soulan (2111 hab.) ; etc.
ARRONDISSEMENT DE PAMIERS.
PAMIERS (7877 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 19 kilomètres de Foix sur la rive droite de l'Ariége, dans un canton fertilisé par de nombreux canaux d'eaux vives. Cette petite ville, généralement bien bâtie et le siège de l'évêché, est remarquable par le grand nombre de ses édifices religieux ; sa cathédrale, dont la nef ne date que du XVIIe siècle, possède encore un très-ancien clocher de forme octogonale; le palais épiscopal est regardé comme l'un des plus beaux de France; de l'emplacement d'un vieux château, converti en promenade, on domine la ville, les environs, et l'on aperçoit les ruines de l'Abbaye de Fredelas, près desquelles se trouve la source minérale des Barraques. L'industrie de Pamiers est représentée par d'importantes fabriques d'acier, des manufactures de serge, des moulins à farine et à huile, des scieries et des exploitations de carrières de grès.
Pamiers doit son origine à un château bâti par Roger II, comte de Foix, et appelé par lui Apamia ou Apomée, en souvenir d'une ville de Syrie où il avait été guerroyer comme croisé au XIIe siècle. Une ville se forma au pied de la forteresse et devint bientôt l'objet d'une lutte entre les comtes de Foix et les abbés de SaintAntonin leurs voisins. Plus tard, Pamiers fut le centre des opérations du fameux Simon de
Monfort contre les Albigeois. Un évêché y fut créé et donné à un prélat énergique, qui ne craignit pas de se faire l'interprète des colères de Boniface VIII contre Philippe le Bel; Pamiers reçut le contre-coup de la persécution qui frappa l'évêque; elle eut ensuite à souffrir des dissensions des comtés de Foix et des vicomtes de Narbonne, puis des guerres de religion, et elle ne recouvra sa tranquillité qu'à l'avénement d'Henri IV.
Mirepoix (4187 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche du Grand-l'Hers; c'est une ville régulière qui a de belles places bien plantées et ornées de fontaines, et de magnifiques boulevards tracés sur l'emplacement de ses fortifications. Son église, une desplus belles du Midi, et les restes du vieux Château-de-Ter- ride, sont rangés parmi les monuments historiques. Mirepoix est l'entrepôt des produits de la contrée, et un centre de fabrication de toiles communes et d'étoffes de laine. Cette ville, trèsancienne, car son origine paraît être gauloise, était d'abord placée sur la rive droite du l'Hers; elle fut détruite par un débordement de la rivière en 1279, rebâtie sur la rive gauche, brûlée dans la suite par les routiers, et réédifiée une troisième fois. En 1318, elle fut érigée en évêché, mais elle perdit ce titre à la Révolution.
Saverdun (3983 hab.), chef-lieu de canton, est une ville très-curieuse qui s'élève sur la rive gauche de l'Ariége au pied d'un coteau escarpé. Elle a un consistoire et un orphelinat protestant, où 125 enfants reçoivent une éducation spécialement agricole. Ses principaux établissements industriels sont des moulins à blé et des usines métallurgiques. Saverdun, jadis fortifié, repoussa les attaques de Simon de Monfort pendant la guerre des Albigeois; mais sous Louis XIII, Richelieu fit raser ses fortifications, et il ne reste plus que les débris de son ancien château.
Le Mas-d'Azil (2738 hab.), chef-lieu de canton, est bâti sur les bords de l'Arize, au milieu d'une région montagneuse; on y exploite l'alun de ses environs, et on y fabrique de l'acide sulfurique; à 1 kilomètre se trouve la curieuse caverne de l'Arize, creusée par les eaux qui s'y précipitent avec fureur.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Le Fossat (1105 hab.), sur la rive droite de la Leze, et Varilhes (1755 hab.), sur la rive droite de l'Ariége, où se voit la vieille église du Vals, particulièrement vénérée des habitants du pays.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Mazères (3822 hab.), illustrée par la naissance de Gaston de Foix, le vainqueur de Ravennes; Lezat et Saint-Ybars, dont la population compte plus de 2000 habitants.
ARIÈGE.
Cathédrale de Troyes.
AUBE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Aube prend son nom d'un affluent de la Seine qui en parcourt la partie septentrionale. Il est limité : au N., par le département de la Marne; à l'E., par celui de la Haute-Marne; au S., par les départements de la Côte-d'Or et de l'Yonne; à l'E., par ceux de l'Yonne et de Seine-et-Marne.
Ce département, formé de territoires séparés soit de la Bourgogne, soit de la Champagne,
ne présente pas de physionomie particulière.
Plat et uni, excepté sur les bords de la Seine où se profilent quelques lignes de coteaux, l'Aube n'est, au N.-E. et au N.-O., que la continuation de la région stérile connue sous le nom de Champagne-Pouilleuse; là, le sol maigre et crayeux est à peine recouvert de terre végétale; la verdure et les arbres, sauf quelques pins d'Écosse assez vivaces pour résister, n'y apparaissent qu'exceptionnellement et au prix
des plus grands efforts. Cette portion du département, où les villages sont pauvres, les maisons construites en bois ou en chaume, rappelle les Landes par son aridité. Vers le S., les plaines alluvionnées, les prairies artificielles, arrosées par l'Aube et la Seine, les riches vallées de l'E., dont les coteaux rocailleux conviennent merveilleusement à la culture de la vigne, les larges forêts, le lit du fleuve encaissé dans des collines qui tracent une diagonale à travers le département, forment, au contraire, une région d'une remarquable fertilité, dont le contraste est frappant avec la partie jurassique du N.-E., où végètent l'avoine, le seigle et le sarrasin.
Orographie. — Hydrographie. — Le département de l'Aube n'a point de montagnes; le relief du sol n'y est accusé que par une double ligne de mamelons qui déterminent le lit de la Seine, et dont l'élévation ne dépasse jamais 400 mètres. Les points culminants sont les Hauteurs-de-Viviers dont l'altitude est estimée à 350 mètres, et le plateau de Bar-sur- Aube, élevé de 349 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Tous les cours d'eau de ce département, qui est entièrement compris dans le bassin de la Seine, sont tributaires de ce grand fleuve, soit comme affluents directs, soit comme sousaffluents.
La Seine, qui prend sa source à Saint-Germain-la-Feuille, dans le département de la Côte-d'Or, entre dans le département de l'Aube qu'elle coupe diagonalement du S.-E.
au N.-O., arrose Mussy, Bar-sur-Seine, se subdivise en bras nombreux, traverse une vaste plaine sillonnée de marais et de ruisseaux, baigne Troyes, Méry où elle devient navigable, Romilly, Nogent, et pénètre dans le département de Seine-et-Marne. Pendant ce parcours de 90 kilomètres, la Seine reçoit : 1° la Laigne, qui baigne les Riceys; 2° l'Ource, qui naît dans la Côte-d'Or, arrose quelques portions de la Haute-Marne, entre dans l'Aube, passe à Essoyes, et se perd à 2 kilomètres audessus de Bar-sur-Seine; 3° l'Arce, qui se jette dans le fleuve à Merrey; 4° la Sarce, qui y afflue à Courtenol; 5° l'Hozain, qui tombe à 5 kilomètres au-dessus de Troyes ; 6° la Barse, qui se termine à quelques kilomètres au-dessous; 7° la Melda, qui baigne Villaurs; 8° l'Aube, qui prend sa source près de Vaillant dans la HauteMarne, arrose Clairvaux, Bar-sur-Aube, Dienville, Arcis-sur-Aube, Plancy, entre dans la Marne, et se jette à Marcilly dans un des bras de la Seine, après avoir reçu dans le département l'Aujon qui baigne Clairvaux, la Voire,
l'Auzon, la Bresse, le Meldanson, le Puits, la Lestrelle, et un peu en dehors de l'Aube, la Barbuise qui arrose Charmont, Montuzain, Voué, Saint Remy, Saint-Étienne, dans l'arrondissement d'Arcis-sur-Aube; 9° l'Ardusson, qui, naît à Saint-Flavit et se jette dans la Seine audessus de Nogent; 10° l'Orvin, qui arrose Mar- ciily-le-Hayer. L'Armance, qui prend sa source dans le canton de Chaource, traverse la partie S.-O. du département, passe à Metz-Robert, absorbe le Leudion, baigne Ervy, entre dans le département de l'Yonne, et se perd dans l'Ar- mançon, tributaire de l'Yonne, qui forme un des affluents de la Seine.
Climat. — La température du département de l'Aube est à peu près celle du département de la Seine ; seulement, les hivers y sont plus rigoureux dans sa partie S.-E.; les pluies tombent fréquemment dans la vallée de la Seine; l'automne y forme la belle saison; les vents dominants sont ceux du S.-O., de l'O., du N.-O., et déterminent de violentes pluies au début de l'hiver.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Aube est de 600 139 hectares, et sa population de 261 951 habitants, ce qui ne donne que 43 habitants environ par kilomètre carré, et en fait un des départements les moins peuplés de la France. L'accroissement de la population depuis le commencement du siècle n'a été que de 31 000 habitants environ.
La population du département de l'Aube ne présente pas de caractère bien tranché, mais son amour pour le sol natal a été reconnu et admiré de tout temps ; elle fournit peu d'éléments à l'émigration et ce n'est pas au dehors que ses habitants vont chercher leurs moyens d'existence ; quand une industrie a disparu, ils savent en adopter d'autres, et préfèrent recommencer de pénibles apprentissages à quitter le foyer domestique. Exposée aux calamités de la guerre par sa situation même, cette population s'est toujours montrée prête aux derniers sacrifices ; la France lui doit ses soldats les plus dévoués, et ses habitants se montrèrent héroïques pendant la campagne de 1814. L'industrie qui faitsa principale richesse a éveillé chez elle l'esprit d'observation, ais aussi l'ardeur au travail; elle est laborieuse, généralement économe, et son bien-être va toujours croissant.
Agriculture. — Le domaine agricole du département de l'Aube comprend environ les deux tiers de sa superficie en terres labourables, soit près de 404 000 hectares; les bois,
les forêts, les étangs, les terres improductifs à un titre quelconque, occupent 118 000 hectares, les prairies naturelles 39 000, les vignes 23 000, les pâturages, bruyères, landes et pâtis 13 000. C'est donc un département où l'agriculture tient une place importante, et grâce aux nouvelles méthodes préconisées par la Société d'agriculture, aux assolements mieux dirigés et à la perfection des instruments aratoires, l'industrie agricole est appelée à y faire de grands progrès.
Les céréales suffisent à l'alimentation de la population, et elles représentent une valeur moyenne de 45 millions de francs. La culture de la vigne donne d'excellents résultats dans la portion orientale du département; les vins de Ricey et de la vallée de l'Ource sont principalement recherchés.
Les forêts, assez importantes au S.-O. et au N.-O., sont exploitées pour le chauffage et produisent annuellement 500 000 stères de bois ; au N., les terrains crayeux ont été plantés de pins d'Écosse qui prospèrent et rendront productifs des espaces stériles jusque là.
Les prairies naturelles et les pâtis permettent à l'élève du bétail de s'accroître chaque jour, et l'on compte maintenant dans l'Aube 400 000 moutons et 137 000 bêtes à cornes; les chevaux de race indigène y dépassent le chiffre é-levé de 36 000; les porcs très-nombreux (près de 44 000) forment un produit important des exploitations rurales; on y engraisse aussi des oies, des canards et des dindons.
La propriété est très-divisée dans le département de l'Aube et le nombre des parcelles dépasse deux millions ; sur une population qui n'atteint pas 262 000 habitants, on ne compte pas moins de 185 000 propriétaires; les grands domaines, rares d'ailleurs, ne se rencontrent que dans les cantons de Nogent et de Romilly; la plupart des paysans possèdent la terre qu'ils cultivent, et chez eux, la passion de la propriété est poussée à ce point qu'ils ne craignent pas d'acheter des lots dont le rapport n'atteint pas un pour cent du prix d'acquisition.
La valeur totale de la production agricole dépasse annuellement 70 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Le département de l'Aube est l'un des plus pauvres de la France en productions minérales ; il possède, cependant, quelques mines de fer, peu riches d'ailleurs, des carrières de moellons et de pierres de taille, de grès, de pierres à chaux, et d'argile pour les tuileries à Mussy, à Bar-surAube, à Nogent, à Crancey, à Saint-Ferréol, à Briel, à Magnicourt; à Villeloup existent d'importantes exploitations de craie friable, im-
proprement livrée au commerce sous le nom de blanc d'Espagne.
On trouve dans le département quelques sources d'eaux minérales froides à la Chapelle- Godefroy et à la Ville-au-Bois-lès-Soulaines.
Industrie. — Commerce. — L'industrie spéciale du département de l'Aube, c'est la bonneterie. Troyes, Arcis, Nogent lui assignaient déjà le septième rang en 1812 dans la production industrielle ; depuis cette époque, la puissance productive a été multipliée par de nombreuses inventions mécaniques; elle est représentée maintenant par 25 filatures de coton, 5 filatures de laine, 289 fabriques et manufactures, et 15 000 métiers à bonneterie.
En dehors de cette industrie, les distilleries, les tuileries, les teintureries, les huileries sont nombreuses dans l'Aube et emploient les éléments que l'exploitation agricole met à leur disposition. La minoterie compte 450 moulins environ et a pris une importance qui tend à s'accroître chaque jour; depuis ces dernières années, les fabriques de couvertures et de draperies ont acquis un certain développement.
On compte, en outre, dans le département de l'Aube 15 minières de fer en exploitation, qui produisent annuellement 210 000 quintauxmétriques de minerai consommé dans les hauts fourneaux de l'Aube, de la Côte-d'Or et de la Marne, 139 tourbières qui rendent environ 50 000 quintaux métriques de combustible, et 160 carrières de pierres de diverses espèces.
L'exploitation des bois rapporte par an 4 millions de francs, sans parler du rendement des riches forêts de la région des Vosges, dont le département de l'Aube est l'entrepôt général.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. —
Le département de l'Aube possède toutes les ressources d'une bonne viabilité. Ses routes impériales au nombre de 5 se développent sur une étendue de 378 kilomètres; elles relient entre eux les chefs-lieux des cinq arrondissements, et le département entier soit avec Paris, soit avec les territoires qui lui confi- nent. Ses 12 routes départementales ont une longueur de 345 kilomètres. En outre, 24 chemins de grande communication, 24 chemins d'intérêt commun, et 1875 chemins vicinaux ordinaires offrent un parcours de 3692 kilomètres.
Le département de l'Aube possède un canal, le Canal-de-la-Haute-Seine, qui commence à Troyes, passe à Méry et finit à Marcilly au
confluent de l'Aube, après un parcours de 43 kilomètres environ sur une pente de 38 mètres rachetée au moyen de 15 écluses.
Ce département est traversé à peu près de l'O. à l'E. par une des lignes principales du réseau de l'Est, la ligne de Paris à Mulhouse; elle a des stations à Nogent-sur-Seine, Pontsur-Seine, Romilly, Maizières, Mesgrigny, Saint-Mesmin, Savières, Payns, Saint-Lyé, Barberey, Troyes, Rouilly-Saint-Loup, Lusigny, Montieramey, Vendeuvre, Jessains, Arsonval, Bar-sur-Aube et Clairvaux.
Un embranchement de Troyes à Bar-sur-Seine dessert les stations de Saint-Julien, MaisonsBi-Ver, Clerey, Saint-Parres-les-Vaudes, Fougères et Courtenot; il doit être prolongé jusqu'à Châtillon-sur-Seine dans la Côte-d'Or.
Ces diverses voies ont un développement de 155 kilomètres.
Histoire. — C'est à une tribu celtique sans importance, aux Tricasses, que l'on attribue la plus ancienne possession du. territoire qui forme le département de l'Aube. Cette peuplade subit le sort de la Gaule vaincue par César, et se vit comprise d'abord dans la seconde, puis dans la quatrième Séquanaise.
Plus tard cette contrée fut connue sous le nom de Campania qui s'appliquait également au territoire des Remi et des Catalauni, et c'est sous ce nom qu'elle fit partie du royaume d'Austrasie, à l'époque où se fondèrent les royaumes mérovingiens partagés entre les fils de Clovis; des comtes, particuliers lui furent donnés, mais ils ne prirent le nom de comtes de Troyes et n'acquirent le droit d'hérédité qu'à la fin de la dynastie carlovingienne. Une première dynastie s'éteignit, et celle qui lui succéda régna jusqu'en 1274.
A cette époque, le comté tomba entre les mains de Philippe III qui se porta comme tuteur de la jeune héritière, Jeanne, fille d'Henri III, et qui la fit épouser à son propre fils, devenu plus tard Philippe le Bel. Les Capétiens se trouvèrent alors investis de la province tout entière et ne consentirent plus à s'en dessaisir; mais la Champagne ne fut réunie à la couronne de France par acte solennel que par le roi Jean, en 1361.
Les guerres des Anglais et les guerres de religion furent désastreuses pour ce pays, qui fut pillé et ravagé par les reîtres jusqu'au moment où le roi de France, Henri III, se décida à les renvoyer à prix d'argent.
L'invasion de 1792 n'atteignit pas le département de l'Aube, mais la campagne de 1814 y établit son principal théâtre; là, Napoléon remporta ses dernières victoires, et illustra
les noms de Brienne, de la Rothière, d'Arcissur-Aube, de Nogent, de Méry.
Au remaniement général de la France, le département de l'Aube fut formé de la BasseChampagne, d'une partie du Vallage et d'une petite partie de la Bourgogne.
Hommes célèbres. — Les hommes célèbres du département de l'Aube sont : l'historien VILLEHARDOIN; le pape URBAIN IV; le prévôt des marchands JUVENAL-DES-URSINS; le juriscon- suite PITHOU; le sculpteur GIRARDON; le peintre MIGNARD; le conventionnel DANTON; le constituant RABAUD-SAINT-ÉTIENNE; le chimiste THENARD; le maréchal VALLÉE; et parmi les contemporains, l'archéologue COMTE BEUGNOT; l'administrateur de MAUPAS; le romancier Louis ULBACH.
Divisions administratives. — Le département de l'Aube forme cinq arrondissements ainsi subdivisés :
Arr. de Troyes 9 cant. 120 comm.
— de Bar-sur-Seine. 5 — 85 — — de Bar-sur-Aube. 4 — 88 — — d'Arcis-sur-Aube. 4 — 93 — — de Nogent-sur-Seine. 4 — 60 — 26 cant. 446 comm.
Ce département forme la 5e subdivision de la 1re division militaire dont le siège est à Paris.
Dans l'organisation religieuse, il forme un diocèse suffragant de l'archevêché de Sens dont le siége est à Troyes ; ce diocèse comprend 40 cures, 380 succursales, un grand séminaire au chef-lieu du département, et un petit séminaire à Saint-Martin-es-Vignes, dans l'arrondissement de Troyes. L'Aube possède aussi deux temples protestants. La justice est rendue par 5 tribunaux de première instance qui siégent aux chef-lieux d'arrondissement, et un tribunal de commerce à Troyes, ressortissant à la cour impériale de Paris. L'instruction publique compte en fait d'établissements un lycée, une école normale d'instituteurs, un cours normal d'institutrices à Troyes, un collége communal à Bar-sur-Aube, et 573 écoles publiques etlibres. Plus des quatre cinquièmes des jeunes gens appelés au contingent savent lire et écrire.
Description des villes.—Voici les principales localités du département de l'Aube.
ARRONDISSEMENT DE TROYES.
TROYES (35 678 hab.), chef-lieu de préfecture et du département, divisée en trois cantons, est
située à 161 kilomètres de Paris sur la rive gauche de la Seine qui l'entoure en partie et y forme plusieurs canaux. Cette ville est d'origine ancienne; ses rues sont étroites, ses maisons généralement bâties en bois, mais elle possède plusieurs beaux édifices, qui sont rangés parmi les monuments historiques, tels que sa cathédrale, commencée au XIIIe siècle, dont les vitraux sont admirables, mais dont la tour sep- tentrionale est seule achevée, la collégiale de Saint-Urbain, un chef-d'œuvre du style gothique, l'église Saint-Jean avec une tour du XIIe siècle; l'église de la Madeleine, remarquable par son magnifique jubé du XVIe siècle, Saint-Nizier, dont les deux portails gothique et Renaissance sont admirés des archéologues,.
Saint-Pantaléon, une église du XVIe siècle, et la chapelle de Saint-Gilles construite en bois. La bibliothèque de la ville qui occupe L'an- cienne abbaye de Saint-Loup, possède plus de 100 000 volumes; le musée, créé depuis une trentaine d'années seulement, est déjà riche de belles collections. Troyes qui avait de magnifiques promenades, vient d'être récemment dotée de jardins anglais à l'instar de Paris.
Troyes s'est élevée depuis quelques années au rang de grande ville industrielle ; elle possède des filatures de laine et de coton dont le produit annuel s'élève à 8 millions de francs, des fabriques de bonneterie, de couvertures de laine, de toiles peintes, de fleurs artificielles, de savons, des tanneries; la production annuelle de ces diverses industries est évaluée à 40 millions; le commerce de Troyes, alimenté par le travail de sa population, s'accroît encore de toute la production agricole des arrondissements voisins; sur son marché figurent le blé, les légumes secs, la laine brute, les fromages, la boissellerie, qui nécessitent un mouvement d'affaires de 20 millions par an, et il s'y tient des foires spéciales pour la vente de la charcuterie, de la laine et des chevaux.
Troyes, autrefois chef-lieu des Tricasses, peuplades citées par Pline, devint au xe siècle la capitale des comtes de Champagne; c'était déjà le centre d'un commerce considérable, encouragé par les comtes de Champagne; là affluaient les productions de l'Italie, du midi de la France, des Flandres et de l'Allemagne; aussi, la population ne tarda pas à s'élever au chiffre de 50 000 habitants ; mais le courant commercial prit bientôt une autre voie, à partir du moment où la Champagne fut réunie à la couronne de France; la ville ne tarda pas à se dépeupler peu à peu, et sa population se réduisit à 15 000 habitants. Au
XVe siècle, le honteux traité qui porte son nom et celui de Charles VI se signa dans ses murs, et la France fut donnée au roi d'Angleterre, .Henri V. Pendant les'luttes de CharlesQuint et de François Ier, la ville eut encore à souffrir du pillage et de l'incendie; elle fut ensanglantée à l'époque de la réforme et précéda la Saint-Barthélemy dans ses cruelles représailles contre les protestants. En 1787, elle donna asile au parlement de Paris exilé par Louis XVI et accueillit la révolution française avec enthousiasme. En 1814, Troyes fut occupé par les Russes que Napoléon en chassa le 24 fé- vrier. Tant de troubles avaient tué tout commerce dans. la ville florissante des anciens comtes de Champagne, mais, depuis un demisiècle, la vieille cité s'est courageusement relevée de sa langueur, et l'industrie ne tardera pas à lui rendre son ancienne prospérité.
Ervy-le-Chatel (1671 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur une colline baignée par l'Armance et d'où le spectateur jouit d'une vue très-étendue. Mal bâti, comme toutes les.
anciennes villes fortifiées, Ervy conserve encore quelques traces de ses anciens fossés; son église a des verrières remarquables, et sa nef, qui date du xve siècle, est classée parmi les monuments historiques. Ervy pro- duit des toiles communes et fait le commerce des grains.
Lusigny (1156 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Barse, possède des vestiges d'une voie romaine et des restes d'anciens retranchements ; la campagne de 1814 a inscrit son nom dans les annales de l'histoire.
Piney (1633 hab.), chef-lieu de canton, a des corderies d'écorce de tilleuls, des briqueteries et des tuileries. Cette petite ville, érigée en duché-pairie à la fin du XVIe siècle, passa dans la maison des Montmorency-Bouteville, d'où est sorti l'illustre maréchal de Luxembourg.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Aixen-Othe (2785 hab.), Bouilly (781 hab.), et Estissac (1897 hab.) Les principales communes de l'arrondissement sont : Auxon (1589 hab.); Chessy (1222 hab.) ; Saint-Mards-en-Othe (1618 hab.).
ARRONDISSEMENT DE BAR-SUR-SEINE.
BAR-SUR-SEINE (2920 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé à 33 kilomètres de Troyes, entre une montagne presque à pic et la rive gauche de la Seine; cette petite ville est bien bâtie, ses promenades sont charmantes, et son église du XVIe siècle a conservé des vitraux magnifiques. L'industrie de Bar-sur-Seine porte principalement sur la distillerie, la papeterie, la tan-
nerie, la teinturerie, et son commerce sur les grains, le vin, le bois, le chanvre, etc.
Bar-sur-Seine, d'origine ancienne et fort importante au moyen âge, était la capitale de l'un des sept comtés-pairies de Champagne, et si l'on s'en rapporte à Froissard, elle renfermait alors 900 hôtels. Dévastée en 1359 par les aventuriers lorrains, pillée pendant les guerres religieuses, elle fut aussi le théâtre du combat du 1er mars 1814, livré entre les Français et les alliés.
Chaource (1503 hab.), chef-lieu de canton, située aux sources de l'Armance, possède des briqueteries et des tuileries très-importantes.
C'est une vieille ville, dont plusieurs maisons en bois ont encore de belles seulptures du XVe siècle; son église, dont le chœur date du XIIe siècle, est rangée parmi les monuments historiques.
Mussy-sur-Seine (1650 hab.), chef-lieu de canton, situé près d'une belle forêt, est une ancienne ville fortifiée, encore enceinte de ses fossés du moyen âge; son église qui appartient à la classe des monuments historiques offre des sculptures dignes d'être admirées. Le commerce de Mussy-sur-Seine consiste en vins et eau-de-vie.
Les Riceys (3188 hab.), chef-lieu de canton, sont composés de trois bourgades distinguées par les surnoms de Ricey-Haut, Ricey-Bas et Ricey Haute-Rive; cette petite ville est située sur la Laigne dans une région de vignobles donnant des vins d'excellente qualité, qui forment avec le produit de ses tanneries importantes l'objet de son commerce. Son église paroissiale du XVIe siècle est classée parmi les monuments historiques.
Essoyes (1693 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rivière de l'Ource, possède une église moderne de style roman et deux tombes celtiques.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Metz-Robert (1261 hab.), où se voient des vestiges d'une route romaine; Cunfin (1027 hab.) ; Landreville (1560 hab.), riche en substructions gallo-romaines et en tombeaux antiques; etc.
ARRONDISSEMENT DE BAR-SUR-AUBE.
BAR-SUR-AUBE (4809 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé à 53 kilomètres de Troyes sur la rive droite de l'Aube, au pied de la montagne Sainte-Germaine et dans une région plantée de vignes.
Cette jolie petite ville, jadis fortifiée, a conservé quelques parties de ses anciennes murailles; mais les fossés ont disparu sous la verdure des jardins et des promenades; outre son
église de Saint-Maclou, dont la sacristie compte parmi les monuments historiques, elle possède encore d'autres édifices remarquables, l'église Saint-Pierre, la chapelle Saint-Jean, l'hôpital Saint-Nicolas.
Bar-sur-Aube, d'origine ancienne, dépendait autrefois du diocèse de Langres et était la capitale du Vallage; au XVIIe siècle, elle fut décimée par une peste qui l'éprouva durant dix années, dit-on. Pendant la campagne de France, les Autrichiens furent repoussés de la ville par le maréchal Mortier.
Les industries de Bar-sur-Aube sont assez nombreuses, et comprennent la fabrication de la bonneterie, des cotonnades, des toiles cirées, les distilleries, les tanneries, la meunerie, etc. Elle a un marché aux grains trèsimportant.
Brienne-Napoléon (2078 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville formée de deux parties, Brienne-la-Ville et Brienne-le-Château; elle est très-ancienne, antérieure, dit-on, à l'invasion des Romains dans la Gaule et devint au XIe siècle le siège d'un comté-pairie de Champagne, dont les titulaires ont joué un grand rôle en Italie et en Terre-Sainte. « L'ancien châ- teau fort fut remplacé au XVIIIe siècle par un superbe château ; en 1625 on y établit un couvent de Minimes qui se consacrèrent à l'éducation de la jeunesse; après plusieurs transformations, ce collége devint en 1776 une des douze écoles militaires de la France ; Napoléon Bonaparte y fut admis comme élève en 1779 à l'âge de dix ans, et en sortit en 1784 pour entrer à l'école militaire de Paris, après avoir eu, pendant les premiers temps de sonséjourà Brienne, Pichegru pour répétiteur; l'école fut supprimée en 1790, et le couvent démoli pendant la Révolution. Le 29 janvier 1814, Brienne fut le théâtre d'un terrible combat entre Napoléon et Blücher, pendant lequel la ville fut entièrement brûlée par les Russes et les Prussiens1. » En exécution des volontés dernières de l'empereur, Brienne a été dotée d'un hôtel de ville, d'une belle place ornée de la statue de Napoléon, et d'un hospice nouvellement restauré. Son église paroissiale, qui date du XVIe siècle, a des verrières très-remarquables. Brienne fait le commerce des grains.
Vendeuvre (2112 hab.), chef-lieu de canton, situé aux sources de la Barse, est une ancienne ville fortifiée qui doit son importance actuelle à ses fabriques de faïence, à sa fabrication de toiles de chanvre et à ses fonderies; on peut y visiter un cimetière d'une haute an- tiquité, et divers monuments assez remar1. Géographie universelle de Maltebrun et Lavallée.
quables, tels qu'un château du XIIe siècle, remanié au XVIIe, une église de style très-pur appartenant à l'époque de la Renaissance, et l'église prieurale de Saint-Jean.
Soulaines (866 hab.), chef-lieu de canton, situé aux sources de la Laine, près de gouffres nombreux, possède une fort curieuse chapelle en bois du XVIIe siècle.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Champignol (1273 hab.); Dienville (1159 hab.); Ville-sous-la -Ferté (2685 hab.), où se trouve la maison centrale de Clairvaux, établie dans l'ancienne abbaye de l'ordre de Cîteaux, fondée en 1114 par saint Bernard, et une exploitation agricole pour les jeunes détenus.
ARRONDISSEMENT D'ARCIS-SUR-AUBE.
ARCIS-SUR-AUBE (2784 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 28 kilomètres de Troyes, sur la rive gauche de l'Aube, au point où cette rivière devient navigable ; c'est une ancienne ville, Arcis civitas, mentionnée dans l'Itinéraire d'Antonin, que domine un beau château bâti sur une hauteur; détruit successivement par les incendies de 1719, de 1727 et de 1814, Arcis-sur-Aube est maintenant une ville régulière, bien percée, modernisée, mais ne renferme plus qu'un édifice curieux, son église du XVIe siècle, classée parmi les monuments historiques; un pont en pierre, de construction nouvelle, établit une communication avec la rive droite de l'Aube.
Arcis conservera longtemps le souvenir de la bataille des 20 et 21 mars 1814, livrée sur la rive gauche de la rivière, et qui força Napoléon à reculer devant l'armée austro-russe.
On trouve dans cette ville des fabriques importantes de bonneterie de coton, et on y fait un grand commerce de grains et de charbons ; c'est aussi l'entrepôt de la boissellerie des Vosges.
Méry-sur-Seine (1445 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Seine et sur le Canal-latéral, a été le théâtre du combat que Blücher soutint contre Napoléon en 1814, combat pendant lequel le général prussien n'hésita pas à incendier la ville pour sauver son armée. Méry exploite des carrières de craie et fait le commerce des grains. Des fouilles pratiquées en 1843 ont amené la découverte d'un cimetière antique, riche en vases de terre et de verre, en bijoux et en monnaies romaines.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Chavanges (994 hab.), où se fabriquent des cotonnades, et Ramerupt (592 hab.), qui a conservé des vestiges de voie romaine et de cimetière gallo-romain.
La principale commune de l'arrondissement est Plancy (1304 hab.), où l'on peut admirer do curieux restes de constructions du moyen âge; la population des autres communes ne dépasse pas 600 habitants.
ARRONDISSEMENT DE NOGENT-SUR-SEINE.
NOGENT-SUR-SEINE (3641 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 51 kilomètres de Troyes sur la rive gauche de la Seine, dans une région très-fertile; un pont en pierre d'une seule arche établit une communication avec la rive droite du fleuve. Nogent a des preuves historiques irrécusables de son existence au IXe siècle; elle appartint plus tard aux moines de Saint-Denis, puis aux comtes de Champagne et définitivement à la couronne de France. On peut encore y admirer le seul édifice qui ait survécu à l'incendie de 1814; c'est une très-remarquable et très-élégante église du XVIe siècle, dont l'abside date du XIIIe siècle, et qui est à juste titre rangée parmi les monuments historiques de la France. Cette petite ville, dont la position sur la Seine est trèsimportante et qui couvre les routes de Paris, fut prise et livrée au pillage par les Autrichiens pendant la campagne de France. On trouve à Nogent des fabriques de bonneterie, des corderies, des verreries; le commerce de grains et de fourrages y est très-actif, et c'est un des marchés pour les bois qui s'expédient vers la capitale; des foires s'y tiennent spécialement pour les laines et les grains.
Romilly-sur-Seine (4534 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche de la Seine ; c'est un grand centre de fabrication de bonneterie ; on y remarque les vestiges d'une voie romaine.
Villenauxe (2530 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans la petite vallée de la Vaunoise, affluent de la Seine; sa belle église qui appartient aux trois belles époques du style gothique, est comprise parmi les monuments historiques ; ses fossés sont encore en partie remplis d'eau. L'industrie de cette petite ville est assez active, et porte principalement sur la fabrication de la porcelaine, les mégisseries, les tanneries, etc.
Marcilly-le-Hayer (737 hab.), chef-lieu de canton, a conservé des vestiges d'une voie romaine, un cimetière chrétien qui remonte aux premiers siècles, et deux dolmens connus sous le nom de Pierres-Couvertes.
Les principales communes de l'arrondissement sont: Pont-sur-Seine (916 hab.); Saint-Au~ bin (690 hab.), où se trouve l'abbaye du Paraclet, fondée par Abailard en 1123, et dans la- quelle ce savant personnage fut enterré en 1163,
AUBE
Église Sainl-H aul à Narbonne,
AUDE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Aude prend son nom du petit fleuve qui le parcourt du S.-O. au N.-E.
Il a pour limites: au N., les départements de la Haute-Garonne, du Tarn et de l'Hérault ; à l'E., la Méditerranée; au S., les PyrénéesOrientales ; à l'O., les départements de l'Ariége et de la Haute-Garonne.
Le département de l'Aude, essentiellement montueux, présente presque partout l'aspect
des régions pyrénéennes; seulement, il est mieux arrosé et offre plus de variété de cultures. Les terrains de transport composés de cailloux roulés et de galets, et quelques lits d'argile y sont recouverts de terre végétale.
Une large vallée le traverse de l'O. à l'E. Ses côtes, malgré leur étendue de 45 kilomètres, n'en font point, cependant, un département maritime; le courant méditerranéen y porte non-seulement ses sables, mais encore les
matières terreuses que le Rhône entraîne dans son cours impétueux; d'immenses bourrelets se sont épaissis peu à peu, qui ont arrêté les eaux de l'intérieur ; ainsi se sont formées de vastes étendues d'eaux salées, des lagunes considérables qui communiquent difficilement avec la mer, et seulement par d'étroites passes ou graus trop souvent obstruées.
Orographie. — Les Corbières-Occidentales à l'O., les Corbières-Orientales au centre, les Mon- tagnes-Noires au N., dessinent trois massifs dont les rameaux constituent la charpente du département de l'Aude.
Les Corbières-Occidentales appartiennent à la grande chaîne des Pyrénées et forment le versant occidental du bassin de l'Aude; elles se terminent au N. par une étroite arête longue de 25 kilomètres, qui, sous le nom de Collinesde-Saint-Félix, forme entre Castelnaudary et Sorrèze dans le Tarn la transition entre le système des Alpes et le système pyrénéen; là s'ouvre le Col-de-Naurouze, élevé de 180 mètres, où se fait le point de partage du canal du Midi.
Les Corbières-Orientales, qui traversent la partie méridionale et centrale du département, commencent au Col-de-Saint-Louis et se dirigent ensuite du S.-O. au N.-E., en traçant les bassins de l'Aude et de l'Orbieu. Cette chaîne se compose de groupes isolés entre lesquels s'enfoncent des vallées profondes; ses flancs ravinés, ses gorges dénudées où le roc apparaît dans toute sa sécheresse, ses hauts pics, le Puy-de-Bugarach dont l'élévation est de 1263 mètres, et le Pic-de-Mosset qui dépasse 2400 mètres, font de cette région une des parties les plus pittoresques de la France. Aucune route importante n'en franchit l'arête, et l'on comprend que l'Espagne ait pu pendant longtemps reculer jusqu'à cette ligne sa frontière septentrionale.
Les Montagnes-Noires , rameau détaché de la chaîne des Cévennes qui sépare le département de celui du Tarn, sont généralement aplaties, sans caractère, et assez stériles; leur point culminant est le Pic-de-Nore qui atteint une hauteur de 1164 mètres.
Hydrographie. — Les diverses chaînes de montagnes du département de l'Aude le divisent en deux versants; l'un, très-restreint,porte ses eaux à l'O. vers l'océan Atlantique; l'autre, embrassant presque tout son territoire, envoie ses rivières vers la Méditerranée.
Le versant de l'Atlantique n'est arrosé que par de petits cours d'eaux à peine nommés, dont le plus important est le Lers, qui prend
sa source près Saint-Amand, dans l'arrondissement de Castelnaudary, arrose la commune de Salles, pénètre dans le département de la Haute-Garonne, et va se jeter dans la Garonne, après un cours de 108 kilomètres.
Le versant de la Méditerranée réunit, par de nombreux et capricieux affluents, toutes ses eaux dans le lit de l'Aude et les dirige vers la mer.
Ce petit fleuve sort d'un étang de l'arrondissement de Prades, dans les Pyrénées Orientales, pénètre dans le département auquel il a donné son nom, descend du S. au N. en arrosant le pays de Sault entre deux contre-forts des Corbières, traverse le Razès, le Carcassès, et baigne Quillan, Couizat, Allet, Limoux, Carcassonne; en cet endroit, il se recourbe par un angle droit vers l'E., et dans ce second parcours, coulant entre le Canal-du-Midi qui suit sa rive gauche et le chemin de fer de Bordeaux à Cette qui longe sa rive droite, il arrose Trèbes, Fleurac, Capendu, puis se divise en deux bras, dont l'un, passant par Cuxac et Coursan, se jette dans la Méditerranée près de Vendres, et dont l'autre va finir dans l'étang de Sigean, après un cours de 208 kilomètres, dont 23 seulement n'appartiennent pas au département. Les principaux affluents de l'Aude sont : 1° le Sals qui sort d'une fontaine salée, baigne Sougraigne et finit à Couiza, après avoir absorbé la Blanque et le Realsis; 2° le Fresquel qui coule entre Castelnaudary et SaintPapoul, longe le Canal-du-Midi et absorbe le Rebenti, l'Argentouire, le Lampy et la Rougeanne; 3° l'Orbiel qui vient de la Montagne-Noire, arrose ia Bastide-Esparbairenque, Lastours, Conques, et se jette à Trèbes après s'être grossi du Clamoux; 4° l'Argent double qui tombe de la Montagne-Noire, dans le canton de PeyriacMinervois, baigne Caunes, Peyriac, passe sous le Canal-du-Midi et seperd dans l'Aude après un cours de 30 kilomètres; 5° l'Orbieu qui prend sa source au Fourtou, arrose Lanet, Montjoi, Viguevieille, Saint-Martin-des-Puits, la Grasse, Fabrezan, et se perd près de Marcorignan, après avoir recu le Libre, l'Alsou, la Nielle et l'Ausson dans un parcours de 84 kilomètres ; 6° la Cesse qui naît dans l'Hérault, entre dans l'Aude, passe à Bize et perd une partie de ses eaux au-dessous de Saint-Nazaire.
Le département de l'Aude n'a point de lacs qui méritent d'être remarqués, mais il faut citer les étangs dont sont bordées ses côtes.
L'étang de Leucate, dont un tiers seulement appartient au département, a 19 kilomètres de longueur sur une largeur variant de 1500 à 9000 mètres ; sa superficie est de 5710 hectares; c'est dans les Pyrénées-Orientales que
se trouve l'ouverture ou grau qui permet d'expédier par mer les produits du territoire.
L'étang de la Palme, au N. du précédent, n'a que 300 hectares de superficie et communique avec la mer par la grau de la Franqui.
L'étang de Bages et de Sigean, le plus important de tous, a 18 kilomètres de longueur sur une largeur variant de 1 à 5 kilomètres ; la petite rivière de la Berre lui apporte le tribut de ses eaux; un simple bourrelet de terre sur lequel passent le chemin de fer de Narbonne à Perpignan et le Canal-de-Narbonne le sépare de l'étang de Gruissan qui le limite au N.-O.
et le protège en partie contre la mer; le chenal de la Nouvelle forme sa voie de communication avec la Méditerranée.
Climat. — Le département de l'Aude a un climat d'une température très-variable; ses montagnes sont assez élevées pour conserver la neige jusqu'aux premiers jours de l'été, et de leur fonte intempestive résulte naturellement des changements brusques dans l'atmosphère ; d'autre part, deux vents semblent lutter de violence dans le pays ; l'un est le vent de l'O.-N.-O., connu sous le nom de Cers, et dont la force ne peut être appréciée de ceux qui ne l'ont point éprouvée ; l'autre est le vent d'Autan ou vent marin, qui porte sur les régions voisines de la mer les miasmes trop fréquents que produisent les marécages de la côte ; la force de ce vent augmente, dit-on, à mesure qu'il s'éloigne de la Méditerranée. L'automne est généralement la saison la plus belle de l'année et se prolonge assez longtemps. Les fièvres paludéennes à l'E., les goitres et les affections cutanées dans la région montagneuse, sont des maladies fréquentes dans le département.
Superficie. — Population. — La superficie du departement de l'Aude embrasse 631 324: hectares, et sa population est de 288626 habitants, ce qui donne à peu près 44 habitants par kilomètre carré; elle s'est augmentée de 58 000 âmes environ depuis le commencement du siècle.
Le caractère des habitants de l'Aude est très-divers, suivant leur origine et d'après la nature même du pays; les Arabes et les Aragonais qui ont longtemps occupé ce territoire, y ont laissé une forte empreinte. Au S., domine la race ibérique, impétueuse, turbulente, amie des pérégrinations; au N. et au N.-E., une population très-mélangée dit assez que cette contrée fut successivemeut habitée par les Celtes, les Romains, les Goths et les Francs; la région des Montagnes-Noires est
occupée par une race casanière, arriérée, demi-sauvage, que le désir du bien-être touche médiocrement.
Le languedocien est parlé à l'O. du département; au S.-E. domine le catalan; là, comme aux Pyrénées-Orientales, le type espagnol est fortement accusé dans la population.
Agriculture. — Sur une étendue de 631 324 hectares, le département de l'Aude compte 275532 hectares de terre labourables, 175456 de pâturages, landes,bruyères et pâtis, 100 620 de bois, forêts, étangs, terres improductives, et 63528 de vignes.
La production agricole est évaluée à près de 58 millions de francs, dont 35 millions pour les céréales : il y a donc surabondance de ce produit, dont le blé, le maïs, l'avoine et le seigle forment les essences principales. La vigne fournit plus de 600000 hectolitres de vins assez renommés,dont un tiers environ est converti en esprit; on cite les vins rouges de Narbonne, la blanquette ou vin blanc de Limoux que le patriotisme local compare au vin de Champagne, les vins de Bages, de la Palme, de Leucate, facilement confondus avec ceux du Roussillon. L'olivier, l'amandier, réussissent dans les terres légères, et l'arrondisse- ment de Narbonne les cultive avec succès.
Les prairies, les pâturages sont une ressource précieuse pour les habitants, etleurpermettent de donner un grand développement à l'élève du bétail ; on ne compte pas moins de 646 000 bêtes à laine, 34 000 bêtes à cornes, 24 000 porcs, près de 19 000 chèvres et chevreaux, 16000 ânes et mulets, 17 000 chevaux; les abeilles forment aussi une des branches de l'exploitation agricole ; plus de 13 000 ruches y sont entretenues, et leur rendement fait une des principales richesses de l'arrondissement de Narbonne.
Les bois, riches en noyers eten châtaigniers, ont été longtemps sacrifiés aux besoins du mo- ment, mais aujourd'hui un intérêt mieux en- tendu pousse au reboisement; on évalue à 4500 le nombre d'hectares reboisés dans ces derniers temps.
Le drainage et le desséchement des marais sont poursuivis avec persévérance et ont déjà donné d'importants résultats.
La propriété est fractionnée en près d'un million de parcelles, mais le nombre des propriétaires est restreint à moins de 85000.
Mines.—Carrières.—Le sol du département de l'Aude renferme divers métaux, tels que le fer, le cuivre, le plomb, le manganèse. On y exploite des carrières de marbre, de pierres
lithographiques , de pierres à chaux et d'ar- doises. La houille s'yrencontre aussi dans quelques terrains, mais l'extraction en est assez abandonnée. Les salines, très-nombreuses sur la côte, donnent des produits importants.
Industrie.—Commerce.—L'exploitation des mines et des carrières est considérable dans le département de l'Aude, et l'on n'y compte pas moins de 85 fourneaux et forges; là se traite et s'affine le fer ; là on prépare des aciers trèsestimés qui servent à la fabrication des limes et des râpes. Les draps, les lainages, les papiers, les ouvrages tournés et les productions du sol telles que vins et eaux-de-vie, miel et froment, forment les principaux articles de l'exportation. Les petits ports de la Nouvelle et de Leucate, situés sur de vastes étangs qui communiquent avec la Méditerranée, sont les principaux débouchés de l'industrie départementale.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Les routes impériales qui desservent le département de l'Aude sont au nombre de cinq, et ont une étendue de 363 kilomètres. La plus importante vient de la Haute-Garonne, passe à Castelnaudary, Alzonne, Carcassonne, remonte la vallée de l'Aude, traverse Limoux, Couiza, Quillan, tourne ensuite à l'E., pénètre dans le département des Pyrénées-Orientales où elle conduit à Perpignan, et se continue comme voie internationale jusqu'en Espagne.
Le département de l'Aude est traversé au N. par un des canaux les plus importants de la France, le Canal-du-Midi, qui commence à Toulouse, et ne pénètre dans l'Aude qu'au point de partage entre cette rivière et la Garonne, c'est-à-dire au Col-de-Naurouze ; de là, il descend dans la vallée du Tréboul, puis dans celle du Fresquel, passe à Castelnaudary, à Alzonne, à Carcassonne, suit la vallée de l'Aude, coupe le Fresquel qu'il franchit sur un pont-aqueduc, traverse ainsi l'Orbieu, l'Argentdouble, l'Ognon, la Répudre, quitte la vallée de l'Aude près de Ginestas, et descend vers le département de l'Hérault pour aboutir à l'étang de Thau. De ce canal se détache au N. de la Cesse, un embranchement qui va rejoindre l'Aude au point de la prise d'eau du Canal-de-Narbonne; ce dernier se dirige sur la ville dont il porte le nom, traverse la bande de terre comprise entre les étangs de Sigean et de Gruissan, et finit dans le chenal de la Nouvelle.
Le département de l'Aude est desservi de l'O. à l'E. par une ligne principale du réseau du Midi, la ligne de Bordeaux à Cette, avec sta-
tion à Ségala, Mas-Saintes-Puelles, Castelnau- dary, Pexiora, Bram, Alzonne, Pézens, Car- cassonne, Trèbes, Floure, Capenclu, Moux, Lézignan, Villedaigne, Marcorignan, Narbonne et Coursan.
De cette ligne se détachent deux embranchements : 1° celui de Castelnaudary à Castres, qui monte vers le N. et n'a qu'une station dans le département, Soupext ; 2° celui de Narbonne à Port-Vendres par Perpignan avec stations à la Nouvelle et Leucate.
L'ensemble de ces voies ferrées est de 155 kilomètres.
Un troisième embranchement de Carcassonne à Quillan doit desservir Limoux et quelques points intermédiaires.
Histoire. — Au moment de la conquête ro- maine, les Tectosages habitaient la plus grande partie du territoire qui forme aujourd'hui le département de l'Aude. Les Romains fondèrent leur principal établissement à Narbonne qui ne tarda pas à devenir une capitale provin- ciale et un grand centre civilisateur. L'invasion des barbares changea cet état de choses ; cependant, les Visigoths, grands admirateurs de l'administration romaine, s'approprièrent, autant qu'ils le purent, les mœurs des vaincus; le territoire de l'Aude fut alors compris dans la Septimanie. Aux Visigoths succédèrent les Arabes d'Espagne, que les Francs vinrent bientôt remplacer.
L'administration carlovingienne confia le gouvernement de cette contrée aux comtes de Barcelone, puis elle en détacha peu après le Rasès et le Carcassès qu'elle réunit au comté de Toulouse. La féodalité vint ensuite et opéra de nouvelles divisions territoriales ; les comtes de Barcelone, de Foix, les vicomtes de Béziers dominèrent tour à tour ce territoire. La guerre des Albigeois modifia profondément cette situation, et les rois Capétiens bénéficièrent d'une guerre à laquelle ils ne prirent que peu de part ; Carcassès constitua dès lors une sénéchaussée dont l'étendue était considéra- ble. Sous Louis XII en 1498, la vicomté de Narbonne qui était resté aux comtes de Foix, fut acquise par échange avec le duché de Ne- mours; dès lors, le pays entier fut annexé au domaine royal et subit les vicissitudes politiques de la France.
Le département de l'Aude, à l'époque de la nouvelle division, fut formé avec une partie du Languedoc.
Hommes célèbres. — On peut citer parmi les personnages remarquables du département de l'Aude : le conventionnel FABRE D'ÉGLANTINE;
le baron GUIRAUD, poëte lyrique ; les généraux ANDREOSSI et DEJEAN; ALEXANDRE SOUMET, de l'Académie française; et parmi les contemporains : le docteur BARTHEZ; FÉLIX BARTHE, membre de l'Institut.
Divisions administratives. — Le département de l'Aude forme quatre arrondissements subdivisés de la manière suivante :
Arrond. de Carcassonne.. 12 cant. 140 comm.
— Castelnaudary 5 — 74 — — Limoux 8 — 150 — — Narbonne 6 — 71 — 31 cant. 435 comm.
Il forme la 3e subdivision de la 2e division militaire dont le siège est à Perpignan et possède deux places fortes, Narbonne et la citadelle de Carcassonne. Ses côtes sont comprises dans le sous-arrondissement de Port-Vendres, qui fait partie du 5e arrondissement maritime.
Le département de l'Aude forme un diocèse dont le siége est à Carcassonne, et qui est suffragant de l'archevêché de Toulouse; ce diocèse comprend 37 cures, 361 succursales, un grand et un petit séminaire à Carcassonne, et un petit séminaire à Castelnaudary.
La justice est rendue par 4 tribunaux de première instance et 4 tribunaux de commerce siégeant aux chefs-lieux d'arrondissements, qui ressortissent à la Cour impériale de Montpellier.
Ce département est compris dans la circonscription de l'Académie de Montpellier; il y a à Carcassonne un lycée et une école normale d'instituteurs, un collège communal à Castel- naudary, et 627 écoles publiques et libres. Les trois quarts environ des jeunes gens appelés au tirage savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de l'Aude :
ARRONDISSEMENT DE CARCASSONNE.
CARCASSONNE (22173 hab.), préfecture et chef-lieu du département, forme deux cantons et est située à 781 kilomètres de Paris, sur l'Aude dont elle occupe les deux rives. Elle se divise en haute ou vieille ville et en basse ou nouvelle ville.
La première, c'est la cité, bâtie sur une colline escarpée qui domine la rive droite de l'Aude; cette ville gothique a soigneusement conservé son antique aspect; elle possède encore sa double enceinte de fortifications, classées parmi les monuments historiques, et qui peuvent servir à l'étude de la défense des
places depuis le VIe jusqu'au XIVe siècle; l'enceinte intérieure a été construite de la main des Visigoths et date du ve siècle; l'enceinte extérieure a été bâtie par saint Louis, au XIIIe siècle; toutes deux son protégées par une cinquantaine de tours percées de meurtrières et munies de barbacanes, dont les principales sont la tour carrée, la tour de l'èvêque, la tour ronde de Mipadre, la tour de Saint-Nazaire, la tour de Trésau, la tour de Saint-Servin, toutes remarquables à différents titres, et parmi les portes, celles de l'Aude et la porte Narbonaise, qui servait d'entrée à la cité et avait l'importance d'un château fort. Le donjon auquel viennent aboutir les deux enceintes, flanqué de quatre tours rondes, date du XIVe siècle et sert aujourd'hui de citadelle. Dans la cité s'élève une ancienne cathédrale, l'église de Saint-Nazaire, reconstruite au XIe siècle, avec vitraux splendides de la Renaissance, sarcophage, cloître et crypte, et qui compte parmi les monuments historiques.
La cité communique avec la ville basse par un vieux pont du XIIe siècle et un pont neuf du XIVe; c'est une ville à rues régulières et tirées au cordeau ; les églises de Saint-Michel et de Saint-Vincent n'offrent aucun caractère remarquable, quoique de date ancienne; l'hôtel de la préfecture, le musée, le palais de justice, la bibliothèque méritent à peine d'être cités; mais l'esplanade, vaste champ de manœuvre, les boulevards ouverts sur l'emplacement des anciens fossés, forment, des promenades charmantes et d'agréables jardins.
L'origine de Carcasonne se perd dans la nuit de l'histoire, et c'était déjà une ville importante, quand les Romains envahirent la Gaule. Devenue le siège d'un évêché au temps des Visigoths, prise par Charles-Martel, emportée d'assaut par les Croisés, donnée au roi de France par le traité de 1229, elle se révolta contre son autorité et en fut cruellement punie. Elle ne se reposa de tant de troubles que sous Louis XIII, après avoir beaucoup souffert des guerres religieuses, et son importance politique s'éteignit dans une obscure tranquillité.
La principale industrie de Carcassonne est la fabrication des draps qui occupe 2000 ouvriers, celle des couvertures de laines et des molletons; elle exporte beaucoup de ses produits en Amérique, et :;on marché de grains, de fruits, de vin, est considérable; son port, situé sur le Canal-du-Midi, est l'un des plus beaux de cette contrée.
Montréal (2829 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville de construction assez régulière, située sur une colline escarpée au
pied de laquelle coule le Rebanty; on y remarque l'Église de Saint-Vincent dont la nef à neuf travées est entourée de treize chapelles ; son orgue est regardé comme l'un des plus remarquables de France. Montréal a des fabriques de drap et fait le commerce des grains.
Alzonne (1468 hab.), chef-lieu de canton située sur le Fresquel et le Canal-du-Midi, possède des fabriques de draps fins.
Saissac (1565 hab.), bâti à mi-flanc de la Montagne-Noire, près de la Bernassonne, a conservé des vestiges de ses vieux remparts et d'un ancien château fort.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Capendu (905 hab.), Conques (1752 hab.), Lagrasse (1280 hab.), Le Alas-Cabardès (858 hab.), où l'on fabrique des toiles et des poteries, Peyriac-Minervois (1294 h.), Tuchan (1194 hab.), où l'on distille l'eau-de-vie, et Moulhoumet (341 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Montolieu ( 1402 hab.) ; Azille 1680 hab.) ; Laure (1294 hab.) ; Trèbes (1714 h.), avec un beau pont sur l'Aude et un aqueduc qui conduit l'Orbiel au-dessus du Canal-duMidi; Caunes (2390 hab.), située sur le versant d'un coteau dans la vallée supérieure de l'Argentdouble, qui conserve quelques restes d'une magnifique abbaye et possède d'importantes exploitations de marbres.
ARRONDISSEMENT DE CASTELNAUDARY.
CASTELNAUDARY (9075 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisé en deux cantons, est situé à 36 kilomètres de Carcassonne, sur une hauteur au pied de laquelle passe le Canal-du-Midi, qui forme un superbe bassin dont la circonférence mesure 1200 mètres. Dans l'église de Saint-Michel, dont le style n'offre rien de remarquable, s'élève le tombeau du général Andréossy. La vue qui s'étend de la ville jusqu'à la chaîne des Pyrénées est magnifique.
L'origine de Castelnaudary est peu connue, bien qu'on l'attribue aux Visigoths ; au com- mencement du XIIe siècle, ce n'était encore qu'un château fort; au XIVe siècle, la ville fut prise par le prince de Galles et ne se releva de ses ruines qu'en 1356, à l'époque où Jean d'Armagnac, le gouverneur du Languedoc, la rétablit et la fortifia.
Castelnaudary, placé dans une région agricole, a de nombreux moulins et fait un grand commerce de grains, de bestiaux et de fruits; l'industrie exploite les carrières de chaux et de gypse du voisinage, et fabrique des draps communs et de la poterie. De nombreux
chantiers de construction fournissent aux besoins de la battelerie du canal.
Belpech (2343 hab.), chef-lieu de canton, situé au confluent du Lers et de la Vixière, a des fabriques de draps et de toiles. Là est la limite de la culture de l'olivier dans le département.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Salles (1134 hab..), et Fanjeaux (1590 hab.), construit sur les ruines d'un ancien fort, qui lui-même occupait l'emplacement d'un temple consacré à Jupiter.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Bram (1638 hab.); Villasavary (1871 hab.); Saint-Michel-de-Lanès (900 hab.); Saint-Papoul (1287 hab.), petite ville érigée en évêché au XIVe siècle, et dont le diocèse comprenait tout le Lauraguais.
ARRONDISSEMENT DE LIMOUX.
LIMOUX (6 770 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 30 kilomè- tres de Carcassonne, au milieu d'une région fertile, sur les deux rives de l'Aude. Cette petite ville est généralement bien bâtie, et ses deux principaux quartiers sont reliés par plusieurs ponts; son ancienne église abbatiale de SaintHilaire est classée parmi les monuments historiques.
Limoux, placée dans le pays que l'on appelait le Rasès, a une origine incertaine. Cette ville souffrit beaucoup pendant la guerre des Albigeois, et fut même détruite par les troupes du roi de France en exécution d'une sentence rendue par le concile de Narbonne en 1226. A l'époque des guerres de religion, elle embrassa le parti des protestants et fut saccagée par les catholiques.
Les vignobles des environs de Limoux occupent environ 13 000 hectares; ils produisent un excellent vin rouge, et un vin blanc renommé, connu sous le nom de blanquette de Limoux. Ses principales industries sont la fabrication du drap, la filature des laines, les tanneries et les teintureries.
Chalabre (2218 hab.), chef-lieu de canton, est située sur le Lers; ses rues sont régulières et forment les rayons d'une circonférence formée par de beaux boulevards plantés de platanes, et dont une jolie place occupe le centre. Cha- labre possède un château remarquable, quoique inachevé, où s'élève la statue du sire de Bruyère, l'un des compagnons d'armes de Simon-de-Montfort. L'industrie de cette petite ville est très-importante, et consiste surtout en manufactures de draps, en filatures de laines, en teintureries, etc.
Quillan (2 556 hab.), chef-lieu de canton, est
une localité considérable par son industrie, située au pied de montagnes boisées dont l'exploitation l'a rendue prospère; c'est le marché du département pour ses bois de construction; Quillan possède également des fabriques de draps et des scieries mécaniques.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Alaigne (467 hab.), Axat (458 hab.), Belcaire (1120 hab.), Couiza (920 hab.), où l'ancien château du duc de Joyeuse a été transformé en filature, et Saint-Hilaire (902 hah.), où l'on admire les ruines d'une importante abbaye fondée au VIe siècle.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Puilaurens (875 hab.); Roquefeuil (905 hab.); Puivert (1716 hab.) ; Espéraza (1613 hab.) ; Alet (1210 hab.), où se trouvent des ruines historiques très-intéressantes d'une ancienne abbaye du IXe siècle, et des eaux thermales assez fréquentées.
ARRONDISSEMENT DE NARBONNE.
NARBONNE (17 172 hab.), sous préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est située à 53 kilomètres de Carcassonne, et à 8 kilomètres de la Méditerranée; cette ville occupe l'emplacement d'un ancien lac maritime, depuis longtemps comblé par les alluvions de l'Aude dont un bras détourné aboutit au petit port de la Nouvelle; ce bras, canalisé sous le nom de la Robine, divise la ville en deux parties; elle est entourée de remparts du haut desquels la vue embrasse la chaîne des Cévennes, au N., et va se perdre dans le S. jusqu'à la chaîne des Corbières, au-dessus de laquelle culmine le MontCanigou ; les églises Saint-Just et Saint-Paul, qui datent du XIIIe siècle sont comprises parmi les monuments historiques; l'hôtel de ville, autrefois l'archevêché, est un édifice remarquable, composé de constructions diverses; il est appuyé à une tour mauresque de forme carrée qui domine la ville.
Narbonne est riche en inscriptions romaines, ce qui s'explique par ce fait qu'elle devint une des capitales administratives de la Gaule, etatteignitun hautdegré desplendeur. Les Visigoths en tirent après les Romains leur principale cité, quand ils eurent perdu Toulouse. Conquise successivement par les Bourguignons et par les Arabes, Narbonne résista aux attaques de Charles-Martel, mais elle fut prise par Pépin, après un siège de sept ans en 759. Sous les Carlovingiens, elle redevint la capitale d'une division territoriale et fut l'un des refuges accordés aux juifs qui y apportèrent industrie, richesse et science; leurs écoles avaient une grande réputation. Les malheurs de la guerre des Albigeois n'atteignirent pas cette ville, qui
après avoir passé aux mains de la maison d'Aragon, puis des comtes de Foix, fut échangée en 1507 contre le duché de Nemours, et arriva ainsi à la maison de France. Louis XII, voulant la fortifier contre les entreprises de l'Espagne, eut la malheureuse idée d'en resserrer l'enceinte, devenue trop vaste pour sa population, et il fit abattre les murailles élevées par les Visigoths et les Arabes, les faubourgs et les monuments même de l'époque romaine, dont les matériaux furent employés à la nouvelle construction. Narbonne se trouve aujourd'hui à l'étroit, et il y a lieu de supposer qu'à l'exemple du Havre et de Lille, elle trouvera moyen de donner essor à sa prospérité toujours croissante.
Narbonne possède des distilleries, des tannelies, des poteries, des fabriques de vert-de-gris, de toiles, etc.; et se livre en grand au com- merce des vins, du miel, du cidre, des grains et des farines.
Lézignan (3934 hab.), chef-lieu de canton, situé à la droite de l'Orbieu, a d'importantes distilleries et fait un commerce considérable de bois; ses foires très-suivies attirent en nombre considérable les habitants des cantons voisins.
Sijean (3496 hab.), chef-lieu de canton, est situé à 3 kilomètres de l'étang qui porte son nom et sur une petite élévation ; cette petite ville est entourée de salines dont l'exploitation fournit annuellement plus de 50 000 quintaux métriques de sel au commerce. C'est au S. de Sigean, que, suivant la tradition, CharlesMartel écrasa les Sarrasins débarqués à la Nouvelle en 737.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Coursan (2477 hab.), qui possède des distilleries, Durban (675 hab.), où s'exploitent des mines de houille, de fer et d'antimoine, et Ginestas (971 hab ), situé au pied d'une colline, au confluent de l'Aude.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Gruissan (2801 hab.), où s'élève une tour construite, dit la tradition, par Barberousse; Fabrezan (1310 hab.), bâti sur l'Orbieu, au bas de la montagne d'Alaric, où se voient quelques restes de fortifications; Leucate (1461 hab.), petit port situé sur la Médi- terranée dans une presqu'île, et l'entrepôt des vins de Houssillon; La Nouvelle (1981 hab), principal port du département, formé par le chenal qui relie l'étang de Sigean à la mer, et souvent obstrué soit par les vases de l'Aude, soit par les sables de la Méditerranée; sa prin cipale industrie est la construction des navires, et son mouvement maritime est de 800 bâtiments jaugeant environ 45 000 tonnes.
AUDE
Cathédrale de Rodez.
AVEYRON.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Aveyron prend son nom d'un petit cours d'eau, sous-affluent de la Garonne, qui en traverse la partie centrale de l'E.
à l'O. Il est limité : au N. par le département du Cantal; à l'E. par celui de la Lozère; au S.
par les départements de l'Hérault et du Tarn ; à l'O., par ceux de Tarn-et-Garonne et du Lot.
Le département de l'Aveyron est l'un des plus élevés de la France, et la ville de Rodez,
son chef-lieu, est située à 633 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il occupe le plateau central dont la partie supérieure apparaît dans les Monts-d'Auvergne. Son sol, très-varié, à la fois granitique, schisteux et tourbeux, appartient aux terrains primaires et de formation volcanique dans les montagnes, tandis que ses plaines sont d'une nature alluvionnaire et présentent successivement des marnes, du calcaire ou du grès. Montueux et
raviné au N., l'Aveyron ne se développe alors que par larges masses boisées où le châtaignier domine; à l'E. et au S., le sol devenu plus propice dessine des vallées riches en pâturages, en prairies, et des coteaux peu élevés où la vigne prospère; mais au centre et à l'O., les landes qui constituent la majeure partie du territoire ne produisent que d'inutiles bruyères.
La misère eût donc été grande parmi les populations de l'Aveyron, si la terre ne leur eût prodigué ses trésors minéraux, et, en effet, l'Aveyron compte pour la variété et la richesse de ses gisements au premier rang des départements producteurs.
Orographie. — Les montagnes de l'Aveyron appartiennent aux Cévennes, dont elles ne sont que des ramifications. Au N., dés Monts-de-la- Margeride se détachent les Monts-d'Aubrac, qui marquent la séparation des, petits bassins de la Truyère et du Lot et s'élèvent sur la limite N. E. du département sous la forme de volcans éteints dont les flancs sont sillonnés de torrents et de cascades, au milieu de basaltes prismatiques; leur sommet le plus élevé est le Cham-de-la-Roche, qui atteint une hauteur de 1328 mètres. Au S., le contre-fort connu sous le nom de Causse-de-|Séverac se sépare aux sources de l'Aveyron et forme deux plateaux : l'un, qui s'étend entre le Lot et l'Aveyron et porte plus particulièrement le nom de Monts- du-Rouergue, est formé de calcaire jurassique jusqu'à Marcillac et de terrains triasiques au N. de Saint-Aubin : c'est là que. s'étagent ces riches houillères qui font la fortune du département ; le second plateau désigné sous le nom de Plateau-du-Levezou, où culmine le Peuch de Monsaiguié, s'arrondit entre l'Aveyron etle Tarn dont il divise les eaux; sa hauteur moyenne est de 1100 mètres, et son aridité très-grande.
Au S. du Tarn, entre le cours de cette rivière et les Monts-Garrigues, apparaît un plateau calcaire, nommé Causse-de-Larzac, élevé de 900 mètres, privé d'arbres, manquant d'eau, stérile et rocailleux, sauf en de certaines parties où ses pâturages sont excellents pour les moutons.
Au S., les Monts-de-la-Caune, d'une structure plus ondulée et moins abrupte dans leurs pentes, déterminent la séparation des départements de l'Aveyron et du Tarn ; ils sont continués par les Monts-Garrigues qui limitent le département de l'Hérault et vont finir dans celui du Gard.
Hydrographie. — Par suite de sa configuration orographique, le département de l'Aveyron se trouve compris tout entier dans le bas-
sin de la Garonne, et ses cours d'eau, soit comme affluents, soit comme sous-affluents, sont tous tributaires de ce fleuve. Ses trois principales rivières sont le Lot et le Tarn, affluents de la Garonne, et l'Aveyron, affluent du Tarn.
Le Lot prend sa source dans la Lozère et sépare les Monts-d'Aubrac de la Causse-deSéverac pour entrer dans l'Aveyron près de Saint-Laurent-d'Olt; pendant un parcours de 87 kilomètres, il arrose Pomayrol, Saint-Geniez, Sainte-Eulalie, Saint-Cosme, Espalion, Estaing, Entraygues, forme un instant la limite du département au N. de l'arrondissement de Rodez, baigne Grand-Vabre, coupe sinueusement une portion de l'arrondissement de Villefranche, passe à Livignac, à Bouillac, à Balaguier, à Salvagnac, pénètre dans le département du Lot et finit dans celui de Lot-etGaronne; la navigation du Lot est difficile, son cours souvent embarrassé, et il ne devient réellement praticable qu'à son confluent avec la Truyère. Ses principaux affluents dans le département sont : 1° la Truyère, rivière trèsencaissée dont les rives sont plantées de forêts, qui prend sa source dans la Lozère, traverse le Cantal, pénètre dans l'Aveyron où elle reçoit l'Argens, la Sénig accrue de la Bromme, le Goul, la Selves, et se perd dans le Lot auprès d'Entraygues ; 2° le Dourdou, qui naît au pied du Mont-Roquelaure, traverse la vallée de Ville-Comtal, passe à Mouret, à Nauviale, à Saint-Cyprien, à Conques, et se termine près de Grand-Vabre; 3° le Rieumort, petite rivière qui arrose Firmy, Decazeville, Viviez, absorbe le Rieuvieux accru lui-même de l'Aubin et du Cransac, et se perd près de Livignac.
Le Tarn prend naissance dans les montagnes de la Lozère, entre au confluent de la Joute dans le département de l'Aveyron, le traverse obliquement de l'E. au S. O., arrose Compeyré, Milhau, Creyssels, Compregnac, SaintRome, Broquiès, pénètre à la jonction du Rancé, dans le département du Tarn et va se terminer dans celui de Tarn-et-Garonne. Ses affluents sont, dans l'Aveyron : 1° la Dourbie, qui naît près de Lespérou dans le Gard, arrose Saint-Jean-du-Bruel, Nant, la RoqueSainte-Marguerite, après s'être grossi du Tréveset; 2° le Cernon, qui baigne Roquefort, Saint-Rome-de-Cernon, Saint-Georges, et reçoit le Soussou; 3° le Dourdou, qu'il ne faut pas confondre avec l'affluent du Lot, qui prend sa source dans la montagne de l'Espinouze, baigne le Fayet, Camarès, Montlaur, Vabre, après avoir absorbé la Nuejouls et la Sorgues: 4° le Rancé, qui naît près de Coufouleux, arrose Prohencoux, Belmont-d'Aveyron, Combret,
Saint-Sernin, Balaguier, Plaisance, et s'accroît dans ce parcours de la Toudoure, du Mer- danson et du Gos.
L'Aveyron, qui donne son nom au département, prend naissance dans les Causses-deSéverac, se dirige de l'E. à l'O., en arrosant Séverac, Gaillac, Palmas, Rodez, Belcastel, Villefranche, d'où il descend vers le S. avec une pente très-marquée, passe à Najac, à Laguépie, entre dans le départ ment du Tarnet-Garonne au confluent du Viaur, et se jette dans le Tarn au-dessous de Montauban. Ses principaux affluents dans l'Aveyron, pendant un cours de 150 kilomètres, sont: 1° l'Alzon, qui sort des montagnes de Rignac; 2° le Viaur, qui s'échappe des Monts-du-Levezou, arrose Pont-de-Salars, Sainte-Juliette, et se perd près de Laguépie, après avoir reçu le Varairons, la Cadousse, le Vioulou, et, entre autres torrents du Levezou, le Séor grossi du Giflou.
Le département de l'Aveyron renferme quelques lacs, tels que les lacs de Saint-Andéol, de Bor, et de Saliens, qui sont peu remarquables.
Climat. — L'élévation du sol de l'Aveyron et sa constitution montagneuse lui font un climat rigoureux; l'hiver y dure près de six mois, et dans certaines parties du territoire, la neige persiste toute l'année. Le vent d'O. y est le plus fréquent et remonte les grandes vallées en soufflant avec violence; le vent du S., trèsimpétueux, est heureusement arrêté par le vaste écran que lui opposent les hauts plateaux des Causses. La région orientale du département offre seule un climat tempéré.
Superficie. — Population. — Le département de l'Aveyron est l'un des six plus grands départements de la France; sa superficie est de 874 333 hectares ; sa population n'est pas en rapport avec cette étendue territoriale, car elle ne comprend que 400 070 habitants, à peu près 45 habitants par kilomètre carré; son accroissement n'a été que de 69 600 âmes depuis le commencement du siècle.
Les habitants de l'Aveyron forment une race intelligente, très-apte aux sciences et aux arts, mais souvent esclave des préjugés et des vieilles coutumes; ils ont la tête chaude, la main leste et prompte, quand leur colère est surexcitée; au repos, au contraire, leur maintien est calme, leur regard froid, leur abord presque glacial. Toute cette population se distingue par une taille massive et une constitution robuste.
Agriculture. — Le département de l'Aveyron emploie plus du tiers de son territoire en
terres labourables, environ 354 000 hectares; les pâturages, les landes, les bruyères couvrent 173 000 hectares, les prairies naturelles 135 000, les bois, les étangs, les chemins, les cours d'eau 131 000.
Les céréales, parmi lesquelles le seigle occupe le premier rang, ne donnent que des produits insuffisants pour les besoins de la population. Les cultivateurs développent la culture des prairies, surtout sur les plateaux calcaires ou Causses qui dominent les sources du Tarn, du Lot et de l'Aveyron ; là prospèrent des races de moutons d'une qualité très-supérieure; le lait de certaines brebis, particulièrement de celles du plateau de Larzac qui se rattache aux Cévennes et aux Montagnes-de-la-Caune, sert à la fabrication des fromages de Roquefort, et, suivant M. L. de Lavergne, il y a tel troupeau de brebis qui dans ces cantons rapporte jusqu'à 25 francs par tête. Le chiffre de moutons que possède le département est de 854 000 environ ; les bêtes à cornes, au contraire, atteignent à peine la neuvième partie de ce nombre considérable, quoique la race d'Aubrac soit très-estimée; on compte environ 10 000 porcs, qui se nourrissent facilement dans cette région boisée, 9000 chevaux, 8000 ânes ou mulets, et 1700 boucs, chèvres ou chevreaux. Les ruches d'abeilles sont nombreuses et d'un bon rapport.
Le châtaignier, cultivé en grand, donne d'excellents produits qui suppléent au manque de céréales et alimentent la population pendant une partie de l'année.
La partie occidentale du département est riche en truffes excellentes; mais l'Aveyron, quoique voisin de territoires renommés pour leurs vins, n'en produit pas, cependant, qui méritent d'être cités.
