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Titre : L'Ambulance / Croix verte

Auteur : Croix verte. Auteur du texte

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1917-07-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34457768w

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34457768w/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : Nombre total de vues : 572

Description : 01 juillet 1917

Description : 1917/07/01 (A3,N43).

Description : Collection numérique : Documents consacrés à la Première Guerre mondiale

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k65443743

Source : L'Argonnaute (La Contemporaine), 2013-189957

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 30/09/2013

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tue, PUPILLES LA CROIX VERTE RÉFUGIÉS Toute Quête est rigoureusement interdite aux Vendeuses


ASSOCIATION DES

ŒUVRES DE LA CROIX-VERTE .———————————————————

SIÈGE SOCIAL : 6, RUE SCHŒLCHER, 6, PARIS XIVe) BUREAUX : Gare Montparnasse, de 14 à 18 heures Fondée en 1914 par M. et Mme ÉMIL&BAYARD et Mme F. MON Bf OR Y

Sous le haut patronage de M RAyMOND POINCARE, Président de la République

COMITÉ D'HONNEUR M. PAUL PAINLLN7E, Membre de l'InaUtut, Ministre dt la Guerre M. Th. STEEG, Ministre de l' Instruction publique et des Beaux-Arts M. Fernand DAVID, Ministre de l' Agriculture

MM H. ACOLLAS, conseiller référendaire à la Cour des comptes.

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D BKTHMONT, conseiller référendaire honoraire à la Cour des comptes.

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CABART DANNEVILLE, sénateur.

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MM. L. DABAT, conseiller d'Etat, iirecteur général des Eaux et Forêts DECKER-DAVID, sénateur.

DELANNEY, préfet de la Seine.

Mme la générale GRÙSSETTI.

Mme Jules FAVRE.

Maurice de FLEURY, membre de l'Académie de Médecine.

HERBET, avocat à la Cour d'appel, maire du VI* arrondissement.

J.-P. LAURENS, membre de l'Académie des Beaux-Arts.

Emile LAURENT, préfet de police.

LEFEVRE-PONTALIS, professeur à l'Ecole des Chartres.

MARCHAL, membre de l'Académie des Sciences.

LEVY-DHURMER, peintre.

A. MITHOUARD, président du Conseil municipal de Paris.

Comte de MOUY, ambassadeur de France,Docteur PESCHAUD, sénateur.

Stephen PICIION, sénateur, ancien ministre et Madame Stephen PICHON.

P. RAMEIL, députe A. RATIER, sénateur, ancien ministre.

Gustave RIVET, Questeur du Sénat.

ROLL, président de la Société national des Beaux-Arts.

J.-H ROSNY Aîné, de l'Académie GOD"ourt.

Camille de SAINTE-CROIX.

STRAUSS, sénateur.

Paul VIDAL, compositeur de musique

COMITÉ CENTRAL IDIRECTEUR Président : M. EMILE BATARD, Inspecteur au ministère des Beaux-Arts Vlae-Présldsnt : M. Oh. LIZARS, Artiste Peintre. Secrétaire général : M. Georges CAYC. sous-chef au ml viao-Préoldonte : Mme F. STEEG. nistère de l'Agriculture Trésorière générale : Mme F. MONMORY.

Mmes EMILE-BAYARD, A. CAYE, Almée LACOUR et J. FAVRE.

MM. J. OOURNAND et Emile PEYNOT, statuaire, professeur à l'Ecole nationale supérieure deb Heanx Arts

Délégué général : M. R. ACOLLAS, conseiller référendaire à la Cour des Comptes.

DONS POUR LA CROIX-VERTE

Les dona en nature sont reçus : A la gare de Paris-Montparnasse, pour *4 qui concerne l'Aeauall aux Blessés (vibres, médicaments), et le Vestiaire du Sol- «t (tricota, cache-nez et autres lainages t'nur les militaires).

11, rue du Vllux-Golombler, Parla, pour eo qui concerne le Vestiaire de la Orolx-

Verte et la Reconstitution du Foyer (vêtements, linge pour hommes, femmes et enfants. meubles, vaisselle, etc.).

Les dons en espèces doivent être adressés à la Trésorière générale ou à l'Agence A. V., du Orédit Lyonnais, t, plats de Rennes, Paris.

Nota-Bane. — Un procès-verbal est dressé

à chaque levée des troncs. Un reçu est d6 livré à chaque donataire. Un censeur des comptes est chargé de la vérification de la comptabilité et de la caisse de la OrolxVerte.

Voir au verso de la couverture l'énumération des divers modes d'assistance de la CROIXVERTE à Paris et en province.


SOMMAIRE

Le rituelisme de l'ivrognerie allemande Dr BÉRILLON.

Fleurs de Flandre. THÉODORE BOTREL.

En permission à « Panam ». JEAN E.-BAYARD.

La Femme Française. MARIE DE LA HIRE.

Deux Hymnes — Les Enfants de la Guerre CAMILLE DE SAINTE-CROIX.

La CROIX-VERTE.

Quacorze Juillet 1914. A. HENNEQUIN.

La Revue au Front. GUILLOT DE SAIX.

Un officier Japonais. SUZANNE SOURIOUX-PICARD.

Credo MICHEL NEY.

LE FRONT. Nos POILUS.

Haut les cœurs. M. DE BAUDRY.

Les protestants Français dans le Brandebourg. SERGE BERNSTAMM.

Contes gais. FRANCIS PELLETIER.

Les clefs de la Bastille. M. DE BuRDAY.

ECHOS DE « L'AMBULANCE ». — LES LIVRES.

--- - -- - ----- -- ---;""-w'

Le rituélisme de l'ivrognerie :::::::: allemande

par le D BÉRILLON -+@+-

En ce qui concerne l'alcoolisme et les violences qui l'accompagnent, les Allemands d'aujourd'hui ne sont pas différents de ce qu'ont été les Allemands de tous les temps.

Les traditions qui les portent à se réunir pour se livrer à d'interminables beuveries ne sont que des survivances de la mythologie germanique.

La conception de la conduite de la vie est exactement la même chez eux qu'au temps des Germains de Tacite. Elle se résume en ces mots: carnage, pillage, goinfrerie, ivresse.

Tacite nous a renseignés sur les habitudes d'ivrognerie des Germains : Boire des journées et des nuits entières, écrit-il, n'est une honte pour personne. Leur boisson est une liqueur d orge ou de froment à laquelle la fermentation donne les effets du vin.

L'histoire des anciens dieux allemands n'est qu'une série interminable de carnages, de trahisons, de saouleries et de gloutonneries.

Le plus ancien des personnages historiques cités dans les Eddas et Sagas est Ermenrich, roi des Ostrogoths, qui vi-

vait au IV" siècle. Au cours de ses accès d'ivresse, il fait déchirer sa fiancée, Swanilda, par les dents de chevaux sauvages ; il écrase sous des pierres les frères de la victime et extermine un grand nombre de ceux qui 1 approchent.

Ses fureurs alcoolique lui ont valu une gloire impérissable dans l'admiration de toute la race gothe.

Les épopées germaniques ne relatent que des récits de sang, de pillage, d'orgies où la violence sans frein s'associe à une cupidité insatiable.

Un poème dramatique, « Le Festin d'Agyr », nous fait assister à la vie familière des dieux. C'est Agyr qui leur prépare l'hydromel dont ils usent à l'excès, et l'ivresse après de longues disputes et d'interminables propos d' ivrognes, les amène à rouler sous la table.

Les scènes bachiques continueront à se dérouler pendant tout le moyen âge. La légende de Gambrinus, inventeur de la bière, sera l'inspiratrice des artistes et tous déifiront l'ivresse de la bière.

Qui ne sait ferme et sec lamper à tous moments Jamais ne passera pour un bon Allemand, lit-on sur une vignette de Josse Ammann, datée de 1588.

Le 19 mai 1539, Luther, dans un sermon véhément, s'élève contre l'habitude brutale, digne de pourceaux, de l'ivresse à laquelle s'adonnent les Allemands, se rendant la fable de toutes les nations. Mais les détails les plus circonstanciés sur le rituel de l'ivrognerie nous sont fournis par le maréchal de Grammont.

Dans un souper, chez l'électeur de Bavière, en 1646 : On y but tant de santés que tous les convives et le maître des cérémonies restèrent sous la table ivres-morts.

C'est la mode et la galanterie d'A llemagne qu'il faut prendre en bonne part quand on est avec des Allemands et qu'on a à traiter avec eux.

Dans un autre festin, en 1658, chez le comte Egon de Furstemberg, où se trouvèrent les électeurs de Mayence et de Cologne, on but bien deux ou trois mille santés ; puis, la table fut étayée, tous les électeurs dansèrent dessus ; tous les convives s'enivrèrent.

Le maréchal de Grammont nous dit que : Rien ne se rapatrie bien et solidement avec les Allemands que dans la chaleur du vin où ils appellent les convives qui boivent le mieux et le plus longtemps leurs chers frères.

L'électeur de Mayence, Jean de Schœnborn : Ne buvait jamais que trois doigts de vin dans son Verre, et buvait régulièrement à la santé de tout ce qui était à table, puis passait aux étrangers, qui allaient bien encore à une quarantaine d'augmentations ; de sorte que, par une supputation assez juste, il se trouvait qu'en ne buvant que trois doigts de vin à la fois, il ne sortait jamais de table qu'il n'en eût six pintes dans le corps ; le tout sans se décomposer jamais, ni sortir de son sang-froid, ni des règles de la modestie affectée à son caractère d'évêque.

Dans toutes les universités, les étudiants ont des Kneipen (réunions quotidiennes) et des Commers (réunions hebdomadaires), où ils ne font que calquer leur conduite sur celles de ces illustres ivrognes.


