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Titre : Notre province : revue mensuelle éditée sous le patronage du Centre d'études régionalistes de Limoges ["puis" revue mensuelle de la région de Limoges] / directeur, Paul Brousse

Auteur : Centre d'études régionalistes (Limoges). Auteur du texte

Éditeur : Impr. de A. Bontemps (Limoges)

Date d'édition : 1943-12-01

Contributeur : Brousse, Paul. Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32825360b

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32825360b/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 1169

Description : 01 décembre 1943

Description : 1943/12/01 (N22)-1943/12/31.

Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale

Description : Collection numérique : BIPFPIG87

Description : Collection numérique : Fonds régional : Limousin

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6550030x

Source : Bibliothèque francophone multimédia de Limoges, 2013-221540

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 25/11/2013

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SOMMAIRE

Noël aux Champs, par Charles SILVESTRE. 313 Autour de Noël, par Franck DELAGE.,.,.,. 314 Avant la neige — La Truffe, Poèmes de Roger PECHEYRAND et Joseph DAUBIGE. , , ,. 315 Un bel artiste : Maurice Savreux, par Magdeleine CHAPAUD 316 Vieux Noëls de France et du Limousin, par Roger BLANCHARD. , , , 320 Chez nos voisins en Auvergne, par Maugeis DE BOURGUESDON. 323 Fantômes de Crozant, par M. NADAUD. , 324 Le Limousin guerrier, par Joseph NOUAILLAC 327 Carte du Limousin féodal, par L. TlMBAL 329 Le Limousin courtois, par Joseph NoUAlLLAC 330

De La Jonchère à Sauvagnac, par Jeanne de SAZILLY 331 Bergeries à la belle étoile, par Edmond BLANC 332 Le miracle de l'Enfant, Conte par Simone NoELLE. 337 Petites histoires de coin de feu. 337 La situation économique et financière de la Région de Limoges, par Paul BROUSSE. 338 Jules César traversant le Rubicon, Email de Pierre RAYMOND 339 Tapisserie moderne d'Aubusson. 340 L'année littéraire en Limousin. par LE CRITIQUE 342 Le garde champêtre de Périgueux, par Robert BENOIT 343 LA VIE PROVINCIALE: Noël à la Préfecture Régionale; Fin d'année à VAéro-Club ; Chroniques de la Corrèze et de la Creuse 344

NOEL AUX CHAMPS « « « Que la neige couvre en abondance le blé qui pointe ! Plus qu'une promesse, c'est un merveilleux manteau. Beau temps de Noël en Limousin : il faut aller au train de ses jambes dans la campagne blanche et noire, où le moindre corbeau prend une monstrueuse importance en ce cinquième hiver de guerre féroce. De temps à autre, quelques vieilles gens perchées sur des bicyclettes tremblotantes vont à la ville chercher secours pour des malades esseulés, des moribonds que guette le désespoir.

Aucune empreinte de charroi, mais des traces d'oiseaux fous de famine. Parfois un attelage s'avance, un singulier cab au vénérable cheval enrhumé, ou bien une effarante berline traînée par une mule aussi maigre que le maître qui l'exhorte. Un fiacre, en retraite, en dernière pénitence, a juré de mourir d'un excessif chargement de topinambours.

A mauvaise fortune, bon cœur ! C'est la trêve coutumière malgré le tourment et le souci multipliés. L'angoisse est grande, et d'habitude dominée, matée : les femmes, les vieux mesurent ce qui reste du courage qu'ils ont soutenu des mois et des mois. Ils se croyaient au bout du rouleau; ils en trouvent toujours un peu plus.

L'autre soir, comme la neige s'effaçait au vent moins froid, la route fut envahie par un troupeau de bœufs, qu'il fallait mener au pacage. Ils étaient une trentaine qui tenaient toute la place, et derrière venaient, armées d'une baguette de coudrier, deux petites filles de 5 à 7 ans. La plus jeune montrait une fine vigilance et donnait de la voix comme une mésange pour morigéner le vieux chien ; elle trottinait bravement au bord du troupeau dont le moindre animal aurait pu l'écraser. Il était très admirable de la voir aller et venir où il fallait, si aisément : ainsi l'eau vive à sa pente.

Une fois les animaux dans la prairie, l'aînée ferma la barrière, et toutes les deux se tinrent imperturbablement aux aguets avec l'invisible gravité solennelle des enfants qui portent avant l'âge une part de besogne humaine. Et certainement, à l'heure dite, le troupeau sera bien ramené à l'étable. Ténacité que l'on ne peut guère analyser, et qui va du bout de l'aurore au fin fond du crépuscule. Seul, un esprit non paysan pourrait dire, tandis que la géante guerre continue sans aucune merci : « Ce soir, malgré les batailles, tel arbre porte une paix ravissante dans ses branches que nous voyons doucement remuer. ». En vérité, le vrai paysan du sol limousin sait bien que tout est menacé en ce monde, et que tel arbre qui paraît murmurer d'amour connaît bientôt le fer de la hache. L'homme des labours n'oubliera jamais cette dure loi qui ne saurait lui déplaire. Pourtant, en ce Noël, il est toujours saisi du céleste espoir ; les canons n'éteignent pas le rayon de l'Etoile à travers ses châtaigniers et ses prairies. Il attend toujours la paix promise aux hommes de bonne volonté. Ranimons chez nous les grandes coutumes, les divins cantiques, les belles légendes, où dure le génie de notre terre bien-aimée.

CHARLES SILVESTRE.


AUTOUR 00 DE NOËL La Ville et les Champs C e

Paysage de neige. — Alluaud (Crozant)

C'est le cœur de l'hiver : gel ou neige, ou vent, ou boue.

On patauge, ou l'on patine. On se crotte, ou l'on dérape.

Mais qu'importe. Tout carillonne dans les pays chrétiens ; pas de clocher qui ne tremble sous les coups de ses cloches ivres de sons. Des volées d'appels clairs s'épandent, ponctuées par la basse des gros bronzes. Jour de Noël, soir de Noël : il faut sortir du logis. Qui accepterait de s'enfermer dans sa chambre? C'est jour de joie familiale, jour de liesse enfantine, autant que solennité pieuse et recueillie.

On se promène longuement ; on va d'église en église pour voir toutes les crèches, on s'assure que celle de la paroisse ne le cède en grâce et en ingéniosité à aucune autre. On pense aussi aux étrennes ; le Jour de l'An est devancé. On court voir les étalages, on compare, on choisit, on achète. Ne faut-il pas garnir sabots et souliers devant la cheminée? Nous voudrions bien aussi un petit sapin pour compléter le décor de notre Noël. Mais que trouverons-nous à attacher à ses branches? Où sont les bonbons, les sucreries, les mandarines, les petites bougies, les babioles de clinquant? Restera-t-il tout nu, notre petit sapin?

On s'invite pour le soir, on fixe l'heure, mais on cache le menu. Après la messe de minuit, n'est-ce pas? On ne peut vraiment pas réveillonner avant ou sans une messe de minuit, riche de lumières, de chants et de musique. Amènerez-vous les enfants? Oui pour celui-ci ; non pour celui-là, il est trop petit pour veiller. Bah! on le couchera à 8 heures et on le lèvera pour le réveillon. Vous ne voudriez pas le priver de cette réjouissance qui fait date dans l'année et qui illuminera les souvenirs d'enfance.

* * *

Que retardez-vous là-haut, père Liônard? Vous comptez les étoiles? — Non, Liônard n'est ni astronome ni poète ; son imagination n'erre pas à travers les mondes morts ou vivants.

Ce soir de Noël, il ne cherche même pas dans l'océan des Soleils l'étoile des Mages. Il a dans la tête quelques leçons pratiques qu'il tient de père et grand-père. On lui a dit cinquante fois : Gibrè d'avan Nadau cent escus nous vau, Mas après vau pas un dénier. Et il épie si le givre se forme sur les flaques d'eau du chemin ou sur les vitres de la fenêtre ; le bas de laine enflera-t-il son ventre, ou lui comptera-t-on les côtes au lieu de compter les écus ?. On lui disait aussi : Quan Nadau fai cri-cro, aquei signe de gru ; quan Nadau fait li-tia, fassa javelas, gairè de plâ. Et Liônard écoute les pas du passant : à chaque coup de talon, entend-on cri-cro ? Terre durcie, bien gelée, glace partout : ah ! le blé va bien « taller ».

Sous la semelle la terre molle, lourde d'eau, gargouille Ti-tia : triste présage, le grain sera maigre, le pain plus cher sans doute. — Heureusement, ce Noël ne « tombe» pas un lundi. —

Qu'est-ce à dire, mon brave? — Nadau dilu, tout est perdu, c'est bien sûr. Liônard sait aussi que Per Nadau lous jours creissen d'un pè de jau. Un pied de coq, c'est vite mesuré ; une minute par jour, c'est insensible. Mais, dans quelques semaines, Liônard se lèvera plus tôt pour abattre plus de besogne. Dès que le « jau » sonnera le réveil, notre homme sera à l'étable. Pensera-t-il à celle de Bethléem? En garnissant de

foin le ratelier de ses vaches, apercevra-t-il dans le lointain

la crèche de l'Enfant Jésus? Peut-être. Mais ce qu'il a fait scrupuleusement, c'est de ne pas entrer dans l'étable la veille de ce grand jour, vers minuit, heure solennelle, parce que, alors, les bœufs causent entre eux et ne veulent pas être entendus, sous peine des pires maladies.

* * *

La Provence, notre cousine, se fait gloire de ses Santons.

On s'extasie devant ces petits bonshommes, ces petits animaux, taillés dans l'olivier ou façonnés d'argile, peints de couleurs vives, qui ornent les chapelles de l'Estérel et des Maures quand Noël les ressuscite d'un sommeil annuel. Je connais dans notre Limousin, plus modeste (peut-être par force, murmure un ironiste), une église de village. Mais pourquoi ne pas la nommer? C'est à Vicq-en-Breuilh, vous dis-je, et je crois bien que le fait est unique dans notre province. On y conserve, en les restaurant quand il le faut, un groupe de Santons, une bonne douzaine de figurines en bois, que l'on groupe, à chaque Noël, autour de la crèche du « petit Jésus ».

Au-dessus et tout autour des personnages, se mêlant à des branches de châtaignier, le houx et le gui enlacent leurs feuilles et leurs baies. Hommes d'âge divers, femmes, fillettes et garçonnets, avec joueurs de chabrette et de flutiaux, raides et gauches dans leurs habits quelque peu hétéroclites, mais d'attitude et de physionomie ravies et attendries, admirent l'enfançon, pénétrés d'une joie grave et paisible que l'artisan qui les sculpta a réussi à exprimer. Images de foi, de confiance, d'amour, puisse l'église de Vicq conserver toujours cette charmante scène où un Noël rustique garde sa saveur séculaire!

* * *

Dehors, le froid triomphe, souverain de l'air et du sol. Qu'elle est douce et belle, la bûche de Noël ! Foin des calorifères, des radiateurs, des salamandres, des poèles de tout gabarit! Il me faut, sur les grands landiers, sous les crocs de la crémaillère, la lumière vibrante, le branle coloré des flammes, le crépitement de la souche, le jaillissement des étincelles. Parlez, mère Mion. « Eh ! bien, Monsieur, du temps de nos vieux, on y pensait à l'avance, à cette cosse de Noël que vous regrettez de si bon cœur. J'ai ouï dire que mon arrière-grand-père réservait deux ans d'avance une grosse souche de chêne, ou de châtaignier, et même de pommier, surtout s'il portait une touffe de gui ; et c'était un quartier noueux, tout bossu, autant dire du rocher. Quand on craignait l'humidité, on le mettait d'abord près du four allumé pour le pain de la quinzaine- Quelle flambée, Monsieur, et quelles braises ! C'est là qu 1 faisait bon préparer le réveillon ! Nous avions un tourne-broche à mécanique, plein de ressorts comme une grosse penduleAh ! les rôtis étaient fameux, quand ils avaient tourné pendant des heures devant la cosse embrasée. Et puis, mais vous ne vous moquerez pas, Monsieur? Les villauds se croient habiles


Vicq-sur-Breuilh. — Les Bergers.

de ne croire à rien. - Et puis, cette bûche de Noël avait des vertus, je vous le dis. Quand j'avais des « clous » sur les bras ou sur le cou, à cause de quelque « saleté » qui m'avait touchée, ma mère me promenait près de la peau des charbons tirés du brasier de Noël, et je vous assure qu'ils s'en allaient.

Plus la cosse durait, plus il y avait de bonheur dans la famille.

J'en ai vu une qui a tenu neuf jours avant de s'éteindre ; on en gardajm tisson qu'on plaça sous une pile de draps ; rien de si sûr, oui, mon bon Monsieur, pour écarter la foudre. —

On m'a dit, Mère Mion, que

dans des villages du Périgord, on jetait un morceau du pain cuit pour la Noël dans le puits afin qu'il ne tarisse jamais. —

Ça, Monsieur, je ne l'ai pas vu faire de par chez nous. Mais le bon effet de la braise, on l'a toujours vu. — Flambe, craque, croule, bûche de Noël, si tu ne guéris pas les corps, réjouis au moins nos esprits et facilite nos humeurs.

* * *

Réveillons de Noël, gourmandises pour Noël, chères traditions régionales! Il serait long, le chapitre de la gastronomie, si l'on voulait le faire complet et digne de la matière. Point de réveillon-type ; point de menu « standard ». Chacun fait à son goût et de son mieux. Je connais des menus de bar à gaz-dancing ; des menus de palaces, avec étalage de tous les luxes, assaut de flacons étiquetés, rivalité de portefeuilles.

J'aime ces modestes menus rustiques où tout a passé par les mains de la maîtresse de maison, — et ce n'était pas petite affaire. « Vautrei podè m'en creirè !». Qu'il n'y eût qu'un plat ou qu'il y en eût dix, le plaisir était le même : réveillon cuisiné en famille (tout produit de la maison), et dégusté en famille ; souvent, dans quelque sauce, une saveur spéciale, quelque combinaison originale, héritée d'une aïeule ou d'une vieille tante. Je me remémore pêle-mêle ce que j'ai dégusté à tel ou tel réveillon : petit-salé relevé d'une moutarde violette savoureuse en diable ; grosse farce bien épicée, confit d'oie doré,

dindonneau à la peau croustillante, gros pâté à bord de forteresse ; levraut bien râblé qu'un plomb peu légal avait occis derrière un buisson ; quartier de porc (écrirons-nous anchot ou anchaut ?) cuit dans sa graisse, salé, poivré, piqué d'ail ; tartes aux prunes, crèpes de froment, châtaignes boursées, blanchies ou rôties ; fromages d'Eymoutiers ou de Thiviers, belles « caillades » sentant la noisette ; pommes de Lestre, de Sainte-Germaine ou de Paradis, mûres à point, sucrées, parfu- mées de leurs essences propres.

Avec tout cela, quelques bouteilles de cidre, sec ou doux,

du vin blanc, un grand bol de café, une « goutte », et. un bon estomac pour supporter le tout.

* * *

Il n'est pas qu'un seul Noël, éternellement identique, indifférent aux temps et aux espaces. Évoquons le Noël humble et secret de la chrétienne primitive, au temps de Martial et de Valérie, — le Noël des châtelaines engoncées dans de lourdes étoffes passementées, — et le Noël des midinettes rieuses dont les genoux nus font danser la jupette. Pensons aux Noëls de paix, aux Noëls de guerre, aux Noëls de camps lointains ; Noëls du home, de la tranchée, de la barraque.

Noëls des champs, Noëls des villes ; Noëls des pauvres, Noëls des riches. Noëls des grandes familles, Noëls des solitaires.

Heures de joie pour les uns, temps de deuil pour les autres.

Que de Noëls ont passé et passeront ! Que va-t-il être, le Noël d'aujourd'hui? Que rêver pour le Noël de demain? J'aime mieux laisser mes désirs vagues ; l'imprécis ne favorise pas la déception. J'entreprends de réfléchir, ne vais-je pas flotter entre la mélancolie du passé et l'angoisse du futur? Pour tous les Noëls qui viendront, innombrables, la paix du cœur, la sérénité de l'esprit et (pourquoi pas?) l'amour du prochain, n'est-ce pas là les meilleurs biens que Noël puisse nous apporter, si nous ne contrarions pas ses dons?

F. DELAGE.

POUR DIRE A LA VEILLÉE

Avant la neige A M. Edmond Blanc La source a tu, ce soir, son lai mélancolique.

En stalagmites bleus ses doigts se sont figés.

Le ciel est blanc ; très loin, d'un reflet métallique, L' horizon tracé net fait les bois plus légers.

Le soleil, sur la tour, pose un feu symbolique.

Dans les lierres du bas se disputent les geais.

La forêt devient rude et, toute bucolique, Semble fuir au taillis où les porcs sont baugés.

La terre attend la neige. Un renard, solitaire.

Force un gibier véloce et bientôt roule à terre Sous les plombs du braco mussé derrière un buis.

La plaine est pâle et nue ainsi qu'une baigneuse Surprise en l'eau glacée. On peut entendre, hargneuse La voix des chiens à jeun qui rôdent au vieux puits.

ROGER PÉCHEYRAND.

La Truffe A la gloire du Périgord La terre de chez nous aux multiples arcanes élabore en son sein un pur diamant noir, joyau de la cuisine, arome du terroir : la truffe, de nos sens idole et courtisane.

Déesse des gourmets, méprisant le profane, elle rêve de chair, orgueilleuse de choir au cœur d'un beau faisan ou caressant l'espoir d'habiter nos palais en pompeuse sultane.

Démoniaque, elle change ou maquille les plats ; filets, sauces, pâtés, honneurs de nos galas, tout ce qu'il touche un peu, son parfum l'ensorcelle.

Ainsi, célébrons-là puisque sa gloire à elle ajoute à notre gloire et fait aimer encor un peu plus chaque jour l'aimable Périgord.

JOSEPH DAUBIGE.


UN BEL ARTISTE

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MAURICE SAWREUX

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Maurice Savreux et son fils à Sèvres

Tranquille au bord de la Vienne, Limoges ouvrière et cossue se fait gloire de ses antiques origines. Bâtie à la rencontre des monts et de la plaine féconde, entre forêts et cul tures, elle garde pour le voyageur un air réservé, presque mystérieux.

Ses rues sombres, glissantes, hérissées, je les ai vues souvent dans le soleil de mai et sous la pluie d'automne sans savoir lequel de ces deux visages je préfère.

Peut-être, cependant, la vieille capitale lémovique était-elle plus propice à la rêverie un de ces derniers après-midi de septembre qu'il avait plu et que le soleil surgi d'un bond entre deux nuages, jouait à cache-cache avec les flaques d'eau de la grande place du Champ-de-Foire.

Une place charmante, ce jour-là, en dépit de ses dimensions, toute pleine d'une tristesse subtile. Les arbres s'égouttaient en>li' se berçant. Au pied du Musée des Arts décoratifs, une ceinture de parterres jetait une note éclatante comme un cri.

Imaginez des capucines attardées se promenant le long des murs, des dahlias pliant sous le poids de leurs disques d'or ou de pourpre, des gouttes irisées tremblant sur le velours incarnat des dernières roses. Plaisir des yeux, calme profond, doux aux cœurs tourmentés de notre époque abominable.

Le musée, c'est ici le résumé de la fortune du pays, de ces émaux extraordinaires, de cette porcelaine diaphane qui portent au loin depuis des siècles la renommée de Limoges.

Rien d'étonnant à ce que l'école où se forment les artistes et les artisans qui ont à maintenir l'honneur d'une si haute tradition, s'abrite sous le même toit que le musée. Et comment ne pas applaudir au choix avisé qui a donné la direction de cette école des arts du feu à un pur artiste, un de ces hommes

L'Atelier démoli

Fleurs, par M. Savreux

si fortement saisis de certaines visions du beau, qu' on a le droit de les croire venus au monde uniquement pour les exprimer ?

!f\' J'ai sonné à la porte de Maurice bavreux. Dans son atelier de fortune, éblouissant d'études qui tout de suite caressent I'oeil et le séduisent, je l'ai écouté parler de son art avec piété et enthousiasme, mais aussi avec la mélancolie de celui qui a pu mesurer à quelles hauteurs inaccessibles plane la beaute et qui sait combien il est difficile de l'effleurer.

Comme je m'excusais d'interrompre son travail, il m'a rassurée de sa manière simple et gentille qui conquiert d'emblée la sympathie.

Il est bon quelquefois de perdre son temps. Les œuvres d'art sont filles du repos et même de la paresse. Rien n'est de nature plus libre et plus spontanée qu'elles. Elles n'aiment pas qu'on les force.

Mais je sais quelle puissance de travail anime SavreuxTout le passé du peintre la proclame éloquemment. A 16 ans, il entrait à l'École des Beaux-Arts de Lille, sa ville natale, et l'année suivante commençait un stage de quatre ans à l'École nationale de Céramique de Sèvres. Céramiste diplômé, il passe par l'atelier de Cormon, à l'École des Beaux-Arts de Paris. Il passe, c'est bien le mot qui convient : « A l'enseignement officiel, je préférais l'étude libre dans une Académie de Montparnasse, et le vieux maître ne me voyait guère que les jours où sa signature m'était nécessaire pour toucher ma pension de boursier de la ville de Lille.

Je lui dois cette justice de reconnaître qu'il n'essaya jamais de brider mon indépendance à quoi je tenais farouchement, ni d'entraver le développement de ma personnalité qui n'avait rien de classique. »

Puis Savreux quitte Paris. Dans le recueillement d'une campagne du centre, il poursuit ses inlassables et patientes recherches. Un heureux et courageux effort le porte presque immédiatement vers une expression d'art neuve. Il s'inspire certes de l'observation de la nature, il accepte la réalité dans l'art comme dans la vie et s'y soumet, mais il en dégage l'essence et peu à peu la spiritualise. De temps en temps il envoie chez Sagot, rue Laffitte, quelques toiles qui sont remarquées et louées par la critique.