Obligée de lutter contre une nature ingrate pour pourvoir à sa subsistance, la population presque tout entière se livre aux travaux agricoles, et, bien que l'Aveyron ne puisse être classé, comme rendement, parmi les départements producteurs, il ne compte pas moins de 313 000 agriculteurs sur une population de 400 000 habitants.
La valeur totale de la production agricole est environ de 45 millions par an.
Mines. — Carrières. — Les richesses minérales de l'Aveyron sont très-variées; le charbon de terre y occupe le premier rang; ces magnifiques houillères n'auraient peut-être jamais été connues, sans un incendie qui se déclara spontanément dans leurs inépu isables couches ; on compte 39 concessions de mines qui occu- pent environ 145 kilomètres carrés et pro-
duisent annuellement 600 000 tonnes de combustible.
Après la houille vient le fer exploité dans 7 mines sur une superficie de 63 kilomètres carrés, et dont le rendement atteint 153 000 tonnes.
Les terrains de l'Aveyron contiennent encore de l'antimoine, du mercure, de l'argent, du cuivre, en proportion peu notable, il est vrai ; la tourbe y est assez commune ; la chaux, le marbre, l'ardoise, le kaolin, la marne s'y rencontrent abondamment.
Parmi les sources minérales du département, on peut citer celles de Silvanès, de Carnarès et de Cransac, dont les propriétés toniques sont très-actives dans tous les affaiblissements de l'organisme.
Industrie. — Commerce. — L'industrie minérale et métallurgique est la plus importante du département de l'Aveyron. La houille répandue sur presque toutes les parties de son territoire, le fer, le cuivre, devaient stimuler les efforts d'une population à laquelle la nature semblait tout d'abord refuser les ressources premières. Une société puissante concentra dans ses mains les éléments épars de la richesse départementale, et Decazeville, Aubin, Firmy, occupant près de 6000 ouvriers, arrivèrent à produire 36 000 tonnes de fonte par an ; la fabrication des rails et du fer en barre fut poussée avec ardeur, et pendant longtemps, elle permit à des populations entières de jouir d'un bien-être jusqu'alors inconnu dans ces contrées. Malheureusement ces exploitations sont menacées d'une ruine trèsréelle et très-prochaine par la concurrence étrangère.
L'emploi des laines fines constitue le second élément industriel de l'Aveyron, et peut-être le plus sûr; c'est à la possession de riches troupeaux de brebis qu'est due la fabrication des étoffes de laines, de draps communs, de cadis, la tannerie, la ganterie, et enfin la fabrication de fromages dont le débit s'accroît chaque jour.
Les forêts fournissent abondamment des bois de construction, des marrons et des chàtaignes que recherchent les consommateurs des grandes villes.
Malheureusement, les moyens de communication accélérée et économique manquent au département de l'Aveyron ; ses cours d'eau sont sans puissance, et les voies ferrées sont toujours restreintes par les difficultés et les obstacles de son territoire.
Routes. — Chemins de fer. — Le départe-
ment de l'Aveyron compte 8 routes impériales qui se développent sur une longueur de 577 kilomètres; Rodez en est le point d'intersection et se trouve ainsi en communication non-seulement avec les chefs-lieux d'arrondissement, mais encore avec les départements voisins.
L'une de ces routes monte vers le N., et se bifurquant, passe d'un côté à Espalion, à Lagniole, et pénètre dans le Cantal ; de l'autre, elle touche à Entraygues et se dirige sur Auril- lac; une seconde route descend d'abord au S., puis se divise pour atteindre d'un côté VilleFranche, de l'autre côté, Millau et SaintAffrique.
Le département de l'Aveyron est desservi par un embranchement et deux sous-embranchements du chemin de fer de Paris à Agen,
l'une des principales lignes du réseau d'Orléans: 1° l'embranchement de Capdenac à Rodez, avec stations à Saint-Martin, Panchot, Viviez, Au- bin, Cransac, Saint-Christophe, Marcillac, Nuces et Salles-la-Source ; 2° le sous-embranchement de Capaenac à Lexos, qui descend au S. par les stations de Naussac, SallesCourbatier, Villeneuve, Villefranche, Monteils et Najac; 3° le sous-embranchement de Viviez à Decazeville.
Le développement de ces diverses voies ferrées est de 105 kilomètres.
L'embranchement de Capdenac à Rodez doit être prolongé jusqu'à Montpellier et desservira Millau et St-Affrique; un autre sous-embranchement de Millau à Lunel doit traverser l'angle S.-E. du département.
Histoire. — Les Rutheni paraissent avoir été historiquement les premiers habitants de cette contrée connue aujourd'hui sous le nom d'Aveyron. Ces populations furent promptement soumises par les Romains et comprises en partie dans la Projeta; après la conquête de César, elles furent placées dans l'Aquitaine et subirent toutes les vicissitudes de cette portion du territoire gaulois. Au IXe siècle, les comtes du Rouergue, ancien pays des Rutheni, étendaient aussi leur domination sur Toulouse. Au XIe siècle, le Rouergue, singulièrement amoindri, n'était plus déjà qu'un apanage des fils des comtes de Toulouse, et, deux siècles plus tard, une portion considérable de ce domaine passait à la couronne de France par suite de déshérence.
Cependant, Rodez et Millau, aliénés depuis 1112, appartenaient toujours aux comtes d'Armagnac et entrèrent dans la maison d'Albret en 1525, par le mariage d'Henri d'Albret, roi de Navarre, et de Marguerite de Valois, qui prétendaient des droits égaux sur l'héritage
du dernier comte. Leur petit-fils, Henri IV, en arrivant au trône, réunit à la couronne le comté de Rodez et ses dépendances.
A l'époque de la Révolution, le Rouergue était divisé en comté (Rodez), Haute-Marche (Millau) et Basse-Marche (Villefranche), et il servit à former le département de l'Aveyron.
Hommes célèbres. — Le département de l'Aveyron a produit un grand nombre d'hommes distingués. On peut citer parmi eux : le chevalier d'ESTAING; JEAN DE LA VALETTE, le défenseur de Malte; le surintendant FOUQUET; PIERRE CHIRAC, célèbre médecin, surintendant du jardin des Plantes; le médecin ALIBERT, auteur d'une Physiologie des passions; le philosophe RAYNAL; le ministre FRAYSSINOUS, évêque d'Hermopolis; le chansonnier PLANARD; ALEXIS MONTEIL, auteur d'une Histoire des Français; l'archevêque de Paris, AFFRE; et parmi les contemporains : l'historien Louis BLANC; le cardinal de BONALD, archevêque de Lyon; l'économiste JULES DUVAL.
Divisions administratives. — Le département de l'Aveyron forme cinq arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Rodez 11 cant. 76 comm.
— Villefranche. 7 — 60 — — Espalion. 9 — 48 — — Millau. 9 — 49 — — Saint-Affrique. 6 — 52 — 42 cant. 285 comm.
Ce département forme la 2e subdivision de la 10e division militaire dont le siège est à Montpellier.
Dans l'administration religieuse, il comprend un évêché suffragant de l'archevêché d'Albi, et dont le siège est à Rodez. Ce diocèse possède 50 cures, 504 succursales, un grand séminaire à Rodez, et deux petits séminaires à Saint-Pierre et à Belmont. Les protestants, fort nombreux dans le département, y comptent 9 temples.
La justice est rendue par 5 tribunaux de première instance, siégeant aux chefs-lieux d'arrondissement, et par les 4 tribunaux de commerce de Millau, de Sainte-Affrique, de Rodez et de Saint-Genies, qui ressortissent à la Cour impériale de Montpellier.
L'instruction publique, sous la direction de l'Académie de Toulouse, comprend un lycée et une école primaire à Rodez, des colléges communaux à Millau et à Villefranche, et 1282 écoles libres très-fréquentées. Aussi, près des trois quarts des jeunes gens inscrits pour le tirage au sort savent-ils lire et écrire.
Description des villes. — Les principales localités du département de l'Aveyron sont:
ARRONDISSEMENT DE RODEZ.
RODEZ (12037 hab.), chef-lieu de préfecture et du département, est situé à 604 kilomètres de Paris et à 633 mètres au-dessus du niveau de la mer ; la ville, aux rues étroites, tortueuses, fatigantes, pavées de cailloux anguleux, domine du haut d'une colline le cours impétueux de l'Aveyron; les promenades qui l'entourent, ses boulevards tracés sur le remblai des vieux remparts, sont ombragés d'arbres magnifiques et permettent à la vue de s'étendre jusqu'aux montagnes du Cantal et des Cévennes. Il faut citer parmi les beaux édifices de Rodez sa cathédrale gothique, commencée au XIIIe siècle et achevée au XVIe; cette église, d'un admirable style, a des proportions gigantesques, des vitraux précieux, une nef remarquable, un clocher élevé de 86 mètres, et elle est justement classée parmi les monuments historiques de la France; dans les faubourgs de la ville, des fouilles récentes ont révélé des ruines romaines d'un grand intérêt, telles que les restes d'un amphithéâtre et d'un aqueduc.
Rodez, connu sous le nom celtique de Segodunum, est d'origine très-ancienne; après la conquête romaine, cette ville devint la capitale des Rutheni. Un évêché y fut érigé au Ve siècle.
Pendant le moyen-âge, elle fut fortifiée, et les Albigeois, malgré leurs efforts, ne purent parvenir à s'en emparer. A l'époque des guerres religieuses, ses habitants demeurèrent in- vinciblement attachés à la religion catholique.
Les principales industries de Rodez sont la fabrication des couvertures de laine, des serges, des tricots pour l'armée, de la quincaillerie, de la coutellerie; ses divers produits font l'objet d'un commerce assez important, ainsi que les fromages et les bestiaux qui viennent du N. du département.
Marcillac (1990 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur un affluent du Dourdou; on y exploite une mine de cuivre, et son territoire est riche en vignobles ; cette petite ville possède des fabriques de toiles et des fonderies.
Requista (4017 hab.), chef-lieu de canton, est l'entrepôt du commerce des communes environnantes.
Cassagnes-Bégonhès (1436 hab.), chef-lieu de canton, encore entouré de ses vieilles murailles , est situé sur la rive gauche du Séor, et a conservé les vestiges d'une ancienne maison de Templiers.
Conques (1301 hab.), chef-lieu de canton, est situé près de la rive droite du Dourdou, sur
l'emplacement d'une ancienne abbaye de bénédictins, dont l'église du XIe siècle, précieusement conservée, est classée parmi les monuments historiques.
Rignac (1727 hab.), chef-lieu de canton, bâti sur une colline, fait un important commerce de chanvre, de châtaignes et de bestiaux.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Bo- zouls (2577 hab.), la Salvetat (3069 hab.), Naucelle (1281 hab.), Salars (1244 hab.), et Sauveterre (1898 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont Colombiès, Lèdergues, Moyrazès, dont la population dépasse 2000 habitants, et Sallesla-Source (2918 hab.), qui possède plusieurs églises de l'époque romane et gothique, et dans ses environs des cascades fort belles ainsi que des grottes remarquables par la variété de leurs cristallisations.
ARRONDISSEMENT DE VILLEFRANCHE.
VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE (9719 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est située à 67 kilomètres de Rodez, dans un pittoresque cirque de montagnes; l'Aveyron l'arrose à son confluent même avec l'Alzon; cette ville est bien bâtie, et possède plusieurs édifices remarquables : au centre, sur la place des Couverts, l'église gothique de Notre-Dame, un des beaux morceaux d'architecture du XIVe siècle, les églises des Pénitents-Bleus et des Pénitents-Noirs, l'église des Augustins, plusieurs précieuses maisons de la Renaissance, et le cloître d'une ancienne Chartreuse transformée en hospice. Deux ponts de pierre permettent de franchir l'Aveyron et son affluent.
Villefranche, qui ne date que du XIIIe siècle, eut un accroissement rapide et devint bientôt chef-lieu de bailliage, puis de la sénéchaussée du Rouergue; cette petite ville fut très-éprouvée pendant les guerres de religion.
Villefranche a d'importantes fabriques de toiles grises, des papeteries, des chapelleries, des forges de cuivre rouge et des chaudronneries; son commerce a pour objet les grains, le vin, les truffes, les ustensiles de cuivre. Les montagnes environnantes renferment des mines de cuivre, d'étain et d'argent, dont la Compagnie du chemin de fer d'Orléans a obtenu la concession.
Asprières (1821 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive gauche du Lot, est remarquable par les truffières qui commencent sur son territoire et s'étendent jusqu'à la limite occidentale du département ; on y exploite des mines de plomb et de zing.
Aubin (8863 hab.), chef-lieu de canton, doit son importance à l'exploitation de ses mines
de soufre, d'alun et de houille. Les couches de charbon y ont quelquefois 50 mètres d'épaisseur, et l'extraction du fer y suffit à alimenter 5 hauts fourneaux. Le commerce d'Aubin est fort actif, et porte sur les moutons, les chàtaignes, les toiles, et c'est, en outre, le point de transit des produits des forges de Decazeville.
Najac (2415 hab.), chef-lieu de canton, près de l'Aveyron que traverse un vieux pont du XIIIe siècle, fabrique des serges, des toiles d'emballage, des papiers et fait un grand commerce de jambons, châtaignes, etc.; ses foires sont importantes et très-suivies.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Mont- bazens (1480 hab.), Rieupeyroux (2820 hab.), et Villeneuve (3326 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont La Bastide-l'Évêque (2507 hab.); Cransac (3540 hab.), renommé pour ses cinq sources minérales; Firmy (2580 hab.); Viviez (2062 hab.) ; Malleville (2663 hab.) ; Saint-Julien- d'Empare (2092 hab.); Decazeville (7106 hab.), située sur un petit affluent du Lot, au centre d'une région fertile où un établissement métallurgique fondé par le duc Decaze a longtemps fait la prospérité du pays ; malheureusement, la Société des forges et fonderies de l'Aveyron a succombé dans la lutte qu'elle soutenait contre ses rivales, et Decazeville est menacée d'une décroissance rapide.
ARRONDISSEMENT D'ESPALION.
ESPALION (4330 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 32 kilomètres de Rodez sur le Lot, entre les monts Calmont et Roquelaure; cette petite ville, assez bien bâtie, a conservé quelques débris d'anciennes fortifications et un pont datant du XIIIe siècle, qui traverse le Lot. Espalion possède des fabriques de colle forte, des filatures et des tanneries; les laines, les basanes, les vins, les bois forment le principal objet de son commerce.
Entraygues (1846 hab.), chef-lieu de canton, situé au confluent de la Truyère et du Lot, fait un commerce considérable de merrain, de bé- tail et de toiles grises.
Laguiole (1996 hab.), chef-lieu de canton, bâtie sur le penchant d'un rocher que baigne un petit affluent du Lot, fabrique des fromages renommés, des bas, des étoffes de laine, et fait un grand commerce de bestiaux.
Saint-Geniez (3917 hab.), chef-lieu de canton, est un centre important de cadis, tricots, flanelles, couvertures et étoffes de laine et de trames pour la manufacture de Castres; l'église paroissiale renferme un mausolée élevé à l'évêque d'Hermopolis par son ancien élève, le comte de Chambord.
Les autres chefs-lieux de canton sont: Estaing (1642 hab.), Mur-de-Barrez (1350 hab.), Saint-Amans (1234 hab.), Saint-Chély (1809 hab.), et Sainte-Geneviève (1446 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Coubisou (2228 hab.), Castelnau-deMendailles (1739 hab.), Saint-Côme (1820 hab.), Ville-Comtal (1093 hab.).
ARRONDISSEMENT DE MILLAU.
MILLAU (13 663 hab.), sous-préfecture et cheflieu de canton, est situé à 71 kilomètres de Rodez, un peu au-dessous du confluent de la Dourbie et du Tarn, dans une région fertile qu'entourent de magnifiques coteaux; ses rues sont étroites, bien tracées; deux ponts permettent de franchir le Tarn, et de jolies promenades ajoutent aux agréments de cette petite ville, que son commerce et son industrie mettent au premier rang dans le département.
Millau est probablement d'origine romaine ; à l'époque de la réforme, cette ville embrassa le calvinisme avec ardeur et fut souvent attaquée par les catholiques; mais ses fortifications furent rasées par Louis XIV, et la révocation de l'Édit de Nantes la dépeupla presque entièrement.
Millau possède d'importantes fabriques de gants de peau, de draperies, de chamoiseries, des filatures de soie et des tanneries. Son commerce est considérable, et les produits de la région voisine, le bois, le cuir, la laine, les fromages de Roquefort, affluent sur son marché.
Nant (3117 hab.), chef-lieu de canton, situé dans une vallée que baignent la Dourbie et le Dourzon, a conservé une église romane du XIIe siècle, qui faisait partie d'un monastère de Bénédictins, et que la beauté de ses détails a fait classer parmi les monuments historiques; aux environs existent des grottes curieuses très-visitées des touristes.
Severac-le-Château (2786 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur le flanc d'une colline, non loin des sources de l'Aveyron, et possède une mine de houille en cours d'exploitation.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Cam- pagnac (1307 hab.), Laissac (1400 hab.), Peyreleau (356 hab.), Saint-Beauzély (979 hab.), Salles-Curan (2569 hab.), et Vezins (1897 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Saint-Jean-du-Bruel (3072 hab.), entrepôt des départements de l'Aveyron et de la Lozère; Saint-Georges (1655 hab.), où l'on exploite des mines d'alun; Ségur (1600 hab.),
dont l'église ogivale du XIVe siècle, attire de nombreux pèlerins; Creissels (700 hab.), remarquable par une cascade de 23 mètres de chute, une grotte riche en stalactites et en stalagmites, et un rocher formé de feuilles et de branches d'arbres pétrifiées.
ARRONDISSEMENT DE SAINT-AFFRIQUE.
SAINT-AFFRIQUE (7046 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé sur la Sorgue, à 75 kilomètres de Rodez ; cette ville, quoique ancienne, est bien bâtie, mais elle ne possède aucun édifice remarquable. Ses industries sont la fabrication des molletons, des draps et des tricots, les tanneries, les mégisseries; il s'y fait un grand commerce de laine pour les manufactures de Castres et de Carcassonne.
Saint-Affrique, dont la fondation est attribuée à l'un des apôtres de la Gaule, eut beau- coup à souffrir des guerres de religion pendant le XVIe siècle ; c'était alors une des places de guerre des protestants, et Louis XIII la fit démanteler.
Camarès (2163 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur le penchant d'une montagne abrupte baignée par le Dourdou ; cette petite ville mérite d'être citée pour l'excellence des moutons, des truites, des grives de son territoire, et pour ses eaux minérales froides, gazeuses ou ferrugineuses, dont les trois établissements attirent tous les ans de nombreux étrangers.
Saint-Rome-de-Tarn (1652 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive gauche du Tarn, possède dans ses environs de belles grottes et une cascade dont la chute a 27 mètres de hauteur.
Belmont (1915 hab.), chef-lieu de canton, est bâti sur une colline que baigne le Rancé, et son église paroissiale du XIVe siècle, remarquable par son hardi clocher, est rangée au nombre des monuments historiques.
Cornus (1515 hab.), chef-lieu de canton, situé près de la Sorgue, possède une mine de fer.
Saint-Sernin (1587 hab.), chef-lieu de canton, situé sur une colline arrosée par le Rancé, a des mines de cuivre et d'alun.
Les principales communes de l'arrondissement sont: le Truel (2146 hab.); Combret (1183 hab.); Laval-Roqueceziere (1704 hab.); Roquefort (677 hab.), bâti sur le penchant d'une colline que domine le roc de Combalon; là se trouvent ces grottes naturelles ou artificielles, à l'air sec et glacial, où se font les fromages renommés qui portent le nom de cette commune.
AVEYRON
Colline et chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde, à Marseille.
BOUCHES-DU-RHONE.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Le département des Bouches-du-Rhône doit son nom aux nombreuses embouchures du grand fleuve qui arrose son territoire. Il et limité : au N., par la Durance qui le sépare du département de Vaucluse; à l'E., par le département du Var; au S., par cette partie de la Méditerranée qui porte le nom de golfe du Lion ; à l'O., par le département du Gard.
La portion orientale de ce territoire pré-
sente aux regards un immense delta formé par le Rhône qui se divise en deux bras avant son embouchure; ce Delta, c'est la Camargue, une plaine basse et marécageuse de 55 000 hectares, comparable aux Maremmes de l'Italie pour son insalubrité. A l'E. de la Camargue, de l'autre côté du Rhône, depuis la Durance jusqu'à la mer, s'étend une seconde plaine, la Crau, qui comprend environ 12000 hectares d'un sol de galets ou de cailloux roulés; c'est
une région dépourvue d'arbres, sans habitations, sans culture, un Sahara stérile où manque l'eau, mais dont le célèbre Canal-deCraponne, exécuté sous Henri II, a livré une certaine partie à l'agriculture. Dans l'E., quelques petits mouvements de terrain se produisent, quelques chaînes de hauteur médiocre se dessinent sur les bords de la Durance et rétrécissent les plaines.
M. Thiers, l'un des plus illustres enfants des Bouches-du-Rhône, a très-exactement dépeint l'aspect de la partie orientale du département : « Ce ne sont pas, dit-il, toutes montagnes et gorges continuelles comme dans les grandes contrées montagneuses; ce ne sont pas non plus des coteaux médiocres et s'abaissant insensiblement jusqu'à la plaine, ainsi qu'on le voit sur le versant septentrional des Pyrénées; ce sont des plaines, des coteaux et surtout quelques arêtes perdues des Alpes qui viennent se terminer dans la Méditerranée. Aussi la vue, sur ce sol varié, n'est-elle pas toujours arrêtée par des montagnes, enfermée dans des gorges ou perdue dans des plaines immenses; elle se resserre, s'étend tour à tour sur un sol tantôt.
uni, tantôt hérissé des montagnes les plus hautes, et souvent elle se perd sur une mer où l'azur le plus sombre contraste avec une lumière étincelante. C'est en arrivant à Aix qu'on peut commencer à se faire une idée de cette terre si belle dans son aridité même; mais c'est en parvenant surtout aux dernières hauteurs qui enferment Marseille qu'on est saisi subitement d'un spectacle dont tous les voyageurs ont retenu le souvenir. Deux grandes chaînes de montagnes s'entr'ouvrent, embrassent un vaste espace, et, se prolongeant dans la mer, viennent expirer très-avant dans ses fluts. Mar- seille est enfermée dans cette enceinte. Lorsque, arrivant du nord, on parvient sur la première chaîne, on aperçoit tout à coup ce bassin immense; son étendue, son éblouissante clarté vous saisissent d'abord. Il faut renoncer ici aux croupes arrondies, à la parure si fraîche et si verdoyante des bords de la Saône et de la Garonne. Une masse immense de calcaire gris et azuré forme la première enceinte. Des bancs moins élevés s'en détachent, et, se ramifiant dans la plaine, composent un sol inégal et varié. Sur chaque hauteur s'élèvent des bouquets de pins d'Italie qui forment d'élégants parasols d'un vert sombre et presque noir.
Des oliviers, à la verdure pâle, à la taille moyenne, descendent le long des coteaux et contrastent, par leur petite masse arrondie, avec la stature élancée et le superbe dôme des pins. A leur pied croît une végétation basse, épaisse et grisâtre : c'est la sauge piquante et
le thym odorant, qui, foulés sous les pieds, répandent un parfum si doux et si fort. Plus loin, au couchant, s'étend la Méditerranée qui pousse dans les terres des lames argentées, la Méditerranée, avec ses îles, avec ses flots tantôt calmes ou agités, éclatants ou sombres, et son horizon immense, où l'œil revient et erre sans cesse en décrivant des arcs de cercle éternels. » Les côtes du département qui se développent sur une étendue de 160 kilomètres, basses' et marécageuses dans leur partie occidentale, sont le résultat évident des alluvions du Rhône. Là paraît avoir existé jadis un vaste golfe dont Arles ou Tarascon marquait l'extrémité septentrionale, et que le fleuve a comblé en créant la Camargue. A l'E., la côte se relève à partir du golfe de Foz et prend même l'aspect rocheux ; des caps viennent abriter les baies, et des ports ont pu s'y former, tels que Marseille, Cassis, La Ciotat.
Quelques îles, groupées sur la partie S.-E.
des côtes, appartiennent au département des Bouches-du-Rhône, entre autres, les îles de Ratonneau et de Pomègue.
Orographie. — Les hauteurs qui déterminent les diverses pentes du territoire du département des Bouches-du-Rhône, se rattachent à trois chaînes principales et appartiennent au système des Alpes, dont elles sont, de ce côté, les dernières ramifications. Leur nature est calcaire, leur élévation médiocre. La première est la Chaîne-de-Sainte-Victoire, élevée de 900 mètres, qui trace la partie septentrionale de la vallée de l'Arc et jette vers l'O., dans l'arrondissement d'Aix, deux chaînons principaux : l'un, qui se porte au N. jusque sur la Durance dont il forme le bassin méridional sous les noms de Grand-Sambuc et de Trévaresse, se compose de nombreux cratères éteints, et ses dernières pentes sont marquées par des ravins où de nombreuses et abondantes sources répandent la fertilité; l'autre, qui s'étend au S. jusqu'à l'étang de Berre sous le nom de Chaîne-d'Éguilles, délimite la partie septentrionale de la basse vallée de l'Arc.
Au S. de l'Arc apparaît la seconde chaîne, qui n'est qu'une continuation des Monts-deSainte-Baume, dont la crête occidentale, élevée de 925 mètres, est seulement comprise dans le département; cette chaîne se divise en trois parties : au centre la Chaîne-de-l'Étoile, proprement dite, qui n'atteint pas 600 mètres de hauteur; au N.-E. la Chaîne-de-Regagnas, élevée de 577 mètres, qui limite la vallée supérieure de l'Arc; au S.-O. la Chaîne-de-l'Estaque, qui
finit à la mer par le cap de Bouc et par le cap Couronne.
Enfin, au N.-O. du département, la Chaînedes-Alpines étend ses collines déboisées entre le Rhône, la Durance et la Crau, et son point culminant est la Montagne-des-Eygalières qui atteint 490 mètres d'élévation.
Les points culminants de ce système orographique sont le Baou-de-Bretagne, dont la hauteur est de 1066 mètres; la Montagne-de- l'Olympe, élevée de 794 mètres, et le Mont- Castellas, dont l'altitude est de 770 mètres.
Hydrographie.—Ce département appartient au bassin du Rhône, et près de 600 cours d'eau arrosent son territoire.
En première ligne, le Rhône, le plus grand fleuve de la France, après être sorti d'un glacier de la Suisse situé à une hauteur de 1800 mètres, après s'être grossi de 80 torrents, après avoir traversé le lac de Genève et quitté la Suisse, accru par les eaux de 137 glaciers, après avoir traversé le département de l'Ain, côtoyé et limité ceux du Rhône, de l'Isère, de l'Ardèche, de la Drôme, de Vaucluse, du Gard, pénètre enfin dans le département des Bouches-du-Rhône, un peu au-dessous d'Avignon. Là, -il descend du S. au N., baigne Tarascon et se sépare en deux bras qui forment le delta de la Camargue: le premier, le plus important, le Grand-Rhône, arrose Arles, délimite la partie E. de la Camargue, se dédouble en deux branches, l'une qui se précipite dans la Méditerranée par plusieurs chenaux vaseux, et l'autre, souvent à sec, qui se perd dans des lagunes ; le second bras, sous le nom de Petit-Rhône, baigne SaintGilles et se jette dans la mer par deux canaux.
A sa sortie du lac de Genève, le volume des eaux du fleuve est de 70 mètres cubes par seconde; tandis qu'à son embouchure dans la Méditerranée, le volume des eaux de toutes ses bouches est de 550 mètres cubes par seconde ; son cours a une longueur de 812 kilomètres.
Le Rhône n'est navigable que depuis le hameau du Parc dans le département de l'Ain, mais les caprices de ses embouchures, leur peu de profondeur, les irrégularités des chenaux que l'on est forcé de baliser incessamment, rendent sa navigation difficile dans son bas cours; on ne pourrait remédier à ces graves inconvénients et rendre faciles les communications du Rhône avec la mer que par un canal à grande section qui déboucherait dans l'Anse-du-Repos.
Le seul affluent du Rhône dans le département est la Durance qui vient des HautesAlpes; après avoir absorbé un grand nombre de torrents, de rivières, et traversé les Basses-
Alpes, elle sert de limite septentrionale au département des Bouches-du-Rhône qu'elle sépare de celui de Vaucluse, arrose Saint-Paul, Peyrolles, la Roque-d'Antheron dans l'arrondissement d'Aix, Orgon, dans celui d'Arles, et se jette par deux bras dans le Rhône un peu au-dessous d'Avignon; la Durance est torrentueuse pendant tout son cours qui mesure 380 kilomètres; la largeur de son lit est trèsvariable; aucun affluent important ne la rejoint dans ce département, et cependant, telle est l'abondance de ses eaux qu'elle peut alimenter les canaux de Marseille, de Craponne, de Carpentras et de Boisgelin.
Les autres cours d'eau du département for- ment de petits bassins côtiers; les plus importants sont l'Arc, la Touloubre et l'Huveaune.
L'Arc naît dans le département du Var, dans l'arrondissement de Brignoles, pénètre dans celui des Bouches-du-Rhône entre la ChaîneSainte-Victoire et la Chaîne-de-Regagnas qui lui envoient de nombreux ruisseaux, tels que le Songle, le Paradoux, la Colle, la Luines; puis, se dirigeant toujours de l'E. à l'O., elle passe sous l'aqueduc de Roquefavour et va se jeter dans l'étang de Berre, après un cours torrentueux et redoutable de 85 kilomètres.
La Touloubre, qui prend sa source dans les montagnes de la Trévaresse, occupe un bassin longtemps parallèle à celui de l'Arc que resserre la Chaîne-d'Éguilles dont les versants rocheux offrent des aspects pittoresques; puis, après avoir absorbé la Concernade, baigné Pélissane et reçu une partie des eaux du Canal-deCraponne, elle arrose Grans, Cornillon, et va se jeter dans l'étang de Berre près de SaintChamas, après un cours de 68 kilomètres.
L'Huveaune, qui tombe du revers septentrio- nal de la Sainte-Baume dans le Var, entre dans le département des Bouches-du-Rhône, baigne Auriol, Roquevaire, Aubagne, La Penne, SaintMarcel, Saint-Loup, et, après s'être grossi de la Vede, du Merlançon et du Jarret dans un parcours de 40 kilomètres, alimente un assez grand nombre de canaux d'arrosement, et se perd dans la Méditerranée un peu au S.
de Marseille.
Le département des Bouches-du-Rhône possède de nombreux étants, entre autres l'étang des Baux, près de la commune de ce nom, celui de la Peluque qui a 248 hectares de superficie, celui de Meyranne dans la Crau, qui a une contenance de 158 hectares, tous les trois situés dans l'arrondissement d'Arles, et ceux de Valduc, de Fos, du Pourra, d'Entressens, dans l'arrondissement d'Aix.
Au S., la région maritime présente de vastes étendues d'eau, dont quelques-unes
communiquent avec la mer et portent aussi le nom d'étangs ; celui de Valcarès, situé dans la Camargue, couvre, en y comprenant beaucoup d'autres petits étangs qui s'y rattachent, une superficie de 12000 hectares; l'étang de Berre a 22 kilomètres dans sa plus grande longueur, 12 kilomètres de tour, une superficie évaluée à 15 000 hectares et une profondeur variant de 3 à 10 mètres : ce qui lui permettrait d'offrir un mouillage aux vaisseaux surpris par la tempête à l'embouchure du Rhône, si l'étang de Caronte, canal qui le fait communiquer avec la mer, offrait un creux suffisant; des ports se sont créés sur les côtes de l'étang de Berre, et des rivières viennent s'y jeter, comme dans une véritable mer intérieure.
Climat. — Le climat du département des Bouches-du-Rhône, généralement sec et brûlant, est tempéré au N. et au S.-E , mais trèsvif au centre où se déchaîne le vent du N.-E. Le Mistral, ou vent du N.-O., se fait cruellement sentir dans les vallées de la Durance, du Rhône, jusqu'à Marseille et jusqu'à Aix; sa violence est extrême ; il déracine et brise souvent les arbres; les molécules atmosphériques qu'il met en mouvement atteignent parfois une vitesse de 20 mètres par seconde, principalement sur l'étang de Berre où il cause de terribles ravages. Le vent du S.-E., presque aussi fréquent que le Mistral, amène des pluies torrentielles. Les orages sont assez répétés dans le département, et l'hiver lui-même n'en est pas exempt.
Superficie. — Population. — La superficie du département des Bouches-du-Rhône est de 510487 hectares; sa population est de 547 903 habitants ; il a donc 92 habitants environ par kilomètre carré, et occupe ainsi la dixième place parmi les départements les plus peuplés.
Depuis 1800, l'augmentation de la population a été de 222 000 âmes.
Contrairement à ce qui existe dans la plupart des autres départements, le nombre des agriculteurs ne comprend que le cinquième de la population; l'industrie, le commerce occupent la majorité des habitants, dont 43 000 sont sans profession, et 45 000 exercent des professions libérales.
Les habitants des Bouches-du-Rhône sont généralement de taille moyenne et alertes de corps; leur physionomie est mobile, leur caractère inflammable ; ils sont sensuels, et cependant facilement sobres, ardents au gain, joueurs, amateurs de la danse et des exercices violents. L'imagination chez eux est la faculté dominante. Mélange de populations les
plus diverses, leur langue est celle de tous les ports de la Méditerranée. Obligés de demander au commerce la richesse que le sol leur refuse, ils se sont faits cosmopolites ; s'ils sont Français, ils sont encore plus Provençaux, et ce n'est que sous l'action incessante du gouvernement central que Marseille consent aujourd'hui à reconnaître dans Paris la capitale d'une patrie commune. Le peuple proprement dit a conservé les variétés de costumes que dépeignent les anciens voyageurs; celui des femmes se compose toujours d'un jupon simple et court, tombant à moitié sur la jambe, de souliers sans talons ornés de grandes boucles, d'un corsage blanc ou noir laissant le bras presque nu, de dentelles dans les cheveux, et d'un chapeau noir sans rubans, à fond étroit et à larges bords.
Agriculture. — L'aspect seul du département suffit pour indiquer que l'agriculture ne peut y être florissante, et, en effet, on n'y compte que 120 000 hectares de terres labourables, tandis que les bois, étangs, che- mins couvrent 157 000 hectares, et les pâtu- rages, les bruyères, les landes, 145 000. La vallée de l'Huveaune, le territoire d'Arles, certaines portions de la Camargue et de la Crau présentent seules des parties fertiles.
La Camargue, qui forme tout le sud-ouest du département, est divisée en grandes propriétés qui comprennent plusieurs milliers d'hectares. « Des bœufs et des chevaux à demi sauvages y paissent en liberté ; les bœufs sont abattus pour les approvisionnements de la marine, les chevaux loués un assez bon prix pour servir au dépiquage des grains. Sur quelques points, on cultive le blé avec succès et on entretient beaucoup de moutons. On a essayé d'introduire la culture du riz, mais sans obtenir encore de résultats rémunérateurs dans cette immense plaine; en effet, les bras manquent, et il faut aller enrôler des ouvriers à Arles, sur une place qui a pris le nom de Place des Hommes; ces ouvriers ne se louent qu'à la semaine, et exigent de forts salaires qui rendent impossibles les grands travaux. Cependant, cette Maremme française ne résistera pas toujours à la puissance de l'industrie moderne, mais on ne saurait trop se mettre en garde contre les impatiences1. » La Crau, qui s'étend à l'E. de la Camargue, contraste avec celle-ci; elle manque d'eau.
Cependant, dit encore M. de Lavergne, « ce n'est pas précisément la nature du sol qui 1. L. de Lavergne, Économie rurale de la France.
met obstacle à la production : les essais déjà faits prouvent le contraire; la vigne surtout y réussit très-suffisamment, mais il faut des bras pour cultiver, et c'est là la grande difficulté.
Même en y portant de l'eau, on ne peut espérer d'y établir que peu à peu une population sédentaire. La Crau est, d'ailleurs, dans son état actuel, le théâtre d'une exploitation qui n'est pas tout à fait à dédaigner. On a' remarqué que sous ses cailloux si secs et si brûlants en été, croissait en hiver une herbe fine et savoureuse. On y a mis de grands troupeaux de moutons qui s'y nourrissent pendant une partie de l'année, et qui vont passer l'autre dans les Alpes. Cette économie rurale a, pour le moment, cet avantage qu'elle est ancienne, organisée, profondément entrée dans les habi- tudes, qu'elle utilise successivement dans leur saison les pâturages de la plaine et ceux de la montagne, et qu'elle n'exige qu'un petit nombre de bergers. Ces troupeaux partent d'Arles dans les premiers jours de juin et restent sur la montagne jusqu'aux premiers jours d'octobre; ils coûtent pour frais de garde et de pâture, pendant l'estivage, 2 fr. 50 c. par tête. On en évalue le nombre à 55 000 têtes, qui ne viennent pas toutes de la Crau, mais de divers points de la Provence; leur laine est loin d'être sans valeur et leur viande est excellente. Le reste des Bouches-du-Rhône ne vaut guère mieux à cause de son extrême aridité; on n'y cultive en tout que 50 000 hectares en froment; ce n'est pas la moitié de ce qui serait nécessaire pour la consommation. » L'olivier, le figuier, l'amandier, le câprier sont les seuls arbres qui prospèrent dans les régions sèches de ce département ; l'olivier couvre plus de 19 000 hectares et fournit en moyenne 23 000 hectolitres d'une huile trèsrecherchée et dont la valeur dépasse 3 millions de francs. Le mûrier y réussit et a permis à la sériciculture de prendre quelque développement; mais la maladie qui a frappé les vers à soie en a arrêté l'essor dans ces dernières années.
On a déjà vu, à propos de la Crau, que l'élève des moutons était importante dans ce département ; on compte, en effet, près de 544 000 têtes d'animaux de cette espèce ; les ânes et les mulets sont évalués à 24 000, les chevaux à 17 000, les boucs, les chèvres et les chevreaux à 16 000, les porcs à 17 000. Le revenu brut de ces animaux domestiques dépasse 23 millions de francs par année, et la valeur totale de la production agricole atteint 44 millions.
Mines. — Carrières. — Le département des
Bouches-du-Rhône ne possède en fait de richesses minières que de la houille ; une concession importante de 100 000 hectares de surface a été faite à une compagnie qui approvisionne aujourd'hui, en grande partie, les établissements de Marseille; le gisement est situé entre l'Arc, l'étang de Berre, la Chaîne-de-l'Estaque, la Chaîne-de-l'Étoile et la vallée de l'Huveaune ; 1 500 000 quintaux de combustible en sont extraits annuellement. On exploite aussi sur divers points du territoire des carrières de pierre à chaux, de pierres à bâtir, d'ardoises, de gypse, de marne et de marbres de diverses couleurs.
Industrie. — Commerce. — Le département des Bouches-du-Rhône occupe le sixième rang parmi les départements producteurs, et il tient certainement le premier rang parmi les départements maritimes pour le commerce international. Cette prépondérance vient de sa situation sur la Méditerranée, cette mer à peu près française depuis la conquête d'Alger, et qui, même au temps des guerres maritimes, s'était presque toujours soustraite à la domination anglaise.
L'industrie principale qui s'est développée dans le département des Bouches-du-Rhône, celle de la savonnerie et de la parfumerie, a sa raison d'être dans la production de son territoire et dans celle des territoires qui l'avoisinent; ses relations avec la côte occidentale de l'Afrique ont fourni et assuré le complé- ment de matières premières qui lui étaient nécessaires. Puis viennent les huileries, alimentées non-seulement par les oliviers de cette région, mais encore par les graines oléagineuses que le commerce maritime va demander à l'Afrique et à l'Asie, les fabriques de soude dont l'existence se rattache naturellement à la fabrication des savons, les raffineries de sucre, celles de soufre dont la matière est fournie par les solfatares de l'Italie, la bonneterie de laine qui doit sa prospérité à la fourniture de presque toute la race musulmane, les tanneries qui ont aussi une grande importance, etc.
Le pays a donné également naissance à des industries minérales. L'extraction de la houille occupe près de 1400 ouvriers répartis en 20 exploitations sur une superficie de 56 kilomètres carrés. On fabrique dans le département de l'argent pour 9 millions de francs, et du plomb pour 22 millions. Les marais salants, qui couvrent 928 hectares de superficie, emploient 1600 ouvriers et fournissent près d'un million de quintaux métriques de sel; les Bouches-du-Rhône occupent donc, pour cette der-
nière industrie, le premier rang parmi les départements producteurs, et trouvent ainsi l'alimentation nécessaire aux fabriques de soude.
La pêche du thon et des anchois est importante ; celle des coraux y est pratiquée depuis un temps immémorial.
Le commerce du département est très-considérable; l'Asie Mineure, la Russie, la Turquie, la Grèce, l'Italie, l'Afrique septentrionale en fournissent les principaux éléments; Marseille n'a plus de ports assez vastes pour répondre à ses besoins, et cherche, en s'agrandissant, à satisfaire à ces exigences; 10 000 navires jaugeant 2 600 000 tonnes sont employés chaque année (sortie et entrée comprises) par les ports de Marseille, La Ciotat, Cassis, Martigues, Bouc et Arles, et près de 100 000 marins de toutes nations doivent leur existence à ce grand mouvement commercial.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer.
— Le département des Bouches-du-Rhône possède 5 routes impériales d'une étendue de 282 kilomètres, et qui permettent à Marseille de correspondre avec les départements voisins; l'une de ces routes est de première classe et forme deux tronçons, dont l'un se dirige vers l'E., et passant à Aubagne, aboutit à Toulon, dans le Var, et dont l'autre monte au N. jusqu'à Aix, où il se bifurque. Ces diverses voies de communications sont complétées par 20 routes départementales, longues de 375 kilomètres et par 555 chemins vicinaux, dont le développement est très-considérable.
Les canaux du département des Bouchesdu-Rhône sont très-importants et servent, soit à la navigation, soit à l'irrigation.
Le Canal-d'Arles-à-Bouc est le seul qui forme une voie navigable ; il a son point de départ à Arles, suit la rive gauche du Grand-Rhône, traverse les marais de Fos, et débouche dans le chenal du port de Bouc, après un parcours de 47 kilomètres; grâce à lui, les navires évitent les bancs de sable et les îles vaseuses qui rendent si dangereuse l'embouchure du Rhône.
Le Canal-de-Craponne, qui est le plus ancien du département, ne sert qu'à l'irrigation et fut tracé de 1554 à 1581 par les soins d'Adam de Craponne; il dérive les eaux de la Durance au pied du rocher de Pie-Béraud, commune de Janson, dans l'arrondissement d'Aix, passe près de la Roque-d'Anthéron, de Charleval, puis se divise en deux branches, dont l'une, traversant la Crau, court entre les étangs de Baux et de Meyranne et va finir à Arles, tandis que l'autre, descendant au S., coupe
la vallée de la Touloubre près de Pélissane, et se jette dans la rivière de ce nom au-dessus du viaduc de Saint-Chamas; ce canal se divise encore en petits sous-embranchements qui contribuent tous à la fertilisation de la Crau.
Le Canal-de-la-Durance, dû à l'administration municipale de Marseille, a été construit pour les besoins d'une population toujours croissante; commencé en 1839 et achevé en 1847, ce canal, dont la longueur est de 87 kilomètres et qui a coûté 22 millions de francs, a sa prise d'eau dans la Durance, près du pont suspendu de Pertuis (Vaucluse); il longe d'abord la vallée de la Durance dont il franchit plusieurs petits affluents, passe la Chaînedes-Taillades par un long tunnel de 3700 mètres, tourne ensuite au S., traverse le bois de La Barben, la Chaîne-d'Éguilles par 14 tunnels, la vallée de l'Arc, le défilé de Roquefavour sur un magnifique aqueduc à trois rangs d'arches superposées, qui mesure 400 mètres de longueur et 82 mètres de hauteur; enfin, après avoir traversé la Chaîne-de-l'Étoile par deux percées de 3500 mètres chacune, il arrive à Marseille, à laquelle il fournit 10 mètres cubes d'eau par seconde. C'est grâce à ce canal que la campagne de Marseille s'est transformée et s'embellit de parcs et de jardins qui en changent si heureusement l'aspect.
Le département des Bouches-du-Rhône est desservi par la ligne principale du réseau de Paris à Lyon et à Marseille; cette voie ferrée aborde le département par le N., s'y arrondit légèrement vers l'E., et le traverse de l'O. au S -E. dans toute sa largeur; avec stations à Barbentane, Graveson, Tarascon, Ségonnaux, Arles, Raphèle, Saint-Martin, Entressens, Miramas, Saint-Chamas, Berre, Pognac, Vitrolles, Pas-de-Lanciers, l'Estaque, Séon Saint-Henry; Séon-Saint-André, Les Aygarades, Saint-Joseph, Le Canet et Saint-Barthélemy.
De cette ligne se détachent trois embranchements : 1° celui de Tarascon à Nîmes, qui traverse immédiatement le Rhône et quitte le département; 2° celui de Rognac à Aix, avec stations à Velau, Roquefavour et Les Milles; 3° celui de Marseille à Nice par Toulon, avec stations à La Pomme, Saint-Marcel, SaintMenet, La Penne, Camp-Major, Aubagne, Cassis et La Ciotat.
Le développement de ces diverses voies ferrées est de 181 kilomètres.
Un embranchement est projeté de SaintThomas à Barbentane, et celui de Rognac à Aix sera continué jusqu'à la Durance.
Histoire. — L'histoire du département des
Bouches-du-Rhône est presque entièrement celle de la Provence, dont son territoire fit partie jusqu'en 1790.
Les Ligures habitaient autrefois le territoire des Bouches-du-Rhône, lorsqu'une colonie phocéenne vint y jeter les fondements de Massalia sur les ruines d'un comptoir phénicien. La nouvelle colonie ne tarda pas à inquiéter les populations voisines qui l'attaquèrent. Rome vint au secours des Phocéens, et fut amenée à constituer un point fortifié qui prit le nom de Aquæ Sextiæ (Aix), double appellation rappelant l'existence de sources thermales et le nom du général Sextius Calvinus. Comme toujours, les Romains cherchèrent à étendre leur domination; à l'époque de la conquête de César, Marseille pompéienne eut à subir les attaques de Tribonius et vit son nom figurer à Rome parmi les vaincus de César triomphant. Les Bouches-du-Rhône furent alors comprises dans la division administrative appelée Seconde Narbonaise; mais presque toutes les villes, initiées depuis longtemps d'ailleurs aux mœurs municipales et à la civilisation romaine, jouirent d'une certaine liberté.
Les invasions des Barbares modifièrent peu l'état intérieur des cités. Les Visigoths, qui leur succédèrent en 511, après les victoires de Clovis, se montrèrent d'aussi bonne composition que les Romains. Malheureusement vint l'époque où ces peuples, chassés à leur tour, furent remplacés par les Grecs de Constantinople, par les Sarrasins, par les Francs, qui se disputaient les débris du royaume de Théodoric, et le pillage du pays signala la victoire successive de chacun de ces envahisseurs.
La conquête carlovingienne procura un court repos à ces contrées. Sous Louis III et Carloman, Boson, beau-frère de Charles le Chauve, se créa un royaume qui engloba le territoire des Bouches-du-Rhône et dont Arles fut la capitale. Des guerres suivirent naturellement cette usurpation, et les Sarrasins en profitèrent pour ravager encore le pays.
Cependant, Louis, successeur de Boson, put régner paisiblement; mais, après lui, Hugues, qui s'empara du pouvoir, fit l'échange de presque tous ses États contre la Lombardie, que, d'ailleurs, il ne conserva pas, et, par suite, Marseille devint chef-lieu d'une vicomté. Depuis cette époque, le morcellement territorial s'accrut incessamment. Au XIe siècle, les comtes de Toulouse, ceux de Barcelone et les seigneurs des Baux se disputèrent l'autorité ; les comtes de Barcelone restèrent vainqueurs, et la maison d'Aragon
leur succéda en 1176, après une lutte de courte durée. Aix devint alors la capitale de toute la contrée.
En 1245, un mariage fit passer la Provence sous l'autorité de Charles d'Anjou, frère de saint Louis, qui épuisa le pays pour conquérir le royaume de Naples et imposa le joug détesté des Français du Nord aux Provençaux, amis du luxe, de la gaie science et des libertés municipales. A l'extinction de la descendance de Charles, ses États passèrent à Louis Ier, frère du roi Charles V, qui devint la tige d'une nouvelle dynastie provençale d'Anjou, dont le dernier membre fut le roi René. Son neveu, Charles du Maine, désigné par lui comme son Successeur, légua ses États au roi Louis XI, et depuis lors, la Provence, et, par conséquent, le territoire des Bouches-duRhône, subirent les révolutions communes à la France entière. Les guerres de religion, les invasions autrichiennes plus tard, les troubles révolutionnaires enfin, y causèrent des grandes souffrances. Aix et Marseille devinrent de plus en plus rivales; la première représentait le passé; la seconde, l'avenir.
Aujourd'hui, Marseille a triomphé et est devenue le chef-lieu de la division territoriale moderne, qui a été formée avec la BasseProvence.
Hommes célèbres. — Le département des Bouches-du-Rhône est fécond en personnages remarquables, dans la politique, dans les arts et dans les sciences; parmi les littérateurs, on peut citer, après PÉTRONE, poëte latin et favori de Néron, D'URFÉ, l'auteur du roman de l'Astrée; BRUYEIS, auteur dramatique; le sculpteur PUGET; les prédicateurs MASCARON et MASSILLON; le peintre VANLOO; le savant TOURNEFORT; l'abbé BARTHÉLEMY; les moralistes VAUVENARGUES et RIVAROL; le naturaliste ADANSON; les marins FORBIN, SUFFREN, D'ENTRECASTEAUX; le girondin BARBAROUX; le peintre GRANET; et parmi les contemporains: les historiens THIERS et MIGNET; les littérateurs LÉON GOZLAN, LOUIS et CHARLES REYBAUD, AMÉDÉE PICHOT, ACHARD, GUINOT, NESTOR ROQUEPLAN; A. MOREL, compositeur distingué; les peintres BEAUME, DAUMIER, LOUBON, CAMILLE ROQUEPLAN; le médecin CLOT-BEY; le savant orientaliste REINAUD; GARNIER-PAGÈS, membre du Gouvernement provisoire; le général ROSTOLAN; l'avocat LÉON DUVAL; les poëtes MÉRY, BARTHÉLEMY, AUTRAN, MISTRAL; la célèbre chanteuse Mme MIOLANCARVALHO.
Divisions administratives. — Le départe-
La Nouvelle-Réserve sur la route de la Corniche. — La rue de Noailles, à Marseille.
ment des Bouches-du-Rhône forme trois arrondissements, subdivisés ainsi qu'il suit :
Arr. de Marseille. 9 cant. 16 comm.
— d'Aix. 10 — 59 — - d'Arles. 8 — 32 — - - 27 cant. 107 comm.
Il forme la 1re subdivision de la 9e division militaire, dont le siège est à Marseille et qui fait partie du 4e corps d'armée. Il renferme plusieurs forts, dont les principaux sont le fort de Bouc et les forts SaintJean et Saint-Nicolas qui défendent Marseille.
Les fortifications du château d'If et les îles
Pomègue et Ratonneau ne sont pas classées.
Les côtes du département des Bouches-duRhône appartiennent à la 5e préfecture maritime de Toulon; elles forment un arrondissement dont le siége est à Marseille et qui se subdivise en quatre quartiers : La Ciotat, Marseille, Martigues et Arles.
Dans l'organisation ecclésiastique, le département appartient à deux diocèses distincts : les arrondissements d'Aix et d'Arles consti- tuent le diocèse d'Aix, siège d'un archevêché, et l'arrondissement de Marseille forme un diocèse particulier, suffragant de l'archevê-
Le château de Tarascon. — Vue générale d'Arles.
ché d'Aix. Il possède 2 grands séminaires et 2 petits séminaires, à Aix et à Marseille, Il cures, 68 succursales, 22 vicariats rétribués par l'État.
Les protestants, assez nombreux dans le département, comptent 5 temples et une église consistoriale à Marseille. Les juifs ont 2 synagogues à Aix et à Marseille. Le rite grec orthodoxe y est représenté par un archimandrite.
La justice est rendue dans le département par une cour impériale dont le siége est à Aix, par les trois tribunaux de première instance de Marseille, d'Aix, de Tarascon, et les
quatre tribunaux de commerce de Tarascon, d'Aix, d'Arles, de Marseille, qui ressortissent à la cour impériale d'Aix.
Le département, centre académique dont le siége est à Aix, a des Facultés de théo- logie, de droit, des lettres, à Aix; une Faculté des sciences, une école préparatoire de médecine et de pharmacie, une école des beaux-arts, une école des langues orientales, une école d'hydrographie et un lycée, etc., à Marseille; des colléges communaux à Aix et à Tarascon; une école normale d'instituteurs et d'institutrices à Aix, et 611 écoles publiques et libres. Les deux tiers environ des
jeunes gens inscrits pour le tirage au sort savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département des Bouchesdu-Rhône :
ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE.
MARSEILLE (300 131 hab.), préfecture et cheflieu du département, divisée en six cantons, et située à 833 kilomètres de Paris, sur une baie de peu d'étendue, est limitée par la mer à l'O., par le torrent de Jarret à l'E., au N. par les dernières hauteurs de la Chaîne-de-l'Étoile, et au S. par la colline de Notre-Dame-de-laGarde.
Ancienne et bâtie au jour le jour, Marseille était une ville sans monuments, laide d'aspect, et son port, source de sa fortune, insuffisant et insalubre, compromettait la santé publique, quand l'administration locale et le gouvernement se sont unis pour transformer la vieille cité phocéenne.
Marseille, dont le centre est véritablement marqué par le vieux port sur les côtés duquel elle s'étend, est divisée en deux parties par la célèbre rue de la Cannebière, qui, partant du port, monte à l'E., où elle est continuée par la rue Noailles, par les allées de Meilhan et par le boulevard de la Madeleine. La partie située au N. de cette ligne de démarcation se compose d'une ancienne et d'une nouvelle ville. L'ancienne ville aux rues étroites et sales, bâtie sur une série de mamelons, trouvait dans les hauteurs qui dominent sa partie septentrionale un obstacle à son agrandissement; mais une voie magnifique de 1083 mètres de longueur et de 25 mètres de largeur, la rue Impériale, brisant ce rempart naturel, l'a rendue accessible du côté du port, de la place d'Aix et de la gare du chemin de fer. La nouvelle ville occupe l'emplacement d'une colline haute de 20 mètres où s'élevait autrefois le Lazaret, un espace conquis sur la mer et comblé par 1 500000 mètres cubes de déblais provenant des percées et des nivellements, enfin les hauteurs placées au N. et notamment le plateau de Longchamp. C'est dans cette nouvelle ville, dont les bassins de la Joliette, du Lazaret, Napoléon et d'Arenc font une cité essentiellement maritime, que se trouvent les docks et la gare du chemin de fer de Lyon.
La partie méridionale de Marseille, c'est-àdire celle qui s'étend au S. de la rue de la Cannebière et de ses prolongements, comprend ce qui fut autrefois la ville neuve et la ville de l'abbaye Saint-Victor, adossées l'une et l'autre à la citadelle Saint-Nicolas et au fort No-
tre-Dame-de-la-Garde. C'était la seule partie de Marseille qui fût bien bâtie. Aujourd'hui elle cherche à s'étendre à l'O. de manière à englober dans son enceinte un territoire que sillonnent déjà de belles promenades urbaines, et sur lequel sont assis le village des Catalans et le palais Impérial; des constructions splendides s'élèvent de tous côtés ; l'admirable promenade du Prado, d'abord destinée à desservir les riches habitations, s'est couverte d'usines et, sur la montagne de l'Endoume, placée à l'O. avec la mer à ses pieds, s'est créé, à l'abri du redoutable mistral, un quartier luxueux dont les villas surpassent en magnificence toutes celles des environs de Paris.
Marseille, jadis privée d'eau, est aujourd'hui alimentée par le canal de la Durance. Grâce à sa ceinture de collines, un premier canal de dérivation de 48 kilomètres a pu porter des nappes liquides dans toute sa banlieue et y a créé une fertilité toute nouvelle. De plus, ce canal a beaucoup contribué à l'assainissement de la ville, en jetant 1000 litres d'eau par seconde au vieux port qui a vu reparaître les poissons et les coquillages dans ses flots purifiés.
Les établissements maritimes de Marseille se composent: 1° du Vieux-Port, qui comprend 28 hectares et est défendu, au N. par le fort Saint-Jean et au S. par le fort Saint-Nicolas; 2° du port de la Joliette, achevé en 1853 et précédé d'un avant-port placé au N. du fort Saint-Jean qui s'étend le long de l'ancien Marseille; 3° du bassin du Lazaret, qui couvre 16 hectares; 4° des bassins d'Arenc et Napoléon, d'une superficie de 48 hectares, qui se développent au N. du port de la Joliette. Cet ensemble de ports et de bassins n'offre que 9055 mètres de quais, au lieu de 14 000 mètres qui sont dès à présent nécessaires pour le chargement et le déchargement des navires; aussi Marseille a-t-elle sollicité et obtenu l'adoption d'un plan en voie d'exécution qui crée deux nouveaux bassins : le premier aura 920 mètres de longueur, 64 hectares de superficie, et s'étendra entre le bassin Napoléon et le cap Pinède; le second comprendra le vaste espace qui se trouve entre le cap Pinède et le cap Janet; de plus, la digue actuelle de la Joliette sera prolongée de façon à couvrir les nouveaux bassins, et l'ensemble de ces travaux sera complété par un avant-port que défendra un brise-lame long de 2800 mètres, et un bassin de radoub qui contiendra 12 formes pour la réparation des navires.
Marseille n'a pas conservé de vestiges de l'ancienne occupation romaine, sauf quelques ruines d'un édifice découvert sous les bâti-
ments de l'abbaye de Saint-Sauveur, qui ont été classés parmi les monuments historiques. A cette classe appartiennent encore l'église de Saint-Victor, seul reste de la vieille abbaye de ce nom où le roman se mêle au gothique; les Catacombes où saint Victor fut enseveli et qui se prolongent jusqu'au-dessous du port; l'hôtel de ville, orné de sculptures du Puget, et la Halle-Puget dont les colonnes sont dues au merveilleux ciseau du sculpteur marseillais.
On peut citer, en dehors de cette classifica- tion, Notre-Dame du Mont-Carmel, réédifiée dans la vieille ville en 1621 et remarquable par l'élévation de sa voûte; l'église Saint-Théodore, du XVIIe siècle, dont la façade est moderne, la seule chapelle qui reste de l'ancienne ég ise des Accoules avec sa haute flèche, l'église des Chartreux, ornée de deux jolis campaniles; le Grand-Théâtre, qui date de 1784 et dont la façade est ornée de 6 colonnes d'ordre ionique; l'Hôtel-Dieu, du XIIe siècle, dont les portiques intérieurs ont été commencés par Mansart; le Musée actuellement installé dans un ancien couvent des Bernardins en attendant sa translation sur le plateau de Longchamp, et dans lequel les écoles italienne, allemande, flamande, hollandaise et française, sont représentées par Caravage, Carrache, le Dominiquin, Salvator-Rosa, Philippe de Champaigne, Van-Dyk, Jordaens, Rubens, Coypel, Lesueur, le Guerchin, le Guide, le Pérugin, Mignard, Puget, Ingres, Isabey, A. Sheffer, Corot, etc.
Les principaux édifices modernes de Marseille : sont la nouvelle cathédrale, basilique de style byzantin que l'on construit sur un terre-plein le long du port de la Joliette; le palais épiscopal, l'un des plus beaux de France; la nouvelle église romano-byzantine élevée au sommet d'une haute colline sur l'emplacement de la célèbre chapelle de Notre-Dame-de- la-Garde; l'église de la Trinité; l'immense église de Saint-Michel, qui peut contenir 4000 personnes; le temple protestant, la Bourse; le palais de justice, bâti en 1858 sur le cours Bonaparte; le nouvel hôtel de la préfecture, vaste parallélogramme dont les jardins lon- gent la rue de Rome; l'observatoire, la Faculté des sciences, la gare du chemin de fer, la gare maritime, etc.
Marseille a environ 50 places dont les plus remarquables sont la place Royale, qui s'ouvre sur la Cannebière et que décore la statue de Puget, la place Saint-Michel, située sur une hauteur qui communique avec l'ancienne ville par une succession de rampes décorées de massifs de verdure, la place SaintFerréol, à l'extrémité de la rue de ce nom; les
places de la Rotonde, des Moulins, la place Vil- leneuve, presque toutes ornées de fontaines.
Les grandes rues et boulevards de la ville sont, après la Cannebière, l'immense artère qui traverse Marseille de l'E. à l'O. sous les noms de rue d'Aix, cours Belzunce, cours Saint-Louis et rue de Rome, les rues Beauveau, Paradis, Saint-Ferréol, Noailles, la nouvelle rue Impériale qui rattache l'ancien port aux nouveaux, les allées de Meilhan et des Capucines, le cours de Longchamp dont le plateau va servir d'assise au Muséum d'histoire naturelle, au Musée des beaux-arts et au Château-d'Eau, le cours Bonaparte avec son pittoresque jardin; puis, en dehors de la ville, le Prado, long de 4 kilomètres, qui va finir à la mer, le Château des Fleurs, la route de la Corniche où s'élève la Nouvelle-Réserve, l'hippodrome, le champ de course, et enfin des châteaux, des villas, la résidence impériale, le château d'If bâti sur un îlot par François Ier, les îles Pomègue et Ratonneau.
Les principales industries de Marseille sont : la fabrication des savons, qui compte 45 établissements et fournit annuellement 500000 quintaux de produits; les huileries, qui consomment plus d'un million de quintaux de graines oléagineuses; les raffineries, qui donnent lieu à un mouvement d'affaires de 60 mil- lions de francs; les hauts fourneaux et les fonderies, dont le développementa été prodigieux grâce aux nouveaux ports et au chemin de fer qui les met en communication avec Alais et le bassin houiller du Gard; les tanneries, les fabriques de produits chimiques, les salaisons et les conserves alimentaires, etc.
Le commerce, dont les éléments sont fournis par les produits de l'industrie locale, doit son immense développement à l'importation des céréales qui est en moyenne de 4 millions de quintaux métriques, à celle des huiles d'olives, annuellement de 200 000 hectolitres, à celle des sucres, des cafés, des épices, de la soie, etc.
Si les importations sont énormes et atteignent près de 700 millions de francs, les exportations, plus considérables encore, arrivent au chiffre de 800 mill ons. Le mouvement du port dépasse aujourd'hui 3 millions et demi de tonnes répartis entre 12 000 navires à voiles et 3300 navires à vapeur. Là sont établis des services réguliers de paquebots-poste pour le Brésil, la Plata, l'Italie, l'Égypte, la Syrie, Constantinople, l'Archipel, le Danube, Alger, Oran, Tunis, l'Espagne, etc.
Si, d'autre part, on étudie le mouvement du chemin de fer qui n'est à vrai dire que le prolongement des ports, bien que toutes ses marchandises ne soient pas destinées à la na-
vigation, on voit qu'en 1865 il a été de 1 318 755 tonnes. Un indice non moins caractéristique de la prospérité du commerce marseillais est également fourni par les opérations de la succursale de la Banque de France : les sommes escomptées ou avancées par elle se sont élevées en 1865 à 606 millions; aussi des sociétés de toutes sortes se créent, et l'Angleterre dispute aux maisons françaises le privilége d'avancer des fonds à l'industrie locale.
Marseille, l'ancienne Massilia, doit son origine à une colonie phocéenne venue de l'Asie Mi- neure. Cette colonie se fixa d'abord dans la partie la plus élevée du plateau qui devint la vieille ville. Rapidement enrichie, renforcée par une nouvelle émigration de Phocéens, 542 ans avant J. C., Marseille créa partout des comptoirs qui assuraient son commerce et étendaient sa domination : c'est ainsi que Nice, Antibes, La Ciotat, Saint-Remy, Pertuis, Tarascon, Avignon furent fondées par elle. La conquête romaine n'amoindrit pas tout d'abord la florissante cité, qui fournit même à Marius des secours dans sa guerre contre les Teutons, mais sa résistance à César brisa sa prospérité, car, de toutes ses colonies, le conquérant ne lui laissa que Nice. Une garnison romaine occuppa la ville soumise, que Cicéron nomma l'Athènes des Gaules, et, à défaut du commerce, les arts, les lettres y brillèrent jusqu'à l'occupation des Barbares, c'est-à-dire jusqu'à l'invasion des Visigoths, des Burgondes, des Ostrogoths et des Francs.
Au XIe siècle, Charlemagne tenta vainement de la protéger contre les Sarrasins qui la ruinèrent presque entièrement. Au xe siècle, elle eut des vicomtes; puis les abbés de Saint-Victor et les évêques se partagèrent avec ceux-ci une autorité sans force ; cette nouvelle administration ne put durer, et la ville basse parvint même, au commencement du XIIe siècle, à se constituer en république.
L'époque des Croisades marque la renaissance de Marseille, mais ses libertés ne survécurent pas à la réunion de la Provence à la France; tandis que ses rivales de la Méditerranée, Gênes et Venise, progressaient sous leur constitution républicaine, l'ancienne cité des Phocéens s'affaiblissait graduellement, et son commerce fut tué par les incursions des Barbaresques, Cependant, en 1524, elle résista opiniâtrement au connétable de Bourbon et à Charles-Quint qui ne purent s'en emparer.
Marseille se montra ardente catholique à l'époque des guerres de religion, et très-remuante pendant la Fronde; aussi les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas furent-ils élevés, non pour la défendre, mais pour la contenir. La vieille cité
redevint une troisième fois florissante sous l'administration de Colbert, et la franchise de son port fut déclarée par l'édit de 1669. En 1720, une terrible peste réduisit sa population de 90 000 âmes à 50 000.
Aux approches de la Révolution, l'effervescence s'empara de cette ville passionnée; elle choisit pour son représentant Mirabeau, qui ne put accepter. Au 10 août 1792, un bataillon, composé de ses enfants les plus fougueux, conquit à Paris un renom sanglant dans les annales révolutionnaires. En 1793, Marseille se révolta contre la Convention; plus tard, elle fit de la réaction thermidorienne; en 1815, elle eut sa terreur blanche. Excès regrettables qu'explique le contre-coup des guerres extérieures et des discordes civiles que subit Marseille, mais qu'il n'excuse pas.
Marseille est maintenant la troisième ville de la France, et au point de vue maritime et commercial elle occupe le premier rang.
Aubagne (7408 hab.), chef-lieu de canton, est située sur l'Huveaune, et fait un commerce de gros draps, de poteries et de graines forestières. Le seul monument remarquable de cette petite ville est une fontaine élevée à la mémoire de l'abbé Barthélémy.
La Ciotat (10017 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville maritime située au fond d'une anse du golfe de Lèques, au milieu des oliviers, des orangers et des grenadiers. Son port, éclairé par deux phares, est abrité par le cap de l'Aigle contre les vents d'O. et du N.; il est sûr, il peut contenir 150 bâtiments, et même recevoir des navires de guerre. La Ciotat doit sa prospérité aux pêcheries et aussi aux ateliers maritimes qu'y a créés l'administration des Messageries impériales pour la construction et la réparation de ses navires. Aux environs on exploite des carrières de pavés que Marseille expédie en Algérie.
La Ciotat, autrefois nommée Citharista, formait une colonie marseillaise que détruisit l'invasion des Barbares; mais le commerce du Levant la releva de ses ruines, et au XVIe siècle, elle eut jusqu'à 12000 habitants. Les protestants s'y étant réfugiés en grand nombre, la révocation de l'Édit de Nantes ruina une seconde fois son industrie renaissante, et ce n'est qu'au XIXe siècle qu'elle a recouvré quelque prospérité.
Roquevaire (3635 hab.), chef-lieu de canton, bâti sur l'Huveaune, au milieu d'une région rocailleuse, fabrique des vins cuits et des raisins secs; son commerce, dont ces deux produits forment les éléments, est considérable; de plus, cette localité est le grand entrepôt des houilles de Fuveau.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Allauch (3629 hab.), près de laquelle existe une double enceinte de murailles en ruine; Auriol (5182 hab.), situé sur l'Huveaune, qui possède d'intéressants vestiges de villas romaines.
Cassis (2100 hab.), petit port situé à 12 kilomètres au N. de la Ciotat, son chef-lieu de canton, est bâti à l'extrémité d'une vallée fertilisée par le torrent de la Roustagne. Son port, protégé par un môle de 130 mètres de longueur et défendu par un château fort, peut recevoir 60 navires de faible tonnage.
Cette petite ville fabrique 8 à 9 mille hectolitres d'excellents vins et a des pêcheries de corail.
ARRONDISSEMENT D'AIX.
Aix (28152 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement divisé en 2 cantons, est situé à 28 kilomètres de Marseille, dans une plaine qui domine la vallée de l'Arc. Cette remarquable ville, de forme à peu près carrée, est ceinte d'une muraille en partie ruinée. Elle comprend la ville vieille, la ville neuve et le quartier Saint-Louis. La première a conservé ses rues irrégulières et étroites, mais la seconde, traversée par le cours Sextius décoré de fontaines et de la statue du roi René par David d'Angers, possède de splendides constructions.
Aix est riche en édifices qui datent de l'occupation romaine ou du moyen âge, et que leur antiquité ou la pureté de leur style a fait classer parmi les monuments historiques de la France : tels sont : les Bains de Sextius la cathédrale de Saint-Sauveur, élevée sur les ruines d'un temple d'Apollon et dont les trois nefs sont byzantine, ogivale et grecque : l'église Saint-Jean, du XIIIe siècle, qui renferme d'admirables tombeaux des comtes de Provence et dont la flèche hardie s'élève à 67 mètres de hauteur; enfin la Tour de l'Horloge de l'hôtel de ville. Il faut encore citer Sainte-Madeleine avec sa façade Renaissance, le palais archiépiscopal, l'hôtel de ville et le palais de justice où résidaient autrefois les comtes de Provence.
Aix a des fabriques de toiles, de nougats, et des minoteries qui fournissent pour 5 millions de produits annuellement; mais la première de ses industries, celle pour laquelle elle n'a pas de rivale, c'est la fabrication de l'huile. On exploite dans ses environs des carrières de plâtre, de pierres de taille et de marbre noir. Son commerce, largement alimenté par ses industries, porte en outre sur les vins, les grains, les fruits confits, les bestiaux.
Aix possède un établissement thermal bâti en 1705.
Aix fut fondé 123 ans avant J. C. par le consul Caius Sextus, et ses eaux la rendirent bientôt prospère. Au temps de César, elle comptait 30000 habitants, et elle devint la capitale de la deuxième Narbonnaise. Après la domination romaine, ravagée successivement par les Visigoths, les Bourguignons, les Sarrasins qui la détruisirent en partie, elle se releva sous Lothaire, fut réunie au royaume d'Arles en 877, et devint la résidence des comtes de Provence, dont la cour galante attira les plus illustres troubadours. Cependant, Aix fut encore une cité plus importante, sinon plus artiste, quand, au XVIe siècle, après son annexion à la France, elle devint le siège d'un parlement et d'une université. Ce fut alors une ville aristocratique et frondeuse ; à l'époque de la Ligue, elle se jeta dans l'opposition et fut assiégée par le duc d'Épernon pour le compte d'Henri IV auquel elle se soumit après sa conversion.
Au remaniement général de la France, l'Assemblée constituante fit d'Aix le chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône, qualité qui fut définitivement attribuée en l'an VIII à Marseille, son active et industrieuse rivale, et, comme le dit justement M. Th. Lavallée, dans sa Géographie générale: « Aix est encore une ville de noblesse, de magistrature, d'université, solennelle , mais triste, que l'industrie et le commerce ont peine à animer, et où l'on sent bien mieux qu'à Marseille l'attachement aux vieilles coutumes et l'opposition aux usa- ges et aux lois du Nord. » Berre (1980 hab.), chef-lieu de canton, est bâti sur la rive E. de l'étang qui porte son nom ; son port est assez fréquenté des caboteurs de la Méditerranée, et ses salines sont riches; les huiles d'olive, les amandes, les figues forment les principaux éléments de son commerce; mais sa situation sur ce vaste étang n'en rend pas la salubrité parfaite. Berre, paraît-il, occupe l'emplacement d'une ancienne ville qui fut détruite au Ve siècle par les Visigoths, et on aperçoit encore quelques restes de ses anciens remparts.
Gardanne (2570 hab.), chef-lieu de canton, situé près du ruisseau de Saint-Pierre, possède une importante exploitation de houille dont la superficie est de 2952 hectares. Le roi René avait une maison de chasse à Gardanne sur l'emplacement de laquelle jaillit maintenant la belle source de la Fontaine du Roi.
Istres (3905 hab.), chef-lieu de canton situé sur la rive occidentale de l'étang de l'Olivier qui dépend de celui de Berre, a d'importantes fabriques de soude.
Lambesc (3340 hab.), chef-lieu de canton, sur
la petite rivière la Concernade, fut, de 1644 à 1788, le siège des assemblées provinciales.
On y exploite des carrières de marbre. Dans les environs, à 4 kilomètres, on a découvert des vestiges de constructions romaines.
Martigues (8011 hab.), chef-lieu de canton, est sit ée entre l'étang de Berre et le canal qui le fait communiquer avec la mer; cette petite ville, bâtie en partie sur les deux rives du canal de jonction et en partie sur des îlots, a été surnommée la Petite-Venise de la Provence. Elle se compose de trois quartiers reliés entre eux par des ponts en pierre ou en bois. La principale industrie de ses habitants est la confection d'un caviar qui peut rivaliser, dit-on, avec celui de Russie. Puis viennent des fabri- ques de soude, de briques, de produits chimiques, des ateliers d'alésage, des fonderies de fer. Martigues doit son origine à des pêcheurs qui vinrent s'y établir au XVIe siècle. Son port, récemment construit, embrasse une superficie de 4 hectares et est éclairé par un feu fixe de 4e ordre.
Salon (6714 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans une plaine bien arrosée que traverse le Canal-de-Craponne. On y trouve quelques restes d'anciennes fortifications, l'église paroissiale de Saint-Laurent, et une pierre milliaire de l'ancienne voie aurélienne, classées parmi les monuments historiques. Salon fait un grand commerce des fruits de son territoire, d'huile fine et de soie; le tissage, le moulinage de la soie, les filatures de laine forment ses principales industries.