En Allemagne, l'ivresse, comme toutes les autres manifestations de la vie sociale, est organisée et réglementée.

Elle s'impose l'obligation de gestes et de paroles conventionnels. En un mot, elle est rituelique.

Le rite natt du besoin de reproduire le même acte avec le même cérémonial, dans les mêmes circonstances. Il est en quelque sorte la consécration traditionnelle d'une habitude seciale. A ce sujet, il semblerait que tous les Al emands, dans leurs actes les plus élémentaires, s inspirent de la parole mise par Renan dans la bouche d un des personnages du Prêtre de Némi : L'ordre du monde dépend de l'ordre des rites qu'on observe.

A

Les lois régissant les corporations d'étudiants, qu'ils s' agisse des Verein ou des Burschenschajten sont extremement sévères.

Certains exigent la chasteté et l'indifférence totale à l'égard du exe jéminin ; d autres interdisent les jeux de hasard, mais aucune ne prohibe les beuveries.

Les nouveamx admis, les Fuchs (les renards) doivent aux anciens, les Bursch, les marques de la plus servile obéissance Dans les réunions, à la Gulle, dont la signification exacte est flaque d'eau fangeuse, ils sont tenus de boire de la bière autant qu'il plaira au prœses de leur en faire avaler.

A la Gulle chaque corporation à sa table.

Aucune relation n'existe entre elles, malgré leur voisinage. Mais quand chacun a avalé une quinzaine de litres de bière, un besoin d' effusion les porte à oublier la couleur de leurs casquettes.

Le rituel de la beuverie comporte des formules dont nul ne peut se départir.

Si l'on pose la question : Comment trouvez-vous la Gulle ? La réponse réglementaire doit être : Goettlich 1 (divine 1). Sans cela on est exclu ou mis en accusation.

Un buveur ne porte jamais une chope à la bouche sans 9 adresser à quelqu un et, en levant le verre, prononcer le mot : Prosit ! L'interpellé doit répondre : Ich komme nach (je suis) et boire également. rr n Si l'on vous dit: Prosit einen Halben in den Bauch (grand bien vous fasse, un demi-litre dans la panse), dans le délai de trois minutes l'invité doit avoir avalé sa chope.

Cent autres formules analogues constituent le rituel de la bière, rédigé sur le modèle de celui de Leipzig et qui sert à l'initiation de tous les Fuchs (renards).

A côté du rituel, chaque buveur a devant lui le Commersbuch, le recueil de psaumes.

Sur l'ordre du président les buveurs passent tour à tour de l'hymne patriotique ou religieux à la chanson bachique, intercalant à chaque pause le refrain perpétuel : « La bière coule sans fin. »

Les chants ne sont interrompus que par des récits où le Witz allemand se donne libre cours. Le Witz est une fantaisie qui a la prétention d'être satiriqus et ironique.

Le Commersbuch en contient une douzaine où l'allure prétentieuse le dispute à la longueur, la lourdeur et la platitude.

Aucun de nos étudiants n en pourrait entendre le débit sans être pris de sommeil.

- Il s'agit donc d'une saoulerie systématique et violente contenue par une forte discipline.

La description de certains intermèdes devient à peine possible. c. T A la Gulle est annexé le Speibecken qui est l'accessoire obligé de l' orgie : le vomitorium.

« Toute l'Allemagne, les républiques de la Haqse, les

grands-duchés et les royaumes dissidents de l' empire, écrit Jules Huret, se rencontrent devant le Speibeckfin ». Quelle solidarité dans l'ignominie bachique !

*** L'ivrognerie rituélique des Allemands ne trouve pas seulement son application journalière dans les ivneipe d'étudiants, mais les repas de corps des officiers, dans les banquets de corporations, dans les festins funéraires et toutes les réunions empreintes de quelque solennité : médicales, scientifiques ou autres.

Les congrès médicaux internationaux, siégeant en Allemagne, avaient été pour un grand nombre d'entre nous, l' occasion d'une impression des plus pénibles.

Ce * n'est pas sans un sentiment profond de dégoût que nous avions vu des professeurs, déjà âgés, se soumettre avec docilité à toutes les prescriptions de ces rites barbares. Ces hommes, d'allure respectable, n'hésitaient pas à associer leur voix à l'exécution des chants les plus méprisables, avant de succomber à l'ivresse si lourde qui les empêche de retrouver seuls le chemin de leurs domiciles respectifs.

La permanence des rites de l'ivresse et des traditions bachiques a été assurée en Allemagne par la superstition, la routine, l'absence d'esprit d'improvisation le servilisme, l'orgueil de caste et l'hypocrisie.

L'acte de trinquer, de l'allemand « trinken », boire, qui signifie boire à la santé en choquant les verres, est un geste qui vient directement d'Allemagne.

Une superstition des barbares germains leur faisait croire qu'un souhait de santé n'avait de valeur qu'autant que la coupe serait vide d'un trait jusqu'à la dernière goutte.

» Le rituel bachique des étudiants allemands consacre la continuation de cette superstition. La routine et le défaut d'imagination s'accommodent volontiers de phrases toutes faites.

Le servilisme et l'orgueil trouvent à la fois leur satisfaction dans la subordination volontaire et dans l' autoritarisme prétentieux des autres.

Enfin se plonger dans l'ivresse la plus répugnante, sous le prétexte de favoriser la santé d'autrui, n'est pas l'excuse la plus singulière que l'hypocrisie ait mise au service de l'intempérance.

En perpétuant d'une façon rigoureuse les traditions dérivées de l'époque où la Germanie était plongée dans les ténèbres de la barbarie, le rituélisme des étudiants allemands consacre les paroles récemment prononcées par l'historien Lamprecht : Nous sommes des barbares et nous voulons les rester.

Croquis de T. STOYANOVITCH.


FLEURS DES FLANDRES

(( Les trois fleurs que je t'adresse Pour te peindre ma tendresse Viennent de la Flandre encor : C'est te dire, o ma jolie, Que chacune fut cueillie Dans un farouche décor 1 Pour te cueillir la fleur rouge J'ai rampé, quand nul ne bouge, Dans le silence angoissant; La tâche était longue et rude Mais j'ai voulu, dans Dixmude, Te cueillir la fleur de sang; La deuxième — rose noire Te dira la sombre histoire D'Y pres qui fut notre orgueil Car je l'ai, sous les décombres, Cueillie au pays des Ombres La dolente fleur de Deuil; La dernière, o ma chère âme, Est jaune comme la flamme Dansante et sournoise un peu : Est-il besoin de te le dire Que c'est Nieuport, la martyre, Qui t'offre sa fleur de Feu?

Voici le bouquet tragique Aux couleurs de la Belgique.

Et je n'ose l'envoyer Car je pressens qu'à sa vue Tant l'offrande est imprévue Tes beaux yeux vont se mouiller.

Mais, soudain, la gerbe sombre Semble resplendir dans l'ombre, Plus vives sont ses couleurs Parce que — bleu, blanc, garance Un ruban venu de France S'enroule autour de ses fleurs.

Tel qu'il est je te le donne Le petit bouquet, mignonne, Bouquet rouge, et jaune, et noir Qu'un lien tricolore enserre De son étreinte sincère En l'auréolant d'Espoir 1 » Pour copie conforme: THÉODORE BOTREL.

En permission à « Panam » Civisme : Civlots et Poilus A Robert Chautemps.

Quatre heures cinquante-sep t à la gare du Nord.

Abruti, je saute du train des permissionnaires, le dos courbaturé sous le poids des musettes — il faut bien rapporter des « souvenirs » aux siens — et les pieds réduits à leur plus simple expression sous les « pompes » écrasantes des autres.

Je tiens à la main ma permission de sept jours que maculent, entre autres cachets, ceux de la formation, du médecin-chef, de l'officier d'administration, de la gare du départ, de la « régulatrice », etc. Ces cachets concourent parfaitement à la rendre illisible. Soudain, je soliloque : et ma femme ?

C'est pourtant vrai. Depuis l'expiration de ma précédente permission, mon ardente épouse ne m'implore-t-elle pas dans chacune de ses lettres : « N'oublie surtout pas que je t'attendrai sur les quais de la gare du Nord, munie d'un billet d'aller et retour à destination de Saint-Denis,afin d'embrasser plus tôt mon coco. » Comme, à cette pensée, je m'essuie les lèvres, des gardes municipaux me poussent dans une double rangée de barrières au bout desquelles un brave gendarme, d'un air supérieur, — sans doute parce qu'il n' y comprend rien — arrache le dernier coin de ma « perme », épargnant ce qu'il faut qu'il en demeure pour que je sache encore son existence. D'un coup de pouce magistral, ensuite il l'oblitère d'un retentissant tampon. A quelques pas du Visa des permissions à l'arrivée — oh célestes clartés! —

ma femme et sa voisine d'en face. Dehors un soleil de plomb. Nous voici rue des Batignolles. A peine franchissons-nous le péristyle de notre maison, que son Cerbère bémolise la bouche en cul de poule : — Alors, vous voilà, Monsieur Papier ?

— Oui, au bout de quatre mois.

— Déjà votre quatrième permission ?

— Déjà, oui déjà ! (Sans doute ma femme lui a-t-elle fait espérer du « singe » en conserve).