La guerre interrompt cette marche ascendante de son talent et de son renom. Promu officier, blessé, quatre fois cité, décore, il est rendu à la vie civile. La paix le retrouve à Sèvres, mais cette fois comme conservateur du musée de céramique. Bientôt ses pinceaux ne suffisent plus à son activité. Il écrit dans diverses revues artistiques et plusieurs journaux, ce qui ne l'empêch e pas de triompher aux Tuileries, aux Indépendants et surto au Salon d'Automne dont il est membre du Comité depuIs 1931. L'exposition particulière qu'il fit, chez Charpentier, en 1934, connut une étourdissante réussite. Les nus, les fleurs,


LE VENT (Paysage de Bretagne).

Tableaux de Maurice Savreux.

LA BROUETTE — Musée d'Art Moderne (ancien Luxembourg).


En Provence : LE BAOU DE QUATRE-HEURES (rocher qu'il faut contempler à cette heure-là).

Tableaux de Maurice Savreux.

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Paysage limousin : PEYRAT-LE-CHATEAU.


les natures-mortes, les paysages bretons et provençaux, les paysages de neige, les intérieurs présentés dans les salles célèbres du faubourg Saint-Honoré, suscitèrent l'engouement des connaisseurs. Aussitôt le musée du Luxembourg, le PetitPalais de la Ville de Paris, d'importants musées de province et de l'étranger, les collectionneurs voulurent posséder des « Savreux ».

Les modes changent sans cesse, celles de l'art comme les autres. Mais il y a dans les œuvres de Maurice Savreux un charme, une séduction secrète qui les assurent d'un succès durable. La mesure et l'harmonie s'y rehaussent par endroits d'une exquise dissonance par quoi l'on est touché et bien plus loin que les yeux. Comment dire la grâce indéfinissable qui rayonne de ses fleurs et projette véritablement leur âme?

C'est la rencontre de leur éclat avec la lumière qu'il fixe, beaucoup plus que leurs formes, sans que jamais intervienne le procédé ou seulement l'habileté.

« Ah ! l'habileté ! Le métier ! L'art n'a pas de plus mortel ennemi! Chaque jour, quels que soient le temps, l'humeur, s'asseoir à son chevalet et, montre en main, exécuter un brillant morceau de peinture comme un ténor chante son grand air, quelle négation de la sensibilité, quel mépris de l'inspiration! La peinture, mais rien ne ressemble tant à l'amour avec ses espoirs démesurés, ses orgueilleux désirs, ses craintes humbles, avec ses pudeurs aussi! Un vrai peintre ne peut travailler que dans la solitude. Il y a entre la toile en train et lui de si émouvantes confidences, de si terribles combats, l'artiste souffre de doutes et de découragements si torturants que nul ne doit être témoin de son enfantement. Parfois, il arrive que tout semble compromis, perdu. Angoissé, on lutte.

On va renoncer. Soudain quelques touches heureuses, presque rien et tout est sauvé. L'allégresse, le chant triomphal de l'esprit qui a vaincu dans la douleur, l'éblouissement du créateur devant le fruit du meilleur de soi-même, cela ne s'exhibe pas non plus.

Et pourtant la technique de Savreux est d'une souplesse et d'une diversité singulières. L'artiste arrive au point où ses notations picturales ne sont que poésie. Parce qu'il connaît à fond son métier, il peut en secouer le joug, l'oublier. La belle et saine lumière, l'équilibre, la vigueur qui font de ses toiles des œuvres de valeur infiniment captivantes, sont bien en accord avec sa frémissante personnalité, cachée sous les dehors les plus calmes. L'accent de ce peintre n'est celui de personne. Rarement quintessence de recherches hardies a produit des effets plus persuasifs dans leur nouveauté originale.

Et quelle joie intérieure doit posséder Savreux pour la mettre jusque dans des natures mortes qui seraient si facilement tristes, sans compter le sens des matières qui fait, par exemple d'une certaine assiette d'huîtres que je viens de voir et que je n'oublierai plus, une des toiles particulièrement attachantes et personnelles qu'il a peintes.

Replié à Limoges dépouillé de la plus gcande partie de ses biens matériels, depuis le bombardement de son atelier de Sèvres, Savreux a su par son énergique labeur changer les heures grises et pitoyables de l'exil en instants radieux. Son rêve, son attente passionnée, son invincible espérance chantent dans son œuvre qui nous enchante.

MAGDELEINE CHAPAUD.

Toute la presse, des grands quotidiens aux journaux d'art, nous apporte les échos enthousiastes du succès remporté par la récente exposition des œuvres de Maurice Savreux, à la galerie Drouant-David, à Paris.

Depuis la guerre ce consciencieux artiste n'avait pas repris le contact avec le grand public. Son éloignement de la capitale, ses absorbantes fonctions de directeur de l'École des Arts décoratifs et de conservateur du Musée de Limoges l'en avaient empêché. L'an dernier cependant il avait préparé une exposition de quelques œuvres choisies, mais le premier bombardement de Paris anéantit sa villa avec son atelier Il vient d'offrir aux regards des Parisiens une belle collection de quatrevingts toiles évoquant les divers aspects de son somptueux talent. Afin que son exposition soit plus homogène, certains tableaux ont été empruntés aux musées nationaux ou à des collections particulières. On peut ainsi suivre

l'évolution de Savreux, depuis l'époque où, dans sa jeunesse, il fut découvert par Sagot, jusqu'à ses dernières natures mortes, en particulier ses « Deux Truites dans un plat de Nevers », dont les connaisseurs s'accordent pour vanter la qualité hors de pair, sans oublier non plus ses magnifiques tableaux de fleurs.

Ainsi que le constate M. Georges Turpin, Maurice Savreux est un de ces peintres enthousiastes à la pâte somptueuse qui font honneur à leur génération. N'ayant jamais fait de théories, Savreux s'est contenté de faire de la peinture, ce qui est beaucoup mieux. Il n'a pas non plus été chercher bien loin ses modèles. Il les a pris le plus souvent près de lui, dans la vie familiale et domestique : des bouquets de fleurs sur la table de la maison, des fruits et des légumes sur celle de la cuisine et parfois dans la brouette du jardinier. Aussi des poissons, des coquillages, des crustacés : ces fils de la mer si rares aujourd'hui sur nos tables ! Et toutes ces fleurs, ces fruits.

ces poissons, largement peints, chaudement colorés, revivent devant nos yeux de toute leur fraîcheur, de tout leur éclat.

Savreux s'avère ainsi un de nos plus vibrants réalistes. Mais il est aussi, quand il le veut, un bien délicat paysagiste, et même un harmoniste d'une rare distinction, ainsi que l'attestent ces paysages de Provence aux gris argentés si délicieux, ces neiges pleines de nuances et ces campagnes limousines et morvandelles plus sévères, mais non moins racées.

Suivant un autre de ses admirateurs, G.-J. Gros, « l'évolution du peintre, qui suit toujours une même ligne, révèle aujourd'hui, dans sa production. un souci de volonté. Savreux a acquis, à peindre les fleurs et les natures mortes, dans sa retraite du Limousin, une maîtrise rarement égalée. Il est difficile d'imaginer plus d'éclat dans ses bouquets savamment empâtés. dans ses fruits à la pulpe si riche, dans ses natures mortes où joue le décor des faïences et des fonds poétiquement travaillés.

Le critique Vanderpyl note enfin : « Les vastes bouquets que Maurice Savreux nous présente à son ensemble chez Drouet-David ont une tout autre signification artistique. Savreux est un peintre de vieille tradition française. Il y a du dix-huitième siècle en lui.

Ces citations, prises au hasard, dans les nombreux articles consacrés à l'exposition de la galerie Drouant-David, montrent en quelle haute estime est tenu Maurice Savreux. Les Limousins n'en seront pas surpris, qui peuvent le voir à l'œuvre et juger en même temps de la valeur de son enseignement à l'École des Arts décoratifs qu'il dirige magistralement.

Et nous ne pouvons mieux terminer que par cet emprunt à la préface du catalogue signée du Dr A. Bezançon : « Dans la belle cohorte des peintres contemporains d'entre les deux guerres, Maurice Savreux avait sa place marquée : ses envois aux Salons d'Automne et des Tuileries, ses expositions, ses œuvres acquises par l'Etat et figurant dans les principaux musées dont le Luxembourg, avaient déjà attiré autour de ses toiles les amoureux de la peinture. Dès le début de sa vie artistique, sa person- nalité se manifesta; elle s'accentua par la suite, distincte des chercheurs de formules, des outranciers et des systématiques, spontanément jaillie, passionnément éprise de lumière. Travailleur solitaire, indépendant, il ne relève d'aucun maître et ne fait partie d'aucune école. Depuis ses débuts chez Sagot, rue Lafitte, on reconnaissait ses œuvres avec une sympathie toujours croissante; on les attendait, on saluait au passage ses fleurs et ses fruits comme des figures amies, on se plaisait à la subtilité de ses recherches de tonalités, à la qualité de ses fonds, à l'harmonie de ses paysages.

C'est un art mûri où la richesse du coloris, la vigueur de la touche, la qualité de l'atmosphère retiennent nos regards et nous émeuvent. »

Les lecteurs de Notre Province peuvent se rendre compte par les reproductions que nous présentons de la variété et de la maîtrise des œuvres de Maurice Savreux : ce dont ils ne peuvent malheureusement pas jouir c'est de la richesse de tons et des coloris de sa palette, et en particulier de l'harmonie de ses notations dans la gamme des gris. Le public limousin serait particulièrement heureux de pouvoir à son tour admirer dans notre capitale régionale la très belle exposition que seuls les Parisiens ont jusqu'ici été admis à contempler : nous nous permettons d'en exprimer le vœu très simplement à l'artiste et à l'ami.

LE PROVINCIAL.

Nu, par M. Savreux


VIEUX NOELS DE FRANCE ET DU LIMOUSIN

N ne saurait parler des Noëls en Limousin sans aborder la question des vieux Noëls français en général. Car ce qu'on peut dire de ceux-ci vaut à fortiori pour ceux-là.

On a beaucoup écrit sur les Noëls, même des hérésies. Nous ne prétendons point ici apporter du nouveau sur le sujet, mais simplement résumer, pour les lecteurs de Notre Province, les conclusions auxquelles ont abouti les musicologues et les folkloristes qui ont étudié avec passion ces trésors de notre patrimoine artistique.

Tout d'abord faisons un peu d'histoire. Selon M. Henry Poulaille, l'auteur du plus récent ouvrage paru sur la question des Noëls (La grande Bible des Noëls anciens, Albin Michel, éditeur, 1942), la fête de Noël serait vieille comme le monde : avant la naissance de NotreSeigneur, et depuis les temps préhistoriques, les peuples païens avaient coutume de célébrer le moment où les jours cessent de diminuer pour recommencer à croître, c'est-àdire le solstice d'hiver, qui se situe le 22 décembre. C'est donc une fête solaire, qui était marquée de réjouissances de toutes sortes. Chez les Romains, elle s'accompagnait de ripailles, dont notre « Réveillon » est une survivance. Ces fêtes païennes se trouvèrent donc christianisées du fait que la naissance du Sauveur

coïncidait à peu de choses près avec le solstice d hiver. En l'en 336, à Rome, le calendrier dit « philocalien » fixa pour la première fois la fête de Noël le 25 décembre. Jusque-là, la fête de Noël et celle de l'Épiphanie étaient confondues (Aujourd'hui les églises arméniennes fêtent, le 6 janvier, à la fois la naissance et le baptême du Seigneur).

Une fois le cycle des fêtes ordonné depuis l'Avent jusqu'à l'Épiphanie, l'Église en fixa le cérémonial. Dès le VIe siècle, il fut prescrit que les prêtres devaient célébrer trois messes le jour de Noël, la première à minuit, la seconde à l'aurore, la troisième en plein jour. Depuis cette époque la fête fut commémorée avec de plus en plus de faste.

Du IVe siècle date le premier poème de la Nativité ; son auteur est saint Ephrem le Syriaque, qui avait déjà écrit quinze cantiques, dont l'un peut être considéré comme l'ancêtre des Noëls. « Il offre même l'originalité, nous dit M. Poulaille, d'ajouter à la bergerie courante, qui constituera plus tard le fonds du genre, l'entrée en scène de gens de métiers. Avec les pâtres viennent les laboureurs, les vignerons, les charpentiers, puis des jeunes filles et des enfants. Chaque groupe saluant Jésus et sa mère avec un compliment approprié à sa condition ».

Après saint Ephrem, saint Ambroise écrivit des chants pour l'édification des fidèles. C'est lui qui institua l'hymnologie et le chant en chœur. On peut dire, écrit M. Amédée Gastoué, que toute la poésie de la Nativité, en Orient comme en Occident, n'a été que le développement ou la répétition de ce qu'avaient chanté, au IVe siècle, saint Ambroise et saintEphrern Il nous est resté très peu de choses de ce répertoire. Remar- quons qu'il s'agit là de chants en latin. Le peuple était invité à reprendre en chœur certaines phrases qui constituaient une sorte de refrain. Mais ce n'est pas encore le vrai Noël, qui est un cantique en langue vulgaire et que nous verrons apparaître beaucoup plus tard, à la suite d'une évolution dont nous allons tracer les grandes lignes.

Le public médiéval, s'il était très croyant était aussi fort ignorant : il était resté enfant et pour lui l'Église dut développer la partie spectaculaire du culte. On vit donc dans les siècles du haut moyen âge apparaître, au cours des cérémonies du culte, des représentations des scènes de la Nativité, où des prêtres jouaient le rôle des bergers ou des mages en chantant des versets empruntés à saint Luc. Après ces représentations la messe commençait. Les paroles chantées étaient encore du latin, du bas latin sans doute, mais au XIe siècle, remarque Petit de Julleville, le peuple n'en savait plus un mot. On son- geait alors à mêler le langage vulgaire au latin liturgique.

Jusqu'ici on avait écarté le peuple des scènes qu'on lui donnait, dès que le latin fit place à la langue vulgaire, on vit la foule se mêler au spectacle. Peu à peu on élargit le répertoire et toutes les scènes du Nouveau Testament défilèrent dans ces ébauches dramatiques, ancêtres des Mystères. La danse, en dépit des ordonnances prohibitives parties de Rome, se mêla au chant.

On se souvient qu'à Limoges, le peuple dansait dans l'église le jour de saint Martial en chantant en manière de doxologie : Saint Martial priez pour nous Et nous danserons pour vous.

Remarquons en passant, avec J. Demogeot, que le même mot, Carrol, signifiait danse joyeuse et chant de Noël. La danse commencée dans le chœur continuait dans la nef, se terminait dans les parvis ou même dans la Danse Macabre. Ces pratiques se développèrent à l'excès si bien qu'en 1485 le concile de Sens recommanda d'éviter les danses et jeux de thea qui profanaient les temples dans la nuit de Noël.

Mais revenons aux drames liturgiques qui se déroulaient dans les églises, et notons que peu à peu, ils émigrèrent des


nefs vers les parvis ; la mise en scène devenait nécessaire et c'est ainsi que naquirent les Miracles.

Désormais ces représentations détachées du culte, mais toujours contrôlées par l'Église, eurent leur existence propre.

Ce sont toujours les scènes de la Nativité qui en restèrent les sujets principaux avec la Résurrection.

Aux Miracles succédèrent, au XIIIe siècle, les Mystères, où les éléments profanes se mêlent aux éléments religieux ; où l'on alterne les scènes dramatiques avec les scènes bouffonnes.

Ces Mystères, somme toute, sont une imagerie vivante, spectacle essentiellement populaire et qui jouit d'une faveur immense auprès des foules médiévales. Signalons qu'à la fin du XIIIe siècle furent représentés à Limoges des Miracles de saint Martial et un Mystère de la Nativité à Périgueux.

C'est dans les Mystères qu'il faut voir la véritable origine des Noëls. En effet les nativités dramatiques formaient de véritables bucoliques, des pastorales, où les couplets chantés par les bergers ou les mages sont un avant-goût de ceux qui allaient connaître une telle vogue dans les siècles suivants.

Et ce n'est pas une hardiesse de penser que les poètes populaires des XIVe et XVe siècles se sont emparés de ces scènes de Nativité des Mystères, les ont condensées en quelques strophes qu'ils ont adaptées à des airs déjà connus (plus souvent profanes que religieux). Et ainsi sont nés les premiers noëls en langue vulgaire. Ceci n'est qu'une hypothèse, mais c'est la plus plausible.

Le premier recueil de Noëls date de 1483. Le premier auteur connu de noëls populaires est Jean Tisserant, missionnaire et prédicateur mort en 1494. Ses compositions passèrent bien vite dans la tradition. Au début du XVIe siècle de nombreux recueils de Noëls commencèrent à paraître. La Renaissance va voir une véritable floraison de Noëls. Mais l'influence de la pléaïde va se faire sentir dans la versification ; on y rencontrera désormais un peu de préciosité et de mignardise ; pour les personnages de bergers, les noms de Alcis, Philandre, Tircis ou Corydon vont remplacer ceux de Robin, Guillot, Colas en honneur au moyen âge. En 1554, parut à Lyon une grande bible de noëls ; c'est la première fois qu'on trouve ce titre devenu depuis classique. A côté des auteurs populaires anonymes, les grands compositeurs de l'époque, Pierre Certon, Jakob Arcadelt, Clément Jannequin, Jean Maillard, Josquin des Près, Eustache du Caurroy, Guillaume Costeley, écrivirent des airs de Noël ou des harmonisations de ceux qui étaient en vogue.

Au XVIIe siècle la production abondante se poursuit. Les éditions de grandes bibles se multiplient. Les organistes commencent à traiter les thèmes connus indépendamment du chant (Le Bègue, Gigault). Le XVIIe siècle donne dans la bergerie. L'influence du temps de Louis XIV se manifeste dans la pastourelle : les bergers et les bergères ne sont là que pour le costume, ils parlent un langage de princes et l'on trouve dans les noëls de cette époque plus d'esprit que de naïveté.

Au XVIIIe siècle, grâce aux colporteurs qui ont répandu d'innombrables éditions des bibles de noëls à travers la France, le répertoire élaboré durant trois siècles commence à se fixer.

Désormais il y aura un fonds traditionnel qui parviendra jusqu'à nous.

Telle est, dans ses grandes lignes, la genèse et l'histoire des vieux noëls de France. Il nous faut maintenant dire quelques mots de leur nature, et, en particulier, parler d'eux du double point de vue littéraire et musical.

* * *

Si l'on avait à donner une définition du Noël, on pourrait adopter la suivante : le noël est un cantique en langue vulgaire ayant pour sujet la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Mais par suite de leur popularité les noëls sont sortis peu à peu de leur milieu habituel, le chant religieux, pour prendre

l'allure plus vague de chanson populaire (Voir Les Noëls et la Tradition populaire, ouvrage paru en 1932, à Amsterdam, sous la signature de Jan Reinier, Henri de Smidt). On peut donc dire que le noël est un genre intermédiaire entre le cantique et la chanson populaire.

Remarquons en premier lieu que la majeure partie des vieux noëls utilise des timbres de chansons plus anciennes et parfois de chansons contemporaines. Un très petit nombre de ces chants ont une mélodie leur appartenant en propre. Les auteurs de noëls en effet étaient des poètes plus ou moins habiles (la versification des noëls laisse souvent à désirer) qui adaptèrent leurs vers sur des chansons déjà connues, ce qui en facilitait la diffusion. Souvent même ces chansons presque toujours profanes pouvaient offenser la pudeur, car elles rappelaient les paroles primitivement écrites pour elles, et qui étaient assez gaillardes. Les recueils connus sous le nom de bibles de noëls, répandus aux XVIIe et XVIIIe siècles, ne. comportaient que des paroles et l'on indiquait seulement le titre de l'air sur lequel on pouvait les chanter. Quelquefois plusieurs mélodies étaient proposées pour un seul texte poétique. Comme d'autres fois le même air servait de support à plusieurs jeux de paroles.

Ainsi le fameux Noël : Laissez paître vos bêtes est devenu, au XVIIIe siècle : Venez divin Messie, encore en vogue aujourd'hui même jusqu'au Canada. Il est arrivé aussi que la chanson populaire s'empare de la mélodie d'un Noël et substitue aux paroles pieuses des strophes égrillardes, comme en Bourgogne celles de la chanson de la mère Godichon, dont parle Maurice Emmanuel, adaptées sur le Noël Guillo pran ton tambourin de Guy Barozai. Ainsi le même air aura servi pour trois textes successifs, le premier, oublié aujourd'hui, était profane, le deuxième religieux, le troisième profane.

Notons en passant que les airs ou timbres, selon l'expression consacrée, plus anciens comme nous l'avons vu, que les paroles auxquelles on les adaptait, n'ont souvent survécu que grâce à ces paroles. Quels étaient les auteurs restés la plupart anonymes? Ce n'étaient pas des lettrés, si l'on en juge par la maladresse de la versification. Probablement, ce furent de braves curés de campagne qui ont su trouver le langage pittoresque et naïf capable de toucher le peuple. Parmi les auteurs connus, signalons, au XVIe siècle en Savoie, Nicolas Martin, qui, lui, écrivait aussi la musique de ses Noëls, et fit paraître un intéressant recueil à Lyon en 1555. Au XVIIe siècle, la Provence eut Nicolas Saboly (1615-1675). Les mélodies des Noëls de Saboly sont presque toujours des airs contemporains, tels que « Tircis caressait Chimène », « Amarante est jeune et belle » ou encore « Qu'ils sont doux, bouteille jolie » emprunté à la musique du « Médecin malgré lui » de Molière. Mais ces noëls se sont si bien acclimatés au tempérament provençal, que de nos jours on croit en les entendant chanter dans les églises de Provence avoir affaire à des productions du cru. En Bourgogne, au début du XVIIIe, l'académicien Bernard de la Monnoye écrivit des recueils de noëls en patois, sous le pseudonyme de Guy Barozai, fort appréciés des Bourguignons.