Trets (2859 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la limite orientale du département et sur le penchant du Mont-Olympe, fut au moyen âge une ville assez considérable. Elle conserve de nombreux restes de son ancienne splendeur, et entre autres quelques maisons à arcades, mais ses rues sont étroites et mal tenues. On exploite la houille sur le territoire de ce canton qui n'a aucune industrie importante. L'ermitage de Saint-Jean-Baptiste, placé sur la hauteur qui domine Trets, attire chaque année de nombreux pèlerins.
Peyrolles (1260 hab.), chef-lieu de canton, renommé pour ses vins, possède un vieux château entouré de murailles et une chapelle du Saint-Sépulcre.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Lançon (2022 hah.), qui conserve de curieuses archives; Saint-Chamas (2667 hab.), où fonctionne une importante poudrière qui peut fournir 700000 kilogrammes de poudre par an, et aux environs de laquelle le PontFlavien , classé parmi les monuments historiques, traverse la Touloubre; Marignane (2207
hab.); Les Pennes (2026 hab.); où existe un ancien château fort; Fuveau (2856 hab ), situé entre les collines de Saint-Michel et de Fauqueraude, et où l'on exploite des houillères assez importantes, etc.
ARRONDISSEMENT D'ARLES.
ARLES (26367 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisée en 2 can- tons, est située à 74 kilomètres de Marseille, dans une position importante entre les chefslieux du Rhône et des Bouches-du-Rhône.
Cette ville célèbre, placée sur la rive gauche du bras droit du fleuve, forme un port d'une grande commodité. Elle a de beaux quais, quelques rues larges, mais en général irrégulières et mal pavées. On y peut admirer un grand nombre d'édifices remarquables par leur antiquité ou leur style, et dont la plupart sont classés parmi les monuments historiques. L'amphithéâtre, fondé probablement par Tibère Néron, 43 ans avant J. C., est un vaste cirque de forme elliptique, long de 140 mètres, large de 40, qu'entourent 60 arcades cintrées; ses 43 rangs de gradins, qui subsistent encore en certaines parties, pouvaient contenir près de 24 000 spectateurs; au VIIIe siècle, le cirque fut changé en forteresse par les Sarrasins, et quatre tours furent élevées sur ses quatre entrées principales. Le Théâtre antique est situé à peu de distance de l'amphithéâtre; il n'en reste qu'une porte latérale, 5 arcades, 2 colonnes corinthiennes, le proscenium, l'orchestre pavé de marbre, et quelques gradins circulaires; c'est dans ces ruines que fut découverte la Vénus d'Arles en
1651. Au milieu ae la place Royale se aresse un obélisque monolithe haut de 15 mètres.
Sur la Place des Hommes on remarque les restes de l'ancien Forum, 2 colonnes granitiques, puis, des fragments de la façade des Thermes près du Rhône, des vestiges du magnifique palais de Constantin, des restes de remparts à l'E. de la ville, des traces de pont et d'aqueduc.
Les monuments du moyen âge sont égale- ment nombreux et intéressants, tels que l'Église primatiale de Saint-Trophime, fondée en 601 sur les ruines d'un prétoire romain et réparée dans le courant du XVe siècle; l'ancien Cloître de l'Ab- baye, aux colonnettes élégantes et richement sculptées; l'église de Notre-Dame-la-Majeure, une ancienne basilique romane bâtie sur les ruines d'un temple de Cybele; deux vieilles chapelles du VIe siècle de l'église de Saint-Cé- saire; les Alyscamps ou Champs-Élysées, autrefois une riche nécropole, et maintenant une promenade plantée d'ormeaux où s'élèvent
l'église de Saint-Honorat et les chapelles de la Genouillade et de Saint-Accurse.
Les édifices de la Renaissance dans cette cité si riche en souvenirs sont représentés par les hôtels Saint-Roman, Nicolay, Artaud, et les édifices plus modernes par un beau et vaste hôtel de ville construit sous Louis XIV, d'après les dessins de Mansart.
A 3 kilomètres d'Arles s'élève, sur un rocher au milieu de marécages, la célèbre Abbaye de Montmajour, fondée au VIe siècle, avec son église souterraine et sa tour de défense ornée de mâchicoulis.
Les principales industries d'Arles sont la minoterie, la fabrication de l'huile de sésame, la filature des laines, et la construction des machines, wagons et outillage des chemins de fer qui occupe à elle seule plus de 1200 ouvriers. Le commerce, alimenté par les produits de l'industrie et par la fourniture de la matière première qu'elle demande au dehors, porte aussi sur les grains, les bestiaux, le vin, les fruits, la houille, la garance, les faïences, les bois de construction, etc. La marine locale compte près de 120 naviresjaugeant ensemble 12 000 tonnes.
Arles est une des plus anciennes villes de la Gaule, et elle existait avant l'invasion de Jules César qui l'éleva au rang de colonie Julienne; l'administration romaine lui donna une certaine importance ; elle devint la petite Rome du pays conquis, compta jusqu'à 100 000 habitants, servit de résidence à Constantin au moment de sa plus grande splendeur, et quelque temps après, elle fut déclarée capitale des Gaules.
Aux Romains succédèrent les Goths, les Sarrasins, puis les Francs, qui dévastèrent tour à tour la grande cité et détruisirent une partie de ses monuments. Après le démembrement de l'empire de Charlemagne, un royaume d'Arles fut constitué qui relevait de l'empire germanique, mais il tomba bientôt en décadence. Arles, se déclarant alors ville libre, fut gouvernée par des consuls et des podestats, à l'exemple des républiques italiennes.
Sous le règne de saint Louis, Arles dut se soumettre au pouvoir de Charles d'Anjou, frère du roi, et subit alors les destinées de la Provence. Pendant les guerres de François 1er et de Charles-Quint, les Arlésiens soutinrent vaillamment la cause nationale, se mêlèrent aux troubles religieux du XVIIe siècle, et reconnurent Henri IV, après sa conversion au catholicisme. Depuis cette époque, la vieille cité demeura tranquille sous l'administration française.
Tarascon (12 454 hab.), chef-lieu de canton,
est situé à 16 kilomètres d'Arles, sur la rive gauche du Rhône, au point où le fleuve, modérant son impétuosité, prend une marche plus lente en rapport avec sa nappe d'eau large de 800 mètres. Les rues de Tarascon sont bien percées, et l'une d'elles, la rue des Arcades, offre une perspective de portiques. D'anciennes fortifications ont laissé des restes d'une certaine importance ; l'église Sainte-Marthe, qui date du XIIe siècle, et un vieux château reconstruit au xve par le roi René, au sommet d'un rocher et sur les ruines d'un ancien camp romain, ont été classés parmi les monuments historiques.
Un beau pont fait communiquer Tarascon avec Beaucaire, placé sur l'autre rive du Rhône.
Ses industries sont le tissage de la soie, les magnaneries, la fabrication des draps, les corderies et les tanneries. Son commerce exporte les produits de l'industrie locale et n'est pas très-développé. Tarascon est d'ancienne origine, et les Romains y avaient construit une citadelle, qui, au moyen âge, fut remplacée par un château féodal.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Châ- teaurenard (5409 hab.), situé auprès de la colline qui porte ce nom et renommé pour ses pépinières de mûriers; Orgon (2984 hab.), où se voient les restes d'un aqueduc et les ruines d'un très-vieux château ; Saintes-Maries (1006 hab.), dont l'église fortitiée est classée parmi les monuments historiques; Eyguières (3001 hab.), et Saint-Remy (6315 hab.), situé au pied de la Chaîne-des-Alpines, à 2 kilomètres de la vieille cité gallo-romaine de Glanum, qui fut construite, dit-on, vers l'an x avant J. C., et dont on peut admirer l'arc de triomphe et le mausolée bâtis depuis dix-neuf siècles.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Fontvieille (3248 hab.), près d'un endroit nommé les Forges, où se trouve un basrelief taillé formant un autel votif classé parmi les monuments historiques; Barbentane (3213 hab.), sur le penchant d'une coliine qui porte une fort belle tour; Eyragucs (2583 hab.); Mouriès (2242 hab.), élevé sur l'emplacement de l'ancienne ville gallo-romaine de Te- ricias; Noves (2187 hab.), près de la Durance, qui a conservé ses remparts crénelés; Fos (1984 hab.), situé près du grand marais de la Basse-Crau, au-dessus du point où débouchait le canal ouvert par Marius entre le Rhône et le golfe aux bords duquel il campa pendant sa guerre contre les Teutons et les Cimbres; Mallemort (2210 hab.), où l'on recueille de nombreux vertiges de constructions romaines et du moyen âge comme dans presque toutes les localités de l'arrondissement d'Arles.
BOUCHES DU RHÔNE
L'église Saint-Pierre, à Caen.
CALVADOS.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département du Calvados doit son nom à une longue ligne de rochers qui borde ses rivages, et il forme l'un des départements côtiers du N.-O. de la France. Ses limites sont : au N., la Manche; à l'E., le département de l'Eure; au S., le département de l'Orne; à l'O., celui de la Manche.
L'aspect de ce département est peu pittoresque; vers l'E., son relief n'est accusé que par
des collines doucement inclinées et des vallées sans profondeur, où les champs de céréales et de légumes, les prairies artificielles, les plantations de pommiers, les herbages coupés de fossés et de haies se succèdent sans interruption; à l'O., les riches vallons de l'arrondissement de Bayeux offrent ces pâturages renommés où s'élèvent les vaches, les bœufs et les chevaux que la France oppose aux produits similaires de l'industrie agricole en Angle-
terre; au S. - O. apparaissent les dernières lignes du Bocage avec ses coteaux boisés, ses divisions si nombreuses et le dédale de ses sentiers cachés par des clôtures d'arbustes au S. enfin, les collines sont hautes au plus de 300 mètres, mais elles n'apportent aucun obstacle sérieux à la circulation et marquent seulement la séparation des bassins de la Seine et de la Loire.
Les côtes, qui ont un développement de 120 kilomètres, sont généralement formées de hautes falaises; des terres élevées entre la Vire et la Seulles, puis une ligne de rochers et des dunes de sable qui se succèdent depuis l'embouchure de la Seulles jusqu'à l'embouchure de l'Orne, les défendent contre les envahissements de la mer, mais s'opposent à la création de ports importants.
Orographie. — Hydrographie. — Le département du Calvados est sillonné dans sa partie méridionale par des collines peu considérables qui déterminent l'écoulement des eaux des deux grands bassins de la Seine et de la Loire; leur point culminant est dessiné par le Montpinçon, élevé de 359 mètres, qui est situé dans l'arrondissement de Vire.
Les principaux cours d'eau du Calvados sont les six petits fleuves suivants : 1° La Touques qui prend naissance dans le département de l'Orne, court du S. au N.
presque directement, baigne Lisieux où elle se grossit de l'Orbec, Pont-l'Évêque où elle reçoit la Calonne, puis fléchit alors à l'O. et se jette dans la mer, après un cours de 108 kilomètres; 2° La Dives qui vient du département de l'Orne, entre presque aussitôt dans celui du Calvados où elle arrose Coulibœuf, SaintPierre, Mézidon, et, grossie de nombreux affluents, tels que l'Ante, l'Oudon, la Vie, le Laison, le Doigt, se jette dans la mer, après un cours de 100 kilomètres dont 28 sont réputés navigables; 3° L'Orne qui prend naissance dans le département auquel il donne son nom, pénètre dans le Calvados au confluent du Noireau, baigne Thury-Harcourt, reçoit la Laize, atteint Caen où il absorbe l'Odon, et va se jeter à la mer, après un cours de 158 kilomètres dont 18 sont navigables ; 4° La Seulles, entièrement comprise dans le département, dont le cours est de 62 kilomètres, et qui se perd dans la mer en face des rochers du Calvados, après avoir arrosé SaintVaast, Juvigny, Tilly, Choin, Condé, Creully, et absorbé la Seuline, la Thue et la Mue; 5° La Drome et l'Aure qui se jettent ensemble dans les fosses du Soucy, à plus de
2 kilomètres de la mer, après avoir baigné Balleroy et Bayeux; 6° La Vire qui naît sur la limite du département de la Manche, arrose d'abord l'arrondissement de Vire, la Graverie, Étouvy, reçoit la Souleuvre, puis rentre dans le département de la Manche et ne reparaît dans le Calvados que pour en marquer la limite N.-O. et se jeter dans la mer au-dessous d'Isigny.
Le Calvados renferme quelques marais, notamment dans la vallée inférieure de l'Aure, de la Dives et de la Touques, mais l'industrie agricole travaille à les assécher entièrement.
Climat. — Le climat est généralement froid dans le Calvados; il est sain, cependant, mais la température y subit de fréquentes variations ; les pluies et le peu de pente du sol maintiennent une humidité qui explique la richesse du sol et des herbages A l'époque des équinoxes et des solstices, de violentes tempêtes viennent souvent porter la désolation dans les riches campagnes de ce département et détruisent en quelques heures le travail de toute une année.
Superficie. — Population. — La superficie du département du Calvados est de 552 073 hectares et sa population de 474 909 habitants; ce qui donne environ 87 habitants par kilomètre carré. L'accroissement de la population est à peine sensible, et n'a été que de 29 000 habitants depuis le commencement du siècle.
La population du Calvados vit dans les meilleures conditions; elle a pour elle santé, vigueur, esprit d'ordre, intelligence; l'industrie joue un rôle important dans son existence, car la culture locale a un tel caractère qu'elle ne saurait l'occuper constamment; aussi une partie des habitants est-elle forcée d'aller au dehors chercher un travail suffisamment rémunérateur.
Agriculture. — Les terres labourables forment à peu près les deux tiers de l'étendue territoriale de ce département, soit 318 000 hectares sur 552 000; puis les prairies naturelles couvrent 121 000 hectares, les autres cultures arborescentes 32000, et les buis, les forêts, les terres incultes, etc., 70 000.
Essentiellement agricole, le Calvados, dont jadis chaque région avait en quelque sorte sa spécialité, voit son territoire subir une véritable transformation; la plaine de Caen cultivait presque exclusivement autrefois les céréales, et les arrondissements de Lisieux et
de Pont-l'Évêque engraissaient le bétail; mais aujourd'hui, ces cultures et ces industries se montrent partout et tendent à devenir trèsprospères.
Une culture qui cherche à prendre le premier rang dans l'industrie agricole du Calvados, c'est la culture du colza qui occupe déjà 27 000 hectares et donne un revenu de plus de 11 millions de francs. Les céréales ne sont cultivées que pour satisfaire aux besoins d'une population peu soucieuse de demander au dehors les produits qui lui sont nécessaires. Les pommiers jouent un rôle de premier ordre dans la culture du Calvados; les cours, les vergers, les routes, les champs eux-mêmes en sont plantés, et ils forment quelquefois de petits massifs au milieu des terres arables; c'est que cet arbre fournit la boisson habituelle de la population. Le poirier produit aussi une sorte de cidre agréable, mais capiteux et qui se conserve moins bien.
Les bois couvrent encore 45 000 hectares; ils ont une importance très-grande et sont une précieuse ressource pour un pays froid, humide, où l'été a peu de durée. Les principales forêts sont celles de Cinglais, d'Harcourt, de Touques, de Planquery, de Toarn, etc.
L'élève des bêtes à cornes, des moutons et des chevaux occupe une place considérable dans l'industrie agricole du Calvados. Les bêtes à cornes atteignent le chiffre de 264 000 têtes; les bœufs sont engraissés pour l'alimentation de Paris; les vaches, dont les meilleures sont de race cotentine, donnent un lait précieux qui sert à la fabrication du beurre le plus renommé de la France. Dans le pays d'Auge, dans toute la région à gauche de la Touques, la fabrication des fromages remplace celle du beurre, et les produits de Livarot et de Pontl'Évêque ont acquis un grand renom.
Les chevaux, au nombre de 64 000, sont aussi l'objet d'un soin particulier, mais ce sont surtout les départements de la Manche et de l'Orne qui conservent à la race normande le rang qu'elle a su mériter parmi les espèces recherchées.
Les moutons sont nombreux, 155 000 environ, et se classent en trois variétés différentes : dans le pays d'Auge, dans la plaine de Caen dans l'arrondissement de Bayeux, ils sont grands et ne fournissent qu'une laine rude et longue; dans le Bocage, maintenant l'arrondissement de Vire, ils sont petits, d'excellente qualité comme viande, et produisent une laine courte, mais assez douce; enfin la race mérinos, introduite depuis quelques années, donne là, comme partout, une laine supérieure, ce qui explique l'intérêt du cultivateur à l'accli-
mater ou du moins à la croiser avec la race indigène.
Les porcs constituent un des principaux éléments des exploitations agricoles; aussi le Calvados en élève-t-il près de 62 000, ce qui provoque une exportation de quelque importance pour les colonies et pour l'approvisionnement de la marine.
Le revenu brut des animaux domestiques est de 49 millions de francs, et la valeur totale de la production agricole dépasse 102 millions.
Mines. — Carrières. — Ce département est riche en pierre à bâtir, en marbres, en granits, en terre à poterie; les pierres de taille des environs de Caen s'exportent jusqu'en Amérique. Il existe quelques tourbières dans les régions marécageuses. Le sel marin est l'objet d'une exploitation assez suivie. Quant aux métaux, ils sont rares; le fer, qui apparaît dans les terrains de l'arrondissement de Fa- laise, est à peine exploité.
Industrie. — Commerce. — Quoique l'agriculture constitue le principal travail de l'habitant du Calvados, cependant l'industrie proprement dite tient un rang considérable dans ce département. A Caen, à Bayeux, la fabrication d'es dentelles noires, des blondes blanches et noires qui sont l'objet d'une exportation trèssuivie, occupe un nombre de femmes trèsconsidérable. La bonneterie de Caen, les toiles de cretonne et les molletons de Lisieux, les draps, les flanelles, puis les b rasseries, les raffineries, les distilleries, les teintureries, les coutelleries, les forges, les hauts fourneaux, etc., montrent que le mouvement industriel est très-actif dans le Calvados.
Le commerce du département est alimenté parles nombreux produits qui viennent d'être indiqués; l'agriculture lui fournit ses bœufs, ses chevaux, ses moutons, son beurre, ses fromages; la manufacture, ses dentelles et ses toiles; les carrières, leurs pierres de taille, et l'on n'évalue pas à moins de 225 millions de francs par an ce que le travail met ainsi à la disposition du commerce. Les ports de Caen et de Honfleur voient leur prospérité s'accroître d'une manière sensible depuis quelques années, et de grands travaux sont exécutés pour les mettre en état de répondre aux besoins croissants de la navigation.
Routes.—Canaux.— Chemins de fer.—Les routes impériales qui traversent le départe- ment du Calvados sont au nombre de 10 et elles comprennent un parcours de 439 kilomè-
tres; par elles Caen communique avec ses souspréfectures, et le département lui-même est entièrement relié aux départements voisins.
Un seul canal, celui de Caen à Ouistreham existe dans le Calvados; son étendue est peu considérable, 14 kilomètres seulement, mais il a une grande importance comme voie commer- ciale et il sert à l'exportation des produits du département.
Le Calvados est desservi par une des lignes principales du réseau de l'Ouest, la ligne de Paris à Cherbourg, dont les stations sont établies à Lisieux, Mesnil-Mauger, Mézidon, MoultArgences, Caen, Bretteville-Norrey, Audrieu, Bayeux, Le Molay-Littry, Lison et Isigny.
De cette ligne principale se détachent 5 embranchements : 1° celui de Lisieux à Honfleur, avec stations à Lebreuil-Blangy, Pont-l'Évêque et Quetteville ; 2° celui de Pont-l'Évêque à Trouville, avec stations à Touques; 3° celui de Mé- zidon au Mans, avec stations à Saint-Pierresur-Dives , Vendeuvre, Fort, Coulibeuf et Fresné-la-Mère; 4° celui de Coulibeuf à Falaise; 5° celui de Lison à Saint-Lô.
Ces diverses voies ferrées ont un développement de 257 kilomètres.
Un embranchement est projeté de Caen à Flers, et il desservira tout l'arrrondissement de Falaise.
Histoire. — Rome, quand elle envahit les Gaules, trouva dans le territoire actuel du Calvados les Baïocasses, au N., les Lexoviens, à l'E.; elle les soumit sans grands efforts, mais sans pouvoir se les attacher. Dès le ve siècle, en effet, on voit ces populations s'agréger aux cités armoricaines, et ce fut la rude invasion des Francs qui les relia au système politique qui devait bientôt constituer la Neustrie. Lorsque la conquête normande eut détourné cette portion de territoire du reste de la monarchie des Francs, la Basse-Normandie, que représente à peu près le Calvados, se changea en un foyer de luttes sanglantes et de domination féodale. Les descendants de Guillaume le Conquérant, devenus Anglais, se disputèrent d'abord entre eux ce riche pays ; puis ils le ravagèrent, quand les rois de France l'eurent confisqué. Les guerres de religion y portèrent plus tard leurs déplorables violences et provoquèrent plus d'un soulèvement parmi les paysans écrasés par d'injustes impôts; telle fut la révolte des Gauthier et des Nu- pieds que dompta le maréchal de Gassion plus encore par les supplices que par les armes.
Quand le calme eut reparu, la Dive marqua la séparation de la Basse-Normandie proprement dite qui se subdivisa en plusieurs petits pays :
le Bessin, pays de Bayeux, le pays d'Auge, région de Falaise, le Bocage, région de Vire qui s'étend jusque dans l'Orne. Lors de la nouvelle division de la France, le territoire du Calvados prit le nom de département de l'Orne-Inférieure, mais peu de temps après, il reçut celui sous lequel il est connu aujourd'hui.
Hommes célèbres. — Le Calvados a produit un grand nombre de personnages remarquables à divers titres, dont les principaux sont : GUILLAUME LE CONQUÉRANT; les poëtes OLIVIER BASSELIN, l'auteur des Vaux de Vire, ALAINCHARTIER, MALHERBE, BOISROBERT, SEGRAIS, l'auteur des Idylles, MALFILATRE, CHENEDOLLÉ, auteur du poëme du Génie de l'homme; l'évêque DANIEL HUET; le jésuite LETELLIER; le géomètre VARIGNON; le constituant THOURET; le mathématicien LAPLACE; le chimiste VAUQUELIN; le musicien CHORON; le grand navigateur DUMONT D'URVILLE; et parmi les contemporains : l'illustre compositeur AUBER; l'amiral HAMELIN; le géologue ELIE DE BEAUMONT; le docteur RAYER, membre de l'Institut; le savant géographe VIVIEN DE SAINT-MARTIN.
Divisions administratives. — Le département du Calvados forme six arrondissements qui se subdivisent de la manière suivante :
Arr. de Caen 9 cant. 188 comm.
— Bayeux. 6 — ï36 — — Vire. 6 — 96 — — Falaise. 5 — 114 — — Lisieux. 6 — 123 — — Pont-l'Évêque. 5 — 108 — 37 cant. 765 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de la 2e division militaire dont le siège est à Rouen, et il est compris dans la première préfecture maritime dont le siége est à Cherbourg.
Dans l'organisation ecclésiastique, le Calvados forme un diocèse suffragant de l'archevêché de Rouen, et dont le siège est à Bayeux.
Ce diocèse comprend 71 cures, 626 succursales, un grand séminaire à Bayeux et deux petits séminaires à Villiers-le-Sec et à Lisieux. Le culte protestant possède sept temples dans le département.
La justice est rendue dans le Calvados par une Cour impériale dont le siége est à Caen et qui comprend dans son ressort 6 tribunaux de première instance, qui siégent aux chefslieux d'arrondissement, et 8 tribunaux de commerce à Caen, Bayeux, Falaise, Lisieux, Condé-sur-Noireau, Isigny, Honfleur et Vire.
Il y a à Caen une Académie, une Faculté de
droit, une Faculté des sciences, une Faculté des lettres, une école secondaire de médecine, un lycée, une école normale primaire, etc., des colléges communaux à Bayeux, Falaise, Honfleur, Lisieux, Vire, et 962 écoles primaires publiques ou libres dans le département. Les deux tiers des jeunes gens appelés à la conscription savent lire et écrire.
Description des Villes. — Les principales localités de ce département sont :
ARRONDISSEMENT DE CAEN.
CAEN (41 564 hab.), préfecture et chef-lieu du département, divisé en 2 cantons, est situé à 223 kilomètres de Paris, dans une belle vallée au confluent de l'Orne et de l'Odon, à 12 kilomètres de la mer. Son aspect est vraiment très-pittoresque; ses quais du port et du nouveau bassin, ses promenades, la vue de la verdoyante vallée de l'Orne, le massif lointain de la forêt de Cinglais, font de cette ville l'une des plus charmantes de la France. Ses édifices sont nombreux; parmi ceux que leur valeur artistique a fait classer parmi les monuments historiques, on doit citer l'Abbaye-aux-Hom- mes, fondée par Guillaume le Conquérant, en 1066, magnifique église surmontée de deux tours octogonales, l'Abbaye-aux-Dames, ou église de la Trinité qui date de la même époque, l'église Saint-Nicolas, de style roman, où s'est installée l'administration militaire, l'église Saint-Pierre, dont la tour du XIVe siècle est un chef-d'œuvre, l'église Saint-Jean, du dernier siècle de l'époque gothique, et l'ancien hôtel de ville construit en 1538 suivant la mode italienne. En dehors de cette classification, les archéologues admirent à juste titre des piliers du XIIe siècle de l'église SaintSauveur, la nef de l'église Saint-Gilles, la tour romane de l'église de Vaucelles, les riches sculptures de Saint-Étienne-le-Vieux, des débris de tombeaux dans le jardin de l'ancien évêché, certains; vestiges des anciennes murailles et des-tours de l'enceinte, les fortifications du château de Caen, et quelques curieuses maisons des XIVe, XVe et XVIe siècles.
Le port de Caen est formé par une partie de l'Orne et par un bassin de 570 mètres de longueur sur 50 mètres de largeur et 4 mètres 75 centimètres de profondeur. Ce bassin peut contenir environ 80 navires, et il est relié à l'avant-port d'Ouistreham sur la mer par un canal de 14 kilomètres.
L'industrie de Caen comprend les constructions maritimes, qui y sont remarquables; la fabrication des dentelles, de la bonneterie et des papiers peints, etc. ; ces industries
produisent pour plus de 12 millions par an.
Le commerce importe des bois du nord, de la houille, des aciers, des épices, du café, des savons, et il exporte des grains, des œufs, des fruits, du beurre, des pierres de taille, etc.
La foire qui se tient après Pâques est l'une des plus suivies de la France.
Caen ne date que du xe siècle et fut fortifié par Guillaume le Conquérant, qui en fit le siège de la Cour de justice dite de l'Échiquier et y bâtit des monastères. Cette ville n'a pas une grande importance historique; elle fut prise par les Anglais en 1346 et en 1417, et reconquise par Dunois en 1450. En 1793, après le 31 mai, Caen fut le foyer du soulèvement des Girondins contre la Convention.
Douvres (2083 hab.), chef-lieu de canton, fabrique des fleurs artificielles et des dentelles; la tour de son église, qui date du XIIe siècle, est un magnifique morceau d'architecture, classé parmi les monuments historiques; non loin,. les pèlerins fréquentent la Chapelle de la Délivrance, qui fut reconstruite an XIe siècle.
Villers-Bocage (1155 hab.), chef-lieu de canton, fait le commerce des chevaux, des bestiaux, des laines et des volailles.
Évrecy (752 hab.), chef-lieu de canton, bâti sur un coteau de la rive gauche de la Guine, a conservé des traces d'antiquités romaines, et possède une vaste église où se confondent tous les styles de la période gothique.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Bourguébus (262 hab.), Creully (982 hab.), Tilly-sur-Seulles (1176 hab.), et Troarn (889 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Courseulles-sur-Mer (1687 hab.), petit port à l'embouchure de la Seulles, qui fait un important commerce de bois du Nord, de charbon de terre, de dentelles, de beurre, de bestiaux, et dont les habitants se livrent à la pêche des huîtres, du maquereau et du hareng; Luc-sur-Mer (1580 hab.); Verson (1206 hab.); Rots (1252 hab.); Argences (1406 hab.), avec une ancienne église de Saint-Patrice convertie en magasins; Cabourg (563 hab.), dont les bains de mer attirent un grand nombre de baigneurs.
ARRONDISSEMENT DE BAYEUX.
BAYEUX (9138 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 27 kilomètres de Caen, sur l'Aure, dans une plaine fertile dont les herbages sont renommés. Cette petite ville est bien bâtie, mais ses rues sont étroites et tristes. Dans la catégorie des monuments historiques sont classées sa cathédrale,
dont le style est mélangé de roman et de gothique de toutes les époques, une chapelle du séminaire construite au XIIe siècle, et une fameuse tapisserie conservée dans l'hôtel de ville, et sur laquelle la reine Mathilde a brodé « la conquête de l'Angleterre,» en 1606, par son mari Guillaume le Conquérant. Quelques anciennes maisons des XIVe et XVe siècles, dont l'une est construite en bois, couverte de sculptures et ornée de statues, attirent l'admiration des antiquaires.
Bayeux occupe le premier rang pour la fabrication des dentelles, et l'on estime beaucoup ses poteries réfractaires ; il s'y tient des foires importantes pour la vente du bétail et des chevaux.
Bayeux est une ancienne cité gauloise, où les pirates saxons s'établirent dès le IVe siècle.
Ils furent soumis par Clovis qui fit du Bessin un comté franc. En 1044, les Normands s'emparèrent de ce territoire et le gardèrent jusqu'à la conquête de la Normandie par Philippe Auguste.
Balleroy (1284 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur un coteau qui s'élève à droite de la Dromme. Cette ville possède un beau château bâti par Mansart. On y trouve d'importantes fabriques de dentelles et de blondes. Dans ses environs il y a des mines de fer qui furent jadis exploitées.
Isigny (2703 hab.), chef-lieu de canton, est situé au fond d'un golfe, à l'embouchure de la Vire et de l'Aure-Inférieure. Cette petite ville doit son renom à son commerce de beurre dont l'exportation lui rapporte 2 millions de francs; elle peut recevoir dans son port des bâtiments jaugeant 200 tonneaux ; elle exporte du bétail, des œufs, de la poterie et des viandes salées.
Caumont (1075 hab.), chef-lieu de canton, est placé sur une hauteur d'où la vue embrasse un immense horizon depuis Bayeux jusqu'à la mer.
Trévières (1149 hab.), chef-lieu de canton, est situé près du confluent de la Tortone et de l'Aure; ses beurres renommés le d sputent dans le pays à ceux d'Isigny.
Ryes (470 hab.), chef-lieu de canton, conserve des vestiges de con tructions romaines.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Littry (2214 hab ), dont les mines de houille, divisées en deux bassins et desservies par sept puits d'extraction, emploient 500 ouvriers et fournissent annuellement 340 000 quintaux métriques de combustible; Livry-leVieux (1233 hab.), dont la chapelle de SaintSulpice attire de nombreux pèlerins; Neuilly (1078 hab.), etc.
ARRONDISSEMENT DE VIRE.
VIRE (6863 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, à 58 kilomètres de Caen, est située sur une colline escarpée que la Vire entoure de trois côtés. C'est une localité ancienne, dont les rues sont étroites et tortueuses; la basse ville renferme quelques maisons dignes de provoquer l'attention des artistes, mais ses édifices n'ont rien de trèsremarquable. Son industrie porte plus spécialement sur la fabrication des draps et du papier et sur la tannerie qui fournit environ pour un million de cuirs par an.
Les environs de Vire renferment le joli paysage appelé les Vaux-de-Vire, où se voit la maison du poëte Olivier Basselin qui a célébré par ses chants ce site pittoresque.
Condé-sur-Noireau (6643 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le confluent de la Durance et du Noireau, est une petite ville ancienne et laide, mais très-importante pour son industrie et son commerce. On y compte 55 filatures hydrauliques qui occupent près de 3000 ouvriers; aussi y trouve-t-on un tribunal de commerce et une chambre consultative des arts et manufactures. Condé-sur-Noireau a élevé une statue en bronze à Dumont d'Urville, qui y est né en 1790.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Aunay-sur-Odon (2057 hab.), dont l'ancienne abbaye est occupée par une importante filature, Bény-Bocage (836 hab.), Saint-Sever (1517 hab.), non loin de l'Ermitage, ancien couvent de Camaldules, et Vassy (2947 hab.), qui fait le commerce du chanvre, de volailles et de bestiaux.
Les principales communes de l'arrondissement : Saint-Gerrnain-de-Tallevende (3095 hab.); Vaudry (1558 hab.); Cahagnes (1639 hab.), etc.
ARRONDISSEMENT DE FALAISE.
FALAISE (8183 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, partagée en 2 cantons, est située à 34 kilomètres de Caen, sur un ter- rain accidenté et se divise en trois parties : le faubourg de Guibray, la ville proprement dite et les faubourgs du val d'Ante et de SaintLaurent.
Falaise conserve encore des restes de ses anciennes fortifications et les ruines du château où, dit-on, naquit Guillaume le Conquérant. D'anciennes églises, quelques châteaux de construction remarquable et des maisons qui rappellent les mœurs du moyen âge méritent l'attention des archéologues.
La fabrication de la bonneterie occupe à Falaise plus de 4000 métiers ; les teinture-
ries et surtout les pelleteries y sont, comme au moyen âge, les principales industri s de la population. Le commerce est très-actif, et, chaque année, à la foire de Guibray qui se tient du 10 au 25 août, il se vend plus de 800 chevaux dont le prix varie de 600 à 3000 francs.
Falaise n'a fait aucune figure historique avant le IXe siècle. Elle souffrit beaucoup des guerres de religion au XVIe siècle, et Henri IV la fit démanteler.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Bretteville-sur-Laize (1062 hab.), Morteaux- Coulibæuf (793 hab.), où des fouilles ont amené la découverte de cercueils gallo-romains, et Thury-Harcourt (1280 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Clécy (2147 hab.); Saint-Denis-de- Méré (1117 hab.); Saint-Marc-d'Ouilly (990 hab.).
ARRONDISSEMENT DE LISIEUX.
LISIEUX (12 617 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisé en 2 cantons, est situé à 46 kilomètres de Caen, dans une belle vallée qu'arrosent la Touques et l'Orbec. Ses rues sont généralement étroites, ses maisons mal bâties, mais ses en-
virons sont charmants. Sa cathédrale, classée parmi les monuments historiques, renferme une chapelle bâtie par l'évêque Pierre Cauchon, l'un des bourreaux de Jeanne d'Arc; dans l'ancien palais épiscopal, du XVIIe siècle, sont établis aujourd'hui les tribunaux et la prison; quelques maisons en bois datent des xve et XVIe siècles.
Les principales industries de Lisieux sont la fabrication des toiles qui occupe 10 000 ouvriers et crée une valeur annuelle de 13 millions de francs, puis la draperie qui emploie 8000 ouvriers et livre pour 20 millions de produits. Les filatures de coton et les tanneries ne viennent qu'en seconde ligne et contribuent beaucoup, cependant, à la prospérité de la population.
Lisieux, l'ancienne ville des Lexoviens, fut quelquefois considérée comme place forte, mais sans droit réel à ce titre. Elle fut le siège d'un évêché jusqu'à l'époque du Concordat en 1801.
Livarot (1499 hab ), chef-lieu de canton, est situé sur la Vie; dans les parties de son territoire qu'arrose cette rivière, le prix des terres s'élève jusqu'à 7 et 8000 francs l'hectare; c'est là que prospèrent ces pâturages qui donnent un si juste renom aux fromages de Livarot.
Mézidon (1202 hab.), chef-lieu de canton, est situé près de la Dive, au point de raccordement des lignes ferrées de Cherbourg et
d'Alençon. Cette localité possède une importante filature de lin.
Orbec (3219 hab.), chef-lieu de canton, situé dans la charmante vallée de l'Orbiquet, fait un actif commerce de bestiaux, de chevaux, de poulains, de laines, et possède des fabriques de draps, des papeteries, des teintureries; ce tte pet te ville renferme une église du XVe siècle et un hospice, dont le beffroi est fort remarquable.
Saint-Pierre-sur-Dives (2014 hab.), chef-iieu de canton, possède de curieuses maisons du XVe siècle, et une ancienne chapelle d'une abbaye de Bénédictins, devenue l'église de Saint-Pierre, rangée parmi les monuments historiques de l'époque ogivale.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Saint-Jacques (4802 hab.); Moyaux (1105 hab.); Saint-Désir (2858 hab.), etc.
ARRONDISSEMENT DE PONT-L'ÉVÊQUE.
PONT-L'ÉVÊQUE (2880 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, à 44 kilomètres de Caen, est situé au confluent de la Touques et de la Calonne. Cette ville ne se compose guère que d'une seule rue; elle possède une église assez remarquable, classée parmi les monuments historiques, et un hôtel avant
appartenu à la célèbre Mlle de Montpensier.
L'industrie se borne à peu près à la fabrication des dentelles, mais le commerce en bestiaux, beurre et grains est assez actif.
Honfleur (9946 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche de l'embouchure de la Seine, en face du Havre, et abrité des vents violents du large par un promontoire bien connu des marins où s'élève la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce. Honfleur, dont les rues sont étroites, tortueuses et souvent malpropres, renferme quelques maisons curieuses du XVIe siècle et des églises assez remarquables.
Cette ville est la plus importante de l'arrondissement et un des ports les plus fréquentés par les navires anglais et scandinaves qui y apportent de la houille, des bois du Nord, du fer et qui en exportent des œufs, de la volaille, du beurre et des fruits. L'industrie y construit des navires, y raffine le sucre des colonies et fabrique des biscuits, de l'huile, de l'alun, etc.
Les autres chefs - lieux de canton sont : Blangy (717 hab.), Cambremer (1123 hab.), et Dozuté (900 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Saint-Gatien (999 hab.); La RivièreSaint-Sauveur (1125 hab.); Trouville (5694 hab ), petit port situé à l'embouchure de la Touques, et célèbre par ses bains de mer que fréquente le monde élégant de Paris.
CALVADOS
Vue génerale de la ville de Murat. — La statue du pape Sylvestre II à Aurillac.
Les gorges du Pas de la Cère.
CANTAL.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département du Cantal appartient au plateau central de la France et tire son nom de la chaîne qui le constitue tout entier. Il est limité au N. par le département du Puy-de-Dôme; à l'E., par celui de la Haute-Loire; au S., par ceux de la Lozère et de l'Aveyron; à l'O., par ceux du Lot et de la Corrèze.
Le département du Cantal se présente sous l'aspect d'un massif de montagnes que le travail
des époques géologiques éleva jusqu'à une hauteur de 1800 mètres. Les terrains primitifs, houillers, tertiaires, volcaniques qui le composent, sont dominés par un pic central. Là se dresse le point culminant de ces capricieuses ramifications qui rayonnent vers le N., le S., l'E. et l'O., et provoquent l'écoule- ment des eaux vers les trois bassins de l'Allier, de la Dordogne et du Lot. Toute cette chaîne est magnifique, blanche de neige pen-
dant six mois, pittoresquement ornée de grandioses constructions basaltiques, sillonnée de coulées trachytiques, de scories, de pierres p onces, de laves vomies autrefois parles nombreux cratères du territoire, tapissée d'épaisses forêts de chênes et de châtaigniers , de pâturages verdoyants, et recouverte d'un inextricable réseau de torrents et de cascades. Au milieu de ces riants paysages paissent les bestiaux transhumants des départements voisins ; là, après la fonte des neiges, réapparaissent les innombrables burons, sortes de petites cabanes où les bergers fabriquent du beurre et des fromages renommés. Puis, plus bas, des vallons fertiles, des gorges hérissées de sapins noirs, des plateaux bien cultivés surtout sur le versant méridional du Cantal, et entre les rameaux qui s'en détachent, les profondes, étroites et fertiles vallées de la Cère, de la Jor- dane, de Saint-Chamans, de Tournemire. C'est en somme un beau pays,dont les divers aspects contrastent fortement entre eux, et qui provoque à juste titre l'admiration des voyageurs.
Orographie. — Le groupe du Cantal forme la charpente du département qui porte son nom, et ses ramifications le couvrent presque tout entier; sa direction générale est de l'E.
au N., et il forme la jonction des Monts-de-laMargeride aux Monts-d'Auvergne. Ce massif, dont la circonférence mesure plus de 50 kilomètres, dessine la ligne de faîte des bassins de la Garonne et de la Loire, et se courbe par un angle droit dont le Plomb-du-Cantal occupe le sommet; c'est là le point culminant de la chaîne, un cône aigu, nu, décharné, qui se dresse à une hauteur de 1858 mètres, et qu'entourent, dans un rayon de 15 kilomètres, une ceinture depuys, ou de montagnes isolées, telles que le Puy-Mary, d'une hauteur de 1786 mètres, le Puy-de-Griou, haut de 1694 mètres, le Colde-Cabre qui mesure 1689 mètres, le Puy-du- Peyreux, le Puy- Violent, le Puy-Gros, l'Hommede-pierre, dont l'altitude dépasse 1500 mètres.
Entre les nombreux contre-forts que projette cette importante chaîne, il faut remarquer celui qui la rattache au Mont-Dore et au Puy-deDôme, et dont la direction est du S. au N., à travers l'arrondissement de Murat, entre les bassins de la Rue et de l'Alagnon ; là, sur la frontière du département culmine le Mont- Cézalier, dont la hauteur dépasse 1450 mètres.
Hydrographie.— Le département du Cantal appartient à deux bassins distincts dont les rivières ne sont point navigables : le bassin de la Loire pour les cours d'eau du N.et de l'E., dont le principal est l'Alagnon, et le bassin de
la Garonne pour les cours d'eau du S. et de l'O., tels que la Dordogne avec ses affluents, la Truyère, le Celé, etc.
L'Alagnon prend sa source au Puy-de-Griou des Monts-du-Cantal, dans l'arrondissement de Murat, se dirige de l'O. au N. E., baigne Murat, la Chapelle-d'Alagnon, Massiac, entre dans le département du Puy-de-Dôme, et tombe dans l'Allier, après avoir reçu dans le Cantal le torrent d'Allanche et l'Arcueil.
La Dordogne, qui prend sa source dans les plus hautes montagnes du Puy-de-Dôme, sert de limite à la partie N. O. du Cantal qu'elle sépare de la Corrèze depuis la commune de Deaulieu jusqu'à la commune de Tourniac; pendant ce parcours qui est de 30 kilomètres environ, elle reçoit: 1° la Rue, qui sort du Puy- de-Montchal, court en s'arrondissent du S. au N. O., arrose Église-Neuve, forme la cascade du Saut-de-la-Saule, et finit un peu en dehors du département du Cantal, après avoir reçu le torrent d'Espinchal, le ruisseau de Las-Combes, le Boujan, la Santoire, les ruisseaux de Couderc, de Trémouille, de Saint-Amandin, la Rue-de- Cheylade grossie de la Véronne, et la Tarentaine; 2° la Sumène, qui sort des montagnes de Charleux dans l'arrondissement de Mauriac, arrose Menet, Salsignac, Vebret, Ydes, Bassignac, Vie, et se perd au-dessus d'Arches, après un cours de 55 kilomètres, pendant lequel elle reçoit le torrent de Rignac, le ruisseau des Lignes, le Violon, le Marlhou et le Mars grossi de la Chevaroche; 3° l'Auze, qui tombe de la montagne de Fontanès dans l'arrondissement de Mauriac, et dont l'une des sources arrose le vallon de Salins, célèbre par sa magnifique cascade, la plus belle de France; 4° la Maronne, qui sort de la montagne de Pratmeau, au fond de l'arrondissement de Mauriac, dans le canton de Salers, forme la cascade de Couderc, arrose Saint-Martin-de-Valmeroux, Sainte-Eulalie, Saint-Christophe, entre dans la Corrèze et se termine après avoir absorbé les eaux du Malrieu, de l'Aspres, de la Bertrande, accrue de la Doire, de la Soulane, et de l'Incon; 5° la Cère, qui jaillit au pied de la montagne du Griou, dans l'arrondissement d'Aurillac, se précipite au fond de ces magnifiques gorges connues sous le nom de Pas-de-la-Cère, baigne Vic, arrose une délicieuse vallée, Arpajon, SaintÉtienne, Saint-Gérons, la Roquebrou, entre dans le département du Lot et se perd dans la Dordogne, après s'être accrue de la Jordane, de l'Authre et de la Roanne.
La Truyère, qui descend du versant O. des Monts-de-la-Margeride, dans le département de la Lozère, entre dans le Cantal dont elle traverse diagonalement l'arrondissement de
Saint-Flour sans arroser aucune ville importante, absorbe l'Arcomie, l'Ande, les Ternes, le Bez qui forme une partie de la frontière départementale, l'Épic, la Lévande, les Taillades, le Brézons, le Goul accru lui-même du Cam- bon, de la Vauze et du Langayroux, puis, entre dans l'Aveyron, et s'y jette dans le Lot, après un cours de 175 kilomètres.
Le Célé, qui prend sa source au hameau de Bos, dans l'arrondissement d'Aurillac, arrose Saint-Constant, entre dans le département du Lot, après un cours de 25 kilomètres, et s'y jette dans la rivière de ce nom après avoir reçu la Ressègue et la Rance.
Les lacs, peu importants d'ailleurs dans le Cantal, sont ceux des communes de Madic et de Menet, dans l'arrondissement de Mauriac, et quelques eaux stagnantes au fond des cratères éteints.
Climat. — Dans la région montagneuse, le climat du Cantal est froid; la neige y persiste pendant six mois, des ouragans terribles s'y propagent pendant l'hiver, et la gelée se produit à toutes les époques de l'année. Au N. et à l'E., dans les arrondissements de Saint-Flour et de Murat, le climat est encore très-froid; mais l'arrondissement de Mauriac, situé au N. 0., a déjà des saisons moins rudes; enfin l'arrondissement d'Aurillac a un climat doux et humide.
Superficie. — Population. — La superficie du département du Cantal est de 574 146 hectares, et sa population de 237 994 habitants, ce qui donne environ 43 habitants par kilomètre carré. Ce département est l'un de ceux où la population s'accroît à peine, et depuis le commencement du siècle, l'augmentation n'a été que de 20 200 habitants.
Les habitants du Cantal sont forts, vigoureux, mais lourds, épais, sans vivacité et sans grâce, Ils sont patients, laborieux, amoureux du lucre, honnêtes cependant. Violents dans leur colère, ils ont recours aux armes les plus dangereuses, et rarement une de leurs réunions se passe sans rixes. L'émigration est un fait commun dans la vie de l'habitant du Cantal. Chaque année, vers l'automne, dix mille émigrants quittent le département et vont en France, dans le Nord, et en Espagne chercher par leur travail et leur industrie des ressources que le pays ne saurait leur donner. Beaucoup d'entre eux s'expatrient même définitivement, et se font porteurs d'eau, commissionnaires, portefaix, marchands de parapluies, colporteurs, chaudronniers, fondeurs d'étain, etc. Cet exemple est contagieux, et souvent le nombre des émi-
grants est assez considérable pour que les bras manquent aux travaux agricoles, et qu'il faille appeler à grand prix les ouvriers du dehors.
Agriculture. — Le département du Cantal est, par sa constitution même, l'un des moins privilégiés pour la production agricole. De ses 574 000 hectares, le quart à peine est susceptible de culture en céréales; les prairies, les herbages, les bruyères occupent, au contraire, près de la moitié du territoire ; puis les bois, les futaies couvrent une superficie de 70 000 hectares environ.
La récolte des céréales n'est pas suffisante pour alimenter la population du Cantal ; elle atteint à peine une valeur de 18 millions par an ; il faut donc compter sur la récolte des châtaignes et des pommes de terre qui souvent est peu abondante et ne réussit pas toujours.
Mais l'industrie pastorale trouve de grandes ressources dans les prairies, les herbages, les pâturages du département. Le lait des 40000 vaches qui paissent dans les montagnes est presque entièrement converti en fromages, dont les 300 000 quintaux métriques s'écoulent facilement dans le midi de la France. Cette fabrication est en voie de progrès et gardera certainement le premier rang dans l'industrie du Cantal.
L'élève des bestiaux donne aussi des produits excellents , et la race de Salers dans l'arrondissement de Mauriac est extrêmement estimée. Les bêtes à cornes atteignent le chiffre de 381000, qui tend à s'élever chaque jour. On compte dans le département environ 11000 chevaux de la race auvergnate, et 2 000 mulets.
Les moutons sont d'un élevage facile et leur nombre est très-considérable, quand les départements voisins ont envoyé leurs troupeaux pour la saison d'été. Les porcs sont nombreux, environ 85 000, et servent surtout à nourrir les populations rurales. Les chèvres, les boucs et les chevreaux sont au nombre de 50 000, et on en rencontre dans tous les villages.
Le revenu brut des animaux domestiques s'élève à 40 millions par an, et la production agricole annuelle atteint une valeur de 57 mil- lions de francs.
Mines. — Carrières. — Le Cantal exploite 5 mines de houille qui rendent annuellement 16 000 quintaux métriques de combustible, et une mine d'antimoine; on y trouve aussi quelques gisements d'argent, de zinc, de cuivre, de fer, de plomb, d'étain, etc., mais les carrières de pierres meulières et de pierres à chaux, de granits et de marbre sont nombreuses et l'objet d'exploitations locales.
Les sources minérales sont fréquentes dans
le département, les unes chaudes, les autres froides, celles-ci alcalines, celles-là ferrugineuses, gazeuses, etc. Les plus importantes sont celles de Vic et d'Aurillac, dans l'arrondissement de ce nom, de Condat, de Marcenat, dans celui de Murat, de chaudesaigues, dans celui de Saint-Flour, de Saint-Martin-Valme- roux, uans celui de Mauriac.
Industrie.— Commerce. — Le département du Cantal est peu industriel; une seule usine de lainages fonctionne à Saint-Flour, et il n'y existe aucune grande manufacture; 2 carderies, 48 tanneries, quelques chaudronneries, des fabriques de parcheminerie, de colle forte et de café de glands doux constituent à peu près toute sa richesse sous ce rapport.
L'exploitation minière emploie à peine 200 ou- vriers et est peu lucrative. Les forêts, importantes dans le Cantal,occupent un certain nombre de bûcherons, mais la difficulté ou la rareté des chemins s'opposent encore à ce que leur exploitation prenne une extension suffisamment rémunératrice.
Le commerce ne peut avoir non plus une grande activité dans ce département; il porte principalement sur les produits agricoles, les chevaux, le bétail, les moutons, les cuirs, les planches, le merrain, les toiles de chanvre, la colle forte, les fromages, etc.
Cependant le pays, tout pauvre qu'il soit, demande peu au dehors; l'émigration annuelle laisse à ceux qui restent le strict nécessaire et ils s'en contentent.
Routes. — Chemins de fer. — Les routes impériales du département sont au nombre de 5 et s'étendent sur 369 kilomètres ; elles relient les chefs-lieux d'arrondissement et communiquent avec les départements limitrophes. De plus, on compte 8 routes départementales d'une longueur de 186 kilomètres, et 3710 chemins vicinaux dont le développement est de 5374 kilomètres.
Le département du Cantal doit être traversé de l'O. à l'E. par un embranchement qui soudera la ligne du Bourbonnais du réseau de Lyon à la ligne de Paris à Agen du réseau d'Orléans. Cet embranchement est en exploitation par ses deux extrémités : 1° l'embranchement de Saint-Germain-des-Fossés à Murat (réseau de Lyon) qui dessert les stations de Massiac, Molompise, Ferrière-Saint-Mary et Neussargues; 2° celui de Capdenac à Aurillac (réseau d'Orléans) avec stations à Maurs, Boisset, le Rouget, la Capelle et Ytrac.
Ces deux tronçons de voies ferrées offrent un développement de 75 kilomètres.
Histoire. — La portion de l'Auvergne qui a constitué le Cantal faisait autrefois partie de l'Arvernie, alors occupée par l'une des plus intrépides peuplades de la Gaule.
Les Arvernes résistèrent les derniers à la domination de César; ce sont eux que ce conquérant semble avoir vaincus spécialement à Alesia , et l'héroïque Vercingétorix était sorti de leurs montagnes. Après les Goths, les Francs, les Saxons, les Sarrasins occupèrent et ravagèrent ce pays ; puis, la féodalité s'y constitua facilement, et la ville de Riom devint, dans la personne de ses comtes, suzeraine de Murat, tandis que Mauriac et Aurillac naissaient autour de monastères puissants. Bientôt les comtes d'Auvergne tentèrent de se soustraire à la domination des comtes d'Aquitaine et des rois de Paris; mais ils durent enfin se soumettre. En 1357, lorsque les Anglais eurent envahi l'Auvergne, Aurillac, Saint-Flour, Murat se distinguèrent dans la lutte contre les ennemis de la France, et Charles VII vint plus tard remercier les habitants de ce pays de leur fidélité à la cause royale, car ils avaient, dès l'origine, embrassé le parti du roi.
Les dissensions religieuses du XVIe siècle amenèrent des guerres de ville à ville, de château à château, et causèrent de grandes souffrances à la population. Depuis cette époque, ce territoire est resté paisible sous la main des rois de France.
Lorsque l'Assemblée nationale procéda à la nouvelle division de la France, la Haute-Auvergne forma le département du Cantal.
Hommes célèbres. — Les hommes célèbres du département du Cantal sont : Le pape SYLVESTRE II; PIERRE-CLAUDE LIZET, savant jurisconsulte du XVIe siècle; le poëte dramatique DU BELLOY; le maréchal de NOAILLES; les révolutionnaires COFFINHAL et CARRIER; les généraux DESAIX, DELZONS et MAUHES; l'abbé CHAPPE, inventeur du télégraphe; et parmi les contemporains : le docteur CIVIALE; de PARIEU, vire-président du Conseil d'État; l'agronome RICHARD DU CANTAL.
Divisions administratives. — Le département du Cantal forme quatre arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond.d'AuriDac. 8 ennt. 93 comm.
— de Mauriac. 6 — 57 — — de Murât. 3 — 36 — — de Saint-Flour. 6 — 7k — 23 cant. 260 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de
la 19e division militaire, dont le siège est à Clermont-Ferrand.
Dans l'organisation religieuse, il forme un diocèse, dont le siège est à Saint-Flour et qui est suffragant de l'archevêché de Bourges. Ce diocèse possède 24 cures, 284 succursales, un grand séminaire à Saint-Flour et un petit séminaire à Pléaux.
La justice est rendue par 4 tribunaux de première instance, ayant leur siège aux chefslieux d'arrondissement, et un tribunal de commerce à Saint-Flour, qui ressortissent à la Cour impériale de Riom.
Compris dans le ressort de l'académie de Clermont, le Cantal a des colléges communaux à Aurillac, Mauriac et Saint-Flour, une école normale primaire à Aurillac et 616 écoles publiques ou libres. La moitié des jeunes gens inscrits pour le tirage au sort sait lire et écrire.
Description des Villes. — Voici les principales localités de ce département : ARRONDISSEMENT D'AURILLAC.
AURILLAC (10 998 hab.), préfecture et cheflieu du département, divisé en 2 cantons, est situé à 554 kilomètres de Paris dans la vallée pittoresque de la Jordane, et au point d'intersection des quatre routes de SaintFlour, de Rodez, de Tulle et de Clermont. C'est une ville presque nouvelle, ou du moins dont les constructions actuelles n'ont que trois siècles d'existence, car depuis les guerres de la réforme qui la détruisirent, elle a été presque entièrement refaite; aussi ses maisons sontelles généralement bien bâties, si ses rues ont conservé leur ancien tracé étroit et sinueux.
Un assez beau pont traverse la rivière, et on y arrive par un boulevard. Les principaux monuments d'Aurillac sont l'église de SaintGérand, primitivement élevée au xe siècle, qui fut en partie ruinée au XVIe, et dont le style ogival appartient au gothique flamboyant, une abbaye dont le jeu d'orgues est magnilique, Notre-Dame des Neiges, ancienne église de Cordeliers qui date du XIIIe siècle, le collége des Jésuites du XVIIe siècle, le château de SaintÉtienne, autrefois lieu de résidence des comtes d'Auvergne, et dont il ne reste plus qu'une tour dressée sur le roc Castanet, la statue de Gerbert, devenu pape sous le nom de Sylvestre II, œuvre de David d'Angers, qui s'élève sur la place Montyon.
Les principales industries d'Aurillac sont la tannerie, la papeterie, la fabrique de dentelles et de blondes, la chaudronnerie dont les produits sont très recherchés, les tuileries, les
brasseries, qui forment les éléments de son commerce, ainsi que la vente des chevaux, des bestiaux et des mules pour les départements du midi.
L'importance d'Aurillac n'est historiquement reconnue qu'à partir du xe siècle; à cette époque, un ermite y fonda une abbaye de SaintBenoît, où plus tard s'établit une école de vants. Aurillac s'entoura alors de fortifications. Pendant les XIVe et xve siècles, la ville fut souvent attaquée par les Anglais, puis, huit fois prise et reprise par les protestants et les catholiques lors des guerres de religion. Elle s'est rebâtie peu à peu, et jouit depuis le XVIIe siècle d'une parfaite tranquillité.
Vic-sur-Cère (1863 hab ), chef-lieu de canton, est situé dans la magnifique vallée qui porte son nom, et près du torrent d'Eraliot qui forme une double cascade; à 1 kilomètre de cette petite ville, les scorbutiques et les chlorotiques fréquentant des sources minérales très-efficaces dont les eaux sont bicarbonatées sodiques, chlorurées, ferrugineuses et gazeu- ses. Vic-sur-Cère, autrefois le chef-lieu du pays de Carladès et le siège d'un bailliage, a conservé des traces de fortifications de sa haute ville, et quelques maisons fortifiées qui datent du moyen âge.
Maurs (3172 hab.), chef-lieu de canton situé au confluent de l'Arcambie et de la Rance, produit des jambons fort renommés, possède des tanneries, des coutelleries, des poteries, et fait le commerce des toiles grises, du blé, des chevaux, des bestiaux, etc.
Montsalvy (1063 hab.), chef-lieu de canton, situé sur un plateau que domine le Puy-del'Arbre, possède une très-intéressante église du XIe siècle, restaurée danslessiècles suivants, et qui a été classée parmi les monuments historiques.
Laroquebrou (1472 hab.), chef-lieu de canton, situé au fond d'une gorge sur la Cère, a des carderies mécaniques de laine et des teintureries; non loin, les ruines du château des ducs d'Escars se dressent sur un rocher qui domine la ville.
Saint-Cernin (2633 hab.), chef-lieu de canton, bâti sur le versant d'une montagne, est environné de nombreux châteaux, dont l'un, le château d'Anjony, est rangé parmi les monuments historiques. Des fouilles pratiquées sur son territoire, près de Cambon, ont révélé d'intéressants débris de l'époque gauloise.
Saint-Mamet-la-Salvetat (921 hab.), chef-lieu de canton, situé sur un très-haut plateau, tire sa richesse de ses magnifiques pâturages, excellents pour les moutons.
Les principales communes de l'arrondisse-
ment sont : Arpajon (2225 hab.), dans une plaine qu'arrosent la Cère et la Jordane, et près des ruines du château de Conros qui date de la première race des rois francs; Laroque- vieille (1065 h.), anciennement un riche prieuré qui dépendait de l'abbaye d'Aurillac, et dont le territoire est fertile en grains; Carlat (903 hab.), autrefois le siége d'une commanderie de Malte, situé près de la pittoresque vailée de Raulhac et de ses vieux châteaux gothiques.
ARRONDISSEMENT DE MAURIAC.
MAURIAC (3291 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 36 kilomètres d'Aurillac, sur le penchant d'une colline volcanique, près du confluent de l'Auze et du SaintJean. Ses maisons bâties en basalte ont un aspect agréable; les rues sont assez larges, et quelques édifices remarquables ornent ses places publiques ; l'église paroissiale de NotreDame des Miracles, reconstruite au XIIe siècle, et qui contient une statue de la Vierge, en bois noir, objet d'une grande vénération dans la ville, est classée parmi les monuments historiques ; le collége mérite aussi d'être cité, et c'est là que Marmontel commença ses études.
Le commerce de cette ville consiste en produits agricoles, en bestiaux et surtout en mulets renommés. C'est un des marchés qui alimentent les habitants des montagnes voisines.
Mauriac, comme plusieurs villes du département du Cantal, veut trouver dans les récits légendaires la preuve d'une origine très-ancienne; ce qui est historiquement certain, c'est qu'au XIIe siècle, Mauriac, alors entouré de murailles et défendu par un château-fort, fut pris par les routiers anglais et pillé au XVIe siècle par les protestants.
Salers (1090 hab.), chef-lieu de canton, est situé près du confluent de la Maronne et de l'Aspre; il fait un grand commerce de grains, et surtout de bestiaux, qui, connus sous le nom de race de Salers, sont les plus beaux de l'Auvergne. Salers fut autrefois l'une des villes les plus importantes de la Haute-Auvergne, et elle eut ses seigneurs particuliers qui s'allièrent avec les plus grandes familles du pays.
Champs (1712 hab.), chef-lieu de canton, situé près du ruisseau des Sarrasins, est renommé pour sa boissellerie; dans ses environs, on a découvert les vestiges d'un camp retranché qui date d'une époque très-ancienne.
Pleaux (5840 hab.), chef-lieu de canton, bâti près de la rivière d'Incon, fait le commerce des chevaux, des mulets, des bêtes à cornes et des moutons; il possède un gisement de minerai qui est abandonné.
Riom-ès-Montagnes (2644 hab.), chef-lieu de
canton, situé sur les bords de la Véronne, fabrique des fromages et élève des bestiaux; dans ses environs existe une carrière d'un granit très-fin qui est exploitée, et des débris importants de l'époque gallo-romaine. Non loin se trouvent les ruines du château de Rignac qui fut détruit par les Anglais au XIVe siècle.
Saignes (549 hab.), chef-lieu de canton, situé à quelque distance de la Sumène, dans un terrain schisteux, possède une source minérale, une houillère et une scierie hydraulique; non loin, le sommet d'un roc basaltique est couronné par les ruines d'un château fort.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Anglards (2390 hab.), où il se tient des foires très-importantes pour les bestiaux ; Menet (2519 hab.), près d'un lac de 15 hectares, et qui possède de magnifiques carrières de schiste micacé et de pierres de taille; Apchon (946 hab.), au pied d'un rocher couronné de ruines, et dont l'église renferme des tombeaux du IXe siècle; Fontanges (1611 hab.), dans la charmante vallée de ce nom, avec mines de houille et d'alun, sources minérales froides et intermittentes; La Nobre (1656 hab.), près du lac Noir et du lac de Bramefoux; Ally, SaintÉtienne, Trisac, Antignac, Champagnac, Vébret, Saint-Martin-Valmeroux, dont la population compte plus de 1200 habitants.
ARRONDISSEMENT DE MURAT.
MURAT (2666 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 50 kilomètres d'Aurillac, sur le versant d'une montagne basaltique où l'on voit encore les ruines de l'ancien château fort de Bonnevie qui futdétruit par Louis XIII en 1633. Les rues de cette petite ville sont étroites, mal pavées et peu propres.
Elle possède des tanneries, des fabriques de dentelles communes et de fromages connus sous le nom de fourme du Cantal, dont l'exportation est très-considérable. Les habitants du pays vénèrent tout particulièrement une statue de la Vierge exposée dans l'église de Notre-Dame- des-Oliviers.
Le château de Bonnevie, bâti au moyen âge, et résidence des vicomtes de Murat, a été l'origine de cette ville. Elle fut violemment attaquée et rudement pillée pendant un siècle et demi par les Cardailhac et les Murat, puis par les Anglais, jusqu'au moment où elle passa à Louis XI, après la mort de Jacques d'Armagnac.
Allanche (2056 hab.), chef-lieu de canton, au pied du Cézalier et sur le ruisseau dont il porte le nom, a des foires importantes pour la vente des fromages , des bestiaux et des mulets. Non loin s'élèvent les ruines du château de Maliargues.
Marcenat (2523 hab.), chef-lieu de canton, situé au pied d'un contre-fort du Cézalier, fait le commerce des bestiaux et des chevaux, et fabrique des dentelles; sa population émigre en partie chaque année pour chercher du travail.
On trouve à Marcenat une source minérale et des ruines d'un château du moyen âge.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Chalinargues (1244 hab.), où l'on admire une ancienne église et une magnifique cascade, près des ruines du château du Chaylar; Saint-Amandin (1240 hab.), où coule le ruisseau souterrain de Coinde dont les eaux sont glacées même en été; Saint-Saturnin (1595 hab.), dont le territoire est riche en tourbes inexploitées; Condat (2404 hab.), situé au confluent de la Rue et de la Santoire, qui possède des sources minérales et des scieries mécaniques dans les forêts de pins de Combret et de Maubert, et dont on admire l'église gothique remaniée à diverses époques, la chapelle du Pont-des-Taules très-fréquentée des pèlerins, et les ruines d'une abbaye de l'ordre de Cîteaux.
ARRONDISSEMENT DE SAINT-FLOUR.
SAINT-FLOUR (5218 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisé en deux cantons , est situé à 73 kilomètres d'Aurillac.
Cette petite ville est bâtie sur un plateau basaltique formé autrefois par quelque phénomène éruptif, et au pied duquel coule un affluent de la Truyère ; ce plateau est coupé de tous côtés par des escarpements abrupts, excepté au N. O., c'est-à-dire du côté par lequel s'est précipitée la coulée de lave qui l'a produit. Cette ville, surnommée la Noire, est presque entièrement construite en débris volcaniques ; ses irrégulières et tortueuses rues sont tristes et sombres; elle communique avec un faubourg placé à 1000 pieds au-dessous d'elle par une route qui côtoie une colonnade basaltique. La cathédrale de Saint-Flour, bâtie au milieu du xve siècle, l'église de Saint-Vincent, de la même époque à peu près, la halle au blé qui occupe l'ancienne église gothique de NotreDame, sont des monuments assez remarquables.
Il se fait à Saint-Flour une grande fabrication de chaudrons et d'ustensiles de cuisine en cuivre; son commerce de grains, de cuirs tannés, de mules, de bestiaux est assez important.
Saint-Flour, l'ancien bourg de Sanctus Florus, l'un des soixante-douze disciples de J. C., dit la légende, est à coup sûr une ville très-ancienne, et dont l'origine remonte aux temps légendaires. Mais l'histoire n'est bien fixée sur son compte qu'à partir du xe siècle, époque à la-
quelle elle appartint à un seigneur d'Auvergne.
Là fut fondée une abbaye de l'ordre de SaintBenoît, puis une église dédiée à saint Pierre qui fut consacrée en 1095 par le pape Urbain II.
Au commencement du XIVe siècle, Saint-Flour devint un siège épiscopal et disputa à Aurillac le premier rang dans la Haute-Auvergne. Cette ville, très-forte par sa position, fut néanmoins plusieurs fois ravagée par les Anglais, décimée par la peste, pillée dans les guerres religieuses et se soumit enfin au pouvoir d'Henri IV.
Chaudesaigues (1948 hab.), chef-lieu de canton, situé au pied des montagnes qui séparent l'Auvergne du Gévaudan, sur le Remontalou, dans une vallée étroite, doit son nom à des eaux thermales dont la température atteint 88 degrés centigrades, qui circulent sous les maisons et servent à tous les usages de la vie. Chaudesaigues a des foires importantes pour la vente des porcs et fait un grand commerce d'étain filé.
Massiac (2256 hab.), chef-lieu de canton, est situé près de l'Alagnon et sur un terrain volcanique ; on y fait le commerce des fruits ; ses foires sont très-fréquentées pour la vente et l'achat des bestiaux et des moutons. On a reconnu dans les environs de Massiac quelques traces de constructions romaines, et autour de la ville les vestiges de ses anciennes fortifications.
Pierrefort (1134 hab.), chef-lieu de canton, situé sur un rocher volcanique, fait le commerce des moutons de qualité supérieure qui s'élèvent sur son territoire; il possède une assez vieille église dont la nef est byzantine et le chœur de style ogival, et les restes du château de Pierrefort.
Ruines (821 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans une plaine élevée de 1383 mètres, au pied des montagnes de la Margeride ; le commerce de cette petite ville reléguée à l'extrémité de l'arrondissement, est peu actif; on y remarque une église romane et les restes d'un vieux château.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Talizat (1287 hab.), situé près du petit lac de Pierrefite, dont on extrait de la tourbe ; Neuvéglise (1998 hab.), dont les pâturages sont fort estimés; Paulhac (1425 hab.), au bas du Puy-Marcou, et qui possède une très-vieille église autrefois fortifiée; Valuèjols (1442 hab.), près du ruisseau de ce nom, dont l'église renferme de précieuses curiosités archéologiques ; Saint-Urcize (1325 hab.), près de la magnifique forêt du Prieur; Alleuze (535hab.), dont le château signalé par Froissart servit de retraite au XIVe siècle à une sorte d'aventurier, à demi brigand, nommé Aimerigot-Marcol.
CANTAL
Cathédrale d'Angoulême.
CHARENTE.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Le département de la Charente est situé dans la partie occidentale de la France, et prend son nom du fleuve qui le traverse du N. à l'O. Ses limites sont : au N. les départements des Deux-Sèvres et de la Tienne; au S.
et au S.-E., celui de la Dordogne; à l'E. celui de la Haute-Vienne, et à l'O. celui de la Charente-Inférieure.
L'aspect de ce département ne présente
aucun caractère saillant; il n'est ni franchement montagneux ni franchement uni ; sur certaines parties, principalement entre les bassins de la Loire et de la Garonne, les dépôts de coquillages ont formé des collines assez élevées, que l'on peut considérer comme les premiers contre-forts des montagnes de l'Auvergne; ces collines, presque toutes d'égale hauteur, ne déterminent pas un relief trèsaccentué; de belles châtaigneraies les couron-
nent, leurs flancs sont tapissés de vignes, et elles laissent courir capricieusement entre elles de fertiles et sinueuses vallées. Cependant les vallées de la Charrau, petit affluent de la Charente, celle des Eaux-Claires et de la Boësme, sont dominées par d'énormes blocs de rochers, des aiguilles hardies, qui se dressent dans toute leur âpreté primitive; ces rocs disloqués témoignent des violences qu'a subies ce sol aux époques géologiques.
Les collines les plus élevées occupent en grande partie la portion N.-E. du département.
Vers le centre, les terrains calcaires y apparaissent largement. Là, près de la forêt de Cognac, prospèrent ces vignobles de la Champagne qui produisent l'excellente eau-de-vie connue sous ce nom. La région du S., celle du bassin de la Dronne et du Lary, est la plus considérable et en même temps la plus fertile en céréales.
Quant aux portions du territoire qui ne sont ni soulevées en montagnes ni creusées en vallées, elles forment, surtout dans les arrondissements de Confolens et de Barbezieux, des landes fort étendues, coupées d'étangs nombreux que le dessèchement tend à faire disparaître, et d'eaux stagnantes dont le drainage commence à tirer parti pour l'agriculture.
Orographie.— Hydrographie. — Cet aperçu général montre que le système orographique du département de la Charente n'a qu'une importance médiocre. On peut y distinguer cependant deux chaînes principales : l'une suit, ou pour mieux dire, maîtrise le cours de la Charente depuis sa source dans la HauteVienne, et sépare au N. le bassin de la Charente de celui de la Vienne qui appartient au grand bassin de la Loire; l'autre, se profilant au S., établit une ligne de partage des eaux entre le bassin de la Charente et celui de la Garonne. Les points culminants se rencontrent au N.-O. principalement dans l'arrondissement de Confolens et aux environs de la commune de Brigueil; leur altitude moyenne est un peu supérieure à 300 mètres : ce sont le Puy-Fragnioux (343 mèt.), le Puy-Mérigou (327 mèt.), la colline de Mon- trollet (342 mèt.), la Montagne-du-Camp-de-César (330 mèt.).
Le département de la Charente appartient par le relief du sol à trois bassins différents.
Le bassin de la Charente est sans contredit le principal; mais au N.-E., la Vienne relie une portion de ce département au bassin de la Loire dont elle est tributaire, et au S., la Dronne, un sous-affluent de la Dordogne, le rattache au bassin de la Garonne. Cette divi-
sion donne donc trois rivières principales, la Charente, la Vienne et la Dronne.
La Charente, née à Chéronac, dans la HauteVienne et sortie de la portion E. de ce département, présente un cours de 340 kilomètres depuis sa source jusqu'à son embouchure; elle est naturellement navigable jusqu'à Saintes dans la Charente-Inférieure, et artificiellement jusqu'à 15 kilomètres au-dessus d'Angoulême au moyen de 17 écluses; après avoir arrosé la Haute-Vienne et une partie de la Vienne, elle entre dans le département auquel elle a donné son nom; elle le parcourt pendant 200 kilomètres, traverse diagonalement l'arrondissement de Confolens où elle arrose la Péruse, Chantrezac, Alloue, s'arrondit un instant dans le département de la Vienne, descend du N. au S., passe à Condac, Verteuil, Mansles, Montignac, Marsat, Balzac, et arrive à Angoulême; là, elle se coude brusquement, presque à angle droit, se dirige vers l'O. en arrosant Châteauneuf, Jarnac, Cognac, quitte le département près de Merpins, et va à travers la Charente-Inférieure se jeter dans l'océan Atlantique. La Charente a pour principaux affluents dans ce département la Moulde, le Lien, l'Argentor, le Son, la Tardoire accrue de la Bonnieure et du Bandiat, le Lemps, la Touvre, l'Anguienne, les Eaux-Claires, la Charrau, la Nouère, la Boësme, la Soloire, l'Antenne et le Né; la Touvre semble alimentée par les eaux de la Tardoire et du Bandiat, véritables torrents innavigables; quant à ses sources, elles puisent à deux réservoirs de nature trèsdifférente situés au pied d'un coteau : l'un, le Dormant, formé par un tranquille étang verdâtre qui ne gèle jamais et dont on n'a pu trouver le fond ; l'autre, justement appelé le Bouillant, dont les eaux jaillissent avec impétuosité ; le Né arrose le département pendant un cours de 68 kilomètres, et on a eu souvent à regretter les ravages causés par ses fréquents débordements.
La Vienne ne peut servir à la batellerie pendant son passage à travers le département de la Charente; elle n'arrose que Chabanais et Confolens, dans un parcours très-limité, mais il suffit pour rattacher cette portion de l'arrondissement au bassin de la Loire.