Ebaudie, Palmyre, ma bonne, s'exclame : - « Oh!

que monsieur a pris de l'embonpoint ! Madame, ça profite à monsieur le grand air! » Ouf, enfin chez soi, quand on a été si longtemps chez tout le monde, chez personne ; partout, nulle part ! je me délesterais volontiers de mes musettes, mais leurs lanières sont si profondément ancrées dans mes chairs ! Et je grimace atrocement. Emotive, mon épouse de compatir aussitôt : - « Loulou, tu me caches quelque chose. » — « Oui, ajoutai-je, quelques souvenirs — du singe en boîte — dans mes musettes. »

On sonne. Un locataire qui se trompe d'étage. Nouveau coup de sonnette. M. Béotien, un fidèle « raseur » d'avantguerre. Il m' annonce l'ouverture immédiate d'une autre succursale de son commerce de peignes et brosses « marque française ». Ereinté je ne l'écoute pas. Soudain, il s'indigne : — « Que veux-tu ? Il y a près de trente mois que ça dure !

Et m'entends-tu, quelquefois, me plaindre ? »

A son tour, Césarine, — c'est ma femme, — m' entretient de la durée possible des hostilités, des interpellations sur la derniere offensive, de ce qu on dit dans le quartier et de tout ce qu on ne dit pas au grand Q. G. A mon intention, elle évoque mille détails sur certaines villes libérées de la Somme : Roye, Noyon, Noyelles et Ham — mon secteur. Avec intérêt d'abord, avec inquiétude ensuite, mes oreilles lui prêtent attention. Césarine me rapporte, toujours avec la même volubilité, ses « impressions du front » de.

l'Aubert-Palace. Au souvenir reconnu des pellicules, elle


ajoute les récits des correspondants de guerre du Petit Parisien. Je pense : « S'ils me questionnent, que répondraije ? Peut-être me confondront-ils, )) Les joues empourprées, je coupe court aux « comm de Césarine par ce coqà-l'âne : « La saison théâtrale à Monte-Carlo se poursuitelle avec la même vogue Et la mode chez nos incompara-

bles Parisiennes? » 1 réplique-t-elle, je te parle de la guerre, je suis feminis, m'emmène au Cin é ma- P aAprés dîner ma femme m'emmène au Cinéma-Palace : Films de la Grande Guerre JAr entr' acte, une main s'appesantit sur mes epau eGs endolor; C'est M. Robinet, le libraire de notre rue. Il s'étonne - Mais je vous croyais disparu - Prisonnier ou tué ?

- Non, blessé.

- Alors toujours dans la Somme ?

- Oui, toujours.

- Ça vous réussit bougrement les tranchées! Et plus de ventre ? Quoi, toutes les chan ces A la sorite de l'établisement, je croise M. Bonnedenfant. ses deux fils et sa fille aînée. Nous causons. de la guerre Eh bien, c h er ami, quoi, de retour ?

- Pour sept jours, en attendant qu'on les ait corps et âmes !

- Moi, je voudrais qu'on les tienne partout et à la

fois.

Z Votre compagnie ne cantonne-t-elle pas vers S. ?

- Dans ces environs.

- Ma femme et moi sommes es de cet avis que, de votre côté, on n'avance Pas vite. Et les grandes offensives ? Toujours est-il que nous envisagerions d'un mauvais œil une prochaine campagne d'hiver. , „ ils vous.

- Si vous questionnez les « poilus », lis Vous.

- La tranchée n'est-ce pas la « vie nouvelle » au grand air ) On passe les nuits dans les trous d'obus. On se lève tard. On a du temps pour travailler Enfin, oseriez-vous nier, cher « poilu », que ,ama.s vous n'eûtes si belle mine et que la tranchée ne vous reussit pas ?

- Il est vrai que vous, civil, supportez. jusqu'au bout, la carte du charbon, la carte du sucre, celles du lait, de

l'essence.

Notre conversation se prolongeant, les métros s espacent.

Aussi, à la faveur des ténèbres, Césarine se serre peureusement, câlinement, contre moi : - Dis-moi, m'amour, à moi seule, pour quand la fin des hostilités ?

- Jusqu'au dernier civil.

Mais, chéri, les civils « tiennent ».

- Auxquels songes-tu ?

- Voyons, aux seuls civils, à ceux qui ne portent pas l'uniforme.

- um Moi, j'entends ceux qui « tinrent » jusqu au bout à la Marne et à Verdun : les sur-hommes — les civils! qui composent et immortalisent notre admirable armée.

JEAN E.-BAYARD.

LA FEMME FRANÇAISE Son activité pendant la guerre

Dans les campagnes (1) J' ai vu les paysannes pendant la guerre. J' ai suivi leurs travaux dans les manifestations diverses de l'agriculture et je me suis plue à reconstituer par mille traits saillants ce caractère des femmes françaises, uniforme malgré la variabilité des conditions et je l'ai trouvé magnifiquement sculpté parmi celles qui sont restées attachées à la terre.

Dirais-je que j'ai remarqué les femmes de France au sein des riantes prairies de la Normandie, dans les campagnes blondes de la Provence, en Bretagne ou dans l'âpre pays montagneux du Roussilton ? — Qu'importe ! Elles sont toutes les mêmes et si je m'arrête de préférence à l'exemple de courage et de force d'âme montré par les femmes du bas Quercy et du Rouergue, c'est parce que je les ai vues plus longuement à l' œuvre que les autres pendant cette dure période des hostilités qui privait la culture des bras les plus forts.

La vie des paysnanes en temps de paix est déjà une existence admirable de travail et d'activité : petite ou grande ferme, propriété ou minuscule locature, chaume perdu dans les pacages ou bastide ensoleillée des pays de vignes, tout foyer prospère du labeur de la femme autant que de celui de l'homme. La paysanne règne humblement dans sa maison sous la double couronne que lui tressent l'honneur de la famille qu'elle conduit et la conscience de la tâche accomplie au dehors.

Les rudes travaux ne lui sont point ménagés : c'est elle le plus souvent, qui retourne à la pioche le jardin potager, sème, plante et récolte sous les clairs rayons du soleil à son lever comme pendant l'ardeur de la canicule. On la voit, le long des sillons effriter les mottes trop lourdes soulevées par la charrue, biner sans relâche les champs de fraises et de légumes, sarcler les vignes et tout cela indépendamment de l' occupation journalière du bétail à soigner et du ménage à tenir.

La journée d'une femme à la campagne commence à quatre heures du matin en été, à six heures en hiver et ne finit qu'à neuf heures

du soir.

Le ménage paysan donne un très bel exemple de l'association des époux, l' un et l' autre indispensable à l' œuvre commune pour l'avenir de la famille et la sécurité des vieux jours : l'homme et la femme concourent avec une pareille ténacit à posséder une parcelle du sol, ce bien héréditaire sur lequel on bâtit jalousement quatre murs et un toit ; toit qui, selon le degré de l' aisance, s'orne d'un pignon ou d' une fenêtre en auvent, la plus belle fortune du pays.

Ce bien, la paysanne l' aime avec une passion sauvage et sacrée : elle sait de quelles sueurs et de quelles fatigues elle l'a payé ; elle s' y attache, s' y accroche avec un fanatisme presque religieux tant il est grave et profond.

Quan le pays a appelé les hommes pour défendre la patrie attaquée, ce fut sans effort, sans raisonnements, sans injonctions, sans analyse peut-être même jque les paysannes ont compris l' autre devoir à accomplir, leur devoir.

— Garder la terre, la faire valoir dans la mesure de leurs forces restreintes, la défendre contre la gerce et la rouile qui envahissent les choses négligées et elles l'ont fait.

Chacune a suppléé par son intelligence et ses capacités à la direction des travaux qui fut de tous temps la prérogative de l'homme; beaucoup de ces femmes ont attelés les bœufs et fait les labours ; d autres se hissant sur le siège du cocher absent ont porté à l' expédition les lourdes charges de primeurs et de fruits.

Patriotisme sans éclat qui se manifeste avec calme et grandeur.

Dans bien des familles, l'hommes d'âge mûr présent, fut là pour aider la femme et prendre en mains les affaires du fils ou du gendre mobilisé"; la propriét, alors, n'a pas souffert mais en d'autres cas la femme est restée seule à la ferme avec des enfants et des vieillards, il fallut avoir recours à la main-d' œuvre étrangère, veiller aux travaux les plus urgents, décupler son énergie et son courage. La paysanne française l' a fait avec cette idée parfaite de 1 œuvre à exécuter dans la mesure de son courage et de ses forces.

Seulement les forces ont une limite si la volonté n'en n'a pas, chaque individu ne peut fournir qu' une somme d énergie impossible à dépasser, et, certainement les femmes n ont pu remplacer que proportionnellement le nombre énorme des bras charges de fusils. Les grandes récoltes ont été ramassés, les blés ont été semés, la vigne sera sauvegardée, grâce à vous ô paysannes de France !

MARIE DE LA HIRE.

(1) Extrait d'un intéressant volume qui vient de paraître chez l'éditeur T allandier.


DEUX HVMNES DE CAMILLE DE SAINTE-CROIX 1914-15

Hymne Belge « Honneur, Amour et Liberté » C'est ta devise; et, toute entière, Elle a germé dans ta Cité, Elle a fleuri sur ta frontière.

Tel nous aimions, wallon, flamand, Ton art joyeux ou nostalgique, Tels, nous vibrons fidèlement, De tous nos cœurs, au tien, — Belgique 1 Les rameaux d'or sont effeuillés Et sur la plaine où l'on guerroye, Tes beffrois blonds, d'ombre endeuilles, Ont vu planer l'oiseau de proie 1 Sur la grand'route au vieux moulin, Erre un troupeau tremblant, tragique: C'est la veuve. c'est l'orphelin.

C'est la douleur ! C'est toi, — Belgique!

Nous n'avons pas douté de toi.