*

* *

Et en Limousin? diront mes compatriotes impatients de me voir arriver à notre cher pays. Eh bien ! en Limousin, les auteurs de noëls sont restés anonymes, mais leurs vers si naïfs soient-ils ont une couleur, une tendresse poétique de la meilleure veine. Quant aux mélodies, il y en a peu de banales, et les noëls limousins méritent d'être classés parmi les meilleurs.

Je n'en veux pour preuve que l'opinion de Charles Bordes, réminent fondateur de la Schola Cantorum, avec Vincent d'Indy : chargé de recueillir des noëls en pays basque, il les publia, en 1897, en regrettant qu'ils n'offrissent point « le même intérêt que les Noëls limousins ou provençaux »).

Noël en Limousin c'est l'Avenamen. Il y a de la neige dans la montagne, qu'importe ! Les groupes de paysans s'organisent ; ils partent en pleine nuit malgré le froid ; les hommes ont revêtu leur « limousine », les femmes leur mante. Tous ont des lanternes. Le pittoresque cortège se forme. Il passe de hameau en hameau, hélant les retardataires. La foule grossit, on s'achemine vers l'église pour ouïr la messe de minuit.

La joie règne, on chante. Écoutons l'abbé Gorse dans son bel ouvrage Au bas pays de Limosin : « Noël est la grande fête de la campagne. Il y a dans l'assistance aux offices un élan, une


joie et un ensemble moins sensibles même à la grande solennité pascale., il y a dans la crèche un enfant pauvre et souffrant ; dans l'étable le bœuf et l'âne, l'ouvrier et l'humble épouse ; tout cela va au cœur du paysan. C'est sa vie intime, humble et laborieuse qu'il trouve reproduite sous des types divins.

Dieu apparaît plus humain et plus secourable se reconnaissant sous les apparences d'un frère. ».

Ne nous étonnons donc pas que les Noëls limousins soient surtout des pastorales. De tous les personnages de la Nativité, ce sont les bergers qui sont le plus à l'honneur. Ecoutons ce chant si pur, le joyau des noëls limousins : le Reveilhatz vous pastourels (1). a-

Reveilhatz vous pastourels ( b.

Quitatz vos troupe ls ( Aniremen Bethléem En diligensso Anin troubarem, pastours Lou Dieu d'amour.

Malei n'irin pas touchours ( b.

Anges menatz lei nous ( Daus paubres pastours groussiers Couma nous autres N'aniriam pas chaz lous grans De but en blan.

« Pan, pan, pan, que tusta alai? ( b.

— Drubatz nous, si vous plaï, ( IS Venen adourar lou Dieu Que ve de naiché Che ne fussa pas nasent Sian tous perdus.» Moun Dieu vous offre mon mantel { b.

Maï ne sio pas pus bel ( Moun mantel n'es pas riessé N'es m'a d'agnissé Mas vous tendro bian chaudel Qu'an fara freg.

« leu vous remercei pastourels ( b.

Gardatz vostre mantel ( leu me souvendrai de vous De vostre aumatgé Dinz l'urousa éternita Seretz païa. »

La musique de ce Noël que nous reproduisons ci-contre remonte dit-on au XVIe siècle. C'est là une affirmation toute gratuite. Quoi qu'il en soit, elle est fort touchante et il n'en est guère de plus émouvante à entendre au loin dans la campagne par une belle nuit de Réveillon, chantée par la voix rude d'un berger limousin.

Noël est aussi la fête de l'hiver, que l'on a personnifié en Limousin par un pauvre qui porte sa besace : « Nadau porta l'hiver dinz una biassa Se n'es pas davoun, es darnier. » -

Citons à ce propos le beau Noël Lo Terro e frizo. Il existe aussi en Limousin des exemples d'airs sur lesquels ont été adaptés plusieurs jeux de paroles. Tel ce noël de Tulle dont voici un couplet : Chrétiens levez-vous à minuit Venez adorer Jésus-Christ C'est le plus bel enfant Qui se soit vu, qui se soit vu C'est le plus bel enfant Qui se soit vu dans tous les temps.

(1) Il s'agit là d'un Noël en patois du Bas-Limousin, dont nous ne garantissons pas l'orthographe ; ce dont nous nous excusons auprès de nos lecteurs.

Sur le même air se chantent onze couplets en patois dont nous vous rappelons le début : Venetz pastours, venetz auvir La neissença de Jesus-C hrist Qu la voudrat auvir Tout dret n'ira, tout dret n'ira Qu la voudrat auvir Tout dret n'ira en paradis.

'R.evei] ha t x-vou» t t'3a:,\:oureJ:>

Citons aussi un fait amusant : on chante en Limousin, sur un fameux air arabe, privé de son rythme sautillant pour s'adapter à la gravité du sujet : Nadalet tant aimable, ayez pitié de nous.

On trouvera des noëls limousins dans les « Chants et chansons populaires recueillis et notés par J.-B. Chèze, Léon Brachet et Johannès Plantadis (éditions de Limozi, 1906) également dans l'ouvrage de François Celor, (Chansons et bourrées du Limousin, Brive, 1906).

Un ouvrage sur les Noëls du Bas-Limousin fut publié en 1898 par Ernest Rupin, avec la collaboration de Mlle Marguerite Genès et de M. Frédéric Noulet. Rappelons que Francis Casadesus a harmonisé pour sa pièce Le Moissonneur la version limousine du fameux Noël D'où viens-tu bergère, répandu un peu partout en France.

Pour le Haut-Limousin nous ne connaissons pas de recueils de noëls. C'est là une lacune qu'il conviendrait de combler.

Aussi adressons-nous un appel à nos compatriotes pour qu'ils nous envoient, par l'intermédiaire de Notre Province, les noëls de la Haute-Vienne qu'ils ont pu recueillir afin de les faire figurer dans une anthologie que nous voudrions faire paraître. D'avance nous les en remercions.

Nous citerons pour conclure deux opinions sur les noëls, émanant de deux éminents musicologues. C'est Adolphe Boschot qui écrit, en 1929, dans son ouvrage, le Mystère musical :

(bré tiens , levez .von 6


II J'ai laissé pour venir là, Mon troupeau blanc, qui bêla De me voir en grand émoi Courir vers toi.

III J'ai quitté sans nuls soucis Béliers rudes et brebis Et petits agneaux tremblants Légers et blancs.

IV Mais j'ai pris le plus neigeux Le plus doux, le plus frileux, Qu'en présent, pour sa beauté, Je t'ai porté.

V Dans une crèche il est né Comme toi, mon bien-aimé, Mais qu'amer est son destin Auprès du tien !

VI Jeune Roi venu du Ciel Tu conduiras Israël Et les roses de Saaron Sur toi naîtront.

VII Les vierges, sur les parvis Vers toi lèveront des lis.

Jérusalem, sous ton bras, S'inclinera.

VIII Mais lui, l'agneau triste, au fer Tendra sa dolente chair !.

Il mourra, le tendre agneau Pour le troupeau.

IX Toi qui joyeux vas régner Enfant divin prends péché Du pauvre agneau, blanc martyr Qui va mourir !

« On ne peut les entendre ou les relire sans être gagné par une émotion profonde et douce. Elle descend en nous jusqu'à des fibres intimes mystérieuses; car nos vieux noëls, quelle que soit leur origine, sont imprégnés d'une âme dont nous sommes les enfants. »

C'est enfin Gaston Paris qui, dans un discours à la Sorbonne, le 4 mars 1895, s'écrie : « Vous serez étonnés de ce que vous découvrirez de charmant ou de curieux dans ces vieilleries dédaignées, vous pourrez y prendre même d'un art très élevé un sentiment tout nouveau qui n'est pas étranger à l'inspiration des plus grands maîtres. Vous y surprendrez au milieu des grossiéretés ou de vulgarités, des délicatesses que vous ne soupçonniez même pas, et plus d'une fois vous serez émus et ravis d'entendre dans ce qui vous semblait d'abord un gazouillement enfantin ou même un balbutiement informe, d'entendre vibrer l'âme même, la vieille et toujours jeune âme de notre chère France. »

ROGER BLANCHARD, Attaché à la Bibliothèque Nationale.

P.-S. — L'an dernier j'avais fait paraître dans Notre Province un article consacré aux danses du Limousin. A la suite de cet article, on m'a reproché d'avoir omis deux danses : la « gigougnette » et un soi-disant « Pas des Moissonneurs », illustré d'un dessin fort bien venu d'ailleurs. Je n'ai eu connaissance de ces reproches que lors de mon passage à Limoges, en août dernier : c'est ce qui explique mon retard à y répondre.

Je connais fort bien la « gigougnette » ou « gigouillette », et si je ne l'ai point citée, c'est que ce n'est pas une danse limousine, mais une danse de toutes les provinces de France, en faveur depuis les Charentes jusqu'à la Champagne, et dont l'air, toujours le même dans n'importe quelle région, est celui de « La Fille de la meunière ».

Quant au « Pas des Moissonneurs », en voyant le dessin, j'ai tout de suite reconnu le « Ballet du Moissonneur», écrit sur des airs limousins par Francis Casadesus pour la pièce de Raoul Charbonnel, et qui était au répertoire de la Société « Les Chanteurs limousins de Paris ». Ce n'est donc pas une danse originale, mais seulement une adaptation de diverses figures de bourrées.

R. B.

Chez nos voisins en Auvergne Chaque province, chaque époque a eu ses Noëls, composés les uns par des chansonniers de village souvent fort spirituels dans leur genre, les autres (beaucoup plus tard) par des érudits.

Joseph Pasturel, chanoine-chantre à la collégiale de Montferrand, publia en 1733 un recueil de vers burlesques dont nous citerons quelques-uns.

On a dit avec raison que ces Noëls campagnards, recueillis tels quels ou améliorés, étaient des peintures résumées, mais expressives, de la vie paysanne, reflétant joies et peines.

La plupart de ces chansons à boire prenaient comme musique, des airs de la vieille France, comme : « J'aime ma mie, au gay ! », « Lanturlu, Lanturlu ! », « Bonjour, bonjour ma commère!», etc., etc.

Pour la partie religieuse : c'est le tableau de la crèche.

L'un des villageois, pour faire plaisir au divin enfant, fait un magnifique saut périlleux. Chacun lui apporte des présents, de gras cabris, des pigeons aux poils follets ou des raisins confits.

Puis c'est le récit des ripailles :

Gens de la montagne, Avec la châtaigne.

Boiront tant de vin nouveau Que des coups de poing Seront donnés Quand ils seront bien saouls.

Ils boiront tant tout le jour Que dans la grange Et par la fange Tomberont comme des bruts.

Et comme il faut bien penser à l'éternité, nos fêtards demandent à avoir accès au ciel où ils seront « rangés comme des fromages».

La partie la plus historiquement intéressante de ces Noëls, c'est celle où les humbles exposent leurs ennuis.

Trop de sièges de justice Trop d'officiers nous avons Qui rongent par avarice Les parties bien souvent !

Tout va comme l'écrevisse.

Nous ne savons comment nous vivons Mettez-y ordre et police, Vous êtes prudent et savant, Chantons tous, etc.

Trop de financiers (déjà !) en France, Nous avons, ainsi que des trésoriers.

L'on en ferait une danse Plus nombreuse que de bergers.

Ils sont tous pleins d'arrogance ; Avant de manier finance, Ils n'avaient pas vaillants trois deniers Chantons tous, etc.

Si nous avons, nous aussi, des raisons de nous plaindre des malheurs du temps, imitons nos ancêtres et vivons joyeusement le jour de Noël. !

MAUGEIS DE BOURGUESDON.


FANTÔMES

cicJ

Crozant

*:71-4 La citadelle front sud

Crozant ! Paysage sauvage — Site extraordinaire — « On ne sait, s'écria George Sand en le contemplant, qui a été le plus hardi, et le plus tragiquement inspiré en ce lieu, de la Nature ou des Hommes ! ».

Car, si l'on peut éperdument méditer sur les vestiges de cette étonnante forteresse de quarante mille mètres carrés (on n'épuise pas un tel sujet en un article) (1) on se sent entraîné par une curiosité profonde vers les fantômes de l'Histoire, qu'on évoque dans ce décor. Un mystère les enveloppe toujours. D'où venaientils, les premiers qui osèrent bâtir sur cet énorme promontoire sans plateforme, qui se dressait entre la Creuse et la Sedelle, à plus de deux cents pieds au-dessus de leurs eaux ?

De l'âge du fer, point de traces. Ni les Gaulois ni les Romains ne se fixèrent en ce lieu à qui manquait une vaste esplanade, et si l'on attribue aux Wisigoths, aux Arabes en 732, ou à Charlemagne, les premières fondations de Crozant, nous devons penser avec le

Dr Janicaud (2) que les vastes palais de bois des seigneurs de cette époque, exigeaient d'autres emplacements.On peut cependant accorder à ces ruines si effondrées, onze siècles d'Histoire, car le nom latin de la Creuse, Crosa, s'est accouplé avec le suffixe germanique enc, de l'époque franque, pour former Crozenc, vieux nom de Crozant.

Aux environs de l'an 1000, on trouve les traces de Gérald de Crozant, seigneur de Bridiers. Pour qu'il acquit cette seigneurie

(1) Voir dans Notre Province l'étude d'Eugène Alluaud « Aperçu sur Crozant » qui donne d'autres détails ainsi que le n° 3 (photo de couverture).

(2) Ce texte a été établi avec le précieux secours d'une belle étude du Dr G. Janicaud, président de la Société des Sciences naturelles et archéolo- giques de la Creuse, de Mme Jeanne de Sazilly sur les légendes limousines et du remarquable ouvrage (récemment paru aux Ets Charles-Lavauzelle) de Joseph Nouaillac : Histoire du Limousin et de la Marche Limousine.

de Bridiers, un des huit grands domaines de l'époque, il fallait que Crozant fut un fief déjà important. Mais il apparaît que la forteresse appartenait encore à cette catégorie des « mottes féodales» du Xe siècle avec une enceinte et une tour carrée de bois.

Les donjons de pierre ne devaient s'élever qu'au siècle suivant.

Point d'autres traces de Crozant avant le XIIIe siècle. Le château appartient alors à Hugues X de Lusignan, comte de la Marche. Sous l'impulsion d'Isabelle d'Angoulême, sa femme, il renforça considérablement cette demeure qui comprenait deux enceintes et trois tours.

Isabelle poussa ensuite Hugues de Lusignan à se soulever contre Saint Louis qui l'écrasa à Saintes en 1242 ainsi que son allié Henri III d'Angleterre et se fit livrer Crozant pour huit années.

Le fief revint ensuite aux Lusignans, passa aux Bourbons en 1327, résista au Prince Noir en 1356 et en 1436 devint propriété des Armagnacs. Ceux-ci trahirent Louis XI qui confisqua le domaine.

Le château qui, dit-on, pouvait contenir dix mille personnes fut démoli par Richelieu et Louis XIII le vendit en piteux état, 40.000 livres à Henri Foucaud de Saint-Germain-Beaupré.

Revendu une première fois, il le fut derechef en 1786 avec la Seigneurie des Places, pour 146.000 livres, par un comte de la Marche, Silvain, seigneur de Pierre-Folle et autres lieux qui émigra, vit ses biens confisqués.

Les ruines restituées en 1858 au comte Attale de la Marche furent cédées récemment par ces descendants à un hôtelier de Crozant, M. Brigand.

Le Sire de Crozant Au temps des Croisades, Hugues de Lusignan dit Le Roux, seigneur de Crozant, s'enrôla sous la bannière de Richard Cœur de Lion alors duc d'Aquitaine, qui l'estimait fort. Hugues le Roux, de superbe stature, et dont l'œil d'aigle et la barbe fauve rendaient folles les dames de la cour de Richard, se montrait en effet courageux jusqu'à la témérité.

S'aventurant trop avant dans les rangs des ennemis, qui coupèrent les jarrets de son cheval, il fut fait prisonnier par le Sultan Saladin. A cette nouvelle, Richard Cœur de Lion se mit en fureur. Il sema la panique dans les troupes de Saladin qui fit appeler Hugues le Roux et lui dit, désireux d'apaiser le courroux de son adversaire : « Tu es le frère d'armes du roi Richard. J' ai appris sa douleur- Je vais te rendre à son amitié car je vous tiens en haute estime, mais je désire seulement en échange la moitié de ta barbe et de ta moustache. ,

Hugues, estimant que les poils repoussaient vite et brûlant de reprendre sa place aux côtés de Richard, accepta de verser cette rançon d'un nouveau genre.


La forteresse telle qu'elle devait être il y a 700 ans (angle nord)

Il ne se méfiait point. Peu après chacun s'étonna de le voir triste, puis de cacher son visage.

Rentré à Crozant, il s'enferma dans une tour et défendit qu'on y entrât. Ni ses parents ni ses serviteurs ne purent l'approcher et, un matin, le guetteur l'aperçut debout contre un des créneaux, à la même place qu'il occupait la veille. La silhouette d'Hugues demeura ainsi tout le jour et le lendemain. On se décida à pénétrer dans la tour. On trouva le sire de Crozant mort, debout, l'épée en main, face à l'Orient.

On découvrit son visage. Il apparut rongé par un suc d'herbes que Saladin avait fait passer sur la peau de son prisonnier pour détruire à jamais la belle barbe qui donnait tant de majesté à Hugues de Lusignan.

Isabelle la Sorcière

Une autre légende nous est parvenue qui évoque celle que Hugues le Brun, comte de la Marche, autre seigneur de Lusignan, prit pour femme vers l'an 1200 : Isabelle d'Angoulême.

Peu après Isabelle se laissa enlever par Jean sans Terre, l'épousa en Angleterre et ne revint en France qu'après la mort de son ravisseur.

Hugues le Brun pardonna. Isabelle était, certes, une des plus belles femmes de son temps.

Hautaine et violente, elle dominait totalement son mari et on l'appelait la « Comtesse-Reine».

Elle fit bâtir à Crozant une grosse tour, connue aujourd' hui sous le nom de - Tour du Nord,

ou Donjon d'Isabelle, dans laquelle elle installa un cabinet secret où elle pratiquait l'alchimie, d'après les enseignements d'un magicien juif rencontré par elle lors de son séjour en Angleterre. On disait que dévorée par l'ambition et l'esprit despotique (esprit dont ce pauvre Hugues de Lusignan était la première victime) elle avait vendu son âme au Démon qui, au moment de la nouvelle lune, la changeait en bête durant trois jours. Ainsi expliquait-on que ni Hugues ni d'autres ne pussent entrer dans la Tour du Sud sans la permission de la comtesse.

Cependant une grande rumeur se répandait aux alentours.

Les paysans affirmaient qu'on apercevait à la nouvelle lune un monstre ailé qui jetait des sorts et dévorait les gens qui osaient l'approcher.

Hugues haussait les épaules et la Comtesse-Reine disait : « Ces gens ont trop bu et ne savent ce qu'ils disent ».

Isabelle à qui Jean sans Terre avait donné un fils, Henri III d'Angleterre, avait voué à Saint Louis une haine mortelle, l' accusant d'avoir volé le comté de Poitiers en faveur de son frère, et à Blanche de Castille. De la sorte, elle intrigua tant et si bien que son malheureux époux entouré de seigneurs complices d'Isabelle, se souleva contre Saint Louis.

La guerre fut brève. Hugues et son allié Henri III d'Angleterre furent défaits à Taillebourg et à Saintes en 1242.

Voilà ce que précise l'Histoire. La légende qui ne respecte ni les faits ni les dates, veut qu'après la défaite Hugues entrât dans une rude colère et prit Isabelle en méfiance, se jurant de savoir ce qu'elle faisait dans sa tour. Il se fit faire une seconde clef-et quand vint la nouvelle lune, il entra dans la tour. A la tour aboutissait un long souterrain qui servait à Isabelle pour sortir dans la campagne et rentrer sans être vue. Hugues y pénétra et aperçut un monstre qui avait la tête et le corps d'une femme, des griffes de lion, une queue de serpent et des ailes de chauve-souris.

Horrifié, il referma la porte du souterrain, sortit de la tour et en fit maçonner la porte. Il fit de même boucher l'entrée du souterrain.

Et voilà pourquoi l'on entendit longtemps gémir dans la tour, cependant qu'au dire des passants, on pouvait voir aux jours d'orage une affreuse chauve-souris voler autour des ruines.

L'Histoire et la Légende

La chronique, en revanche, veut qu'Isabelle d'Angoulême ait fini ses jours dans un monastère après la défaite d'Hugues de Lusignan, le Brun, par l'armée du roi. Elle nous indique par ailleurs que quelques jours après la bataille de Saintes, le roi de France vit venir à lui, humbles et soumis pour demander la paix, Isabelle, Hugues et leurs trois enfants. Saint Louis leur laissa la Marche et l'Angoumois, mais prit Crozant.

Hugues de Lusignan, dit le Brun, partit pour la Croisade et fut tué aux côtés de Saint Louis à la

bataille de Damiette.

Ainsi la légende décide tout autrement. Elle convient mieux c ceux qui considèrent que des fantômes de choix donnent à des ruines millénaires, un attrait particulier.


Si les pierres pouvaient parler, les murailles délabrées de Crozant nous en conteraient de quoi emplir plusieurs volumes.

Seul l'abbé Rouzier (1), rassemblant et complétant les études éparses des chroniqueurs, nous donna, voici déjà près d'un demisiècle, un essai d'histoire générale de la redoutable forteresse que les batailles et le temps ruinent depuis plus de quatre cents ans.