La Dronne prend sa source dans la HauteVienne, traverse la Dordogne, forme la limite entre ce département et la Charente, où elle baigne Aubeterre, Bonnes, et rentre dans la Dordogne, où elle se perd dans l'Isle à Laubardemont; ses affluents, pendant son passage dans la Charente, sont la Tude qui sort du hameau du Puy, arrose Montmoreau et Chalais, et s'accroît du Fort, du Breuil, de la Vir-
veyronne, de l'Argentone, et la Lizonne qui détermine la limite du département, depuis Combiers dans l'arrondissement d'Angoulême, jus- qu'à sa jonction avec la Dronne.
Les étangs sont nombreux et très-poissonneux dans l'arrondissement de Cognac et surtout dans celui de Confolens qui en compte plus de soixante. On cite principalement ceux de la Courrière, de Sérail, de Malembeau, de Brigueil, et l'étang de Seiche qui est situé au sommet d'un coteau.
Climat. — Le climat du département de la Charente est très-tempéré, peu sujet aux grands froids et aux fortes chaleurs. La colonne thermométrique varie de 4 degrés au-dessous de 0 à 26 degrés au-dessus, mais sans brusquerie ; l'air est pur et tranquille dans un ciel presque toujours serein, sauf par ces rares journées où les vents d'O. et de S.-O. soufflent avec violence.
Quelques tremblements de terre ont été observés à Angoulême. Un phénomène, demeuré célèbre dans les annales météorologiques de la France, est une pluie de grêlons qui se produisit dans la journée du 3 août 1812; toutes les récoltes furent perdues, les arbres dépouillés de leurs feuilles, les vignes hachées, les bestiaux mutilés, le gibier écrasé dans les bois et dans les plaines; plusieurs personnes eurent à souffrir de la chute de ces grêlons qui étaient gros comme des œufs, et un enfant succomba à leur atteinte.
Superficie. — Population. — La superficie du département de la Charente est de 594 543 hectares, et sa population s'élève à 378 218 habitants, ce qui donne environ 64 habitants par kilomètre carré; depuis le commencement du siècle, elle s'est accrue de 80 000 âmes.
Il faut distinguer dans la population de la Charente l'habitant des villes et l'habitant des campagnes ; celui-ci a des mœurs généralement douces; il est sobre, économe, patient, travailleur, hospitalier; avec peu d'entraînement vers les sentiments religieux il est superstitieux et crédule ; les sorciers, les loupsgarous, le diable lui-même jouissent d'un assez grand crédit dans les campagnes angoumoises, et le paysan se laisse prendre volontiers aux sortiléges et aux grimaces. Tous ces agriculteurs dont le nombre s'élève à 250 000 environ sont bien faits et vigoureux, quoique de taille médiocre; en quelques localités, ils parlent encore un patois formé de deux vieux idiomes : ce qui s'explique par la situation du département de la Charente sur l'ancienne limite qui séparait le pays de la langue d'Oil
du pays de la langue d'Oc. Les principaux caractères de l'habitant des villes sont une vive pétulance et une certaine instabilité dans les idées ; il est frondeur, avide de plaisirs, prompt à l'enthousiasme, très-inflammable, plus épris des arts d'agrément que des arts industriels ; cependant on compte dans le département et principalement dans les villes environ 100 000 industriels et commerçants contre 8000 habitants qui exercent des professions libérales, et à peu près 10 000 sans profession.
Agriculture. — Le département de la Charente renferme 281907 hectares de terres labourables, 69 453 de prairies naturelles, 97 425 de vignes, 28 643 de pâturages, landes, bruyères, pâtis, 106 639 de bois, forêts, terres incultes, et 1750 de marais que l'asséchement peut convertir en terres excellentes.
Le département de la Charente n'est pas essentiellement agricole de sa nature. La récolte des céréales, le froment, le seigle, le méteil, l'épeautre, l'avoine, le millet, le maïs, le sarrasin ne suffisent qu'à sa propre consommation; c'est un pays de moyenne et petite culture; cependant, le desséchement de certains marais, ceux de Gensac, de l'Antenne, du Fossédit-Roi, l'assainissement de quelques cours d'eau, le drainage, tendent à accroître sa production dont la valeur annuelle n'est que de 58 millions de francs.
Les céréales se cultivent principalement dans la région du N.-E., où les récoltes sont tardives à cause du climat tant soit peu âpre de ce pays accidenté, et au S. dans les bassins de la Dronne et du Lary. Mais c'est vers l'O.
de la région du centre que se développe la véritable richesse agricole. Là sont cultivés ces vignobles célèbres qui produisent l'eau-de-vie de Cognac. De vin, il est peu question, car la vigne ne donne que des vins très-ordinaires, dont les moins discutés sont les vins rouges d'Asnières et de Saint-Saturnin et les vins blancs de la région de Champagne; aussi, sur les 1 650 000 hectolitres que produisent par année moyenne les 97 500 hectares de vignes, 67 000 sont-ils convertis en eau-de-vie qui atteignent une valeur de 7 millions de francs. C'est le territoire de Cognac, l'un des cinq arrondissements du département, qui produit les meilleures eaux-de-vie; elles sont classées par ordre de qualités en Fines-Champagnes, Champagnes ordinaires, Champagnes des bois et Eaux-de-vie des bois.
Après le produit des vignobles vient le produit des châtaigneraies qui est abondant dans les forêts de Saint-Amand, de la Branconne,
d'Horte, de Marange, de Jarnac, de Cognac, etc., où se comptent aussi, comme essences principales, le chêne, l'orme, le frêne et le charme; puis la culture des légumes qui réussit parfaitement ; les truffières donnent d'importants revenus qui s'élèvent à 300 000 francs par année; les vignes, les chaumes, les terres labourables renferment de notables quantités de cette production naturelle, et c'est principalement au pied des chênes, des genévriers, de l'épine noire, des coudriers et des charmes que leur récolte est abondante.
L'élève des animaux domestiques rapporte brut environ 21 millions de francs. Les races sont généralement belles; parmi les chevaux, on cite les races poitevines et bretonnes ; on compte à peu près 20 000 de ces animaux et 11 000 ânes et mulets ; quant aux bêtes à cornes, dont le nombre dépasse 100 000, on les engraisse pour la consommation de Paris. Les volailles des cantons de Blanzac et de Barbezieux sont justement estimées et font l'objet d'un actif commerce. Les foires, très-suivies dans le département de la Charente, se tiennent dans 91 communes et n'emploient pas moins de 922 journées par an.
Mines. — Carrières. — Le département de la Charente compte au nombre de ses produits minéraux le granit, le minerai de fer, l'antimoine, l'argent, le gypse, les pierres à chaux et les pierres à bâtir, le cuivre et le plomb argentifère. L'exploitation ne s'est emparée que des mines de plomb et de fer, ce qui explique le nombre relativement considérable des usines métallurgiques. En effet, il existe 5 minières de fer qui produisent plus de 4000 tonnes de minerai, et une mine de galène argentifère.
Les tourbières rendent environ 50 000 quintaux métriques de tourbes.
A Angoulême, à Saint-Sulpice, à SaintMesme dans l'arrondissement de Cognac, à Châteauneuf, il existe des carrières de pierres de taille. On trouve également des plâtrières très-abondantes, des meules à aiguiser et des pierres lithographiques dans diverses parties du territoire angoumois.
Industrie. — Commerce.— Le département de la Charente est industriel et manufacturier.
Partout fonctionnent des distilleries, des papeteries, des forges, des fabriques d'acier, de cordages, de draps, de chapeaux, de poterie, des tanneries, des mégisseries, des filatures de chanvre et de lin, etc.
La distillerie des eaux-de-vie occupe naturellement le premier rang dans l'échelle industrielle. Au second rang viennent les usines
métallurgiques; les plus considérables sont la fonderie impériale des canons de la marine à Ruelle, les usines de Champlaurier, de Puyra- vaud, de Montizon, de Cambiers, de Pont-Rouchaud, de Saint-Ausonne, qui peuvent produire dans une année 1500 tonnes de fonte brute au charbon de bois, 2400 tonnes de fonte moulée, 440 tonnes de fonte martelée, 500 tonnes de fer puddlé et laminé à la houille, 135 tonnes de tôle au bois, et 670 tonnes d'acier puddlé.
Après les usines métallurgiques, il faut citer les papeteries renommées et anciennes dont la fondation remonte à 1350. En 1701, on comptait déjà dans le département de la Charente 27 papeteries qui fabriquaient 80 000 rames de papier; c'étaient alors des papeteries à la cuve que sont venues remplacer si avantageusement les papeteries mécaniques; les plus célèbres sont celle d'Angoulême dont les pâtes sont recherchées pour leur finesse et leur blancheur, celles de Maumont, de Tutebœuf, de Lacourade, de Cottier, de Barillon, des Marchais, de Nerlac, etc.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Cinq routes impériales, longues de 350 kilomètres, 10 routes départementales, longues de 278 kilomètres, près de 11000 chemins vicinaux, dont le développement dépasse 12 500 kilomètres, desservent le département de la Cha- rente. La route impériale de 1re classe y pénètre à peu près au même point que la Vienne, passe à Chabanais, à la Rochefoucauld, à Angoulême, à Hiersac, rejoint le cours de la Charente à Jarnac, traverse Cognac, et atteint Rochefort qu'elle met en communication directe avec Paris.
Les rivières navigables et les canaux offrent à la batellerie un parcours de 92 kilomètres.
Le département de la Charente est traversé dans sa plus grande longueur sur un parcours de 116 kilomètres par une des lignes principales du réseau d'Orléans, la ligne de Paris à Bordeaux. Cette ligne a des stations à Ruffec, Moussac, Luxe, Saint-Amand-de-Boixe, Vars, Angoulême, la Couronne, Mouthiers, Charmant, Montmoreau et Chalais. On construit l'embranchement d'Angoulême à Rochefort par Cognac, qui desservira la portion la plus commerciale du territoire.
Histoire. — L'histoire du département de la Charente est très-pauvre de faits authentiques avant la domination romaine. On croit que cette contrée, qui a formé la province de l'Angoumois jusqu'en 1791, fut habitée autrefois par les Agésinates. Lorsque César envahit les Gaules, les Agésinates embrassèrent avec ar-
deur le parti national et fournirent un contingent de 12 000 hommes à l'armée de Vercingétorix. Sous le règne d'Honorius, l'Angoumois fit partie de la seconde Aquitaine, puis de la domination romaine il passa sous celle des Visigoths et sous celle des Francs.
Le christianisme se répandit rapidement dans cette contrée, et saint Ausone y occupait un siège épiscopal en 379.
Pendant toutes les querelles intestines dont le pays franc fut le théâtre, depuis Clovis qui, par la victoire de Vouillé, incorpora l'Aquitaine, et, par conséquent, le territoire de l'Angoumois à l'empire, depuis Charlemagne, qui rassembla à Angoulême l'armée destinée à combattre les soldats d'Abdel-Rhaman, jusqu'au règne de Philippe le Bel, les comtes d'Angoulême restèrent généralement fidèles à la cause nationale. En 1307, le dernier d'entre eux, Guy de Lusignan, mourut sans postérité et légua son comté au roi de France. En 1360, lors de la captivité du roi Jean, l'Angoumois fut cédé aux Anglais par le traité de Bretigny, et reconquis, sous Charles VIII, par ses patriotiques habitants.
Pendant le règne de Louis XI, l'Angoumois passa avec la Guyenne sous le commandement de Charles de Valois, frère du roi de France, et, en 1487, une conjuration obligea Charles VIII à marcher contre Charles d'Orléans, devenu comte d'Angoulême. Le comte se soumit, épousa la princesse Louise de Savoie, et de ce mariage naquit, en 1494, François d'Angoulême, qui fut depuis François Ier. Ce roi, en 1515, érigea le comté en duché, et en fit hom- mage à sa mère, qui fut la première duchesse
d'Angoulême.
Successivement, le nouveau duché appartint à Charles d'Orléans, fils de François Ier, puis revint à la couronne de France, et en fut de nouveau détaché par Charles IX en faveur de son fils naturel. Pendant les guerres de religion, le duché d'Angoulême fut très-agité; il fournit à l'histoire de ces temps déplorables la Renaudie, qui fut l'âme de la conjuration d'Amboise, et Ravaillac, l'assassin d'Henri IV.
Sous le règne de Louis XIII, l'Angoumois et la Saintonge se soulevèrent à la voix de Rohan et de Soubise, et pendant les guerres de la Fronde, en 1651, une grande bataille fut perdue par le prince de Condé sous les murs de Cognac.
Depuis cette époque, jusqu'à la révolution de 1789, l'Angoumois se reposa de ses longues agitations. Mais un ardent patriotisme y couvait toujours, et il salua avec enthousiasme l'ère nouvelle qui se préparait; lorsque la patrie fut déclarée en danger, il se souvint de
ses ancêtres qui combattirent si vaillamment sous la bannière de Vereingétorix, et dix mille de ses enfants volèrent à la défense de la république et du territoire national.
Ce fut en 1791 que, dans la nouvelle organisation de la France, on forma le département de la Charente avec l'ancien Angoumois, une partie de la Saintonge et du Limousin et une faible portion du Poitou.
Hommes célèbres. — Le département de la Charente compte un assez grand nombre de personnages célèbres et d'hommes distingués.
On peut citer parmi eux : le roi FRANÇOIS 1er; MARGUERITE DE VALOIS, l'illustre épouse d'Henri IV; l'écrivain Jean-Louis-Guez DE BALZAC; le jurisconsulte Jean FABERT; l'historien THEVEL; les deux SAINT-GELAIS; LA ROCHEFOUCAULD, prince de Marsillac, l'un des héros de la Fronde et l'auteur des Maximes; le financier GOURVILLE; la marquise DE MONTESPAN; l'horticulteur LA QUINTINIE; l'ingénieur MON- TALEMBERT; le chirurgien MORAND; l'historien VINET; les conventionnels L'ÉCHELLE et MAULDE; les deux généraux de l'Empire LABOISSIÈRE et RIVAUD; le ministre DUPONT; le contre-amiral TERRASSON.
Divisions administratives. — Le département de la Charente forme cinq arrondissements ainsi subdivisés :
Arrond. (TAng'oulême. 9 cant. 136 comm.
— de RufTec. 4 — 82 — — de Cognac. 4 — 63 — — de Confolens. 6 — 66 — — de Barbezieux. 6 — 80 29 cant. 427 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de la 14e division militaire dont le siége est à Toulouse.
Le diocèse d'Angoulême est suffragant de l'archevêché de Bordeaux; il comprend 30 cures, 303 succursales, un grand séminaire au cheflieu du département, et un petit séminaire à Richemont dans l'arrondissement de Cognac.
Onze temples protestants et une synagogue dépendant de la circonscription territoriale de Bordeaux sont affectés au service des cultes non catholiques.
Les cinq tribunaux de première instance qui rendent la justice dans les chefs-lieux d'arrondissements ainsi que les tribunaux de commerce d'Angoulême et de Cognac, ressortissent à la cour impériale de Bordeaux.
L'instruction publique possède, dans ce département, un lycée, une école normale d'instituteurs et un cours normal d'institutrices
à Angoulême, les deux colléges communaux de Confolens et de la Rochefoucauld, et 608 écoles publiques libres, qui dépendent de l'Académie de Poitiers. On compte encore environ un tiers des jeunes gens ne sachant ni lire ni écrire parmi ceux qui sont inscrits pour le tirage au sort.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de la Charente : ARRONDISSEMENT D'ANGOULÊME.
ANGOULÊME (25 116 hab.), l'ancienne Civitas Ecolismensium, préfecture et chef-lieu du département, est située à 445 kilomètres de Paris.
Cette ville forme deux cantons et occupe sur la rive gauche de la rivière qui donne son nom au département le sommet d'un plateau au pied duquel l'Anguienne et la Rouvre se confondent dans le lit de la Charente. Elle se partage en vieille et en nouvelle ville. La première, mal bâtie, mais pittoresque, est campée sur le côté N. de la montagne, et la seconde étend ses quartiers dans les dépendances de l'ancien château dont il ne reste plus qu'une tour bâtie par Hugues IV à la fin du XIIIe siècle. C'est là que s'élève l'hôtel de ville moderne ; des remparts et des jardins entourent la ville ; ils forment de riantes promenades riches en points de vue et en échappées sur les vallées environnantes. La cathédrale classée dans les monuments historiques, mais à laquelle des remaniements faits du XIIe au XVIe siècle ont enlevé la beauté de son style, doit être rétablie dans toute la pureté romane qui caractérise son époque. Parmi les monuments historiques se classe encore la chapelle de l'Hôtel-Dieu qui renferme le tombeau de Balzac, son bienfaiteur. Il existe aussi un ancien châtelet du VIIIe siècle où est établie la prison, et dont il ne reste plus que trois tours fort curieuses.
Angoulême possédait autrefois une école de marine fondée en 1816; mais on l'a supprimée, et c'est sur son emplacement, dans le faubourg de l'Houmeau, qu'a été construite la gare du chemin de fer.
Angoulême est le centre principal du commerce du département de la Charente. Elle possède 21 papeteries qui produisent 4 millions et demi de kilogrammes de papier par an. Son commerce d'eau-de-vie se monte à 150 000 hectolitres. Parmi ses manufactures, il faut citer une poudrerie de l'État qui produit annuellement 1 million de kilogrammes de poudre.
Autrefois, l'eau arrivait difficilement à la ville, en raison de son altitude qui dépasse de 72 mètres le niveau de la Charente; mais un appareil hydraulique, établi en 1834,
fournit amplement aux besoins des habitants, soit 450 000 litres d'eau par jour.
Montbron (3300 hab.) est chef-lieu d'un canton qui possède les châteaux de Montbron, de Chabrol, de Ferrièrc, de Lavaud et de la Vue.
La Rochefoucauld (2775 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la Tardoire; son château, nommé dans les vieux titres Rupes Fucaldi, donna son nom à la famille d'Hugues V, comte de Lusignan, souche des la Rochefoucauld.
Cette petite ville a quelques fabriques de toile et des rubanneries. A 4 kilomètres de la Rochefoucauld, près des rives de la Tardoire, se trouvent les Grottes de Rencogne, justement recommandées à l'admiration du voyageur pour leurs voûtes immenses, leurs pendentifs naturels, leurs pyramides dues à des concrétions pierreuses de la plus grande dûreté et leurs éblouissantes stalactites.
Blanzac (918 hab.) est un chef-lieu de canton, situé sur le Né, qui possède une assez belle église du XIIIe siècle.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Hiersac (865 hab.), Saint-Amant-de-Boixe (1690 hab.), Rouillac (2438 hab.), et la Va- lette (929 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont Agris, Brie, Saint-Jauldes, Rivières, Yvrac, Saint-Cybardeaux, Genac, Gourville, Marsillac, Champniers, Dignac, Villebois, Rougnac, dont la population est supérieure à 1000 habitants, et la Couronne (2882 hab.), remarquable par de belles ruines d'une ancienne Abbaye d'Augustins classée parmi les monuments historiques.
ARRONDISSEMENT DE RUFFEC.
RUFFEC (3175 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé à 43 kilomètres d'Angoulême, et bâti sur un sol calcaire et siliceux. Cette petite ville, très-active, trèscommerçante, est célèbre par ses pâtés de foie d'oie truffés qui jouissent d'une renommée européenne. Ses céréales, ses bestiaux sont l'objet d'un commerce très-important.
La ville de Ruffec est agréablement accroupie sur le ruisseau du Lien dont les truites sont fort recherchées. On y remarque le vieux château de Broglie, posé sur une éminence entre deux bras du Lien.
Aigre (1846 hab.) est un chef-lieu de canton, riche en distilleries, et dont la foire du 23 juin, l'une des plus importantes du département, dure trois jours.
Mansle (1900 hab.), chef-lieu de canton situé sur la Charente, possède des minoteries et des brasseries.
Villefagnan (1525 hab.) est un chef-lieu de
canton, dont le commerce porte sur la vente des bestiaux et des mulets.
Les communes principales de l'arrondissement dont la population est supérieure à 1000 habitants sont : Nanteuil, Verteuil, Charmé, Fouqueure, Saint-Fraigne, Tusson, Villejésus, Cellefrouin, Courcome, et les Adjots où se trouve du minerai de fer très-facile à exploiter, car ses filons affleurent le sol.
ARRONDISSEMENT DE COGNAC.
COGNAC (9412 hab.), chef-lieu d'arrondissement et sous-préfecture, est placé sur la rive gauche de la Charente, à 42 kilomètres d'Angoulême. Sa principale industrie et son principal commerce sont la fabrication et l'exportation des eaux-de-vie si renommées qui portent son nom; elles sont surtout demandées en Angleterre, dans le nord de l'Europe et de l'Amérique, et elles donnent lieu à un chiffre d'affaires qui annuellement atteint 90 millions de francs. En dehors des eaux-de-vie, il se traite d'importantes affaires en faïences, peaux tannées et graines de lin. Les foires qui se tien- nent le deuxième samedi de chaque mois, le 8 mai et le 8 novembre, attirent un grand concours de producteurs et de consommateurs.
Cognac est une ville aux rues étroites, pittoresquement établie sur une hauteur qui domine les plaines de la Charente. Elle ne possédait qu'un monument d'ancienne origine, un vieux château ducal, transformé aujourd'hui en magasin. Cognac faisait autrefois partie de la Saintonge et ne fut réuni à l'Angoumois qu'au XIIe siècle.
Jarnac (4243 hab.) est un chef-lieu de canton situé sur la rive droite de la Charente qu'enjambe un pont suspendu d'une façon très-hardie. Cette petite ville s'adonne comme Cognac à la distillation des eaux-de-vie; mais elle peut revendiquer justement la faveur publique pour ses vins rouges qui sont les meilleurs du département. C'est près de ses murs que fut livrée la grande bataille des catholiques commandés par le duc d'Anjou et des protestants; là tomba le prince de Condé, à l'endroit même où s'élève une pyramide quadrangulaire qui rappelle le souvenir du combat de 1569.
Châteauneuf (3541 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive gauche de la Charente, a des fabriques de manchons pour les papeteries, les chapelleries et les filatures de laine.
Segonzac (2977 hab.) possède une église classée dans les monuments historiques, et qui est dominée par un clocher roman d'une grande beauté.
Il faut citer dans les communes importantes du département, Cherves (2120 hab.); Saint-Sul-
pice (1752 hab.); Chassors (1119 hab.); Méri- gnac (1332 hab.); Sigogne (1538 hab.); Gensac (1025 hab.); Saint-Martin (2456 hab.).
ARRONDISSEMENT DE CONFOLENS.
CONFOLENS (2717 hab.), à 63 kilomètres d'Angoulême, est une sous-préfecture et un chef-lieu d'arrondissement divisé en deux cantons. Cette petite ville, dont une partie est encore bâtie en bois, a plusieurs fabriques de ganses et d'importantes clouteries; elle fait un assez grand commerce de châtaignes, de grains, de cuirs et de légumes secs. Elle est bâtie au confluent du Goire et de la Vienne que traversent deux ponts, dont l'un est très-ancien.
Chabanais (1733 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Vienne, est riche en céréales, en colzas, en foins. Là se voient les ruines d'un château autrefois habité par Colbert.
Champagne-Mouton (1224 hab.), Saint-Claud (1938 hab.), Montembœuf (1307 hab.) complètent la division cantonale du département.
Parmi les principales communes, on peut citer Chasseneuil (2162 hab.), et un certain nombre dont la population dépasse 1000 habitants, telles que Ambernac, Saint-Maurice, Étagnat, etc.
ARRONDISSEMENT DE BARBEZIEUX.
BARBEZIEUX (3881 hab.), chef-lieu d'arrondissement et sous-préfecture, est situé à 34 ki- lomètres d'Angoulême, sur un monticule qui domine à l'O. le Trèfle et à l'E. le Condéon.
Cette petite ville possède un château restauré du XVe siècle. Ses fabriques de toile sont célèbres et jouissent d'une antique réputation. Autrefois Barbezieux était une seigneurie qui appartenait à la famille de la Rochefoucauld, et elle avait une ceinture de fortifications qui furent rasées au XVIIe siècle.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Aubeterre (704 hab.), où les touristes admirent une chapelle souterraine creusée dans le roc, et les vestiges d'un ancien couvent qui est compris parmi les monuments historiques; Baignes-Sainte-Radegonde (2417 hab.), qui possède des fabriques de faïence ; Brossac (1136 hab.); Chalais (740 hab.), où se voient quelques débris d'un très-ancien château féodal, et Montmoreau (699 hab.), où se trouve une église de style roman, classée également dans les monuments historiques.
Les communes importantes de l'arrondissement sont : Condéon (1176 hab.); Juignac (1160 hab.); Barret (1261 hab.); Reignac (1223 hab.), situé sur l'Indre, qui a conservé une église romane du XIe siècle et possède des eaux minérales.
CHARENTE
Vue générale de la Rochelle. — La tour de la Grosse-Horloge à la Rochelle.
Église de Saint-Sauveur à la Rochelle.
CHARENTE-INFÉRIEURE.
Situation.—Limites.—Aspect général. —
Le département de la Charente-Inférieure est situé dans la partie occidentale de la France et confine à l'océan Atlantique. C'est un département maritime. Il est borné : au N. par la Vendée; au N.-E. par les Deux-Sèvres; au S.
par la Gironde; au S.-E. par la Dordogne; à l'E. par la Charente ; à l'O. par l'Océan.
Ce département n'a ni lacs, ni torrents, ni montagnes; c'est un pays plat. Au centre se
dessine la pittoresque et fertile vallée de la Charente, dont les coteaux sont tapissés de vignes. Le voyageur qui la quitte pour traverser la partie méridionale de ce territoire est subitement frappé par le contraste de ces deux régions; aux champs cultivés, aux collines verdoyantes succèdent des landes couvertes de maigres bruyères, des terres indigentes, et quelques bois de pins clairsemés. Dans le N., le pays change une troi-
sième fois d'aspect; il est aride, mais d'une tout autre aridité; c'est la région des marais, les uns cultivés après desséchement, les autres encore imbibés d'eaux jaunâtres. Toute cette partie du littoral est bordée de dunes mouvantes que l'on cherche à fixer par des plantations de pins.
La côte dont les sinuosités présentent un développement de 175 kilomètres est d'une grande beauté. Là, les caps, les baies, les anses, les estuaires, les golfes même ne manquent pas; on y compte de nombreux ports dont quelques-uns sont couverts par les îles du large. Au N., c'est l'île de Ré éclairée par cinq phares, et défendue par des forts qui protégent le pertuis breton. A l'O., c'est l'île d'Oleron, ceinte de ses hautes dunes de sable et de ses rochers arides. Entre ces deux îles, à l'embouchure de la Charente, le regard s'arrête encore sur les îlots d'Aix et de Madame, qu'un feu fixe signale à 17 milles en mer; puis, au delà, il va se perdre sur cette partie de l'océan Atlantique, si féconde en naufrages. Tous ces aspects variés provoquent l'admiration, et c'est justement que la Charente-Inférieure a pu être regardée comme l'un des plus beaux départements de la France.
Orographie. — Hydrographie. — Le département de la Charente-Inférieure ne renferme pas de montagnes proprement dites, mais de simples collines doucement ondulées dont l'al- titude moyenne ne dépasse pas 150 mètres audessus du niveau de la mer.
Ce département est traversé de l'E. à l'O.
par quatre petits fleuves qui vont se jeter dans l'océan Atlantique et forment ainsi quatre bassins presque parallèles. Ces cours d'eau sont du N. au S. la Sèvre-Niortaise, la Charente, la Seudre et la Gironde.
La Sèvre-Niortaise n'arrose qu'une mince tranche de la portion septentrionale du département et seulement pendant un parcours de 50 kilomètres; après avoir quitté les Deux-Sèvres, elle sert de limite entre la Charente-Inférieure et la Vendée, passe à Marans, où elle reçoit la Vendée, et se jette dans l'anse de l'Aiguillon, après un cours total de 155 kilomètres.
La Charente, née dans la Haute-Vienne, après avoir traversé les départements de la Vienne, de la Charente, entre dans la Charente-Inférieure auprès de Brives, reçoit la Seugne, passe à Saintes, à Taillebourg, à Saint-Savinien, à Carillon, s'y grossit de la Boutonne, arrose Tonnay-Charente, Rochefort, où elle est assez profonde pour admettre des navires de guerre, et se jette dans l'océan
Atlantique, après un cours total de 355 kilomètres dont 100 dans la Charente-Inférieure.
La Seudre prend sa source près de Plancy dans l'arrondissement de Jonzac, baigne SaintGermain-du-Xandre, Saint-André-de-Lidon, Thaims, Saujon, l'Eguille, et se jette dans l'Océan par une trentaine d'embouchures, entre la Tremblade et Marennes, après avoir reçu pendant un cours de 85 kilomètres le ruisseau de Gémozac.
La Gironde, née au val d'Aran, dans les Pyrénées espagnoles, après avoir traversé les départements de la Haute-Garonne, de Tarn- et-Garonne, de Lot-et-Garonne, de la Gironde, vient sous ce dernier nom limiter la portion S.-O. de la Charente-Inférieure, et se jette dans l'Océan entre Royan et la pointe de Grave, après un cours de 650 kilomètres, et sans avoir reçu aucun affluent important du département de la Charente-Inférieure.
Climat. — Le climat du département de la Charente-Inférieure est un climat modéré que les vents dominants de l'O. et du N.-O. ne troublent pas. Il n'est point sujet aux brusques changements de température; cela tient à sa situation voisine de l'Atlantique dans lequel s'enmagasinent les grandes chaleurs de l'été que cette vaste mer restitue lentement pendant l'hiver. Aussi, à la Rochelle, la colonne thermométrique indique-t-elle une température moyenne annuelle de 11°6' centigrades, et l'hiver y est-il plus humide que froid. A cette modération, le climat joindrait encore une salubrité parfaite, si dans quelques parties des arrondissements maritimes les exhalaisons des marais n'engendraient pas de mauvaises fièvres.
Superficie. — Population. — La superficie du département de la Charente-Inférieure est de 682 569 hectares, et sa population, qui s'est accrue de 82 000 habitants depuis le commencement du siècle, est aujourd'hui de 479 559 habitants, c'est-à-dire de 69 habitants environ par kilomètre carré.
La moitié de cette population est propriétaire du sol qui est divisé en plus de 3 millions de parcelles. Les agriculteurs en forment les deux tiers, les industriels et les commerçants un peu moins du quart. Le nombre des gens sans profession est considérable, car il dépasse 35 000.
Cette population d'un département qui confine d'un côté à la Vendée, de l'autre à la Gironde, a dû nécessairement retenir quelques caractères de ces deux provinces si diverses.
En effet, le type charentais est mixte. Les pay-
sans sont de taille moyenne, avec les yeux noirs et les cheveux bruns. Les habitants du littoral sont très-propres, et leurs villages annoncent une certaine aisance. A mesure que l'on s'élève vers le N., les mœurs et le tempérament se modifient; à la vivacité bordelaise, au langage rapide et animé des populations girondines, succèdent le calme et la froideur du Vendéen; la taille s'accroît, la force musculaire vient compenser la rapidité des mouvements, le geste se modère, et la transition se fait ainsi de l'habitant du midi à l'habitant du nord. D'ailleurs, toutes ces populations sont honnêtes et travailleuses, franches, patientes, hospitalières, un peu superstitieuses, mais tolérantes, bien que l'intérêt religieux soit de nature à les diviser; elles ont de tout temps fourni de bons soldats aux armées, de braves marins aux flottes et au commerce.
Leur langage se rapproche beaucoup de la langue d'oil dont il dérive évidemment, mais il emprunte volontiers quelques-unes de ses expressions au vieux celtique et à la langue anglaise.
Agriculture. — Le domaine agricole du département comprend 354 000 hectares de terres labourables, 116 000 de vignes et 106 000 de bois, forêts et terres incultes; le surplus se compose de prairies naturelles, de pâturages, landes, bruyères et pâtis.
Les vignes forment la principale richesse agricole du département de la Charente-Inférieure; les 116 000 hectares livrés à cette culture donnent annuellement près de 408 000 hectolitres de vins rouges récoltés sur la rive droite de la Charente, qui sont estimés comme vins de table, et plus de 2 millions d'hectolitres de vins blancs qui sont distillés et transformés en eaux-de-vie. La valeur totale de cette production dépasse 15 millions de francs.
Après les vignes, la culture des céréales se fait sur une grande échelle. Le département de la Charente-Inférieure suffit bien au delà à nourrir ses habitants, car les céréales atteignent annuellement une valeur de 40 millions de francs; aussi l'exportation des grains est-elle considérable, ainsi que celles des fèves de marais qui donnent lieu à un commerce très-important.
La culture du colza , du safran et principalement celle du chanvre et du lin, puis toutes les espèces de légumes, les pommes de terre, les betteraves, les fruits et le rendement des châtaigneraies produisent un revenu annuel qui peut être estimé à 25 millions de francs.
Quelques forêts existent encore à la surface du sol, mais elles sont peu considérables; on
cite celles de Dampierre et celles de Souverts dont les superficies embrassent 500 hectares environ.
Parmi les animaux domestiques élevés dans le département, il faut compter 35 000 chevaux de race bretonne, dont les qualités sont appréciées des connaisseurs; les prairies naturelles ou artificielles nourrissent facilement 130 000 bêtes à cornes et 350 000 bêtes ovines qui sont l'objet d'un commerce considérable. Dans les fermes, on élève des porcs et de la volaille en grandes quantités. Sur le littoral, le gibier aquatique est très-abondant.
Pour résumer par des chiffres les productions naturelles du département, le revenu brut des animaux domestiques s'élève à près de 30 millions, et la valeur totale de la production agricole annuelle atteint 74 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Le département de la Charente-Inférieure est très-pauvre en minéraux; son sol, qui appartient au terrain tertiaire et argilo-sableux, ne renferme aucun gite métallifère; seulement les fentes de quelques rochers de la côte contiennent un peu de sulfure de fer cristallisé. Il existe aux environs de Marennes des tourbières qui rendent annuellement 21 500 quintaux métriques, de la marne et du plâtre près de l'ancienne tour de Broue, des carrières de pierres de taille sur certains points du territoire, et quelques sources minérales qui sont peu fréquentées.
Industrie. — Commerce. — La principale industrie du département est la distillation des eaux-de-vie ; elle occupe un grand nombre d'ouvriers et a amené la création de vastes établissements pour fournir aux besoins locaux. On trouve aussi dans le pays de nombreuses fabriques de toiles, de machines à vapeur et d'instruments aratoires, des raffineries de sucre, des briqueteries, des tuileries, etc. Dans les arrondissements de Ma- rennes et de la Rochelle on exploite de larges marais salants; là le sel se fait par simple évaporation et il constitue une ranche trèsimportante du commerce; les 12 000 hectares qu'occupent ces salines produisent annuellement 622500 quintaux métriques dont la valeur atteint près d'un million de francs, et nécessitent le travail de 4000 ouvriers.
Les bois de merrain, les bois de construction, les vins rouges, les vins blancs, les céréales, le beurre, les œufs sont l'objet d'un commerce actif, ainsi que le poisson de mer, et principalement les sardines dont la pêche occupe un grand nombre de bateaux. Les pê-
cheurs des côtes de la Manche, de Saint-Valery, du Crotoy viennent même pendant l'hiver exploiter le littoral du département. Les huîtres vertes de Marennes jouissent d'une réputation qui leur assure un débit considérable.
Le mouvement de la navigation est représenté par 800 navires environ dont la contenance représente 20000 tonneaux; ils exportent des eaux-de-vie, des vins, des bois, du sel, des céréales, de l'huile, du poisson, du chanvre, etc. On ne compte pas moins de 27 ports sur les côtes de la Charente-Inférieure, dont les principaux sont la Rochelle, Rochefort, l'île d'Aix, la Tremblade, Royan, TonnayCharente, Marans, Saint-Martin, Mortagne, etc., qui sont fréquentés annuellement par une moyenne de 30 000 navires.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département de la Charente-Inférieure est desservi par 9 routes impériales, 21 routesdépartementales, et 3821 chemins vicinaux, dont le développement total dépasse 8000 kilomètres. La route principale passe par Saintes, Saint-Porchaire, et met Rochefort en commu- nication directe avec Paris.
Le département est sillonné par de nombreux canaux qui facilitent les communications, entre autres le canal de Niort à la Rochelle, qui réunit la Sèvre-Niortaise à l'Océan, le canal de la Charente à la Seudre, qui passe à Marennes; les canaux de Vix, de Saint-Ouen, de la Brune, de Saint-Symphorien, de la Torse, de Saint-Agnant, de Bellisle, etc.
Un embranchement, qui s détache de la ligne de Paris à Bordeaux du réseau d'Orléans, traverse la portion N. du département.
C'est l'embranchement de Poitiers à la Rochelle, par Niort; il a des stations à Surgères, Chambon, Aigrefeuille et La Jarrie. D'Aigrefeuille à Rochefort un sous-embranchement se rend par Cire à ce port de guerre.
Le développement de ces voies ferrées ne dépasse pas 41 kilomètres.
Le sous-embranchement d'Aigrefeuille à Rochefort sera prolongé et desservira alors Saint-Jean-d'Angely, Saintes, Jonzac, et se terminera à Coutras dans la Gironde. Un autre sous-embranchement réunira Saintes à Angoulême par Cognac.
Histoire. — Le territoire qui forme aujourd'hui le département de la Charente-Infé- rieure était occupé avant la conquête romaine par les Santones et les Aulni, qui ont donné leur nom à l'Aunis et à la Saintonge. Après l'invasion de César dans les Gaules, sous les
empereurs romains, ce pays fit partie de la seconde Aquitaine, et, comme toute cette portion de la Gaule, il passa successivement de la domination des Visigoths sous la domination des rois francs. L'Aquitaine, devenue duché sous les successeurs de Clovis, fut érigée en royaume par Charlemagne.
Au IXe siècle, l'Aunis et la Saintonge subirent les incursions, les déprédations et les dévastations des Normands, et plus tard, la princesse Éléonore de Guienne, répudiée par le roi Louis VII, l'apporta en dot au roi d'Angleterre Henri II; elle resta donc province anglaise jusqu'à Philippe-Auguste qui la réunit au domaine royal. Les Anglais ne renoncèrent pas sans combattre à la possession de ce riche territoire; ils tentèrent de le reprendre; SaintLouis les vainquit à la bataille de Taillebourg en 1242, et ce pays si disputé revint encore à la couronne de France. Mais ce que les Anglais n'avaient pu obtenir par les armes, le traité de Brétigny le leur donna; la Saintonge subit une seconde fois la domination étrangère, et n'en fut réellement affranchie que sous le règne de Charles VII.
Pendant un siècle, cette province resta paisible et se refit de ses secousses passées; mais après les luttes politiques, les luttes religieuses l'éprouvèrent cruellement. En effet, pendant les XVIe et XVIIe siècles, elle fut en proie à toutes les horreurs des guerres de religion. La nouvelle doctrine protestante fut accueillie avec enthousiasme par les populations de l'Aunis et de la Saintonge. Depuis Henri II jusqu'à Louis XIII, pendant 69 ans sous les règnes de six rois, les villes du territoire furent tour à tour pillées, ravagées, et là s'illustrèrent trop facilement aux dépens de ce malheureux pays, les Duras, les Condé, les la Trémouille, les Guise et les d'Épernon.
La politique soutenait la religion, et les princes de Navarre regardaient la Rochelle d'un œil avide, car ils voulaient en Taire leur place de guerre, quand la Saint-Barthélemy éclata. Les troupes de Charles IX marchèrent contre la ville où les Huguenots s'étaient enfermés; ces intrépides combattants résistèrent pendant sept mois, et les troupes royales durent lever le siége. La ville, fière à bon droit de son succès, tendit alors à devenir indépendante. Elle protégea courageusement ses coreligionnaires pendant les règnes d'Henri III et d'Henri IV; mais ses velléités d'indépendance s'accrurent à ce point, que Louis XIII et Richelieu vinrent l'assiéger le 10 août 1627. Le maire, le brave Guiton, résista pendant quatorze mois aux horreurs de la famine, et la capitulation ne fut signée que le 30 octobre 1628. Richelieu fit alors
raser les fortifications de la ville que Louis XIV rétablit plus tard; mais son rôle politique était terminé.
Pendant la Révolution qui fut accueillie avec ardeur, la Rochelle devint le quartier général d'une armée républicaine.
Lors de la nouvelle division de la France en 1790, le département de la Charente-Inférieure fut formé avec les deux provinces de l'Aunis et de la Saintonge.
Hommes célèbres. — Le département de la Charente-Inférieure compte parmi ses hommes remarquables : BERNARD DE PALISSY; AGRIPPA D'AUBIGNÉ, le compagnon deguerre d'Henri IV; l'historien TALLEMANT DES RÉAUX; les amiraux DE LA GALISONNIÈRE, LATOUCHE-TRÉVILLE et DUPERRÉ; le président DUPATY et son fils, le poëte EMMANUEL DUPATY; le médecin GUILLOTIN; le conventionnel BILLAUD-VARENNES; le peintre GAUFFIER; le tragédien LARIVE; le sculpteur CHARLES DUPATY; le marquis DE BEAUHARNAIS; le voyageur BONPLAN, compagnon de Humboldt; le député AUDRY DE PUIRAVEAU; le littérateur NOUGARET; et parmi les contemporains : DUFAURE, avocat et académicien ; EuGÈNE PELLETAN; l'amiral RIGAUT DE GENOUILLY; les peintres EUGÈNE FROMENTIN et BOUGUEREAU.
Divisions administratives. — Le département de la Charente-Inférieure comprend six arrondissements subdivisés ainsi :
Arr.de~aRo'heUe. 7 cant. 55 comm.
— Marennes. 6 — 34 — — Rochefort 5 — 41 — — Saintes. 8 - 109 — — Saint-Jean-d'Angely. 7 — 120 — — Jonzac. 7 - 120 — 40 cant. 479 comm.
Ce département forme la 2e subdivision de la 14e division militaire dont le siège est à Bordeaux.
L'évêché, suffragant de l'archevêché de Bordeaux, a son siège à la Rochelle. Ce diocèse renferme 26 cures, 288 succursales, un grand séminaire à la Rochelle, et un petit séminaire à Montlieu, dans l'arrondissement de Jonzac.
Les protestants, très-nombreux dans le pays, y possèdent 41 temples.
La justice est rendue par 6 tribunaux de première instance qui siègent aux chefs-lieux d'arrondissement, et par 5 tribunaux de com- merce à la Rochelle, à Saintes, à Rochefort, à Marennes et à Saint-Jean-d'Angely, qui ressortissent à la Cour impériale de Poitiers.
L'instruction publique possède dans ce département un lycée à la Rochelle, 2 collèges com-
munaux à Saintes et à Rochefort, une école normale d'instituteurs et un cours normal d'institutrices à Château-d'Oleron, et 595 écoles publiques et libres qui dépendent de l'Académie de Poitiers. L'instruction est peu répandue dans le département, et les deux tiers des jeunes gens appelés au tirage ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales villes du département de la CharenteInférieure : ARRONDISSEMENT DE LA ROCHELLE.
LA ROCHELLE (18 720 hab.), chef-lieu de préfecture et du département, est située près de l'océan Atlantique, à 477 kilomètres de Paris, sur des terrains d'alluvion abandonnés par la mer. C'est une ville de guerre de 2e classe, fortifiée par Vauban et divisée en 2 cantons.
La digue, construite par Richelieu, forme l'anse au fond de laquelle s'ouvre le port qui est encore protégé par les îles de Ré et d'Oleron.
L'entrée de la passe est éclairée par deux phares du 4e ordre.
La ville, assez régulièrement bâtie, est d'un aspect triste et a conservé sa physionomie de cité huguenote; les arcades des rues dissimulent le mouvement de sa population; son pavé est une véritable mosaïque de toutes les pierres du globe. La Rochelle ne possède pas un seul édifice qui soit classé dans les monu- ments historiques ; sa cathédrale est une grosse
et massive construction inachevée; les églises de Notre-Dame, de Saint-Sauveur, de Saint Jean, de Saint-Nicolas, bâties du xve au XIXe siècle, n'ont aucun caractère; mais l'hôtel de ville, commencé à la fin du XVe siècie, est un monument gothique d'assez fière tournure, avec ses tours et sa ceinture de mâchicoulis. A l'en-
trée du port se dresse le donjon de Saint-Nicolas et la Tour de la Chaîne, qui en fermaient autrefois l'ouverture. Le long de l'avant-port se déroule le Mail, belle pelouse bien plantée, d'où le regard peut embrasser les îles de Ré, d'Oleron et la mer; la place d'Armes, le Champ de Mars, les remparts, ombragés par un double rang d'ormeaux, forment de belles promenades.
Le mouvement maritime du port de la Rochelle est représenté par un chiffre de 50 000 tonnes environ. On y fait un grand commerce d'eaux-de-vie, de poissons et de bois de construction. La préparation des sardines à l'huile y emploie 4 usines qui en fabriquent 200 000 kilogrammes par an.
Saint-Martin-de-Re (2121 hab.) est un cheflieu de canton et la capitale de l'île qui a
55 kilomètres de tour, et qu'un canal de 4 kilomètres sépare de la côte; cette petite ville est fortifiée, car elle défend le port de la Rochelle; elle exploite des marais salants, fait la pêche du poisson, distille des eaux-de-vie, et exporte des vins et des planches.
Marans (4534 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Sèvre-Niortaise, forme un sousquartier maritime; c'est un marché de céréales très-important qui expédie annuellement pour 5 millions de grains.
Ars (3486 hab.), chef-lieu de canton, est un petit port de l'île de Ré, où une tour octogo- nale sert de phare.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Courçon (1263 hab.), où se voient trois tombes celtiques, et La Jarrie (1246 hab.), qui possède une ancienne église.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Saint-Jean-de-Liversay (2382 hab.), où l'on élève des chevaux et des bestiaux ; Sainte-Soulle (2149 hab.); Sainte-Marie (2703 hab.), bourg de l'île de Ré; La Flotte (2450 hab.), petit port de l'île de Ré, qui fait le commerce du sel, des bois, des vins, des eaux-devie, et où l'on remarque les ruines d'une abbaye; etc.
ARRONDISSEMENT DE MARENES.
MARENNES (4426 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est située sur la Seudre à 2 kilomètres de l'Océan. Son église, reconstruite au XVIIIe siècle, compte parmi les monuments historiques. Marennes est une jolie ville bien bâtie, mais insalubre, à cause de ses marais salants dont le rendement est considérable; ses huîtres vertes sont renommées; son exportation de vins et de fèves est assez importante; le chiffre de son commerce maritime est environ de 9.000 tonnes.
Château d'Oleron (3211 hab.) et Saint-Pierre d'Oleron (5152 hab.) sont les deux chefs-lieux de canton de l'île de ce nom, longue de 30 kilomètres et située à 2 milles de la terre; ses salines sont très-considérables et rapportent annuellement à l'État 9 millions de droit. Le reste de son territoire est envahi en grande partie par les dunes de sable, sauf une vingtaine de kilomètres carrés où prospèrent les vignes et les céréales.
Royan (4170 hab.), chef-lieu de canton, situé à l'embouchure de la Gironde, est une place forte de 2e classe éclairée par un feu fixe du 4e ordre. C'est une ville de bains de mer trèsfréquentée, et dont les plages sont remarquablement belles.
La Tremblade (3017 hab.), chef-lieu de canton, est située près de la Seudre, sur un chenal
navigable pour les bâtiments de petit tonnage, et au milieu d'une ceinture de dunes.
Saint-Agnant (1181 hab.), chef-lieu de canton, est bâti sur une colline qui domine les marais de Brouage.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Le Gua (2026 hab.), où l'on exploite des salines, et dont le port exporte des bois, du vin et des eaux-de-vie; Dolus (2211 hab.), petite ville de l'île d'Oleron, où sont établis des haras; Saint-Georges-d'Oleron (4775 hab.), avec distilleries, vinaigreries et salines; Arvert (2773 hab.), sur une presqu'île entre la Gironde et l'Océan.
ARRONDISSEMENT DE ROCHEFORT.
ROCHEFORT (30 151 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisé en 2 cantons, est une place de guerre de 2e classe, et le chef-lieu de préfecture du 4e arrondissement maritime. Rochefort est situé sur la Charente, à 13 kilomètres de son embouchure et à 31 kilomètres de la Rochelle; c'est le 3e port militaire de la France; il est accessibl aux navires de tout tonnage, et les bâtiments de guerre y sont toujours à flot. Le port militaire s'étend sur une longueur de 2 kilomètres; il a des cales couvertes pour la construction des navires, de magnifiques formes pour le radoub des vaisseaux, des fosses à mâture, une corderie longue de 380 mètres, une fonderie susceptible d'entreprendre les plus grands travaux, des forges, des magasins, un arsenal, qui peuvent occuper jusqu'à 10000 ouvriers. Le port. marchand, muni de bassins à flots, se prête à toutes les exigences du commerce qui consiste surtout en exportation de vins, d'eaux-de-vie, de sel, de blé, de farines, de bestiaux, de poissons salés, etc.
Rochefort est une ville toute moderne et percée de rues qui se coupent à angles droits.
Au centre de cet échiquier se trouve la place d'Armes, où s'élève une fontaine monumentale. L'église Saint-Louis, de style grec, est surmontée d'un beau clocher Renaissance qui rappelle l'ancienne église détruite, mais les autres monuments de la ville n'ont rien de particulièrement remarquable. Les remparts ombragés forment des promenades charmantes. Le Cours d'Ablois, planté de six rangées d'arbres, conduit au magnifique hôpital de la marine construit en dehors de la ville.
Tonnay-Charente (3763 hab.) est un chef-lieu de canton situé sur la rive droite de la Cha- rente, et qui avant la création de Rochefort fut sur le point de devenir le port militaire de cette partie de l'Océan. Il sert d'entrepôt aux
eaux-de-vie de la Saintonge et de l'Angoumois.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Surgères (3343 hab.), dont l'église, classée parmi les monuments historiques, est romane par sa façade, et Aigrefeuille (1732 hab.), où l'on exploite des tourbières.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Marsais (1681 hab.), dont le territoire est principalement planté de vignes; Genouillé (1178 hab.), situé sur la Devise, où se voient des ruines d'anciens châteaux, etc.
ARRONDISSEMENT DE SAINTES.
SAINTES (11570 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, divisée en 2 cantons, est située à 69 kilomètres de la Rochelle sur les flancs d'une colline que baigne la Charente. Saintes, jadis la capitale de la Saintonge et l'une des plus anciennes villes de France, est riche en monuments historiques qui sont : un arc romain reporté sur l'ancienne voie romaine qui conduit à Poitiers, des débris d'un ancien amphithéâtre romain, l'église romane de Saint-Eutrope élevée sur une vaste crypte, la cathédrale de Saint-Pierre reconstruite au XVIe siècle, et la vieille église de Sainte-Marie, dont le magnifique portail date du XIIe siècle.
Saintes possède plusieurs édifices modernes, tels que l'hôpital de la marine, le tribunal de commerce, le théâtre, le palais de justice, l'hôtel de la.sous-préfecture. Elle a des fabriques d'ornements d'église, d'instruments agricoles, des tanneries, des mégisseries, et fait un important commerce de vins, d'eauxde-vie, de bois et de cuirs.
Pons (4969 hab.); chef-lieu de canton, petite ville très-ancienne située sur la Seugne, a conservé les restes d'un donjon du IXe siècle.
Saujon (2957 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Seudre, était autrefois une ville forte où Richelieu avait fait bâtir un château.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Burie (1802 hab.), où l'on fabrique des paniers et qui fait le commerce des bois et des poissons salés; Cozes (1898 hab.), qui a conservé le clocher et la chapelle d'une église en ruine du XIVe siècle; Gémozac (2792 hab.), où sont creusés d'immenses souterrains, et Saint-Porchaire (1202 hab.), qui possède une église du XIVe siècle, de l'époque romano-ogivale.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Chaniers (2566 hab.), où l'on fait de bons vins rouges; Arces (927 hab.), avec des marais salants; Corme-Royal (1367 hab.); Mortagne-sur-Gironde (1661 hab.), dont le commerce est fort actif.
ARRONDISSEMENT DE SAINT-JEAN-D'ANGELY.
SAINT-JEAN-D'ANGELY (7023 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé sur la rive droite de la Boutonne, à 26 kilomètres de la Rochelle, au milieu de terrains riches en vignobles. Cette ville fut en partie détruite en 1820 par l'explosion de moulins à poudre; pendant les guerres de religion, elle se signala par un fanatisme effroyable, et subit deux sièges sous Charles IX et sous Louis XIII auxquels elle ne put résister. Son petit port est fréquenté par les gabares d'un faible tirant d'eau; son industrie comprend des distilleries, des fonderies et des fabriques d'outils forgés; son commerce a pour base l'exportation des céréales et des graines oléagineuses.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Aul- nay (2040 hab.), dont l'église, qui date, dit-on, du IXe siècle, est classée parmi les monuments historiques; Loulay (581 hab.); Matha (2344 hab.); Saint-Hilaire-de-Villefranche (1323 hab.), où se trouvent les ruines d'un monastère de Saint-Martin; Saint-Savinien (3285 hab. ), avec un port sur la Charente, et Tonnay-Boutonne (1238 hab.), où existent des filatures de laine et des fours à chaux.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Chives (1011 hab.); Néré (1169 hab.); Sonnac (1285 hab.), dont le sol renferme quelques gisements de fer ; Brisarribourg (1606 hab.), avec les ruines du château de Biron; Taillebourg (1050 hab.), où l'on voit les restes d'un château fort compris parmi les monuments historiques, et célèbre par la victoire que saint Louis remporta sur les Anglais en 1242.
ARRONDISSEMENT DE JONZAC.
JONZAC (3147 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé sur la Seugne à 39 kilomètres de la Rochelle ; on y trouve les restes d'un château du XIIe siècle, placé au sommet d'un rocher à pic. Cette petite ville possède des fabriques de grosses étoffes et des distilleries; elle tait le commerce des vins, eaux-de-vie, volailles et bestiaux.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Archiac (1227 hab.); Mirambeau (2384 hab.), qui exporte des légumes et des fourrages; Monttendre (1174 hab.), où jaillit une source minérale; Montguyon (1542 hab.), où l'on a découvert des instruments de l'âge de pierre; Montlieu (975 hab.), avec des grottes ornées de belles stalactites, et Saint-Genis(1244 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Ozillac (954 hab.); Jarnac-Champagne (1316 hab.), qui fait le commerce des eaux-de-vie; Boisredon (1603 hab.), etc.
Hôtel de ville de Bourges, ancienne maison de Jacques Cœur.
CHER.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Le département du Cher est exactement situé au centre de la France dans le bassin de la Loire et traversé par le méridien de Paris.
Il est borné au N. par le département du Loiret; à l'E. par la Loire et l'Allier qui le séparent des départements de l'Yonne et de la Nièvre ; au S.-E. par le département de l'Allier; au S. par celui de la Creuse ; a l'O. par celui de l'Indre, et au N.-O. par celui de Loir-et-Cher.
Ce département est un pays plat dont le centre est représenté par un immense plateau, entrecoupé de quelques vallées fertiles; toute cette portion de son territoire est cultivée, féconde, et la plus riche au point de vue agricole ; au S.-O., au contraire, le sol est de médiocre qualité et noyé en maint endroit sous des étangs nombreux dont la superficie couvre plus de 450 hectares; au N., ce sont des terrains sablonneux, des champs stériles, des
marais, des landes hérissées de bruyères; dans le N.-O. s'étend cette triste et maigre Sologne dont l'industrie agricole finira par régénérer un jour le sol ingrat.
La Loire, le Cher et la Sauldre, qui arrosent presque toute la surface du département, ont formé des vallées distinctes, telles que le Val-Central, la vallée de l'Allier, celle de l'Aubois, celles de la Vauvise, de l'Yèvre, de l'Arnon, du Fouzon, de la grande et de la petite Sauldre; ces dépressions de terrain généralement fertiles, où prospèrent les céréales, le chanvre et la vigne, sont bien cultivées, mais peu profondes, car le niveau moyen du pays n'est pas élevé. Il existe dans le département de belles forêts domaniales, telles que les forêts de Vierzon, de Soudrain, d'Allogny, de Prély, et dans le bassin du Cher, les forêts communales de Bornac, de Chœurs, de Meillant, de Dun-le-Roi, etc.
Orographie. — Le département du Cher est généralement plat, mais en de certaines parties de son territoire quelques collines viennent donner au sol un relief pittoresque. On sent dans le S. ces ressauts de terrains insensiblement allongés entre les cours d'eau, qui forment les premiers échelons des monts granitiques du centre de la France. Vers le N.-O., les collines du Sancerrois modifient également l'aspect du pays, mais elles n'ont pas une grande importance, et leur altitude moyenne est comprise entre 300 et 400 mètres au-dessus du niveau de la mer, dont il faut déjà retrancher plus de 100 mètres pour la hauteur générale du territoire. Les points culminants sont la Brande-de-Saint-Saturnin, près de Châteaumeillant, et le Pic-de-Rippol dans la commune de Vesdun ; Sancerre est bâti à une hauteur de 306 mètres, au sommet le plus élevé d'une colline courbée en arc dont les deux extrémités s'appuient à la Loire.
Hydrographie. — Le système hydrographique du département du Cher se compose de trois principaux cours d'eau, un fleuve et deux rivières, tributaires de ce fleuve. Ce sont la Loire, l'Allier et le Cher, dont les nombreux affluents arrosent abondamment tout ce territoire de l'ancien Berry.
La Loire, née dans le village de Sainte-Eulalie de l'Ardèche, après avoir arrosé le département qui porte son nom, ceux de Saône-etLoire, de l'Allier, de la Nièvre, forme, en remontant vers le N., toute la frontière E. du département du Cher, depuis sa jonction avec l'Allier jusqu'à l'angle N.-E. de l'arrondissement de Sancerre, puis elle entre dans le
Loiret, et traversant encore cinq départements, va se jeter dans l'océan Atlantique.
La longueur de ce fleuve dans le département du Cher est de 80 kilomètres, et ses principaux affluents pendant ce parcours sont : 1° l'Allier; 2° l'Aubois, qui prend sa source dans le canton de Sancoins, baigne Augy, Sancoins, la Chapelle-Hugon, la Guerche, Saint-Germain, et se termine après 52 kilomètres de cours; 3° la Jarlande, le Chateauvert et le Fossé-des- Boires; 4° la Vauvise, qui baigne Sancergues et se grossit du Ragnon et de la Planche-Godard.
L'Allier, qui sort des montagnes de la Lozère, limite la Lozère et l'Ardèche, la Lozère et la Haute-Loire, traverse le Puy-de-Dôme et l'Allier, vient former la limite S.-E. du département du Cher pendant une vingtaine de kilomètres du S. au N., reçoit le Haut-Bois et le Boucard, et se jette dans la Loire au bec d'Allier près de Cuffy.
Le Cher prend sa source dans la Creuse, sépare la Creuse du Puy-de-Dôme, la Creuse de l'Allier, traverse l'Allier, et entre au-dessous d'Etelon dans le département du Cher; cette rivière décrit dans ce dernier département une courbe très-allongée du S. au N.-O., et dans un cours de 88 kilomètres, elle baigne Saint-Amand, Chateauneuf, Saint-Florent, Vierzon, Méry-sur-Cher, puis entre dans le département de Loir-et-Cher, et se jette dans la Loire vis-à-vis de Cinq-Mars dans l'Indre-et- Loire; pendant son parcours dans le département, le Cher reçoit comme affluents : 1° la Marmande, petite rivière qui naît dans l'Allier, passe à Charenton, à Saint-Amand et absorbe la Sologne et le Chignon; 2° l'Yèvre, qui sort d'un étang près de Baugy. se grossit du Villabon, de l'Yvrette, de la Tripand, du Collin, du Langis, du Moulon, de l'Auron qui passe à Bannegon et à Dun-le-Roi, de l'Annain du Baranjon, et se jette dans le Cher à Vierzon, après avoir arrosé Baugy, Bourges, Marmagne , Mehun , Foécy et Vierzon; 3° la Queugne, les Cotards, le Sauzay, le Trian; 4° l'Arnon, qui vient du département de la Creuse, traverse l'Allier, entre dans le Cher, y absorbe la Joyeuse, le Portefeuille, la Simare, le Théols, et baigne Sidiailles, Culan, Lignières, Charost, Mareuil, Saint-Georges, Reuilly et Lury; 5° l'Auzon et le Pontet; 6° la Grande-Sauldre, qui prend sa source dans le canton d Henrichemont, baigne Vailly, Argent, Clémont, après avoir reçu le Rinancon, la Salereine, l' Yonne, l'Oisonnette, la Nère, et entre dans le département de Loir-etCher où elle reçoit la Petite-Sauldre qui vient du château de Parassy, dans l'arrondissement de Santerre, et se perd dans le Cher entre Selles et Châtillon.
Pour compléter l'hydrographie du département, il faut citer de nombreux étangs qui se trouvent principalement dans les arrondissements de Sancerre et de Saint-Amand.
Climat. — Le climat du département du Cher est généralement froid; à l'exception des territoires du N.-E. et du S. où l'air est trèspur, toutes les portions du N.-O. de la Sologne sont peu salubres, grâce aux étangs et aux marais qui produisent des exhalaisons malsaines. Il est à remarquer que dans le Cher, ni les chaleurs ni les froids ne persistent longtemps, c'est-à-dire au delà de quinze jours.
Les vents de l'O. et du N.-O., qui sont violents, y dominent particulièrement, surtout pendant la mauvaise saison.
Superficie. — Population. — La superficie du département du Cher est de 719 934 hectares et sa population de 336 613 habitants; ce qui ne donne que 43 habitants environ par kilomètre carré; elle s'est accrue de 105000 âmes depuis le commencement du siècle.
On y compte à peu près les deux tiers d'agriculteurs, contre 80000 industriels ou commerçants.
Le caractère des Berruyers est généralement doux et sociable, leurs mœurs sont pures, leurs manières affables, leur religion éclairée et tolérante, et si leur esprit n'est pas riche en saillies, si l'imagination ne les entraîne pas, du moins leur sens est droit, leur jugement sùr Ces quaités, communes aux gens de toutes les classes, ne sont point un résultat de l'éducation, mais bien un don naturel.
Si une différence de caractère existe, c'est entre les populations des vallées riches et celles des landes ou des collines incultes, et encore ne porte-t-elle que sur le plus ou moins d'apathie et d'aptitude aux arts industriels, .et il faut l'attribuer seulement à ce que la voix de l'intérêt ne s'adresse qu'à des sourds dans les campagnes pauvres.
La langue française est usuelle dans tout le département; elle est parlée presque sans accent dans les villages comme dans les villes, et avec une correction remarquable.
Agriculture. — Le département du Cher est agri icole ; la culture des terres et l'élève des bestiaux y sont bien entendues; la ferme-école d'Aubussay, dans l'arrondissement de Bourges, est un modèle d'industrie rurale.
Les quatre cinquièmes du territoire forment des terres labourables; l'autre cinquième se compose de 130 000 hectares de prairies, 10000 de vignobles, 15000 de pâturages et
de landes, 160 000 de bois, forêts et terres incultes.
Sa production de céréales représente une valeur de 27 miliions de francs et suffit au delà de sa consommation. Le blé, l'avoine, le sarrasin, l'orge, le seigle occupent une grande partie des terres cultivées; mais le sol convient à peu près à tous les genres de cultures; le chanvre, le lin, le colza, les raves y réussissent parfaitement et atteignent avec les légumes, les vignes, le produit des prairies naturelles et des châtaigneraies, une valeur de 14 millions de francs.
Ce sont des vins assez estimés que ceux du Cher; ses vignobles rendent annuellement 212000 hectolitres de vins rouges et 54000 hectolitres devins blancs. Le Sancerrois a principalement le monopole de cette production, ou tout au moins il donne les vins les meilleurs, qui sont ceux de Saint-Satur et de Chavignol.
Les forêts du département, soit en bois à brûler, soit en bois d'œuvre, rapportent environ 9 millions de francs par an. Le chêne, le charme, le frêne et l'orme y dominent, ainsi que l'acacia dans les montagnes du Sancerrois, où se multiplient également de nombreuses plantes aromatiques et fébrifuges. Les noyers, cultivés en grand, donnent lieu à un commerce assez considérable. Les arbres fruitiers sont conduits d'une façon très-habile et produisent de bons revenus.
D'ailleurs, le département du Cher fait de notables progrès dans la science agricole. La plus grande partie des marais qui engendraient autrefois tant de lièvres paludéennes a été desséchée et livrée à la culture; 1500 hectares restent encore à assainir et à fertiliser sur les 8000 hectares que l'on comptait il y a soixante ans.
Mais si la production agricole s'améliore chaque jour, l'élève des bestiaux demeure stationnaire et ses produits sont médiocres; il faut en excepter cependant ceux de la race ovine qui a été assez heureusement croisée avec le mérinos; aussi, la laine des moutons du Berry est-elle recherchée pour sa finesse.
Les chevaux sont de petite taille et ne conviennent guère qu'à l'agriculture et à l'artillerie; leur nombre est environ de 28 000, tandis que celui des bêtes à laine dépasse le chiffre de 800 000.
Les bois et les campagnes sont fréquentés par un assez grand nombre de sangliers et de chevreuils; les lièvres, les lapins et même les loups s'y trouvent en notable quantité.
Le revenu brut des animaux domestiques atteint 27 millions, et la valeur totale de la
production agricole annuelle est de 53 millions et demi de francs.
Mines. — Carrières. — Le département du Cher doit être placé en première ligne pour l'industrie minière. Son sol est riche en minerai d'excellente qualité. Le fer est la véritable production naturelle des territoires du Berry; les minières de la Chapelle-Saint-Ursin, au S.-O. de Bourges, de Dun-le-Roi, celles des rives du Cher, celles de Saint-Just et de Vornay, de La Roche et de Corquoy, les minières des Brandes, de Mareuil, du val de l'Aubois, de Sancergues, de Boucard, de Saint-Palais, de Mehun, etc., prouvent par leur nombre l'importance de la fabrication du fer dans ce département.
Après les mines, les carrières sont également exploitées sur une grande échelle. Les pierres à bâtir, de belle et bonne qualité, se trouvent aux environs de Bourges, de SaintAmand, du Guétin, d'Apremont, de la CelleCondé, de Sancerre; les carrières de Charly donnent une pierre qui se prête aux délicatesses de la plus fine sculpture; le granit s'exploite à Châteaumeillant, le plâtre à la Croix-Maupion et à Verneuil, le gypse dans la forêt de Meillant, le grès et l'argile aux environs de Vierzon; les sablières d'Annoix, de Charost, de Plaimpied, de Parassy, et les tourbières du val d'Yèvre occupent aussi un certain nombre d'ouvriers.
Industrie. — Commerce. — L'exploitation du minerai de fer a amené dans le département la création d'un grand nombre d'établissements métallurgiques; on ne compte pas moins de 21 usines qui fabriquent surtout de la fonte et du fer au charbon de bois dont la quantité s'élève à près de 500 000 quintaux métriques pour une valeur de 10 millions.
Les principaux établissements sont ceux d'Yvoi-le-Pré, de Vierzon, de Bourges, de Menetou-Couture, de Précy, de Mareuil. etc.; leurs produits consistent en fonte et en fer au combustible végétal, en fonte et en fer au combustible minéral, en fonte mouillée, et en acier de forge, mais ce dernier en quantité relativement minime.
Après l'industrie métallurgique viennent les fabriques de draps communs, de porcelaines, de faïence, les filatures de laine, les verreries, les huileries, les tanneries, les fabriques d'instruments aratoires perfectionnés, etc.
Le commerce des fers et de la fonte est considérable; les minières alimentent en partie non-seulement les usines du département, mais les établissements de Commentry, de Montlu-
çon, dans l'Allier; du Creuzot, dans Saône-et- Loire; le commerce des laines, grâce à l'amélioration des bêtes ovines, est aussi très-important, puis celui des bestiaux, des céréales, des vins, du chanvre, des bois, du merrain, etc.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. —
Les routes du département du Cher comprennent 8 routes impériales, 22 routes départementales, et un grand nombre de chemins, soit de grande communication, soit d'intérêt commun, soit vicinaux, dont le nombre s'élève à 1623. Le parcours de ces diverses voies dépasse 2766 kilomètres, et il sera accru prochainement par les chemins agricoles qui offriront un développement de 10000 kilomètres.
Trois canaux complètent les voies navigables du département : 1° le Canal-du-Berry, qui réunit l'Allier au Cher ; 2° le Canal-latéral- à-la-Loire, qui traverse l'Aubois et la Voumoise dans le département et passe au bas de Sancerre; 3° le Canal-de-la-Sauldre, qui est fait depuis Blancafort, dans l'arrondissement de Sancerre, jusqu'au Coudray, et qui doit aboutir près de la Motte-Beuvron.
Le département du Cher est desservi par une des lignes principales, par un embranchement et deux sous-embranchements du réseau d'Orléans : 1° le chemin de fer de Pa- ris à Agen, qui traverse l'angle N.-O. du département avec stations à Vierzon et Chéry ; 2° l'embranchement de Vierzon à Bourges, avec stations à Foécy, Mehun-sur-Yèvre et Marmagne; 3° le sous-embranchement de Bourges à Samcaize, dans la Nièvre, qui coupe en diagonale le département de l'O. à l'E. avec sta- tions a Moulin-sur-Yèvre, Savigny-sur-Septaine, Avor, Bengy, Nérondes, la Guerche et le Guétin; 4° le sous-embranchement du Bour- ges à Montluçon, qui descend du N. au S., par les stations de Saint-Urcin, de Saint-Florent, de Lunery, de Châteauneuf, de Bigny, de la Celle-Bruère, de Saint-Amand-Montrond, el d'Ainay-le-Viel.
Ces diverses voies ferrées ont un développement de 149 kilomètres.
On doit construire un embranchement de Tours à Vierzon et un chemin de fer agricole de Gien à Monthou.
Histoire. — La ville de Bourges, 615 ans avant l'ère chrétienne, était déjà la capitale de la Gaule, la ville renommée des Bituriges, et la reine des cités gauloises. César, pendant son invasion, l'assiégea, s'en empara, malgré la bravoure de ses défenseurs, et en fit la métropole de l'Aquitaine. Depuis lors, le
territoire des Bituriges, c'est-à-dire le Berry, subit la domination romaine , et ne changea de maître que pour passer au pouvoir des Francs pendant le ve siècle. A cette époque, les gouverneurs des provinces franques s'abstenaient volontiers de leurs devoirs féodaux, et tendaient à s'affranchir de toute suzeraineté royale; ils prenaient le titre de comtes, et changeaient leur gouvernement en fiefs héréditaires. Ainsi advint-il du Berry et de ses gouverneurs qui se firent comtes de Bourges.
Pendant deux siècles, ils administrèrent en souverains leurs provinces que les Normands ravagèrent quelquefois, et leurs droits étaient si bien acquis au détriment des faibles successeurs de Charlemagne, que l'un d'eux, voulant faire les fonds nécessaires à son départ pour la Terre-Sainte, vendit 60000 sols d'or son comté au roi Philippe 1er.
Pendant 250 ans, le Berry resta annexé à la couronne de France, jusqu'au moment où le roi Jean en fit un duché-pairie en faveur de son troisième fils. Ce duché passa successivement, sous forme d'apanage, aux enfants de Charles VI, au fils de Charles VII, servit de douaire à différentes reines de France, et fut définitivement incorporé par Louis XI au domaine royal.
Au XVIe siècle, les guerres de religion troublèrent ce pays si difficile à fixer; ce fut dans ses campagnes que Calvin fit ses premières prédications et enrôla ses premiers prosélytes. Le Berry fut alors troublé par les idées de réforme, et surtout par les réformistes qui s'emparèrent de sa capitale et la pillèrent compiétement; mais il compta de longues années de tranquillité pendant le règne d'Henri IV, et sut même se soustraire aux dissensions politiques de la France et à l'influence de ses chefs les plus déterminés. Aussi, pendant la minorité de Louis XIII, son territoire n'eut-il à souffrir de la guerre que durant quelques mois.
Ce fut dans le Berry qu'on essaya pour la première fois, sous Louis XVI, le système des administrations provinciales, système qui amena la division départementale de la France.
En 1790, le département du Cher fut formé avec quelques portions du Berry et du Bourbonnais.
Pendant la Révolution, le nouveau département sut se soustraire aux excès de la terreur; quand, après les désastres de 1815, l'armée de la Loire fut licenciée, ce licenciement s'opéra en grande partie sur son territoire, mais sans trouble, sans agitation, et ces braves soldats qui avaient si glorieusement combattu sous le drapeau tricolore, toujours dévoués à
leur patrie, désintéressés et purs, rentrèrent paisiblement chez eux. Ce n'étaient pas les brigands de la Loire, comme la Restauration affectait de les qualifier, mais des soldats redevenus citoyens qui retournaient au foyer domestique.
Hommes célèbres. — Le département du Cher compte un certain nombre d'hommes célèbres : JACQUES COEUR , le surintendant des finances de Charles VII; son fils JEAN COEUR, archevêque de Bourges; le roi Louis XI; L'ÉCUYER, peintre sur verre ; le prédicateur BOURDALOUE; l'académicien LA CHAPELLE; le duc DE LA CHATRE; le maréchal MACDONALD; et parmi les contemporains : l'antiquaire RAOULROCHETTE; le poète EMILE DESCHAMPS; l'auteur dramatique FÉLIX PYAT.
Divisions administratives. — Le département du Cher comprend trois arrondissements ainsi subdivisés :
Arrond. de Bourges. 10 cant. 100 comm.
— Saint-Amand. 11 — 115 — — Sancerre. 8 — 76 — 29 cant. 291 comm.
Le département du Cher forme la 1re subdivision de la 19e division militaire dont le siège est à Bourges.
Réuni au département de l'Indre auquel il confine, il forme le diocèse de l'archevêché de Bourges. Ce diocèse comprend dans le département du Cher 32 cures, 205 succursales, un grand séminaire et un petit séminaire à Bourges. Les protestants y possèdent 5 temples.
La justice est rendue par les tribunaux de première instance des trois chefs-lieux d'arrondissement, et par le tribunal de commerce de Bourges, qui ressortissent à la Cour impériale dont le siège et au chef-lieu du département.