Si durement qu'on te meurtrisse Ta force d'âme et notre foi En subiront la cicatrice, Mais le réveil de tes héros Redressera d'un poing magique, Sur le déclin de tes bourreaux, Ton immortel drapeau, — Belgique 1

Hymne Français Aux armes, France 1 Il faut venger L'injure faite à ton génie 1 Tes libertés sont en danger.

On les condamne en Germanie 1 C'est ta Beauté, c'est ta Vertu, Que l'on t'envie et qu'on offense: Les abdiquer, le saurais-tu ?

Alors, debout! Défends-toi, — Francel Au premier cri du coq gaulois, Bourgeois, ruraux et prolétaires Se sont juré mêmes exploits, Fraternisés et volontaires 1 Pas de vendus ! Plus de faillis 1 Aucun regret: Ni peur, ni transe 1 Ta République et ton Pays N'ont qu'un drapeau. Défends-le, - France 1 Toi qu'on voulait serviliser, Tu grandiras dans ton histoire, Quand tes vengeurs à ton baiser Tendront leurs fronts laurés de gloirel Enseigne alors aux opprimés Comment tu fis ta délivrance.

Et sur l autel des Morts aimés, Parmi leurs fils, garde-toi, — France!

Les Enfants de la Guerre -it

Quand en sarraus ou tabliers.

Hors de la grand'porte, se rue Notre bataillon d'écoliers, On se retourne dans la rue.

Avec de bons yeux familiers, Ami passant, tu considères La crâne allure de ces troupiers Sous leurs « callots » tout militaires.

Si nous marchons droit, c'est qu'on dit Devant nous, gosses, à l'école Des mots qui n'ont rien de petit : Patrie, Honneur, Devoir, Parole 1 Le devoir, ce matin du moins, Ce fut d'être sages en classe, Et de mériter des bons points, En restant chacun à sa place.

Bien travaillé, bon déjeuner.

Fameux, le dessert sur la soupe.

Ensuite, on part se promener, En rangs, ay pqs, comme une troupe.

Où va-t-on ? — Ça nous est égal.

Terrasses ou pelouses fleuries Luxembourg ou Palais-Royal, Square d'en face ou Tuileries 1 L'important, quand on va là-bas, C'est que le temps reste passable Et qu'on ne nous défende pas De nous culbuter dans le sable 1

On joue à la guerre. Tant pis Pour ceux qui mordent la poussière 1 Poum 1 Poum! En avant les képis Et les voiles d'ambulancières 1

Tous bons amis, au demeurant, Belge, Serbe, Anglais, Français, Russe, Et si quelqu'un tombe en courant On dit: « C'est lui qui fait la Prusse 1 » Mais voici que le « Halte-là » Sonne, au cadran du voisinage, Uarmistice du chocolat Pour ces héros devenus sages.

On rentre! On dîne ! Et puis: « Bonsoir» Maman arrive et nous remmène Jusqu'au plaisir de se revoir Demain et toute la semaine.

Quand nous serons grands, à nos tou", Plus d'une minute attendrie Nous évoquera les beaux jours De l'école trop tôt finie.

En attendant, avec nos yeux De petits lapins et d'oiselles, Nous vous disons « Merci Messieurs, Mesdames et Mesdemoiselles. »

Et plus tard, il nous serait doux Quand nos cœurs penseront aux vôtres, D'être pour les enfants des autres, Ce qu'ici vous étiez pour nous.

CAMILLE DE SAINTE-CROIX (1914).

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EeOS de la C R O 1 X. -"V ERTE

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE L'assemblée générale de la Croix-Verte a eu lieu le 4 juin dernier, au Théâtre Albert 1". sous la présidence de M. Th. Steeg, ministre de 1 instruction publique et des beaux-arts.

Une nombreuse et élégante assistance, parsemée de blanches infirmières au voile vert, fit d abord fête a l'allocution du Président de l'Association, M. Emile-Bayard, inspecteur des beaux-arts. Puis, M. Georges Caye, secrétaire général, donna lecture du rapport moral et sut toucher son auditoire en contant avec émotion les bienfaits de la Croix- Verte. �

Il incombait ensuite à Mme F. Monmory, trésorière-générale, de compléter cet énoncé par la précision des chiffres qui vinrent accuser à la fois la prospérité de la CroixVerte, l'accroissement de ses ressources autant que le judicieux emploi de celles-ci.

M. S. Richard, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, censeur des comptes de la Croix- Verte, sanctionna enfin ces résultats, en rendant élogieusement justice à 1 excellente gestion financière du Comité.

Chaleureux applaudissements ; réélection a l'unanimité des trois membres du Comité arrivés au terme de leur mandat. La séance est levée au milieu de la plus cordiale sympathie. Les dames de la Croix- Verte en profitent pour vendre avantageusement, au profit de l'œuvre, le programme du beau concert qui va suivre. t M. Paul Vidal a organisé ce concert, c'est tout dire, et le maître est au piano !

Mais on frappe les trois coups. M. Louis Marie, du Théâtre des Arts de Rouen, ouvre galamment le feu. Sa jolie voix de ténor, souple, bien timbrée, sert à ravir 1 air amoureux de la Tosca, et puis Mlle Yvonne Curti chante sur son violon, avec un son d'une rare pureté, un Nocturne de Chopin. Après, l'excellente virtuose « jongla » avec les

Airs bohémiens, de Sarasate, et nous entendîmes « perler » la harpe enchantée de Mme Bruguière-Hardel, dans 1 Impromptu, de G. Pierné et la Source, de Zabell.

Au tour, ensuite, de Mme Calas, de l'Opéra-Comique. Voix de velours et de charme au service du charme même : un air de Lulli et une Déclaration d'un auteur inconnu.

Miss Mac Crae nous procurera maintenant, avec le charme mystérieux de son accent national, la sympathie « alliée ». Elle chantera un morceau de l'Enfant Prodigue, de C. Debussy et un Nocturne, de C. Franck, avec une conviction profonde et communicative.

Après quoi, dans le duo des Pêcheurs de Perles, sonna la belle voix de M. Félix Bellet, de l'Opéra-Comique, associée à celle de M. Louis Marie, déjà applaudi. Nous verrons tout à l'heure M. Bellet et Mlle Saïman, de l'Opéra-Comique également, mêler leurs timbres généreux dans la Fiancée en Loterie.

Mlle Saïman, à la voix tout à tour mordante et caressante, prenante et gouailleuse, dans les Chansons de Shakespeare ; M. Bellet vibrant et grave.

Mais voici M. René Jullien, le violoncelliste bien connu. Le jeu de M. Jullien se passe d'épithètes élogieuses et, dans une de ses compositions, l'artiste nous livra son cœur, tandis que dans une Polonaise, de Popper, il ne voulut rien nous cacher de son étonnante virtuosité.

De nouveau revenue devant le public, les applaudissements créoitent : c'est Mlle Saïman qui chante avec son camarade, M. Bellet. la Fiancée en Loterie, de A. Messager.

Et puis, Mlle Saïman entonnera l'Hymne à la Belgique et l' H umne à la France, de notre cher et regretté ami Camille de Samte-Croix. Et ce sera du délire.

Pour terminer, un régal nous attend. Autour du piano que Paul Vidal tient avec sa maîtrise coutumière, se sont groupés les virtuoses entendus précédemment : Mlle Yvonne Curti, Mme Bruguière-Hardel, M. René Jullien, apportent spontanément le concours de leurs instruments respectifs à l' œuvre de Paul Vidal, à ses Huit Chansons de Shakespeare. traduites en vers par Camille de Sainte-Croix.

Sur le « plateau » apparaissent Mlle Saiman, Mme Calas. dont la voix nous fut une caresse précédente, et Mlle Hélène Mirey, de la Gaîté-Lyrique, un contralto de premier ordre.

Et ce fut tout simplement touchant et délicieux l'accord de ces voix superbes et de ces instruments magistralement conduits, au service de l'art le plus pur et du patriotisme le plus élevé. Tous les artistes furent rappelés au tomber du rideau et, groupés autour du maître Paul Vidal, il n'y eut qu'une bouche pour les acclamer.

J'oubliais de dire que M. Jean E.-Bayard, le sympathique directeur artistique de Y Ambulance, permissionnaire du front, assura l'organisation de la matinée de la CroixVerte, au contrôle et sur la scène, comme régisseur et speaker.

QUATORZE JUILLET 1916 Le Quatorze Juillet de l'an mil neuf cent seize Fit frémir et vibrer la grande âme française.

La mémoire des Morts planait sur tous les rangs; Leur gloire 1 ennoblissait les larmes des parenb.

Le ciel pleurait aussi pour l'orphelin, la veuve, Mères au cœur meurtri, acceptent cette épreuve, Holocauste sublime, offert à la Nation, De l'être tant aimé : pour la libération.

Et tous ces morts qui font de la France la vie, Eurent pour les vivants « un sort digne d'envie » 1 A. HENNEQUIN.


CHANSONS DE L'ARRIÈRE

L'OMBRE

Dessin extrait du TACA TAC TEUF TEUF, Revue du Front.


LA REVUE AU FRONT

M Marcel Astruc a fait représenter, dans un lieu que la censure nous interdit de nommer, une revue originale, héroïque et plaisante..

Le régisseur Y vrent, tout d' abord, selon la tradItIOn, s'adresser au public. Mais il ne parle pas, il chante sur l' air : Emoi de fleurs: Devant que l'on ait levé le rideau Qui ne brille ici que par son absence, Les auteurs m'envoient pour vous dire un mot Et vous réclamer un peu d'indulgence, Vous n'entendrez pas de galants couplets Rimés de la main de fins revuistes, Reprenez les airs en chœur, s'il vous plaît.

Notre orchestre est là : c'est un pianiste.