Dans le chapitre consacré aux Foucault, seigneurs de SaintGermain-Beaupré, l'abbé Rouzier met en scène Gaspard, gouverneur de Crozant, rallié aux Huguenots et vaincu par Jean il Aulmont" maréchal de France, chef des Ligueurs de la Marche et gouverneur de Dun-le-Palleteau.

« A cette époque, dit-il, la terre des seigneurs de Crozant fut

(1) Histoire illustrée des châteaux de Crozant et des Places par l'Abbé L. Rouzier (Ve H. Ducourtieux, éditeur, Limoges, 1897).

plus d'une fois ensanglantée par leurs luttes fratricides avec les comtes d'Eguzon, de Bridiers et de Chamborand ».

Et la légende reparaît.

On raconte que les deux fils du seigneur de Crozant s'étaient épris d'une violente passion pour la belle Marguerite de Chamborand, fille du seigneur de Chamborand et de la Clavière. Marguerite aimait le plus jeune. L'aîné, férocement jaloux, proposa à son frère une visite au manoir de la Clavière. Comme ils longeaient les bords d'un étang proche de ce manoir, le traître poignarda son cadet et le jeta dans l'étang où l'on vit le lendemain flotter son cadavre dans les eaux rougies de sang.

C'est pourquoi le peuple donna à cet étang le nom d'étang du Mauvais Pas.

Les assauts innombrables subis par le château de Crozant ne lui laissèrent guère de répit mais ses tours mutilées conservaient encore grande allure lorsque le roi Henri IV, cinq ans avant d'être assassiné par Ravaillac, vint visiter ses alliés les seigneurs de Saint-Germain-Beaupré (2). Il tint à se rendre à Crozant et en admira les restes encore imposants.

Après ce royal fantôme passèrent, durant une vingtaine d'années, ceux des marquis de Persan, devenus possesseurs du domaine, puis ceux des comtes de la Marche, à la veille de la Révolution.

Les fureurs de Quatre-Vingt-Treize devaient s'acharner sur le prestigieux décor féodal. La torche des incendiaires et le marteau des vandales s'acharnèrent surtout sur le donjon et la grosse tour.

Chacune des tours a son histoire et ses fantômes personnels.

Nous les évoquerons sans doute un jour, tant il est vrai qu'on ne peut se délivrer en une fois de la séduction des vieilles pierres auxquelles un passé dramatique a confié tant de secrets.

M. NADAUD.

(2) Voir le N° 5 de Notre Province le récit de Mme Jeanne Labesse de la visite de Henri IV au Château de Saint-Germain-Beaupré.

PLAN DE L'ANCIEN CHATEAU

La porterie, compliquée, et aujourd'hui complètement ruinée, comportait galerie d'entrée, pontlevis, herse et deux lourdes portes, seconde galerie voûtée en pente. De la tour rectangulaire de la porterie 1 il ne reste que la souche. Dans la première cour, il y avait les écuries et remises.

Un mur de 1m,30 d'épaisseur reliait les deux tours demi-rondes 2 et 3. La deuxième cour représente le chiteau du XIIe siècle. Sa courtine ouest suit le contour du rocher jusqu'à la tour carrée 4 de 13 mètres de côté et à trois étages dont l' entrée primitive est encore visible était à 6 mètres au- dessus du sol. La tour du sud 6 était le donjon d'Isabeau, perché sur une butte de 5 mètres. Il n'en reste plus que la souche qui contient un cachot circulaire voûté où l' on descendait par une trappe au sommet. Paul Lemoine a découvert là un puits carré semblable aux oubliettesde Pierrefonds. L'étage supérieur de la Tour du Renard est ruiné. On y accède par un petit escalier pris dans

la muraille. De la tour 8 ne subsiste qu'un sous-sol voûté. La tour Colin Il comme celle du Renard 10 mètres de diamètre. Un escalier creusé dans le mur mène là à des latrines en encorbellement. Une poterne percée dans

la courtine menait par un sentier à la tour extérieure 13, dite Tour de l'Eau qui, par un escalier tournant intérieur, permettait d'aller puiser de l' eau dans la Creuse.

Silhouette de la forteresse

Côté Est La Tour de l'Eau


ANCIENS VISAGES DU LIMOUSIN

LE LIMOUSIN GUERRIER

La guerre féodale en Limousin. Première impression : partout la bataille, l'incendie, le pillage, dit sang sur chaque blason : une longue épopée brutale et grossière; des seigneurs violents, passionnés, tenant de l'enfant et du sauvage, toujours prêts à manier la lance et la hache d'armes, à défendre leur prestige ou à revendiquer un héritage, à prendre fait et cause pour un suzerain ou un vassal, un allié ou un voisin, à exercer de génération en génération des vengeances et des représailles.

Quelle joie enivrante pour un « homme de parage » que de briser têtes et jambes, de voir tomber petits et grands sur l'herbe des fossés et de contempler les morts percés de tronçons de lames!

Ainsi s'exprime Bertran de Born dans ce chant fameux qui respire l'odeur farouche de la bataille.

Sur le grand écran du xif siècle nous voyons se dérouler, en une terrible bousculade, les guerres vicomtales sans cesse renaissantes, les querelles fratricides entre la Cité et le Châ- teau de Limoges, les chevauchées furieuses des Comborn et des Turenne, des d'Aubusson et des comtes de la Marche. Il est bien de son temps cet Archambaud de Comborn, taillé en hercule, qui a reçu le surnom de Boucher, car il taille ses ennemis en pièces comme s'il coupait de la viande sur un banc et qui s'appelle aussi Jambe-Pourrie parce qu'au siège de Turenne il a eu la jambe brisée entre deux portes.

Projetons-nous les « actualités » du XIIe siècle ? Voici des sièges, des incendies, des razzia; on se bat pour ou contre Richard Cœur de Lion et Henri Court-Mantel, les fils révoltés du roi Henri II et tout le pays est livré aux Brabançons « servants du diable » qui s'y abattent comme un fléau de Dieu. Que de drames! que de sang! L'horizon est rouge comme un ciel d'été dans l'orage.

Calmons-nous. La première impression n'est pas la meilleure. L'historien, homme essentiellement terre à terre, habi- tué à se défier de la folle du logis, à moins qu'il ne chérisse cette bâtarde d'histoire romancée, nous invite à réduire à leurs justes proportions la part du drame, à éclaircir le sombre paysage de lueurs plus douces, plus humaines.

Il nous fait remarquer d'abord que les féodaux se suivent et ne se ressemblent pas. Adhémar 1er, fils d'un guerrejador, Guy de Limoges, fait oublier les méfaits paternels en maintenant la paix publique. Son propre fils, Guy II, partage ses jours entre la chasse et la dévotion. Le successeur du Boucher est qualifié de valde ecclesiasticus. Il y a des chevaliers chrétiens à Pompadour, des saints à Turenne, des poètes à Venta- dour.

Et puis quels soudains revirements dans ces natures primitives! Que de querelles inexpiables s'achevant en réconciliations solennelles! Que de brigandages expiés par de dangereux pèlerinages, de dures pénitences, d'abondantes aumônes!

Car la voix tour à tour douce et menaçante de l'Eglise sait réveiller et purifier les consciences les plus criminelles. Le premier en France, un évêque de Limoges, a lancé l'excommu- nication contre les seigneurs « enfants d'iniquité qui dépouillent le laboureur du fruit de son travail ». En Limousin a été enfantée, en plein mal des Ardents, la Trêve de Dieu.

Relisons posément les chroniques. A l'honneur de l'humanité, nous constatons que cette mêlée féodale qui nous paraît continue à distance, se dilue, en réalité, et se fragmente sur des périodes étendues. Le Château et la Cité ne sont pas toujours aux prises comme chiens enragés; après 1105, des abbés vertueux et des érêques conciliants y font régner une longue et bonne paix. Au temps des fils de Henri II, l'anarchie féo- dale n'est qu'un intermède d'une douzaine d'année entre deux périodes de gouvernement ferme et pacifique. Des orages d'été limousin, violents et brefs, sans lesquels, évidemment, l'année serait meilleure, mais qui ne gâtent pas irrémédiablement les récoltes.

Il est bien vrai que la guerre n'a pas entravé d'une manière sensible le développement remarquable

de la civilisation médiévale. Au XIIe siècle — un grand siècle — dans nos campagnes défrichées et peuplées, la condition du paysan s'est améliorée ; nos villes émancipées ont ete des foyers d'industrie prospères : la terre de saint Martial s'est jalonnée de puissants châteaux et couronnée d'une admirable parure d'églises romanes; « l'œil rre de Limoges » a répandu dans toute l'Europe chrétienne le renom■ des artisans limousins, maîtres du feu.

Car cette guerre, si elle est fraîche et joyeuse, n'est encore ni totalitaire ni implacable. Ecoutons soit aèd>e, le turbulent châtelain d'Hautefort. Le seigneur ne doit « ostager » que pour défendre soit honneur, ses biens, ses droits (quan pro'l costom ostatge) ; la guerre, ultima ratio de la justice, est un jeu loyal. Bertran ne veut pas que l'on combatte par ruses et traîtrises ; honnis soient ceux qui ne savent jamais s'avan- cer sans ingénieur, tant ils aiment à lancer leurs traits à distance, et qui sont toujours entourés comme Vivien dans la mêlée. Honneur à celui qui s'expose, tranche et rompt masses d'armes et épées, hea umcs de couleur et écus, car, « un mort vaut mieux qu'un vivant vaincu ». Il veut enfin que l'on pardonne à l'ennemi qui crie merci! et il a ce mot superbe : J'aime la coutume du lion qui n'est pas mauvais pour l'ennemi vaincu, mais contre l'orgueil est orgueilleux.

La guerre, ainsi conçue, est le jeu noble, le sport idéal qui libère les belles énergies de l'homme. Joves et valens, deux termes inséparables. La bataille n'est-elle pas œuvre de jeunessef Il est jeune, celui qui son bien engage, il est jeune quand il sait bien souffrir.

Mais il est vieux, celui qui ne met rien en gage et garde en réserve ses blés, son vin et son salé. Il est vieux « quand il veut un jour se tenir en paix, et vieux, s'il peut se retirer sans gagner la patrie ».

Je ne regarde pas comme un preux le riche seigneur qui ne sait pas faire valoir son entrain, sa jeunesse et sa bravoure.

La guerre enfin, c'est la vie de largesse un peu folle dans les châteaux en fête où les ries oms, les vicomtes et hauts barons Francs et cortès e chauzits E lares e bos donadors (1) offrent une hospitalité fastueuse à leurs vavassaux : déploiement d'habits et de harnachement de luxe, cadeaux de prix, festins, musiques des vielles, beaux tours d'adresse des jongleurs. Bertran et ses pareils aiment cette bonne vie.

Nous autres, Limousins, nous aimons que l'on donne et que l'on rie!

Mais il faut bien admettre que tous les féodaux ne goûtaient pas le charme puissant de la guerre. La preuve en est dans les colères du troubadour qui ne se lasse pas d'invectiver dans de mordants sirventès les rics oms « farcis de paresse » qui ne savent que s'étendre et veiller quand les autres se mettent en route.

Qu'il ait une pustule à l'œil avec un chancre, celui qui ne veut jamais attaquer car lâcheté misérable ne vaut pas gentille escarmouche.

Les cœurs sensibles que désole le bellicisme féodal en Limousin ne seront pas fâchés d'apprendre qu'il y avait alors des pacifistes endurcis.

J. NOUAILLAC.

(1) Francs et courtois et élégants, larges et bons donneurs.


CARTE DU LIMOUSIN FÉODAL au début du XIIIe siècle.

A) Si la vicomté de Limoges a été diminuée du Confolentais et de la région de Chabanais (passés à l'Angoumois), elle a, du moins, le maximum des terres domaniales qui lui resteront : a) Châtellenies de Limoges (moins la Cité), Aixe, ChâteauChervix, Chalucet, Châlus, Courbefy, Nontron.

b) Châtellenies de Masseret, Ségur-Thiviers, Ayen, Ars, Excideuil, Génis, Auberoche, Larche, Terrasson.

c) Prévôté de Saint-Yrieix et seigneurie de Payzac.

B) Le comté de la Marche n'a pas encore annexé la vicomté d'Aubusson; mais les châtellenies de Bellac, Rancon et Champagnac n'en ont pas encore été distraites en faveur des Lusignan-Valence et la seigneurie de Peyrat-Bourganeuf n'est pas encore créée.

C) La vicomté de Rochechouart et la seigneurie de Bridiers viennent d'être incorporées au Poitou.

D) La Combraille ou seigneurie de Chambon est toujours limousine bien qu'elle soit à la veille de passer sous la suzeraineté des comtes d'Auvergne.

E) Ventadour, depuis le XIe siècle, constitue un fief indépendant de Comborn.

Châtellenies marchoises (voir la carte).

a) Groupe du bassin de la Gartempe et de la Vienne moyenne. Charroux, Calais, Saint-Germain, Le Dorat, Bellac, Champagnac, Rancon.

b) Groupe du bassin de la Creuse. Crozant, Guéret, Drouilles, Ahun, Chénérailles, Murat, Le Dognon.

Principaux fiefs épiscopaux du Haut-Limousin.

a) Eymoutiers, Saint-Léonard, Saint-Junien.

b) Châtellenies d'Isle, Nieul, Razès, Bessines. Prévôté de La Jonchère.

Principaux fiefs épiscopaux du Bas-Limousin.

Allassac, Donzenac.

CHARLES-LAVAUZELLE ET Cle, ÉDITEURS. Le Limousin féodal au début du XIIIe siècle. (Etablie par M. L. Timbal.)


ANCIENS VISAGES DU LIMOUSIN

LE LIMOUSIN COURTOIS

Rendons aux belles châtelaines la place d'honneur qui leur est due en notre LinWllsin, franche terre cour-

toise. A côté des guerrejadors, des quatre vicomtés, les Hêlie, les Guy, les Raymond, les Ebles, les Archambaud, apparaissent de nobles dames : Agnès de Rochechouart, Hildegarde de Malemort, Marguerite d'Aubusson, Maria de Ventadour, chantées par des poètes sous un senlial ou nom conventionnel Dia- mans, Bel-Miralh (Beau Miroir), Bel-Senhor (Beau Seigneur), Melh-dé-Bé (Mieux que Bien).

Elles sont toutes jeunes et fraîches, de riant visage et de gracieuses façons, de cœur affable et droiturier. Elles ont des cheveux blonds ou roux, couleur de rubis, le teint comme la fleur du pêcher, le corps blanc comme la neige ou le lys, les bras charnus et ferme la poitrine (ab dura tetina) et les reins de la souplesse du lapin. Elles ne sont pas seulement les plus belles et les plus aimables qu'il y ait au monde; elles possèdent avec l'esprit, le savoir et le jugement, un mérite et une valeur insigne (pretz et valors verai). Entre toutes, la plus estimée en Limousin, « celle qui fit le plus de bien et se garda le mieux du mal », est Maria de Ventadour, la trobairitz chantée par Jaucelm Faidit et Guy d'Ussel, que son bon sens préservera toujours des moindres folies.

Comme des fées charmantes, elles transfigurent en vie de cour la vie de garnison rude, grossière, brutale des châteaux limousins. L'Eglise et la chevalerie avaient adouci les mœurs des soudards, le a voyage d'outre-mer » avait ouvert aux Croisés un monde de luxe et de raffinement, les femmes leur ap- prirent la courtoisie.

Ainsi dans les châteaux du Midi — le Limousin étant à l'avant-garde, Auzor! — la haute société devint vraiment une belle société. Les lares et bos donadors, retenant leurs cheva- liers par des bienfaits et des honneurs, donnèrent une hospitalité fastueuse où la chasse, les tournois, la ripaille n'absor- bèrent pas toutes les journées, où l'on sut aussi s'adonner aux plaisirs de l'esprit, « la musique, à la poésie, au gai-savoir, à l'élégant badinage, à la galanterie de bon ton. Eloignés de ces cours, les poètes ne tarissaient pas de regrets. Jaucelm Faidit, revenant de Terre Sainte au pays où le « moindre jardin vaut mieux que la possession d'une autre terre avec grande aisance », tressaillait de joie Ù la pensée de retrouver les belles manières d'accueillir, les façons distinguées et les aimables paroles de sa dame » (li bel acuillimen e'ionrat fag e'l dig plazen de nostra doumna).

L'amour courtois est la fleur éclatante et rare, compliquée et presque trop riche, de cette rie de château. C'est le culte respectueux de la femme : aimer, c'est servir une dame placée plus haut dans la hiérarchie sociale, une suzeraine mariée, la seule qui puisse commander, recevoir des hommages en imposant le respect, obliger l'amant à lutter de prouesses et de vertu avec ses rivaux en obtenant qu'il se sente honoré de la servir sans récompense. « Je suis son homme-lige et son serviteur », dit J. Faidit. « Noble dame, dit Bernard de Venta- dour, je ne vous demande rien que de m'accepter pour serviteur. Me voici à vos ordres, humble et fidèle. » Cet amour soumis, patient, timide, qui attend tout du temps, de la fidélité, de la merci, est une source d'honneur et de vertu, il donne l'esprit aux sots et la science aux ignorants ; il hait toute vilenie, il améliore les meilleurs, au dire de Bernard, il grandit les plus hauts, il ennoblit les plus nobles.

Amour courtois, véritable amour qui « n'est pas paillardise, car ce ne serait pas de l'amour », mais qui procède de « grande loyauté et le franc cœur » qui est « noble et bien appris ». Amant véritable, celui dont le Bréviaire d'amour énumère toutes les qualités : « largesse, hardiesse, courtoisie, bonté, galanterie, allégresse, mesure, bonne éducation,

prouesse, empire sur soi-même, jugement, patience, savoir, sagesse, bon cœur et secret ».

Telle est la doctrine d'amour qui fut la pure fontaine d'inspiration de la poésie lyrique du XIIe siècle, gloire du Limousin franc e cortès. Notre province a été le berceau des plus grands troubadours qui ont donné au cantar de la lenga lémosina la durable illustration d'une langue littéraire souveraine en terre d'oc. Ils ont « trouvé » avec le souci raffiné de la forme, en ce style orné et poli qu'admirait Dante, avec les plus riches et les plus subtiles combinaisons de rimes et de strophes; ils ont mis le même soin à inventer le « son », cette douce, grave et lente mélodie en plain-chant, intimement associé à la poésie, comme ait temps d'Homère.

Chansons et sirventès, pastourelles et planhs, vous êtes comme le genêt et la bruyère, les belles fleurs d'or, les belles fleurs rouges de nos montagnes. Et vous, gentils drobaires qui, accompagnés de vos fidèles jongleurs, montiez au temps clair, dans les châteaux, vous étiez sortis de tous les foyers limousins, des plus humbles comme des plus hauts.

Il y avait, dans votre troupe égaillée de francs-tireurs de la poésie, un comte de Turenne, un comte de la Marche, un vicomte de Ventadour, Ebles le Cantador, une vicomtesse, Ma- rie de Ventadour, un châitelain d'Hautefort, licrtran de Born, et d'autres fils ou cadets de noblesse : Uc de la Bachellerie, Peire de Boussignac, Bernard de Cornil, Jausbert de Puycibot, Arnaut de Tintignac, les quatre d'Ussel. Il y avait encore un prévôt de Limoges et même — Dieu lui pardonne! .— un chanoine de Brioude, Guy d'Ussel, et le fils d'un bourgeois d'Uuzerche, Jaucelm FaÚlit. Il y avait aussi des gens de basse extraction qui n'étaient pas les moindres en génie, comme Giraut de Borneil, le chantre de la droiture, de l'honnêteté et de la vertu, et Bernard de Ventadour, le fils du domestique qui chauffait le four du château, Bernard, dont l'œuvre, a-t-on dit justement, est un des plus beaux cantiques d'amonr qui aient jamais été chantés. Faut-il citer enfin le nom d'un Lemozi, ce jongleur de Brive, mendiant et malingre, comme un pèlerin malade?

Amour courtois donne à ses servants la joie d'amour parfaite, la joi. Qui donc, parmi tous les poètes de la terre occitane, a chanté mieux que Bernard, cette joi avec le plus de tendresse et de passion?

Par le doux chant que fait le rossignol la nuit, quand je suis endormi, je me réveille tout éperdu de joie, l'âme pleine de rêves amoureux; car ce fut la seule occupation de ma vie d'aimer la joie, et c'est par la joie que commencent mes chants.

Bernard, cœur enthousiaste et chaud, qui avez vraiment aimé et souffert, qui avez donné un tour plus gracieux, un naturel plus exquis, une finesse plus spirituelle à ces chansons où vous savez si parfaitement doser l'exaltation et la mesure, car vous l'avez dit, « celui qui ne connaît pas la me- sure n'est pas digne de chanter »!

Qui donc enfin a fait chanter dans des préludes plus suaves que les vôtres le printemps limousin, le temps clair, lo gai tems de Pascor, l'aimable temps de Pâques qui « avec la verdure fraîche nous apporte la feuille et la fleur de diverses couleurs » et verse la gaieté au cœur des amoureux?

Lo rossinholet salvatge Ai auzit que s'esbaudeia.

Can vai la lauzeta mover De joi sas alas contra'l rai.

Votre chanson, Bernard, c'est la voix du rossignolet sau- vage, c'est le battement d'aile de l'hirondelle toute pénétrée de douceur dans le rayon de soleil.

J. NOUAILLAC.


De La J onchère à Sauvagnac 00000

L'Eglise de Sauvagnac (Croquis de M. Marchand)

Le gros village de La Jonchère en HauteVienne n'est pas seulement célèbre par ses gisements de kaolin et les services rendus à l'industrie de la porcelaine.

Il présente en outre l'avantage de se trouver au pied d'un massif montagneux dont le Puy de Sauvagnac est le point culminant, et d'avoir eu comme voisine la magnifique abbaye de Grandmont édifiée après la mort de saint Étienne de Muret, le monastère du Grand Muret devenant trop petit.