L'instruction publique n'est pas très-répandue ; ses établissements comprennent un lycée et une école normale d'institution à Bourges, deux collèges communaux à Saint-Amand et à Sancerre, et 395 écoles publiques, qui sontdans le ressort de l'Académie de Paris. On compte plus de la moitié des jeunes conscrits qui ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département du Cher :
ARRONDISSEMENT DE BOURGES.
BOURGES (30 119 hab.), préfecture et cheflieu du département, est située d'une très-pit-
toresque façon sur le double versant d'un coteau, au confluent de l'Auron, de l'Yèvre et de l'Yevrette, et à 232 kilomètres de Paris.
Cette vieille et célèbre ville occupe une vaste étendue de terrain , car ses rues sont larges et ses maisons peu élevées; l'air y est pur et sain; ses places sont plantées de beaux arbres, et ses remparts lui font une ceinture d'agréables promenades.
Bourges est riche en monuments historiques, non pas en ruines romaines qui rappellent au souvenir l'ancienne métropole de l'Aquitaine, car la vieille enceinte est à peine reconnaissable, mais en édifices du moyen âge, classés et conservés avec soin. Il faut tout d'abord citer sa cathédrale du XIIIe siècle, construite au sommet de la ville, et dont la principale tour est visible dans un rayon de dix lieues; c'est un magnifique vaisseau à cinq nefs, encore inachevé, et qui reproduit toute la série des styles de quatre siècles, depuis le sévère roman jusqu'au gothique flamboyant qui s'est fondu dans la Renaissance; à la tour neuve, on admire une horloge du xve siècle qui indique les mouvements du soleil et de la lune. Saint-Bonnet, église du XVIe siècle, est remarquable par les vitraux de l'Escuyer. L'hôtel de ville, l'ancienne résidence, ou plutôt forteresse de Jacques Cœur, le surintendant des finances de Charles VII, est un remarquable édifice du xve siècle, dont les murailles sont extérieurement revêtues de sculptures gothiques du plus haut goût; sa balustrade découpée à jour poi te en lettres sculptées la belle devise du célèbre surintendant : A cœur vaillant rien d'impossible. L'hôtel Lallemant, qui est occupé par les sœurs de la Sainte-Famille, avec son oratoire et ses tourelles délicieuses, l'hôtel de Cujas, édifice en briques du XIVe siècle, la PorteSaint-Ours, reste de l'ancien palais des ducs de Berry, complètent la liste des monuments historiques de Bourges. Les édifices modernes, tels que collèges, casernes ou temple protestant, n'ont rien de très-remarquable.
Sous le rapport industriel et commercial, le chef-lieu du département du Cher n'est pas très-important; le grain, le chanvre, les peaux, les bois sont ses principaux articles d'exportation. On y trouve quelques fabriques de draps, des tanneries, des pépinières, et depuis quelques années, une fonderie et un arsenal, créés par décret. Aux portes de la ville fonctionnent les usines métallurgiques de Mazières où se fabriquent les grandes pièces de charpente en fer.
Charost (1687 hab.) est un chef-lieu de canton situé sur la rive gauche de l'Arnon, que
traverse la route impériale de Bourges à Châteauroux; cette ville fut érigée autrefois en duché-pairie et conserve les ruines d'un ancien château fortifié, détruit pendant les guerres de la Ligue.
Graçay (3291 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le ruisseau de Fouzon, possède de curieux restes d'un monument celtique, amas de sept ou huit pierres énormes appelées les PierresFolles.
Mehun-sur-Yèvre (6176 hab.), chef-lieu de canton, a deux monuments historiques, une église romane du XIe siècle et les restes du château où Charles VII vécut avec Agnès Sorel, et où, craignant d'être empoisonné par son fils, Louis XI, il se laissa mourir de faim. On fabrique dans cette petite localité des porcelaines, des droguets et des toiles d'emballage.
Vierzon (8224 hab.), chef-lieu de canton situé au confluent de l'Yèvre et du Cher, dans une position charmante, a conservé des ruines de différentes époques; là s'embranchent les voies ferrées du réseau d'Orléans sur Nevers et sur Moulins; on y trouve des manufactures de porcelaines et des fabriques de serge et de bonneterie ; les bois, les vignes et les céréales sont les principales productions de son territoire.
Baugy (1483 hab.), chef-lieu de canton, riche en antiquités gallo-romaines, possède l'important établissement agricole de la Loge.
Les Aix (1606 hab.), chef-lieu de canton situé sur la rive gauche des collines, forment une petite ville très-ancienne dont la légende fait remonter l'origine au fils d'Ajax. Son église, des xe et XIe siècles, est classée parmi les monuments historiques.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Levet (1017 hab.), Lury (861 hab.), et Saint-Martind'Auxigny (2968 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Mareuil (2011 hab.), près des mines de la vieille abbaye de la Prie, et qui a des hauts fourneaux ; Saint-Florent (3433 hab.), où se voient des vestiges d'une route romaine; Menetou Salon (2546 hab.), où l'on a reconnu les traces d'un aqueduc gallo-romain ; VierzonVillage (4964 hab.), où fonctionnent des hauts fourneaux, des acieries, des fabriques de poteries et de faïence; Saint-Eloy (1174 hab.), où se voit le château des Dames, qui appartenait à Agnès Sorel; Massay (2405 hab.), avec les ruines de ses vieilles fortifications.
ARRONDISSEMENT DE SAINT-AMAND.
SAINT-AMAND (8757 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 44 ki-
lomètres de Bourges sur un embranchement du Canal-du-Cher, au confluent de cette rivière et de la Marmande; cette petite ville, régulièrement bâtie et dominée par les ruines du château du Mont-Rond, fait un commerce actif de céréales, de fourrages, de bois, de bestiaux, de laines, de chanvres et de châtaignes. Elle a des fonderies et des manufactures de porcelaines. Son église, qui date du XIVe siècle, est justement admirée. A une lieue s'élève la colline du Belvédère, haute de 314 mètres, et du sommet de laquelle le regard embrasse les montagnes de l'Auvergne, du Sancerrois, de la Marche et du Morvan.
Châteaumeillant (3404 hab.) , chef-lieu de canton, dont on attribue la fondation aux Romains, a conservé de nombreuses antiquités gallo-romaines, et une église romane du XIe siècle, classée parmi les monuments historiques. Ses carrières de pierres à bâtir sont fort renommées. Cette ville fait un grand commerce de chevaux, de bestiaux, d'eauxda-vie et de sel.
Dun-te-Roi (5454 hab.), chef-lieu de canton et petite ville assez importante, fut, au xne siècle, une des trois principales cités de l'Aquitaine.
Lignières (2992 hab.), chef-lieu de canton, située sur la rive droite de l'Arnon, théâtre des premières prédications de Calvin, alors étudiant à Bourges, fut souvent brûlée et pillée pendant les guerres de religion. Non loin se trouve l'étang de Villiers qui a 24 kilomètres de tour.
Sancoins (3450 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le canal du Berry, est l'entrepôt des houilles de Montluçon et des plâtres de l'Al- lier. Dans les environs, près de Jouy, se dressent les ruines d'un vieux château flanqué de quatre tours.
La Guerche (3505 hab.), chef-lieu de canton, situé près du Canal-du-Berry, exploite de belles carrières de pierres lithographiques.
Charenton (1722 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la rive droite de la Marmande, est une petite ville industrielle qui possède des hauts fourneaux, des forges, des scieries hydrauliques.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Châ- teauneuf, (2686 hab.), Nérondes (2993 hab.), Saulzais-le-Potier (955 hab.), et Le Châtelet (2006 hab.), où l'on peut admirer les ruines d'un château fort.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Menetou-Couture (2186 hab.), où il existe une mine de fer; Patinges (2479 hab.); Culan (1181 hab), avec les ruines du château de Croï, vieille forteresse féodale du XIIe siècle,
rangée parmi les monuments historiques ; Meillant (1665 hab.), où se voit un château dont la tour de l'époque Renaissance est de toute beauté.
ARRONDISSEMENT DE SANCERRE.
SANCERRE (3707 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 47 kilomètres de Bourges, près du canal latéral à la Loire, au sommet d'une colline isolée, haute de 130 mètres et couverte de vignobles, d'où la vue peut saisir d'admirables perspectives ; c'est un dédommagement pour les habitants de cette petite ville aux rues étroites, roides, mal percées et impraticables pour les voitures.
Sancerre a-t-il été fondé par Jules César, d'où lui viendrait son nom, Sacrum Cesaris, ou doit-il son origine à Charlemagne qui le peupla de Saxons, Saxicus Vicus? les antiquaires disputent à ce sujet. Quoiqu'il en soit, Sancerre, au XIIe siècle, formait un des trois grands fiefs du Berry.
Les ruines d'un ancien château, que domine une haute tour aux épaisses murailles, sont classées parmi les monuments historiques; on admire encore les églises gothiques de la ville, son donjon du XIIIe siècle, et ses remparts, belle promenade qui a remplacé les fortifications rasées au XVe siècle par le prince de Condé.
Le principal commerce de Sancerre consiste en céréales, fourrages, fruits, vins, noix, bestiaux.
Aubigny (2633 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville sans grande importance, très-éprouvée au moyen âge, et qui fut prise et brûlée par les Anglais pendant la captivité du roi Jean. Son église et son ancien château qui lui sert d'hôtel de ville comptent parmi les monuments historiques.
Henrichemont (3377 hab.), chef-lieu de canton. est une ville régulièrement bâtie, qui fut fondée par Sully; elle fait un important commerce de laines.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Argent (1416 hab.), La Chapelle-d'Angillon (894 hab.), où une ferme a été établie dans les ruines mêmes d'un château gothique, Léré (1690 hab.), Sancergues (1167 hab.), qui possède une belle église romane, et Vailly (1030 hab.), où jaillit une source minérale.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Ivoy-le-Pré (2643 hab.), avec hauts fourneaux et forges; Herry (2683 hab.), où se trouventles ruines du monastère de Chalivoy; Saint-Satur (2179 hab.), avec un beau monument historique, son église paroissiale du XIVe siècle; Savigny-en-Lèré (2060 hab.).
CHER
Ancien couvent de la Margeride dans le canton de Bort.
Vue générale de Tulle.
CORRÈZE.
Situation. — Limites.— Aspect général.— Le département de la Corrèze est situé dans la partie centrale de la France, et ses limites sont : au N., les départements de la Creuse et de la Haute-Vienne; au S, les départements du Lot, du Cantal et de la Dordogne; à l'E , ceux du Puy-de-Dôme et du Cantal; à l'O., celui de la Dordogne.
La constitution géologique du département de la Corrèze le rattache aux terrains primi-
tifs et secondaires. Tout ce territoire, trèsvarié dans ses aspects, très-pittoresque dans ses points de vue, très-curieux par ses beautés naturelles, est légèrement incliné dans sa partie septentrionale vers le S., l'E. et l'O.
Cette région renferme les portions les plus élevées du département et le plateau qui sépare le bassin de la Dordogne de celui de la Loire; là se dessine une contrée montagneuse, abrupte et sauvage; à quelques lieues d'Ussel,
s'élève la muraille de Bort, dont les colonnes basaltiques, disposées perpendiculairement, ressemblent aux tuyaux d'un orgue immense; d'admirables cavernes sont creusées dans le flanc des montagnes, comme autant d'écrins qui renferment de splendides cristallisations naturelles; au fond des ravins, pendant les grandes pluies de l'hiver, mugissent des torrents fougueux, et au-dessus, les roches âpres et nues se dressent dans toute leur beauté première; ici, un petit affluent de la Dordogne, la Sole, forme une chute retentissante signalée par Marmontel ; là, près de Treignac, le regard est frappé d'admiration devant une cascade alimentée par la Vézère, auquel son lit de roche vient à manquer subitement, et dont les eaux, précipitées d'une hauteur de cent pieds, se couvrent de nuages humides qui s'irisent aux rayons du soleil; plus au S., à quelques lieues de Tulle, un ruisseau, la Montane, tombe par une série de chutes trèspittoresques, et dont la hauteur totale mesure 400 pieds. Toute cette portion de la Corrèze, très-pauvre en terre végétale et tapissée de bruyères, est digne de l'attention des voyageurs.
Au S. O., c'est le pays bas, le pays des prairies naturelles, coupé de vallons fertiles, et couvert de vignobles; là s'est massée la population, là les champs sont cultivés avec soin, là se pressent les villes et villages. Cette région contraste vivement avec les parties septentrionales du département remuées si profondément pendant les époques géologiques.
Orographie. — Hydrographie. — C'est au N. du département, dans l'arrondissement d'Ussel, que des montagnes assez élevées séparent le bassin de la Dordogne du bassin de la Loire. En cet endroit se dresse le Mont-Oudouze, qui n'a pas moins de 1364 mètres d'élévation, c'est- à-dire la hauteur du Puy-de- Dôme, à peu près; c'est le point culminant de la chaîne, d'où rayonnent des contre-forts qui vont mourir dans les bassins de la Vézère, de la Corrèze et de la Dordogne, sous les noms de monts du Masseret, du Saillant, de SainteFeréole, d'Aubazine, de Roc-de-Vic, de la Ramière, et une chaîne secondaire dont la crète est formée par triple montagne des Monédières, haute de 860 mètres.
La configuration orographique du département de la Corrèze le place presque tout entier dans le bassin de la Garonne, et sa lisière septentrionale le rattache seule au bassin de la Loire; son système hydrographique se compose d'une rivière principale, la Dor-
dogne, de son affluent, la Vézère, de ses deux sous-affluents, la Corrèze et la HauteVezère, et d'une grande quantité de ruisseaux et de torrents tributaires de ces quatre cours d'eau.
La Dordogne, la rivière la plus importante de la France, prend sa source dans les montagnes du Puy-de-Dôme, forme la limite entre le Puy-de-Dôme et la Corrèze, puis entre la Corrèze et le Cantal, traverse obliquement l'arrondissement de Tulle du N. E. au S. O., pénètre dans le département du Lot, dans celui de la Dordogne, et va se perdre dans la Gironde au Bec d'Ambez après un cours total de 490 kilomètres; pendant sa traversée de la Corrèze sur une étendue de 126 kilomètres, elle baigne Bort, les ruines du château de Madic, passe sous le pont suspendu d'Argentat, arrose Beaulieu, et compte parmi ses affluents, le Chavanon ou Chavanoux grossi de la Miousette et du Feix, et qui sépare la Corrèze du Puy-de-Dôme, la Burande, la Rue accrue de la Santoire et de la Tarentaine, la Diege augmentée des eaux de la Sarzonne, la Sumène, la Triousonne, l'Auze, la Luzège, la Doustre, le Souvigne, la Maronne et la Ménoire.
La Vezère naît sur le plateau de Millevache, au N. du département, dans le canton de Mey- mac, traverse l'étang des Oussines, absorbe divers torrents, passe près de Bugeat, brise ses eaux fougueuses à la cascade nommée Saut de la Virolle, arrose Treignac, Vigeois, écume dans les profondes gorges du Saillant, absorbe l'Ellé, et la Corrèze, entre dans le département de la Dordogne , et se jette dans la rivière de ce nom, après un cours de 192 kilomètres.
La Corrèze, prend sa source dans le groupe des Monédières, sur le revers du plateau de Millevache, dans l'arrondissement d'Ussel, traverse du N. E. au S. O. le département auquel elle a donné son nom, en baignant Corrèze, Bar, Tulle, Cornil, Malemort, Brive- la-Gaillarde, et se jette dans la Vezère après un cours de 85 kilomètres, pendant lequel elle a reçu les eaux de la Solane, de la Mon- tane qui forme la Cascade de Gimel, et absorbé la Rouane qui sort des montagnes du canton de Beynat.
La Haute-Vézère, prend sa source dans le canton de Lubersac sur les limites de la HauteVienne, arrose Bénayes et Ségur, pénètre dans le département de la Dordogne et se jette dins l'Isle, affluent de la Dordogne, à quelques kilomètres au-dessus de Périgueux, après un cours de 90 kilomètres.
Il existe dans la Corrèze un certain nombre
de petits étangs dont les eaux servent à l'irrigation des prairies.
Climat. — Le voisinage des hautes montagnes du Puy-de-Dôme et du Cantal influe sensiblement sur le climatde la Corrèze; sa température moyenne est inférieure à celle des autres départements situés sous la même latitude, et sujette à de brusques variations; pendant les hivers qui sont souvent très-rigoureux, la neige s'accumule dans les vallées et rend les routes impraticables; les chaleurs de l'été sont fortes, mais elles durent peu; l'automne est signalé par des brouillards intenses qui s'épaississent surtout dans les vallées de la Corrèze. Les vents dominants sont ceux du N. et du S.
Superfice. — Population. — La superficie du département de la Corrèze est de 586 609 hectares, et sa population est de 310 843 habitants, ce qui donne environ 54 habitants par kilomètre carré. Depuis le commencement du siècle, elle s'est accrue de 66 000 âmes.
Les agriculteurs sont en grande majorité dans le département; ils comprennent près des quatre cinquièmes de la population, tandis que le nombre des industriels et des commerçants est à peine de 31 000. Le chiffre des propriétaires est de 66 000 à peu près, et celui des gens sans profession n'est pas de 700.
Toute cette population est laborieuse, dans les villes comme dans les campagnes, économe, car elle n'est pas riche, mais cependant gaie, charitable, probe, affable, communicative. La brusquerie du Corrézien cache un bon naturel et une grande franchise; il est très-attaché à ses idées religieuses, à son foyer domestique; il aime la vie de famille et donne l'exemple de mœurs pures. Le paysan de la Corrèze n'a pas un goût très-prononcé pour l'état militaire, car il est d'un tempérament pacifique, mais à l'occasion, il est brave, il se bat bien, et pendant les guerres d'Italie, les volontaires corréziens se sont distingués par leur courage et leur dévouement. Le fonds du patois de la Corrèze, c'est la langue limousine, un idiome gracieux et naïf dont les tournures rappellent singulièrement les formes du langage catalan.
Agriculture. — Les 586 609 hectares qui forment la superficie du département de la Corrèze se décomposent ainsi : environ 200 000 hectares de terres labourables, 161 000 de pâturages, landes et pâtis, 64 000 de bois, forêts, étangs et terres incultes, 17 000 de vignes, 72 000 de cultures arborescentes, et 73 000 de prairies naturelles.
La Corrèze est un département de moyenne et de petite culture, l'industrie agricole tend à s'y développer de jour en jour, et sa fermeécole desPlaines, établie d ans le canton de Neuvie de l'arrondissement d'Ussel, contribuera à le pousser dans la voie du progrès; mais tant que les marais occuperont 9000 hectares de son territoire, tant que le desséchement ne les aura pas rendus à l'agriculture, le département de la Corrèze ne suffira pas à ses propres besoins.
En effet, les céréales n'y atteignent pas une valeur annuelle de 20 millions de francs : elles sont donc insuffisantes à nourrir la population, et les Corréziens seraient certainement trèséprouvés, si la récolte des pommes de terre et des châtaignes ne suppléait à cette pénurie de grains. C'est dans les portions basses du pays, vers l'O. et le S., que l'orge, le seigle, le maïs, le froment réussissent le mieux; là les châtaigniers et les noyers donnent d'abondants et utiles produits ; là s'étendent les prairies artificielles de luzerne et de sainfoin; là les vignobles produisent des vins assez médiocres, dont les meilleurs sont les vins rouges d'Allassac, de Donzenac et de Sailhac, dans l'arrondissement de Brive. Au milieu des montagnes, au contraire, dans la partie N.-O.
du département, la terre est improductive; à part quelques portions assez pauvrement cultivées où l'on récolte du sarrasin, de l'avoine, des pommes de terre, tout le reste n'est que landes arides, couvertes de stériles bruyères, et que perce partout la charpente de granit du globe.
Les principales forêts de la Corrèze sontcelles de Meilhards dans l'arrondissement de Tulle, la forêt de Turenne dans l'arrondissement de Brive, et les forêts de Soudeille et de Chirac dans l'arrondissement d'Ussel, etc.; elles sont riches en chênes, bouleaux, aulnes, hêtres et peupliers.
Les chevaux sont de race limousine et trèspropres au trait et au labour, mais ils ne sont pas nombreux, 7000 à peine; les ânes, un peu supérieurs en nombre, sont vigoureux et recherchés. Les bêtes à laine sont très-nombreuses, au contraire; on en compte 500 000, et 140 000 bêtes à corne; les bœufs, engraissés dans les pâturages de la montagne, servent à l'alimentation des grandes villes de France. Le petit gibier de poil ou de plume est très-abondant sur tous'les points du territoire, et quant aux animaux nuisibles, ils se réduisent à quelques loups, à des renards, des mulots, des fouines, etc.
Le revenu brut des animaux domestiques est de 10 millions environ, et la valeur totale
de la production agricole dépasse 35 millions de franc.
Mines. — Carrières. — Le département de la Corrèze est assez riche en matières métalliques; son sol renferme du cuivre, de l'antimoine, du plomb argentifère, quelques filons d'étain et de la houille, dont il existe une mine très-fructueuse à Lapleau , dans l'arrondissement de Tulle. Le fer est assez abondant aux environs de Meilhards et de Turenne, et il est généralement disséminé sur un grand nombre de points.
Le granit, le quartz, la pierre amphibolique, la pierre à bâtir, la meulière, le grès, la chaux hydraulique, l'argile se rencontrent fréquemment dans les arrondissements de Tulle et d'Ussel. On exploite une ardoisière au village de Le Saillant, dans la commune de Voutezac de l'arrondissement de Brive. Dans la commune de Saint-Exupéry de l'arrondissement d'Ussel, il existe des sources minérales assez abondantes.
Industrie. — Commerce. — Malgré les richesses minérales du département, les exploitations des gisements y sont peu nombreuses; elles se réduisent à trois minières de fer qui ne rendent annuellement que 48 000 quintaux métriques, et ce minerai est entièrement consommé dans les hauts-fourneaux du territoire ; quatre houillères produisent environ 57 000 quintaux métriques de charbon, mais il est certain que la houille et le fer du sol corrézien suffiraient à alimenter un grand nombre d'établissements métallurgiques, s'ils étaient plus activement exploités.
A l'exception de la fabrique d'armes de Tulle, dont la renommée est européenne et qui est digne de sa célébrité, l'industrie manufacturière est peu développée dans le département de la ( orrèze. Elle ne comprend que quelques filatures, des carderies mécaniques, des papeteries, des verreries, des tanneries, des brasseries, des huileries, des manufactures de gros draps, etc., dont le chiffre d'affaires est en général très-limité.
Les productions du sol forment le principal élément du commerce départemental; ce sont les vins, l'huile de noix, puis l'exportation des bestiaux, des chevaux, des mulets, la vente des armes à feux, des dentelles et des volailles truffées de Brive-la-Gaillarde.
Routes. — Chemins de fer. — Le départetement de la Corrèze est traversé par 5 routes impériales d'une longueur de 366 kilomètres, 9 routes départementales longues de 444 kilo-
mètres, et 1680 chemins vicinaux dont le développement total mesure environ 6800 kilomètres ; les routes impériales rayonnent autour de Tulle, et mettent ce chef-lieu en communication avec les diverses localités du département, Brive, Ussel, Beaulieu, Uzerche, Trei- gnac, Eygurande, etc.
Le département de la Corrèze n'est traversé dans son angle S.-O. que par l'embranchement de Niversac à Montauban qui se rattache à la ligne principale de Paris à Agen du réseau d'Orléans.
Cet embranchement dessert les stations de La Rivière, de Larche, de Brive et de Turenne sur un parcours de 31 kilomètres.
Deux sous-embranchements sont projetés pour desservir le centre et le N.-O. du département: 1° celui de Brive à Tulle ; 2° celui de Brive à Lafarge dans la Haute-Vienne où il se soudera à la ligne principale.
Histoire. — Avant l'invasion romaine, le territoire du Limousin était habité par un peuple chez lequel les vertus guerrières égalaient le dévouement au sol national; les Lemovices, pendant dix années, luttèrent avec le plus grand courage contre l'envahisseur César, et ils restèrent les derniers à combattre en faveur de l'indépendance gauloise. Il fallut la défaite et la mort de Vercingétorix pour amener leur soumission, et ils subirent alors la loi du plus fort.
Le pays fut donc occupé militairement par les armées conquérantes, et sous le règne d'Honorius, il se trouva compris dans la première Aquitaine. Alors, à la domination romaine succéda la domination des Visigoths, puis vint celle des Francs, et enfin au VIIIe siècle, le Limousin fit partie du royaume d'Aquitaine, érigé par Charlemagne en faveur de son fils, Louis-le-Débonnaire.
Lorsque la féodalité triompha par le couronnement de Hugues-Capet, les seigneurs, gouverneurs et comtes des provinces, rêvèrent une indépendance égale à celle du vassal couronné et une position qui valût la sienne. Les comtes d'Aquitaine succédèrent aux comtes de Toulouse et de Poitiers, et s'affranchirent de tout devoir envers l'autorité royale. Cette indépendance féodale dura jusqu'au mariage d'Henri II, roi d'Angleterre avec d'Eléonore de Guienne, qui lui apporta le Limousin en dot. Pendant cette période de la domination anglaise, le territoire fut pillé et ravagé ; sous Philippe de Valois, la résistance prit un caractère national; la bataille de Poitiers donna encore raison aux étrangers, mais pendant le règne de Charles V, Bertrand du Guesclin aidant, les Anglais furent
chassés d'Ussel et de Tulle, et sous Charles VII, ils perdirent leur dernière place forte, le châ- teau de Saint-Exupéry. En 1441, le roi de France passa la fête de Pâques à Tulle, ce cheflieu libre enfin du joug étranger.
Le pays demeura tranquille pendant les règnes de Louis XI, de Charles VIII et de François Ier. Sous Henri II, il fut livré à toutes les fureurs des guerres religieuses; les armées protestantes campèrent dans le Limousin, et ce pays ne recouvra sa tranquillité que sous Henri IV, après que sa mère, Jeanne d'Albret, auquel il appartenait, le lui eut légué par héritage. Depuis cette époque, le Limousin, troublé encore une fois par les guerres de la Fronde, ne fut plus marqué par des événements historiques de haute importance.
En 1790, à l'époque du remaniement général de la France, le Limousin fut subdivisé en deux départements, la Haute-Vienne et la Corrèze, et ce dernier fut formé principalement de l'ancienne province du Bas-Limousin.
Hommes célèbres. — Le département de la Corrèze compte parmi ses hommes remarquables : le pape INNOCENT IV; le savant Etienne BALUZE; le cardinal DUBOIS; CABANIS; MARMONTEL; le conventionnel CHAMBON; les généraux SOUHAM, MARBOT, TREIHARD, D'AMBRUGEAT, etc ; le maréchal BRUNE ; le jurisconsule TREILHARD ; le naturaliste LATREILLE, membre de l'Institut; le critique FELETZ, de l'Acadmie française ; l'avocat SIREY, créateur du Journal des arrêts de la Cour de cassation ; et parmi les contemporains : DELOCHE, auteur de savants travaux historiques.
Divisions administratives. — Le départetement de la Corrèze se compose de trois arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Tulle. 12 cant. 118 comm.
— Brive. 10 — 97 — — Ussel. 7 — 71 — 29 cant. 286 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de la 21e division militaire dont le siège està Limoges.
Dans l'organisation ecclésiastique, il forme un diocèse, suffragant de l'archevêché de Bourges, et dont le siège est à Tulle. Ce diocèse comprend 34 cures, 254 succursales, 69 vicariats rétribués par l'État, un grand séminaire au chef-lieu de département, et 3 petits séminaires à Servières, Brive et Ussel.
La justice est rendue par 3 tribunaux de première instance dans les trois chefs-lieux d'arrondissement, et par les 2 tribunaux de commerce de Tulle et de Brive, qui ressortissent à la Cour impériale de Limoges.
L'instruction publique compte parmi ses établissements 3 colléges communaux à Tulle, Brive et Treignac, une école normale d'instituteurs et un cours normal d'institutrices au chef-lieu du département, et 144 écoles publiques libres. Les deux tiers des jeunes gens appelés à la conscription ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de la Corrèze :
ARRONDISSEMENT DE TULLE.
TULLE (12 606 hab.), préfecture et chef-lieu du département, divisée en 2 cantons, est située au fond d'une étroite vallée, au point de jonction de la Solane et de la Corrèze, et à 480 kilomètres de Paris. La position de cette ville est charmante au milieu de sa ceinture de vertes collines couronnées de beaux arbres. Si la ville est petite, si ses rues sont mal percées, elle rachète ces inconvénients par de belles promenades tracées sur les bords de la rivière ; sa cathédrale, une ancienne église abbatiale d'un couvent de Bénédictins, est classée parmi les monuments historiques ; c'est un édifice de style hybride, où le roman et le gothique s'allient assez heureusement; son clocher, terminé par une flèche très-hardie, est admiré à juste titre par les archéologues. Près du cimetière situé sur un mamelon qui domine la ville, s'élève une vieille tour carrée dont la construction est attribuée aux Romains. Sur la place principale de Tulle, les archéologues peuvent admirer la Maison-Sage, un édifice gothique du XVIe siècle parfaitement conservé, dont la façade est bro- dée d'arabesques et enrichie de sculptures fantaisistes du meilleur goût.
Le principal établissement industriel de Tulle, c'est sa magnifique fabrique d'armes à feux qui occupe 500 ouvriers. Son commerce consiste en huiles de noix, en fer, en gibier, en chevaux, en pelleteries, etc. Il est bon d'ajouter ici que, contrairement à une opinion généralement répandue, les tissus qui portent le nom de Tulle n'ont jamais été confectionnés dans la ville ni dans l'arrondissement.
Les antiquaires sont en désaccord sur l'origine de Tulle : si son nom vient de Tutela, elle remonte à l'époque de la domination romaine, pendant laquelle les conquérants auraient protégé leur position sur ce point par un fort avancé; mais il paraît plus probable que Tulle s'est formée autour d'un monastère du XIVe siècle, érigé plus tard en évêché par le pape Jean XXIII ; après quoi elle devint la capitale du Bas-Limousin.
Argentat (3349 hab.), chef-lieu de canton, est
situé sur la rive droite de la Dordogne que traverse un pont suspendu construit aux frais de la famille de Noailles. Cette petite ville fait un assez grand commerce de bois, de blés, et de houille qu'elle expédie sur Bordeaux. Elle dépendait autrefois de la vicomté de Turenne, et dut se fortifier pendant les guerres de la réforme.
Treignac (3155 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche de la Vezère, non loin de la montagne des Monédières; cette petite ville possède une succursale de la manufacture d'armes de Tulle, et fait un assez grand commerce de bestiaux, de châtaignes et particulièrement de truites excellentes pêchées dans les petits affluents de la Vezère. La magnifique cascade qui porte le nom de Saut de la Virolle, se rencontre à 4 kilomètres de Treignac, et elle est formée par les eaux fougueuses de la Vézère, qui se précipitent d'une hauteur de cent pieds dans un profond entonnoir dont les flancs sont faits d'abrupts rochers d'un aspect très-sauvage.
Uzerche (3221 hab.) , chef-lieu de canton, est située dans une presqu'île qu'entourent les eaux de la Vezère, sur la route de Limoges à Tulle; cette vieille ville, fortifiée, dit-on, par Pépin-le-Bref, fut souvent prise et assiégée, mais elle eut la gloire de résister aux Anglais, qui, pendant leur invasion en France, ne purent jamais s'en emparer. Son église, une ancienne collégiale de Saint-Pierre, classée parmi les monuments historiques, possède deux précieux reliquaires du temps de Charlemagne.
Uzerche, autrefois le siège d'une sénéchaussée, est maintenant une localité assez commerçante, et il s'y tient des foires très-suivies pour la vente des chevaux.
Corrèze (1676 hab.), chef-lieu de canton située sur la rivière de ce nom, fait une active exportation de beurre, de fromages et de vers à soie; son territoire produit du seigle, du sarrasin et des châtaignes.
Seilhac (1848 hab.), chef-lieu de canton, est bâti non loin de l'ancien château-fort de Pissevache, auprès d'un lac artificiel d'une grande étendue.
Égletons (1616 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville où se tiennent des foires nombreuses, et dont le territoire produit surtout du seigle et du sarrasin.
Lapleau (1056 hab.), est un chef-lieu de canton, où l'on exploite une mine de houille d'un bon rendement.
Laroche -Canillac (542 hab.), chef-lieu de canton, est située sur la rivière de la Doustre, et possède de remarquables ruines du château Canillac.
Mercœur (840 hab.), chef-lieu de canton, a des mines de plomb non exploitées, et quelques carrières de granit.
Saint-Privat (1109 hab.), chef-lieu de canton, fait un grand commerce de gibier et particulièrement de bécasses, grâce à un vaste étang et une forêt considérable qui se trouvent sur son territoire.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Servières (1293 hab.), dont le petit séminaire occupe les bâtiments de l'ancien château de Turenne ; Chamboulive (3011 hab.), qui traite d'importantes affaires de bestiaux et de grains; Sainte-Fortunade (2108 hab.), où se trouve le dolmen de Clair-Fage; Soursac (2204 hab.), près de la forêt de Frétigne, et qui fait le commerce de merrain; Chamberet (2864 hab.), et ses vestiges gallo-romains; Le Lonzac (2414 hab.), avec la tour penchée de son église; Gimel (983 hab.), célèbre par sa cascade de la Montane, qui a une hauteur totale de 133 mè- tres, et dont la chute est formée de cinq cascades principales d'un très-bel aspect; Naves (2358 hab.) où il existe de belles ruines romaines nommées les Arènes-de-Tintignac, qui ont dû former autrefois un amphithéâtre long de 192 pieds, large de 144, et dont il ne reste plus que cinq parallélogrammes construits en maçonnerie.
ARRONDISSEMENT DE BRIVE.
BRIVE-LA-GAILLARDE (10 389 hab.), souspréfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est située dans un vallon de la Corrèze et sur les bords de cette rivière, à 33 kilomètres de Tulle.
Longtemps cette ville a disputé au chef-lieu du département le titre de capitale du Bas-Limousin. C'est une jolie localité, entourée de boulevards plantés d'ormes magnifiques; son église de Saint-Martin, une ancienne collégiale du XIII° siècle, est fort élégante. Brive possède encore de vieilles maisons gothiques conservées avec un soin tout particulier; sur une de ses places s'élève la statue du maréchal Brune, l'un de ses plus illustres enfants.
Les légumes, les fruits, les vins, le maïs, le froment, sont les productions principales du canton ; il se fait à Brive une exploitation considérable de meules et d'ardoises, et un commerce actif de bestiaux, de volailles et de conserves alimentaires.
Brive est une ville d'origine ancienne, où se fit le couronnement de fils de Clotaire Ier; puis elle fut jusqu'à la Révolution le siége d'un présidial.
Beaulieu (2571 hab.), chef-lieu de canton, situé sur les bords de la Dordogne, possède une église dont le portail est d'un style très-re-
marquable, et qui est classée parmi les monuments historiques. Lubersac (3826 hab.), chef-lieu de canton, bâti sur le sommet d'une colline, est l'entrepôt des fruits du Bas-Limousin, et fait le commerce des bestiaux et du gibier.
Meyssac (2590 hab.), chef-lieu de canton, exporte principalement des vins, et de l'huile de noix; son territoire, assez fertile, produit du blé et du vin.
Ayen (1333 hab.), chef-lieu de canton, dont le territoire contient du minerai de fer, a conservé des ruines intéressantes de la commanderie du temple d'Ayen.
Beynat (2026 hab.), chef-lieu de canton, fait le commerce des bestiaux et fabrique des ouvrages de paille.
Donzenac (3354 hab.), chef-lieu de canton, est renommé pour ses vins et exploite des carrières d'ardoises.
Juillac (2834 hab.), chef-lieu de canton, où se trouvent les ruines du château de ce nom, exporte des vins et des bestiaux.
Larche (910 hab.) est un chef-lieu de canton dont le principal établissement industriel est une papeterie ; on y fait le commerce des bestiaux et des volailles.
Vigeois (2517 hab.), chef-lieu de canton, est une petite localité assez industrieuse, où l'on fabrique du charbon de bois, et qui fait un grand commerce de bestiaux.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Sérillac (1903 hab.) ; Sainte-Feréole (2690 hab.) avec des prairies et des bois; Vou- tezac (2514 hab.) qui possède des houillères et des carrières d'ardoises; Allassac (4047 hab.), qui fabrique des vins estimés; Ussac (1992 hab.) où l'on voit les ruines du château de Lentillac; Arnac-Pompadour (1338 hab.) où se trouve un haras, l'un des plus importants de France, et dont l'église est classée parmi les monuments historiques ; Montgibaud (449 hab.), près des vestiges d'une ancienne cité gauloise; Ségur 1022 hab.), qui possède une chapelle remarquable, classée parmi les monuments historiques ; Turenne (1987 hab.) avec les vastes ruines historiques d'un château, berceau de la famille illustre des Turennes; Noailles (667 hab.), petit bourg d'où la famille de ce nom est originaire, et qui fut érigé en duché-pairie par Louis XIV.
ARRONDISSEMENT D'USSEL.
USSEL (4029 hab.), sous-préfecture et cheflieu de canton, est situé sur un coteau entre les rivières de la Sarsonne et de la Diege, à 61 kilomètres de Tulle ; son église est classée parmi les monuments historiques; on peut encore y
admirer quelques vieilles maisons gothiques, flanquées de tourelles. Cette petite ville semble avoir été bâtie sur l'emplacement d'un camp romain dont on a retrouvé d'intéressants vestiges.
Ussel fait un assez grand commerce de bestiaux, mais son sol est pauvre, les roches granitiques le percent de toutes parts, et son altitude moyenne est de 640 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Ussel, autrefois le chef-lieu du duché de Ventadour, et successivement érigé en comté et en duché-pairie, fut éprouvé trois fois pendant les XIVe et xve siècles par d'épouvantables incendies.
Bort (2712 hab.), chef-lieu de canton, situé sur les bords de la Dordogne, attire les touristes par sa célèbre Montagne-des-Orgues, de formation basaltique, et sa cascade appelée le Saut-de-la-Sole, qui se précipite dans un pittoresque lit de rochers. Bort est l'entrepôt du Cantal et de la Corrèze pour le commerce des grains, chevaux, bœufs, etc.
Meymac (3716 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans une agréable vallée sur les bords de la Luzège; sa belle église, remarquable surtout par les fines sculptures de ses chapiteaux, compte parmi les monuments historiques.
Cette petite ville n'a conservé de ses anciennes fortifications que sa vieille tour de l'Horloge.
On y fabrique des articles de laine, et on y fait le commerce des moutons et des bœufs.
Bugeat (905 hab.), chef-lieu de canton, situé près de la Vezère, possède d'intéressantes ruines gallo-romaines.
Eygurande (1000 hab.), chef-lieu de canton, fait principalement le commerce des moutons, et il s'y tient des foires très-suivies.
Neuvic (3425 hab.), chef-lieu de canton, a conservé une magnifique église qui fut autrefois la collégiale de l'abbaye de Saint-Projet, et des restes très-curieux des châteaux de Chambon et de Penacort. On fabrique dans cette petite localité de la poterie commune.
Sornac (1678 hab)., chef-lieu de canton, est cité pour les magnifiques ruines du château de Rochefort, situées près de la forêt de Confolens.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Saint-Angel (1520 hab.), dont l'église romane a été classée parmi les monuments historiques, et qui possède les ruines d'une abbaye de Bénédictins, autrefois fortifiée; Tarnac (1880 hab.) avec les restes du château de ce nom; Lamazière-Basse (1739 hab.), où se trouvent les ruines du château de Roussille; Peyrelevade (1829 hab.), avec ses curieux dolmens ; La Margeride (623 hab.), où l'on admire les ruines très-pittoresques d'un ancien couvent.
Vue générale d'Ajaccio.
CORSE.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— La Corse, la plus grande île de la Méditerranée, après la Sardaigne et la Sicile, est située par la longitude de Gênes et la latitude de Rome, à 180 kilomètres des côtes de la France, à 75 kilomètres des côtes de l'Italie, et à 18 kilomètres de la Sardaigne dont elle n'est séparée que par le détroit de Bonifacio. Ses limites sont : au N. le golfe de Gênes; à l'E. la mer de Toscane ; au S., le
détroit de Bonifacio; à l'O., la mer Méditerranée.
L'aspect de l'île de Corse est très-varié. Son sol, presque entièrement granitique, appartient en grande partie aux terrains primitifs. Ses côtes sont capricieusement découpées en caps, en promontoires, en golfes, en rades, et en ports; elles sontbasses, et souvent marécageu- ses sur la bande orientale, où elles paraissent avoir été formées par des alluvions; sur la
bande occidentale, au contraire, elles se relèvent abruptement et sont hérissées de roches escarpées. Un peu en arrière des côtes, l'île est entourée de collines qui lui font une verdoyante ceinture.
Ces collines, d'abord simples monticules, composent les premiers gradins qui montent vers la chaîne centrale; leurs pentes sont plantées d'oliviers, de citronniers, d'orangers, de lauriers, qui dans une zone un peu plus élevée font place à des châtaigniers plusieurs fois séculaires, puis de riches pâturages, et au-dessus, d'épaisses forêts de sapins, de chênes, de pins-larix, entrecoupées de vallées profondes, fertiles, sauvages, au fond desquelles mugissent les torrents, et où se multiplient le myrte, le ciste, l'arbousier, les arbustes aromatiques, le lentisque, le genet d'Espagne; enfin ces vallées qui se rétrécissent en s'enfonçant dans la chaîne centrale, se ferment brusquement ou finissent en cols étroits qui livrent à peine un passage. Alors se dresse la montagne abrupte, avec ses sommets dénudés et ses pics sourcilleux, blancs d'une neige éternelle.
Orographie. — Le système orographique de la Corse forme une charpente granitique qui suit presque régulièrement la courbure naturelle de l'île. Cette chaîne commence à s'élever sur l'étroite langue de terre qui forme au N.
une partie de l'arrondissement de Bastia; elle se courbe ensuite vers l'O., redescend par un mouvement ondulé vers l'E., en séparant les arrondissements de Calvi et d'Ajaccio de celui de Corte, puis, envahissant l'arrondissement de Sartène, elle vient mourir à l'O. de Porto-Vecchio, dans la portion inférieure de l'île. La Corse se trouve donc partagée en deux versants, l'un occidental et l'autre oriental, si l'on considère la ligne tracée par la grande chaîne ; de là partent des chaînons secondaires qui forment de grandes vallées presque parallèles et opèrent le partage des eaux alimentées par les sources des hauts sommets de l'île.
Les points culminants de cette chaîne, coupée en plusieurs endroits par des cols, sont au centre de l'île, le Monte-Rotondo, touj ours couvert de neige, et dont la hauteur est de 2672 mètres; au N. de ce mont, sur la limite de l'arrondissement de Calvi, se dresse le Monte- Cinto à une élévation de 2519 mètres, et au S. le Monte-d'Oro, dont l'altitude est de 2649 mètres.
On peut citer ensuite des pics de moindre importance tels que le Cardo, le Padro, le Trau- nato, le San-Piedro, le Renosa, l'Allicione, etc., dont l'élévation est comprise entre 2500 et 1100 mè-
tres, et qui élèvent dans les airs leurs sommets grisâtres.
Hydrographie. — La Corse est arrosée par une vingtaine de petits fleuves, de rivières, de torrents et de ruisseaux, et d'après sa disposition orographique, elle jette les plus importants vers la côte orientale.
Les principaux cours d'eau qui coulent vers l'Est sont : 1° le Golo, qui prend sa source dans le lac d'Ino, au pied du Monte-Cinto, traverse l'angle N. de l'arrondissement de Corte, où il baigne Calacuccia, et va, à travers la partie S.
de l'arrondissement de Bastia, se jeter dans la mer près des ruines de Mariana, après avoir absorbé dans un cours de 52 kilomètres l'Asco et le Tartagine; 2° le Tavignano, le fleuve le plus important de la Corse qui naît dans le lac de Nino, situé entre les deux plus grands pics de la chaîne centrale, baigne Corte et se jette dans la Méditerranée près des ruines d'Aleria, après s'être grossi du torrent de Creno, de la Restonica, et du Fiumolto; 3° le Tagnone, mince cours d'eau qui se perd dans l'étang de Sale; 4° le Fiumorbo et le Travo, petits fleuves qui se jettent dans la mer après avoir arrosé l'angle inférieur de l'arrondissement de Corte et absorbé de nombreux ruisseaux; 5° la Solenzara, qui finit à la petite commune du même nom, après avoir un instant formé la limite de l'arrondissement de Sartene; 6° la Sainte-Lucie, rivière peu importante, et l'Oso, qui se jette dans le golfe de Porto-Vecchio.
Les principaux cours d'eau qui courent à la Méditerranée par les pentes du N. O., de l'O et du S. O. sont : 1° l'Alisa, le Santo, le Zente, l'Ostriconi, le Seco, le Fango, petits fleuves qui arrosent la partie O. de l'arrondissement de Bastia et toute la côte de l'arrondissement de Calvi; 2° le Porto, qui descend du Col-deYergio, non loin de la forêt d'Aitone, et après un cours peu considérable se jette dans le golfe qui porte son nom sur la limite de l'arrondissement d'Ajaccio; 3° la Sagona, qui va former le petit port de ce nom dans le canton de Vico; 4° le Liamone, qui se précipite du Monte-Rotondo, passe non loin des bains sulfureux de Guagno et de Vico, et se perd dans le golfe de Sagone, après un cours de 40 kilomètres, pendant lequel il absorbe le torrent de l'Azzane; 5° la Gravone, qui prend sa source dans le Monte-d'Oro, au pied de la grande chaîne centrale, traverse tout l'arrondissement d'Ajaccio et se perd dans le golfe de ce nom; 6° le Prunelli, qui descend aussi de la grande chaîne centrale, arrose Bastelica, et se jette dans le golfe d'Ajaccio au-dessous des bouches de la Gravone; 7° le Taravo, petit fleuve long de 55 kilomètres, qui forme presque en-
tièrement la limite de l'arrondissement de Sartène, et coule depuis la chaîne centrale jusqu'au golfe de Valinco, après avoir passé au N. de Zicavo dans l'arrondissement d'Ajaccio; 8° la Tavaria, qui descend des montagnes centrales, baigne dans un cours de 50 kilomètres, la vallée la plus importante de l'arrondissement de Sartène, et y absorbe de nombreuses petites rivières; 9° le Mortara, la Morta, l'Acquella, l'Ortolo, le Fornello, l'Arboritello, etc., minces cours d'eau qui arrosent toute la côte S. O. de l'île, depuis la pointe d'Eccica jusqu'à Bonifacio dans la partie inférieure de l'arrondissement de Sartène.
La Corse renferme plusieurs lacs situés dans la chaîne centrale, célèbres par leurs légendes.
Les plus remarquables sont le lac di Creno, qui donne naissance au Tavignano et au Liamone, et dont on n'a pu mesurer la profondeur, et le lac d'Ino, vaste entonnoir dans lequel le Golo prend sa source
Climat. — Le climat de la Corse peut être divisé en trois zones. Comme le Mexique, cette île a ses terres chaudes, ses terres tempérées et ses terres froides, suivant leur hauteur au-dessus du niveau de la mer. La première zone comprend les côtes et les échelons inférieurs des montagnes jusqu'à une altitude de 600 mètres; là, le printemps et l'été, se succédant éternellement comme dans les régions parallèles de l'Italie ou de l'Espagne, font de cette ceinture maritime de l'île un pays enchanteur et d'une salubrité parfaite.
De 600 à 1800 mètres se découpe la seconde zone, où les quatre saisons se suivent à peu près, comme dans les parties tempérées de la France; enfin, depuis 1800 mètres jusqu'au sommet des montagnes, c'est la zone des tempêtes, des froids, des neiges perpétuelles ainsi que dans les brumeuses régions de l'Europe septentrionale.
Superficie. — Population. — La Corse mesure 183 kilomètres dans sa plus grande longueur et 84 kilomètres dans sa plus grande largeur. Sa superficie est de 874 745 hectares, à peu près la superficie du département de l'Aveyron ou de la Côte-d'Or; l'île fait donc partie des 6 plus grands départements de la France. Sa population compte 259 861 habitants, ce qui donne plus de 27 habitants par kilomètre carré. L'accroissement de cette population a été de 90 000 habitants à peu près depuis le commencement du siècle.
Les Corses, isolés dans leur île, et d'ailleurs peu soucieux d'en sortir, ont conservé en grande partie leurs mœurs primitives; ils sont
restés superstitieux, mais sobres, hospitaliers, dédaigneux d'un confortable que la plupart d'entre eux ne soupçonnent même pas; leur pauvreté est prudente, et ils ne s'accomoderaient pas de risques à courir pour accroître le peu qu'ils possèdent. Ces particularités s'appliquent surtout à l'habitant des montagnes, qui est paresseux de nature, mais vindicatif à l'excès. On peut compter sur le dévouement, la fidélité, la générosité d'un Corse, sur sa reconnaissance, quand on l'a obligé; mais, que l'on se garde bien de l'offenser et de toucher surtout à l'honneur de sa famille, car le christianisme n'a pas encore fait germer dans son cœur cette rare et difficile vertu, l'oubli des injures. Cependant, la vendetta, si vivace autrefois, qui a causé tant de meurtres, et dont l'accomplissement se transmettait de père en fils, diminue aux frottements de la civilisation, et l'administration emploie tous ses efforts pour détruire ces sanguinaires coutumes si invétérées au cœur de ces insulaires.
Agriculture. — Le domaine agricole du dé- partement de la Corse comprend 127000 hectares de terres labourables, 1600 de prairies naturelles, 13600 de vignes, et 41000 de cultures arborescentes. Les pâturages, les bruyères, les landes, les pâtis, occupent 251000 hectares, et les bois, les forêts, les étangs, les terres incultes, plus de 440 000, c'est-à-dire la moitié de l'île.
Les agriculteurs de la Corse sont au nombre de 169 000 environ contre 52000 industriels ou commerçants ; mais si le sol est productif, l'agriculture est fort arriérée.
Cependant, les céréales récoltées dans le département suffisent à la consommation des habitants; la Corse, bien cultivée, nourrirait aisément un million d'habitants; dans les plaines arrosées par le Fiumorbo et le Taravo, le blé se multiplie au vingtuple, le maïs au centuple; la valeur des céréales est arrivée à 16 millions de francs annuellement. Les autres cultures, les légumes, les pommes de terre, etc., atteignent une valeur de 13 millions de francs.
Entre tous les arbres, châtaigniers, cédratiers, orangers, citronniers, amandiers, jujubiers, mûriers, pommiers, poiriers, noyers, etc., c'est l'olivier qui tient le premier rang; il est cultivé sur une grande échelle ; il couvre une superficie de plus de 10 000 hectares, et produit 40 000 hectolitres d'huile pour une valeur de 4 millions de francs.
L'élève du bétail est assez négligée en Corse; le revenu brut des animaux domestiques ne s'élève pas à 8 millions de francs; on compte dans le département 15 000 chevaux dont les plus estimés se trouvent dans la partie
méridionale de l'île, 17 000 ânes et mulets, 70 000 bêtes à cornes, 367 000 bêtes à laine, 160 000 boucs, chèvres ou chevreaux, 97 000 porcs.
La valeur totale de la production agricole est de 30 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Le département de la Corse renferme de grandes richesses minérales, et la nature s'est montrée prodigue de ses trésors envers cette île privilégiée ; il existe des mines de fer à Olmeto, à Farinole, à Venzolasca, à Ota; une mine de plomb dans le canton de Saint-Florent; du plomb argentifère à Calenzana et à la Calacuccia; une mine d'antimoine sulfuré à Ersa; du cuivre à Castifao, et des mines de houille sur divers points des trois arrondissements de Bastia, de Corte, et d'Ajaccio.
Les carrières de granit d'Algajola et de Vico, celles de porphyre de Tallano, les jaspes du Niolo, le marbre blanc qui rivalise avec celui de Carrare, les marbres gris de la Restonica, l'albâtre blanc du golfe de Girolata, etc., complètent cette riche nomenclature.
Quant aux sources minérales, froides ou chaudes, elles sont nombreuses en Corse; les principales sont celles de Guagno dans le canton de Soccia, où l'État a établi un hôpital pour les militaires blessés, les eaux d'Orezza dans l'E. de l'île, qui valent celles de Spa pour les affections nerveuses, les sources riches en acide sulfhydrique d'Aleria, les eaux bicarbonatées de Caldaniccia, enfin celles de Pietrapola, près du Fiumorbo, qui sont efficaces contre les maladies des organes digestifs.
Industrie. — Commerce. — L'industrie du département de la Corse est peut-être plus avancée qu'on ne le supposerait à voir cette île encore soumise aux coutumes et aux préjugés du vieux temps. La fabrication de la fonte au charbon de bois y a pris un certain développement. On y exploite les mines de fer d'Olmeto et de Farinole, une mine d'antimoine sulfuré, des carrières de porphyre, de granit, de jaspe, de marbres blancs, d'albâtre, de marbres gris. Les forges à la Catalane, les fabriques de pâtes alimentaires, les salines, surtout au fond du golfe de Porto-Vecchio, les tanneries, les minoteries, les huileries, les goudronneries d'Asco, les fromageries de Coscione et de Venaco, etc., occupent une notable partie de la population, et le nombre des artisans y est plus grand, proportion gardée, que dans certains départements de la France. Les femmes confectionnent dans les campagnes un gros drap commun, nommé drap Corse, dont les meilleu-
res fabriques se trouvent à Vico, à Corte et à Serco.
Le commerce de l'île importe des marchandises pour 20 millions de francs par année et il en exporte pour 8 millions seulement; les 19 petits ports qui échancrent la côte, servent ce mouvement commercial, et leur marine marchande compte environ 370 à 400 navires dont le tonnage peut être estimé à 10 000 tonnes. Les principaux éléments du commerce sont les vins, les huiles, les châtaignes, les oranges, les citrons, le corail brut qui s'exploite surtout sur la côte occidentale, les poissons salés, les lichens tinctoriaux, les peaux, etc. Les pêcheurs d'Ajaccio, de Bonifacio, de Bastia et du cap Corse se livrent à la pêche des anchois, des sardines et du thon.
Routes.— Canaux. — Chemin de fer.— Les voies de communication du département de la Corse comprennent : 10 routes impériales d'une longueur de 182 kilomètres, parmi lesquelles on peut citer la route d'Ajaccio à Bastia qui traverse l'île diagonalement, celle d'Ajaccio à Calvi, celle de Bonifacio à Bastia par Porto-Vecchio, 3 routes départementales dont le développement ne dépasse pas 43 kilomètres, 73 routes forestières longues de 506 kilomètres, et 1808 chemins vicinaux d'une longueur de près de 5000 kilomètres.
Il existe un canal de dérivation de la Gravone qui, lorsqu'il aura été prolongé jusqu'à Ajaccio, alimentera les fontaines de la ville, et un canal d'irrigation de la Casinca.
Le département de la Corse ne possède pas encore de voies ferrées ; un chemin de fer, qui n'existe qu'à l'état de projet, est celui de Saint-Florent à Porto-Vecchio, et desservira toute la côte orientale de l'île.
Histoire. — Les temps historiques commencent pour la Corse dès la plus haute antiquité.
Si cette île fut d'abord habitée par des Phéniciens ou par des Toscans, c'est un point qui ne saurait être absolument établi. Il paraît hors de doute, cependant, que la ville d'Aleria citée par Hérodote, doit son origine à une colonie phénicienne, que complétèrent des Phocéens, et que ces derniers furent définitivement chassés par les Étrusques qui fondèrent la ville de Nicoa.
Vers la fin du ve siècle apparurent les Romains, Cornelius Scipion à leur tête; ils s'emparèrent d'Aleria; pendant un siècle, les habitants de la Corse luttèrent courageusement pour conserver leur indépendance, mais ils succombèrent dans la lutte, et Marius et Sylla y formèrent des colonies romaines. Sous Jules
César, la Corse perdit même l'autonomie qu'elle avait conservée, mais elle eut jusqu'à 33 villes, selon Pline, et dont 27 ont été mentionnées par Strabon; puis vint le BasEmpire et la décadence du royaume d'occident; en 457, la Corse tomba entre les mains de Genséric, et fut décimée par la barbarie des Vandales, malheureuse et sanglante période pour ses habitants, qui subirent des jougs divers, et qui, délivrés enfin des Sarrasins et des Grecs, finirent par respirer quelque peu sous la domination des Francs.
Pépin et Charlemagne firent donation à Rome et à l'Église de cette île si cruellement éprouvée jusqu'alors; mais sa tranquillité n'était pas encore assurée; Rome la céda aux Pisans, et elle fut de nouveau en proie aux troubles et aux incertitudes politiques jusqu'en 1347, époque à laquelle elle passa entre les mains des Génois. Mais les Corses, excités par la cruauté des agents de cette république, se révoltèrent et appelèrent les Français à leur secours. Henri II répondit à leur appel, et en 1547, l'île devint française. Deux ans après, il est vrai, François II retira ses troupes, et les Génois reprirent leur système de terreur.
Nouvelles luttes qui firent couler des flots de sang, après bien des alternatives, pendant lesquelles la France, sous Louis XV, fut appelée à jouer le rôle de médiatrice entre les deux parties, et envoya des troupes dans l'île; malheureusement, elle se prononça pour les Génois; les Corses attaquèrent les Français, les vainquirent momentanément, furent vaincus et soumis à leur tour, et la Corse subit la domination française jusqu'en 1741 ; à cette époque, Louis XV rappela ses soldats, et l'île retomba encore une fois sous la domination génoise, aussi entêtée qu'injuste.
Alors apparut un homme héroïque, un Corse, Pascal Paoli, qui résolut de consacrer sa vie entière à son pays; il organisa le gouvernement de l'île, et, détail à noter, il eut pour secrétaire Charles Bonaparte qui épousa Lætitia Ramolino et fut le père de Napoléon.
Paoli lutta longuement, courageusement. L'Europe entière fit des vœux pour ce grand citoyen qui travaillait à la délivrance de sa patrie. Gênes se sentit abandonnée peu à peu; se voyant près de succomber et sur le point d'être attaquée elle-même, en 1768, elle céda ses droits à la France qui soumit encore une fois le pays tout entier. Paoli, après de vains efforts et une sanglante résistance dut abandonner son île et se réfugier en Angleterre. Là, profitant de la Terreur, il entraîna les Anglais à la conquête de l'île, mais ceux-ci en furent chassés par les armées de la république victorieuses en Italie,
et depuis cette époque, la Corse compte au nombre des départements Français.
Hommes célèbres. — Le département de la Corse compte parmi ses personnages célèbres : PASCAL PAOLI, le représentant de son indépendance au XVIIIe siècle; Madame LÆTITIA RAMOLINO; JOSEPH BONAPARTE, roi de Naples et d'Espagne; LUCIEN BONAPARTE; l'empereur NAPOLÉON Ier; Louis BONAPARTE, roi de Hollande; JÉROME BONAPARTE, roi de Westphalie; les généraux ARRIGHI, CASABIANCA, CERVONI, ORSANO, SÉBASTIANI; le diplomate POZZO DI BORGO; et parmi les contemporains : l'administrateur PIÉTRI; VIVIER, le célèbre instrumentiste.
Divisions administratives. — Le département de la Corse est divisé en cinq arrondisse- ments qui se subdivisent ainsi :
Arrond.d'Ajacdo. 12 cant. 79 comm.
— deSartène. 8 — 46 — — de Bastia. 20 — 93 — — de Calvi. 6 — 35 — — de Corte. 16 — 109 — 62 cant. 362 comm.
Il forme la 17e division militaire dontle siège est à Bastia, et possède plusieurs places de guerre, telles qu'Ajaccio, Bastia, Calvi, Rogliano, Saint-Florent, Corte, Sartène.
Dans l'administration religieuse, il forme un diocèse, dont le siège est à Ajaccio. Ce diocèse comprend 66 cures, 290 succursales, 100 vicariats rétribués par l'État, un grand séminaire à Ajaccio.
Les 5 tribunaux de première instance d'Ajaccio, de Bastia, de Corte, de Calvi, de Sartène, les 2 tribunaux de commerce d'Ajaccio et de Bastia y rendent la justice et ressortissent à la Cour impériale de Bastia.
L'instruction publique qui relève de l'Académie d'Aix comprend les 4 colléges communaux d'Ajaccio, de Sartène, de Corte, de Calvi, une école normale d'instituteur et d'institu-
trices, et 481 écoles publiques libres. La moitié des jeunes gens appelés à la conscription sait lire et écrire.
Description des villes.—Voici lesprincipales localités de la Corse :
ARRONDISSEMENT D'AJACCIO.
AJACCIO (14 558 hab.), préfecture et chef-lieu du département, est situé à 1089 kilomètres de Paris, au fond d'un golfe admirable d'un développement de plus de 50 kilomètres, tout accidenté d'anses, de pointes, de caps, et au
pied d'une colline sur laquelle cette ville charmante se dispose en amphithéâtre.
Ajaccio compte peu de monuments remarquables; sauf la cathédrale bâtie dans le goût italien du XVIe siècle par le pape Grégoire XIII, et une citadelle construite à l'entrée de la ville par le maréchal de Thermes en 1554, il ne faut rechercher les splendeurs de la ville que dans ses beautés naturelles, dans son site merveilleux, dans les environs pittoresques, dans les produits de son climat.
Le port d'Ajaccio est éclairé par deux feux fixes; il est profond et sûr; des flottes entières pourraienty trouver un refuge ; son mouvement commercial est représenté par 225 navires environ, à l'entrée et à la sortie, jaugeant 27000 tonneaux.
Les éléments du commerce d'Ajaccio sont les peaux de chevreaux et d'agneaux, les cuirs, les bois de construction, les grains, les châtaignes, etc.; son territoire produit du blé, du vin, des olives, des citrons, des oranges, etc., et son industrie comprend la fabrication des cigares et des pâtes d'Italie, la construction des navires, la pêche du corail, etc.; on ycultive aussi la cochenille du Mexique sur les figuiers de l'Inde qui poussent là comme chez eux.
S'il faut en croire les vieux chroniqueurs, Ajaccio, l'ancien Adjacium, aurait été fondé par Ajax, le héros d'Homère; mais cette fantaisie archéologique estpeu admise, et il est plus sage d'avouer son ignorance au sujet de l'origine de
cette ville. Elle est ancienne, certainement, et elle n'a été déclarée capitale de l'île qu'à partir du moment où la Corse est devenue française, titre que perdit Bastia, sa rivale préférée au temps de la domination génoise.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Vico (2091 hab.), qui produit du blé, du vin, des fourrages, des châtaignes et des fruits, Bastelica (2842 hab.), Bocognano (1334 hab.), près de Vizzavona, où la route d'Ajaccio à Bastia atteint son maximum de hauteur, Evisa (761 hab.), petit port à 72 kilomètres d'Ajaccio, Salice (380 hab.), Piana (1252 hab.), Santa-Ma- ria-Siché (607 hab.), près des ruines du château de Sampiero, Sari-d'Orcino (1010 hab.), Sarrola-Carcopino (949 hab.), Soccia (766 hab.), renommé pour ses fromages de brebis et de chèvres, et Zicavo (1443 hab.).
ARRONDISSEMENT DE BASTIA.
BASTIA (21535 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, divisé en deux cantons, est situé sur le littoral N.-E. de l'île et sur la mer de Toscane, à 152 kilomètres d'Ajaccio. C'est la plus importante ville de la Corse par son commerce, son industrie et
sa population; elle ne possède aucun monument remarquable; son aspect est tout italien, ses rues sont étroites et pavées de larges dalles, et sa vue splendide s'étend sur la mer jusqu'aux îles de Caprera, d'Elbe et de Monte-Christo.
Le territoire de Bastia produit en abondance des olives, des citrons, des cédrats; les légumes, le blé, les fourrages y prospèrent; il est de nature crétacée et renferme du minerai d'antimoine. Les principaux établissements industriels de cette ville sont des fonderies de fonte, des forges, des tanneries, des moulins à huile, des chantiers de construction, etc.
Le port de Bastia, éclairé par un feu fixe de 4e ordre, ne vaut pas celui d'Ajaccio, ni comme sûreté ni comme profondeur; son mouvement commercial est représenté par 1000 navires environ et 1000 caboteurs entrant ou sortant, qui jaugent à peu près 120000 tonnes.
Bastia ne date que du XIVe siècle, et c'est en 1383, que fut élevé le donjon qui aujourd'hui domine et défend le port. Pendant 14 ans, de 1797 à 1811, la Corse forma deux départements, et Bastia fut le chef-lieu du Golo; mais à la réunion des deux départements en un seul, elle perdit cette qualité qui fut définitivement acquise à Ajaccio.
Les autres chefs-lieux de canton sont Cervione (1373 hab.), situé à l'extrémité S. de
l'arrondissement de Bastia, et dont l'église de Sainte-Christine, de construction sarrazine, est classée parmi les monuments historiques, Borgo (717 hab.), Brando (1762 hab.), au bord de la mer, où se voient de vastes galeries souterraines creusées par la nature et ornées de stalactites qui ont l'apparence de l'albâtre, Luri (2011 hab.), près de la montagne de Ventiggiole qui porte sur un de ses pics la Tour de Sénèque, monument historique, qu'en dépit de la tradition, le philosophe romain n'a jamais habitée pendant son exil en Corse, Murato (1029 hab.), où se trouvent des églises construites par les Pisans, entre autres celle de Saint-Michel, rangée parmi les monuments historiques, et que M. Mérimée regarde comme la plus remarquable de toute la Corse, Porta (729 hab.), qui possède des eaux minérales froides, carbonatées et ferrugineuses, Rogliano (1796 hab.), place de guerre située presque au sommet de la pointe N. qui termine la Corse, Saint-Florent (771 hab.), place de guerre bâtie au fond d'un vaste golfe qui échancre le littoral du N. O., et dont le territoire renferme des mines d'argent, Vescovato (1224 hab.), situé près de magnifiques cascades, Campile (854 hab.), où l'on fabrique de la poterie, Campitello (285 hab.), Lama (402
hab.), Nonza (430 hab.), Oletta (1122 hab.), Pero-Casevecchie (600 hab.), San-Martino-di-Lota (857 hab.), San-Nicolao (588 hab.), et San Pietro (1230 hab.) ARRONDISSEMENT DE CALVI.
CALVI (1884 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé sur la côte O., à 183 kilomètres d'Ajaccio; les fortifications de cette place de guerre sont fort belles, et l'on y admire surtout le fort du Mozzello qui domine et défend la rade. Son territoire est favorable à la culture de la vigne et de l'olivier. Son port, éclairé par un feu fixe de 1er ordre élevé sur le cap Punta-Revellata, représente un mouvement de 14000 tonnes de marchandises à l'entrée et à la sortie.
Calvi était autrefois une colonie génoise, alors très-prospère. En 1553, elle fut assiégée par les Turcs qui ne purent s'en emparer, mais en 1794, elle fut prise d'assaut par les Anglais qui n'y laissèrent que des ruines.
L'Ile-Rousse (1644 hab.), chef-lieu de canton, est un port situé au N. de Calvi, et dont la prospérité croissante s'accroît au détriment de cette dernière localité. Cette petite ville, fondée par Paoli, a pris son nom d'un rocher de granit rouge qui émerge des flots à quelque distance.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Belgodere (1005 hab.), Calenzana (2700 hab.), Muro (1277 hab.), et Olmi-Capella (868 hab.)
ARRONDISSEMENT DE CORTE.
CORTE (6094 hab.), sous-préfecture et cheflieu de canton, est une place de guerre située à 84 kilomètres d'Ajaccio, au confluent du Tavignano et de la Restonica. Elle se divise en deux parties : la citadelle et la ville. Son industrie est représentée par des scieries et des exploitations de marbres et par des fabriques de pâtes d'Italie, et son territoire produit du vin, du blé, des fruits, des olives.
Les souvenirs historiques ne manquent pas à cette petite ville, et ils sont chers à tous les Corses; là se voient les ruines de l'ancien couvent de Franciscains où logea Paoli, nommé gouverneur de l'île, ainsi que que la pauvre maison qui fut le siège du gouvernement national.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Calacuccia (842 hab.), qui fabrique des draps de poils de chèvre et des toiles de lin, Castifao (701 hab.), où l'on exploite des carrières de marbre et des mines de cuivre, Morosaglia (891 hab.), situé près du champ de bataille de PonteNuovo, où malgré le courage et l'intrépidité de Paoli, les Corses furent vaincus parles Français en 1769, Omessa (953 hab.), où se voient les
ruines du château de Supietro, Piedicroce (486 hab.), non loin des deux sources ferrugineuses d'Orezza qui sont froides et saturées de gaz acide carbonique, Serraggio (1202 hab.), qui fabrique des fromages estimés, et exploite des carrières de marbres, Ghisoni (1747 hab.), Moita (888 hab.), Piedicorte-di-Gaggio (976 hab.), Piétra (898 hab.), Prunelli-di-Fiumorbo (871 hab.), San-Lorenzo (545 hab.), Sermano (269 hab.), Valle-d'Alesani (622 hab.), et Vezzani (1017 hab.) ARRONDISSEMENT DE SARTÈNE.
SARTÈNE (4082 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est bâtie sur une colline à 86 kilomètres d'Ajaccio; c'est une place de guerre; son territoire produit des vins excellents ; son port est le lieu d'expédition de ses grains qui sont envoyés dans toute la Corse. Au XVIe siècle, cette ville fut entourée de murailles qui la protégèrent contre le pillage des Barbaresques.
Bonifacio (3594 hab.), chef-lieu de canton, est situé au S. de la Corse, sur le détroit qui porte son nom et qui sépare la Corse de la Sardaigne; la pêche du corail, la fabrication de l'huile d'olive et des vins forment ses principales industries; son mouvement maritime est représenté par 400 navires jaugeant 6000 tonneaux environ. Bonifacio est une ville très-ancienne, et suivant quelques érudits, dit M. V. A. Maltebrun, ce serait l'ancienne Pallx Civitas de Ptolémée et d'Antonin. Sa forteresse date de Charlemagne, et fut élevée contre les Sarrasins d'Afrique et d'Espagne. Cette petite ville possède plusieurs édifices curieux, son église ogivale de Saint-Dominique, rangée parmi les monuments historiques, la riche église de Sainte-Maire-Majeure, d'architecture pisane, la grosse tour de Torrione, qui sert de poudrière.
On admire aussi à Bonifacio des grottes sousmarines de Soragonato, de San Bartolomeo, de Montepertusato, ornées de fleurs, d'arbustes et de stalactites.
Porto-Vecchio (2203 hab.) chef-lieu de canton, beau port de mer est situé au S. E. de l'île, au fond d'une vaste rade; son territoire produit du blé, des vins, des olives ; on y élève du gros bétail et des chevaux de race excellente ; l'industrie exploite ses salines; on y pêche la nacre, et on en exporte le sel, le charbon de bois, le liége.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Levie (1790 hab.), Petreto-Bicchisano (929 hab.), Santa-Lucia-di-Tallano (1002 hab.), qui exporte des vins fins, Serra-di-Scopamene (678 hab.), et Olmeto (1717 hab.), où jaillissent des sources minérales chaudes, très-efficaces contre la goutte et les rhumatismes.
CORSE
Vue générale de Dijon. — Beffroy de Beaune. — Cathédrale de Dijon. — La croix de Couchey.
Château de Gevrey-Chambertin. — Le Clos-Vougeot.
COTE-D'OR.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de la Côte-d'Or, situé dans l'E.
de la France, a pris son nom d'une chaîne de montagnes qui traverse du Slau N. E. sa partie orientale. Il est borné au N. par le département de l'Aube ; au N. E., par celui de la HauteMarne; à l'E. par la Haute-Saône et le Jura; au S., par le département de Saône-et-Loire; à l'O., par ceux de l'Yonne et de la Nièvre.
Le département de la Côte-d'Or est l'un des
plus riches de la France ; son sol, généralement pierreux, est fait de débris calcaires et convient admirablement à son genre de production. Au N., s'élèvent des plateaux qui forment principalement l'arrondissement de Châtillon; au S. O., au contraire, le sol est montueux et couvert de bois; à l'O., une succession de plaines fertiles et riches en produits minéraux, est propice aux basses futaies comme aux vignobles; mais, c'est dans les vallées de l'E. surtout
et dans les contre-vallées qui creusent la pente orientale de la Côte-d'Or, que les populations se sont massées, que les villes ont acquis une grande importance, que la fertilité des terres est incomparable, et que l'industrie et le commerce se sont fusionnés pour y déterminer une prospérité sans bornes.
Orographie. — La petite chaîne de la Côted'Or, qui traverse le département du S. au N. E., trace une des lignes de faîte qui séparent le versant de la Méditerranée de celui de l'Océan; elle forme la jonction entre les Cévennes et le plateau de Langres dans la HauteMarne, qui se trouve ainsi rattaché aux montagnes du Morvan et du Beaujolais.
La Côte-d'Or proprement dite commence un peu au-dessous de Dijon, à 2 kilomètres de cette ville et se prolonge jusqu'à la Dheune, qui forme en partie la limite de l'arrondissement de Beaune. Au delà de Dijon, elle va rejoindre la Haute-Marne par une suite de ramifications moins importantes; ses points culminants sont le Haut-Mont, élevé de 529 mètres, près de Châteauneuf, dans le canton de Pouilly et sur la limite des arrondissements de Beaune et de Dijon, le Moresol, haut de 520 mètres, et le Tasselot qui mesure 608 mètres et se trouve dans le canton de Flavigny.
Vers le S. O. du département se ramifient les Monts-du-Morvan, mot celtique qui signifie Montagnes-Noires; ils se détachent de la Côted'Or à peu près au Mont-Moresol, et déterminent le partage des eaux entre les bassins de de la Loire et de la Seine. Ces montagnes sont couvertes de magnifiques forêts, et ont pour principaux points culminants, dans le département de la Côte-d'Or, le Mont-Affrique qui s'élève à 571 mètres de hauteur sur la ligne de partage des eaux de la Saône et de la Seine, et le Sombernon, haut de 579 mètres et situé dans le canton qui porte son nom.
Hydrographie.— Le système hydrographique de ce département comprend le versant de la Méditerranée et le versant de l'Océan séparés par la chaîne de la Côte-d'Or; par ce dernier, il appartient aux deux bassins de la Seine et de la Loire que délimitent les Monts-du-Morvan.