Mais un acteur vient lui glisser quelques mots à l'oreille: « Messieurs, dit-il alors, veuillez excuser mon trouble. Il nous arrive quelque chose d'incroyable, d extraordinaire, de réellement flatteur. On vient de m'apprendre qu une présence illustre, et, certes, inattendue, honore notre modeste concert (avec force) Monsieur Albert Thomas, sous-secrétaire d'Etat aux munitions, est ici, parmi vous, dissimulé dans cette enceinte, (Au public) Monsieur le Ministre, daignez vous faire connaître. Un peuple immense brûle ici, si je puis dire, du désir frénétique d acclamer en vous le second Gambetta, plus grand que le premier, le nouvel organisateur de la victoire 1 » Le ministre ainsi interpellé, se déclare ravi d etre au milieu des artilleurs du ravitaillement. On lui joue la Marseillqire. « Allons,les camarades, tous ensemble pour acclamer le Ministre des Munitions ! » Et les camarades crient : « Vive le Ministre des permissions ! » Le Roi des Cuistots paraît et se présente : « Dans l'civil je suis vidangeur.

cuistot, c'est presque pareil. » Il se mouche dans les doigts et se peigne au-dessus du fricot. Il s'assied sur la viande « glorifiée » pour la réchauffer. Les soldats sont si contents de ses haricots qu'ils les mettent dans des lance-pierres pour tirer les petits oiseaux. Le régisseur s'efface. Le ministre veut le suivre. L'autre le persuade que sa place est sur ce modeste plateau, transformé par sa présence en glorieuse tribune : « Nous manquions précisément d'un personnage d'autorité pour conduire un peu rondement notre petite machine. On sait que vous avez de la poigne. A vous le lôle ingrat de montreur d'ours. » Le poilu républicain chante le casque que lui et ses camarades portent comme des pompiers, sinon des gladiateurs : Il n'manquerait plus qu'on nous joute une crinière, On aurait l'air de gard's républicains.

Les journaux servent de plastrons et de semelles. Voilà le poilu, le descendant des grognards immortalisés par Raffet et Charlet, chantés par Hugo. Il rougirait de se plaindre, plaisante la camarde et la défie, donne à la mitraille des noms de vaudeville, baptise sa tranchée de titres de palais, appelle sa baïonnette Rosalie, fait des bagues pour sa blonde avec des éclats d'obus, rit, boit, fume, chante à dix m ètres de l'ennemi, gouailleur au milieu des plus effroyables inventions de mort, gavroche dans un enfer que n'aurait pas imaginé le Dante. Par l' esprit, le renoncement, l'obscur héroïsme, il est déjà vainqueur. Aidant au bon temps, supportant le mauvais, comme son aïeul Figaro, il rit de tout.

L'arabe dit : « C'est écrit! » le Russe dit : « Nitchevo », Le poilu français invente une formule nouvelle. Il dit : « T'en fais pas ! »

Il se voit toujours entre deux alternatives, résolu à « ne pas s'en faire », ni dans un cas, ni dans l'autre. Quant à l'ennemi, « ses avaires ne sont bas brosbères. Il devait prendre Calais, Londres, Paris, Venise et Pétrograd, il n'a pris que la pipe, point stratégique non marqué sur les cartes ».

La monarchie d'opérette d'Autriche-Hongrie ne peut revendiquer pour sa gloire que la Veuve Joyeuse et le 420 : En France nous avons le goût de la mesure, Nous évitons d'instinct l'énorme architecture, Nous aimons l'élégant, le léger, le fini, Enfin tout ce qui n'est pas « Made in Germany » Dans nos engins de mort mettant de l'élégance, Nous savons opposer à la lourde puissance Du mortier autrichien, colossal et grossier, Un objet délicat, un vrai bijou d'acier.

Et l'on exalte le 75. Après l'instrument, on présente l'instrumentiste, l'artilleur. L'un d'eux chante ses amours platoniques avec la fille d'un garde-barrière, ex-danseuse au bal Tabarin, qui se repose pendant la guerre. On demande quelque licence pour le spectacle : « Au Moyen-Age, un usage pittoresque donnait, une fois l'an, le jour du Carnaval, aux petits le pas sur les grands, et, pendant cette journée de fantaisie et d'allégresse, c'étaient les valets qui étaient les maîtres. » On salue dans le commandant un confrère qui fait des revues. des revues de cantonnement. On parle aussi du major, un très bon médecin pour tous ceux qui se portent bien. Un permissionnaire vient lui dire tout ce qu'il a rapporté de permission. Deux heures moins le quart. C'est l'heure du courrier. Lecture d'une lettre d'amour : jusqu'à c'que tu sois reV-nu J'ai l'existenc' suspendue.

et le lecteur demande : Au cou de quel ténor connu ?

Hommage aux dames de la Croix-Rouge. Souvenir aux marraines. On leur promet des paniers de vin du Rhin, expédiés de pays reconquis. « Quel beau jour, dit le compère officiel, que celui où nous verrons luire au double soleil de l'été et de la victoire, les belles, nobles et larges ondes du Rhin, fleuve désiré que pleura le grand cœur de Musset.

Les vendanges prochaines mûrissent pour nous sur les versants fertiles. Nous paierons du sang qu'il faudra la cuvée sublime qui nous est offerte. » On évoque la suprême offensive : Soudain la mitraille s'apaise, Un tumulte monte et grandit, Les régiments, dans la fournaise, Pour l'assaut final ont bondi.

« Clairons, tambours de la clique intrépide, votre rôle n'est pas terminé. Chasseurs et dragons, remontez à cheval, et sabre au clair! Il va revenir le temps des chevauchées héroïques. Il vous reste à venger Reichshoffen et Mars-laTour, à renouveler Auerstadt et Iéna. »

Allons, enfants de la Patrie, n L'honneur français sera sauvé, , Le jour de Vaincre est arrivé.


« Ah ! morts de la guerre, tombés dans les fossés de Berny, couchés dans les sillons de Gravelotte, tressaillez d'allégresse, ombres chéries des martyrs, sous la terre française toute trempée du sang des héros. vos fils ont fait le serment de vous venger !

Et le couplet final dit : Et parmi la grande bataille, L'hymne immortel, héroïque et vengeur, La Marseillaise, à travers la mitraille, Guidera le peuple vainqueur.

Cette revue est, en somme, un grand monologue héroïcomique, coupé de chansons. Elle ne renferme aucune scène de comédie. Mais elle n'est pas sans mérites. Elle tiendra une bonne place dans la revue des revues du front.

GUILLOT DE SAIX.

Un Officier Japonais vvvvvJ

Il disait avec une gaieté et une assurance exquises : « Mossieu et Mamoiselle », clignant des yeux en guise de sourire. Et les battements de ses paupières et de ses cils plissaient finement ses joues à la naissance du nez ; c'est seulement alors que ses lèvres souriaient, ou plutôt s'écartaient et se contractaient pour un grand rire dont on entendait jamais les éclats. Son frêle corps bien proportionné ses membres aux gestes vifs et puérils, lui donnaient l'aspect d'un adolescent encore fragile, qui possède déjà la vigueur d'une structure d'acier. Son uniforme feuille-morte, qui moulait sa taille trop fine et trop cambrée, s'harmonisant drôlement au coloris du visage d'un brun-jaune mat, faisait songer à des choses étranges et lointaines.

Pourquoi brune la tenue de ce sous-lieutenant japonais ?

Comment le peuple, dont la peau est de teinte semblable à celle du sable d'une plage mouillée par la récente marée quand la nuit va venir, n' a-t-il pas recherché d'instinct, pour habiller son Armée, une couleur gaie, tranchant sur la monotonie des visages et des mains éternellement crépusculaires ? En regardant le petit Japonais, l'on se demande si cette répétition de couleur pareillement étalée sur le costume et sur la chair est comique, ou si elle émane d'un besoin d'harmonie merveilleux, dont l'art nous est inconnu, et qui nous doit faire rougir de nos toilettes et de nos demeures ?.

Mais l'épée qui pend du ceinturon très reluisant, et dont ce jeune - Japonais tient le pommeau avec crânerie et élégance, ce qui, par moment, le fait ressembler à un gamin énergique et fin, travesti en officier, oblige soudain à songer à d'autres choses encore. L'épée brillante qui ballote sur l' uniforme marron — l'épée qui fait des plaies — l'épée qui souvent s immobilise au côté de celui qui cesse de respirer — l'épée luxueuse, est un engin de mort. Et l'on pense que peut-être, inspiré obscurément par la tradition, l'officier japonais porte un uniforme brun, parce que, dans l'Antiquité, beaucoup de peuplades, bigouden, chinoise, etc., symbolisaient leur douleur devant la mort en se revêtant d'étoffes jaunes et feuille-morte. Les Japonais que nous avons envie de traiter comme des enfants quand nous les voyons, atteihommes, avec leurs chevilles et leurs poignets très fins. ont senti sans doute mystérieusement, que les membres de l'Armée, non point corps de parade, mais instrument de combat, pouvaient, devaient, porter le deuil respectueux de ceux gnant tout juste du sommet de leur tête les épaules des autres

d entre eux, qui nécessairement tomberaient au cours des batailles, lesquelles sont le pourquoi de l'existence des officiers et des soldats. Ils ont agi en vue de la guerre à la fois plus pratiques et plus idéaux que nous.

Inclinons-nous devant tant de grâce mêlée à tant de hardiesse !