Cette abbaye fut sécularisée au XVIIIE siècle et les pierres de démolition, employées par les gens du curieux village de Grandmont, si bien que sur l'emplacement de l'abbaye il ne reste presque plus rien.

Le Puy de Sauvagnac a de tous temps attiré beaucoup de visiteurs non seulement parce qu'il domine du haut de ses 701 mètres d'altitude la contrée environnante et parce qu'il est couronné de forêts, mais aussi parce qu'à son sommet est bâtie une chapelle dédiée à la Sainte Vierge et lieu d'un pèlerinage renommé.

En septembre dernier, et le 8 comme de coutume, les pèlerins y sont venus retrouver les petits colons de Muret, de Saint-Jean, de La Jonchère et d'Ambazac.

La modeste chapelle est à demi cachée au milieu des rochers et des ombrages. Ce sanctuaire remonte au Moyen Age mais on connaît mal son histoire. Les documents font à peu près défaut. Il est douteux en tout cas que Notre-Dame de Sauvagnac ait été fondée par saint Martial. C'est surtout depuis la Révolution qu'elle est un des lieux les plus vénérés de notre province. Voici ce que la légende nous conte à ce propos.

Pélerinage à Sauvagnac (Dessin de Jean Virolle)

« Au temps des Croisades, nombre de Seigneurs limousins s'armèrent pour recouvrer le tombeau du Christ. Ils combattirent vaillamment pour délivrer les chrétiens des mains des infidèles.

Beaucoup périrent sur les champs de batailles, d'autres moururent de maladies, d'autres encore furent faits prisonniers et assez peu eurent le bonheur de retourner à leurs foyers, après avoir couru maints dangers et vu la mort de près.

« De ces derniers fut le Seigneur de Mérignac, brave entre les braves, et que la protection de Notre-Dame, jointe aux prières de sa sainte épouse, avait, jusqu'au moment où il repartit, préservé du fer des infidèles et de l'atteinte des maladies. Il s'embarqua à Saint-Jean-d'Acre pour revenir en France, également heureux d'avoir fait son devoir et de rentrer dans ses foyers.

Mais le Diable suscita une violente tempête, le vent arrachait les voiles de la nef, les vagues roulaient le pauvre navire désemparé et déjà les monstres de la mer espéraient une abondante pâture, lorsque le seigneur de Mérignac se jetant à genoux leva les yeux et les mains vers le Ciel, disant :

« Vierge Sainte, ma noble et benoîte patronne, je jure Dieu « que si vous me venez en aide à cette heure de grand danger, je vous ferai bâtir un sanctuaire sur la plus haute montagne de mon patrimoine ; j'y ajouterai une nef d'argent contenant une lampe qui y brûlera nuit et jour. »

A peine cette prière fut-elle dite, qu'elle fut exaucée. Les pauvres marins virent une lueur céleste dissiper les ténèbres qui les entouraient, les vagues se calmèrent subitement, le vent se changea en une douce bise et la pauvre nef désemparée fut poussée doucement Vers une plage d'Italie d'où le seigneur de Mérignac put regagner la France.

Fidèle à son voeu, il fit élever le sanctuaire promis et y établit un chapelain pour le desservir. Depuis cette époque, la dévotion à Notre-Dame de Sauvagnac amène de nombreux fidèles aux pieds de la bonne Vierge qui écoute toujours les Limousins avec bonté. »

JEANNE DE SAZILLY.


Bergeries

à la belle étoile

000

Glevages de Plein fiir en Limousin

CL. D'ARCHIVES DE M. DE C..-

Jeune bélier Corriédale de race pure de l'Elevage de Corrigé (Hte-Vienne)

Le premier protecteur des bergeries : François Ier qui créa la Louveterie.

L'élevage du mouton de plein air est en honneur depuis la plus haute antiquité.

Le mouton fut un des premiers animaux domestiques et les peuples de « pasteurs » comme les peuples heureux n'avaient point d' histoire.

Nous ne savons ce qu'il advint des troupeaux abandonnés par leurs bergers dans la nuit de Noël.

Tandis que le Messie choisissait parmi ses premiers adorateurs, les hommes simples, des anges gardiens, devaient, d'une houlette légère, intervenir dans la garde de leurs troupeaux respectifs.

Comte DE LA HOULETTE.

* * *

— Des moutons qui couchent dehors toute l'année, dans ce pays ?

— Oui. Allez donc voir ça. Vous ne perdrez pas votre temps.

Et cet ami venu de Bellac ajoutait : — Vous avez déjà parlé des bergeries closes. Le plein air, c'est un autre monde.

Un autre monde, en effet, entrevu au cours d'un voyage aérien le long de la côte africaine. que l'Atlantique ornait de ses dentelles d'écume. Dans la sérénité du crépuscule où les douars semblaient déjà dormir. on devinait pareils à des larves, les moutons errants suivis par leur petit berger en guenilles. Des moutons qui vivaient à la belle étoile. Mais là-bas, il n'y a pas de neige.

Voilà donc comment nous nous décidâmes à pérégriner dans les environs verdoyants de Bellac. Le vigoureux cheval d'un éleveur nous attendait à la gare. Au bout d'un quart d'heure d'un trot superbe nous arrivions dans la propriété de M. de T.

Les trois ennemis

CL. n'.HICII'YF:S On ramène un égaré, un southdown.

— Vous n'avez pas de chien ?

— Non. Le mouton, voyezvous, a trois ennemis : le chien les pouvoirs publics. et le loup.

— On dirait que le loup vous paraît le moins dangereux !

— Presque., dit M. de T.

La mort du dernier loup de ce pays-ci remonte à 1910 et la dernière alerte, en 1923, nous vint d'une louve qui abritait sa portée de louvards quelque part dans la montagne, entre Blond et Montreau-le-Sénard. On délégua à sa poursuite quelques chasseurs. qui manquaient un peu d'entrain pour anéantir le dernier spécimen d'un « gibier » qui donnait malgré tout à la forêt un certain prestige. En vérité, on fit assez de tapage

pour obliger la louve à s'enfuir et l'aventure finit là. Il y a une quinzaine d'années, on en signala un à quelques lieues de SaintJunien, dans la forêt de Brigueil et depuis. on ne parle plus du loup.

— Ce n'est pas un loup par ci. un loup par là, qui pourrait compromettre.

— Détrompez-vous ! Ne resterait-il dans les parages qu'un seul loup, que nous pourrions dire « Adieu, moutons ! ». Un seul loup égorgerait trente moutons, pour déjeuner d'un gigot ou plutôt d'un ventre. Car la première chose que mange le loup, ce sont les glandes endocrines, le pancréas, le foie, la rate.

— Le loup applique ainsi par instinct le traitement rationnel de l' anémie ?.

— Exactement et cela vous explique sa force et sa résistance.

Des randonnées de deux cents kilomètres ne lui font pas peur.

Il peut rester plusieurs jours sans manger. ou du moins il pouvait.

car il a disparu de nos horizons.

— C'est presque dommage. C'était un si beau sujet pour les histoires à la veillée. Au temps où la veillée rassemblait les cœurs au coin du feu.

Assassins à quatre pattes M. de T. reste songeur une minute et comme s'il devinait notre attente : — Il ne faut pas remonter bien loin pour évoquer des aventures émouvantes dans le pays. Le curé de Thouron dut, par une nuit d'hiver (il y a quarante-cinq ans de cela) tirer sur un loup qui tentait de forcer la porte d'une bergerie. Car la faim peut rendre le loup intrépide et capable d'attaquer les gens. Certaine bergère de M. de La Guéronnière en fit la rude expérience, qu'un loup énorme assaillit. alors qu'elle n'avait même pas un bâton pour se défendre.

- Diable!.

- Mais elle prit son sabot et cogna tant qu'elle put sur la tête du loup qui la mordit mais finit pas s'enfuir.

— Le Limousin fut, je crois, très fdvorable à la vénerie — Oui, en raison de ses landes, de ses fourrés, de l'escarpement de ses cours d'eau. Sans remonter jusqu'à François Ier qui créa la Louveterie, on trouve dans les annales de sa vénerie, les exploits des de l'Hermite, de Montbrond, de La Guéronnière, de Nexon, de Beynac. L'arrivée d'un équipage de chasse au loup dans une bourgade était alors un beau prétexte à réjouissances !.

— Le pays devait compter de rudes chasseurs.

— En effet, on cite souvent un certain M. Besse, de Feytiat, mort il y a un siècle et qui, à l'âge de 100 ans, montait encore fort bien à cheval. Nous nous souvenons ici du père Labège qui, octogénaire, poursuivait encore le loup à cheval durant vingt lieues.

Son piqueur, âgé aussi de 80 ans, montait une mule étique.

Ces deux hommes se plaisaient à conter comment ils avaient sportivement battu le duc de Westminster, venu de Dunkerque avec cent quatre-vingt chiens. De Montmorillon, le père Labège, qui comptait alors 65 ans, alla prendre le loup à Tours, alors que le duc, éreinté, abandonnait la partie. Mais vous n'êtes pas venu ici pour entendre parler du loup!. Si nous revenions à nos moutons.


— Et aux chiens!

— Tenez voici justement nos bergers qui vous donneront les dernières nouvelles.

Les bergers approchent : quatre garçons de belle allure au, visage ouvert, que M. de T. avait convoqués en notre honneur. Il nous les présente : Jean Lagrange, Marcel Bernard, Henri Moreau, Marcel Lagedemont.

Jean Lagrange raconte : — Accident de chien, hier. Trois brebis abattues. et cela a été vite fait. On n'a pas eu le temps d'intervenir. On a poursuivi le chien à bicyclette et trouvé son maître, un marchand de peaux de lapins dont il tirait la voiture. Le bonhomme a choisi un boucher et le vétérinaire évaluera la bête. La gendarmerie a fait son enquête.

— Dans mon élevage de la Vienne, nous dit M. M., ? ai eu quatre

moutons tués ainsi, dont deux totalement dévorés, Il n en restait que la peau et la tête.

— Le chien n'est pourtant pas un fauve !

— Oh ! quand il commence à sentir le sang. Le chien attaque d'ordinaire le mouton à l'épaule et il en éventre un grand nombre.

— Comme le loup f

— Oui, mais le loup prend la brebis à la gorge et d'un coup de tête il la charge sur son dos. Il s'enfuit ainsi, la gueule de travers, tournée vers sa charge. Il est capable de sauter, ainsi chargé, une haie d'un mètre de haut. Un chien errant affamé peut égorger plus de dix moutons en une nuit. Les éleveurs nous expliquent encore que les chiens peuvent créer d'autres ennuis soit par leurs méfaits chez les voisins, soit comme agents de propagation des maladies. Les maladies du chien peuvent être parfois celles du mouton, le tænia par exemple. Le chien alors devient un funeste intermédiaire. Voilà donc (ici au moins) le chien déclaré indésirable. Une seule exception en sa faveur en cas d'absence du berger. La femme du berger utilisera alors le chien attaché comme gardien.

Vers les parcs à brebis - Allons voir les parcs à brebis, dit notre hôte.

Nous voici cheminant sur les routes dans le bocage limousin, humide et vert, où alternent châtaigneraies, labours et prairies.

Le pays de Bellac, capitale de la Basse-Marche, caractérisé par la dispersion de ses petites fermes et de ses hameaux, apparaît comme très favorable à l'élevage et surtout à l'élevage en plein air. Comme nous invoquons l'altitude moyenne (300 mètres) et les rigueurs de l'hiver, nos guides nous

La barrière vient de s'ouvrir. Les bêtes se rassemblent et leur curiosité s'éveille. L'herbe serait-elle meilleure de l'autre côté ?

PH. D'ARCHIVES DE M. DE. G.

Les brebis dans un parc.

Elles vivent par petits groupes ou isolées, leur instinct grégaire ayant à peu près disparu.

rassurent : l'expérience a montré que les pneumonies faisaient moins de ravages dans les parcs que dans les bergeries closes.

Chemin faisant nous nous informons de l'importance de ces parcs. Un élevage considéré comme unité d'exploitation correspond à 240 brebis réparties sur environ 40 hectares.

Le troupeau-type correspond à 60 bêtes avec un bêlier et il pâture dans trois parcs, car il faut le changer de parc chaque semaine et il faut bien deux semaines pour la repousse de l'herbe. En somme il y a douze parcs de 3 hectares et demi chacun.

Il s'agit là de l'élevage intensif à 8 ou 9 brebis à l'hectare, mais il impose l'utilisation impeccable du terrain et une vigilance particulière du berger et du propriétaire. L'éleveur débutant qui utilise un domaine tel qu'il se présente se contentera de 3 à 4 brebis par hectare.

- Les brebis de parc, explique M. de T., s'habituent pour la plupart très vite à la « manœuvre » de changement de parc.

Souvent un simple appel suffit ou un coup de sifflet. dès qu'elles voient la barrière ouverte.

Nous arrivons devant une prairie.

Les brebis sont dispersées, par petits groupes. — Il semble que cette existence de liberté (les clôtures en fil de fer sont à peine visibles) dans un décor naturel, ait totalement modifié leur instinct grégaire, leurs habitudes « moutonnières ».

Que dirait Panurge! Renonçant à emboîter éternellement le pas de celle-ci ou de celle-là, la brebis montre une humeur vagabonde, indépendante, broutant, se couchant, errant avec une compagne préférée ou s'isolant à sa convenance.

Voici le berger Henri Moreau. Il va ouvrir la barrière.

Les brebis l'observent et se rapprochent. Henri Moreau siffle dans ses doigts. Les cinquante-deux bêtes se rassemblent et vont directement vers la barrière.

— Vous voyez ! Pas besoin de chien !

— La vie en liberté paraît en effet développer l'intelligence des bêtes. En somme les moutons ne sont pas aussi bêtes qu'on le dit.

— Sans doute et vous verrez en d'autres occasions que le mouton, ancien gibier, voit en plein air s'éveiller ses instincts de race.

— Mais toutes les races s'accommodent-elles du plein air?

— Le plein air, certes, ne convient pas également à toutes les races. Il n'est pas indiqué pendant la mauvaise saison, pour les brebis qui mettent au monde des agneaux « peu vêtus » nus, pour ainsi dire, comme les Charmoises (excellente race d'ailleurs


CL. D'ARCHIVES Une clôture transparente mais étanche donne aux moutons dans leur parc l'illusion d'une entière liberté.

pour la viande.) alors que les agneaux Southdown naissent très laineux.

Il faudra que vous reveniez voir nos troupeaux au printemps.

Le spectacle vous charmera. Et vous vous rendrez compte des prodiges d'intelligence que fait la brebis, vigilante et avisée, courageuse aussi à l'extrême lorsqu'un chien menace ses petits.

Elle sait tout au long de la journée les guider merveilleusement, tantôt là où l'herbe est meilleure, tantot ici pour les abriter du vent, et quand l'orage ou la pluie les menacent, elles savent se mettre en file indienne avec leurs petits le long des plus gros buissons.

Ceci vous montre en passant l'utilité, la nécessité des buissons ou des boqueteaux dans nos parcs.

Ancien gibier, forçat, et libre — Et s'il n'y a point de boqueteaux ?

— Il faut des haies ou des murs, car « en plein air » ne signifie point « sans abri ». Le mouton se contente de peu d'ailleurs car peu d'animaux sont pourvus d'un manteau aussi chaud.

— La clôture doit vous donner souci?

— Evidemment, par ces temps difficiles on obtient assez peu de fils de fer mais on arrive tout de même à clôturer. Clôture légère comme vous voyez et qui laisse aux animaux l'illusion d'être entièrement libres dans ce paysage.

— Mais ces parcs et ces clôtures, depuis quand en use-t-on ainsi?

— Si l'élevage de plein air appartient à l'histoire ancienne on ne peut en dire autant des clôtures, car aucun texte n'en fait mention avant le XVIIIe siècle, et ce n'est que vers 1740, en Irlande, qu'après la mise à mort du dernier loup, célébrée en grande pompe, on installa les premiers parcs à moutons, clôturés à l'aide de planches que les forêts voisines fournissaient abondam ment.

Les Irlandais avaient pensé fort pertinemment que le mouton, « ancien gibier ». comme tout animal domestique, > pourrait profiter de cette vie en liberté qui le ramènerait à ses habitudes originelles.

— Ses souvenirs d'« ancien gibier » doivent être bien effacés !.

— Voire! Son indépendance naturelle apparaît encore, comme un vieux rappel de race, à certains défauts qui n'échappent point au moutonnier averti. Cette indépendance ne pouvait que trouver satisfaction à l'existence en plein air.

— En somme il n'y a guère que deux siècles que la méthode est appliquée.

— Eh! oui, à cause des loups. Il fallait bien enfermer les bêtes et vraiment on se demande quelle persévérance il fallut à nos ancêtres pour acclimater le mouton au régime de la bergerie qui en fait un « forçat ».

— Un forçat ?

— Certes. Le mouton en étable perd toute initiative, vit dans un endroit malsain, saturé d'odeurs ammoniacales, entassé comme hareng dans un baquet, rationné, privé d'eau, de lumière, de soleil.

— Mais on le mène au pré.

— Quelques heures, et pour cela on le fait patauger dans la boue en hiver, éternuer dans la poussière en été, harcelé par des chiens hargneux, apeuré, chassé, bousculé. C'est un galérien.

— Alors pourquoi a-t-on tant attendu pour pratiquer l'élevage dans des parcs, en plein air?

— Parce que ni la France, ni les pays étrangers ne connaissaient les remèdes à certaines maladies qui périodiquement détruisaient des troupeaux entiers, des maladies dont le sol devenait le foyer caché. La France a résolu le problème pour toutes les maladies connues, mais il peut en apparaître de nouvelles. C'est un risque à courir.

— Un risque compensé par de sérieux avantages?

— Certes, car le mouton est un excellent utilisateur de l'herbe.

En général d'ailleurs, plus un animal est petit mieux il utilise l'herbe. Ainsi le lapin tire mieux parti de la nourriture végétale que l'éléphant et le mouton « fabrique» le kilo de viande beaucoup plus vite que le bœuf, surtout si l'on dispose d'un peu d'engrais.

On peut obtenir par lui, 2 à 300 kilos de viande par hectare.

Et notre hôte achève de nous convaincre en nous montrant que sur un hectare on peut placer soit une bête à cornes, soit dix brebis. Un calcul simple établit alors que le bœuf donnant en trois ans 600 kilos de poids vif et les dix agneaux 260 kilos en une seule année, alors que les brebis donnent leur laine, le profit avec les brebis est double de celui qu'assure le bœuf.

L'élevage de plein air, enfin, libère des soucis du métayage, ou des difficultés avec les régisseurs. Il affranchit les domaines des trois quarts du personnel agricole. Là où il fallait trois personnes et leur famille, un seul berger suffit pour près de deux cents moutons.

Le mouton peut être élevé sur les terres pauvres et il est plus aisé de tirer par lui profit des terres en friche que de mettre celles-ci en culture. Le mouton est l'auxiliaire du défricheur. Il nettoie les terres qui deviennent ensuite plus aisées à exploiter. Enfin là où l'élevage de plein air est pratiqué la race ovine est en progrès. En bergerie close elle va vers la décadence.

La pierre à sel Visite d'un second parc.

Deux objets attirent notre attention : la pierre à sel et l'alimenteur d'hiver.

Les hivers, chez nous, sont souvent rudes, et quand l'herbe demeure plusieurs jours emprisonnée sous un manteau de glace ou de neige, il faut, pendant ces périodes, pourvoir à la nourriture des troupeaux.

Aussi bien, pour répartir convenablement cette nourriture et éviter tout gaspillage, les éleveurs disposent-ils dans les parcs une longue mangeoire constituée par trois planches, installées au-dessus du sol et abritées sous un petit toit.

La pierre à sel, que les brebis viennent lécher est disposée sur un support, apparaît sous forme d'un bloc rougeâtre de sel dénaturé. Le sel augmente la pousse de la laine. Les brebis s'en montrent aussi friandes que les enfants d'un bâton de sucre d'orge.

M. de T. et M. M. nous ont entraîné vers un autre parc où le berger, Marcel Lachedamont, se dispose à faire changer son troupeau de pâture. La conversation se poursuit.

— La brebis charmoise reste plus sauvage que la corrézienne qui s'approche aisément. Nous avions une vieille brebis qui répondait même aux appels et dressait ainsi tout le troupeau.

En général cependant nous ne mélangeons pas jeunes et vieilles, afin de conserver à la petite troupe une certaine homogénéité.

La résistance aux maladies et la frugalité des bêtes âgées en est une preuve.

Comme pour faire image à nos propos, voici au bout de la prairie les brebis groupées qui concentrent leur attention sur leur berger, qui crie simplement : « Allez!. ». Chaque berger a sa manière : nous avons entendu Jean Lagrange crier : « Tou. ou ! Tou. ou! »

Et les brebis répondre : « Bée!. Bée !. » car leur modeste langage, au travers des siècles, n'a pas varié.

Naturellement, on ne voit dans ces parcs que des brebis car on ne garde les agneaux que jusqu'à l'âge de cinq mois.

Les brebis, au bout de six ou sept ans, prennent le chemin de la boucherie. Après une existence courte, mais heureuse, dans la liberté et la santé.

A propos de races Nous en venons tout naturellement à reparler des races et nos guides nous expliquent que, dans les herbages riches, on


PH. D'ARCHIVES Brebis se pressant autour de la boîte à sel

trouve les brebis « sans pattes» tandis que sur les sols pauvres vivent mieux les bêtes « hautes sur pattes», car, dans les bruyères (et les bruyères de nos plateaux sont souvent hautes) le ventre de la brebis serait continuellement mouillé par la pluie ou la rosée.