Les principaux cours d'eau que le premier versant envoie à la Méditerranée sont la Saône et ses affluents.
La Saône, qui prend sa source dans le canton de Bains du département des Vosges, traverse le département de la Haute-Saône et entre dans la Côte-d'Or; elle coupe diagonalement de l'E.
au S. une petite partie des arrondissements de Dijon et de Beaune, arrose Pontailler, Auxonne,
croise le chemin de fer de Dijon à Besançon, baigne Saint-Symphorien, Saint-Jean-de-Losne, Seurre, et va se jeter dans le Rhône à Lyon, après un cours de 455 kilomètres. La Saône est la seule rivière navigable de la Côte-d'Or; pendant son parcours, qui est de 63 kilomètres dans le département, elle reçoit : 1° la Vingeanne qui sort des montagnes de Langres dans la HauteMarne, et arrose dans la Côte-d'Or Saint-Mau- rice, la Villeneuve, Montigny, Mornay, Pouilly, Saint-Seine, Attricourt, Dampierre, Beaumont, Champagne, Blagny, Oisilly, Renève, Cheuge, Jancigny, Saint-Sauveur, Talmay; 2° l'Oignon, qui se perd auprès de Pontailler; 3° la Bèze, qui prend sa source dans la commune de ce nom, baigne Noiron, Mirebeau, Bezouotte, Cusseray, Montmençon, Marandeuil, Drambon, Triey et Vonges ; 4° la Brizotte, petit cours d'eau peu important ; 5° la Tille, qui se forme de deux ruisseaux dans le canton de Grancey-le-Châ- teau, baigne Marey, Villey, Crecey, Thil-Châtel, Spoix, Beire-le-Châtel, Arceau, Arc, Remilly, Cessey, Beire-le-Fort, Longeaux, Pluvault, Pluvet, Chandoire, Mailly-le-Port, se partage en plusieurs branches, et se perd entre SaintJean-de-Losne et Auxonne après un cours de 92 kilomètres, pendant lequel elle a absorbé l'Ignon, le ruisseau de Crôme et un des bras de la Norge; 6° l'Ouche, qui vient du canton de Bligny, arrose Lusigny, Bligny, Thorey, Pontd'Ouche, Veuvay, la Bussière, Saint-Victor, Barbirey, Gissey, Sainte-Marie, Fleurey, Velars, Plombières, Dijon, Longvic, Neuilly-lèsDijon, Fauvernay, Varanges, Tart-le-Bas, Tartl'Abbaye, Trouan, Échenon, et se termine au-dessus de Saint-Jean-de-Losne, après un cours de 100 kilomètres, pendant lequel elle a reçu l'Eclin, la Vandenesse, la Gironde, le Suzon et un bras de la Norge; 7° l'Auxon, qui vient du Jura, arrose une petite partie de la Côted'Or, et se perd dans la Saône près de SaintJean-de-Losne; 8° La Vouge, qui naît à Vougeot, arrose Gilly-lès-Citeaux, Villebichot, Aubignyen-Plaine, et finit au-dessous de Saint-Jeande-Losne, après un cours de 36 kilomètres, et s'être grossie de la Bornue, de la Varande et de la Noire-Potte; 9° le Canal-de-Bourgogne ; 10° la Dheune, qui naît dans Saône-et-Loire, forme la limite entre ce département et la Côte-d'Or, reçoit le Genêt, l'Avant-Dheune, le Meuzin, revient dans Saône-et-Loire et finit à Verdun.
Les principaux cours d'eau du versant de l'Océan sont pour le bassin de la Seine, la Seine et ses affluents directs, l'Aube, l'Ource, la Laignes, et ses sous-affluents, le Serain et l'Armançon; pour le bassin de la Loire, l'Arroux, affluent de la Loire.
La Seine prend sa source près de Saint-Ger-
main-la-Feuille, dans l'arrondissement de Semur, arrose Billy, Chanceaux, Châtillon-sur- Seine, reçoit le Brévon accru du Revinson et de la Coquille, et entre dans l'Aube.
L'Aube, née dans la Haute-Marne, sépare un instant ce département de celui de la Côte-d'Or traverse les communes de Boudreville, de Veuxaulles, de Montigny, de Gevrolles, et rentre dans la Haute-Marne.
L'Ource naît dans l'arrondissement de Châtillon, s'égare un instant dans la Haute-Marne, rentre dans la Côte-d'Or, baigne Recey, Voulaine, Vanvey, Maisey, Villotte, Brion, Thoires, Belan, Autricourt, Grancey, et après avoir absorbé la Dijeanne, pénètre dans l'Aube et va se jeter dans la Seine près de Bar-sur-Seine.
La Laignes prend sa source dans l'arrondissement de Châtillon, monte au N. et entre dans le département de l'Aube.
L'Armançon sort de la fontaine de Tagny de l'arrondissement de Beaune, baigne Semur, s'accroît de la Brenne grossie elle-même du Lozeran et de la Loze, entre dans le département de l'Yonne, et se perd dans la rivière de ce nom.
Le Serain sort des Monts-du-Morvan dans le canton de Pouilly, baigne Beurey, Marcilly, la Motte-Ternant, Fontangy, Vicq-sous-Thil, Précy, Aisy, Montigny, Saint-Barthélemy, Courcelles, Vieux-Château, Toutry, entre dans l'Yonne, et se jette dans la rivière de ce nom après avoir reçu dans la Côte-d'Or le ruisseau de Villargoix et l'Argentale.
L'Arroux sort de l'étang de Mouillon dans le canton de Pouilly, passe près d'Arnay-leDuc, baigne Vandenay, entre dans Saône- et-Loire, et se jette dans la Loire près de Digoin.
Le département de la Côte-d'Or possède en outre un grand nombre d'étangs, surtout dans sa partie orientale.
Climat. — Le climat du département de la Côte-d'Or n'offre pas de caractère spécial; il est généralement sec, tempéré, surtout dans les plaines, mais un peu froid sur les plateaux élevés. L'air vif est sans cesse renouvelé par des courants dominants de l'O. S. O., qui le maintiennent dans un état d'extrême pureté.
Sauf dans certaines parties basses de l'E. qui sont marécageuses, le climat de la Côte-d'Or est donc parfaitement sain.
Superficie.— Population. — La superficie du département de la Côte-d'Or comprend 876 116 hectares, et sa population est de 382 762 habitants, ce qui donne environ 43 habitants par kilomètre carré. Son accroissement depuis le commencement du siècle a été de 44 000 âmes.
La population de la Côte-d'Or est formée en grande partie d'agriculteurs, plus de la moitié environ; les industriels et les commerçants y comptent pour un tiers; le reste se divise entre 15000 habitants qui exercent des professions libérales, et 30000 sans profession.
Le caractère de cette population est empreint de franchise et de loyauté ; les Bourguignons sont hospitaliers, généreux, audacieux, braves, sobres, laborieux, doués d'un esprit de conduite et d'une expérience qui les fait réussir dans toutes leurs entreprises ; ils sont amis du progrès, très-oseurs dans les questions industrielles et agricoles; ils provoquent et adoptent courageusement les inventions de l'industrie moderne, mais, en même temps, leur vive et pénétrante imagination les rend sensibles aux beaux-arts et aux études littéraires.
La langue nationale est purement parlée dans les diverses parties la Bourgogne; mais, cependant, certaines campagnes ont conservé un patois original et spirituel, dans lequel furent écrits de vieux noëls bourguignons qui ont eu jadis une grande vogue en France.
Agriculture. — Le domaine agricole du département de la Côte-d'Or comprend 468 000 hectares de terre labourable, c'est-à-dire plus de la moitié de sa superficie, 63 000 de prairies naturelles, près de 30 000 hectares de vignes, 23000 de pâturages, landes, bruyères et pâtis, et 290 000 de bois, forêts et terres incultes, etc.
La Côte-d'Or compte parmi les départements agricoles; les céréales, cultivées surtout dans l'arrondissement de Semur et sur une partie de la vallée de la Saône, et dont la valeur dépasse 55 millions de francs, suffisent et au delà à la consommation des habitants; l'avoine, le maïs, les légumes, les fruits, les betteraves, le colza, le lin, le chanvre, le houblon, la vigne, etc., donnent d'abondantes récoltes, dont la valeur atteint près de 24 millions de francs.
Les produits des vignobles de la Côte-d'Or tiennent le premier rang dans la richesse agricole du département. Ce sont les arrondissements de Dijon et de Beaune que la nature a spécialement favorisés sous ce rapport. Depuis Santenay, commune située à l'extrême pointe de l'arrondissement deBeaune, jusqu'à la vallée de l'Ouche près de Dijon, la Côte-d'Or se divise en deux étages de collines parfaitement distincts. C'est le premier versant de cette chaîne, qui prend le nom très-mérité de Côte-d'Or.
Là, prospèrent les fameux vignobles exposés au S. E. jusqu'à 190 mètres de hauteur au-dessus de la plaine, et abrités en arrière par un écran de collines élevées de 500 mètres qui forment les
arrière-côtes sur une longueur de 45 kilomètres et une superficie de 1935 hectares. Sur la côte de Beaune, de Santenay à Comblanchien, ce sont les crus de Clos-Tavannes, de Montrachet, de Goutte-d'Or, de Santenot, de Volnay, de Pommard, de Beaune, de Corlon, etc. Au-dessus, la côte de Nuits produit les vins de la Romanée, de la Romanée-Conti, de Richebourg, du Clos-Vougeot qui couvre une superficie de 48 hectares, de Chambertin, de Clos-Saint-Jacques, etc. Au N.
se prolonge la côte de Dijon, faite de côteaux isolés et moins riches que les précédents, qui ne donne que des vins demi-fins. La production des vins de Bourgogne, dont la moitié environ se consomme dans le pays, est estimée, année commune, à près de 700 000 hectolitres de vins rouges, et à 104 000 hectolitres de vins blancs, qui atteignent une valeur de 5 millions et demi de francs.
Le département de la Côte-d'Or possède également des forêts considérables ; là poussent le chêne, le hêtre, le charme, le tremble, plus rarement le tilleul, l'érable, le platane et le châtaignier.
Les animaux domestiques forment un revenu important des exploitations agricoles, qui s'élève à près de 50 millions de francs; on compte parmi eux 47000 chevaux, principalement de race percheronne, 3000 ânes ou mulets, 193 000 bêtes à cornes, 573 000 bêtes à laines, 95 000 porcs, près de 30 000 ruches d'abeilles, et un très-petit nombre de boucs, chèvres ou chevreaux.
La valeur totale de la production agricole atteint annuellement près de 90 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Parmi les richesses minéralogiques du département de la Côted'Or, les mines de fer occupent le premier rang; elles se produisent sous la ferme de rochers, principalement dans les arrondissements de Semur et de Dijon, mais le minerai affecte plus particulièrement la forme de grains dans le Châtillonnais. La houille et la tourbe s'y rencontrent aussi sur certaines parties du territoire et commencent -à devenir l'objet d'une exploitation lucrative. Quant aux pierres de taille, aux pierres meulières, aux pierres calcaires qui peuvent se débiter en minces lamelles, au gypse, au marbre, à l'argile, on en exploite de nombreuses carrières sur tous les points du département.
Industrie. — Commerce. — L'industrie du département de la Côte-d'Or est représentée par les hauts fourneaux de Bezouotte, de Drambon, de Fauverney, de Noiron, dans l'arron-
dissement de Dijon, de Brazey, dans celui de Beaune, etc. ; là se consomment tout d'abord les 2 millions de quintaux métriques de fer que l'on retire des 57 minières du département, qui occupe ainsi le premier rang pour la fonte au charbon de bois. Puis, il faut citer ensuite, à Dijon, des forges pour le fer, l'acier naturel et cémenté, des tréfileries, des tôleries, des fonderies, des fabriques de machines à vapeur, des tuileries, des sucreries, des fabriques de bougies, des tonnelleries, des manufactures d'armes, etc. ; à Nuits, des fabriques de vinaigre ; à Pouilly, des moulins à plâtre et des fabriques de ciment romain, et en maint endroit, à Talmay, à Dijon, à Mirebeau, à Flavigny, à Montbar, à Seurre, à Saulieu, etc., des tanneries dont les produits sont extrêmement recherchés.
Les principaux éléments du commerce sont fournis par les productions du territoire et notamment par les vins, qui s'exportent sur tous les points de la France et à l'étranger; par les bestiaux, qui servent spécialement à l'alimentation de Paris, les eaux-de-vie de marc et de grains, la moutarde, etc., et de nombreuses denrées à l'usage domestique.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. —
Le département est desservi par 12 routes impériales, longues de 713 kilomètres, par 21 routes départementales, dont le développement dépasse 724 kilomètres, et par 7097 kilomètres de chemins vicinaux.
Le Canal-de-Bourgogne, qui réunit le bassin du Rhône au bassin de la Seine et commence sur l'Yonne, passe, dans la Côte-d'Or, près de Montbar et de Flavigny, rencontre à Pouilly la ligne de faîte et la traverse par des tranchées et un souterrain de 3333 mètres, puis par la vallée de l'Ouche, remonte à la Bussière, à Gissey, à Plombières, à Dij on, et de là redescend à SaintJean-de-Losne, après un tracé de 242 kilomètres qui rachète par .191 écluses les pentes des versants de la Seine et du Rhône. Le Canaldu- Rhône -au -Rhin n'a qu'une longueur de 5408 mètres dans la Côte-d'Or.
Le département est traversé par le chemin de fer de Paris à Lyon et à Marseille, principale ligne du réseau de Lyon; il le coupe diagonalement du N. O. au S. E. jusqu'à Dijon, se coude et revient vers le S., après avoir desservi les stations de Montbard, les Laumes, Darcey, Verrey, Blaisy-Bas, Malain, Velars, Plombières, Dij on, Gevrey, Vougeot, Nuits, Gorgoloin, Beaune et Meursault.
De cette ligne se détache : 1° l'embranchement de Nuits-sous-Ravières à Châtillon qui dessert l'arrondissement de ce nom avec station
à Laignes, Poinçon et Sainte-Colombe; 2° celui de Dijon à Belfort avec stations à Magny, Genlis, Collonges et Auxonne; 3° le sous-embranchement d'Auxonne à Gray avec stations à Lamarche, Pontailler et Talmay; 4° le sousembranchement de Pont-d'Ouche à Autun, qui se reliera à la ligne du Bourbonnais.
Ces diverses voies ferrées offrent un développement de 215 kilomètres.
Histoire.—Le territoire de l'ancienne Bourgogne était occupé autrefois par les Lingons, peuplade déjà vaillante 600 ans avant l'ère chrétienne. Lorsque les Romains, déjà maîtres de la Gaule narbonnaise, arrivèrent sur la Saône, ils formèrent des traités d'alliance avec les Lingons, qui leur demeurèrent fidèles, même pendant la lutte de Vercingétorix, et qui s'attachèrent à la fortune de César.
L'administration romaine se montra adroite et prudente, et pendant longtemps les Lingons vécurent heureusement à l'abri de leurs droits municipaux que leurs alliés avaient respectés; il fallut plus tard les exactions des empereurs, et la décadence du Bas-Empire pour que ces fidèles tributaires de Rome se déclarassent indépendants. Alors eut lieu la grande invasion des Barbares; parmi eux apparurent les Burgondes, tribu vandale, qui s'empara des pays situés entre le Rhin, le Rhône et la Saône, élut un roi et fonda un royaume; un de ses chefs, Gondia, lutta heureusement contre les Huns, et entre autres pays, fit entrer sous sa domination le territoire des Lingons. Sous ses successeurs, le nouveau royaume fut sagement administré jusqu'en 534, époque à laquelle l'envahirent Clothaire et Childebert.
Sous les princes Francs, au temps de Brunehaut et de Frédégonde, le royaume fut agité, morcelé, divisé même, et ces troubles durèrent jusqu'à la fin du IXe siècle, où la Bourgogne proprement dite se vit gouvernée par des ducs
héréditaires qui régnèrent jusqu'en 1032.
A cette époque, Henri Ier, duc de Bourgogne, étant devenu roi de France, céda son duché à Robert Ier dont la dynastie se maintint sur le trône de Bourgogne jusqu'en 1361. Le dernier duc étant mort sans enfant, le roi Jean II s'empara de son royaume, l'annexa à la couronne de France, et le constitua en apanage à son quatrième fils. Ce nouveau duc, avec l'aide de Duguesclin, chassa les routiers qui désolaient le pays, épousa Marguerite de Flandres, devint un puissant souverain, et soutint Charles VI dans sa lutte contre les Anglais. Son fils Jean, peu scrupuleux, s'allia à ces mêmes Anglais, et en 1418, profitant de la trahison de Périnet-Leclerc, il entra triomphant dans les murs de Paris.
De ses successeurs, le plus célèbre fut Charles le Téméraire qui monta sur le trône de Bourgogne en 1467. Sa lutte formidable avec Louis XI finit à Granson, à Morat, et enfin à Nancy, où il fut tué en 1477.
Sa mort fit entrer définitivement la Bourgogne dans le domaine de la couronne de France.
Depuis cette époque, à part le contre-coup des luttes de François Ier et de Charles-Quint, et des guerres religieuses pendant lesquelles les Bourguignons résistèrent opiniâtrément à l'invasion du protestantisme, puis les agitations de la Fronde, la Bourgogne fut assez paisible.
Pendant la révolution, les enfants de la Côted'Or se précipitèrent à la frontière pour en chasser l'étranger, et se distinguèrent dans les armées de la république.
Lors de la division de la France par départements en 1790, la Côte-d'Or fut formée avec la partie N. de l'ancienne Bourgogne.
Hommes célèbres.— Les principaux personnages célèbres du département de la Côte-d'Or sont: SAINT BERNARD; CHARLES LE TÉMÉRAIRE; THÉODORE-DE-BÈZE, l'orateur protestant; le cri tique SAUMAISE; CRÉBILLON; BOSSUET; PIRON; le musicien RAMEAU; BUFFON; le naturaliste DAUBENTON; CAZOTTE; les conventionnels BAZIRE et PRIEUR DE LA CÔTE D'OR; le ministre CARNOT; MONGE; MARET, duc de Bassano; JUNOT, duc d'Abrantès; le maréchal MARMONT; l'architecte SOUFFLOT; le député MAUGUIN; le préfet FROCHOT; et parmi les contemporains : le dominicain LACORDAIRE; les académiciens NISARD et Charles BRIFAUT; les sculpteurs RUDE et François JOUFFROY; le peintre ZIEM; le maréchal VAILLANT; le critique d'art Louis VIARDOT; Mlle FAVART, de la Comédie-Française.
Divisons administratives. — Le département de la Côte-d'Or comprend quatre arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Dijon. 1q canto 264 comm.
— Beaune. 10 — 199 — — Châtillon. 6 — 116 — — Semur. 6 — 138 — 36 cant. 717 comm.
Ce département forme la 3e subdivision de la 7e division militaire dont le siège est à Besançon.
Dans l'organisation religieuse, il forme un diocèse dont le siège est à Dijon, et qui est suffragant de l'archevêché de Lyon. Ce diocèse comprend 38 cures, 456 succursales, un grand séminaire à Dijon et un petit séminaire à Plombière-lès-Dijon. Les protestants ont un temple dans le département, les juifs une synagogue La justice est rendue par une Cour impériale
qui siège à Dijon, et elle comprend dans son ressort les 4 tribunaux de première instance siégeant aux chefs-lieux d'arrondissement, et les 4 tribunaux de commerce de Dijon, de Châtillon, de Nuits et de Beaune.
Les établissements d'instruction publique sont les suivants : un lycée et une école normale d'instituteurs à Dijon, 6 collèges communaux à Arnay-le-Duc, Auxonne, Beaune, Châ- tillon, Saulieu et Semur, et 1049 écoles publiques et libres qui ressortissent de l'Académie de Dijon. Plus des trois quarts des jeunes conscrits savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de la Côte-d'Or :
ARRONDISSEMENT DE DIJON.
DIJON (39193 hab) préfecture et chef-lieu du département, divisé en trois cantons, est situé au pied du Mont-Affrique, au milieu d'un fertile bassin où l'Ouche et le Suzon viennent confondre leurs eaux, et à 305 kilomètres de Paris. C'est une ville de forme ovale, aux rues larges et bordées de belles constructions, arrosée par les deux rivières qui passent sous les faubourgs d'Ouche et de Saint-Pierre, et par les nombreuses fontaines qu'alimentent un réservoir et un aqueduc.
Dijon possède un grand nombre d'édifices remarquables à divers titres. Sont classés parmi les monuments historiques : la cathédrale de Saint-Bénigne, trois fois reconstruite au VIe, au XIe et à la fin du XIIe siècle, et dont la flèche un peu courbée s'élève à une hauteur de 95 mètres au-dessus du pavé; une crypte nouvellement découverte dont les voûtes sont revêtues d'intéressantes peintures; l'église Noire-Dame, avec son horloge de Jacques Mard, et que M. Viollet-le-Duc regarde comme le type le plus completde l'architecture bourguignonne au XIIIe siècle; l'église Saint-Michel, dont les détails extérieurs sont de style grec, et l'intérieur d'un très-pur gothique; l'église Saint-Étienne, qui date du xe siècle, aujourd'hui transformée en halle au blé, et l'église Saint-Philibert qui sert de magasin à fourrages ; l'ancienne basilique de Saint-Jean; le palais des ducs de Bourgogne.
aujourd'hui l'hôtel de ville, dont il reste quelques tours, des salles magnifiques, où l'on a installé le muséum riche en pierres tombales et en bas-reliefs gallo-romains, et surtout la salle des gardes avec sa cheminée monumentale et ses admirables tombeaux de Philippe le Hardy et de Jean sans Peur ; enfin le châ- teau que commença Louis XI et que termina Louis XII, aujourd'hui une caserne de gendarmerie.
En dehors de cette classification officielle, on peut encore citer parmi les curieux édifices de Dijon les églises Sainte-Anne et des Carmélites du XVIIe siècle, la seule tour romane qui reste de l'église Saint-Nicolas, quelques vestiges, deux portails et une tour octogonale de l'ancienne Chartreuse de Dijon, fondée par Philippe le Hardy, et dont l'asile des aliénés occupe auaujourd'hui l'emplacement, l'hôpital général, élevé au XIIIe siècle, la préfecture, puis un certain nombre de maisons et d'hôtels de la Renaissance, très-intéressants au point de vue archéologique.
Dijon a des promenades magnifiques; son parc dessiné par le Nôtre, l'Arquebuse maintenant réunie au Jardin des plantes, sa promenade des Marronniers, ses remparts ombragés d'arbres séculaires, font de cette ville l'une des plus agréables de la France.
Le mouvement industriel de Dijon est représenté par des fabriques de draps, de couvertures de laine, de colle forte, de moutarde, des brasseries, des vanneries, des clouteries, des distilleries, des fonderies de fer, des raffineries de salpêtres, etc. Les principaux éléments de son commerce lui sont fournis par les grains et les farines, les vins, les laines, les huiles, etc., qui représentent par année une valeur de 70 millions de francs.
Dijon est une très-ancienne ville dont le nom celtique div ion, signifie deux rivières. A l'époque de l'invasion romaine, le Mont-Affrique fut occupé parun camp de César, puis une ville se fonda que les Romains fortifièrent. La ville prospéra, devint capitale d'une des subdivisions territoriales sous les rois francs, et servit de résidence aux ducs héréditaires.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Auxonne (5911 hab.), qui fabrique des draps, des serges, des mousselines et exporte des vins, des grains, des laines, etc., Fontaine-Française (1108 hab.), qui possède de hauts fourneaux, des fabriques de fonte et de fer, Gevrey-Cham- bertin (1743 hab.), situé au pied de la chaîne de la Côte-d'Or, et renommé pour ses clos de Bèze, de Saint-Jacques, de la Chapelle, des Mazys, des Mazoyères, et surtout pour celui de Chambertin, dont les 25 hectares produisent annuellement environ 140 pièces de vin, Pontailler-sur-Saône (1215 hab.), Selongey (1511 hab.), Genlis (1182 hab.), Grancey-le-Château (601 hab.) avec quelques curiosités archéologiques, Is-sur-Tille (1371 hab.) qui a des forges et des fonderies de cuivre, Mirebeau (1229 hab.), Saint-Seine-l'Abbaye (678 hab.), avec une église du XVe siècle classée parmi les monuments historiques, et Somber- non (830 hab.).
Les principales communes de l'arrondisse-
ment sont Plombières (1582 hab.), dont l'église est un monument historique; Couchey (545 hab.), avec un calvaire remarquable, etc.
ARRONDISSEMENT DE BEAUNE.
BEAUNE (10907 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, divisée en deux cantons, est située près de la source de la Bouzoise, à 38 kilomètres de Dijon. Cette ville est trèsagréablement assise au pied de la Côte-d'Or, que tapissent de riches vignobles; elle est bien bâtie et très-proprement entretenue. On peut admirer à Beaune deux édifices classés parmi les monuments historiques : son église collégiale de Notre-Dame et un hôpital du XVe siècle.
Le beffroy de l'ancien hôtel de ville se présente d'une façon très-pittoresque avec son toit aigu, sa lanterne et ses clochetons.
Le territoire de l'arrondissement de Beaune possède des crus de premier choix, Beaune,
Pommard, Volnay, Romanée, Clos-Vougeot, Mon- trachet, etc., dont les produits atteignent une valeur de 7 millions par année.
Beaune, qui a peut-être une origine romaine si son nom vient du mot latin Bellona, était en tout cas une place fortifiée au VIIe siècle ; elle fut administrée par des comtes héréditaires, et fut souvent la résidence des ducs de Bourgogne.
Nuits (3656 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Meuvrin, possède des vignobles renommés, dont les principaux sont ceux de SaintGeorges, des Thoreys, des Cras, des Boudots, etc.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Seurre (2787 hab.), Nolay (2535 hab.), qui produit de bons vins blancs, Arnay-le-Duc (2559 hab.), Bligny-sur-Ouche (1390 hab.), avec ses vestiges de voie romaine, Liernais (1200 hab.), dont l'église date du XIe siècle, Pouilly-en-Auxois (1056 hab.), dont les vins blancs sont très-
renommés, et Saint-Jean-de-Losne (1835 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Meursault (2625 hab.), où sont situés les crus de la Perrière, de la Goutte-d'Or, de Santenot, et dont l'église est classée parmi les monuments historiques; Pommard (1183 hab.) célèbre pour ses vins dont les plus recherchés viennent des crus des Rugiens, des Pèze- rolles, etc., Volnay (600 hab.) dont les 215 hectares de vignobles produisent les meilleurs vins de l'arrondissement, connus sous les noms de Bouche-d'Or, des Caillerets, etc.; SaintNicolas-lès-Cîteaux (1108 hab.), sur le territoire de laquelle se trouvent les ruines de l'ancienne abbaye de Cîteaux.
ARRONDISSEMENT DE CHATILLON-SUR-SEINE.
CHATILLON-SUR-SEINE (4860 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est si-
tué en plein pays de montagnes, à 83 kilomètres de Dijon. Son église de Saint-Vorie date du xe siècle et possède des fresques qui sont classées parmi les monuments historiques.
L'industrie de Châtillon comprend des fabriques de draps, de toiles, des forges et des hauts fourneaux, des papeteries, des blanchisseries, des moulins à blé et à foulon, etc. ; son commerce porte sur les bois, les laines, les cuirs, les meules à aiguiser, les pierres lithographiques, etc.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Aignayle-Duc (843 hab.), avec une belle église du XIIIe siècle qui est classée parmi les monuments historiques, Baigneux-les-Juifs (465 hab.), qui fait le commerce du miel et des grains, Laignes (1391 hab.), Montigny-sur-Aube (831 hab.) et Recey-sur-Ource (955 hab.).
ARRONDISSEMENT DE SEMUR.
SEMUR (3892 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, situé sur une colline que baigne l'Armençon, est l'une des villes les plus curieuses de la France. Son église de Notre-Dame, commencée au xie siècle, puis reconstruite au XIIIe, a été classée parmi les monuments historiques, ainsi que le donjon d'un vieux château fort. Cette petite ville possède des filatures de laine, des fabriques de serges, de droguets; on y fait le commerce de grains, de chevaux, de bêtes à laine, de chanvre, etc.
Flavigny (1111 hab.), chef-lieu de canton, a conservé de nombreux restes d'anciennes constructions, tels que les murailles et les portes de ses vieilles fortifications, une église gothique du XIIIe siècle, et des maisons des xve et XVIe siècles; on y exploite des carrières de marbre.
Montbard (2808 hab.), chef-lieu de canton, possède encore un donjon de l'ancien château des ducs de Bourgogne, qui fut acquis et habité par Buffon, et une église paroissiale du XVe siècle; ces deux édifices font partie des monuments historiques. Montbard est l'entrepôt d'une grande partie des marchandises qui prennent la voie du canal de Bourgogne.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Précysous-Thil (838 hab.), situé près de la rivière du Serain, et qui fait un commerce d'oies très-important, Saulieu (3745 hab.), avec son église de Saint-Andoche, dont la plus grande partie date du XIIe siècle, et Vitteaux( 1653 hab.), qui possède des carrières de marbre noir et exporte des huiles, des grains et des bestiaux.
Les principales communes de l'arrondissement sont: Laroche-en-Brenil ( 2202 hab.), et Frolois, Saint-Léger-de-Fourche, dont la population dépasse 1000 habitants.
CÔTE D'OR
Le phare de Bréhat. — La rivière de Dinan
COTES-DU-NORD.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Le département des Côtes-du-Nord est situé dans la partie N.-O. de la France, et doit son nom à l'orientation de ses côtes. Il a pour limites : au N., la Manche; à l'E., l'Ille-et-Vilaine; au S., le Morbihan ; à l'O., le Finistère.
Ce département est séparé en deux versants déterminés par une basse chaîne de montagnes maritimes qui court de l'E. à l'O., pour
aller mourir dans le Finistère; elle donne naissance à deux ramifications principales et à un très-grand nombre de contre-forts séparés par des vallons et de petites plaines. La région du littoral, qui se développe sur une étendue de 245 kilomètres, est productive, et doit aux goëmons et aux plantes salines, dont on l'engraisse, sa remarquable fertilité; ses côtes, capricieusement découpées et faites de hautes falaises granitiques, s'élèvent sur de
longues grèves que couvre la mer haute et que le jusant assèche; là se creusent de nombreux ports , dont la plupart ne sont accessibles qu'à de petits navires, tels que Paimpol, Tréguier, Binic, et au large émergent quelques îles pittoresques, Bréhat, Saint-Riom, SaintSauveur. A l'E. du département, c'est une succession de collines et de plateaux couverts par un réseau de petites rivières, où la nature ne s'est pas montrée ingrate. Mais au S. et dans l'intérieur, les agriculteurs trouvent à peine à vivre; ils ont abandonné la culture du lin qui formait autrefois leur principal revenu agricole, ils ont émigré, et là où l'industrie linière occupait autrefois des plaines immenses, le genêt et la bruyère couvrent maintenant d'incultes landes, frappées d'une rapide infertilité.
Orographie. — Hydrographie. — Le système orographique du département des Côtes du Nord est peu accusé; une suite de collines le soulève de l'E. à l'O., et est désignée sous le nom de Monts-du-Menez ; arrivée à l'O., cette chaîne se bifurque, et de ses deux rameaux l'un va s'épanouir dans le Finistère sous le nom de Mon- tagnes-d'Arès, et l'autre, appelé Montagues-Noi- res, se dirige vers le S.- O. du département.
Leur altitude est comprise entre 340 et 240 mètres, et leurs points culminants sont le Collinée, dans l'arrondissement de Loudéac, le Saint-Bay, le Saint-Martin-des-Prés, le Curel, le Vieux-Bourg, dans l'arrondissement de SaintBrieuc, etc.
De cette division orographique, il résulte que le département des Côtes du Nord appartient pour sa plus grande partie au versant de la Manche, et pour une petite portion au versant de l'Océan atlantique.
Au premier bassin se rattachent : 1° La Rance, qui prend sa source au pied du Collinée, arrose Saint-Jouan-de-l'Isle, Evran, Tressaint, Dinan, et devient un large estuaire à la frontière d'Ille-et-Vilaine qu'elle traverse sur une petite partie du S. au N., pour aller former les ports de Saint-Servan et de Saint-Malo; dans son parcours elle reçoit le Lenoir et le canal d'Illeet-Rance, qui réunit la Vilaine à la Rance; 2° Arguenon, qui naît non loin de la Rance, dans les Monts-du-Menez, arrose Gouray, PlenéeJugon, Jugon, Plancoët, Saint-Lormel, Crehen, et se perd dans la Manche près de Saint-Jacut, à l'anse du Guildo, après s'être grossi d'un cours d'eau assez important venu de l'étang de Jugon; 3° le Gouessan, qui vient du canton de Collinée, baigne Lamballe, et se jette dans la baie de Saint-Brieuc, après s'être accru pendant un cours de 40 kilomètres des ruisseaux
de la Truite, du Gué-Dary, du Pont-Prentout, de l'Evron, de la Trinité, de l'Evrau et du Gast; 4° le Gouct, qui prend sa source dans les collines du canton de Quintin, baigne Quintin, Saint-Brieuc, et se perd dans l'anse d'Iffiniac, après avoir reçu, dans un cours de 48 kilomè- tres, le Pas, le Kicouet, le Chesnay et l'Amandour; 5° le Trieux, qui sort d'un étang, dans le canton de Bourbriac, baigne Guingamp, Pontrieux, où il commence à devenir navigable, arrose Lézardrieux, et se jette dans la Manche devant l'île de Bréhat, après avoir absorbé le Dourlan et le Leff; 6° le Tréguier, formé près de la petite ville qui porte ce nom par la réunion du Guindy et du Jaudy, et qui va se jeter dans la Manche en formant un canal de 10 kilomètres; 7° le Léguer, qui prend sa source dans une forêt de la commune de Plougras, arrose Belle-Isle-enTerre, Lannion, se grossit du Pont-Mur, et se jette dans la Manche, après un cours de 71 kilo- mètres.
Les principaux cours d'eau qui appartiennent au versant du S., sont : 1° le Blavet, qui prend sa source dans un étang de l'arrondissement de Guingamp, arrose Goarec, où il rencontre le canal de Nantes-à-Brest, entre dans le Morbihan, forme sur l'Atlantique la baie de Lorient, et reçoit le Loretti pendant son cours dans les Côtes-du-Nord ; 2° le Meu, qui prend sa source dans la commune de Saint-Véran, traverse l'étang du Loscouet, et entre dans le département d'Ille-et-Vilaine, où il se jette dans la Vilaine, après un cours de 84 kilomètres; 3° l'Oust, qui vient du canton de Quintin, arrose SaintThélo, Saint-Caradec, Hémonstoir, entre dans le Morbihan, et va finir à deux kilomètres en aval de Redon, après un cours de 150 kilomètres ; 4° l'Aulne, qui prend sa source dans la commune de Lohuec, de l'arrondissement de Guingamp, entre presque aussitôt dans le Finistère, où elle reçoit l'Hyère, qui vient du canton de Callac, puis forme à Châteaulin la rivière de ce nom, et va se jeter dans la rade de Brest.
Le département des Côtes-du-Nord possède encore de nombreux étangs, ceux de Jugon, de Blavet, du Loscouet , et plusieurs marais salants à Ylfiniac, Hillion et Langueux, dans l'arrondissement de Saint-Brieuc.
Climat. — Le climat du département des Côtes-du-Nord est généralement humide et parfois embrumé par les brouillards de la Manche, mais l'air y est vif et pur; il ne connaît ni les chaleurs excessives de l'été ni les froids rigoureux de l'hiver comme toutes les régions du littoral. Les vents dominants sont ceux du N.-O., du S.-O. et de l'E.
Superficie. — Population. — La superficie du département des Côtes-du-Nord est de 688 562 hectares, et sa population de 641210 habitants, ce qui lui donne environ 90 habitants par kilomètre carré; l'accroissement de cette population a été de plus de 124 000 habitants depuis le commencement du siècle ; c'est donc un des départements les plus peuplés de la France, car il tient le 7e rang sous ce rapport, et le nombre de ses communes qui comptent plus de 2000 âmes est de 108.
Les agriculteurs forment plus de la moitié de cette population, tandis que les industriels n'en comprennent que le quart. Le nombre des habitants qui n'exercent aucune profession s'élève à 67 000 environ, et les professions libérales en comptent 16 000.
L'originalité de la race bretonne s'est surtout conservée dans les campagnes; mais dans les villes, la civilisation et l'influence fran- çaise ont fait de notables progrès. Toute cette population, sans distinction de race, est affable, hospitalière, simple et pure dans ses mœurs, facile dans son existence. Les agriculteurs sont de complexion nerveuse, plus entêtés dans leurs coutumes et leurs opinions, plus violents dans leurs passions que les habitants des villes; ils sont querelleurs, batailleurs, quand leur colère est surexcitée, et cependant, patients, doux, prévenants dans le commerce ordinaire de la vie ; d'ailleurs très-attachés à leur pays, au foyer domestique, à la famille, à la religion de leurs pères, à leurs curés, dont l'influence est dominante. Dans les cérémonies diverses, dans les noces surtout, ils ont conservé des usages bizarres et de curieuses coutumes; ce sont des fêtes véritables qui durent plusieurs jours, et dont Brizeux a chanté les poétiques épisodes.
Le costume des Bretons a conservé quelques détails des anciens temps, et les fait aisément reconnaître par le large chapeau, les guêtres, le manteau bleu, tandis que les femmes portent encore, dans quelques campagnes, le joubelineu, c'est-à-dire le capuchon.
Mais ce qui distingue essentiellementlepaysan breton, et par conséquent celui des Côtes-duNord, c'est son langage spécial. Le bas breton, le Brezonecq, qui doit être l'ancien celtique, ressemble au gaël d'Irlande et à l'erse de l'Écosse ; il est surtout parlé dans les arrondissements de Guingamp et de Lannion, et dans une portion de ceux de Loudéac et de Saint-Brieuc ; il se divise en quatre dialectes principaux, dont les mots diffèrent surtout par leur prononciation, mais assez cependant pour qu'un natif de Tréguier ne puisse comprendre un habitant du Cornouailles. Le bas breton est une
langue très-pure, probablement une langue mère, dont les adjectifs sont invariables et qui n'a qu'un seul genre, mais pleine de tours poétiques et de circonlocutions gracieuses; il a produit plusieurs ballades historiques, des chansons chères au cœur de tout Armoricain, et quelques poëmes fort appréciés des philologues.
Agriculture. — Le domaine agricole du département des Côtes-du-Nord doit se détailler ainsi : 427 500 hectares de terres labourables, 57 000 de prairies naturelles, 117 000 de pâturages, landes, bruyères, et 81 000 de bois, de forêts et de terres incultes; 2437 hectares de marais peuvent être facilement desséchés et se changer en plaines fertiles.
La propriété est très-divisée dans ce département et ne compte pas moins de 1 600 000 parcelles aux mains de plus de 176 000 propriétaires qui, pour la plus part, cultiventeuxmêmes leurs terres. Malgré un grand nombre de comices, et bien qu'on ait institué la ferme-école de Castellaouënan dans le canton de Maël-Carhaix, l'industrie agricole n'est pas extrêmement développée; à l'exception du littoral, qui offre les terrains les plus fertiles, tout l'intérieur du département est encore occupé par des landes où croissent des arbres verts, des pins maritimes, et qui, le temps et la science aidant, se transformeront un jour; là le sarrasin, le seigle, l'avoine, les céréales inférieures, forment le fond de la culture, tandis que la partie septentrionale, qui embrasse en grande partie l'arrondissement de Dinan, produit du blé, de l'orge, du chanvre, du colza, du trèfle, etc. ; les pâturages y sont excellents et nourrissent des chevaux assez estimés. Entre les cultures arborescentes, il faut, en première ligne, citer le pommier, qui abonde comme sur le territoire normand et sert à la fabrication du cidre, la principale boisson des populations rurales. La valeur des céréales dépasse 46 millions de francs, et celle des autres cultures 14 millions.
Les forêts du département sont formées plus spécialement de chênes, de hêtres, de bouleaux , de châtaigniers, et l'on y rencontre fréquemment des loups, des sangliers, des renards et des chevreuils.
Les chevaux sont très-nombreux dans le département des Côtes-du-Nord, qui les élève avec succès; on n'en compte pas moins de 96000, qui, pour le plus grand nombre, appartiennent à la race bretonne; 400 000 bêtes à corne, 180 000 bêtes à laine, 98 000 porcs complètent le relevé des animaux domestiques,
auxquels il faut joindre un très-grand nombre de ruches, plus de 157 000, qui sont l'objet d'un soin spécial.
On peut encore énumérer parmi les productions naturelles du département, le poisson, qui abonde sur ses côtes, la sardine, le hareng, le maquereau, le congre, les soles, les plies; puis les coquillages, les crustacés, les mollusques, qui sont l'objet d'une pêche très-active.
Le revenu brut des animaux domestiques dépasse par an 30 millions de francs, et celui de la production agricole s'élève annuellement à plus de 90 millions.
Mines — Carrières. — Le territoire du département des Côtes-du-Nord est formé de terrains primitifs et de terrains de transition ; on n'y rencontre le minerai de fer et la plombagine que par filons peu riches, et les autres métaux paraissent lui manquer presque entièrement.
Quant aux autres minéraux, ils sont largement représentés par du granit, des gneiss, du schiste, du porphyre, de l'ocre; quelques ardoisières et des carrières de marbre sont en cours d'exploitation.
Les sources minérales ne sont pas très-abondantes dans ce département ; celles de SaintBrieuc, de Dinan, sont assez fréquentées, et il en existe encore à Paimpol, à Lannion et à Tréguier.
Industrie. — Commerce. — Il faut placer au premier rang, dans le département des Côtes-du-Nord, l'industrie linière qui tend à reprendre son ancienne importance; on y fabrique les toiles dites de Bretagne et les toiles à voiles, à Dinan surtout, où cet article, au chiffre annuel de 300 000 mètres, vaut environ 450 000 francs. Le teillage du lin y est organisé sur une grande échelle, et l'exportation des filasses par les divers ports du département dépasse actuellement 1 300 000 kilogrammes; cependant il est à désirer, dans l'intérêt de cette industrie, que les nouvelles méthodes soient acceptées dans les centres de fabrication. On exploite à Yffiniac, à Hillion, à Langueux, des marais salants. Trois minières de fer ne rendent annuellement que 23 000 quintaux métriques de minerai, et quelques hauts fournaux fabriquent du fer et la fonte à la houille. Puis, des minoteries, des scieries hydrauliques, des papeteries, des poteries, des brasseries, des fabriques d'instruments aratoires, etc., complètent la série des établissements industriels de ce département.
Les principaux éléments de son commerce lui sont fournis par les toiles, les cuirs, les
céréales, le cidre, le miel, les bois de chauffage et de construction, les chevaux, les bêtes à corne, etc., le poisson de ses côtes et les morues que ses pécheurs vont chercher au banc de Terre-Neuve.
La marine marchande des Côtes-du-Nord est représentée par près de 800 navires, répartis entre ses 18 ports, et dont la jauge dépasse 28 000 tonnes.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département des Côtes-du-Nord est traversé par 7 routes impériales d'une longueur de 479 kilomètres, 18 routes départementales longues 560 kilomètres et207 chemins vicinaux, dont le développement total atteint 4320 kilomètres. La principale route impériale qui traverse le département de l'E. à l'O., dessert quatre arrondissements sur cinq, et passe par Dinan, Lamballe, Saint-Brieuc, Châtelaudren, Plouagat, Guingamp, Belle-Isle-en-Terre et Plounérin.
Deux canaux traversent le département des Côtes-du-Nord : le canal de Nantes-à-Brest et le canal d'Ille-et-Rance. Le canal de Nantes-à-Brest, long de 359 116 mètres, dont les pentes sont rachetées par 232 écluses, commence sur la Loire à Nantes par la rivière canalisée de l'Erdre, traverse le Morbihan, pénètre dans les Côtes-du-Nord, dessert la partie méridionale des arrondissements de Loudéac et de Guingamp, entre dans le bassin du Blavet jusqu'à Goarec et passe dans la vallée du Kergoatt, petit affluent de l'Aulne qui est navigable jusqu'à Brest, après avoir sillonné le département sur une longueur de 57 kilomètres. L'Ille-et-Rance, qui part de Rennes, entre dans les Côtes-duNord par le lit de la Rance, passe à Dinan, et se termine à 6 kilomètres au-dessous de cette ville, après un parcours de 84 kilomètres, dont les pentes sont rachetées par 47 écluses.
Le département des Côtes-du-Nord est desservi par l'une des trois lignes principales du réseau de l'Ouest, la ligne de Paris à Brest qui le traverse diagonalement du S.-E au N.-O., avec stations à Caulnes-Dinan, Broons, PlenéeJugon, Lamballe, Yffiniac, Saint-Brieuc, Châ- telaudren, Guingamp, Belle-Isle-Bégard, Ploua- ret-Lannion et Plounérin.
Le développement de cette voie ferrée est de 120 kilomètres.
Un embranchement détaché de Saint-Brieuc descendra vers le S., et, par Napoléonville, il rejoindra Auray dans le Morbihan.
Histoire. — Le territoire occupé par le département des Côtes-du-Nord fut habité autrefois par les Curiosolites, les Lescobiens, les Ambi-
liates, et autres peuplades qui résistèrent quelque temps à l'invasion romaine ; mais elles finirent par succomber dans cette guerre de l'indépendance, et leur pays fut incorporé dans la troisième Lyonnaise.
Au IVe et au Ve siècle, des Bretons vinrent s'établir sur le territoire armoricain, ayant à leur tête un certain Fragan, dont les fils et les filles portèrent le titre de saints. C'est assez dire que la religion chrétienne attirait alors ses prosélytes, que les monastères se fondaient, et autour d'eux, les premières villes de la contrée.
Pendant plusieurs siècles, elle fut livrée aux dissensions personnelles qui divisaient les chefs, jusqu'au moment où la maison de Penthièvre, au XIe siècle, domina tout le pays.
Le principal château de cette famille fut celui de Pontrieux, situé entre le Trieux et le Leff, d'où est venu le nom de Penthièvre; il comprenait les diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier, et ses princes, s'arrogeant des droits royaux, y régnèrent avec un certain éclat.
Cependant, les duchés de Penthièvre et de Bretagne demeuraient séparés, et leurs princes se livrèrent d'incessantes guerres, jusqu'au moment où Jeanne la Boiteuse, fille de Guy de Bretagne, qui avait hérité des deux duchés, fut vaincue par Jean de Montfort, l'allié des Anglais, et réduite au seul duché de Penthièvre par le traité de Guérande. Mais alors apparut l'un des ennemis mortels de la domination anglaise, le connétable de Clisson, qui, par un mariage, réunit de nouvelles forces contre les seigneurs de Bretagne; sa politique fut continuée par sa fille, Marguerite de Clisson ; cette courageuse princesse résista à Simon de Montfort, jusqu'au moment où celui-ci, aidé des Anglais et des vassaux bretons qui redoutaient la domination de Marguerite, envahirent, au commencement du xve siècle, le comté de Penthièvre, rasèrent ses châteaux et dépouillèrent cette ambitieuse famille de tous ses biens. Une transaction intervint; le duché retourna à l'un des fils de Marguerite, mais bientôtles troubles recommencèrent, et ce ne fut qu'après la réunion de la Bretagne à la France, que le comté fut attribué, par François Ier, à Jean de Brosse.
Ce comté, érigé par Charles IX en duchépairie au milieu du XVIe siècle, passa dans la famille de Vendôme, et fut cédé enfin à Louis de Bourbon, comte de Toulouse, dont la petite fille épousa le duc de Chartres. C'est ainsi que le duché de Penthièvre arriva dans la maison d'Orléans.
Depuis cette époque, le duché de Penthièvre, ou très-exactement le département des Côtesdu-Nord, ne fut troublé que par une vaine des-
cente des Anglais sur la côte de Saint-Cast, en 1758, et par l'expédition de Quiberon, en 1795.
A l'époque où la France fut divisée en dédépartements, en 1790, le département des Côtes-du-Nord se forma de la moyenne et d'une partie de la basse Bretagne.
Hommes célèbres. — Les hommes les plus remarquables des Côtes-du-Nord sont : SAINTYVES, un curé breton du XIIIe siècle ; le maréchal BEAUMANOIR; le contre-amiral le BOZEC ; MAHÉ DE LA BOURDONNAIS , administrateur de l'Ile de France; LAGUYOMARAIS, l'un des chefs de la conspiration de la Rouarie; le comte KERGARIOU, pair de France; Mgr de QUÉLEN, archevêque de Paris; et parmi les contemporains : le député GLAIS-BIZOIN ; le peintre HAMON ; le docteur JOBERT DE LAMBALLE ; ERNEST RENAN ; le littérateur HIPPOLYTE LUCAS.
Divisions administratives. — Le département des Côtes-du-Nord comprend cinq arron- dissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Saint-Brieuc.. 12 cant. 95 comm.
— de Dinan. 10 — 91 — — de Guinguamp.. 10 — 74 — — de Lannion. 7 — 65 — — de Loudéac 9 — 59 — 48 cant. 384 comm.
Le département des Côtes-du-Nord forme la 4e subdivision de la 6e division militaire, dont le siège est à Rennes.
Dans l'administration religieuse, il forme un diocèse dont l'évêché est à Saint-Brieuc et qui est suffragant de l'archevêché de Rennes; ce diocèse a un grand séminaire au chef-lieu du département, 3 petits séminaires à Tréguier, Dinan et Plouguernevel, 48 cures, 348 succursales et 360 vicariats rétribués par l'État.
La justice est rendue dans le département par les 5 tribunaux de première instance des chefs-lieux d'arrondissement et par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc, qui ressortissent de la Cour impériale de Rennes.
Compris pour l'instruction publique dans le ressort de l'Académie de Rennes, ce département possède un lycée à Saint-Brieuc, des colléges communaux à Dinan, à Lamballe, à Lannion, un cours normal d'instituteurs à Lamballe, un cours normal d'institutrices à Lannion, et 621 écoles publiques ou libres. Les trois cinquièmes des jeunes gens appelés au tirage au sort ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département des Côtes-duNord :
ARRONDISSEMENT DE SAINT-BRIEUC.
SAINT-BRIEUC (15 812 hab.), préfecture et cheflieu du département, divisé en deux cantons, est situé à l'embouchure du Gouet et à 451 kilomètres de Paris. Cette ville, avec son port du Légué, forme un quartier maritime du sousarrondissement de Brest; ses boulevards Duguesclin et d'Angoulême, un peu au delà le rocher qui permet à la vue de s'étendre sur toute la baie, la colline avec la tour en ruine de Cesson qui sert de point de reconnaissance aux marins, et au pied, la vaste grève où ont lieu les courses de chevaux, en font une ville assez intéressante à visiter; sa cathédrale date du commencement du XIIIe siècle, et renferme un monument de Saint-Guillaume, qui est classé parmi les monuments historiques.
Des huîtrières artificielles, les filatures de coton, les fabriques de tiretaine, etc., forment les principaux établissements industriels de Saint-Brieuc, qni fait le commerce des grains, des suifs, des bestiaux, etc., et envoie ses navires à la pêche de la morue.
Saint-Brieuc se fonda autour d'un monastère érigé au Ve siècle, qui devint un évêché au IXe ; les Normands furent vaincus sous les murs de cette ville par Alain Barbe Torte en 937, et elle fut prise par le connétable de Clisson en 1592.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Châtelaudren (1305 hab.), non loin des ruines d'un vieux prieuré du XIIe siècle; Étables (2961 hab.), petit port au bord de la Manche; Lamballe (4151 hab.), dont l'église de Notre-Dame, construite du XIIIe au xve siècle, est un monument historique, et qui a conservé des restes de ses anciennes fortifications ; Lanvollon (1719 hab.), où fonctionne une usine pour la construction d'instruments aratoires ; Moncontour (1387 hab.), dont l'église Saint-Mathurin a de splendides vitraux classés parmi les monuments historiques; Paimpol (2166 hab.), petit port sur la Manche, qui est l'entrepôt général des sels du département ; Pléneuf (2201 hab.), avec son port de Dahouet sur la Manche; Plœuc (5114 hab.), riche en menhirs et en dolmens; Plouha (5531 hab.), au bord de la Manche, où se trouve la curieuse chapelle de Kermaria-Nisquit, ornée d'une danse macabre, et Quintin (3690 hab.), où l'on fabrique des toiles de ce nom, et qui a des menhirs classés parmi les monuments historiques.
Les principales communes de l'arrondisse- ment sont : Binic (2738 hab.), port sur la Manche, dont les navires font le cabotage et la pêche à la morue; Bréhand (2094 hab.) ; Erquy (2415 hab.), au bord de la Manche; Hénon
(3004 hab.); Hillien (2649 hab.), sur la Man- che, où l'on exploite des marais salants; Kérity (2094 hab.) ; Lanfains (2287 hab.) ; Langueux (2747 hab.); Marouè (2344 hab.); Plaintel (2981 hab.); Plédran (3484 hab.), où se voient des vestiges antiques du plus haut intérêt, et entre autres un camp ancien, des dolmens, des menhirs; Pléguien (2016 hab.); Plélo (4343 hab.) ; Plérin (6178 hab.), où apparaissent les vestiges d'une voie romaine; Ploubazlanec (3480 hab.); Plouëzec (4645 hab.); Ploufragan (2604 hab.) ; Plounez (2126 hab.); Plourhan (2252 hab.); Plourivo (2627 hab.); Pommerit-le-Vicomte (3119 hab.), avec une trèsvielle chapelle de Notre-Dame du Folgoët ; Pordic (4917 hab.); Quessoy (3002 hab.) ; Saint-Brandan (2661 hab.); Saint-Quay (2976 hab.), sur la Manche; Yffiniac (2280 hab.), où l'on exploite des marais salants.
ARRONDISSEMENT DE DINAN.
INAN (8510 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, divisé en deux cantons, est situé sur la Rance, à 60 kilomètres de Saint-Brieuc. On y remarque quelques parties de son enceinte fortifiée, son vieux château du XVe siècle, son église de Saint-Sauveur dont le portail roman est décoré de bas-reliefs, sa curieuse maison du moyen âge, ses boulevards , son viaduc qui établit une communition avec le faubourg de Lanvallay, etc.
Son port, accessible aux navires de 90 tonneaux, importe le sel, la résine, le goudron, les salaisons, etc., et exporte des grains, des bois, des cuirs, etc.
Dinan est une ville très-ancienne, et, au XIe siècle, elle était connue sous le nom de Dinellum; elle devint une place très-forte et eut à soutenir plusieurs siéges ; Duguesclin et Olivier de Clisson s'en emparèrent à six ans de distance vers la fin du XIVe siècle.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Broons (2738 hab.), dont le territoire renferme du minerai de fer ; Evran (4402 hab.), d'où l'on exporte du schiste; Jugon (565 hab.), près d'un étang de 80 hectares; Matignon (1369 hab.), avec son église romane; Plancoët (1900 hab.), port sur l'Arguenon; Plélan-le-Petit (1199 hab.), où l'on exploite des carrières de granit; Ploubalay (2731 hab.), et Saint-Jouan-de-l'Isle (724 hab.), sur les bords de la Rance.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Caulnes (2102 hab.) ; Corseul (3266 hab.); Plédéliac (2077 hab.); Plénée-Jugon (4300 hab.); Plestan (2047 hab.) ; Pleudihen (4840 hab.); Plouasne (2598 hab.); Plouër (3932 hab.) ; Plumaugat (2465 hab.) ; Sévignac (2805 hab.); Yvignac (2087 hab.).
ARRONDISSEMENT DE GUINGAMP.
GUINGAMP (6977 hab.), sous-préfecture et cheflieu d'arrondissement, est situé sur le Trieux, à 32 kilomètres de Saint-Brieuc. Les archéologues y admirent l'église de Notre-Dame du Bon-Secours et l'église de l'ancienne abbaye de Sainte-Croix qui date de la fin du XIIe siècle.
Les moulins à eau, les filatures de lin, les minoteries, etc., forment les principaux établissements industriels de cette localité, et elle exporte principalement des toiles.
Guingamp fut autrefois la capitale du duché de Penthièvre ; cette ville, très-enviée pour ses prérogatives, telles que droits de députation, de moyenne et basse justice, fut souvent assiégée et pillée jusqu'à la fin du XVe siècle.
Le château qui la défendait fut rasé en 1626.
Les chefs-lieux de canton sont : Bégard (4553 hab.), avec une ancienne abbaye de l'ordre de Cîteaux ; Belle-Isle-en-Terre (2051 hab.), où l'on exploite du minerai de fer; Bourbriac (4421 hab.), qui fait la même exploitation; Callac (3361 hab.); Maël-Carhaix (2235 hab.) ; Plouagat (2480 hab.); Pontrieux (2300 hab.), petit port à l'embouchure du Trieux qui exporte des grains, des farines; Rostrenen (1626 hab.), qui fait le commerce de vins et de bestiaux, et Saint-Nicolas-du-Pelem (2838 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Carnoët (2125 hab.); Duault (2815 hab.); Glomel (3450 hab.); Goudelin (2323 hab.); Kergrist-Moëlou (2457 hab.); Louargat (4357 hab.); Pédernec (3307 hab.); Ploëzal (3157 hab.); Plouëc (2243 hab.); Plougonver (4131 hab.); Plouguernevel (3534 hab.); Plouisy (2002 hab.); Ploumagoar (2268 hab.) ; Plounévez- Quintin (2655 hab.); Quemper-Guézennec (2760 hab.)
ARRONDISSEMENT DE LANNION.
LANNION (6832 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, est situé sur le Léguer, à 65 kilomètres de Saint-Brieuc, et forme un sous-quartier maritime de Morlaix. C'est une jolie ville, dont les quais sont plantés d'arbres ; ses églises de Saint-Jean de Baty et des Ursulines offrent quelques détails intéressants, ainsi que certaines maisons du moyen âge.
Les tanneries, les brasseries, les exploitations de sables calcaires, etc., sont les principaux établissements industriels de Lannion.
Son port, assez fréquenté des petits navires et des caboteurs, importe des vins, des eaux-devie, des bois du Nord, etc., et exporte du chanvre, des os pour noir animal, des céréales et des graines oléagineuses, etc.
Lannion, au milieu du XIVe siècle, fut surpris
par les Anglais, et vit massacrer une grande partie de ses habitants; c'est le fait le plus saillant de son histoire, et sa tranquillité ne fut plus troublée qu'en 1789, époque à laquelle les volontaires nationaux pénétrèrent dans ses murs pour y comprimer une insurrection.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Lézar- drieux (2261 hab.), petit port sur le Trieux, au bord de la Manche; Perros-Guirec (2800 hab.), port sur la Manche, accessible aux navires de 150 tonneaux ; Plestin (4548 hab.), sur la Manche; Plouaret (3368 hab.), situé au bord du Léguer, avec des grèves de sable calcaire qui s'emploie comme engrais, et qui exporte principalement des avoines; la Roche-Derrien (1765 hab.), avec une église du XIe siècle, et Tréguier (3643 hab.), au confluent du Guindy et du Jaudy qui forment un estuaire profond, et dont l'ancienne cathédrale et le cloître y attenant sont classés parmi les monuments historiques.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Cavan (2010 hab.); Langoat (2308 hab.); Loguivy-Plougras (3367 hab.); Penvénan (3095 hab.) ; Pleubian (3797 hab.); Pleudaniel (2536 hab.) ; Plermeur-Bodou (3030 hab.) ; Pleu- meur-Gautier (2467 hab.); Ploubezre (3494 hab.); Plougrescant (2376 hab ); Plouguiel (2580 hab.); Ploumilliau (3763 hab.) ; Plounévez-Moëdec (3837 hab.); Pluzunet (2524 hab.) ; Pommerit-Jaudy (2652 hab.); Prat (2257 hab.); le Vieux-Marché (2420 hab.).
ARRONDISSEMENT DE LOUDÉAC.
LOUDÉAC (6072 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, est situé à 50 kilomètres de Saint-Brieuc ; sa principale industrie est la fabrication des toiles. C'est sur son territoire qu'a été créée la ferme-école du Plessis-Boudet. On y remarque les restes d'un camp fortifié du XVIe siècle.
Loudéac ne fut d'abord qu'un rendez-vous de chasse au xe siècle, et il était alors désigné sous le nom de Lousiat.
Les chefs-lieux de canton sont : la Chèze (397 hab.), où l'on fabrique des toiles de lin; Collinée (772 hab.), avec d'importants gisements de minerai de fer; Corlay (1495 hab.), qui fait le commerce des bœufs et des chevaux; Goarec (871 hab.), avec des gisements de minerai de fer et des carrières de pierres à bâtir; Merdrignac (3392 hab.); qui exporte des fers et des peaux; Mûr (2534 hab.) ; Plouguenast (3619 hab.), et Uzel (1653 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont : Gausson (2023 hab.); La Motte (3362 hab.) ; Plémet (3431 hab.); Plémy (2946 hab.); Plessala (3537 hab.) ; Plumieux (2363 hab.), Trévé (2344 hab.).
CÔTE S - DU - NORD
Pont sur la Creuse, à Aubusson.
CREUSE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de la Creuse est situé dans la partie centrale de la France et traversé par le méridien de Paris. Il est borné au N., par le département de l'Indre; à l'O., par celui de la Haute-Vienne ; au S., par celui de la Corrèze ; à l'E., par ceux du Puy-de-Dôme et de l'Allier; au N. E., par celui du Cher.
L'aspect de ce département est montagneux ; il se ressent du voisinage de l'Auvergne et du
Limousin. Les régions du S. et du N.-E., qui forment une partie des arrondissements de Bourganeuf, d'Aubusson et de Boussac, sont très-pittoresques, mais aussi très-infertiles; les nombreuses ramifications des montagnes et des collines n'enferment que des vallées étroites et sauvages ; les mamelons, tantôt arides et dénudés, tantôt revêtus de bruyères, sans une chaumière, sans un arbre, ont une apparence de désolation qui n'est pas dépourvue
de charmes aux yeux de l'artiste ; dans les montagnes de Toulx-Sainte-Croix existent de curieux viviers, de grandes pierres jaunâtres et de magnifiques dolmens d'origine druidique; au S. s'étalent des landes hérissées d'ajoncs et de genêts, immenses brandes que l'industrie agricole est encore impuissante à transformer.
Vers les régions de l'E., de l'O., et au centre du département, les vallées de la Tardes, de la Vouise, de la Gartempe, de la Creuse sont fertiles, bien cultivées, revêtues d'épais tapis de verdure, arrosées par de nombreux cours d'eau; là prospèrent les arbres à fruits et les bois de châtaigniers.
Le sol du département de la Creuse, principalement composé de terres sablonneuses qui sont peu propres à la végétation, appartient presque tout entier aux terrains primitifs, et, seules, les terres humides, que fécondent les détritus charriés par les eaux des montagnes, sont favorables à la culture.
Orographie. — Plusieurs chaînes de mon- tagnes, ou pour mieux dire, plusieurs chaînons forment la charpente du département de la Creuse. La principale ramification à laquelle elles se rattachent dérive du Mont-Dore, et s'introduit dans le département par le S.-E. ;
là, elle se bifurque en deux rameaux : l'un court vers l'E., l'autre vers le S.; ce dernier est le plus élevé et forme la ligne de partage des eaux qui sépare le bassin de la Loire de celui de la Garonne; un troisième chaînon se détache de la ramification principale et produit les reliefs de la portion N.-O. du département.
Ainsi donc ce système orographique, arrondi en demi-cercle, forme comme une sorte de limite naturelle du S.-E. au S.-O., que les frontières conventionnelles du département ont légèrement dépassée.
Le noyau de ces montagnes est principalement granitique et schisteux, avec quelques traces de basaltes et de scories, indices volcaniques du sol de certaines localités. Quelques-unes d'elles sont couvertes de neiges pendant plusieurs mois de l'année ; et cependant, leur altitude ne dépasse guère 300 mètres au-dessus du niveau des vallées et des plaines. La température y est presque toujours très-froide.
Les points culminants du département de la Creuse, sont : le Truc, haut de 886 mètres, le Clocher-de-Feniers, haut de 847 mètres, le Signal-de-Royère, haut de 831 mètres, la Courtine, haute de 795 mètres, Faux-la-Monta- gne, haut de 750 mètres, Soubrebost, haut de 725 mètres, la Montagne-de-Sermur, haute de
721 mètres, où Cassini avait installé ses signaux quand il mesurait le méridien de Paris.
Hydrographie. — Une particularité qu'il faut remarquer dans le système hydrographique du département de la Creuse, c'est qu'il n'est arrosé que par les rivières nées dans son sein.
Il ne doit rien aux départements qui lui confinent, et l'on peut le dire justement le père de tous ces cours d'eau qu'il jette soit dans la Loire, soit dans la Dordogne.
Ces principaux cours d'eau, dont aucun n'est navigable dans le département, sont : la Creuse, le Cher, la Gartempe, affluent de la Creuse, la Vienne, et le Chavanon, affluent de la Dordogne.
La Creuse qui a donné son nom au département, le doit sans doute au profond encaissement de son lit; cette rivière prend sa source au pied du plateau Mille-Vaches, dans l'arrondissement d'Aubusson ; elle arrose Clairavaux, Felletin, Aubusson, la Rochette, Ahun, Glénic, passe sous le viaduc du chemin de fer de Montluçon à Limoges, baigne les territoires de la Celle-Dunoise et de Fresselines, les collines de Crozant, pénètre dans le département de l'Indre qu'elle traverse dans sa partie S.-O., limite les départements de la Vienne et d'Indre-et-Loire, et se jette dans la Vienne par sa rive droite, après un cours de 235 kilomètres; pendant les 80 kilomètres qui appartiennent au département, ses principaux affluents sont : 1° la Roseille, qui vient des montagnes de Malleret, au S. de l'arrondissement d'Aubusson; 2° la Beauze; 3° la Petite-Creuse, qui traverse la partie N. du département à travers les arrondissements de Boussac et de Guéret, en arrosant Boussac, Chéniers, et qui finit près de Fresselines, après avoir reçu le Véron, les Forges et le Boisferut ; 4° la Sédelle, qui naît dans le canton de la Souterraine, ar rose la Souterraine, Saint-Aignan-de-Versillat, s'accroît de la Brézentine, et se termine près de Crozant, après un cours de 36 kilomètres.
Le Cher qui prend sa source dans l'arrondissement d'Aubusson, près du hameau qui porte son nom, dans le canton d'Auzances, sépare sur une certaine étendue la Creuse du Puy-de- Dôme, puis la Creuse de l'Allier, entre dans le département de l'Allier, traverse le Cher, le Loir-et-Cher, l'Indre-et-Loire, et se jette dans la Loire, après un cours de 320 kilomètres. Son principal affluent, dans le département de la Creuse, la Tardes, prend sa source non loin de Bâville, passe près de Crocq, de Saint-Avit, de Tardes,de Chambon, chef-lieu d'un des cantons de l'arrondissement de Boussac, et finit sur la limite du département, après avoir absorbé
dans un cours de 62 kilomètres le Rondeau, la Méouse, la Vouise et le Chacrot.
La Gartempe naît dans le canton d'Ahun de l'arrondissement de Guéret, le traverse pendant 35 kilomètres, après avoir arrosé la Chapelle-Taillefort, Saint-Sylvain, Gartempe, Grand-Bourg, Saint-Étienne-de-Fursac, entre dans la Haute-Vienne, puis dans la Vienne, et ne rejoint la Creuse que dans le département d'Indre-et-Loire, après 170 kilomètres de cours.
La Vienne prend sa source sur le plateau de Mille-Vaches, au pied du Mont-Odouze, au S. de l'arrondissement d'Aubusson ; pendant son parcours cette rivière n'appartient réellement pas au département de la Creuse qu'elle ne fait que délimiter un instant; mais un de ses affluents de droite, le Taurion, qui naît près de Gentioux, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Aubusson, traverse tout l'arrondissement de Bourganeuf, en baignant Ville- moneix, Pontarion, Bosmoreau, le pied de Bourganeuf, Chatelus-le-Marcheix, reçoit le Villeneuve, le Fidaillat, la Gane, la Gane-Molle accrue de la Bouzogles, la Legrennc et la Vige, pendant les 70 kilomètres qui appartiennent au département, puis entre dans la Vienne et finit à Saint-Priest-Thorion.
A l'angle S.- E. du département, le Chavanon qui prend sa source dans le canton de Crocq, de l'arrondissement d'Aubusson, sert de limite entre la Creuse et le Puy-de-Dôme, et va se jeter dans la Dordogne, après un cours de 52 kilomètres.
Pour compléter l'hydrographie du département de la Creuse, il faut citer des étangs dont le plus grand nombre se rencontre dans la région du S.
Climat. — Le climat du département de la Creuse est sujet à des variations, non-seulement grandes, mais brusques, grâce à la nature accidentée du sol. Aussi, les affections rhumatismales et pulmoniques y sont-elles assez nombreuses. La température est généralement froide et humide, le ciel couvert de nuages et embrumé. De là, des pluies fréquentes et des orages redoutables. L'hiver y est long et rigoureux, le printemps pluvieux et tardif. Mais si les étés y sont courts, l'automne, du moins, est presque toujours beau avec les vents d'E. qui y règnent en permanence.
Superficie. — Population. — La superficie de ce département est de 556 830 hectares, et sa population de 274 057 habitants, soit environ 50 habitants par kilomètre carré. Cette
population s'est accrue de 52 000 âmes, depuis le commencement du siècle. Les agriculteurs en forment la majeure partie, mais ils ne l'emportent que de 6 à 7 000 sur les industriels et les commerçants dont on compte environ 129 500; les professions libérales n'occupent que 2300 personnes, et l'on peut porter à près de 10 000 le nombre de celles qui n'exercent aucune profession.
Dans le département de la Creuse, la propriété foncière est assez morcelée ; on y compte en effet près de 79 000 propriétaires, qui se partagent plus d'un million de parcelles de terrain. De là, chicanes, contestations et procès, qui ne laissent point chômer les tribunaux, et une assez nombreuse corporation d'hommes de loi, sinon très-rusés, du moins très-entendus en matière processive.
Les mœurs des habitants sont pures ; les populations agricoles et citadines ont beaucoup de courage, de patience, d'activité, et la grande vertu de l'économie. Mais les ressources manquent à bien des bras, le pays ne peut suffire à nourrir ses enfants, et chaque année, un grand nombre d'entre eux, près de trente mille d'après les dernières statistiques, remontent vers les villes du nord de la France, et y vont exercer principalement l'état de maçons, de paveurs, de charpentiers, de tailleurs de pierres, de tuiliers, de couvreurs, de scieurs de long, etc. ; on les estime généralement pour leur courage et leur sobriété.
Leurs frères qui restent au pays demeurent soumis à un grand nombre de préjugés, dont les émigrants se débarrassent assez vite dans leur commerce avec les habitants des grandes villes; mais les devins et les sorciers courent encore les campagnes de la Creuse, non sans succès, non sans profit. Quant au patois des paysans, c'est un dialecte de la langue limousine.
Agriculture. — Le domaine agricole du département de la Creuse, comprend 263 800 hectares de terres labourables, 126 000 de prairies naturelles, 9000 de cultures arborescentes, 85 600 de pâturages, landes, bruyères, pâtis, et 72 000 de bois, forêts, étangs, terres incultes, etc.
L'incessante émigration des paysans de la Creuse qui vont chercher fortune au dehors démontre suffisamment que ce département ne peut suffire à nourrir ses habitants. En effet, la terre y est ingrate, et tant que le drainage, le chaulage, et d'intelligentes irrigations n'auront pas renouvelé son sol, il comptera parmi les plus pauvres de la France. Or, l'agriculteur reste malheureusement sourd
au progrès de la science agricole, car sur les 126 000 hectares de prairies du département, c'est à peine si 5000 sont arrosés par des dérivations de cours d'eau ; de plus, près de 88 000 hectares consistent en biens communaux mal exploités en raison même de leur mode de jouissance ; on comprendra donc que l'agriculture soit arriérée dans ce dépar- tement, et que ses productions ne puissent lui suffire.
La principale culture est celle du seigle qui s'étend sur plus de 100 000 hectares, et qui forme avec les produits des châtaigniers la principale alimentation des populations rurales. On ne récolte le froment et l'orge que dans les territoires qui confinent au Berry et au Bourbonnais, et un peu d'avoine et de sarrasin dans les diverses parties du département. La valeur des céréales ne dépasse pas, année commune, 15 millions de francs.
L'élève des animaux domestiques est trèsimportante dans le département; elle fournit les meilleurs chevaux pour la remonte de la cavalerie légère, grâce au dépôt de Guéret qui a été créé en 1826 ; c'est par ses étalons que l'ancienne race marchoise a été heureusement améliorée. Les bœufs et les taureaux de deux à quatre ans sont fort estimés pour les travaux de labours; ceux que l'on engraisse plus spécialement jusqu'à six et sept ans vont alimenter en partie les marchés de Poissy et de Sceaux pour la consommation parisienne; ils sont donc l'objet d'un commerce assez considérable.
Les bêtes à laines ne coûtent rien à nourrir dans les landes et les bruyères communales; elles n'occasionnent même pas de frais de bergerie; aussi, par leur nombre, qui dépasse 800000, procurent-elles quelques ressources aux arrondissements stériles du département; là, surtout, s'élèvent les agneaux qui sont revendus aux agriculteurs des départements voisins. Les porcs dont on compte 50 000, sont engraissés pour la consommation locale et l'exportation. Près de 19 000 ruches d'abeille permettent de faire un commerce assez lucratif d'un miel très-agréable et très-parfumé. Aux environs de la Souterraine, dans la partie O. de l'arrondissement de Guéret, on pêche un grand nombre de sangsues qui sont expédiées sur Paris.
Le revenu brut des animaux domestiques atteint près de 15 millions de francs, et la valeur annuelle de la production agricole ne dépasse pas 31 millions.
Mines. — Carrières. — Le département de la Creuse est principalement formé de terrains primitifs, où se rencontrent le schiste micacé,
l'amphibolite, le quartz, etc., ainsi que des débris volcaniques. Il existe aussi un bassin houiller d'une assez grande étendue entre Aubusson et Ahun, et dans les environs de Bourganeuf; on l'exploite sur plusieurs points, et il donne une houille de qualité excellente qui se trouve souvent associée au fer carbonaté.