Il ne se doute pas que des idées si graves nous agitent a son propos, le petit Japonais. Il croque avec gourmandise des petits fours dont la couleur. le goût, la forme, l'amusent, on le devine ; et la moitié du visage espièglement enfouie dans une tasse, il se barbouille le coin des joues d'un chocolat qui le brûle. Il mange et parle avec une distinction parfaite, une galanterie étonnante, sinon avec éducation. Ses yeux, deux petits vers luisants sans profondeur attirent et dépitent : ils luisent, mais sous la lfamme du regard rien qu une autre couche de feu. Ses cheveux sont abondants et paraissent doux. Sa nuque est d'une ligne admirable; elie contient toute la grâce de l'Asie.

« Cher petit Allié, je lui souhaite. Il se retourne soudain vers nous. — Excellents lunchs français. »

SUZANNE SOURIOUX-PICARD.

-——————————— ♦<©♦— eEDO!

« Dieu est aVec nous » * (Devise allemande).

Puisque, dans J'univers, la moindre créature A son rôle, son but et son utilité ; Puisque des éléments composant la Nature L immuable harmonie égale la beauté ; Puisque, montrant ainsi qu'il est né juste et libre, Guidé par sa raison l'homme cherche toujours Le moyen d instaurer un durable équilibre Dans tout ce qui remplit le cadre de ses jours, Pourra-t-il concevoir qu'après cette détresse, Ces indicibles maux supportés vaillamment, Le Ciel frappant le Droit au Crime vainqueur tresse Une couronne et non le fouet du châtiment ?

Lorsqu'au pied du calvaire où sa douleur l'entraîne Une femme éplorée, à genoux, vient prier Et qu a son oraison se mêle un cri de haine A 1 égard des bandits désolant son foyer, Lorsque, sous l'ouragan d'une infâme mitraille, La merveille de Reims s'effondre lentement Et que — moignons sacrés — les pans de sa muraille Se dressent vers la nue, accusant l'allemand, Lorsque, pour assouvir leur passion féroce, Nos lâches ennemis, sans l'ombre d'un remords, Achèvent en riant, parfois à coups de crosse, Des soldats mutilés, pantelants, demi-morts ; Par le sang de ceux-ci, par ces ruines saintes, Par les pleurs de la mère ou de l'épouse en deuil, Je jure que le Dieu vers qui montent ces plaintes Ne saurait protéger un homicide orgueil !

MICHEL NEY.

-+@+ NOS COLLABORATEURS L'AMBULANCE a déjà donné, dans ses précédents numéros, des proses et des vers inédits de MM. A. Brisson F. Boutet, Emile-Bayard, Brulat, Dr Bérillon, P. Bilhaud, Th. Botrel, A. Capus, Ch.-M. Couyba, Cami, G. Docquois, H. Duvernois, Ernest-Charles, C. Flammarion, Fauchois, E. Flandin, Paul Fort, E. Hinzelin, Henri Lavedan, F. Galipaux, X. Privas, Sébastien-Charles Leconte, Paul Margueritte, Jane Catulle-Mendès, Ch. Monce, G. Picard, J.-H. Rosny aîné, J. et F. Régamey, Guillot de Saix, Willy, R. Wisner, Maurice Rostand, M.-C. Poinsot, etc.


* A" A" LE FRONT * le le

Sous cette rubrique sont uniquement insérés, en leur texte intégral, les proses et les vers que nos glorieux Poilus nous adressent de la tranchée ou de l'hôpital.

BALLADE DE GUERRE

1

Un vieux kaiser très malade S'ennuyait fort dans son palais, Et pour se distraire il voulait Entreprendre quelque escapade ; Il s'ennuyait dans son palais.

II

Il ne poussait qu'une racaille De ses sujets par trop nombreux Cela gênait les gens heureux Et troublait même leur ripaille : Ses sujets étaient trop nombreux.

III

En une intime conférence Les plus grands seigneurs de la cour Déclaraient, chacun à leur tour, Qu'il fallait les lancer en France Les plus grands seigneurs de la cour : IV

« Ce sont gens de sac et de corde, (( Ils vivent là tous entassés, « Nous serons bien débarrassés « De celle famélique horde, « Ils vivent là tous entassés.

V

cc Ils sont terribles après boire, « Qu'ils tuent, qu'ils pillent rro-- façon 1 « Le Français est un bon garçon « Pourvu qu'on lui conte une histoire « Qu'ils tuent, qu'ils pillent sans façon 1 VI

« Les villes une fois conquises « S'ils nous demandent des raisons, « Nous leur brûlerons leurs maisons ; « Et n'oublions pas les églises, « S'ils nous demandent des raisons ».

VII

Le kaiser eut un sourire : « Allons tout de suite à Paris ; « Depuis longtemps j'en suis épris, cc Cetle belle ville m'attire, « Allons tout de suite à Paris.

VIII

« C'est une ville d'Allemagne, « Nous avons un droit de cité, « De la plus haute antiquité, « Etant les fils de Charlemagne, « Nous avons un droit de cité. »

IX

Nos braves se mettent en route En arrière de leur troupeau En ménageant ainsi leur peau Pour vaincre sans qu'il leur en coûte, En arrière de leur troupeau.

X

Et vite, en avant la besogne I Notre kaïser très content Va de tous côtés se vantant Des succès de ses gens à trogne, Le kaïser est très content.

XI

Ce sont des femmes éventrées, Des enfants arrachés des nids ; Où vivaient les couples unis, De pauvres maisons effondrées, Des enfants arrachés des nids.

XII

Mais pourquoi cette chose étrange ?

Le Français qu'on croit bon enfant, Comme un vrai lion se défend, Et de tous leurs @ méfaits se venge I Le Français, qu'on croit bon enfant 1 XIII Paris reste ville lointaine Le Kaïser a du souci ; Le grand jeu n'a pas réussi Et la ville est calme et sereine.

Le kaiser a du souci.

XIV

Pour tout le reste, il n'en a cure Les Gens sont morts, ou vont mourir..

On n'aura plus à les nourrir 1 Dans la fange est leur sépulture..

Pour tout le reste, il n'en a cure.

MAGBERT.

DÉSIR VA IN

Pour Auguste Bouget, amicalement.

Rien que ces éclairs dans la nuit Et comme un tumulte d'écluses.

Là-bas les gros canons s'amusent De la volupté qui détruit.

Le sol tremble. un pilon martèle La vieille terre des semailles, Les blés souffrent de nos batailles Aux flancs de Cérès immortelle.

Faible abri de planches, tu vibres Des coups sourds qui tonnent au loin.

Et vacille ma bougie ivre Dont la pâle lumière point.

Et quand je sais que la mort fauche De tout son génie destructeur, J'aime, ô vieux songe » vocateur, La chimère que tu chevauches !.

0 comme saignent les ténèbres ! Quoi, dans cette hideur, voir renaitre Le rêve ancien des fenêtres Au mirage d'un ciel célèbre !.

Mon âme, où donc cette pudeur Des naïves allégories, Que suscitaient vos rêveries Quand la terre n'était qu'odeurs ?.

Et les très profondes caresses Que je désire et qui me navrer,.

Ne peuvent, furtives princesses, Franchir des monceaux de cadavres !.

ANDRL MORA.

CHANSON TRISTE J'ai trouvé des mots Pour peindre les roses Et leurs longs sanglots Aux heures moroses Où, dans le miroir Des gouttes de pluie, Leur grâce d'un soir Se mire, meurtrie.

J' ai trompé des mots Pour peindre les roses.

J' ai trouvé des mots Pour chanter da mie, Ses lèvres, pavots Où l' esprit oublie Et vient de se griser.

Corolle fatale Dont chaque baiser Serait un pétale.

J'ai trouvé des mots Pour peindre ma mie.

Je n'en trouve pas Pour conter ma peine ; Sa voix, comme un glas, Sans cesse m'entraîne Parmi les tombeaux Au néant des choses.

J' ai trouvé des mots Pour peindre les roses.

Je n en trouve pas Pour conter ma peine.

MARCEL NIVERT,

LE MORT-HOMME Arbre de Liberté aux opulentes formes, Sur cette agreste colline tu pris naissance, Tu grandis avec force et tu mourus vieil orme, Arbre majestueux d'une si noble essence, Que de fêtes sous ton ombre et quel bon accueil, Jusqu' au jour où tu tombas visé par le sort, Bel orme de la Meuse dont tu fus l'orgueil !

Ta place en souvenir deviendra l'Orme-Mort !.

Mais ce lieu baptisé par la Révolution Française, changea bien souvent son fameux nom, Et les ans, les siècles connurent le Mort-Homme.

Au miracle ! Voici que ressuscite encore Dans une auréole de gloire, L'Homme-Mort Que dira ce blason : Civitas Verdunum.

¡ PAUL MARTIN.


LE ROSSIGNOL

Un tout jeune soleil, ce matin, nous ranime Et réveille notre gaîté ; Rien ne peut étouffer la nature sublime Le doux rossignol a chanté !

Oui, parmi les débris, les morts sans sépultures, Elle travaille incessamment, Et, malgré les canons lui crachant leurs injures.

Quelque chose en elle est charmant.

Oui, le doux rossignol a chanté pour des hommes Qui, l'un sur l'autre vont bondir, Et l'herbe, malgré nous, pauvres fous que nous sommes, Sur les talus, veut reverdir.

La glèbe est retournée et la forêt jaunie D'énormes chênes sont fauchés, Et les croix des soldats dont la tâche est finie Supportent des képis penchés.

Du ruisseau, jadis clair, 1 onde est empoisonnée, Elle roule des corps humains Et l' on croit voir de loin, au fond de la vallée, Des noyés qui tendent les mains ; Les mères penseront, en cherchant dans les herbes : « Dire que Dieu vit tout cela ! ».

Mais, buissons, champs, ruisseau, redeviendront superbes, Malgré ce qui s'est passé là.