— Nous avons débuté avec la race limousine, précise M. de T., celle des plateaux élevés de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute- Vienne, race très rustique, très sobre et très prolifique aussi : sur dix brebis, trois donnent deux agneaux. Bonnes mères d'ailleurs, et bonnes laitières. Ces qualités particulières à la race résultent d'une longue sélection qui remonte à plus de cent années, alors qu'on recherchait surtout une grosse production de fromages.

— Ne faites-vous point de fromages?

— Non. Tout le lait sert à nourrir les agneaux et les agnelles que nous gardons souvent pour en faire des mères.

Les agneaux naissent quand apparaît la pointe de l'herbe.

La Nature, prévoyante, leur offre une nourriture tendre pour leur début dans la vie comme elle le fait pour les petits des biches et des chevreuils qui viennent au monde en mars. De la sorte, leur intestin s'accoutume peu à peu à l'herbe qui devient plus dure et vers la mi-juillet les agneaux peuvent tout assimiler. C'est à ce moment qu'ils atteignent le maximum de valeur et que la brebis perd son lait.

— Et les béliers) — Nous allons les voir dans leur enclos particulier d'où ils sortent chaque année en octobre pour la reproduction.

L'enclos des béliers

Quelques minutes de marche et nous voici en présence de cinq bêtes magnifiques qui, dès l'apparition de notre groupe de « bipèdes», piquent vers le fond de l'enclos une charge magnifique. Les bergers courent et les cernent. Ils en saisissent

PH. D'ARCHIVES Dès leur plus jeune âge les fils de bergers en plein ai r s'accoutument à manipuler des moutons

deux que nous examinons et palpons à loisir, un Southdown d'opulente carrure et un Corriedale pur dans la laine duquel nos mains se perdent.

Les éleveurs vont au devant de nos questions: — Dans les races pures, voyez-vous, il y a des races de viande et des races de laine, mais on peut avoir viande et laine grâce aux croisements. Le Corriedale sans cornes que vous voyez là est issu du Merinos qui

a des cornes et du Lincoln anglais. On constate ainsi au bout d'un siècle, un « rappel» de race. Nous avons croisé les races en les améliorant conformément aux lois de l'hérédité. Jadis seule la production de viande intéressait les éleveurs car la laine ne se vendait guère que 2 francs le kilo en 1920, 5 francs en 1926 alors qu'aujourd'hui elle atteint 120 francs.

Dans leurs élevages du Cap, les Anglais pratiquent la méthode « en triangle » car ils considèrent la question sous trois aspects : laine, viande, rusticité, et sur un même troupeau de brebis ils mettent successivement un bélier à longue laine comme le Corriedale, un bélier à viande comme le Southdown et un bélier rustique comme le Cheviot.

Comme nous jetons au Corriedale un dernier regard d'admiration, M. de T. nous apprend qu'il n'existe en France que cinq béliers purs de cette race, venant d'Argentine et que celui-ci descend du grand champion de Buenos-Ayres, un bélier qui a coûté 70.000 francs en 1935., un demi-million d'aujourd'hui.

Nous rentrons au logis de M. de T. en rêvant aux richesses de l'élevage de plein air et à ces modestes animaux qui nous comblent de bienfaits. Notre hôte qui bénéficie d'une expérience de douze années nous prouve, chiffres en mains, l'étonnant rendement de ce genre d'élevage.

Nous bavardons avec les bergers qui semblent fort heureux de leur sort et très attachés à leur métier. Un métier qui exige d'ailleurs beaucoup de vigilance et de bon sens, surtout au moment de l'agnelage, un métier sur lequel il nous reste encore beaucoup à dire. Notre promenade s'achève au village où M. de T. a créé un laboratoire habilement installé dans une petite maison rustique. Là nous passons des heures de choix en compagnie des vétérinaires attachés à cet élevage, docteurs aux idées jeunes, qui ont fait merveille dans le combat contre les parasites des bergeries et les maladies. et que leur esprit pénétrant a mis sur la voie de découvertes précieuses autant pour les hommes que pour les animaux domestiques.

C'est assez dire que l'histoire des bergeries à la belle étoile offrira d'autres sujets à nos méditations.

EDMOND BLANC.

Les Syndicats d'élevage en Limousin Nous avons ci-dessus parlé des races de moutons élevées dans les bergeries et les parcs de notre région. Voici quelques indications professionnelles complémentaires à ce sujet.

L'élevage du mouton ayant toujours eu, en Haute-Vienne, une grande importance, les éleveurs ont créé, dans certaines communes, des Syndicats professionnels grâce auxquels ils peuvent bénéficier de certains avantages dans la défense de leurs intérêts.

Ces Syndicats d'Élevage sont régis par la loi du 21 mars 1884, le décret du 8 mars 1912 et la loi du 12 mars 1920.

Soit qu'ils s'occupent de la Race Ovine limousine comme à la Besassade (Châteauneuf-la-Forêt et à Eymoutiers), soit qu'ils s'intéressent à des races d'importation comme à Saint-Léger-la-Montagne, soit la Charmoise et la race des Southdowns comme à Saint-Sulpice-Laurière, les différents syndicats ci-dessus ne fonctionnent qu'au cadre communal ou au stade inter-communal (Syndicat des Éleveurs de Moutons au plein air de la région de Bellac).

Par contre, le Syndicat d'Élevage ovin de la Charmoise est à cadre départemental. Créé à Limoges, le 24 mai 1936, ce Syndicat, affilié à l'Union Ovine de France, compte parmi ses adhérents la grosse majorité des principaux éleveurs de moutons charmois en Haute-Vienne. Il a pour but principal de donner à ses adhérents les directives nécessaires pour leur permettre de retirer de l'élevage ovin tout le profit désirable.

Le Syndicat d'Élevage ovin de la Charmoise se propose, en particulier, de l'achat des géniteurs améliorateurs de la race.

Il poursuit activement la sélection des béliers et des brebis, l'organisation de la vente des animaux issus des élevages syndiqués et l'exportation en dehors du département et à l'étranger des reproducteurs de choix originaires de la Haute-Vienne.

De plus, en collaboration avec le Flock-Book de la Charmoise, le Syndicat poursuit activement et contrôle l'inscription aux livres généalogiques des reproducteurs de race pure.

Son siège est à Limoges, Maison de l'Agriculture, avenue du MaréchalPétain, 52.

En ce qui concerne la race ovine limousine, prédestinée à l'élevage de plein air, le Secrétariat se trouve à Bélabre par Bujaleuf, en Haute-Vienne.


LE MIRACLE

DE L'ENFANT

Es dei rt~'! c hen cem(

ES deux chaises disposées devant la grande t cheminée limousine, la Lilou venait douI cement d'y déposer le berceau d'osier.

De son jupon de cretonne à fleurs, elle couvrit l'arc qui aurait servi à soutenir les rideaux s'il y en avait eu. Mais, en ce tempslà, les paysans étaient avares de

leurs sous et la Lilou n'était pas riche.

Son mari gagnait péniblement sa vie en entretenant les routes qui vont de la petite bourgade de Saint-Hilaire aux pays voisins et ses rues.

Le petit ménage habitait, à trois kilomètres, une petite maison composée de deux grandes pièces, entourée d'un jardin et d'un champ, où le cochon, aussi bien que les poules avaient leurs entrées et sorties libres.

Le «pitchounet» (1) était malade.

Il y avait dix-huit mois qu'il était né. Il était bien fatigué depuis huit jours, mais ce jour-là il paraissait l'être davantage.

Les remèdes que Lilou avait vu donner autrefois par sa mère aux malades du voisinage avaient été vains : linges très chauds appliqués dans le dos, un peu de vin chaud bien sucré, des tisanes faites avec les fleurs de tilleul du jardin ; la bourrache qui fait transpirer, l'armoise qui active la circulation du sang, car l'enfant, si pâle, devenait parfois subitement rouge.

Il toussait, c'était cela l'inquiétant. Alors, les coquelicots ramassés l'été dans les champs de blé avaient aussi servi à faire des infusions calmantes ; et l'enfant dormait. Sa respiration bruyante donnait de l'angoisse à sa mère, dont le front, ceint de la souris de toile bleu pâle à carreaux blancs qu'elle gardait toute la journée en ce mois de décembre pour se préserver du froid accentuait encore, dans la régularité de ses traits, l'inquiétude alarmée de son regard.

M. le Curé était venu. Il avait dit : « Il faudrait aller chercher à la ville le praticien de la médecine ». Et le père était parti : Lilou, anxieuse, attendait son retour.

Elle berçait doucement l'enfant. Dans le silence de cette soirée d'avant Noël, le père, en revenant de Saint-Hilaire et ramenant le médecin, entendit sa femme chanter la berceuse si familière à tous les pays de langue d'oc : « Plaoù, plaoù, rabancù : la galina coquo, monté sur la roquo, sur la roquo, sur lou banc fasiou un iou tout blanc. ». Et le praticien de la médecine entra.

Deux gestes découvrirent le berceau sur la couverture duquel un bouquet de lavande séchée était déposé pour assainir l'air et l'embaumer. Le médecin prit l'enfant et presque tout de suite, l'air très grave : « Il est très malade, votre petit, dit-il :

(1) Diminutif patois signifiant un tout petit enfant.

sauf un miracle, je ne prévois pas qu'il puisse être sauvé.

Il est bien malade, certes, mais surtout il a mauvaise figure, et chez les enfants c'est une chose importante. La grimace que fait sa petite bouche ne me dit rien de bon. Je crois bien, Lilou, qu'il vous faudra avoir du courage. Votre petit a la poitrine malade et les poumons enflés comme vous aviez les joues, quand vous aviez mal aux dents et que vous l'espériez. ».

La glace qui, au dehors, soudait l'eau aux contours de l'auge, pilée dans son cœur de maman, n'aurait pas tant fait de mal à Lilou que les paroles du médecin. Son pitchounet, son Ritou adoré, allait mourir. Elle ne le porterait plus dans ses bras ; elle ne l'entendrait plus, quand il lui serrait le cou, lui dire : « Maman ». Elle ne verrait plus ses petites menottes se tendre vers elle pour qu'elle le soutienne dans ses premiers pas, tandis qu'elle l'appelait en l'engageant à s'élancer : « Vène !

Vène! moun Ritou, vène aqui!».

Et c'était la veille de Noël !. Dans quelques heures on fêterait à l'église la venue au monde de l'Enfant Jésus!

Par la pensée elle revoyait l'Enfant de cire jaunie, vieux d'un siècle, que tous les ans de pieuses mains remettaient sur la paille d'une crèche toute faite, toujours la même, et Lui, toujours avec sa même tunique de soie brochée, usée, bordée de dentelles en filigrane d'or, ses fines petites mains ouvertes dans un geste plein d'aménité, et sa tête, surtout, plus que pâle, avec des yeux d'une rare expression miséricordieuse que lui conféraient de longs sourcils admirablement tracés. Des cheveux blonds ornaient son visage ravissant malgré l'absence du rose qui avait dû, autrefois, donner de la vie à son teint.

Une couronne d'aubépines, en tissu argenté, lui faisait, avec des boutons qui voulaient imiter ceux de la fleur et que, naïvement, on avait faits avec de minuscules escargots couleur de perles fines, un diadème qui n'est pas de tradition, du moins en France.

La légende voulait que ce Jésus ait été rapporté d'Espagne par une religieuse, sœur d'un curé de la paroisse, dans un temps que les mémoires locales ne pouvaient plus fixer. On disait que seules de saintes mains de religieuse en avaient pétri la cire et que l'admirable expression du visage n avait point été cherchée, mais était le résultat du ramolissement de la cire exposée devant une multitude de cierges allumés par les fidèles : donc œuvre de Dieu.

Pourtant les habitants de Saint-Hilaire n'étaient point fiers de leur Jésus et souhaitaient de le voir remplacé par une statue plus moderne, en plâtre, blanc et rose, avec une ceinture bleu pâle, rehaussée de touches d'or. Lilou, comme les autres, n'était pas admiratrice de ce Jésus.

Tout d'un coup, dans son esprit, une association d'idées se fit. Puisqu'il était si jaune, ce Jésus, et que son enfant était si pâle et puisqu'il allait mourir, elle irait quand même à la


.elle enveloppa son enfant.

messe de minuit, mais avec son Ritou dans les bras. Elle le mettrait encore vivant dans la crèche, et, là, priant et communiant, elle dirait à Dieu : « Que votre volonté se fasse ! ».

Elle prit sa houppelande limousine en cachemire noir doublée trois fois. Avec le fichu couleur de beurre frais, tissé avec la laine des moutons qu'elle gardait en sa jeunesse, elle enveloppa son enfant et prit dans la nuit le chemin de l'église.

Vit-elle en descendant la colline les arbres chargés de neige glacée rendue transparente par la clarté • l' l' r. *1 1 •

crue de la lune, dans un ciel peuple d'étoiles, les pins, couverts de givre, semblables, tous, aux arbres de Noël si chers aux bébés et que la glace, fondue puis regelée, faisait paraître couverts de sucre d'orge, les autres, dont les fleurs mûries à graine, laissaient tomber en grappes blondes un duvet appelé « barbe du Christ», et qui, eux aussi chargés de gel et de lumière, ressemblaient à des étoiles-joujoux jetées du ciel par l'Enfant-Roi pour l'émerveillement des yeux des petits? Elle ne vit rien de cela : sans souci des glissades et des cailloux, elle allait vite, vite, porter à Dieu son enfant.

Elle entra dans l'église par la porte basse et, sans dire un mot, prit l'enfant de cire dans ses bras et l'échangea contre le sien qu'elle mit dans la crèche avec une simple chemise de toile. Puisque Dieu allait le lui prendre, elle le lui donnait et priait, sacrifice suprême, semblable à celui de la Vierge qui ne murmurait pas. Elle priait aussi la Mère de Dieu, sœurs qu'elles étaient à ce moment, dans la douleur.

Alors qu'elle communiait, l'enfant n'avait pas encore poussé un gémissement. Les trois messes se succédèrent : l'aube apparut, qu'elle priait encore : et les mâtines tintèrent, qu'elle priait toujours. Lilou comprit qu'elle pouvait revenir à sa maison avec son enfant ; il dormait toujours.

A l'heure de la grand'messe elle l'entendit dire : « Maïre », et ce fut le commencement de la joie. Le médecin, revenu, constata un grand mieux. L'enfant était sauvé.

Les habitants de Saint-Hilaire furent émerveillés de ce qu'ils appelèrent Le miracle de l'Enfant Jésus et conclurent que la Sainte Vierge était peu enthousiaste elle aussi de voir représenté

son Enfant par cette cire jaunie. Ils décidèrent de se cotiser pour faire au plus vite l'acquisition du Jésus moderne qui, depuis lors, figure tous les ans dans la crèche de la vieille église.

Le Jésus ancien,abrité sous un globe de verre, repose actuellement sur un coussin de soie bleue dans la chambre d'une petite fille corrézienne, qui, détail piquant, pour redonner un peu de vie à son charmant visage, lui a rosi les joues avec le fard de sa maman.

SIMONE NOELLE.

Elle entra dans l'Eglise.

petates HISTOIRIES DE COIN DE feu

Les Raisonneurs de Ste - Ferréole

Béronie raconte, dans son Dictionnaire patois paru en 1820, qu'un hobereau limousin, officier aux armées, — M. de Griffolet, dit-on — fut chargé certain jour de faire ensevelir les morts après un combat. Il se trouva sur le champ de bataille plusieurs blessés qui se souciaient peu d'être enterrés vivants et qui, étant de son pays, lui crièrent en patois : « Eh ! moussur !

me fasetz pas enterrar. leu sei de Senta-Ferriola ! ».

« Ah ! leur répondit notre homme, setz d'aqueus rasounaires d' a Senta-F erriola ? Se l'on vous escoutava, l'on n' entarrariat degum. Aquei prou mort per enterrar ! (1). »

(1) Eh! Monsieur! ne me faites pas enterrer! Je suis de Sainte-Ferréole!

- Ah! vous êtes de ces raisonneurs de Sainte-Ferréole? Si l'on vous écoutait, on n'enterrerait personne. C'est assez mort pour être enterré!

f<:"

El catechirme — I auve, moun petiot Jantounet, dija me quand i a de festas carilhounadas ?

— Très, moussur lou curet.

— Très? E las qualas?

— Lou jour de la 1 vota, lou jour que tuan lou gagnou e lou jour que ma maire s'acouija.

GUSTI.

Le Catéchisme — Je t'écoute, mon petit Jantounet, dis-moi combien il y a de fêtes carillonnées?

— Trois, monsieur le curé.

— Trois? Et lesquelles?

— Le jour du vote, le jour où l'on tue le cochon et le jour où ma mère s 'est couchée.

-¡.:o-

Lou Renard e l'Escurol Un jour, un renard diziat a d'un escurol qu'era sitat a la pouncha d'un aubre : — Toun brave orne de paire que ieu ai counegut, era pus fi que tu : se pendaulhava am soun pautou a la pouncha d'una fuelha.

L'escurol n'en vol far atertan, pinqua sas ounglas dinz una fuelha e, lou paubre! toumba dinz las dentz del renard.

— Segnour renard, soudis, tu ne fas pas couma toun paire gran que quan vouliat min jar de la vianda nouvela se slnnava.

Lou renard volguet se sinnar. mas l'escurol era deija a la pouncha de l'aubre.

Le Renard et l'Écureuil Un jour, un renard disait à un écureuil qui était assis à la pointe d'un arbre : — Ton brave homme de père, que j'ai connu, était plus adroit que toi ; il se suspendait avec sa patte de derrière à la pointe d'une feuille.

L'écureuil voulut en faire autant, il planta ses ongles dans une feuille et, le pauvre! tomba dans les dents du renard.

— Seigneur renard, dit-il, tu ne fais pas comme ton grand'père qui, quand il voulait manger de la viande nouvelle, faisait le signe de croix !

Le renard voulut se signer. mais l'écureuil était déjà à la pointe de l'arbre.


La situation économique et financière de la région de Limoges en 1943

L

'ANNÉE qui se termine a été marquée dans le monde entier par une continuelle aggravation des conditions de la vie

économique et financière, conséquence inéluctable du gigan- tesque conflit qui décime l'humanité. La France, pour sa part, malgré ses énormes ressources, le labeur et l'ingéniosité de ses habitants, en a été particulièrement affectée. Il n'en pouvait être autrement, au bout de quatre ans de destructions et d'usures de toutes sortes. Qu'elle n'en ait pas été irrémédiablement épuisée, c'est là un miracle qui frappera d'étonnement et d'admiration les générations futures.

Dans quelle mesure notre région en a-t-elle été atteinte?

Telle est la question que nous voudrions rapidement examiner, en dressant un bilan sommaire de notre situation économique et financière, en cette fin d'année 1943.

Il est inutile d'insister sur les éléments défavorables qui, ici comme partout ailleurs, ont joué ; ils sont tous trop présents à nos mémoires. Un fait d'ailleurs les résume tous : l'aggravation des conditions de l'occupation étrangère au cours de l'année et les conséquences qui en découlent. Ses répercussions sur la circulation monétaire expliquent la hausse des prix de toutes les marchandises et les difficultés croissantes de l'industrie et du commerce. Notons plutôt l'heureuse influence de conditions atmosphériques presque inespérées, qui ont permis des récoltes généralement exceptionnelles.

AGRICULTURE

A

LA fois pays de polyculture et d'élevage, la région du Centre-Ouest offre des ressources variées qui ont été,

bien entendu, affectées diversement par les circonstances.

D'une façon générale, grâce au beau temps persistant, le blé et les autres céréales, les fruits, la majeure partie des légumes, les graines oléagineuses, les châtaignes ont donné des récoltes abondantes et de qualité. Les vendanges, en Périgord, dans l'Indre et dans la partie méridionale de la Corrèze, ont donné des résultats supérieurs à la moyenne et l'on se plaît à signaler la haute tenue alcoolique du vin et son bouquet parfumé. Notre Province a publié récemment un reportage documenté sur le vignoble bergeracois qui précise cette constatation.

De même la récolte des fruits à pépins — pommes et poires, supérieure, il faut le reconnaître, à celle des fruits à noyaux (qui en 1942 avaient été particulièrement abondants) — a permis d'accroître, dans nos familles rurales, la fabrication du cidre qui sera, cette année, une boisson d'appoint non négligeable, particulièrement dans la Creuse.

Deux ombres à ce tableau, le rendement inférieur des pommes de terre et l'insuffisance du fourrage.

L'année 1942 avait vu une récolte très abondante de pommes de terre, au point que la région de Limoges avait pu à elle seule

en ravitailler la moitié de la France, principalement les régions du Midi si affreusement déshéritées (1).

Cette année la production est beaucoup moins importante.

La solidarité nationale a néanmoins continué de jouer à plein, comme il se devait, et toutes les régions défavorisées sont venues ici faire leurs provisions de ce précieux tubercule.

La Creuse et la Haute-Vienne ont fourni les plus larges contingents : le ravitaillement des grandes villes : Limoges, Périgueux, Châteauroux, s'en ressentira notablement, compensé peut-être un peu par une plus grande quantité de châtaignes, si leur conservation peut être assurée.

Pour le foin et le fourrage, la sécheresse a été néfaste et l'élevage du bétail en a été très affecté, ce qui pose un angoissant problème pour le ravitaillement en viande, lait, matières grasses. L'engraissement des porcs et de la volaille a été gravement compromis par la pénurie de grains, de son, de pommes de terre et de topinambours, employés par préférence pour l'alimentation humaine.

L'utilisation massive du topinambour pour la production de carburant risque encore de nuire à l'alimentation du bétail.

Deux importantes distilleries agricoles sont en construction dans la région, à Magnac-Laval et à Confolens; une troisième est à la veille d'être entreprise à Aixe-sur- Vienne ; une fonctionne déjà dans l'Indre. Félicitons-nous-en cependant, en raison des avantages qui finalement en résulteront pour l'économie générale du pays et pour l'enrichissement de nos campagnes.