On a également mis en exploitation régulière certaines carrières de granit, de pierres de taille et de terre à poterie. Le sol recèle aussi quelques filons de plomb argentifère et d'antimoine. Dans la plaine de Lussat se rencontre en assez grande abondance de l'argile plastique et surtout du gypse dont les agriculteurs pourraient tirer un excellent parti pour l'amendement de leurs terres.
A Évaux, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Aubusson, une source chaude, connue sous le nom de Puits de César, donne des eaux thermales qui atteignent jusqu'à 55° centigrades; elles conviennent parfaitement aux personnes affectées de rhumatismes, ou aux malades dont les fonctions de l'estomac veulent être rétablies.
Industrie. — Commerce. — L'industrie de fabrication a reçu peu de développement dans le département de la Creuse. Quelques tanneries, brosseries, papeteries et manufactures de porcelaines, etc., représentent tout le travail industriel du pays. Mais il existe une fabrication dont la renommée est universelle, celle des tapisseries d'Aubusson et de Felletin, qui vient immédiatement après la fabrication des Gobelins et de Beauvais ; ces manufactures existaient déjà au xve siècle, et occupent plus de 2000 ouvriers.
Le rendement des 5 mines de houilles, exploitées dans le département, est par an de 165 000 quintaux métriques qui valent près de 200 000 francs.
Quant au commerce, il est principalement alimenté par le trafic des animaux domestiques, l'exportation des bœufs, des agneaux, du beurre, le produit des manufactures, etc.
Routes. — Chemins de fer. — Les routes du département présentent un développement de 6847 kilomètres. On y compte 6 routes impériales, 9 routes départementales et 2349 chemins vicinaux. La route principale est celle de Paris à Toulouse, qui passe par Orléans, Châteauroux, Guéret, Limoges et Montauban.
Le département est desservi : 1° par le chemin de fer de Paris à Agen, l'une des lignes principales du réseau d'Orléans, qui coupe l'angle N.-O., et a des stations à Saint-Sébastien,
Forgevieille et la Souterraine; 2° par l'embranchement de Montluçon à Sulpice-Laurière, qui traverse tout le département de l'E. à l'O., avec station à Parsac, Cressat, Busseau-d'Ahun, Saint-Feyre, Guéret, la Brionne, Montaigut, Vieilleville et Marsac; 3° par le sous-embranchement de Busseau-d'Ahun à Aubusson, qui n'est en exploitation que jusqu'à Fourneaux en passant par Ahun-les-Mines.
Ces diverses voies ferrées offrent un développement de 100 kilomètres.
Histoire. — Autrefois, avant la conquête romaine, le territoire qui a formé la province de la Marche, fut habité par les Cambiovicenses.
Plus tard, il fut compris sous le nom de Marchia Gallica dans l'Aquitaine première du temps d'Honorius; puis, après avoir subi la domination des Visigoths, il tomba au pouvoir des Francs et entra, avec le Limousin, dans le royaume d'Aquitaine.
Pendant plusieurs siècles, la Marche appartint à divers comtes qui eurent maille à partir avec les Capétiens; puis, elle fut vendue au roi d'Angleterre, Henri II, qui la rendit au comte de Lusignan. Un des seigneurs de ce nom, mort sans enfants en 1308, légua le comté de la Marche à Philippe le Bel, dont le fils Charles l'échangea avec le duc de Bourbon pour le comté de Clermont. La Marche, confisquée par Louis XI, après la mort de Jacques d'Armagnac, puis rentrée dans la maison de Bourbon, reconfisquée de nouveau après la trahison du connétable, passa enfin à Louise de Savoie, et fut définitivement réunie, en 1531, par François Ier, son fils, à la couronne de France.
La province de la Marche n'est pas riche en faits historiques. La réforme religieuse du XVIe siècle y fit quelques progrès. C'est à Aubusson que se trouvaient la plupart des protestants, et lors de la révocation de l'édit de Nantes, ils durent s'expatrier et émigrèrent en Suisse et en Allemagne.
Pendant la période révolutionnaire, ce pays souffrit peu des troubles du temps, et ses volontaires se distinguèrent dans les armées de la République.
Enfin, dans la nouvelle division de la France, en 1790, le département de la Creuse fut formé avec la Haute-Marche , deux portions détachées de l'Auvergne, et une petite portion du Berry.
Hommes célèbres. — Les principaux hommes remarquables du département de la Creuse sont : PIERRE d'AUBUSSON, grand-maître de Rhodes; TRISTAN-L'HERMITE; le jurisconsulte
PARDOUX-DUPRAT; le maréchal D'AUBUSSON; le poëte QUINAULT; le sénateur CORNUDET; le médecin DUFFOUR; l'antiquaire BARAILON ; et parmi les contemporains : JULES SANDEAU, membre de l'Académie française ; ALFRED ASSOLANT.
Divisions administratives. — Le département de la Creuse forme quatre arrondissements ainsi subdivisés :
Arr. de Guéret 7 cant. 75 comm.' — d'Aubusson. 10 — 99 — — de Bourganeuf. 4 — 41 — — de Boussac. 4 — 46 — 25 cant. 261 comm.
Ce département forme la 2e subdivision de la 21e division militaire dont le siège est à Limoges.
Le département de la Creuse ne possède pas d'évêché; le siège épiscopal, suffragant de l'archevêché de Bourges dont il relève, est à Limoges, dans le département de la HauteVienne ; mais il a un grand séminaire et 2 petits séminaires à Ajain et à Felletin, 70 cures, 468 succursales et 79 vicariats retribués par l'État.
La justice est rendue par les 4 tribunaux de première instance de Guéret, d'Aubusson, de Chambon et de Bourganeuf, qui ressortissent à la Cour impériale de Limoges.
Il y a deux colléges communaux à Guéret et à Aubusson, une école normale d'instituteurs et un cours normal d'institutrices à Guéret, et 427 écoles publiques et libres; ces divers établissements ressortissent de l'Académie de Clermont. Plus du tiers des jeunes gens inscrits au tirage au sort ne sait ni lire, ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de la Creuse: ARRONDISSEMENT DE GUÉRET.
GUÉRET (5126 hab.), préfecture et chef-lieu du département, est situé au pied d'une montagne, à 345 kilomètres de Paris. Cette petite ville, assez pittoresque, est encore entourée de ses anciennes murailles défendues par sept tours; ses rues sont très-irrégulières, mais ses places et ses promenades, arrosées par des fontaines d'eau vive, sont charmantes. Elle n'a aucun édifice moderne qui mérite d'être cité ; ses vieilles fortifications, les restes de constructions qui se voient dans la maison du Sénéchal, son église en granit de l'époque romane, son château gothique du xve siècle, méritent l'attention des ar-
chéologues ; son hôtel de ville renferme de belles collections d'histoire naturelle, d'archéologie et de numismatique.
Il existe à Guéret une pépinière départementale ; on y exploite des carrières de pierres de taille; on y fait le commerce du beurre, des cuirs, du bois, etc., et ses principaux établissements industriels sont des corroieries, des tanneries, des fabriques de noir animal, etc.
Guéret, l'ancien Garactum, était autrefois la capitale de la Basse-Marche; cette ville se groupa, au commencement du XIIIe siècle, autour d'un monastère qui fut fondé par saint Pardoux, et devint une cité assez florissante, dès qu'elle fut habitée par les comtes de la Marche.
Ahun (2450 hab.), est un chef-lieu de canton où se trouve un bassin houiller d'un rendement considérable, qui peut produire annuellement plus de 100 000 quintaux métriques de combustible, et qui s'étend du N.-O. au S.- O., jusqu'au delà du village de la Rochette en suivant les rives de la Creuse. L'église d'Ahun, reconstruite au XVIIIe siècle, a conservé une crypte curieuse où s'élève le tombeau du martyr saint Sylvain, et une belle abside de l'époque romane.
La Souterraine (4029 hab.), chef-lieu de canton, existait déjà au temps de la domination romaine. Son territoire est riche en antiquités de toutes les époques, et a conservé les vestiges d'un camp de César. La ville possède une église de l'époque de transition qui est classée parmi les monuments historiques. Les fabriques de sabots, de chandelles, de draps, les filatures de laine, etc., forment les principaux établissements de cette petite localité, qui fait un commerce actif de bestiaux et de céréales.
Le Grand-Bourg (3060 hab.), chef-lieu de canton, situé près du cours de la Gartempe, est renommé pour ses fabriques de toile et ses foires qui sont les plus suivies de l'arrondissement. On fait à Grand-Bourg le commerce des bestiaux et des grains. Son église date du XIIIe siècle.
Bonnat (2691 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Petite-Creuse, a des tuileries et des moulins à huile.
Dun (1547 hab.), chef-lieu de canton, fait le commerce des bestiaux. Près du village de la Valette, situé sur son territoire, se trouve un dolmen remarquable.
Saint-Vaury (2609 hab.), chef-lieu de canton, possède une église qui renferme un admirable bas-relief représentant les principales scènes de la Passion.
Parmi les communes importantes de l'arrondissement, il faut citer : Ajain (2027 hab.), avec une église du XIIIe siècle dont la façade est fortifiée; Pionnat (2203 hab.), où l'on engraisse des bestiaux; Lourdoucix-Saint-Pierre (2064 hab.); Crozant (1362 hab.), près d'une mine de cuivre non exploitée, et des ruines d'un château de l'époque romane, rasé par Richelieu; Fresselines (1922 hab.), auprès du confluent des deux Creuses, qui élève des bestiaux; Naillat (2096 hab.); Saint-Étienne-deFursac (2140 hab.), où se voit une jolie chapelle de la fin du XVe siècle; Saint-Pierre-de-Fursac (1483 hab.), avec une église remarquable du XIVe siècle; Saint-Agnant-de-Versillat (2213 hab.), avec une belle église romane du XIIIe siècle; Azerables (2094 hab.), où il existe plusieurs tuileries; Bussière-Dunoise (2869 hab.); etc.
ARRONDISSEMENT D'AUBUSSON.
AUBUSSON (6625 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé dans une vallée très-pittoresque sur les bords de la Creuse, à 43 kilomètres de Guéret. Son industrie de tapisseries dont l'importation est attribuée aux Arabes du VIIIe siècle, fait sa richesse et sa réputation. De splendides tapisseries de haute lisse et les tapis façon turquie sont les produits les plus remarquables de sa manufacture impériale. Cette ville possède également des fabriques de draps communs et de bouracans, des filatures de coton et de laines, des teintureries, etc.
Felletin (3210 hab.), chef-lieu de canton, deux fois brûlé en 1128 et en 1248, est une petite ville industrielle située sur la Creuse, qui s'est courageusement relevée de ses ruines. Ses tapis, ses moquettes, ses draps font une sérieuse concurrence à ceux d'Aubusson.
Felletin possède quelques ruines et des monuments antiques très-curieux.
Crocq (1147 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville très-ancienne, bâtie au sommet d'une montagne. Les restes de ses fortifi- cations romanes sont estimées des archéo- logues.
Évaux (2786 hab.), chef-lieu de canton, situé sur un coteau que baigne un affluent de la Tardes, est cité pour ses eaux thermales; elles sont alimentées par 18 sources et s'administrent en boissons, en bains, en vapeurs et en douches. On voit encore à Évaux une piscine de construction romaine.
Auzances (1249 hab.), chef-lieu de canton, fait le commerce des bestiaux et des grains.
On y remarque une église moitié romane, moitié gothique.
Bellegarde (727 hab.), chef-lieu de canton, fait le commerce des chevaux, des toiles et des cuirs.
Chénerailles (1099 hab.), chef-lieu de canton, possède une église où se voit un magnifique bas-relief du XIIIe siècle, classé parmi les monuments historiques.
La Courtine (1034 hab.), chef-lieu de canton, dont le territoire est en partie occupé par des landes stériles, fait principalement le commerce des moutons.
Gentioux (1496 hab.), chef-lieu de canton, possède des tourbières qui sont en cours d'exploitation.
Saint-Sulpice-les-Champs (1154 hab.), cheflieu de canton, produit de l'avoine, du seigle et du sarrasin.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Néoux (1233 hab.), où l'on a retrouvé plusieurs tombes antiques; Dontreix (2256 hab.), avec une église romane de l'époque de transition; Rougnat (2166 hab.), où fonctionnent des moulins à huile ; Mainsat (2409 hab.), qui fait principalement le commerce des bestiaux; Mérinchal (1881 hab.), dont le territoire renferme quelques filons d'antimoine; Saint-Frion (1014 hab.), où se voit une église de la commanderie de Saint-Antoine; Vallières (2210 hab.), où se trouve la ferme-école de la Creuse, et dont l'église est dotée d'une jolie chapelle du xve siècle, élevée par les seigneurs d'Aubusson.
ARRONDISSEMENT DE BOURGANEUF.
BOURGANEUF (3501 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé sur un plateau, à 32 kilomètres de Guéret. On exploite plusieurs mines de houille dans ses environs. Cette petite ville possède une manufacture de porcelaines et des fabriques de papier. Les touristes visitent avec intérêt la tour de Zizim, bâtie en 1484, et qui servit de prison au jeune fils de Mahomet II, le vainqueur de Constantinople.
Bourganeuf fut autrefois le chef-lieu d'une élection et servit de résidence aux prieurs de Malte.
Bénévent-l'Abbaye (1686 hab.), chef-lieu de canton, est remarquable pour son église romane qui date du XIIe siècle et est justement classée parmi les monuments historiques. Les principales fabriques de cette petite ville sont des tanneries et des brosseries.
Pontarion (481 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Taurion, a conservé plusieurs tumuli gaulois et les ruines d'un château fort du xve siècle.
Royère (2505 hab.), chef-lieu de canton, a des tourbières, des plâtrières, et fait un important commerce de moutons.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Saint-Dizier (2275 hab.), avec une église gothique du XIIIe siècle; Châtelus- le-Marcheix (1613 hab.), qui fait le commerce des bois; Sarclent (2428 hab.), dont l'église possède une rare collection d'objets du XIIe siècle; Saint-Martin-le-Château (1311 h.), où l'on admire une cascade de 15 mètres formée par les eaux de la Mauldre; Monteil-auVicomte (482 hab.), avec les ruines de son vieux château du XIIe siècle, dont il ne reste que deux grosses tours rondes ; etc.
ARRONDISSEMENT DE BOUSSAC.
BOUSSAC (1062 hab.), chef-lieu d'arrondissement et sous-préfecture, est situé sur une montagne au confluent de la petite Creuse et du Véron, à 40 kilomètres de Guéret. Pierre Leroux et ses principaux disciples ont habité cette petite ville pendant quelques années. C'est dans un château du xve siècle qui domine la petite Creuse, que sont conservées de magnifiques tapisseries de haute lisse qui ornaient autrefois la prison du prince Zizim.
Les tanneries forment les principaux établissements industriels de cette localité, qui fait aussi le commerce des bois, des grains, des laines et des bestiaux.
Cette petite ville paraît avoir une origine fort ancienne, et il ne serait pas impossible qu'elle remontât à l'époque de la domination romaine.
Chambon (2262 hab.), chef-lieu de canton, au confluent de la Tardes et de la Vouise, fait un grand commerce de bestiaux.
Châtelus (1397 hab.), chef-lieu de canton, possède plusieurs moulins à huile, et fait un commerce très-considérable de céréales, de bois, de bestiaux et de laines.
Jarnages (816 hab.), chef-lieu de canton, produit du seigle, de l'avoine, du sarrasin, et surtout des raves qui sont cultivées en grand pour la nourriture des bestiaux.
Les communes importantes de l'arrondissement sont : Toulx-Sainte-Croix (1279 hab.), autour de laquelle on croit reconnaître les vestiges d'une grande cité celtique; Clugnat (2220 hab.), qui possède des moulins à huile; Genouillat (1704 hab.), avec une église fortifiée du XIVe siècle; Gouzon (1418 hab.), qui fait principalement le commerce des bestiaux et des chevaux; Boussac-les-Églises (1167 hab.), dont la plus ancienne église est de l'époque romane; Roches (1543 hab.), avec une chapelle riche en ex-voto; etc.
CREUSE
Vue générale de Périgueux. — Une rue à Brantôme.
Le château de Bourdeilles.
DORDOGNE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de la Dordogne est situé dans la partie S.- O. de la France, et emprunte son nom à la magnifique rivière qui le traverse de l'E. à l'O. dans sa portion méridionale. Il a pour limites : au N., le département de la Haute-Vienne; au S., celui de Lot-et-Garonne ; à l'O., ceux de la Gironde et de la Charente; à l'E., ceux de la Corrèze et du Lot.
D'innombrables collines, des coteaux sou-
vent très-escarpés, dont les uns, tapissés de vignes et couronnés de bois, contrastent avec les autres qui sont hérissés de rocs ou couverts de terres arides, des plateaux assez larges pour former d'immenses champs de bruyères, des landes envahis par les paquets de genets, de riches plaines sillonnées par de capricieux cours d'eau, des vallées charmantes d'une merveilleuse fertilité, et sur ces divers terrains, un réseau de ruisseaux et de rivières,
tantôt calmes, limpides, tantôt brusques, tumultueuses, bruyantes, à peine flottables, innavigables toujours, et qui parfois sortent d'étangs mystérieux dont la sonde n'a pu mesurer la profondeur, tel est l'aspect de ce vieux territoire du Périgord. Au N., il est stérile, sauvage, marécageux même, humide et froid dans sa partie orientale qui confine au Lot et au Limousin, couvert de forêts de pins à l'O., c'est-à-dire dans la partie comprise entre les grands cours d'eau du centre, mais riche en vignobles, en arbres fruitiers, en céréales dans la splendide vallée que baignent les eaux fertilisantes de la Dordogne.
Orographie. — Hydrographie. — Le territoire de Ja Dordogne est à la fois très-heureusement et très-vivement accidenté par une succession de plateaux et de collines qui ne peuvent mériter le nom de montagnes. Quelques hauteurs escarpées se dressent çà et là, sans jamais dépasser une hauteur de 500 mètres.
Le département de la Dordogne, arrosé par 11 grandes rivières et plus de 600 ruisseaux, appartient presque tout entier au bassin de la Garonne, sauf pour une petite portion de l'arrondissement de Nontron au N., que le Bandiat rattache au bassin de la Charente.
Tous les cours d'eau du département sont tributaires de la Dordogne, sauf le Bandiat déjà cité, et le Dropt qui est un affluent direct de la Garonne. Les plus importants sont l'Isle et la Dronne, affluent de l'Isle.
La Dordogne, née sur les flancs de la plus haute montagne du Puy-de-Dôme, traverse la Corrèze, Je Lot, entre dans le département qui porte son nom, arrose Aillac, Carsac, Vitrac, Domme, Castelnaud, Allas, Siorac, Limeuil, Alles, Trémolat, Mauzac, Badefols, Pontours, Lalinde, où elle forme le Saut de la Gratasse que les bateaux tournent par un petit canal, passe à Port-de-Couze, à Sainte-Capraise, à Mouleydier, àCreysse, à Bergerac, où une écluse la contient, baigne Lamontzie-Saint-Martin, Gardonne, le Fleix, entre dans la Gironde, où elle rejoint la Garonne au bec d'Ambès, après un cours de 490 kilomètres, dont 84 environ appartiennent au département de la Dordogne. Pendant ce parcours, ses principaux affluents sont : 1° la Fénolle, petite rivière du Lot qu'elle absorbe à la frontière; 2° le ruisseau du Néa qui prend sa source dans le Lot et arrose Sainte-Nathalène et Carsac; 3° le Céou qui vient du Lot, où il prend sa source, et qui arrose Daglan, Saint-Cybranet, après s'être accru des eaux de la fontaine de Bouzie et de la Lausse, dans un cours de 65 kilomètres; 4° la Vezère qui naît dans la Corrèze, baigne la
rivière de Mansac, Terrasson, Condat, Monti gnac, Thonac, Serygeac, Saint-Léon, Tayac, Bugue, et finit après un cours de 192 kilomètres, pendant lequel elle a reçu dans ce département le Gern, le Coly grossi de la Chi- ronde et la Beune; 5° la Couze, née près de Fongalop, et qui fait mouvoir de nombreuses usines; 6° le Caudau qui prend sa source auprès de Saint-Alvère et qui se perd près de Bergerac, après s'être accru de la Louyre et du ruisseau de Marmaille; 7° l'Eyraud, qui arrose la Veyssière, Pas-de l'Eyraud, Lunas et Bourg-d'Abren; 8° la Gardonnette qui traverse une délicieuse vallée.
L'Isle prend sa source dans la Haute-Vienne, entre dans le département de la Dordogne, baigne Jumilhac, Savignac-les-Églises, SaintVincent, Sarliac, Périgueux, Razac, Saint-Astier, Saint-Léon, Neuvic, Mussidan, Monpont, et pénètre près du Pizou dans le département de la Gironde, où elle se perd dans la Dordogne à Libourne, après un cours de 235 kilomètres. Pendant les 180 kilomètres qui appartiennent au département, elle reçoit : 1" la Peiga; 2° la Valouse qui arrose Saint-Pierre et Sainte-Marie-de-Frugie ; 3° les eaux de la fontaine de la Glane; 4° la Loue qui arrose Sarlande, Excideuil, Saint-Pantaly et Coulaures; 5° le Gour-de-Saint-Vincent qui dérive des eaux de la Haute-Vezère, 6° la Haute-Vezère qui prend sa source sur les limites de la HauteVienne, arrose Paizac, le Temple-de-l'Eau , Tourtoirac, Sainte-Eulalie, Saint-Pantely- d'Ans, la Boissière, Cubjac, le Change, et se perd dans l'Isle en amont de Périgueux, après avoir reçu dans un cours de 90 kilomètres la Boucheuse grossie du ruisseau de Coussac, et la Blâme accrue de la Lassone; 7° le Manoir qui baigne Fossemagne, Saint-Pierre-de-Chignac, Sainte-Marie, Saint-Laurent, Niversac et Boulazac dans un cours de 30 kilomètres ; 8° les eaux de la Fontaine du Toulon; 9° la Beauronne qui arrose Agonac, Château-l'Évêque et Chancelade; 10° le ruisseau du Moulinot qui sort d'un petit lac insondable; 11° la Salembre qui baigne Saint-Vincent-de-Connezac; 12° le ruisseau de Sourzac qui forme une cascade de 12 mètres de chute; 13° la Crempse qui prend sa source au-dessus de Beauregard; 14° la Grande-Duche qui vient des landes de la Double; 15° le Vern qui arrose Salon, Vergt, et se perd au-dessous de Neuvic.
La Dronne qui prend sa source dans la HauteVienne, baigne Firbeix au N. de l'arrondissement de Nontron, sépare la Haute-Vienne de la Dordogne, entre définitivement dans ce dernier département, arrose Saint-Saud-laCousière, Saint-Romain, Saint-Pardoux-
la-Rivière, Saint-Front, Quinsac, Champagnac- de-Bel-Air, Brantôme, Valeudes, Bourdeilles, l'Isle, Saint-Apres, Villetoureix, Ribérac, Épeluche et Comberanche, sépare la Dordogne de la Charente et de la Charente-Inférieure, baigne Saint-Aulaye, Chenaud, Parcoul, la Rochechalais, où elle devient navigable, et entre dans le département de la Gironde où elle se jette dans l'Isle, après un cours de 178 kilomètres dont 140 dans le département de la Dordogne. Pendant ce parcours, elle reçoit : 1° la Colle qui, sortie des collines de Firbeix, arrose Saint-Jory, Saint-Jean, SaintPierre-de-Colle, et se perd près de Condat, après avoir absorbé dans un cours de 50 kilomètres le Celis, la Queue-d'Ane, le Trincou et plusieurs ruisseaux ; 2° les eaux du Fontas et du Boulidou; 3° le Boulou, venu de Saint-Angel, et grossi de la Belaygues; 4° l'Euche, grossie des ruisseaux de Chadeuil et de Léguillac; 5° la Douzelle qui vient des collines de Mer- lande ; 6° les eaux de Lisle, de Cornegueyre et de Baunac; 7° le Ribéraguais qui passe à Ribérac; 8° la Nizonne, dont les sources sont situées près de Saint-Front-Champnier, qui arrose Saint-Front, Champeau, Combiers, la Rochebeaucourt, le Gué-de-Pompeigne, Pas-de-Fon- taine, forme la limite entre la Charente et la Dordogne, et tombe dans la Dronne, au pied du Puy-Beaumont, après avoir absorbé dans un cours de 62 kilomètres la Belle, la Manoure, le Vouthon, les ruisseaux de Fontaine et de Ron- senac, la Pude, la Chavaronne et la Souvanie; 9° la Risonne, qui arrose Ponteyraud, SaintVincent, Pont-de-la-Risonne, et absorde dans un cours de 25 kilomètres les eaux de Petitone et du Moudeloux.
Le Dropt naît au S.-O. de l'arrondissement de Bergerac, arrose Monpazier, entre immédiatement dans le département de Lot-et-Ga- ronne, qu'il traverse, puis dans la Gironde où il se perd dans la Garonne, après un parcours de 128 kilomètres, exempt d'affluents importants.
Le Bandiat vient de la Haute-Vienne, entre dans le département de la Dordogne après 16 kilomètres de cours, arrose Nontron, Javerlhac, et après avoir reçu la Donne, il va dans la Charente former avec les eaux de la Tardoire les sources de la Touvre.
Le département de la Dordogne contient en outre quelques étangs et des marais.
Climat.—Le climat de la Dordogne est sujet à des variations assez prononcées, et l'air y est très-pur; l'automne y forme la plus agréablesaison, mais l'hiver et le printemps sontdésagréablement affectés par la pluie, et l'été y
est fécond en orages. Les vents dominants sont ceux du N. et de l'O.
Superficie. — Population. — La superficie du département de la Dordogne est de 918 256 hectares, et sa population de 502673 habitants, soit à peu près 55 habitants par kilomètre carré. Cette population s'est accrue de 92 000 habitants depuis le commencement du siècle.
Les agriculteurs forment la majorité dans le département, et leur nombre dépasse 378 000, contre 75 000 industriels ou commerçants; 43 000 personnes n'exercent aucune profession.
Les habitants des villes sont policés, aptes aux arts, à l'industrie, au commerce, instruits, très-civilisés, avec beaucoup d'esprit naturel, et très-attachés au sol natal. Dans les campagnes , on rencontre une grande partie de ces qualités, avec une piété un peu superstitieuse, et une économie qui touche à l'avarice. Cette race des Périgourdins est trèsbelle, bien constituée, forte et saine, surtout dans la vallée de la Dordogne, mais un peu rabaissée, plus triste, plus sauvage dans le S.-E. du département. C'est en se rapprochant du Limousin, dans la partie N.- E., que son amabilité, son affabilité et sa politesse se développent plus particulièrement, et c'est là surtout que se parle le patois limousin.
Agriculture. — Sur les 918 000 hectares que comprend la surperficie du département, on compte 342 000 hectares de terres labourables, 72 000 de prairies naturelles, 96 000 de vignes, 77 000 de pâturages, landes, bruyères et pâtis, et 244 000 de bois, forêts, terres incultes, etc.
La propriété y est très-divisée, et il ne s'y trouve pas moins de 2 400 000 parcelles de terres, possédées par 153 000 propriétaires environ.
Le département de la Dordogne est agricole en même temps que manufacturier. Son sol est productif et propre à une grande variété de culture.
Les céréales suffisent à peu près à la consommation des habitants et atteignent une valeur annuelle de 35 000 000 de francs; au besoin, les châtaignes, dont la récolte est abondante, pourraient les suppléer, dans une certaine proportion, avec les pommes de terre. Les arbres fruitiers et les légumes prospèrent dans ces terrains de nature calcaire et schisteuse.
Les vignobles, et surtout ceux de l'arrondissement de Bergerac, produisent quelques vins rouges et des vins blancs renommés, ceux de Monbazillac principalement.
Les truffes du territoire périgourdin ont une
renommée, qui remonte aux Grecs et aux Ro- mains ; ces précieux tubercules sont exportés au loin par Hambourg, Francfort et Amsterdam, sauf un tiers qui est consommé en France et principalement à Paris. Les ceps et les oronges forment aussi une production importante du territoire.
Le rendement des forêts, où le chêne domine, est assez élevé dans la Dordogne, et la valeur annuelle des pâturages est de plus de 10 000 000 de francs.
13 000 chevaux, 20 000 ânes ou mulets, 151 000 bêtes à corne, 568 000 moutons, 164 000 porcs, etc., donnent un revenu brut d'environ 26 millions par an.
La valeur totale de la production agricole annuelle est de 70 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Les mines de fer sont nombreuses dans le département de la Dordogne; on en compte 35 qui sont en cours d'exploitation ; le minerai s'y produit sous des formes très-variées ; le manganèse, le plomb, le cuivre s'y révèlent par quelques indices qui ont été négligés jusqu'ici. On exploite aussi des mines de houille, des ardoisières, du gypse, des carrières de pierres meulières et de pierres lithographiques d'une qualité supérieure, des granits, des grès, etc.
Il existe aussi des sources minérales dans ce département, une entre autres, à la Bachellerie, dans l'arrondissement de Sarlat.
Industrie. — Commerce. — Le département de la Dordogne doit être rangé dans les premiers rangs pour la production de la fonte au charbon de bois ; il fabrique 72 000 quintaux métriques de fonte brute, 11 000 quintaux métriques de fonte moulée, ainsi que du fer martelé, laminé, etc.; ses fontes sont très-recherchées dans certaines usines où l'emploi de la fonte à la houille serait insuffisant.
Les principaux établissements industriels de la Dordogne sont des hauts fourneaux, des feux d'affinerie, des fours à puddler, à réchauffer, etc., des houillères et des minières , cellesci produisant annuellement 300 000 quintaux métriques de minerai qui va alimenter les hauts fourneaux du département et des départements voisins. Les moulins, les papeteries, les fabriques d'étamines et de serges, de poteries et de faïences, l'exploitation des pierres meulières, des plâtrières, des grès et des pavés, les teintureries, les filatures de laine, les scieries de pierres lithographiques, la coutellerie, des tuileries, les fabriques de vinaigre, de liqueurs, etc., et la batellerie de la Dordogne qui emploie plus de 2000 mariniers, mon-
trent qu'aucune branche de l'industrie n'est étrangère à ce département.
Son commerce porte principalement sur les productions de son territoire, les vins estimés de Monbazillac, de Brantôme, etc., les truffes, les champignons connus sous le nom de ceps et d'oronges, les châtaignes, les bestiaux, et particulièrement les bœufs gras dont on en exporte annuellement 4000, et enfin les volailles truffées et les pâtés de Périgueux dont la renommée est européenne.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département de la Dordogne est traversé par cinq routes impériales d'une longueur de 360 kilomètres; de plus, 21 routes départementales longues de 1024 kilomètres, et 6397 chemins vicinaux dont le développement dépasse 13 000 kilomètres, lui assurent une très-complète viabilité.
Les canaux qui viennent encore ajouter à ces communication, leur voie navigable, sont : le Canal- de-la- Cité, le Canal-de-l'Isle, qui rend une partie de la rivière artificiellement navigable, le Canal-de-Lalinde, qui permet aux bateaux d'éviter le saut de la Gratasse, et le Dropt-canalisé, dont la pente est rachetée par 21 écluses.
Le département de la Dordogne est desservi par le chemin de fer de Paris à Agen, l'une des lignes principales du réseau d'Orléans. Cette ligne le traverse du N. au S. avec stations à Bussière-Galand, La Coquille, Thiviers, Nègrondes, Agonac, Château-l'Évêque, Périgueux, Niversac, Versannes, la Gélie, Miremont, les Eyzies, Bugue, le Buisson, Siorac, Belvès, le Got, Villefranche-de-Belvès.
De cette ligne se détachent deux embranchements : 1° celui de Périgueuxd Bordeaux par Coutras, qui traverse la partie O. de la Dordogne et dessert les stations de Razac, Saint-Astier,Neu- vic,Mussidan, Beaupouyet, Monpont et Soubie; 2° celui de Niversac à Capdenac, qui dessert la partie E. du département avec stations à SaintPierre-des-Corps, Milhac, Thenon, la Bachel- lerie, Condat et Terrasson.
L'ensemble de ces diverses voies ferrées présente un développement de 250 kilomètres.
Histoire. — Le territoire de l'ancien Périgord fut autrefois habité par la tribu gauloise des Pétrocoriens, avant l'époque de l'invasion romaine. Après la défaite de Vércingetorix, le pays des Pétrocoriens fit partie de la Gaule celtique. Pendant une période de trois siècles, la domination étrangère ne provoqua qu'une seule révolte qui fut comprimée, puis le christianisme apparut dans les Gaules, l'em-
pire romain s'amoindrit, et au IVe siècle, sous Valentinien, la contrée pétrocorienne fut comprise dans la seconde Aquitaine dont Bordeaux devint la métropole. Cent ans plus tard, les Visigoths obtenaient de l'empereur Honorius le droit de l'occuper, et ils furent les maîtres absolus de ce pays jusqu'à la bataille de Vouillé, qui constitua la France de Clovis.
Sous les faibles successeurs du roi mérovingien , le nouvel empire se démembra.
Mais Charlemagne parut au IXe siècle, chassa les Sarrasins qui dévastaient la contrée, favorisa plus spécialement le Périgord, y fonda des prieurés, et se montra prodigue envers lui de bons témoignages d'amitié.
Tant que le grand empereur vécut, le Périgord resta sous son pouvoir; mais, après lui, les comtes qui l'administraient se déclarèrent indépendants vers le commencement du
xe siècle.
L'un d'eux, Taillefer, devint comte héréditaire de ce pays, qui passa à son fils cadet, et arriva vers 975 à la maison de la Marche, dont le représentant épousa la dernière héritière des Taillefer. Ce fut ce seigneur, Boson Ier, qui imposa à ses enfants le surnom de Talleyrand, famille qui, pendant quatre siècles, gouverna la contrée.
A l'époque de l'invasion anglaise, le Périgord lutta vainement pour s'y soustraire ; il fut conquis, rendu, repris successivement par les rois de France et d'Angleterre ; puis, vendu et revendu, il arriva entre les mains de Jean de Bretagne, duc de Penthièvre, dont la nièce épousa le sire d'Albret, grand-père d'Henri IV, qui réunit définitivement ce territoire à la couronne, lors de son avènement au trône.
Pendant les troubles religieux, ce pays fut éprouvé avec une violence sans pareille, pillé et incendié, surtout quand la maison d'Albret se fut jetée avec enthousiasme dans la réforme.
Ces passions apaisées, le Périgord jouit d'une tranquillité qui ne se démentit plus.
Au remaniement général de la France en 1790, le département de la Dordogne fut formé avec l'ancien Périgord, et quelques parties de l'Angoumois et du Limousin.
Hommes célèbres. — Les principaux hommes remarquables du département de la Dordogne sont: BRANTÔME; MICHEL DE MONTAIGNE; LA BOÉTIE ; LA RENAUDIE, l'instigateur de la conspiration d'Amboise ; les maréchaux GONTAUTBIRON, père et fils, et DE CAUMONT LA FORCE, compagnons d'Henri IV; l'auteur LA CALPRENÈDE; CYRANO DE BERGERAC; le poëte dramatique LAGRANGE-CHANCEL; l'évêque de Marseille
XAVIER DE BELSUNCE ; le philosophe MAINE DE BIRAN ; le conventionnel ÉLIE LACOSTE ; DAUMESNIL, le défenseur de Vincennes ; DuPONT, le vaincu de Baylen ; le jurisconsulte SIREY ; le pair de France MÉRILHOU ; et parmi les contemporains, le fabuliste LA CHAMBEAUDIE.
Divisions administratives. — Le département de la Dordogne comprend cinq arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Périgueux. 9 cant. 113 comm.
— Bergerac. 13 — 172 — — Nontron. 8 — 80 — — Ribérac. 7 — 8k — — Sarlat. 10 — 133 — 47 cant. 582 comm.
Ce département forme la 4e subdivision de la 14e division militaire dont le siège est à Bordeaux.
Dans l'organisation religieuse, il forme le diocèse de Périgueux qui est suffragant de l'archevéché de Bordeaux; le diocèse compte 64 cures, 429 succursales, 53 vicariats rétribués par l'État, un grand séminaire à Périgueux, deux petits séminaires à Bergerac et à Sarlat.
Les protestants, assez nombreux dans ce département, y possèdent 13 temples.
Dans l'organisation judiciaire, la Dordogne comprend 5 tribunaux de première instance aux chefs-lieux d'arrondissement, et 3 tribunaux de commerce à Périgueux, à Bergerac et à Sarlat, qui ressortissent à la Cour impériale de Bordeaux.
L'instruction publique possède dans ce département un lycée et une école normale d'instituteurs à Périgueux, deux colléges communaux à Bergerac et à Sarlat, un cours normal d'instituteurs à Terrasson, et 615 écoles publiques et libres qui relèvent de l'Académie de Bordeaux. Près des trois cinquièmes des jeunes gens appelés à la conscription ne savent ni lire ni écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de la Dordogne : ARRONDISSEMENT DE PÉRIGUEUX.
PÉRIGUEUX (20 401 hab.), préfecture et chef-lieu du département, est situé sur la rive droite de l'Isle, à 472 kilomètres de Paris. Autrefois la ville était divisée en deux parties : la Cité et le Puy-Saint-Front ; mais la ligne de démarcation a presque entièrement disparu aujourd'hui, et il ne reste plus qu'une seule ville irrégulière, d'un aspect triste, dont les deux places principales sont ornées des sta-
tues de Montaigne et du maréchal Bugeaud.
Trois ponts donnent accès sur la rive gauche de la rivière ; les anciens remparts sont convertis en promenades.
Périgueux a conservé des édifices anciens d'une valeur réelle et qui ont été à bon droit rangés parmi les monuments historiques, ce sont : un amphithéâtre romain dont il ne reste plus que quelques voûtes, la tour de Vésone, qui semble le seul reste d'un ancien temple païen, le château en ruines de Barrière, dont la plus haute tour date du xe siècle, la tour Matagnerre, l'église de Saint-Front, avec coupoles, qui est du XIe siècle et appartient au style byzantin, la cathédrale de Saint-Étienne, dont la partie orientale et occidentale sont séparées au point de vue des styles par un laps de six siècles, et le sanctuaire de l'église des Pénitents-Blancs qui devint l'ancienne chapelle épiscopale de la cité.
Le territoire de la commune de Périgueux produit des céréales, des vins, des truffes recherchées, du tabac, etc.; il renferme aussi du minerai de fer; les principaux établissements de la ville sont des usines, des fabriques de farine, des imprimeries typographiques, des fonderies de cuivre et de fonte, des scieries mécaniques, des exploitations de pierres lithographiques et de marbre, etc. Les pâtés truffés, les farines, le sel, les liqueurs, les bœufs, les volailles, etc., forment les principaux éléments du commerce de Périgueux.
Périgueux occupe l'emplacement de l'ancienne cité gauloise de Vésone, la capitale des Pétrocoriens; elle fut prospère et splendide au temps des Romains, ruinée entre le ve et le VIe siècle, et ses habitants se groupèrent autour de la modeste chapelle de Saint-Front.
Brantôme (2664 hab.), chef-lieu de canton, est situé entre les deux bras de la Dronne et au milieu de collines dont les carrières fournissent d'admirables pierres blanches; le commerce le plus important de cette localité est celui des sabots.
Excideuil (2270 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur un coteau que baignent les eaux de la Loue; on trouve sur son territoire qui est de nature jurassique, du minerai de fer de première qualité et des carrières de marbre.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Hau- tefort (1988 hab.) et Saint-Astier (2949 hab.) dont les châteaux sont des monuments historiques, Saint-Pierre-de-Chignac (910 hab.), avec quelques vieilles constructions du XIe siècle, Savignac-les-Eglises (978 hab,), où l'on exploite des carrières d'une excellente pierre lithographique, Thenon (1874 hab.), bâti sur un coteau très-élevé, et Vergt (1849 hab.).
Les principales communes de l'arrondissement sont: Chàteau-l'Évêque (1553 hab.); Bourdeilles (1481 hab.), dont la forteresse féodale du moyen âge est classée parmi les monuments historiques ; Génis (1451 hab.); Coulaures (1504 hab.), situé sur la Loue; Sorges (1891 hab.), etc.
ARRONDISSEMENT DE BERGERAC.
BERGERAC (12 224 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé sur la Dordogne et à 49 kilomètres de Périgueux, dans une situation assez pittoresque; mais à l'intérieur, c'est une ville triste, peu intéressante, à moins qu'on ne l'examine point au point de vue industriel et commercial ; elle n'a conservé aucun monument ancien ; on ne peut citer que son église moderne, et un beau pont en pierre jeté sur la Dordogne, dont les eaux sont élevées par un barrage et rendues navigables.
Sous le rapport industriel, Bergerac est une localité importante; on y remarque des tonnelleries, des papeteries, des usines métallurgiques où se fabriquent le fer etla fonte en barres, etc. Les vins rouges et les vins blancs de Monbazillac et de Saint-Nexans sont renommés , et forment avec des eaux-de-vie, des truffes et des grains les principaux éléments de son commerce.
Beaumont (1811 hab.), chef-lieu de canton, dont le territoire est riche en eaux minérales et en pierres meulières.
Cadouin (692 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Bélingou, près de la forêt de la Bessède, a conservé des vestiges très-curieux d'anciennes forges gauloises.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Eymet (1847 hab.), Lalinde (2067 hab.), qui a des fabriques de briques réfractaires, Monpazier (1076 hab.), avec une église classée, Villamblard (1348 hab.), Issigeac (1026 hab.), avec une église de la Renaissance, Laforce (1063 hab.), sur un terrain tourbeux où l'on peut voir les ruines du château de ce nom détruit en 1793, Saint- Alvère (1729 hab.), dont un cours d'eau alimente les diverses usines, Sigoulès (698 hab.), Vélines (861 hab.), avec de curieux débris de l'ancienne occupation romaine, et Villefrunche- de-Longchapt (865 hab.), qui a conservé une partie de ses murailles de l'époque anglaise.
Les principales communes de l'arrondissement sont: Mouleydier (1208 hab.), avec des vestiges de voie et d'habitations romaines; Cabans (1304 hab.), où le chemin de fer d'Agen passe sur un très-beau pont viaduc ; le Fleix (1509 hab.), riche en antiquités celtiques et romaines; Monbazillac (951 hab.), où viennent
les premiers crus des vins de l'arrondissement de Bergerac; etc.
ARRONDISSEMENT DE NONTRON.
NONTRON (3622 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est bâti sur une colline, au-dessus d'une vallée qu'arrose le cours du Bandiat. Des coutelleries, des tanneries , des scieries mécaniques, des pépinières, etc., forment les principaux établissements industriels de cette petite ville. On y remarque les restes d'une ancienne forteresse qui remonte à l'époque mérovingienne. Ce fut là l'origine de Nontron, que ses fortifications ne protégèrent pas contre l'invasion des Normands au IXe siècle, et des Anglais au xve.
Les chefs-lieux de canton sont : BussièreBadil (1316 hab.), remarquable par les ruines de deux châteaux du moyen âge et par son église du XIIIe siècle, Champagnac de-Belair (1041 hab.), qui possède une église romanobyzantine, Jumilhac-le-Grand, (3050 hab.), situé sur la rive gauche de l'Isle, Lanouaille (1574 hab.), bâti sur un coteau près de la Loue, Ma- reuil (1624 hab.), dont le château, flanqué de tours rondes, appartient au prince de ChalaisTalleyrand, Saint-Pardoux-la-Rivière (1734 hab.), et Thiviers (3017 hab.), situé sur un coteau et renommé pour ses faïences et sa poterie.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Busseroles (2022 hab.) ; Payzac (2606 hab.), avec ses mines métallurgiques; Saind-Saud (2504 hab.), qui possède les restes de l'abbaye de la Peyrouse du IXe siècle ; etc.
ARRONDISSEMENT DE RIBÉRAC.
RIBÉRAC (3837 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, est situé à 37 kilomètres de Périgueux, au milieu de plaines fertiles, sur le Riberaguais, et près de l'endroit où ce ruisseau se jette dans la Dronne. Les minoteries et les fabriques de chapeaux sont nombreuses dans cette petite localité. Son église très-ancienne est classée parmi les monuments historiques; elle est dominée parles ruines d'un château du Xe siècle, véritable forteresse longtemps au pouvoir des Anglais qui n'en furent chassés qu'au XIIIe siècle.
Les chefs-lieux de canton sont : Monpont (2060 hab ), situé près de l'Isle, Mussidan (2127 hab.), où se trouvent des gisements de fer, Verteillac (1171 hab.), qui fabrique des vins mousseux, Montagrier (803 hab.), près des rives de la Dronne, Neuvic (2291 hab.), qui conserve une grande quantité de débris antiques , et Saint-Aulaye (1532 hab.), situé sur la rive gauche de la Dronne.
Les principales communes de l'arrondis-
sement sont : Larochechalais (2645 hab.), située dans un ravin, sur la rive gauche de la Dronne; Tocalle-Saint-Apre (2098 hab.), près de la Dronne, qui possède une admirable église du XIe siècle; Vanxains (1779 hab.); Celles (1502 hab.); Sourzac (1313 hab.), où une cascade, formée par la chute de l'Isle, a 12 mètres de hauteur.
ARRONDISSEMENT DE SARLAT.
SARLAT (6822 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, est situé au milieu d'une belle vallée en caissée dans des roches arides, où coule le ruisseau du même nom, et à 72 kilomètres de Périgueux; les rues de cette petite ville sont étroites, ses maisons mal bâties.
Elle a d'importantes fabriques de briques et de creusets réfractaires, des fours à plâtre, des taillanderies, et des tanneries, etc. Des divers édifices qu'elle a conservés, trois appartiennent à la classe des monuments historiques : sa cathédrale avec clocher du XIe siècle, une chapelle du XIIIe siècle qui fait partie de la cathédrale, et l'église de Saint-Cyprien. Une maison précieuse à tous les titres, et dont la façade est pure Renaissance, est celle de la Boétie, le célèbre ami de Montaigne.
Les chefs-lieux de canton sont : Belvès (2517 hab.), bâti sur un plateau fort élevé, Bugue (3005 hab.), situé sur la Vezère, remarquable par une grande quantité de pétrifications, Carlux (1057 hab.), où l'on voit les restes
d'une ancienne forteresse, Domme (2000 hab.), qui conserve une église monolithe, creusée dans le roc, et un vieux prieuré dont on attribue la fondation à Hugues-Capet, Montignac (3902 hab.), situé sur la rive gauche de la Vezère, qui exploite des carrières, des tanneries, Saint-Cyprien (2374 hab.), sur la rive droite de la Dordogne, qui a des établissements industriels assez importants, tels que briqueterie, tuileries, fours à chaux, et une source minérale; Salignac (1281 hab.), qui fait le commerce des truffes, possède une source saline, et le château de Salignac-Fénelon du XIIe siècle, Terrasson (3682 hab.), bâti sur un coteau dont le pied est baigné par les eaux de la Vezère que traverse un beau pont de pierre, et qui fait le commerce des graines et des comestibles truffés, et Ville franche-de-Belvès (1815 hab.), situé près du ruisseau de l'Allemance Les principales communes de l'arrondissement sont : Rouffignac (2636 hab.); Coux-et-Bigaroque (1749 hab.), où il existe des vestiges de constructions romaines; Daglan (1458 hab.); Plazac (1636 hab.); Saint-Génies (1584 hab.); la Bachellerie (1657 hab.), située dans un charmant vallon où sourdent des eaux minérales.
DORDOGNE
Le fort de Joux.
DOUBS.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département du Doubs est situé sur la frontière orientale de la France, et prend son nom de l'une des rivières qui l'arrosent. Ses limites sont : au N., la Haute-Saône et le HautRhin; au S., le Jura et la Suisse; à l'E., la Suisse; à l'O., le département de la HauteSaône.
Le Doubs est un pays montagneux qui présente aux regards trois zones distinctes par
leur climat, leur flore, et surtout par leur industrie agricole.
La région de la Plaine, limitée par le double cours de l'Oignon et du Doubs, se compose de prairies fertiles, de champs couverts de riches moissons et de vignobles. La région de la Moyenne-Montagne, qui occupe une hauteur de 300 mètres au-dessus de la précédente, couvre de ses pâturages la partie centrale des trois arrondissements de Besançon, de Baume-
les-Dames et de Montbéliard. La région de la Haute-Montagne, délimitée du N.-E. au S.-O.
par la chaîne mère du Jura, est comprise entre 800 mètres et 1300 mètres d'élévation; là apparaissent les sites pittoresques, les points de vue sauvages, les forêts de pins, et au-dessus, des pics décharnés et des sommets revêtus de neige.
Orographie. — Le système orographique du département du Doubs se détache très-nettement aux regards. La quadruple chaîne du Jura sillonne tout entier son pittoresque amphithéâtre qui s'abaisse de l'E. à l'O.
C'est dans l'arrondissement de Saint-Claude (Jura) qu'il faut chercher la naissance du premier chaînon ; il pénètre dans le Doubs, le sépare de la vallée de Joux, et suit le cours droit du Doubs jusqu'à Sainte-Ursanne en Suisse, et comprend le Mont-Risoux, élevé de 1324 mètres , et le Mont-d'Or, dont l'altitude n'est pas inférieure à 1500 mètres.
La seconde chaîne, un peu moins élevée, commence également dans le Jura, au MontAvignon, suit la rive gauche du Doubs à travers les arrondissements de Pontarlier et de Montbéliard, et culmine au Mont-Champvant, dans le canton de Mouthe, et au Chateleu qui se dresse à l'E. de Morteau, dans l'arrondissement de Pontarlier.
Le troisième chaînon se dessine depuis le confluent de l'Ain et de la Bienne jusqu'aux environs de Saint-Hippolyte, à l'endroit même où la Dessoubre précipite ses eaux dans le lit capricieux du Doubs.
Le quatrième chaînon est le moins élevé; il marque le relief du département depuis Bourg dans l'Ain, jusqu'au delà du canton de Pontde-Roide, après avoir sillonné les trois arrondissements de Besançon, de Baume-les-Dames et de Monbéliard; ses points culminants sont le Mont-Poupet et la Roche-d'Or, dont l'élévation dépasse 850 mètres.
Hydrographie.— Le département du Doubs, arrosé par plus de 2000 sources, appartient tout entier au bassin du Rhône ; ses principales rivières sont le Doubs et l'Oignon, tous les deux affluents directs de la Saône, et la Loue, affluent du Doubs, qu'elle rejoint en dehors du département.
Le Doubs prend sa source à l'extrémité S. de l'arrondissement de Pontarlier, coule du S. au N.-E., en arrosant la Mouthe, Rochejean, traverse le lac de Saint-Point, baigne Cluse, Pon- tarlier, Doubs, Montbenoît, la Ville-du-Pont, Morteau, Villers, point où il commence à longer la frontière française tout en restant fran-
çais sur ses deux rives, forme le lac de Chaillexon, précipite d'une hauteur de 27 mètres ses eaux encaissées dans un val étroit, sort de France, fait un crochet aigu en Suisse, rentre presque aussitôt dans l'arrondissement de Montbéliard, arrose Saint-Hippolyte, Dampjoux, Pont-de-Roide, Valentigny, Audincourt, où il se coude pour prendre la direction de l'O., baigne l'Isle-sur-Doubs, Clairval, Baume-lesDames, entoure Besançon, redescend un peu vers le S., et entre dans le Jura, qu'il traverse avant d'aller se perdre dans la Haute-Saône, après un cours de 430 kilomètres. Pendant les 290 kilomètres qui appartiennent au département, le Doubs reçoit : 1° la Taverne qui s'échappe du petit lac de Remoray ; 2° la FontaineRonde qui est formée de trois sources dont la plus considérable est intermittente et jaillit à intervalles réguliers; 3° le bief des Lavauds qui vient de la frontière ; 4° le Drugeon qui sort du gouffre de Malpas dans la commune de ce nom, baigne Vaux, Bonnevaux, Bouverand, Houtaud, Dommartin, Vuillécin, et finit après un cours de 42 kilomètres, grossi du ruisseau de Frasne; 5° la Dessoubre qui prend sa source dans le canton de Pierrefontaine, et se jette près de Saint-Hippolyte, après un cours trèsrapide de 35 kilomètres, pendant lequel elle s'est accrue de nombreux ruisseaux et du Révérotte; 6° la Barbeche qui finit à Villars-sousDampjoux; 7° le Gland qui naît au canton de Blamont, arrose Glay, Hermoncourt, Seloncourt, et finit auprès du Moulin-du-Pont; 8° les eaux du canal du Rhône-au-Rhin; 9° l'Allaine qui prend sa source en Suisse, traverse le département du Haut-Rhin, entre dans celui du Doubs, baigne Montbéliard, Bart, et se perd après avoir reçu la Savoureuse, la Lisaine et le Rupt; 10° le Cuisancin qui naît à Cuisance, dans l'arrondissement de Baume-les-Dames, arrose Cuisance, Guillon, Pont-les-Moulins, et finit à Court, après s'être grossi de l'Audeux.
La Loue qui prend sa source dans le canton de Montbenoît, débute par une chute de 10 mètres, s'en va par une série de cascades jusqu'à la Combe-de-Nouailles, entre dans l'arrondissement de Besançon, s'arrondit vers le N. en baignant Mouthier, Lods, Vuillafans, Montge- soye, Ornans, Maizières, Cléron, Chatillon, Chenecey, Quingey, Lavans, Mesmay, et entre dans le Jura où elle se jette dans le Doubs, après un cours de 140 kilomètres; ses affluents dans le département sont : 1° le ruisseau de Bouneille, 2° le Lison qui vient du canton d'Amancey, coule dans une vallée sauvage et se perd à Châtillon, après un cours de 25 kilomètres, qui s'est accru du bief de Verneau et du ruisseau de Conche.
L'Oignon, qui naît sur les frontières de la Haute-Saône, des Vosges et du Haut-Rhin, vient former la frontière du département du Doubs depuis Tressandans, dans l'arrondissement de Baume-les-Dames, jusqu'à Jallerange, dans celui de Besançon, sans avoir reçu de cours d'eau importants.
Le département du Doubs renferme quelques lacs parmi lesquels on peut citer le lac de Remoray et le lac assez considérable de Saint-Point, dans l'arrondissement de Pontarlier; les étangs y sont nombreux, et les marais considérables.
Climat. — Le climat du département du Doubs est très-variable, et sa configuration orographique y crée des zones très-distinctes.
Entre la zone des plaines et celle de la MoyenneMontagne, le thermomètre donne une différence de deux degrés et demi, et de plus de douze degrés entre la Moyenne et la HauteMontagne. En général, les hivers sont longs et très-rigoureux dans le Doubs, les pluies abondantes, torrentielles mêmes et surtout fréquentes. Le vent du N.-E. y amène des bourrasques et des neiges; le vent du S.-E. y déracine les arbres, et sa violence cause souvent de grands ravages.
Superficie. — Population. — La superficie du département du Doubs est de 522 755 hectares, et sa population compte 298 072 habitants, ce qui donne à peu près 55 habitants par kilomètre carré. Depuis le commencement du siècle, elle s'est accrue de 80 000 âmes.
La proportion des agriculteurs y est moins forte que dans la plupart des autres départements. On n'en compte que 173 000 environ contre 80 000 industriels ou commerçants, 18 000 qui exercent des professions libérales et 13 000 sans profession Les habitants du Doubs sont en général tenaces, circonspects, réservés, froids même, mais sérieux, fidèles dans leurs attachements et d'un jugement sûr; leur religion est solide, sans superstition ni intolérance; elle leur inspire l'amour de la famille et du foyer domestique qu'ils ne quittent guère que pour exercer le métier des armes auquel leur courage et leur sang-froid les rend très-aptes.
La langue française est parlée dans toutes les villes, mais avec un accent un peu lourd et une prononciation traînante. Dans les campagnes, on se sert encore d'un certain patois qui paraît dériver de l'ancienne langue gauloise.
Agriculture. — Le domaine agricole du département du Doubs peut se décomposer ainsi :
113 000 hectares de terres labourables, 97 000 de prairies naturelles, 8000 de vignes, 80 000 de pâturages, de pâtis, de landes ou de bruyères, et 153 000 de bois, forêts, terres incultes, etc. La propriété est divisée en 1346 000 parcelles qui sont possédées par 103 000 propriétaires environ.
L'agriculture fait chaque année de grands progrès dans ce département, sous l'influence des comices agricoles; mais les céréales ne suffisent pas à la consommation des habitants ; et n'atteignent qu'une valeur de 31 millions de francs; on ne les cultive que dans la plaine avec la vigne, le maïs, les arbres fruitiers, dont la valeur peut atteindre 8 millions environ.
Les vignobles n'y donnent que des vins communs, dont les meilleurs sont les vins rouges de Besançon et les vins blancs de Miserey du canton d'Andeux. Dans la Moyenne-Montagne, riche en végétaux aromatiques, les pâturages sont magnifiques et ont une valeur annuelle de près de 13 millions de francs; le produit des forêts de chênes, de sapins, de hêtres, de sycomores, qui s'étendent jusque sur la haute région, dépasse 3 millions.
L'élève des animaux domestiques est un des éléments les plus importants de l'industrie agricole. Les bœufs, au nombre de 176 000, appartiennent à la race franc-comtoise, prospèrent dans les prairies naturelles et sont particulièrement recherchés des marchands flamands ; au second rang viennent les moutons, dont le nombre s'élève à 76 000, puis 33 000 porcs, 18 000 chevaux de race franc-comtoise, 8000 chevreaux, boucs et chèvres, etc.
Le revenu brut des animaux domestiques est de 24 500 000 francs, et la valeur annuelle de la production agricole dépasse 51 millions de francs. , Mines. — Carrières. — Le territoire de ce département est très-riche en productions mi-néralogiques. Il faut citer pour mémoire, puisqu'on ne les exploite pas, quelques gisements ou filons d'argent dans les flancs du Mont- d'Or, mais on doit placer au premier rang les mines de fer, où le minerai se rencontre abondamment en grains ou sous forme de roches.
Les houillères sont peu abondantes, mais les carrières de gypse, de marne, de marbre, de pierres à bâtir, d'albâtre, les exploitations de chaux hydraulique, d'argile, les tourbières, etc., donnent lieu à un grand mouvement industriel.
Le département du Doubs possède plusieurs sources d'eau minérales, l'une sulfureuse, la source de Guillon, près de Baume-les-Dames, qui est efficace contre les maladies de l'esto-
mac, et l'autre, ferrugineuse, à Villers, dans l'arrondissement de Pontarlier.
Industrie. — Commerce. — Le département du Doubs tient un rang plus important dans la production industrielle que dans la production agricole. Il possède six hauts fourneaux qui fabriquent annuellement 78 000 quintaux métriques de fer, pour une somme de 1 600 000 francs; plus de 70 établissements métallurgiques, dont les plus importants sont ceux d'Audincourt, de Châtillon, de Lods, de Beurre, s'emparent de cette fonte et la travaillent sous toutes les formes, fonte affinée, fer, tôles, fils de fer, acier fondu, dont la valeur annuelle atteint 10 millions de francs; il faut citer encore une ferblanterie dont les produits dépassent 5 millions de francs, des usines pour la fabrication des objets en cuivre, des ateliers pour la construction des machines, etc.
Une industrie spéciale au département et dont les produits s'exportent au loin et jusqu'en Chine, est celle des mouvements de pendule et des montres; on y fabrique jusqu'à 250 000 montres par an, dont la valeur totale n'est pas inférieure à 13 millions de francs.
Les autres établissements industriels du Doubs sont de très-importantes tuileries, des papeteries, des tanneries, des filatures, des fabriques de tissus, des huileries, des faïenceries, des fromageries dont les produits atteignent une valeur annuelle de 5 millions de francs, Ce sont ces divers produits du territoire et de l'industrie qui fournissent au commerce ses principaux éléments, avec les bois et les plantes aromatiques qui sont employées spécialement pour la distillation.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département du Doubs est desservi par 5 routes impériales longues de 302 kilomètres, 24 routes départementales d'une longueur de 491 kilomètres, et 3038 chemins vicinaux dont le développement est de 5470 kilomètres.
Le département du Doubs est traversé par le canal du Rhône-au-Rhin, sur une longueur de 136 kilomètres; ce canal, qui commence sur la Saône, dans le département de la Côte-d'Or, traverse le Jura, entre dans le Doubs, passe à Besançon, à Baume-les-Dames, à Clerval, à l'Isle-sur-Doubs, prend à Voujaucourt la vallée de l'Allaine, passe à Montbéliard, et entre dans le département du Bas-Rhin, où il débouche dans l'Ill à l'entrée de Strasbourg.
Le département du Doubs est traversé : 1° par l'embranchement de Dijon à Belfort, qui se détache de la ligne principale du réseau de Lyon,
avec stations à Saint-Vit, Dannemarie, Franois, Besançon , Roche, Laissey, Baume-lesDames, Clerval, l'Isle-sur-le-Doubs, Colombier-Fontaine, Voujaucourt et Montbéliard; 2° dans sa partie S., par le sous-embranchement de Dôle à Pontarlier avec stations à Boujailles, Frasne et la Rivière; 3° par le sousembranchement de Besançon à Mouchard avec stations à Franois, Montferrand, Torpes, Byans, Liesle et Arc-Senans.
Le développement de ces diverses voies ferrées est de 156 kilomètres.
Un sous embranchement est projeté de Besançon à Vesoul.
Histoire. — Le territoire occupé par le département du Doubs fut habité, avant l'invasion romaine, par les Séquanais, nation puissante de l'époque gauloise, qui, par jalousie de peuplade à peuplade, appelèrent Arioviste et les Teutons en Gaule, ce qui amena l'intervention romaine et l'entrée de César sur le territoire gaulois. Vesontio, depuis Besançon, était devenue la capitale d'Arioviste; Cesar s'en empara et chassa les Germains du territoire.
Les Séquanais essayèrent de lutter contre le conquérant, mais après la mort de Vércingéto- rix, ils durent se soumettre, et quelques années plus tard, sous Auguste, 28 ans avant Jésus-Christ, leur territoire fut compris dans la Belgique. Au Ve siècle, sous le faible Honorius, les Burgondes ou Bourguignons envahirent le pays, et s'y fixèrent définitivement en 456, après l'invasion des Huns et d'Attila qui n'y avaient laissé que des ruines. Cent ans plus tard, cette contrée passa entre les mains des enfants de Clovis.
Pendant le règne d'une partie des rois de la première et de la seconde race, la Séquanaise demeura réunie à la couronne. Mais après de nombreux troubles politiques, les étrangers furent encore appelés à se mêler des affaires de ce pays, et au milieu du XIe siècle, il tomba au pouvoir de l'empereur d'Allemagne; cependant, on l'exempta de certaines charges qui incombaient aux autres provinces, et, pour cette raison, il prit alors le nom de FrancheComté.
Pendant plusieurs années, les comtes allemands se succédèrent jusqu'au moment où, en 1156, leur héritière épousa l'empereur Frédéric Ier, qui donna la Franche-Comté à son troitroisième fils, en retenant seulement Besançon comme ville impériale. Ses successeurs régnèrent assez paisiblement jusqu'au commencement du XIVe siècle, et en 1330, ce duché arriva par mariage aux ducs de Bourgogne.
Pendant le XIVe siècle, il souffrit peu des
guerres des Anglais et des autres troubles qui désolèrent la France. A la mort de Charles le Téméraire, en 1477, la princesse Marie, son héritière, ayant épousé Maximilien, porta la Franche-Comté dans la maison d'Autriche, et en 1530, cette province fut comprise dans le dixième cercle de l'immense empire de CharlesQuint.
Époque de prospérité, d'influence, de grandeur pour ce pays; il ne fut troublé que par les guerres de religion du XVIe siècle, qui tournèrent à l'avantage du catholicisme.
Enfin, Henri IV, voulant conquérir à sa couronne cette magnifique contrée, l'envahit en 1595, triompha sur certains points, échoua sur d'autres, et retira son armée, après avoir reçu une somme de 100 000 francs payée par Besançon; la province resta aux Espagnols, jusqu'à l'époque où Louis XIV s'en empara sous prétexte des droits de sa femme, Ma- rie-Thérèse d'Autriche. Le traité d'Aix-laChapelle la lui enleva encore, mais en 1678, le traité de Nimègue la restitua définitivement à la France. La Franche-Comté perdit alors ses priviléges, et devint une province française avec Besançon pour capitale.
La révolution française y fut accueillie avec enthousiasme ; quand les étrangers menacèrent la France, le Doubs envoya aux armées ses patriotes volontaires.
Au remaniement territorial de 1790, la Franche-Comté fut divisée en trois départements, et l'un d'eux, le Doubs, fut formé de la partie moyenne de cette province.
Hommes célèbres. — Le département du Doubs compte un grand nombre de personnages remarquables dont les plus célèbres sont : le prince de MONBARREY; les généraux PAJOL et MORAND; le maréchal MONCEY; l'académicien SUARD; l'illustre CUVIER; l'économiste DROZ ; le ministre COURVOISIER; CHARLES NODIER; le philosophe JOUFFROY ; le jurisconsulte DALLOZ, et parmi les contemporains : VICTOR HUGO; PROUDHON ; le physicien POUILLET ; le mathématicien SAIGEY; le sculpteur CLÉSJNGER; les peintres COURBET et BARON.
Divisions administratives. — Le département du Doubs comprend quatre arrondisse- ments qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Besançon 8 cnnt. 203 comm.
— Baume. 7 - 187 — — Montbéliard. 7 — 161 — — Pontarlier. 5 — 88 — -27 cant. 639 comm.
Ce département forme la 1re subdivision de
la 7e division militaire dont le siège est à Besançon.
Dans l'organisation religieuse, il forme avec la Haute-Saône un diocèse qui relève de l'archevêché de Besançon; ce diocèse comprend 29 cures, 387 succursales, 67 vicariats rétribués par l'État, un grand séminaire au chef-lieu, et deux petits séminaires à Besançon et à Consolation. Les protestants y possèdent 51 temples, et les juifs une synagogue qui dépend de la circonscription consistoriale de Lyon.
Dans l'organisation judiciaire, il comprend 4 tribunaux de première instance dans les chefs-lieux d'arrondissement, et un tribunal de commerce à Besançon, qui ressortissent de la Cour impériale de Besançon.
Dans l'organisation universitaire, il comprend un lycée à Besançon, trois colléges communaux à Baume, à Pontarlier, et à Montbéliard, une école normale d'instituteurs et d'institutrices à Besançon, une école normale protestante à Montbéliard, et 914 écoles publiques et libres. L'instruction est très-répandue dans le Doubs, et c'est à peine si le douzième des jeunes gens inscrits au tirage ne sait ni lire, ni écrire.
Description des Villes. — Les principales localités du département du Doubs sont : ARRONDISSEMENT DE BESANÇON.
BESANCON (46 961 hab.), préfecture et cheflieu du département, divisé en deux cantons, est situé dans un petit coude du Doubs qui l'entoure presque entièrement de ses eaux, à 388 kilomètres de Paris. Ce bassin estenvironné de montagnes qui rendent difficile l'accès de cette ville, et en font l'une des premiers places de guerre de la France; elle est défendue par les forts du Griffon, de Beauregard, de Brégille, qui sont bâtis extérieurement à la ligne du Doubs, et par la citadelle, qui s'élève à l'endroit où le Doubs se resserre pour former un isthme étroit; cette citadelle a été construite sur l'emplacement d'un ancien camp romain, puis agrandie par Vauban, et elle est encore défendue par un camp retranché protégé par deux lunettes.
Besançon est une remarquable ville, qui a conservé une vive empreinte de la domination espagnole; elle est bien bâtie, avec des rues larges, des maisons en pierre, des hôtels des XVIe et XVIIe siècles ; ses places sont nombreuses et ornées de fontaines monumentales alimentées par les eaux de l'Arcier qu'amène un aqueduc long de 10 kilomètres; sa promenades de Chamars, les jardins de Granvelle,
l'iie des Moineaux, sont très-heureusement situés et fort agréables.
Les monuments historiques ne manquent pas à cette curieuse cité; son sol même est un vaste écrin qui renferme à profusion des trésors archéologiques de la période gauloise, romaine et bourguignonne. Parmi les édifices que le temps a respectés, après avoir entièrement détruit les Arènes, le Forum, le Capitole, les Bains, les temples de Mars, de Vénus, d'Apollon, de Mercure, l'aqueduc dont il ne reste aucun vestige, on admire la Porte-Noire, sorte d'arc triomphal de l'époque romaine, le Rocher-Percé, que César, dit-on, aurait fait creuser pour ouvrir un passage à l'aqueduc qui amenait les eaux de l'Arcier, la cathédrale dont certaines parties datent des XIe et xne siècles et qui possède quelques toiles remarquables de Vanloo, de Sébastien-del-Piombo, de Fra Bartoloméo, entre autres le Martyre de Saint-Sébastien par ce dernier peintre, l'église et le cloître de Saint-Vincent, et le palais Granvelle, un délicieux spécimen de l'architecture espagnole au xve siècle. En dehors de cette classification, il faut citer l'ancienne église du Saint-Esprit du XIIIe siècle, qui est devenue un temple protestant, l'église Saint-Paul du XIVe siècle et celle des Dominicains changées en écuries, et l'église des GrandsCarmes métamorphosée en entrepôt. La préfecture est installée dans l'ancien palais de l'intendance, bâti au XVIIIe siècle, et l'hôtel de ville lui est antérieur de deux cents ans ; l'école d'artillerie occupe une partie d'un ancien couvent de Dominicains; le théâtre date de 1776; mais ces divers édifices n'ont qu'une médiocre valeur d'art.
Besançon est une ville très-intelligente, très-artiste, très-amie des lettres. Sa bibliothèque renferme 300 000 imprimés, 1800 manuscrits, des collections de haute valeur. Le musée de peinture possède des tableaux remarquables, et toute la série des terres cuites de Luc Breton. Il y a aussi à Besançon une Académie des sciences, des lettres, des arts, des sociétés d'horticulture, d'agriculture, de médecine, une commission archéologique, etc.
L'industrie de cette ville est représentée par des scieries de chéne et de sapin, des papeteries, des faïenceries, des meuneries, des brasseries, des merceries, etc., et surtout par l'horlogerie; ses 8000 ouvriers fabriquent annuellement 150000 montres pour une valeur de 6 à 8 millions.
Besançon est une ville très-ancienne, et formait déjà une importante et florissante cité quand César entra dans les Gaules. Auguste en fit la capitale de la grande Séquanaise, et elle dut à Aurélien une grande partie de ses em-
bellissements. A l'époque de l'invasion des barbares, elle passa sous la domination bourguignonne: mais plus tard, elle appartint à l'Espagne et enfin à Louis XIV. Depuis elle a joui d'une tranquillité bien due à une ville qui fut successivement assiégée depuis sa fondation par les Allemands, les Vandales, les Bourguignons, les Huns, les Impériaux, les Anglais, les protestants, les Français.
En 1814 et 1815, les alliés échouèrent devant ses murs.
Ornans (3448 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la Loue; son territoire produit des vins, des fruits, des fourrages, des céréales; son industrie est représentée par des moulins, des scieries, des tanneries, des fromageries, des fabriques de kirsch. On remarque dans cette petite ville les ruines d'une forteresse, une magnifique église, et un bel hôtel du XVIe siècle.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Quin- gey (1210 hab.), où se voient les restes d'un château féodal, Amancey (808 hab.), petite ville assez industrielle, Audeux (145 hab.), Boussières (235 hab.), où l'on cultive la vigne et les céréales, et Marchaux (534 hab.), où il existe une mine de fer.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Lods (1351 hab.); Mouthier (943 hab.), avec sa jolie cascade de Syratu; Vuillafans (1030 hab.); Arc-et-Senans (1533 hab.), dont la saline fabrique annuellement 40 000 quintaux de sel.
ARRONDISSEMENT DE BAUME-LES-DAMES.
BAUME-LES-DAMES (2562 hab.), sous-préfecture et chef-lieu d'arrondissement, située à 29 kilomètres de Besançon, sur le Doubs et sur le canal du Rhône-au-Rhin, est, pour ainsi dire, échelonnée sur cinq petites collines. On peut y voir les restes d'une forteresse qui fut détruite au XVIe siècle.
Le commerce de cette petite localité porte principalement sur les bestiaux; on y trouve des moulins, des tanneries, et on y exploite des carrières de gypse et de marbre rouge.
Baume-les-Dames, qui était très-impor- tante pendant les Xe et XIe siècles, fut saccagée par des bandes italiennes en 1495, et détruite par les Suisses, après leur victoire de Morat.
L'Isle-sur-le-Doubs (2060 hab.), chef-lieu de canton, est une petite ville que le Doubs, l'Isle et le ruisseau de Magny divisent en trois parties; on y trouve des moulins, des forges, et un atelier de vis à bois et de boulons qui occupe 400 ouvriers.
Pierre fontaine (1145 hab.), chef-lieu de canton, est une localité industrielle qui possède
des huileries, des moulins, des scieries, etc.
On y admire d'assez belles cascades et une vaste glacière dont la nature a fait seule tous les frais.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Vercel (1228 hab.), Clerval (1346), situé près du Doubs, Rougemont (1334 hab.), où l'on a découvert des constructions romaines, et Roulans (462 hab.), qui possède une chapelle classée parmi les monuments historiques.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Valdahon (962 hab.); Gousans (624 hab.), où l'on a trouvé de précieuses antiquités, et dont le territoire est creusé de grottes qui ont près de deux kilomètres de profondeur, etc.
ARRONDISSEMENT DE MONTBÉLIARD.
MONTBÉLIARD (6479 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de canton, est situé à 79 kilomètres de Besançon, à la jonction de l'Allan et de la Lusine, sur le canal du Rhône-au-Rhin, dans un cirque de coteaux tapissés de vignes. Ses rues sont bien percées, ses maisons régulièrement bâties, et sur une de ses places s'élève la statue de Cuvier par David d'Angers. Son ancien château fort, qui fut rebâti en 1751, a conservé deux tours assez curieuses.
Diverses industries sont très-développées à Montbéliard, principalement les filatures et tissages de coton, les fabriques de grosse et de petite horlogerie, qui fournissent annuellement des produits pour une valeur de 1 500 000 francs.
les imprimeries, les tanneries, etc. Son commerce porte sur les bois de construction, le merrain, la houille, etc.