Et puisque Dieu pétrit les hommes dans le crime, Egorgeons pour lty Liberté !

En toi, nous avons foi, ô nature sublime !

Le doux rossignol a chanté !

Fontaine-aux-Charmes (Argonne).

Capitaine CLÉMENDOT, d'infanterie.

—————————————— +ciJ+ —————————————— SOURIRES

1. - LE SOURIRE D'ALAIN.

Alain ne connaît ni Gœthe ni Mallarmé. Il a seize ans, et ses yeux sont clairs. Il vit admirablement. Dans le petit jardin que la jeunesse de ses pas anime, le soleil a, ce matin embrassé les plantes et les feuilles un peu veloutées du grand maronnier. Dans la seule allée, Alain se promène : ses genoux se détendent harmonieusement et ses épaules légères ne savent le fardeau triste de la vie. Alain sourit à sa jeunesse.

II. — LE SOURIRE DE PIERROT.

Pierrot se dit qu'un masque de crème blanche est une chose bien trouvée. Son cœur, navré, peuplé de la seule Colombine lui pèse sous sa houppelande blanche d'un indescriptible poids. La lune qui est le seul refuge de Pierrot lui fait, de son froid éclat, mal aux yeux, et Pierrot qui ne sait ce qui est advenu de lui, qui ne sait ce qui adviendra de son pauvre cœur qui bat la chamade, Pierrot qui ne sait pas, - pour tromper sa souffrance, sourit — tout de même.

III. - LE SOURIRE DU COURTISAN.

Le monarque vulgaire s'est assis, tout d'un coup, dans un fauteuil profond. Et le courtisan qui tenait un chandelier de lourd métal pour veiller aux préparatifs du coucher, montre au-dessus de la lumière crue des chandelles, deux affreux traits sillonnés dans ses joues, aux commissures de ses lèvres, — de ses lèvres minces aux frissons fréquents — de ses souriantes lèvres de courtisan.

IV. — LE SOURIRE DU VAINQUEUR.

Sous la tente pourpre gisent deux femmes nues. Leurs reins ondulent, comme des bêtes matées. Et elles n'osent se regarder. Mais le conquérant est entré, et, de ses deux rudes mains, ramène en arrière ses cheveux. Puis il s'assied, contemple des coupes et des armes et

son regard tombe aussi sur les deux femmes, son butin de chair. Alors, il lève la tête et, de franc plaisir et de gloire allègre, des yeux et de sa bouche rouge, il sourit.

JULIEN SCHAMÈS.

————————————— +$+ La Belgique est debout.

A Sa Majesté Albert 1er, roi des Belges.

La Belgique est debout au milieu des décombres.

Le deuil s'est épandu, versant partout ses ombres.

Les clochers dévastés n' ont plus d'accents joyeux; Et les grands arbres nus semblent se plaindre aux cieux.

C'est le désert!.. un désert morne. un cimetière !

Des morts, encor des morts, sur des plaines entières.

Des femmes sans abri portant des Rouveau-nés.

Des enfants, des vieillards gisant assassinés !

La Belgique est debout, sanglante, et toujours fière!

Son front peut se dresser, pur, devant le soleil; La douleur est un nimbe à nul autre pareil.

— Contemple, ô Reine ! ô pauvre et glorieuse Reine !

Ton royaume abîmé par les dents d'une Hyène.

Elle rôdait, quand tu chantais et travaillais, Conduite par le geste auguste de la Paix Et tandis que les fleurs animaient tes bocages Où les papillons clairs oubliaient d'être sages!

Bientôt la nuit tragique éteignit ton bonheur.

Des fauves sont venus et t'ont broyé le cœur.

Mais tes fils, des héros, guidés par leur monarque, Portent, morts et vivants, la surhumaine marque, Celle qui fait un peuple immortel par l'honneur !

1 a main forte n'a pas laissé tomber son glaive.

Ton regard embrasé, vers l'Avenir, se lève.

La Justice entendra les sanglots de ta voix.

Ton martyre, déjà, pressent l'or des pavois !

PIERRE HANDREY.

« +6lP+ POÈME

Nous ne serons jamais tout à fait malheureux Puisque nous vous aimons, chers livres des poètes, Vous nous enchanterez, magiciens que vous êtes, Nous suivrons avec vous les chemins merveilleux.

Amis et maîtres de beauté, cette féerie Dont vous avez ouvert les hautes portes d'or Se joue avec nos pays bleus comme décor Dans le soir douloureux où nous rêvons la vie.

Quand nos pauvres espoirs revenaient éclopés, Las d'un mauvais voyage et pour longtemps débiles, Repliant tristement leurs ailes inutiles, Quand nos frêles bonheurs mouraient après l'été.

Vous seuls n'avez jamais trompé, tendres poèmes.

Berceuses, doucement, vous calmez la douleur De quelques mots, profonds et purs, avec lenteur, Deux ou trois mots — sur des thèmes toujours les mêmes.

Une vieille chanson que l'on connaît si bien, Où l'on retrouve avec l'émotion d'enfance Des fillettes aux beaux cœurs frais menant la danse Que rythme, grave, un cher souvenir ancien.

MARCEL MILLET.


Composition de F. FOIJRNERY.

WELCOME AMERICA !!

To The American Troops. To yen \vI,e:I,dve come front? the great United States to give your youth, your strengtI" your winning spirit to aid in the world war frapce has opened its heart in welcome. Sincere and warm as the feeling between tl?e two nations has been, the joining of forces ii? battle, will forever cement this friendship and brotherhood. - PEGGY.


HAUT LES CŒURS 1.

Vous êtes les soldats de la grande épopée, Où Vos bras pleins d'espoir, hardis se lèveront, L'étendard menaçant, une auréole au front, L'Europe jrémira du choc de votre épée 1.

Notre France sanglante et durement frappée, Se redressant à l'heure où sonne le clairon, Tressera pour le jour où vos armes vaincront, Une couronne d'or de gloire enveloppée 1.

Et la lutte sera terrible. le vainqueur Du conquérant d'hier., par justes représailles, Terrassant le vautour, lui percera le cœur.

Vous vous rappellerez les anciennes batailles Où la France immortelle avait conquis le Rhin.

Et, sous son bouclier, écrasé le Germainf.

MAURICE DE BAUDRY.

Les Protestants Français dans le Brandebourg 4 Lors de la révocation de J'Edit de Nantes (1685), les protestants français las d'être persécutés, se décidèrent à l'exil : malgré la peine des galères portée contre les « hérétiques » qui tenteraient de sortir du royaume, l'émigration prit des proportions absolument inattendues.

Quoi qu'il y eût des bateaux armés sur toutes les côtes, des soldats à tous les passages des frontières, l' exode des protestants ne put être arrêté. Des barques venaient les attendre dans les nuits d'orage, sur les points les plus dangereux du littoral, pour les porter au loin : en Angleterre, en Hollande. L'hiver, au milieu des tourmentes de neige, par des sentiers impraticables, d'autres gagnaient la Suisse et l'Allemagne. Les galères furent bientôt remplies de malheureux dont le seul crime était d'avoir voulu chercher une patrie plus clémente.

Finalement Louis XIV et Louvois furent contraints de s'avouer impuissants et de fermer les yeux sur l'émigration. Sur le nombre des émigrés on est réduit aux conjectures : les contemporains varient dans leur évaluation entre 100.000 et 400.000. Chiffres énormes pour l'époque.

Ce que la France perdit alors, il est facile de le comprendre ; voués par nécessité aux travaux de l' agriculture, de l' industrie et du commerce, les protestants étaient un des éléments les plus actifs de la population. Certaines provinces virent alors tarir entièrement la source de leurs richesses, le Poitou, l'Aunis et la Saintonge. L'industrie de la soierie fut ruinée à Tours, celle de la toile à Alençon, etc.

L'étranger, l'ennemi recueillit cet héritage. Il reçut nos chapeliers, nos drapiers, nos ouvriers en soie et en velours, nos papetiers, nos fabricants de tapis, ainsi que nos historiens, nos savants (entre autres le grand physicien Denis Papin), nos généraux, nos officiers et nos soldats les meilleurs. Le Brandebourg, berceau de la Prusse moderne, donna à nos manufacturiers protestants une hospitalité intéressée, et Berlin devint alors seulement une ville industrielle.

Les colons incendiés du Palatinat étaient déjà 1 venus en foule chercher asile dans les Etats du grand électeur de Brandebourg. La révocation de l'édit de Nantes lui donna une clientèle encore plus nombreuse. Dès l'année 1684, l'édit de Potsdam, répandu à profusion en France assurait sion en France, assurait aux réfugiés protestants français, le payement des frais de route, la concession gratuite de terres et de maisons abandonnées, l'exemption d'impôts pour dix ans, le droit de bourgeoisie de l'inscription dans liiie corporation. A la suite de B actd tunest de la révocation, 20.0000 Français gagnèrent donc le Drandebourg. La population de Berlin passa tout d'un coup de 8.000 a 14.000 atties ; la Sprée fut endiguée, bordée de quais ; les belles

maisons du quartier de Dorothée remplacèrent des étables et des porcheries. Les artisans français introduisirent les secrets de leurs métiers. Les industries de la laine, de la soie, du papier, de la chandelle, des glaces furent créés. Tout le quartier de Moab, aux portes de Berlin, fut occupé par des jardiniers français. Nos architectes, nos médecins, nos jurisconsultes, nos pasteurs, furent les maîtres et les éducateurs du peuple prussien. Des soldats et officiers français furent en assez grand nombre pour former cinq régiments commandés par Schomber. Tous ces réfugiés ne se souvenaient de la France que pour la détester. Et dans la guerre de 1870 comme dans la guerre de 1914, quelques-uns des savants ou des généraux les plus acharnés contre la France descendaient de ces familles françaises Ainsi se perpétuent les haines !