COMMERCE

L

A, tous les facteurs ont été nettement défavorables. Raréfaction des marchandises produites ou fabriquées, complications

des répartitions et de la distribution, difficultés des transports, diminution massive du pouvoir d'achat de la quasi totalité de la population, tout a joué pour rendre la tâche du commerçant de plus en plus ardue et ses profits de plus en plus illusoires.

Un certain nombre de maisons ont fermé leurs portes.

Toutes les autres n'ouvrent que certains jours par semaine ou à certaines heures. La masse des marchandises à vendre s'est partout amenuisée à l'extrême, il n'est que de voir les vitrines des magasins de nos villes et de nos campagnes. Le nombre des opérations commerciales est extrêmement réduit, d'où malgré la hausse invraisemblable de toutes les marchandises, un bénéfice insuffisant, car les frais généraux n'ont pu être réduits dans une proportion correspondante.

(1) Les expéditions par les gares de Limoges et de la région s'étaient alors élevées à 186.000 tonnes soit 18.600 wagons, ce qui représente, à raison de 250 kilos par personne et par an, la ration de près de 800.000 personnes.


NOS RICHESSES RÉGIONALES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI

JULES CÉSAR TRAVERSANT LE RUBICON. 'e

ÉMAIL SUR CUIVRE DU XVIe SIÈCLE par Pierre Raymond

Si les trois industries de la Porcelaine, du Cuir et du Papier, nées du sol limousin, ont pris sur ce sol limousin un essor extraordinaire, n'oublions pas la gloire qui s'attache à des activités plus discrètes, comme celles de l'Emaillerie et de la Tapisserie qui laissent dans l'Histoire une trace longue et magnifique, Aussi bien évoquons-nous ici la mémoire d'un émailleur fameux par la reproduction d'une de ses plus belles œuvres, vieille de trois siècles. Elle fait partie d'une collection étrangère et l'image nous en a été rapportée par M. Jacques B. au retour d'un lointain voyage.


NOS RICHESSES RÉGIONALES

TAPISSERIE MODERNE D'AUBUSSON.

La Tapisserie marchoise, ruinée à la fin du règne de Louis XIV a connu des fortunes diverses. Colbert fut parmi ceux qui ressuscitèrent le renom d'Aubusson.

En cette année 1943 nous pouvons fêter le bicentenaire de la création par Trudaine en 1743 d'une fabrique de tapis veloutés « façon Turquie » à Aubusson.

Voici ci-dessus une belle réalisation moderne de Tapisserie.


Qu'il s'agisse de textiles, d'articles de quincaillerie ou de bazar, - et nous ne prenons que quelques exemples entre mille, - d'objets de luxe ou de denrées alimentaires — et parmi ces dernières : les vins fins aussi bien que le sel, le miel, — tout ce qui est à vendre est immédiatement acheté, sans discussion de prix, sans examen de qualité.

Devant cette ruée, que nous expliquerons plus loin, certaines formes nouvelles de commerce ont proliféré. Nous voulons parler surtout du commerce des tableaux et des objets d'art.

Les galeries de peinture connaissent un succès et une activité jamais égalés : les expositions s'y succèdent sans interruption pour le plus grand bonheur des artistes qui trouvent ainsi une compensation inattendue à la dureté des temps. Il serait puéril d'attribuer ce goût pour la peinture au seul sentiment artistique, mais quoi qu'il en soit, il faut s'en féliciter pour les bénéficiaires. Mêmes constatations pour nos industries d'art : porcelaine, émaux, tapisserie.

.- Quant aux commerces d'alimentation, il est superflu de noter leur activité, simplement mais étroitement limitée par les arrivages restreints de marchandises.

Notons le paradoxe de la multiplication des intermédiaires alors que les marchandises se raréfient, mais c'est là un phénomène habituel dans toutes les périodes de sous-production.

Notre région ne fait simplement que se conformer à la règle.

INDUSTRIE

A

UX énormes difficultés provenant de la sous-production des matières premières, de l'usure du matériel, de la pénurie

de moyens de transport, des restrictions dans l'emploi de la force motrice ou dans l'approvisionnement en charbon, est venue s'ajouter, tout au long de l'année, la perturbation causée par les prélèvements de main-d' œuvre destinée au S. T. O. Nos industriels ont dû faire de véritables tours de force pour maintenir une certaine activité à leurs entreprises et il faut reconnaître qu'ils ont obtenu dans bien des cas des résultats surprenants.

Ceux-ci varient évidemment dans les différentes branches.

Des conditions particulières de situation, d'approvisionnement, d'outillage jouent en faveur de telle ou telle industrie.Mais on peut dire, d'une façon générale, que dans l'ensemble de la région, la baisse de production, qui s'est certainement aggravée au cours de 1943, n'a pas atteint les chiffres catastrophiques que l'on pouvait redouter. Les rapports des Chambres de Commerce de notre région sur la situation en cette fin d'année 1943 concordent pour mentionner l'accroissement des difficultés dues aux circonstances et la ténacité mise par les chefs d'entreprise à les surmonter.

Les branches qui paraissent les plus atteintes sont certainement les industries extractives et métallurgiques, le bâtiment, la carrosserie, la mégisserie, la ganterie, les fabriques de salaisons et de conserve de viande. D'autres se défendent mieux : la tannerie, les usines de papier et de cartonnage, la chaussure, le textile, la confiturerie et la conserverie de légumes, l'imprimerie, certaines affaires de produits chimiques. Chose surprenante : nos industries d'art : la céramique, la tapisserie ne sont pas aussi touchées qu'elles le pourraient être et entretiennent un certain courant d'affaires avec l'étranger. Nous ne voulons faire ici aucune comparaison avec les résultats de la dernière année normale : disons simplement que la baisse est très sensible mais jusqu'ici supportable dans la plupart des cas. Néanmoins l'avenir immédiat reste très sombre.

Toute aggravation des réapprovisionnements, des transports, de la main-d' œuvre risque d'avoir des conséquences fatales et d'entraîner des fermetures, évitées jusqu'ici de justesse.

Et cependant nos industries sont moins atteintes que celles de beaucoup d'autres régions. C'est là une conséquence heureuse de notre situation géographique,de la douceur de notre climat, de la fertilité de notre sol et des incomparables qualités de nos patrons, ouvriers, artisans et cultivateurs : tenaces, durs au

travail, laborieux, économes et patients. Il serait désastreux que tant d'efforts accomplis depuis quatre ans pour maintenir, réduite certes, notre vie économique, soient perdus.

TRANSPORTS

P

AR sa situation géographique de plaque tournante au milieu de la France, au croisement des deux grandes artères

Paris-Pyrénées et Suisse-Océan, notre région était merveilleusement desservie par le rail et par la route. Les express Paris-Limoges faisaient le trajet en quatre heures sans arrêt ; Bordeaux était à trois heures de la capitale du Limousin.

Un service général d'autorails la reliant à Périgueux, Châteauroux, Brive, Tulle, Guéret, Angoulême, dans des temps variant de une à deux heures, était à la veille d'être établi. On devine les conséquences de la suppression de la plupart des trains.

Un important réseau de transports routiers complétait cette organisation. Il n'est pas besoin d'insister sur son état actuel et sur la gêne extrême que la suppression des principales lignes a fait subir au commerce et à l'industrie de toute la région.

Formulons le vœu que la situation ne s'aggrave pas plus, sans quoi ce serait l'asphyxie de toute notre province.

BANQUES

L

ABONDANCE des capitaux résultant de la multiplication des signes monétaires et des difficultés de réinvestissements en

marchandises s'est manifestée dans notre région comme dans toutes les autres parties de la France. Elle s'est révélée par l'afflux des disponibilités dans les caisses d'épargne et les banques, bien qu'à un rythme moins accentué qu'au cours des années 1941 et 1942. Les placements immobiliers, toujours recherchés, se sont raréfiés et on constate partout, mais surtout en Dordogne, un moins grand empressement dans l'achat à tout prix des propriétés rurales importantes. Les souscriptions aux émissions diverses des collectivités et des entreprises demeurent nombreuses et nos départements se classent parmi les premiers clients des valeurs du Trésor.

Les soldes créditeurs dans les banques atteignent toujours des chiffres records, mais ces capitaux en attente seront certainement insuffisants au moment de la reprise des affaires, tant seront grands alors les besoins du commerce, de l'industrie et de la construction. Aussi les établissements bancaires ont-ils déjà étudié un programme général de financement. Pour le crédit à court terme, les organismes existants, épaulés par la Banque de France, forment un mécanisme parfaitement au point. On ne saurait en dire autant pour le crédit à moyen et à long terme, où la France ne possède pas encore l'outillage bancaire adéquat.

Il est de toute nécessité de combler au plus tôt cette lacune, surtout sur le plan régional. Les modalités de la distribution du crédit à moyen et long terme exigent, en effet, une connaissance approfondie des besoins particuliers, des habitudes locales, du standing des entreprises, que des organismes régionaux dirigés par des personnalités compétentes sont plus à même de connaître et d'apprécier.

Nous savons que la question a été étudiée à Limoges. Il est désirable que les projets envisagés prennent corps sans tarder et soient réalisés dès que possible, pour que l'on ne soit pas surpris par les événements. Nous verrions très bien les organismes de la VIIe Région et les Chambres de Commerce favoriser la création d'un important établissement régional spécialisé dans le crédit à moyen et à long terme pour l'industrie et le commerce. Souhaitons,en terminant ce rapide coup d'œil, que cette mesure, qui donnerait à notre région un nouvel essor pour la reprise d'une vie normale, ne reste pas à sommeiller dans les cartons. Nos économistes, nos industriels et nos commerçants, à la fois si réalisateurs et si prudents, se doivent de donner ici encore l'exemple.

PAUL BROUSSE.


L'année littéraire en Limousin

Paul Valéry, dans l'un de ses ouvrages (1), imagine la disparition d'une matière dont tout le prix n'apparaît point, en temps

normal : le papier, réceptacle des titres, des traités et des actes, et, surtout, support et véhicule de la pensée : « Voici, dit-il, toute la vie sociale foudroyée. Chacun se sent aussitôt réduit à sa sphère immédiate de perception et d'action.

L'avenir et le passé se resserrent prodigieusement; nous sommes réduits au rayon des sens et de nos actions directes. »

Paroles dont nous pouvons mesurer la profondeur au trouble océasionné dans notre vie, sinon par la disparition, du moins par la raréfaction du produit précieux. C'est cette pénurie qui conditionne, aujourd'hui, la production littéraire. Que d'œuvres dorment dans les classeurs des maisons d'édition, pour des raisons matérielles dont nous avons durement appris à ne plus sous-estimer l'importance !

Malgré cette déplorable disette, l'année 1943, en Limoùsin, a vu éclore de nombreux ouvrages dont la diversité défie toute tentative de synthèse. Disons pourtant, — afin de céder à cette tendance de l'esprit qui consiste à tenter de dégager, tant bien que mal, des règles et des lois, — qu'il semble qu'on assiste actuellement à une large révision des valeurs spirituelles et morales entreprise sous le signe d'un retour au sens des réalités.

La littérature dite « mondaine» a cédé la place aux essais, aux études. Le roman lui-même est influencé par les contingences immédiates. L'instinct de la conservation éloigne l'esprit des spéculations trop subtiles et de la recherche d'un pittoresque artificiel. Nous faisons une cure de concret.

Ouvrages consacrés au terroir Les ouvrages consacrés au terroir ont particulièrement retenu notre attention. Chacun de ceux que nous citons, — faute de mieux, dans le cadre d'une étude aussi courte, — se recommande par l'étendue et la profondeur de sa documentation et un très louable souci d'éclairer un aspect de la réalité vivante de notre province.

* * * -

Voici d'abord l'Initiation aux Etudes d'Histoire et de Géographie régionales du Limousin, où M. Antoine Perrier a méthodiquement présenté une série de conseils qui s'adressent aux éducateurs, et dont l'utilité est incontestable.

Dans son Bugeaud, M. Édouard de Lamaze fait revivre avec talent la belle figure du grand soldat, du colonisateur, du gentilhomme campagnard. Et il appartenait à M. Joseph Nouaillac, l'éminent historien, de nous doter du grand ouvrage synthétique que nous attendions : son Histoire du Limousin et de la Marche limousine, qui vient de paraître, a reçu un accueil enthousiaste du grand public comme des lettrés.

Les écrivains du Bas-Limousin ont, eux aussi, fait preuve d'une activité méritoire.

M. Pierre Chapelle, dans son Esquisse d'Economie régionale : le bassin de Brive en Limousin, thèse de doctorat en droit qui a été honorée d'un prix de l'Université de Toulouse, a brossé le panorama du passé historique et de la vie industrielle de cette région. Livre savant, complété par de nombreuses références bibliographiques.

M. Jean Faucher a apporté une intéressante contribution à l'histoire de la Corrèze dans sa brochure : Une Justice ducale, La Sénéchaussée d'Ussel. —

Le Journal d'Antoine Clavières, par R. Rohmer, livre de raison du sénéchal

(1) Variété III, p. 235-237. (Edit. Gallimard, Paris, 1936)

de la vicomté de Turenne, contient des détails savoureux sur la vie au xvile siècle, et M. Louis de Nussac, avec son Marquis de Saint-Aulaire.

a donné le jour à une œuvre d'aimable

érudition où abondent les traits et les textes inédits. Enfin, M. Robert Trieu a publié une remarquable thèse de doctorat en pharmacie : Contribution à l'étude du gouffre de Padirac, Œuvre scientifique, mais attrayante, dans laquelle l'auteur s'est penché sur un triple mystère : géologique, biologique et bactériologique.

Des romans et des contes Et voici des méditations, des romans et des contes.

L'ouvrage du professeur Léon Binet : Cent pas autour de ma maison, - cette maison est située en plein pays creusois, — est une œuvre à la fois familière et poétique, mais nourrie de profondes observations sur les animaux, la nature. Elle nous conduit vers les plus hauts sommets, avec une souriante bonhomie.

Noël Sabord, dans son roman Fontbrune, évoque avec puissance le proche passé du Périgord noir, et Mme Chabrier nous guide : A travers le folklore périgourdin, en reconstituant habilement des récits populaires. Pierre Fanlac, — un vrai jeune, — présente, dans Les Grands Chemins sous la lune, des contes un peu brefs, mais évocateurs et écrits avec infiniment de soin tandis que l'Affaire de Bressac a inspiré à M. M.-P. Rollin un roman policier très vivant, dans le cadre d'une Corrèze qu'il connaît et qu'il aime.

Le Marchand de rêves, de Marcel Travers, contes et nouvelles, fait valoir une plume alerte et une inspiration variée.

N'oublions ni la Retraite de don Juan, d'André Meynieux, « petit paradoxe dialogué sur le problème du couple», plein de promesses, ni Le Crime de M. Le Pan, roman de René Brailles, — un Limousin d'adoption, — où se révèle l'épanouissement d'un talent de conteur cruel qu'avaient déjà apprécié les nombreux lecteurs de Drôle de guerre, un recueil de nouvelles paru l'an dernier.

Mentionnons que le succès du grand roman d'aventures de Robert Margerit : L'Ile des Perroquets, a été en s'affirmant.

Poètes et Philosoplles Il y a aussi des poètes, en Limousin.

La Flamme qui vole, d'Albert Pestour, recueil de strophes vibrantes d'espérance et de foi, est l'œuvre très émouvante d'un grand poète,maître de son lyrisme, de sa plume et de sa pensée.

Nous aurions mauvaise grâce à passer sous silence ces Pensées errantes où Gilbert Lefort exprime, sous une forme poétique traditionnelle, les immenses espoirs, — toujours déçus, hélas! — d'une ardente jeunesse.

Quant à Georges-Emmanuel Clancier, dont le très beau roman : Quadrille sur la tour, a obtenu les suffrages les plus flatteurs, il marche délibérément hors des sentiers battus, dans Le Temps des Héros, On évoque, parmi les rudes chevauchées de ces thèmes apocalyptiques, ce flot d'admirables images et ces coups de sonde dans l'inconscient, les larges mouvements symphoniques de l'œuvre claudélienne et l'efficacité verbale de Paul Valéry.

Dans la Philosophie sociale et politique du Maréchal Pétain, M. F. Alengry recteur honoraire de l'Université de Besançon, a exposé les grands principes d'une rénovation française. Son bel ouvrage contient un répertoire des, messages et documents, de juin 1940 à juin 1942, et se termine par une remarquable étude de droit constitutionnel.

L'universitaire distingué qu'est M. L.-P. Renaud a réussi à réunir dans un ouvrage destiné aux enfants : Notre Morale, Servir, tous les éléments d'une éthique appropriée aux besoins de l'âme française. Ce livre sert la cause du pays et la grande cause humaine avec efficacité et modestie, sans l'ombre de ce stoïcisme outré et rébarbatif dont Pascal et La Bruyère ont fait justice.

Signalons, pour en finir avec les ouvrages d'auteurs limousins, parus en 1943, un pénétrant essai de Raymond d'Étiveaud : Le Démon du Crépuscule, dans lequel l'auteur d'Une Jeunesse et de Léonie Nardot a étudié, avec une audace toute colorée de compréhension fraternelle, les réactions morales Ide l'homme mûr et jeté les bases d'une hygiène spirituelle à l'usage des « plus de 45 ans ». C'est l'œuvre d'un clinicien de l'âme, conçue dans un style d'une pureté classique.


LA PETITE HISTOIRE DE PÉRIGUEUX Sur un livre d hier, dernière œuvre du majoral Robert Benoît M. M. M.

Il a paru à la veille même de cette guerre aux Editions du Syndicat d'Initiative de Périgueux. Et voici comment Jean Secret nous les présente.

Robert Benoit n'a pas eu la prétention d'écrire une histoire complète et méthodique de Périgueux : d'autres l'ont fait, d'autres le feront. Ce qu'il a voulu, c'est nous faire entrer dans l'intimité de la ville, nous la faire connaître plus profondément, nous restituer sa physionomie vivante, nous rappeler que les vieilles maisons parlent à qui sait les écouter, que ces rues, qui sont le cadre de notre vie quotidienne et qui ont par ce fait émoussé notre faculté de curiosité et d'étonnement, ont une vie, une personnalité, un état civil, une âme.

Mais dans ce raccourci d'histoire que présente Périgueux, comment se reconnaître 1 Comment retrouver le passé dans ce présent qui retouche, utilise, transforme tout et, trop souvent, détruit? Comment saisir le sens de cette vaste fresque dont certaines figures ont été calcinées par la flamme, pulvérisées par les guerres, dont certaines autres ont perdu, avec le temps, leur modelé, leur relief, leurs coloris éclatants pour se revêtir d'une uniforme patine de grisaille?

Société de Conférences et Radio Afin d'achever le tour de l'activité littéraire de notre région, rendons hommage à l'initiative de sociétés de conférences limousines.

Le Cercle Bugeaud nous a fait entendre M. de la Pradelle, directeur de l'Institut de Droit international, et le Comte de Saint-Aulaire, qui a donné, de l'action du régionalisme, cette saisissante définition : « laisser le champ libre aux forces intérieures les plus saines ». — Les Soirées limousines, elles, nous ont fait applaudir MM. Plisnier (le dernier Prix Goncourt), Marc Bernard, René Benjamin, Luc Estang, Jérôme Tharaud, J. de la Varende, Bernard Frank. — M. le Dr Jouhaud a consacré une causerie technique, historique et artistique au Renouveau de l'Email limousin, beau sujet qu'il a traité avec toute son autorité d'artiste et d'érudit.

Devant le micro de Limoges-National qu'anime si bien Jean Dorsannes, M. Paul Brousse, directeur de Notre Province, a évoqué en termes excellents la vie et l'œuvre de l'Abbé Joseph Roux, poète, moraliste et félibre.

Mme Jeanne Labesse y a présenté l'œuvre du brillant écrivain Marcel Jouhandeau, originaire de Guéret, et ses souvenirs sur André Antoine, de Limoges qui laisse au théâtre un nom considérable. Edmond Blanc, enfin, a parlé du souriant génie du Professeur d'Arsonval.

A Uzerche, sous les auspices des Veillées uzerchoises, M. Crauffon, préfet honoraire, a éloquemment proclamé son espoir en la jeunesse française, tandis qu'à Brive. le Cercle artistique et littéraire continue sa série de causeries si goûtées parmi lesquelles se détache celle donnée par M. Robert de Souza sur « Marmontel ».

Rayonnement La littérature limousine rayonne hors des frontières de la petite patrie. L'Académie française a attribué le prix de poésie Lefèvre-Doumier à M. Luc Estang, rédacteur littéraire à la Croix de Paris, qui est devenu notre compatriote, et Marcel Travers a obtenu, à Lyon, le premier prix du grand hebdomadaire pour la jeunesse Jumbo. D'autre part, M. Georges Rocal a reçu le prix Testut, sur les suffrages de la Société historique et archéologique du Péngord, pour son ouvrage : De Brumaire à Waterloo.

Malgré toutes les tristesses de l'heure, puisons dans la qualité et dans l'ampleur de l'effort accompli en 1943, en Limousin, des raisons de ne pas désespérer. La primauté du spirituel n'est point une vaine formule. Elle correspond à une réalité profonde. Puisse celle-ci reprendre ses droits dans le cadre d'une région rendue au sens de ses destinées par un souple aménagement de ses limites et par la mise en valeur méthodique et équitable de toutes ses richesses intellectuelles et morales, dont la sèche nomenclature, à laquelle nous avons dû nous borner, ci-dessus, donne, néanmoins, le schéma suggestif.

LE CRITIQUE.

M. Robert Benoit a donc tenté de reirouver la physionomie de la ville, avant de nous faire bénéficier de ses recherches. Et quel guide plus aimable que lui?

Il nous conduit sans pédanterie du Toulon à Saint-Georges, de rues en venelles, esquissant quelques remarques ironiques ou plaisantes, cueillant une anecdote ou une étymologie cocasse, contant une piquante historiette ; et l'on est à la fois charmé et ravi de découvrir tant de choses en sa souriante compagnie.