Au xe siècle, Montbéliard était un chef-lieu de comté ; cette ville fut pillée par les troupes de Charles VII, puis saccagée quelques années après par les anabaptistes; au milieu du XVIe siècle, elle devint entièrement protestante, et le culte catholique y fut aboli ; elle ne fut définitivement réunie à la France qu'en 1793.
Audincourt (3170 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Doubs, possède un haut fourneau et une filature de coton dont les produits s'élèvent annuellement à 900 000 francs.
Pont-de-Roide (2271 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Doubs, exploite des carrières de pierres de taille, et fabrique de la quincaillerie en gros; cette petite localité a un haut fourneau, une fonderie de fonte et de cuivre, etc., et fait un actif commerce d'étoffes, de vins, d'eau-de-vie et de bestiaux.
Saint-Hippolyte (956 hab.), chef-lieu de canton, est situé au point où la Dessoubre se jette dans le Doubs et dans un carrefour que forment trois petites vallées. On y exploitait autrefois
une source d'eau salée abandonnée aujour- d'hui; les moulins, teintureries, ateliers de tissage et forges sont ses principaux établissements industriels.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Blamont (720 hab.), Maiche (1349 hab.), qui fait le commerce des bestiaux et des planches, et Le Russey (1373 hab.), avec forêt de sapins et tourbières.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Valenligney (1272 hab.), avec de curieux vestiges de route romaine; Charquemont(1785 hab.); Damprichard (1090 hab.).
ARRONDISSEMENT DE PONTARLIER.
PONTARLIER (4945 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé sur sur le Doubs, à 55 kilomètres de Besançon.
C'est une petite ville très-régulièrement bâtie, grâce aux nombreux incendies dont elle a été victime au XVIIe siècle. Du haut de la montagne du Grand-Taureau qui se dresse à l'E. de la ville, à une hauteur de 1326 mètres, la vue embrasse à la fois les cimes du Jura et de la Côted'Or, et le Mont-Blanc, le pic le plus élevé des Alpes.
Les établissements industriels de Pontarlier sont les fabriques d'absinthe et de kirsch, des scieries, des moulins, des fromageries, etc. On y fait le commerce des chevaux, des cuirs, des grains, des fers, etc. C'est un lieu d'entrepôt pour les marchandises qui s'échangent entre la Suisse et la France.
Pontarlier est une ancienne ville romaine, qui fut particulièrement éprouvée plus tard dans les invasions que subit la Bourgogne. Au XVIe siècle, elle redevint une cité puissante et prospère jusqu'en 1637, où elle fut de nouveau pillée et brûlée par les Allemands.
Les chefs-lieux de canton sont : Levier (1297 hab.), situé près de la plus belle forêt de sapins de la France, Monibenoît (221 hab.), qui possède une église du XIIIe siècle, dont les verrières sont très-admirées, Morteau (1799 hab.), bâti près d'une montagne, Mouthe (1008 hab.), non loin des forêts domaniales de la Grand'Côte, de la Fuvelle, du Noirmont, etc.
Les principales communes de l'arrondissement sont: Lac ou le Villers (2160 hab.), près de la frontière, où jaillit une source minérale ; les Fourgs, Frasne, Montlebon dont la population dépasse 1000 habitants; la Cluse et Mijoux (1044 hab.), où se trouve le fort de Joux, bâti sur un roc isolé à 200 mètres de hauteur; ce fort a servi de prison à plusieurs personnages célèbres; Mirabeau et le général Dupont y ont été renfermés; Toussaint Louverture y est mort en 1803.
DOUBS
Le château de la Rochechmard.
DROME.
Situation. — Limites. — Aspect général.
— Le département de la Drôme est situé dans la portion S.-E. de la France, et tire son nom de la principale rivière qui en traverse la partie centrale de l'E. à l'O. Il est limité : au N. et au N.-E., par le département de l'Isère; au S.E., par ceux des Basses-Alpes et des HautesAlpes ; au S., par celui de Vaucluse; et sur sa frontière O., par celui de l'Ardèche dont le Rhône le sépare.
C'est un département montagneux dans toute sa région orientale principalement. Il est sillonné de nombreuses vallées arrosées par des cours d'eau souvent tumultueux et prompts aux inondations; dans l'E., leur fertilité est médiocre, si ce n'est sur la partie basse qui vient mourir à la plaine, mais elles sont pittoresques et souvent très-sauvages La région du S. est la plus fertile; là, les montagnes sont remplacées par des coteaux tapis-
sés de. vignobles, par des plaines coupées de ruisseaux que couvrent d'abondantes moissons, et dans lesquelles les plantations de mûriers ont permis à la sériciculture de prendre un développement considérable. La partie septentrionale du département offre un sol trèsvarié, et, en somme, rien de plus riche en contrastes que tout ce territoire qui forme le Bas Dauphiné.
Orographie. — Le système orographique du département de la Drôme peut être considéré comme dérivant des Alpes-Cottiennes, et ses ramifications doivent être distinguées en trois groupes principaux qui séparent les vallées de l'Isère, au N., de la Drôme, au centre, et de l'Aigues, au S.
Le premier groupe se développe dans la partie orientale de l'arrondissement de Die, sous le nom de Groupe-de-Vescors; il est fort confusément enchevêtré; ses points culminants sont le Montoire, élevé de 1413 mètres, le Grand-Veymont, dont la hauteur est de 2345 mètres, la Moucherolle, élevée de 2460 mètres, le Mont-de-Penet, qui domine la rive gauche de la Lionne, le Mont-Aiguille, haut de 2097 mètres, autrefois connu sous le nom de Mont-Inaccessible, le Glandaz, élevé de 1833 mètres, et dont les roches escarpées figurent les murailles d'une inexpugnable citadelle.
Le second groupe produit un relief très-accentué dans toute la partie inférieure de l'arrondissement de Die; là s'élèvent, à une hauteur moyenne de 1400 pieds, le Mont-Couspeau, dans le canton de Bourdeaux, le Mont- Angèle, au-dessus des sources du Roubion et de la Roanne, et les Monts-de-Volvent.
Le troisième groupe traverse la partie S.-E.
du département, et culmine par le Bluye dans la commune de Mollans, au S. de l'arrondissement de Nyons.
Hydrographie. — Le département de la Drôme appartient au bassin du Rhône qui longe sa frontière occidentale sur une longueur de 140 kilomètres. Les principales rivières tributaires de sa rive gauche, et presque toutes sujettes à de graves inondations, sont, du N. au S., le Bancel, la Galaure, l'Isère, la Véoure, la Drôme, le Roubion, la Dèze, l'Aigues et l'Ouvèze.
Le Bancel, qui prend sa source dans la commune d'Hauterives, finit près d'Andancette, après avoir reçu l'Argentel.
La Galaure, qui vient de l'Isère, arrose Hauterives, et absorbe le Galaveyson et la Vermeille dans un cours de 56 kilomètres.
L'Isère, qui prend sa source en Savoie, tra-
verse ce département, celui de l'Isère, entre dans celui de la Drôme où elle arrose Lymeux, Bourg-de-Péage, Romans, Beaumout- Monteux, et se perd à Coufoulin, après avoir absorbé dans le département l'Herbasse gros- sie de la Limonne et du Merderet.
La Véoure, qui naît près de Châteaudouble, dans l'arrondissement de Valence, arrose Chabeuil, la Vache, la Paillasse, et finit après un cours de 40 kilomètres, pendant lequel elle a reçu la Lierne, l'Ecoutay et le Pétochin.
La Drôme, qui sort d'une fontaine de la Ba- tie-des-Fonds, sur l'extrême limite S.-E. de l'arrondissement de Die, remonte au N. en baignant Valdrôme, Montlaur, Recoubeau, Molières, Die, où elle se recourbe pour prendre la direction de l'O., arrose Sainte-Croix, Pontaix, Saillans, Aouste, Crest, et se termine après un cours de 178 kilomètres. Ses affluents sont: 1° la Maravelle et le Beaumont; 2° les rifs de Miscon et de Luc et le ruisseau de Barnave; 3° le Bèz qui prend sa source sur les limites de l'Isère, dans le canton de Châtillon, passe à Glandage et à Châtillon, et s'absorbe dans la Drôme, après un cours de 25 kilomètres, alimenté par les torrents d'Archianne et des No- nières; 4° la Merosse qui finit à Die, après avoir reçu les quatre sources du Raï et baigné les gorges de Romeyer; 5° le Suze qui sort des montagnes de la commune de Quint, baigne Saint-Julien, Saint-Andéol, Vachères et finit
près de Sainte-Croix ; 6° la Roanne qui descend des Monts-de-Volvent, arrose Saint-Nazaire, Pradelles, Saint-Benoît, et finit après un cours de 34 kilomètres, accru par la Robière, la Courence et la Colombe; 7° le Rieussec et le Charsac; 9° la Gervanne qui sort des montagnes d'Omblèze, forme à Plan-de-Baix la cascade de la Druïse, arrose Beaufort, et se jette dans la Drôme en aval de Mirabel, après avoir reçu le Chaffal, la Sépi, la Chabrière, la Bourne, le Sar- zier et la source des Fontaigneux; 9° la Scie qui vient du rocher de l'Aigle, la Lozière, la Saleine et la Grenette.
Le Roubion, qui prend sa source au pied du Mont-Angèle, arrose Bouvières, Bourdeaux, Soyans, Pont-de-Barre, Manas, Charols, SaintGervais, Bonlieu, Montélimar, dans un cours de 68 kilomètres, accru de la Brive, du torrent de Vèbre, de l'Ancelle et du Jabron grossi luimême du Faux, de la Citelle et du Vermenon.
La Dèze et l'Aigues traversent les arrondissements de Montélimar et de Nyons, sans arroser aucun point remarquable, et finissent en dehors du département.
L'Ouvèze, qui vient du canton de Séderon, arrose Montauban, Saint-Auban, le Buis, la Penne, entre dans le département de Vaucluse,
et se jette dans la Sorgue, affluent du Rhône, après avoir reçu le Menon, les Gastaux et le Toulourenc.
Le département renferme quelques étangs et quatre lacs principaux dont le plus considérable, celui de Luc, embrasse 300 hectares de superficie.
Climat. — Le climat du département de la Drôme varie avec les diverses zones; il est froid dans les régions montagneuses, vers le N.-E., et tempéré dans la partie méridionale.
Superficie. — Population. — La superficie du départementde la Drôme est de 653 557 hectares, et sa population de 324 231 habitants, ce qui donne près de 50 habitants par kilomètre carré ; l'accroissement de cette population a été de 91 000 âmes depuis le commencement du siècle.
Cette population comprend plus de 200 000 agriculteurs contre moins de 100 000 industriels ou commerçants, et plus de 11 000 habitants qui n'exercent aucune profession.
Les habitants du département de la Drôme ont le caractère gai et vif; ils sont actifs, travailleurs, mais irascibles; ils ont conservé dans leurs mœurs beaucoup des Celtes, leurs ancêtres; leur hospitalité est franche et généreuse dès qu'ils ont pu surmonter une défiance naturelle envers les étrangers; peut-être sont-ils un peu processifs et apportent-ils dans le maintien de leur droit une opiniâtreté excessive, mais ils forment une brave et vaillante race, apte à comprendre les beautés de la science et des arts; ils ont au plus haut point la religion du foyer domestique et l'amour de la patrie.
Ce sont eux qui ont fourni les premiers volontaires aux armées de la République, et pendant les guerres de l'Empire, les plus célèbres demi-brigades étaient formées avec les enfants du Dauphiné.
Les Dauphinois ont pris aux Provençaux la facilité d'élocution, la phraséologie, l'abondance de gestes et l'éloquence naturelle qui les distingue. Leur langage tient le milieu entre celui de la Provence et du Haut-Dauphiné; il est moins latin que le premier, moins celtique que le second, et forme plusieurs dialectes.
Agriculture. — Le domaine agricole du département de la Drôme comprend en terres labourables 309 000 hectares, en prairies 20 000, en vignes 30 000, en bois 149 000, etc.
C'est un département agricole, mais de moyenne culture ; la propriété y est morcelée en un million de parcelles qui sont possédées par plus de 90 000 propriétaires.
Les productions du sol varient avec sa situation et son élévation, mais en général il est maigre et sablonneux; les céréales qu'il produit sont insuffisantes pour subvenir à la consommation du département; leur valeur n'est que de 32 millions de francs, mais le maïs, le sarrasin y suppléent assez heureusement. Le mûrier, cultivé sur 1500 hectares, sert à la nourriture des vers à soie, et après eux à celle des bestiaux. La soie grége récoltée sur le territoire s'élève à 266000 kilogrammes valant plus de 16 millions de francs.
Le produit des autres cultures de toutes sortes, légumes, colza, chanvre, betteraves, châtaigneraies, etc., atteint une valeur annuelle de 24 millions de francs, et les pâturages près de 5 millions de francs.
Outre ces diverses cultures, il faut citer les vignobles qui, en plusieurs communes, à Die, à Donzère, à Saillans, à Mercurol, fournissent environ 150000 hectolitres de vins estimés dits Vins du Rhône; mais au premier rang se place le vignoble de l'Ermitage, dans la commune de Tain de l'arrondissement de Valence, dont les 140 hectares de vignes produisent les vins rouges du Méal, de Greffieux, et les vins blancs de Baume, de Muret et de Réaucoule.
Parmi les animaux domestiques, on compte 387 000 moutons, 97 000 porcs, 48 000 chèvres boucs et chevreaux, 22 000 ânes ou mulets, et 16 000 chevaux de race indigène. Leur revenu brut est de 27 millions de francs.
La valeur totale de la production agricole est annuellement de 61 millions de francs.
Mines. — Carrières. — Le territoire du département de la Drôme appartient en grande partie à la formation secondaire dans sa région.
montagneuse, et pour ses plaines à la formation tertiaire, où apparaissent des argiles de diverses sortes. Le fond des vallées est généralement alluvionnaire. Ces divers terrains renferment des gisements de fer, de cuivre, de plomb et de houille, mais ils ne sont pas trèsabondants.
Il existe à Saint-Paul-Trois-Châteaux de riches carrières de pierres de taille, des carrières de granit à Tain et de tuf dans l'arrondissement de Valence, des pierres meulières dans la commune de Montélimar, etdes marbres à Saillans.
Les sources ferrugineuses sont nombreuses dans ce département; quelques-unes sont exploitées ; les principales se rencontrent à Die et sont connues sous le nom de sources de Romeyer; on peut citer encore celles de La Motte-Chalan- çon, de Nollans, de Condillac, de Propiac, etc.
Industrie. — Commerce. — L'industrie de
la Drôme est en premier lieu représentée par la fabrication des gros draps, des serges et des ratines. La préparation des soies y occupe un grand nombre d'ouvriers, et il existe 130 usines à ouvrer la soie. Puis viennent dans l'ordre de leur importance industrielle, les poteries de grès, les tanneries, les mégisseries, les papeteries, les scieries, les fabriques de pâtes alimentaires, la bonneterie, la ganterie, etc.
Le commerce exporte principalement les soies, les bois de construction, les bestiaux gras, les vins, le miel, la cire, les olives, les colzas, le chanvre, les bois de chauffage, etc.
Routes. — Canaux. — Chemins de fer. — Le département de la Drôme compte 5 routes i rnpériales longues de 318 kilomètres, 12 routes départementales d'une longueur de 352 kilomètres, et 3499 chemins vicinaux qui mesurent 9000 kilomètres.
Ce département ne possède pas de canal important, mais seulement des canaux de dérivation qui sont employés aux irrigations du sol.
Le département de la Drôme est desservi par la ligne principale de Paris à Lyon et à Marseille, qui en suit toute la frontière occidentale parallèlement au Rhône, en descendant du N. au S. avec stations à Saint-Rambert-d'Albon, Andancette, Saint-Vallier, Serves, Tain, La Rochede-Glun , Valence, Étoile, Livron , Loriol, Saulce, La Champ, Montélimar, Châteauneuf, Donzère et Pierrelatte. De cette ligne se détachent trois embranchements: 1° celui de SaintRambert à Grenoble, avec station à Épinouze; 2° celui de Valence à Grenoble, avec stations à Saint-Marcel, Alixan, Romans et Saint-Pauliès-Romans; 3° celui de Livron à Privas, qui n'a que la station de Livron dans le département et traverse immédiatement le Rhône.
L'ensemble de ses diverses voies ferrées est de 159 kilomètres.
L'embranchement de Livron à Privas sera continué vers l'E. jusqu'à Crest dans l'arrondissement de Die.
Histoire. — Le territoire qu'occupe le département de la Drôme fut habité autrefois par plusieurs peuplades gauloises, les Ségalaumi, les Tricastini, les Vertacomiri, les Voconces, les Tricorii, etc. Leurs villes principales étaient Die, Aouste, Valence, Montélimar, Chabeuil, etc.
Avant la domination romaine, ce pays commença sa longue succession de malheurs par subir le pillage des Teutons et des Cimbres.
Rome intervint, le comprit d'abord dans la Province, puis dans la Viennoise, et y fonda de grandes colonies. Mais la domination romaine s'affaiblit peu à peu dans les mollesses
du Bas-Empire; les barbares succédèrent aux conquérants de la Gaule, d'abord les Alains et les Huns, puis les Bourguignons qui occupèrent le Valentinois au milieu du ve siècle, puis les Francs qui les en chassèrent, et enfin les Sarrasins qui, jusqu'au XIe siècle , poussèrent au dernier degré la rage de la dévastation.
Pendant les luttes de famille qui amenèrent la formation successive des deux duchés de Bourgogne, ce pays subit encore divers tiraillements, et finit par se démembrer en plusieurs petits comtés souverains, ceux d'Albon, de Valentinois, de Diois, de Grignan. Les évêques s'en mêlèrent, s'arrogèrent des droits et combattirent personnellement pour les soutenir. De là des luttes incessantes, où les comtes et les évêques enrôlèrent des routiers qui vécurent de pillages jusqu'à la réunion du Valentinois au Dauphiné, et sa cession à la couronne de France sous Charles VII, en 1446.
Cependant, après cette réunion, le Dauphinois conserva des priviléges et une sorte d'indépendance vis-à-vis de la couronne. En 1498, Louis XII érigea le Valentinois en duché-pairie et l'attribua à César Borgia, auquel sa trahison le fit bientôt perdre ; il revint donc à la couronne, François Ier le donna viagèrement à Diane de Poitiers, puis, en 1642, il devint la propriété des princes de Monaco, qui portent encore le titre de ducs de Valentinois.
Quand la réforme parut, une grande partie des habitants du Dauphiné se jeta dans le protestantisme ; le baron des Adrets se mit à leur tête, et l'on sait comment ce terrible chef entendait la guerre. Catherine de Médicis vint alors dans le pays pour l'apaiser, et assura les protestants de sa protection, ce qui ne les empêcha pas d'être impitoyablement égorgés, à Montélimar principalement. Ils reprirent alors les armes, se battirent à outrance, subirent des alternatives de victoire et de défaite, se calmèrent un instant à l'Édit de Nantes rendu par Henri IV, et se révoltèrent de nouveau sous Louis XIII. Mais ils furent rudement traités, et le prince de Condé en eut raison en 1627 ; tous les forts qui défendaient les principales villes furent rasés. La tranquillité commençait alors à régner pour la première fois dans ce malheureux pays, quand la révocation de l'Édit de Nantes raviva les haines religieuses; les protestants furent horriblement persécutés jusqu'au règne de Louis XVI.
Lorsque la Révolution éclata, on peut juger avec quel enthousiasme elle fut accueillie.
Quand la France fut divisée en départements en 1790, celui de la Drôme se forma d'une partie du Dauphiné, d'une partie de la Provence, et d'une partie du Comtat-Venaissin.
Hommes célèbres.— Les principaux personnages remarquables du département de la Drôme sont : l'historien des Croisades, RAYMOND DES AIGLES; les troubadours AUGIER et FLOQUET; JOUBERT, un très-savant médecin du XVIe siècle; LALLY-TOLLENDAL; le géologue FAUJAS DE SAINT-FOND; l'agronome RIGAUD DE L'ISLE; le jurisconsulte BÉRENGER; les généraux de la République et de l'Empire, BON, CHAMPIONNET, SERVAN; l'antiquaire DE SUCY; le comte DE MONTALIVET, ministre de Napoléon; PAUL DIDIER, le chef de l'insurrection de Grenoble en 1816 ; et parmi les contemporains : M. DE MONTALIVET, ministre de LouisPhilippe; Mgr SIBOUR, archevêque de Paris; ÉMILE AUGIER; le jurisconsulte LAURENT JAY.
Divisions administratives. — Le département de la Drôme comprend quatre arrondissements qui se subdivisent ainsi :
Arrond. de Valence 10 cant. 107 comm.
— de Die. 9 — 117 — — de Montélimar. 6 - 69 — — de Nyons. 4 — 74 — 29 cant. 367 comm.
Il forme la 7e subdivision de la 8e division militaire dont le siége est à Lyon.
Dans l'organisation religieuse, il forme l'évêché de Valence qui est suffragant de l'archevêché d'Avignon ; ce diocèse comprend 37 cures, 296 succursales, 75 vicariats rétribués par l'État, un grand séminaire à Romans et un petit séminaire à Valence; 68 temples sont affectés au culte protestant.
La justice est rendue par les 4 tribunaux de première instance des chefs-lieux d'arrondissement, et par le tribunal de commerce de Ro- mans, qui ressortissent à la Cour impériale de Grenoble.
Le département de la Drôme est compris dans le ressort de l'Académie de Grenoble. Ses établissements d'instruction publique sont trois colléges communaux à Valence, Romans et Montélimar, une école normale protestante à Dieu-le-Fit, deux cours normaux d'institutrices catholiques et protestantes à Valence, et 759 écoles publiques ou libres. Les trois quarts des jeunes gens inscrits pour le tirage au sort savent lire et écrire.
Description des villes. — Voici les principales localités du département de la Drôme :
ARRONDISSEMENT DE VALENCE.
VALENCE (20 142 hab.), préfecture et cheflieu du département, est située sur la rive gauche du Rhône près du confluent de l'Isère,
à 580 kilomètres de Paris. Une partie de ses maisons s'étage sur le penchant d'une colline et forme un pittoresque amphithéâtre. Valence est divisée en ville haute et en ville basse ; ses rues sont assez mal tracées, peu correctes, mais souvent intéressantes par quelques constructions particulières dont quelques-unes datent de la Renaissance. Le champ de Mars qui s'étend au S. de la ville est une promenade très-fréquentée, d'où le regard embrasse la vallée du Rhône, et, au delà du fleuve, le rocher à pic de Saint-Péray couronné par les ruines du château de Crussol.
Parmi les édifices de Valence, on doit citer d'abord sa cathédrale de Saint-Appollinaire, d'un pur style roman, réédifiée au xie siècle sur les ruines d'une première église, et qui est classée parmi les monuments historiques; à cette classe appartient encore un édifice de la Renaissance nommé le Pendentif, qui sert de cénotaphe à la famille de Mistral. L'église Saint-Jean, avec de belles verrières, la collégiale de Saint-Ruf affectée au culte protestant, l'église des Cordeliers, aujourd'hui un magasin à fourrages, l'église de Notre-Dame-de-Soyons, bâtie dans le goût Pompadour, offrent des parties dignes d'intérêt. Le musée est installé dans les bâtiments d'un ancien grand séminaire et possède quelques toiles remarquables de Paul Huet, Delacroix, etc.
Les vestiges antiques que Valence a conservés de l'époque romaine se bornent à quelquelques fûts, débris de corniches, pierres milliaires, etc. Cependant ce fut une importante cité connue sous le nom de Valentia Se- govellanorum. César y séjourna pendant quelque temps. Depuis le Bas-Empire jusqu'au XIIIe siècle, elle subit successivement la domination des Alains, des Lombards, des Sarrasins, des Francs, des Bourguignons, des empereurs d'Allemagne, et fut impitoyablement saccagée à chaque changement de maître.
L'autorité despotique que ses évêques y exercèrent en dernier lieu lui fit embrasser la réforme avec ardeur, et les luttes furent souvent sanglantes entre les catholiques et les protestants. Cette ville servit de lieu d'exil au pape Pie VI qui y mourut en 1798.
Chabeuil (4333 hab.), chef-lieu de canton, situé sur les bords de la Véoure, a divers établissements industriels, tels que tanneries, moulins, papeteries, taillanderies, fabriques de chapeaux, d'orfèvrerie commune, etc.
Loriol (3512 hab.), chef-lieu de canton, possède une source ferrugineuse et un magnifique pont de pierre jeté sur la Drôme.
Romans (11 524 hab.), chef-lieu de canton,
situé sur la rive droite de l'Isère, est une des localités les plus importantes et les plus industrielles du département; on y fabrique des tissus de soie et de filoselle, des draps, des ratines, etc. Son église, autrefois la Collégiale de Saint-Bernard, offre des parties très-intéressantes, et des sculptures du XIIe siècle, qui l'ont fait comprendre parmi les monuments historiques.
Saint-Vallier (3372 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Rhône près du confluent de la Galaure, a plusieurs établissements industriels ; on y remarque l'ancien château de Diane de Poitiers et les ruines du château de Saint-Barthélemy-de-Vals.
Tain (2822 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche du Rhône. Son territoire comprend le vignoble renommé qui produit le vin de l'Ermitage; on y exploite du sulfure de cuivre et une carrière de granit.
Sur sa place principale se trouve un monument historique, sorte d'autel ancien de l'époque romaine.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Bourg-de-Péage (4517 hab.), sur la rive gauche de l'Isère, le Grand-Serre (1748 hab.), qui fabrique des instruments aratoires etdes ratines de Vienne, Saint-Donat (2519 hab.), sur la rive droite de l'Herbasse, et Saint-Jean-en-Royans (2742 hab.), qui exploite des carrières de tuf, et dont les magnifiques noyers donnent des fruits très-recherchés.
Les principales communes de l'arrondissement sont: Albon (2401 hab.), avec les ruines d'un château fort ; Anneyron (2976 hab.), sur la rive droite de l'Argentel, où se voient les restes du château de Mantailles; Charpey (2503 hab.); Châteauneuf-d'Isère (2093), dont les vins sont excellents; Étoile (3104 hab.), avec les ruines d'un château de Diane de Poitiers; Hauterives (2542 hab.), où l'on exploite du lignite ; Livron (4058 hab.), situé entre la Drôme et le Rhône, dont les vins de Rézème et du Closde-la-Rolière sont très-estimés; Montmeyran (2087 hab.), avec des ruines diverses et fort curieuses; Moras (3970 hab.), où on a élevé en 1856 une statue monumentale de la Vierge; Peyrins (3012 hab.); La Rochechinard (368 hab.), où l'on remarque les ruines d'un vieux château bâti sur un roc au milieu des bois, et dans lequel fut emprisonné Zizim, le fils de Mahomet II.
ARRONDISSEMENT DE DIE.
DIE (3762 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, est située au pied du Mont-de-Glandas sur la rive droite de la Drôme, et dans une très-agréable vallée, à
67 kilomètres de Valence. Cette petite ville est industrieuse et commerçante. Les vignobles de son territoire produisent d'excellents vins blancs connus sous le nom de Clairette de Die.
On y exploite les eaux minérales de la source de Romeyer.
Die est très-riche en antiquités romaines du plus haut intérêt; elle a conservé un reste de murailles, des vestiges d'aqueducs, de nombreux débris de toutes sortes, et entre autres plusieurs autels tauroboliques qui servaient aux sacrifices de la Rome païenne, puis la porte Saint-Marcel, ornée de bas-reliefs, qui est peutêtre un ancien arc triomphal, les ruines d'un vieux château, et une église classée parmi les monuments historiques, dont quelques sculptures remontent à l'époque romane.
Die fut autrefois une cité phocéenne qui passa successivement sous la domination romaine, franque, allemande; elle fut trèséprouvée par les guerres féodales et les dissensions religieuses.
Bourdeaux (1405 hab.), chef-lieu de canton, situé sur le Roubion, fabrique des étoffes de ratine, et fait le commerce des laines, des céréales, des bestiaux et des truffes.
Crest (5351 hab.), chef-lieu de deux cantons, est situé sur la rive droite de la Drôme que traverse un beau pont de pierre. Cette petite ville florissante fait le commerce de la soie, des vins, des laines, et fabrique des draps, du papier, de la bière, etc. Au sommet d'un rocher qui la domine, s'élève une tour quadrangulaire de l'époque romane, seul reste d'un château fort du XIIIe siècle, rasé par Richelieu, et qui sert maintenant de prison militaire.
Saillans (1688 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur la rive gauche de la Drôme ; son territoire très-fertile produit de bons vins, de beaux fruits et des céréales dont cette petite localité fait le commerce; elle a des filatures de coton, de marbreries, des fours à chaux, etc.
Son église a conservé un portail roman qui est de la bonne époque.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Lucen-Diois (1005 hab.), La Chapelle-en-Vercors (1320 hab.), qui fait le commerce du bois, du charbon et des bestiaux, Châtillon (1235 hab.), sur le penchant d'un coteau que baignent les eaux du Bèz, et La Motte-Chalançon (1019 hab.), qui possède une source minérale très-efficace contre les affections cutanées.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Allex (1621 hab.), où se trouve une ferme-école; Aouste (1218 hab.), qui fait le commerce des grains; Montoison (1251 hab.), avec les ruines du château de Clermont; Grane (1978 hab.), qui fabrique de la poterie commune ;
Saou (1007 hab.), près de la pittoresque forêt de ce nom, et où l'on admire les ruines d'une abbaye, d'un donjon et d'une église prieurale de l'époque de transition.
ARRONDISSEMENT DE MONTÉLIMAR.
MONTÉLIMAR (11 100 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé à 44 kilomètres de Valence, à la jonction des eaux du Roubion et du Jabron. La position de cette petite ville, sur le penchant d'un coteau couvert de vignobles, est très-heureuse; le climat y est modéré, son territoire très-fertile et particulièrement favorable à la culture du mûrier. Elle fait le commerce des vins, des truffes noires et des soies gréges; elle exploite des gisements de chaux hydraulique et une carrière de pierre à meules; les confiseries, les tanneries, les briqueteries, etc., forment ses principaux établissements industriels.
Montélimar a conservé quatre portes de son ancienne muraille fortifiée; mais aucun de ses édifices publics, anciens ou modernes, n'a de valeur archéologique; sa citadelle seule est très-intéressante à étudier au point de vue de l'art militaire et de la défense des places.
Montélimar est une très-ancienne cité romaine qui s'appela plus tard Montlilium Adhemardi, au XIe siècle, et fut réunie à la couronne de France en 1446, après avoir appartenu un instant au pape Clément VII. Cette ville fut une des premières à se jeter dans la réforme, souffrit beaucoup des guerres de religion et resta longtemps entre les mains des protestants.
Dieu-le-Fit (4147 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans la vallée du Jabron et dominé par l'aride montagne de Dieugrâce. Cette petite localité possède deux sources minérales froides, des fabriques de drap, des filatures de soie, des teintureries, etc., et fait le commerce de la soie, des vins et des céréales. On a découvert dans un cimetière un appareil à chauffer les bains, qui date de l'occupation romaine.
Grignan (1932 hab.), chef-lieu de canton, est situé entre les petites rivières de la Gerre et du Lez; cette petite ville possède deux monuments historiques : son château, dévasté à la Révolution, où se voit la chambre dans laquelle est morte Mme de Sévigné, et son église où se trouve le tombeau très-simple de la célèbre marquise.
Marsanne (1605 hab.), chef-lieu de canton, situé au-dessus de la rive droite du Roubion, a conservé des restes de vieilles fortifications, d'un château fort et d'un couvent de Templiers.
Pierrelatte (3539 hab.), chef-lieu de canton situé non loin du Rhône, que traverse en cet endroit un pont suspendu, a de nombreux vestiges de constructions gallo-romaines.
Saint-Paul-Trois-Châteaux (2558 hab.), cheflieu de canton, exploite de magnifiques et riches carrières qui fournissent annuellement 20 000 mètres cubes de pierre de taille; son ancienne cathédrale, qui date du XIIe siècle, est classée parmi les monuments historiques.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Suze-la-Rousse (2139 hab.), avec de très-curieuses ruines de château, de prieuré et de chapelle; Taulignan (2167 hab.), localité très-industrieuse; Tulette (2133 hab.), dont le territoire produit des olives estimées; Châteauneuf-de-Mazenc, Sauzet, Donzère, dont la population dépasse 1500 habitants.
ARRONDISSEMENT DE NYONS.
NYONS (3611 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, est situé sur l'Aigues, à 90 kilomètres de Valence. Cette petite ville comprend trois quartiers et est construite en amphithéâtre pour une certaine partie, au milieu de collines et de montagnes où prospèrent les mûriers, les oliviers et les vignes; son territoire est fertile et se prête à toutes sortes de cultures, olives, céréales, fourrages, fruits; elle fait le commerce des huiles et des vins, de la rouennerie et de la quincaillerie.
Nyons, qui est encore entouré de sa vieille enceinte fortifiée, paraît avoir une origine celtique; au moyen âge, ce fut une très-importante place forte du Dauphiné ; elle tomba au pouvoir des protestants pendant les guerres de religion, mais Richelieu fit raser sa citadelle, dont il ne reste plus qu'une tour située sur le Rocher-du-Guard.
Le Buis-les-Baronnies (2413 hab.), chef-lieu de canton, est situé sur les rives de l'Ouvèze, et fait le commerce des laines et de la draperie.
Remuzat (680 hab.), chef-lieu de canton, situé au point où l'Oule se perd dans l'Aigues, a conservé de curieux restes de monastères qui ont appartenu aux Templiers.
Séderon (690 hab.), chef-lieu de canton, est situé dans la vallée de la Meauge et produit du miel très-renommé.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Mirabel (1912 hab.), qui a de précieux restes archéologiques; Vinsobres (1645 hab.), avec les ruines de ses anciennes murailles; Mollans (1186 hab.), qui possède une source minérale efficace pour les maladies de poitrine; Montbrun (1328 hab.), avec des eaux minérales qui s'emploient heureusement dans les affections de la peau.
Vue générale d'Evreux.— Une rue à Bernay. — Beffroy d'Evreux.
Vieille maison à Verneuil.
EURE.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département de l'Eure, situé dans la partie N. O. de la France, prend son nom de la rivière qui le traverse du S.-E. au N. Il a pour limites : au N., le département de Seine-Inférieure; au S., ceux de l'Orne et d'Eure-etLoir; à l'O., celui du Calvados; à l'E., ceux de l'Oise et de Seine-et-Oise.
Le territoire de l'Eure présente une inclinaison générale du S. E. au N. O.; il est formé
par les six plateaux du Lieuvin, du pays d'Ouche, du Neubourg et de Roumois, de Saint-André, d'entre Eure-et-Seine et du Vexin-Normand. Ces plateaux sont séparés par les cours d'eaux principaux du département que sa pente dirige vers la Seine; ils sont généralement formés d'une terre végétale, souvent argileuse, qui s'étend sur un tuf calcaire; leur surface très-variée comprend des champs cultivés, des enclos, des forêts, des marais,
et vers le N. O., une certaine étendue de côtes qui par leur évasement déterminent l'estuaire de la Seine.
Orographie. — Hydrographie. — On ne peut donner le nom de montagnes aux collines qui forment le relief du département et délimitent ses principales vallées ; leur point culminant se rencontre à l'O. de l'arrondissement de Bernay, et est situé à une hauteur de 228 mètres. Près de Quillebeuf, à l'embouchure de la Seine, se dressent quelques rochers assez pittoresques que l'imagination normande a dotés de récits légendaires.
Le département de l'Eure appartient en entier au bassin de la Seine, et toutes ses rivières sont directement ou indirectement tributaires de ce grand fleuve.
La Seine, qui prend sa source dans la Côted'Or, après avoir traversé les départements de l'Aube, de Seine-et-Marne, de Seine-et-Oise, de la Seine et de Seine-et-Oise, entre dans celui de l'Eure, par le N. E. de l'arrondissement d'Évreux, en sort presque aussitôt pour former la séparation des arrondissements de Louviers et des Andelys en arrosant Vernon, Courcelles, les Andelys, Poses, Pont-de-l'Arche, Jgoville; depuis ce point jusqu'à Aizier, elle vient plusieurs fois effleurer la frontière du département qu'elle limite absolument depuis Aizier jusqu'à Fiquefleur, en arrosant Vieux-Port et Quillebeuf, où elle se jette dans la Manche, après un cours total de 770 kilomètres.
Pendant son parcours dans le département qui est de 66 kilomètres, la Seine a pour affluents : 1° l'Epte, né près de Forges, dans la Seine-Inférieure, qui, après avoir séparé ce département de celui de l'Oise, puis le département de l'Oise de celui de l'Eure, arrose dans ce dernier Bouchevilliers, Amécourt, Ba- zincourt, Gisors, Dangu, Guerny, Berthenonville, Fourges, Gasny, et finit à Giverny, après un parcours de 102 kilomètres dont 32 kilomètres dans le département, après y avoir reçu la Troësne, le Réveillon et la Lévrière grossie de la Boucle; 2° le Gambon qui se jette aux Andelys; 3° l'Andelle qui vient de la SeineInférieure, arrose Charleval, Fleury, Romilly, et finit à Port-de-Pistres, après un cours de 60 kilomètres ; 4° l'Eure qui prend sa source près de la Lande dans le département de l'Orne, traverse celui d'Eure-et-Loir, sépare ce dernier de l'Eure, baigne Saint-Georges où il devient navigable, Ivry-la-Bataille, Pacy, les Planches, Louviers, et finit près de Pont-del'Arche, après un cours de 226 kilomètres, accru dans le département de l'Avre, de la
Vègre et de l'Iton; 5° l'Oison qui vient du canton de Louviers, longe la forêt de Pont-del'Arche et va dans la Seine-Inférieure se perdre au-dessus d'Elbeuf; 6° la Rille qui prend sa source dans le canton de Courtomer dans l'Orne, traverse l'Eure, en baignant Rugles, la Neuve-Lyre, Beaumont-le-Roger, Nassandres, Brionne, le Bec-Hellouin, Montfort, Pont-Au- demer, et se jette à l'embouchure de la Seine près de Berville-sur-Mer, après avoir reçu la Charentonne et la Corbie.
Il n'existe ni lac ni étang dans l'Eure, mais seulement un marais assez considérable entre Quillebeuf et la pointe de la Roque.
Climat. — Le climat du département de l'Eure est tempéré, mais un peu humide; les hivers n'y sont point rigoureux ni les étés brû- lants; la température y est variable; les vents du S. O. et du N. O. amènent des pluies; le vent du N. y est assez violent.
Superficie. — Population. — La superficie du département de l'Eure est de 595 765 hectares; et sa population de 394 467 habitants, ce qui donne environ 70 habitants par kilomètre carré; depuis le commencement du siècle, cette population a diminué de 4000 habitants.
Les industriels et les commerçants y sont très-nombreux, plus de 162 000, et les agriculteurs ne les dépassent que de 20 000 environ. Le chiffre des habitants qui n'exercent aucune profession est considérable et il atteint 47 000.
Les habitants de l'Eure forment une population active, intelligente, industrieuse et spirituelle; l'habitant des villes est instruit, ami des arts et des sciences; quelques préjugés courent encore les campagnes, mais ils tendent à s'effacer de jour en jour et à disparaître plus rapidement encore que le costume, ou le patois normands.
Agriculture. — Le domaine agricole du département de l'Eure peut se décomposer de la manière suivante : 377 000 hectares de terres labourables, 23 000 de prairies naturelles, 35 000 de cultures arborescentes, 143 000 de bois, forêts, terres incultes, etc.; 182 000 propriétaires y possèdent environ 1 million 500000 parcelles de terrain.
C'est un département essentiellement agricole, et, sous ce rapport, l'un des plus riches de la France; on y cultive toutes espèces de céréales, qui sont plus que suffisantes pour sa propre consommation et dont la valeur s'élève annuellement à 63 millions de francs; c'est principalement dans le Vexin-Normand
et dans la plaine de Narbourg que le blé prospère.
Les légumes réussissent surtout dans les vallées de la Seine et de l'Eure ; on cultive aussi le lin qu'on emploie à fabriquer des toiles; les pommiers sont plantés sur presque tous les points du territoire, et plus particulièrement peut-être dans l'O. du département; là, les routes en sont bordées, les champs en sont enclos, et leur nombre est tel que l'on fabrique annuellement près de 470000 hectolitres de cidre pour une valeur qui dépasse 3 millions de francs. Les vignobles sont peu importants dans l'Eure; les principaux sont situés dans les vallées de l'Eure, de l'Avre et de la Seine; ils ne rendent que des vins médiocres et n'occupent pas une superficie de 1200 hectares. Les forêts sont considérables; on peut citer celle de Lyons, de Conches, de Breteuil, d'Évreux, de Pont-de-l'Arche, riches en chênes, ormes, hêtres, châtaigniers, cormiers, trembles, etc., qui fournissent tous les bois propres à l'industrie ou aux constructions maritimes.
La valeur de ces diverses cultures dépasse annuellement 24 millions de francs, tandis que celle des pâturages, dont les meilleurs se trouvent dans le Lieuvin, n'atteint pas 6 millions.
Parmi les animaux domestiques, les bêtes à laine tiennent le premier rang par leur nombre qui dépasse 630 000; un certain nombre de ces moutons appartient aux races de pré-salé et aux races anglaises à longue laine ; les chevaux qui sont principalement de race percheronne, dépassent le chiffre de 54 000, et ceux de Bernay et de Pont-Audemer sont les plus estimés; 147 000 bêtes à corne, parmi lesquelles domine la race normande, 43 000 porcs, 38 000 chèvres, 14 000 ruches d'abeilles, 8000 ânes ou mulets, complètent cette nomenclature.
Il faut encore citer un certain nombre de êtes fauves, de menu gibier assez abondant, des poules d'eau, des sarcelles, des canards sauvages, des râles fort communs, et d'excellents poissons qui peuplent la plupart des cours d'eau du département.
La valeur annuelle des animaux domestiques atteint 53 millions de francs, et la valeur totale de la production agricole dépasse 92 millions.
Mines. — Carrières. — Le sol du département de l'Eure contient du minerai de fer en assez grande quantité; on l'exploite à ciel ouvert, et il suffit à alimenter un certain nombre de hauts-fourneaux.
La pierre à bâtir, la meulière, la pierre à chaux, le grès, le plâtre, la tourbe, la terre à faïence et à foulon, etc., se trouvent sur divers points du territoire, et sont l'objet de nombreuses exploitations.
Les sources minérales qui sont ferrugineuses pour la plupart sont celles de Breteuil, de Beaumont-le-Roger, du Vieux-Conches, du Bec-Hellouin, de Saint-Germain, etc.
Industrie. — Commerce —L'industrie manufacturière est très-développée dans l'Eure, qui tient un rang important parmi les départements producteurs. La fabrication des draps à Louviers, aux Andelys, à Pont-Authou, à Beaumont-le-Roger, la fabrication des tissus de laine et de flanelle, le tissage des calicots , les rubanneries, les imprimeries d'indiennes, les blanchisseries de toiles et de fils, etc., forment des établissements considérables qui emploient un grand nombre d'ouvriers.
L'industrie métallurgique, quoique moins importante ne peut être passée sous silence; elle compte plusieurs hauts-fourneaux pour la fabrication du fer, des fonderies de fonte et de cuivre, des tréfileries, des laminoirs, des usines pour la fabrication des clous et des épingles, etc. Il faut encore citer des verreries, des tanneries, des poteries, des papeteries, des moulins.
Les produits agricoles et manufacturiers fournissent au commerce de l'Eure ses premiers éléments ; ses draps, ses épingles, ses rubans s'exportent à l'étranger ; les grains, bois de construction, chevaux, volailles, bétail, œufs, beurre, sont l'objet d'exportations trèsactives. Le commerce maritime est concentré dans les ports de Quillebeuf et de Pont-Au- demer ; la navigation fluviale par la Seine, l'Eure et la Rille est assez importante.
Routes. — Chemins de fer. — Le département de l'Eure est traversé par 12 routes impériales d'une longueur de 462 kilomètres, par 27 routes départementales qui ont 822 kilomètres, et il est sillonné par 3260 chemins vicinaux, dont le développement total dépasse 9000 kilomètres.
Le département de l'Eure est desservi par deux lignes principales du réseau de l'Ouest : 1° la ligne de Paris à Cherbourg avec stations à Bueil, Boisset-Pacy, Évreux, La Bonneville, Conches, Romilly, Beaumont-le-Roger, Serquigny, Bernay, Saint-Mards-Orbec; 2° la ligne de Paris au Havre, avec stations à Vernon, Gaillon, Saint-Pierre-Louviers et Pont-del'Arche.
De ces lignes se détachent deux embranche-
ments : 1° celui de Conches à Laigle, avec stations, à Le Fidelaire, Lyre et Rugles; 2° celui de Serquigny à Rouen, qui réunit les deux lignes principales avec stations à La Rivière, Brionne, Pont-Authou, Glos-Montfort, Saint-LégerBoissey et Bourgtheroulde.
Le développement de ces diverses voies ferrées est de 190 kilomètres environ.
Histoire. — Avant l'invasion romaine dans les Gaules, le territoire qui forme le département de l'Eure, était occupé par les Eburovices et les Velocasses, vaillantes peuplades qui luttèrent longtemps contre César pour l'indépendance nationale. Sous Auguste, leur pays fut compris dans la Lyonnaise, et dans la seconde Lyonnaise sous Dioclétien. A la fin du IVe siècle, le christianisme s'y introduisit avec les prédications de saint Taurin. Ce fut quelque temps après, à la fin du Ve siècle, que la contrée passa sous la domination de Clovis; elle fit alors partie de la Neustrie, et pendant la dynastie mérovingienne, elle demeura au pouvoir des divers successeurs de Clovis. Les monastères s'y fondèrent de tous côtés, et autour d'eux se créèrent des villes qui devinrent rapidement prospères.
Jusqu'au VIIIe siècle, les évêques administrèrent paisiblement ce pays; mais, au IXe, sa tranquillité fut troublée par les incursions dévastatrices des pirates normands. En 854, Charles le Chauve fit élever une citadelle à Pont-de-l'Arche et barrer la Seine, mais il ne put empêcher les Normands de reparaître vingt-deux ans plus tard, avec le célèbre Rollon à leur tête, de battre les troupes royales et de s'emparer d'Évreux. On en vint alors aux transactions, et le roi abandonna, par le traité de Saint-Pierre-sur-Epte, toute la partie de la Neustrie située au N. de la Seine.
Rollon se convertit au christianisme et administra avec sagesse ses nouveaux États, rebâtissant les villes, enrichissant les monastères.
Son fils et son petit-fils lui succédèrent, et c'est sous ce dernier que le roi Louis IV joignit le Vexin aux États normands; mais en 989, ce nouveau royaume finit par être érigé en comté d'Évreux, en faveur de Robert de Normandie, fils de Richard Ier. Son fils prit part à la conquête de l'Angleterre, et, en échange de possessions nouvelles, il céda à Guillaume-le-Conquérant la ville d'Évreux et le château de Dangu dans le Vexin. Les rois d'Angleterre et les évêques d'Évreux luttèrent pour la possession du comté jusqu'à la fin du XIIe siècle, où Philippe-Auguste s'en empara.
En 1200, le comté tout entier fut réuni à la couronne de France ; il en fut détaché un siècle
après, et confisqué par Charles V, 69 ans plus tard. Pendant le triste règne de Charles VI, les Anglais reprirent ce pays déjà si éprouvé; il fut reconquis par Charles VII en 1424, et revint encore aux Anglais qui en furent définitivement chassés en 1441. Pendant les guerres de la réforme, il s'engagea dans la ligue contre les protestants ; mais Évreux dut se rendre au maréchal de Biron, et Henri IV, en 1590, ayant gagné la bataille d'Ivry sur le duc de Mayenne, peu à peu le pays se soumit tout entier. A part les soulèvements de la Fronde, il demeura tran- quille jusqu'à la révolution, et se montra alors chaud partisan des nouvelles idées; mais à la mort des Girondins, il se tourna contre la Montagne et se rallia à l'armée fédéraliste.
En 1790, lors de la nouvelle division de la France, l'Eure forma l'un des cinq départements de la Normandie.
Hommes célèbres. — Les hommes célèbres du département de l'Eure sont : Le philosophe et grammairien GUILLAUME DE CONCHES ; BENSERADE ; l'helléniste MOREL ; LE POUSSIN ; les sculpteurs JEAN et GUILLAUME COUSIN ; l'académicien LINANT ; le girondin BUZOT ; ROBERT LINDET ; le maréchal de camp BLAMMONT ; DUPONT-DE-L'EURE ; le publiciste et économiste PASSY ; et parmi les contemporains : le journaliste GUÉROULT.
Divisions administratives. — Le département de l'Eure est divisé en cinq arrondisse- ments qui se subdivisent ainsi :
Arrond. d'Evreux. 11 cant. 224 comm.
— des Andelys. 6 — 117 — — de Bernay. 6 — 124 — -- de Louviers. 5 — ID — — de Pont-Audemer. 8 — 124 —
36 cant. 700 comm.
Il forme la 2e subdivision de la 2e division militaire dont le siège est à Rouen.
Dans l'administration religieuse, il forme un diocèse dont l'évêché est à Évreux, et qui est suffragant de l'archevêché de Rouen; ce diocèse comprend 37 cures , 534 succursales, 39 vicariats rétribués par l'Etat, un grand séminaire à Évreux et deux petits séminaires à Évreux et à Pont-Audemer.
La justice est rendue dans le département par les cinq tribunaux de première instance des chefs-lieux d'arrondissement, et les quatre tribunaux de commerce de Bernay, d'Évreux, de Louviers et de Pont-Audemer, qui ressortissent à la Cour impériale de Rouen.
Compris dans le ressort de l'Académie de Caen, le département de l'Eure a un lycée et une école normale d'instituteurs à Évreux, un
collége communal a Bernay et 745 écoles publiques et libres. Plus des deux tiers des jeunes gens appelés au tirage au sort savent lire et écrire.
Description des Villes. — Voici les principales localités de ce département : ARRONDISSEMENT D'ÉVREUX.
ÉVREUX (12 320 hab.), préfecture et chef-lieu du département, divisé en deux cantons, est situé sur l'Iton, à 104 kilomètres de Paris, au milieu d'une vallée que des coteaux ferment au S. et au N. La position de cette ville est charmante, et ses environs sont couverts de jardins et de vignes; son jardin des Plantes qui s'élève en amphithéâtre, son Allée des Soupirs, forment d'agréables promenades, sans compter la grande route de Caen qui est plantée d'arbres magnifiques.
Évreux possède trois édifices classés parmi les monuments historiques. Au premier rang apparaît sa cathédrale qui présente les styles de six siècles d'architectures fondus dans un ensemble parfait, depuis le XIe siècle jusqu'au XVIIe ; elle est donc à la fois romane, gothique et Renaissance; c'est une magnifique église, dominée par deux tours inégales et surmontée d'une flèche à jour que sa brillante couverture de plomb fit autrefois nommer le Clocher d'Argent. L'église Saint-Taurin appartenait autrefois à l'abbaye de ce nom ; elle est en partie romane, et le centre de ses arcades au midi est orné d'une marqueterie de ciment; on admire ses vitraux, son bas-relief de la Renaissance, et sa crypte où se trouve le tombeau gallo-romain de saint Taurin. Le vieux beffroi est une tour carrée à sa partie inférieure et octogonale dans sa partie supérieure que surmonte une flèche en bois; il date de la fin du XVe siècle. Les autres édifices de la ville sont moins importants; on ne peut guère citer que l'abbaye de Saint-Sauveur qui sert aujourd'hui de caserne, et l'ancien séminaire des Eudistes. Évreux a encore quelques vestiges de ses anciennes fortifications; son sol renferme de nombreux souvenirs de l'époque gallo-romaine, et le musée possède une riche collection de médailles, poteries, inscriptions, etc Évreux a plusieurs établissements industriels, tels que moulins à blé, usines métallurgiques, papeteries, tanneries, scieries mécaniques, fabriques de coutils, teintureries, etc.
Son commerce porte principalement sur les produits de son territoire qui sont les céréales, les bois, les légumes, etc.
Évreux, qui a pris son nom des Eburovices,
devint une cite importante sous l'administration romaine et fut détruite par les barbares au ve siècle. Rollon la releva de ses ruines.
Au xe siècle, cette ville devint le chef-lieu d'un comté; au XIIe, pillée et incendiée, elle fut soumise à tous les hasards des guerres et des surprises jusqu'à Louis XI qui lui donna une administration régulière.
Breteuil (2162 hab.), chef-lieu de canton, situé sur l'Iton, a des hauts-fourneaux et des moulins à blé. Sa forteresse, construite par Guillaume-le-Conquérant, a complètement disparu; son église du XIIe siècle est peu remarquable.
Conches (2482 hab.), chef-lieu de canton, située sur le bord d'un vallon, et près d'une forêt, est l'une des plus jolies villes du département; elle est dominée par les ruines d'un donjon qui a conservé son enceinte de murs et ses tours; son église paroissiale, citée pour ses magnifiques vitraux et sa voûte très-hardie, est classée parmi les monuments histo- riques. Conches possède encore des restes d'une ancienne abbaye de Bénédictins mi-ro- mane, mi-gothique. Cette petite ville, assez industrielle, a des forges, des hauts fourneaux, des moulins à blé. et fait le commerce des bestiaux, des bois, etc.
Verneuil (4259 hab.), chef-lieu de canton, situé sur l'Avre et sur l'Iton, est une petite localité très-prospère, qui a de nombreux moulins à blé, une fonderie de cuivre, des fabriques de flanelles, de coutils, de clous, etc.
Ses murailles et son donjon du moyen âge, son église du XVe siècle, et une curieuse maison, sont classés parmi les monuments historiques.
Vernon (7787 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Seine et sur les ruisseaux de Mon- tigny et de Saint-Marcel, fabrique du plâtre, de la chaux, des outils, etc., et fait le commerce de grains, de vins et de pierres de taille. Son église des XIIe, XIVe et XVe siècles compte parmi les monuments historiques.
Les autres chefs-lieux de canton sont : Dam- ville (985 hab.), avec forges, moulins, four à chaux et mine de fer, Nonaucourt (1750 hab.), situé sur l'Avre, qui a des filatures de laine et de coton, Pacy-sur-Eure (1643 hab.), dont l'église ogivale de la première période du gothique est rangée parmi les monuments historiques, Bugles (1867 hab.), petite ville très-industrielle, qui fait un commerce considérable d'épingles et de clous, et dont l'église est dominée par une tour du XVe siècle classée parmi les monuments historiques, et Saint-André (1523 hab.), qui fait un grand commerce de porcs, d'œufs et de volaille.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Baux-de-Breteuil, Francheville, Bourth, dont la population dépasse 1500 habitants.
ARRONDISSEMENT DLS ANDELYS.
LES ANDELYS (5161 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, sont situés sur la Seine et le Gambon, à 40 kilomètres d'Évreux.
Cette petite localité est divisée en deux villes, le grand et le petit Andely. Son église de NotreDame, une ancienne collégiale, mélange des styles gothique et Renaissance, dont les verrières du XVIe siècle sont splendides, l'église de Saint-Sauveur du XIIe siècle, et les restes du château Gaillard, bâti par Richard-Cœur-de- Lion, sont classés parmi les monuments historiques.
La ville des Andelys a des fabriques de draps, des filatures de laine, de nombreux moulins à blé, des corroieries, des tanneries, des plâtreries, etc., et elle fait un commerce très-actif de grains et de laines.
L'histoire de cette ville n'est certaine qu'à partir du VIe siècle; la viile se groupa peu à peu autour d'une abbaye fondée à cette époque par Clotilde, femme de Clovis. Le petit Andely est dû à Richard-Cœur-de-Lion.
Gisors (3573 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Troëne, l'Epte et le Réveillon, est une ville industrielle et commerçante; elle exporte des grains, des laines, des bestiaux, et elle a des filatures de coton, des laminoirs de cuivre et de zinc. Son vieux château, d'un aspect imposant avec ses murailles et son donjon dominé par la tour de Saint-Thomas-de-Cantorbéry, son église à cinq nefs, dont le chœur est du XIIIe siècle et le portail du xve, sont rangés dans la catégorie des monuments historiques.
Lyons-la-Forêt (1391 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Lieurre, a des scieries mécaniques alimentées par les bois de la forêt de Lyons, des moulins à blé et à tan, des fabriques de pains à cacheter, etc. Son territoire a conservé un grand nombre d'antiquités de l'époque romaine.
Les autres chefs-lieux de canton sont: Étrépagny (1628 hab.), qui fabrique des gants et de.
la bonneterie, Ecos (533 hab.), avec une église du XIIIe siècle, et Fleury-sur-Andelle (1454 hab.) ARRONDISSEMENT DE BERNAY.
BERNAY (7510 hab.), sous-préfecture et cheflieu de l'arrondissement, est situé sur la Charentonne, à 60 kilomètres d'Évreux. Une église abbatiale, à nef romane et à coupole, utilisée comme halle, et les verrières de l'église-de Notre-Dame-de-Couture sont classées parmi les
monuments historiques. Les autres édifices de cette petite ville sont l'église paroissiale de Sainte-Croix, une ancienne léproserie occupée aujourd'hui par une ferme, et une vieille abbaye de l'an 1000, reconstruite au XVIIe siècle, qui sert maintenant d'hôtel de préfecture, de tribunal et de mairie.
Les établissements industriels de cette petite localité sont des moulins à blé, des filatures de laine, des filatures de coton, des rubanneries, etc. Elle exporte des grains, des chevaux, des laines, des rubans, des toiles, etc. On y trouve des eaux minérales..
Bernay, l'ancien Bernaium dont il est souvent question dans les textes latins du moyen âge, fut fortifié au XIIe siècle, et souvent pillé, saccagé, incendié, pendant les guerres des An- glais et pendant les guerres de religion.
Brionne (4037 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Rille, a de nombreux établissements industriels, moulins, filatures, four à chaux, tanneries, blanchisseries, etc., et faitle commerce d'huiles, de farines et de toiles. On y voit les ruines d'un donjon de l'époque romane, et un cimetière romain, assez riche en antiquités.
Broglie (1252 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Charentonne, a conservé le château construit par le maréchal de Broglie. La façade de son église avec arcades romanes dont les cintres croisés forment ogive, est classée parmi les monuments historiques.
Thiberville (1420 hab.), chef-lieu de canton, produit des céréales et des lins et faitle commerce des bestiaux et des toiles.
Beaumont-le-Roger (2099 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Rille, a un certain nombre d'établissements industriels, des fabriques de draps, des blanchisseries, des filatures, etc., et exporte des bestiaux, des grains, des lins et des fils. De son ancien château, il ne reste plus que les fossés; son église paroissiale est ornée d'un beau portail, magnifique spécimen du gothique flamboyant; la ville est dominée par les ruines d'un ancien prieuré du XIIe siècle, qui sont classées parmi les monuments historiques.
Beaumesnil (570 hab.), chef-lieu de canton, possède également un monument historique, son château de brique et de pierre, bâti vers la fin du règne d'Henri IV.
ARRONDISSEMENT DE LOUVIERS.
LOUVIERS (11 707 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé sur l'Eure, dans une charmante vallée, à 24 kilo- mètres d'Évreux. Cette localité se divise en deux villes : la vieille ville, encore bâtie en bois, et
la ville neuve, régulièrement construite et qui tend à s'agrandir. On remarque dans son église de Notre-Dame, ornée de deux grosses tours, la nef et le chœur, qui sont du XIIIe siècle, le porche du xve siècle, nouvellement restauré, et un tombeau gothique récemment reconstruit avec de vieux bas-reliefs. Une vieille maison de Tem- pliers du XIIe siècle est une des curiosités de la ville.
Louviers a de très-importantes fabriques de draps, de cardes, de fils, de lacets, de clous; les filatures de laine y sont fort nombreuses et font un chiffre considérable d'affaires. Le commerce exporte au loin les produits de son industrie et ceux de son territoire, tels que blé, ardoises, etc.
Louviers, autrefois Loverium, doit sans doute son origine à un rendez-vous de chasse. Cette ville servit de lieu d'entrevue à Philippe-Auguste et à Richard-Cœur-de-Lion en 1195.
Comme toutes les localités de ce territoire, elle souffrit de la domination anglaise et des guerres de religion.
Amfreville-la-Campagne (709 hab.), chef-lieu de canton, n'a que des moulins à vent pour tout établissement industriel.
Gaillon (3219 hab.), chef-lieu de canton, possède un très-beau monument historique, un château bâti par Georges d'Amboise, aujourd'hui changé en maison centrale de détention pour 1300 détenus, et dont le portique a été transporté à Paris, dans la cour du palais des Beaux-Arts. Cette petite localité possède aussi une colonie pénitentiaire pour 700 jeunes détenus. Les moulins à blé, les plâtreries, les fabriques de molleton de soie et de coton, etc., forment ses principaux établissements industriels.
Le Neubourg (2500 hab.), chef-lieu de canton, a des fabriques de toiles et de bas, et exporte des céréales, des laines, des toiles, des cotonnades ; de son ancien château, cette petite ville a conservé quelques murailles avec tours et mâchicoulis.
Pont-de-l'Arche (1643 hab.), chef-lieu de canton, situé sur la Seine, que traverse un beau pont de 22 arches, a des tanneries, des plâtreries et des fabriques de chaussons de lisière.
Son église, classée parmi les monuments historiques, qui date du XVe siècle, a de belles verrières et un très-beau retable en bois sculpté du XVIIe siècle. On admire encore à Pont-del'Arche des restes de vieilles fortifications et des maisons de bois du vieux temps.
ARRONDISSEMENT DE PONT-AUDEMER.
PONT-AUDEMER (6182 hab.), sous-préfecture et chef-lieu de l'arrondissement, est situé sur
la Rille et deux autres ruisseaux, à 70 kilomètres d'Évreux. Son église de Saint-Ouen, édifice commencé au XIe siècle, continué au XIVe et au XVe, est inachevée et a de beaux vitraux classés parmi les monuments historiques; l'église de Saint-Germain, la nef romane de l'église du Sépulcre, l'autel de l'église des Carmélites, attirent l'attention des archéologues.
Le mouvement industriel de Pont-Audemer est alimenté par des moulins à blé, des filatures de coton, des usines métallurgiques, des moulins à tan, des scieries de bois, des scieries mécaniques de cuirs, etc. Son commerce de draps, toiles, bestiaux, cuirs, laines, grains, est très-actif.
Pont-Audemer, anciennement Pons Alderii, semble avoir été fondé au IXe siècle, sur la voie romaine de Lillebonne à Lisieux. En 1122, Henri Ier d'Angleterre assiégea et brûla cette ville ; elle fut rebâtie et s'entoura de murailles au XIIe siècle. Pendant l'invasion anglaise, elle fut souvent prise et subit toutes sortes de dé- sastres; elle ne recouvra sa tranquillité qu'après s'être rendue à Henri IV. Beuzeville (2455 hab), chef-lieu de canton situé sur la Morel, fait un commerce très-actif de grains, de bœufs et de chevaux.
Bourgtheroulde (733 hab.), chef-lieu de canton, a conservé, de son ancien château, un colombier et un pavillon d'entrée; son église est ornée d'une tour carrée du xve siècle et de verrières de l'époque de la Renaissance.
Cormeilles (1385 hab.), chef-lieu de canton situé sur la Calonne, a de beaux herbages et fait le commerce du beurre, du miel, des grains, etc.
Montfort-sur-Risle (574 hab.), chef-lieu de canton, a conservé les ruines du plus important château de la Normandie; son cimetière a de belles pierres tombales et son église un beau retable du XVIIIe siècle.
Quillebœuf (1441 hab.), chef-lieu de canton situé sur la rive gauche de la Seine, est un petit port de mer, éclairé par un phare de 4e ordre, dont le mouvement maritime est représenté par une centaine de navires jaugeant de 2500 à 3000 tonnes. Son église, du xie siècle, est classée parmi les monuments historiques.
Routot (964 hab.), chef-lieu de canton, fait un considérable commerce de bestiaux; son église, du XIIe siècle, est justement remarquée.
Saint-Georges-du-Vièvre (1088 hab.), chef-lieu de canton, a des établissements pour le tissage des toiles et la fabrication des bas.
Les principales communes de l'arrondissement sont : Boscroger (2169 hab.); Lieurey (2152 hab.) etc.
EURE
La Porte Guillaume à Chartres. - La cathédrale de Chartres. — Le chœur de la cathédrale.
Les deux portails du Nord et du Midi.
EURE-ET-LOIR.
Situation. — Limites. — Aspect général. —
Le département d'Eure-et-Loir, qui prend son nom des deux rivières qui le traversent, est situé dans la région N.-O. de la France. Il a pour limites : au N., le département de l'Eure; au S., ceux de Loir-et-Cher et du Loiret ; à l'E., ceux du Loiret et de Seine-et-Oise ; à l'O., ceux de la Sarthe et de l'Orne.
Le département d'Eure-et-Loir offre aux regards l'aspect d'une vaste plaine, à base tantôt
calcaire, tantôt siliceuse et argileuse, dont le relief n'est accusé que par de larges ondulations ; pour trouver quelques parties boisées, il faut remonter au N. et au N.-O., et bientôt même, les derniers restes de ces forêts qui ombrageaient autrefois le territoire, et dans lesquelles les Druides accomplissaient leurs cérémonies religieuses, auront disparu devant les envahissements de l'agriculture.
Le département d'Eure-et-Loir renferme
deux régions distinctes. L'une est la région de la Beauce ou de la Basse-Terre, le pays des céréales par excellence, arrosé seulement par les pluies, où les arbres sont rares, où les prairies manquent, si ce n'est dans quelques dépressions du terrain, où les habitations se sont concentrées sur quelques points seulement, campagne d'un aspect uniformément triste, excepté dans les cantons d'Anet et de Dreux, où les eaux de l'Eure, de la Blaise et de la Vègre entretiennent une certaine humidité. L'autre est la région du Perche ou de la HauteTerre, où s'étendeut les prairies verdoyantes, où se groupent des forêts magnifiques, où se dessinent de riants coteaux, où se creusent des vallées fertiles, que les rivières, les ruisseaux, les nombreux canaux d'irrigation fécondent de leurs eaux bienfaisantes.
Orographie. — Hydrographie. — Le département d'Eure-et-Loir n'a point de montagnes ; à peine son relief est-il indiqué par des collines qui sont plutôt de larges ondulations du terrain ; mais il est traversé, de l'E. à l'O., par le Plateau de la Beauce, dont la plus grande largeur n'a pas moins de 30 kilomètres et qui, séparant le bassin de la Seine du bassin de la Loire, détermine la ligne de partage de leurs eaux. Les points culminants de ce plateau sont la colline de Montireau, dont la hauteur est de 283 mètres, et la colline de Thiron-Gardais, élevée de 279 mètres dans l'arrondissement de Nogent-le-Rotrou; la forêt de Senonches, dans l'arrondissement de Dreux, est située à une élévation de 263 mètres.
D'après sa configuration et le relief de son territoire, le département d'Eure-et-Loir appartient aux deux bassins de la Seine et de la Loire. Au premier appartiennent l'Eure et ses affluents; au second le Loir, l'Huisne et les cours d'eaux qui s'y jettent.
L'Eure, qui prend sa source dans le département de l'Orne, entre dans celui de l'Eure-etLoir, court vers l'E. en arrosant la forêt de Senonches, Belhomert, Pontgouin, Courville, Thivars, passe à Chartres, remonte vers le N.
en baignant Maintenon, Villiers, Nogent-leRoi, Charpont, Ecluselles, Luray, Cherisy, Anet, entre dans le département de l'Eure et va s'y perdre dans la Seine, après un cours total de 226 kilomètres. Pendant son parcours dans le département d'Eure-et-Loir, il reçoit: 1° la Loupe qui arrose Vaupiilon, la Loupe, Neaucé, et finit en amont de Belhomert; 2° la Voise qui prend sa source dans le canton d'Auneau, sur le plateau de la Beauce, arrose Levainville, Gué-de-Longroy, Ymeray, Roinville, Poissac, Gallardon, Bailleau, Armenonville,
Yermenonville, Houx, et finit à Maintenon, après un cours de 45 kilomètres, pendant lequel elle a absorbé l'Aunay, la Remarde, l'Ocre et le ruisseau de Gas; 3° le Dracé qui se termine à Villiers ; 4° la Blaise qui prend sa source en amont de Senonches, arrose cette ville, Maillebois, Blévy, Crécy, et finit à 4 kilomètres audessous de Dreux, après un cours de 50 kilomètres; 5° l'Avre qui vient de l'Orne, baigne Chênebrun, Verneuil, sépare l'Eure de l'Eureet-Loir, et finit dans ce dernier département; 6° la Vègre qui prend sa source dans la forêt de Rambouillet, en Seine-et-Oise, baigne dans l'Eure-et-Loir Saint-Lubin-de-la-Haye, Berchères, Saint-Ouen-Marchefroy, Rouvres, Boncourt, Oulins, la Chaussée-d'Ivry, et finit devant Ivry-la-Bataille, commune du département de l'Eure, après un cours de 45 kilomètres.
Le Loir prend sa source dans la lande de Saint-Emant, dans l'arrondissement de Chartres, descend vers le S. en arrosant Illiers, Bonneval, Châteaudun, Cloyes, traverse les départements de Loir-et-Cher et de la Sarthe, entre dans celui de Maine-et-Loire et s'y perd dans la Sarthe, après un cours total de 310 kilomètres. Ses affluents sont, dans le département d'Eure-et-Loir : 1° la Thironne qui sort de l'étang de Thiron-Gardais, dans l'arrondisment de Nogent-le-Rotrou, baigne Chassant, Montigny, Méréglise, et finit au-dessous d'Illiers, après un cours de 28 kilomètres; 2° le
Fauchard dont les sources sont près de celles de la Thironne, et qui baigne la Croix-du-Perche, Fraze, Mottereau, et finit au-dessous de Saint-Avit, après 32 kilomètres de cours ; 3° l'Ozanne qui vient des collines d'Authon, dans l'arrondissement de Nogent-le-Rotrou, arrose Charbonnières, Unverre, Brou, Yèvres, Dangeau, et finit à Bonneval, après avoir absorbé le Brou; 4° la Conie, qui prend sa source près de Janville, dans l'arrondissement de Chartres, arrose Fontenay, Courbehaye, Nossonville, traverse le bassin de la Goure-deSpay, baigne Conie, Moléans, Donnemain, et tinit en amont de Châteaudun, après avoir reçu les eaux de la Conie-Palue ; 5° l'Yères, qui naît près de Montmirail, dans la Sarthe, baigne la Chapelle-Guillaume, la Bazoche-Gouet, la Chapelle-Royale, Courtalain, Saint-Hilaire, et finit près de Cloyes, après un cours de 48 kilomètres ; 6° le Droué qui vient de Loir-et-Cher et finit à Cloyes.
L'Huisne prend sa source près de la forêt de Belesme, dans le département de l'Orne, arrose Nogent-le-Rotrou, entre dans le département de la Sarthe, et se perd dans la rivière de ce nom.
Le département d'Eure-et-Loir a de nombreux étangs, dont les principaux sont ceux de
Bois-Ballu, de la Ferté-Vidame, de Senonches, de Brou, etc.
Climat. — Le climat du département d'Eureet-Loir est doux, tempéré, sec, avec un air vif et pur; les variations de la température y sont généralement assez lentes. Les vents d'O., de S.-O. et de N.-O. y dominent; celui du S.
provoque des pluies violentes.
Superficie. — Population. — La superficie du département d'Eure-et-Loir est de 587 430 hectares, et sa population de 290 753 habitants, ce qui donne environ 50 habitants par kilomètre carré ; depuis le commencement du siècle, elle s'est accrue de 32 600 âmes.
Les agriculteurs comprennent près de la moitié de cette population ; on compte environ 70 000 industriels ou commerçants, 8000 habitants exerçant des professions libérales, et près de 46 000 sans profession.
Les habitants d'Eure-et-Loir ont des caractères assez distincts, suivant la partie du département qu'ils occupent; cette distinction se remarque surtout entre ceux de la Beauce et ceux du Perche. Les Beaucerons, enrichis par le commerce des grains, francs, hospitaliers, travailleurs, ont des mœurs austères, une vie sobre, une alimentation frugale ; ils sont fortement constitués et très-aptes aux arts industriels. Les Percherons, au contraire, refoulés dans la partie moins riche du département, sont de complexion plus délicate, moins actifs, moins laborieux, insouciants, mais fins et rusés dans leurs relations commerciales et d'un esprit très-gaulois. D'ailleurs, toute cette population d'Eure-et-Loir a conservé un grand fond de patriotisme, et elle est sincèrement religieuse.
A vrai dire, il n'existe aucun patois dans les campagnes du département ; à part quelques tours particuliers, quelques locutions vicieuses, la langue française est parlée purement sur tous les points du territoire.
Agriculture. — Le domaine agricole du département d'Eure-et-Loir comprend 477 000 hectares de terres labourables, 17 000 de prairies naturelles, 4300 de vignes, 6000 de pâtu- rages, landes, bruyères et pâtis, et 82 500 de bois, forêts, terres incultes, etc. Les 1 400 000 parcelles qui composent son territoire sont possédées par 144 500 propriétaires.
Ce département est essentiellement agricole, et la science de l'agriculture y est extrême- ment perfectionnée. Son sol, très-fertile, se prête à des cultures diverses et paye avec usure ceux qui le cultiv
Au premier rang, il faut placer les céréales, dont la valeur dépasse annuellement 68 millions de francs; la Beauce, privilégiée sous ce rapport, non-seulement pour la quantité, mais pour la qualité de ses productions, est considérée comme le grenier de Paris. Après la culture des céréales, on peut citer celle de la betterave, dont on récolte 80 000 hectolitres, puis celle de la garance, du chanvre, du lin, des légumes secs, des graines oléagineuses, des prairies artificielles, des arbres fruitiers, tels que pruniers, poiriers, pommiers, cerisiers, abricotiers, etc., dont la valeur atteint 18 millions et demi de francs. La valeur des pâturages dépasse 3 millions de francs. La vigne produit, année commune, 100 000 hectolitres environ d'un vin de qualité médiocre.
Les plus importantes forêts du département sont celles de Dreux et de Senonches, etc., où dominent le chêne, l'orme, le bouleau, le châtaignier, le cormier, etc.
Les animaux domestiques forment une par tie importante