JEAN SECRET.

LE GARDE CHAMPÊTRE Les archives municipales du 14 prairial, an 4 (2 juin 1796) annoncent la nomination du premier garde-champêtre de la ville. Il s'appelait Lehèvre et il gagnait 400 francs par an.

Son service laissait sans doute à désirer puisque nous trouvons en 1809 que le nommé Brigaud, après quatorze ans de service à la 93 demi-brigade de Périgueux, se nomme luimême garde-champêtre de la ville qui comptait alors moins de sept mille habitants.

Personne ne l'a nommé, il n'a rien demandé, il n'a fait aucune démarche : il s'est imposé tout simplement.

Est-il possible qu'un homme s'impose ainsi à une munici palité, à une population? Est-il possible de pouvoir exercer une fonction rétribuée sans avoir une lettre de service? Est-il possible de verbaliser sans être investi d'un pouvoir spécial ?

Est-il possible, sans mandat d'aucune sorte, de faire la police des rues, de régler la circulation et de conduire au violon les récalcitrants ?

Est-il possible qu'une municipalité, durant une période de huit années, serve chaque mois des appointements à un simple particulier qui ne figure pas sur les registres municipaux?

Eh bien! oui, c'est possible. Ce fait certainement unique en France, extraordinaire, hilarant, s'est passé à Périgueux de par la volonté et l'énergie d'un illettré qui était un homme!

Pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire l'arrêté ci-dessous, du 8 septembre 1817, de M. le marquis d'Abzac, maire de Périgueux : « Le maire de Périgueux, considérant que le nommé Christophe Brigaud exerce les fonctions de garde-champêtre dans cette commune depuis le mois de décembre 1809 et qu'il reçoit un salaire en conséquence, sans qu'il paraisse qu'il ait reçu jusqu'ici ni commission ni nomination écrite, « Considérant qu'il importe qu'un acte émané de la mairie lui conserve le droit d'exercer les fonctions dont il s'agit, « Arrête que le dit sieur Brigaud est nommé garde-champêtre pour la commune de Périgueux ; qu'il est autorisé à en exercer les fonctions en se conformant aux lois et règlements, et qu'il jouira, comme par le passé, du salaire y attaché. »

Brigaud a fait Brigou en Périgordin. Il a exercé un pouvoir tellement étendu durant ses longues années de service, il a si bien terrorisé les malandrins, contrecarré les meneurs, maté les mutins et serré de près les révoltés, que son nom est devenu après sa mort synonyme d'agent de police. Un brigou était un agent de police dans tous les quartiers de la ville. Si, actuel lement, cette appellation se perd un peu dans le centre, elle est restée bien vivante dans le quartier des rues Neuves.

Brigaud Christophe était né à Bedde (Cher), le 13 décembre 1773. Il est décédé à Périgueux, rue Hiéras, le 2 juin 1853, à l'âge de 80 ans. En dépit de son grand âye, il n'avait cessé d'exercer ses fonctions. Nommé garde-champêtre de par sa volonté, la mort seule a été capable de le limoger.

ROBERT BENOIT.


LA VIE PROVINCIALE

A LA PRÉFECTURE RÉGIONALE

Le Père Noël a parlé aux enfants.

et Monsieur le Préfet aussi.

c c o

Les mercredi et jeudi qui précédèrent Noël il y eut grande fête pour les enfants dans les salons de la Préfecture régionale. Le père Noël, un authentique père Noël à longue barbe, en » robe 1 de bure et

capuchon, chargé d'une hotte pleine de jouets, était un peu en avance. Nous en verrons la raison dans le charmant impromptu composé pour la circonstance par Mlle J.-M. Delord : « Le Père Noël parle aux enfants ». Le père Noël (incarné à titre exceptionnel et provisoire par M. Bardet) s'exprima en ces termes : Oui, j'arrive du Ciel, mes chers petits enfants.

Voici un an déjà, que glissant dans l'espace, Ayant sur mon épaule installé ma besace, Pour la première fois je m'arrêtais céans.

Me voici de nouveau. J'ai devancé la date De trois jours. D'être exact cependant je me flatte.

Mais, hélas ! mon pauvre âne étant très enrhumé, J'ai dû partir plus tôt, pour être tôt rentré, Et j'ai voulu, par vous, commencer le voyage.

Je veux d'abord savoir si chacun fut bien sage., Et, fronçant le sourcil, il posa aux parents la question indiscrète et traditionnelle : Ont-ils su leurs leçon ? Ont-ils fermé les yeux Le soir, quand est passé certain marchand de sable?

Ont-ils su renoncer à tel jeu redoutable Où se rompre le cou est l'enjeu quotidien?

Ont-ils laissé en paix le minet et le chien?

Ont-ils su, en tous lieux, montrer bon caractère?

Et se sont-ils déjà penchés sur la misère, Pour un geste, un sourire, en lui tendant la main?

Les parents, comme chacun pense, n'ont rien répondu (avaient-ils été bien sages eux-mêmes ?.) et le Père Noël, en homme du monde, se refuse à les embarrasser davantage :Mais Parents indulgents, vous gardez le silence.

Ce que mon petit doigt m'avait dit à l'avance Sur mille et un méfaits d'un joyeux diablotin, S'efface aussi. D'ailleurs l'année touche à sa fin, Et comptant, l'an prochain, sur la grande sagesse, Je laisse maintenant la place à l'allégresse.

Et l'allégresse vint avec le lever du rideau, laissant apparaître un grand sapin scintillant, aux branches étoilées de mille objets : le Service des Œuvres sociales de la Préfecture offrait sa fête annuelle. Une matinée artistique précéda la distribution des jouets et des friandises.

Un corps de ballet constitué par les gracieuses fillettes, élèves de l'Ecole Sohm, évolua pour le

ravissement des spectateurs. Mlle Mochel et M. Gravier y dansèrent fort élégamment le Menuet de Mozart. Mlle Mochel y perdit le premier jour un de ses souliers et dansa sans s'émouvoir avec un pied nu.

On vit et entendit des élèves de l'école Sohm : Mlles Thébault, Dany Diva, Mmes Sohm et Bohe, et MM. Gravier, Gstalter, Riff, Châteaureynaud, Beyle et Vivet.

Le programme était d'ailleurs fort copieux : chants russes de Lalo, Sarabande de Gounod, le Pas des deux pigeons de Messager, le Prince au Bois dormant de Jean Nohain, des valses de Strauss et le Spectre de la Ros de Weber par Mme Sohm et Dany Diva.

Les clowns Pif et Paf apportèrent la note comique qui convenait et le rideau retomba sur les rires, en ouvrant les appétits., car l'heure du goûter avait sonné.

A ce moment, M. Freund-Valade, préfet régional, prononça l'allocution que voici :

MES ENFANTS,

Le préfet régional et Mme Freund- Valade sont heureux de vous voir réunis dans cette salle des fêtes que le deuil de la patrie meurtrie a close et qui ne s'ouvre plus que pour vous.

Noël, en vous rassemblant ici autour de l'arbre symbolique, permet au gouvernement, en vous faisant plaisir, de témoigner toute sa reconnaissance à vos parents qui, à des postes divers, travaillent à assurer le fonctionnement des organes vitaux de la région.

Merci à tous ceux qui m'aident dans une tâche lourde, trop souvent incomprise et qui, dans l'immense catastrophe qui a frappé notre pay., a uniquement pour but de protéger les populations confiées à ma garde, de leur éviter des malheurs plus grands encore et de maintenir, dans toute la mesure du possible, la primauté de l'autorité française.

Mais c'est à vous principalement mes enfants, que vont aujourd'hui mes pensées. Devant tant de gentilles frimousses, devant votre belle joie en présence du sapin de lumière, et des attractions dont nous avons cherché à l'entourer, un réconfort naît, que ne peut effacer la tristesse d' heures sombres.

On a toujours des raisons de lutter, de vivre, de « tenir » quand on a sous les yeux votre vibrante jeunesse et votre élan vers la vie.

Mais si le père Noël vous a, tout à l'heure, demandé de prendre de belles résolutions au seuil de l'année nouvelle, c'est que nous attachons tous une grande importance à votre sagesse.

Vous aussi, mes enfants, vous avez votre rôle à jouer dans la résurrection de notre pays. Et il n'est pas trop tôt pour commencer à vous y préparer.

C'est dès l'enfance que se prennent les bonnes habitudes de discipline qui permettent, par la suite, de mettre

en valeur ses qualités personnelles pour le plus grand bien de tous : de la famille d'abord, de la patrie ensuite.

Il ne s'agit pas, bien loin de là, de vous condamner à une enfance austère. Au contraire, nous voulons vous voir vous épanouir et goûter tous les bonheurs de votre âge. Cependant le côté moral trop négligé dans l'éducation des générations qui vous ont précédés, doit reprendre sa place, qui est la première.

Vos parents et vos maîtres y songent, certes.

Mais il faut que vous facilitiez leur tâche par plus de compréhension et d'obéissance. C'est pour vous une question d'intelligence et de volonté. ( Vous voyez que je vous parle comme à de grandes personnes.) De notre côté nous avons à cœur de vous aider dans vos premières foulées vers la vie. Ici, le service des Œuvres sociales intervient avec efficacité. Ce n'est pas seulement pour soulager vos parents qu'ont été créées les colonies de vacances et les garderies. C'est une façon de vous faire connaître de nouveaux horizons, des idées nouvelles, des goûts nouveaux.

Les unes et les autres s'ingénient à éveiller ou à accroître en vous le sens de la communauté, de la discipline joyeusement consentie pour la réussite ae l'œuvre entreprise. Lorsqu'on vous apprend à chanter, à mimer ensemble, vous savez que si l'un d'entre vous se refusait à faire ce qui lui est demandé, il y aurait aussitôt trouble ou cacophonie. C'est l'image même de la société où vous êtes appelés à tenir votre place.

Matériellement, nous nous efforçons aussi, de vous aider en vous assurant, par l'intermédiaire de nos œuvres d'entraide, les meilleures conditions possibles en l'état actuel des choses. Goûters, promenades, jeux dans des locaux que nous espérons mi eux encore aménager, section spécialement réservée aux jeunes dans la bibliothèque ouverte à tous, cours de langues pour les plus âgés d'entre vous, exercices pratiques ménagers pour les petites filles, que sais-je encore.

Quant aux joues roses et aux bons mollets obtenus après les séjours en colonies, ils témoignent éloquemment des bons soins qui vous y furent dispensés.

Le Service des Œuvres sociales veut être le gardien vigilant de l'enfance, et lui réserve une place de choix dans ses préoccupations de toutes sortes. Je lui fais confiance pour continuer sa mission, et veux remercier et louer, devant vous tous, ceux qui, sous l'impulsion de M. Tournier et de Mme Brac, ont collaboré à l'organisation ainsi qu'à la réussite de cette fête.

Je me réjouis une fois encore qu'elle ait été pour moi l'occasion de vous connaître, et d'avoir pu vous réunir dans cette préfecture qui n'a, hélas ! que trop rarement l'habitude de voir en ses murs tant de gentille bonne humeur et de grâce enfantine.

Et je souhaite à tous, malgré les malheurs présents, un joyeux Noël.

1T 11 Aux côtés de M. et Mme Freund-Valade, à qui revient la généreuse initiative de cette fête, avaient pris place, aux premiers rangs de l'assistance : M. Chabrier, directeur du cabinet de M. le Préfet régional, et Mme ; M. Canat de Chizy, inspecteur général des Finances, et MmC > M. Mante, président du Conseil de préfecture; M. Courbet de Champrouge, trésorier-payeur général ; M Louvet, directeur régional des ststistiques ; M. Janicot, du contrôle économique, et diverses autres personnalités.


Fin d'année l'Aéro-Club

L'aéromodelisme en Limousin L'Aéro-Club du Limousin, a distribué en décembre au cours d'une brillante réunion, les diplômes consacrant les connaissances des jeunes modelistes présentés par M. Breuil leur professeur en matière de modèles réduits.

Nous ne saurions mieux faire pour fixer l'atmosphère de cette séance, que de rapporter ici l'allocution du Président de l'Aéro-Club, M. Edmond Charles-Lavauzelle dont chacun apprécie la compétence, l'amabilité et l'inlassable dévouement, dans une mission aussi noble que délicate.

« Je suis heureux de saluer au siège de l'Aéro-Club du Limousin le représentant dans notre département de M. le Commissaire général aux Sports, le Commandant Tabouis, qui met au service de notre région sa haute compétence et son intelligente activité.

Au moment où la direction de l'Education générale aux Sports vient de préciser par une circulaire la part qui pouvait être réservée à l'aéromodélisme dans les activités d'éducation générale, je me réjouis également de voir à cette réunion M. l'Inspecteur d'Académie et les représentants de nos grands établissements d'enseignement. La présence ici de M. Delaigue, inspecteur d'Académie témoigne de l'intérêt qu'il porte à notre œuvre, et nous sommes certains que l'appui qu'il veut bien nous accorder, lui assurera un nouvel essor.

Je ne sais si cette circulaire que j'évoquais tout à l'heure, circulaire qui date du 30-10 et qui devait être adressée dans un délai réduit aux chefs d'établissements, est actuellement entre leurs mains. Quoi qu'il en soit, nous devons nous féliciter des dispositions qu'elle contient. Mais nous n'oublierons pas cependant que M. Storck, au lycée Gay-Lussac, M. Morizot à l'Ecole nationale professionnelle, M. Peyrat à l'Ecole d'Application, avaient bien voulu, l'année dernière déjà, accueillir nos suggestions et nous permettre d'organiser des sections de modèles réduits. Je vous assure qu'il est réconfortant de rencontrer sur sa route des hommes à l'esprit large, compréhensifs, que ne rebutent point les horizons nouveaux. En leur exprimant notre reconnaissance, je n'aurais garde d'oublier leurs collaborateurs, dont l'aide nous est si précieuse, MM. Joliet, professeur de sciences au lycée et Ribardière surveillant général à l'Ecole nationale professionnelle.

Depuis l'année dernière également notre section de modèles réduits du Centre d'apprentissage de l'Air nous a donné de grandes satisfactions; là encore on retrouve l'empreinte de la direction avisée et ferme du Capitaine Dournelles qui toujours nous a réservé l'accueil le plus large.

C'est ainsi, que grâce à une heureuse collaboration avec nos établissements d'éducation, nous avons pu mener à bien notre tâche et obtenir des résultats très satisfaisants ainsi qu'en témoignent les diplômes que nous avons à remettre ce soir.

Mes amis, vous êtes de ceux qui, passionnés par l'aviation, se sont consacrés à ce qui nous reste d'elle : « La construction du modèle réduit ». Du modèle réduit nous avons tout dit : donnant à ceux qui le pratiquent, le goût du travail bien fait, il les familiarise avec les notions aériennes élémentaires, et le Colonel Pascot, commissaire général aux sports, pouvait écrire il y a peu de temps, que le modèle réduit, école d'ingéniosité et de science, source de joies profondes, mettait les jeunes en contact avec la nature et ses sciences, mathématiques, physique, mécanique.

Professeurs et instituteurs — ajoutait-il - doivent apprécier la valeur de ce nouveau moyen d action pédagogique et lui donner sa place dans les programmes d'éducation générale.

Mes amis, je conçois votre désir de devenir membres de la Famille aérienne ; vos aspirations se confondent avec les besoins futurs du pays.

CORRÈZE

Un grand évêque de Tulle Pour l'Immaculée Conception, après les vêpres solennelles, a été inauguré à la cathédrale le monument consacré à la mémoire de Mgr Berteaud, le grand « évêque d'autrefois», qui a laissé dans le cœur du peuple un souvenir impérissable. C'est un bas-relief, œuvre remarquable du sculpteur Feltain où apparaît très vivante la figure austère et douce du pasteur, avant que la vieillesse ne l'eût trop marquée. Son Excellence Mgr Chassaigne, avant de bénir ce témoignage de fidélité d'une ville qui a tenu à honneur il y a quelques mois de donner son nom à sa plus belle place, a annoncé, devant une nombreuse assistance, la promotion de cinq nouveaux chanoines et lu le télégramme reçu du nonce apportant la bénédiction apostolique à Mgr Maschat, doyen vénéré du clergé corrézien, le dernier des prêtres ordonnés par Mgr Berteaud.

Léonard Berteaud, né à Limoges, d'une modeste et vieille famille, évêque de Tulle de 1842 à 1879, un des prélats les plus savants et les plus éloquents de son siècle, bien qu'il n'ait laissé que des canevas de ses sermons.

« Ce pasteur d'autrefois, a écrit M. Nouaillac, ce saint des vieux âges, dépaysé en son siècle, qui tenait d'un saint Grégoire et d'un Vincent de Paul, a laissé un souvenir extraordinaire dans son diocèse de Tulle auquel il a été « marié » pendant trente-six ans. Il était infiniment bon et charitable.

Il aimait et excellait par-dessus tout les paysans auxquels il disait : « Vous êtes nobles et beaux, vous êtes comme des dieux» et il voulait qu'on leur parlât dans leur langue.

Sa pensée, nourrie de théologie, et d'une forme très poétique, très colorée, était semblable, comme a dit Louis Veuiilot, à un chant sans fin, un discours des magnificences de l'amour de Dieu.

G

La peinture à Tulle Marinette MATHIEU L'exposition ouverte du 9 au 18 décembre de quarante-quatre tableaux de Marinette Mathieu, à la Galerie Coste, avenue Victor-Hugo, a eu le même succès que l'an passé, où nous fut révélé le talent si jeune, si robuste et si personnel de certe artiste tulliste.

On y a admiré des natures mortes, à la manière consistante de Cézanne, des portraits et des intérieurs d'une sérénité de rêve, quelques copies de Delacroix et de Véronèse d'une étonnante vigueur et surtout des paysages : bord de l'Allier en Auvergne,campagne tulloise, campagne d'Objat.

Ces paysages où une grande douceur de coloris s'allie à la fermeté du trait, respirent une sorte d'ingénuité tendre et de rêverie poétique. Des arbres, des eaux claires, un pré, un champ de blé, un chemin rural, quelques toits campagnards, c'est très simple et très beau, c'est assez pour se sentir une âme fraîche, neuve, apaisée dans le calme du matin ou du soir, dans la douceur allègre du printemps ou mélancolique de l'automne, une âme de Bucoliques et de Géorgiques.

Il faut, en effet, que notre France qui, grâce aux efforts et à l'héroïsme de nos pionniers, fut vraiment le berceau de l'Aviation, puisse reprendre sa place dans le monde ; malgré nos malheurs efforçons-nous en effet d'espérer. Notre passé aérien est assez riche pour que nous y puisions de larges motifs d'espérance.

C' est vous qui participerez à la renaissance de nos Ailes pour un temps brisées, mais que vous saurez déployer à nouveau, je n'en doute pas, lorsque sera enfin libéré notre Ciel. »

CREUSE

Le « Turlututu » Ce vocable espiègle et gai a été adopté par notre confrère La Creuse pour désigner son nouveau supplément littéraire et artistique.

Le Turlututu sera désormais le trait d'union mensuel de la Marche limousine avec ses élites et son ambassadeur auprès des élites intellectuelles françaises.

L'idée nous semble excellente. Un bon journal doit offrir à ses lecteurs autre chose que les informations décevantes et monotones des fronts de bataille d'un univers détraqué ou les récits des tristes exploits des terroristes.

Un bon journal doit nourrir l'esprit de ses lecteurs et il est heureux qu'on y songe en ces temps où le régionalisme connaît une exceptionnelle faveur. Il est heureux qu'on secoue aussi la torpeur de tant d'indifférents qui n'ont pas encore compris qu'ils trouveraient dans une vie provinciale régénérée, beaucoup de consolations et d'espoirs.

On se plaint que Paris attire à lui, aspire même toutes les élites des provinces. La faute en est au public qui dédaigne ou ignore les valeurs locales pour courir à Paris acclamer les Maurice Chevalier et autres ridicules seigneurs d'une popularité facile qui en a fait pour la France des soi-disant « ambassadeurs» propres à donner à l'étranger une singulière idée du « génie » français.

Il y a en province un noyau d'écrivains, d artistes et de savants de valeur. Il faut saluer leur talent et répandre au dehors leur notoriété. Il faut les découvrir avant Paris, ce qui est bien la moindre des choses et les faire connaître à l'intérieur comme à l'extérieur de la province, faute de quoi la province ne sortira jamais de la pauvreté et de la mollesse intellectuelles où elle croupit depuis si longtemps.

Tel est le but que se propose le Turlututu, supplément de La Creuse, qu'animê M. François Pradelle.

Nous ne saurions trop approuver cet effort.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE DÉCEMBRE Editorial. — Les Ecrivains français d'hier et d'aujourd'hui originaires de la Marche. — La Vie intellectuelle, par Raymond MILLET. — Un grand écrivain français Georges-Marie Prousse, par Georges ROZEILLE. — Le Turlututu, chanson limousine et marchoise. — La Fiancée offerte, par François PRADELLE. — A travers les revues. -

Carnet critique, etc.

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Vigeois a pour maire UNE DEMOISELLE

A la suite de la démission, pour raison de santé, de M. Lardet, Mlle Bouchemousse a été chargée des fonctions de maire de la petite ville de Vigeois, près de Brive.

Agée d'une cinquantaine d'années environ, Mlle Bouchemousse est agrégée de lettres et docteur en philosophie. Elle a professé pendant une dizaine d'années dans divers établissements de l'État, puis a été, à partir de 1924, la dévouée collaboratrice du général de Castelnau à la « Fédération nationale Catholique ».

Son adjoint à la mairie est M. du Basty, directeur honoraire de la Banque de France.

Avec de tels magistrats municipaux Vigeois, notre charmante voisine, ne peut être que bien administrée.

N. P.

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