La Révocation de l'Edit de Nantes, on le voit, fut la gra faute du règne de Louis XIV.

SERGE BERNSTAMM.

CONTES GAIS

UN RAPPORT DIFFICULTUEUX

Le doublard de la 3e était, certes, un bon garçon, s'occupant très sérieusement des ses hommes afin que ceux-ci ne manquent jamais de rien ; mais hélas il ne comprenait pas toujours facilement, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir la manie de vouloir rédiger, pour un rien, de longs et détaillés rapports.

Or, un jour l'un des poilus de la compagnie revenait d'une reconnaissance ; aussi dès son apparition, on vit notre doublard, les armes à la main (je veux dire feuille de papier et crayon) l'assaillir de questions.

J' ai ri, comme jamais je me rappelle avoir ri : - Combien as-tu compté de boches dans le boyau ? interrogea le chef ?

Sept, répondit le poilu.

— Tu dis.

— Je dis. sept.

— Dix-sept.

— Non. sans dix.

— Cent dix. oh ! mais.

— Mais non. sept sans dix.

— Sept cent dix.

— Mais non chef, je te dis.

Sept. sans dix.

- Oui, j'ai compris dix-sept cent dix.

- Mais non, mais non je dis.

Sept sans dix. sept.

- D'accord mon vieux je comprends maintenant aussi bien que toi.

Dix-sept cent dix-sept.

Désespéré d'arriver à se faire comprendre, notre poilu regagna le boyau qui mène à la tranchée et là ne pouvant arrêter de rire eut une tranchée dans les boyaux.

Le rapport a suivi, paraît-il la voie hiérarchique ; qu'est-il advenu si jamais il est tombé sur un supérieur aussi débrouillard que le doublard de la 3e?

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LE CINÉMA MÈNE A TOUT <$> + +

Tout le monde connaît le ciné. Enfants et grandes personnes ont encore présent à la mémoire les nombreuses soirées passées à regarder dérouler des films d'une longueur incommensurable autant que mystérieux, des personnages masqués, voilés qui jetèrent, sinon l'épouvante, du moins une perturbation dans l'imagination enfantine.

Puis ce sont les actualités, si goûtées, du front, qui, à


une allure vive, nous font vivre des minutes palpitantes, aussi dans le ciné je ne voyais qu'un instrument d éducation.

Mais grande fut ma surprise, lorsque me promenant dans un quartier populeux de la capitale, je lus cette annonce: (( Grand cinématographe. Entrée gratuite l » Grand ciné ne me surprit pas, ils le sont tous plus les uns que les autres, mais entrée gratuite, cela était d'une originalité peu banale, surtout en ces temps de guerre, ou la vie est si chère.

le voulus en connaître la cause. Très poliment, à la façon d'un reporter en quête d'une interview fameuse, je me présentais au guichet.

Personne !

Je fis quelques pas vers l'intérieur. Là, je vis un monsieur, qui, je le sus pas la suite, était le conseiller municipal du quartier, entouré de gardiens de la paix.

Je me présentais. é l u. 1 entrée - Parfaitement, Monsieur, me répondit l'élu, l'entrée est gratuite, et en voici le motif. Depuis quelques jours, nous subissons une température sibérienne et quantité de mes administrés sont littéralement gelés. - Il fallait donc, coûte que coûte, conjurer ce malaise, ce que je fis en ayant recours au cinéma.

- Mais permettez, je ne vois pas comment!

- J'y arrive. Venez avec moi dans la salle.

— Volontiers.

- Vous voyez, la salle est immense et peut contenir 2. 000 personnes.

- Parfaitement, mais il fait froid ici, les calorifères ne sont donc pas allumés et vous prétendez réchauffer le monde.

— Mieux, Monsieur, ils sont éteints.

— Comment, éteints, mais alors.

— Mais oui, c'est précisément là qu éclate mon génie.

D'une pierre je fais deux coups : 10 en réchauffant mes administrés ; 20 en parant à la crise du charbon.

- Vraiment vous m intriguez.

- Ecoutez-moi bien.

— Je ne fais que cela.

- Voilà A huit heures j'ouvre les portes, la foule s'engouffre dans l'établisement comme happée par un engrenage, se place et attend. 8 h. 1/2, 9 h. 9 h. 1/2, toujours rien. Ils commencent à s'impatienter, frappent des pieds. Je laisse ce manège durer un quart d'heure, temps nécessaire pour activer la circulation du sang et donner de la chaleur aux extrémités pédestres. Je commence alors à faire dérouler un film très compliqué et, bizarrerie, exempt de tousi ces affiches, tableaux, lettres, etc. qui pullulent dans les films ordinaires et extraordinaires ; évidemment le public a peine à comprendre, il se creuse le cerveau et, au bout d'une heure, toutes les méninges sont en ébullition.

« Quand je juge que leur chaleur crânienne est suffisamment élevée, je fais apparaître des intermèdes de « grande valeur », qui soulèvent des tonnerres d applaudissements, ce qui dégourdit les extrémités gelées.

« Sur ce, le spectacle se termine et le public mécontent se retire en faisant force gestes.

cc De cette façon, ils sont dans un état de surexcitation, et qui dit surexciter, dit personne qui bouillonne.

« J'ai; donc atteint mon but : réchauffer tout le monde, tout en l'intéressant un peu, sans frais et, de plus, ce ne sont jamais les mêmes qui reviennent, et, pour se payer la tête des autres, les invitent à y aller.

« Vous voyez, Monsieur, le cinéma a sa place dans la vie sociale et économique. »

- Ne trouvant rien à répondre, je pris congé, pensant que, si Pierre Decourcelles avait été là, bientôt nous aurions eu « Les Mystères de Paris ».

FRANCIS PELLETIER.

LES CLEFS DE LA BASTILLE

l''V'V'V'VV\.

Un « POILU » au temps du 14 Juillet 1789 Il semble que tout a été dit à propos de la prise de la Bastille.

Cependant, il n'en est rien, et les grands événements comme les personnages célèbres, ont toujours quelques faits intéressants et peu connus à nous révéler. il suffit de les découvrir.

Le soir du 14 juillet 1789, c'était fête dans le faubourg SaintAntoine.

La population qui avait combattu tout le jour et qui avait triomphé, était de retour dans ses foyers.

Les pères, les mères, les enfants sappelaient, chacun cherchait et embrassait les êtres qui lui étaient chers.

Au milieu de cette vibrante émotion, resplendissait d'un éclairage extraordinaire la maison du brasseur Santerre, homme plein de résolution et de courage.

Durant le jour, il n'avait pas quitté les postes les plus périlleux, quoi qu'il fût père de famille. On l'avait vu combattre aux premiers rangs, sans affectation, faisant son devoir ; il avait aussi donné des soins aux blessés, et l' un des premiers, il avait pénétré dans l' enceinte de la Bastille.

Santerre, d'une stature peu élevée, de formes délicates sans être faibles, d'une grande recherche dans ses habits, semblait destiné à demeurer étranger aux luttes populaires. Son œil bleu, sa voix douce, ses cheveux châtain-clairs, — qui semblaient plutôt inspirer le calme que la tourmente, cachaient la plus indomptable énergie.

Cet homme, poussé par la haine de l'arbitraire et du despotisme et par son amour de l'humanité, avait été l' un des vainqueurs de la Bastille. Il conduisit chez lui les blessés qui furent soignés auprès de sa famille.

Pendant quêil leur faisait prendre quelques copieux aliments, un homme demandait à lui parler.

— J'étais, dit-il, l' un des secrétaires du gouverneur de la Bastille, M. de Launay, et l'un des surveillants de cette prison. Dieu m'est témoin que je n'ai jamais aggravé aucune souffrance, et que, dans la limite de mes moyens, j'ai été charitable et bon. Le gouverneur m'avait ordonné de brûler tous les registres et papiers de la prison, de briser et d'anéantir tous les instruments et objets qui pourraient tomber au pouvoir des assiégeants. Vous n'avez pas donné le temps de consommer cette destruction. Je vous apporte les deux clefs qui me restent, parce que vous avez été aussi humain qu'intrépide, et qu'il n'a pas dépendu de vous que personne ne périt après la victoire.

Santerre accepta les deux clefs, en disant qu'il en serait le dépositaire au nom du faubourg Saint-Antoine.

D'autres chefs furent, dit-on, données à Brissot, à Linguer, à Lafayette et à Mirabeau.

Brissot, Linguet et Mirabeau avaient été jadis prisonniers de la Bastille, et ils avaient donc quelque droit à ces débris.

Santerre enserra minutieusement son précieux dépôt.

Les deux clefs étaient de dimension inégale ; il alla en faire l'essai dans la prison même.

La plus grosse ouvrait l' une des portes de la tour de la « Liberté », et la plus petite servait à donner accès à l'une des « calottes » de la tour.

La tour de la « Liberté » était, par ironie sans doute, la plus épaisse et la plus noire des tours de la Bastille, et les « calottes » étaient les cachots situés au-dessous de la plate-forme, lesquels étaient insupportables par le froid en hiver, et la chaleur en été.

En ce 14 juillet moderne, ajoutons le fait suivant qui doit particulièrement intéresser nos députés, qui l'ignorent peut-être.

Savent-ils que chaque fois qu ils passent sur le pont de la Concorde pour aller à la Chambre, ils foulent sous leurs pieds les derniers vestiges de la tyrannie? Rien n est plus exact.

Le sieur Laval, chargé de construire le pont Louis-AVl, — depuis Dont de la Concorde, — ne pouvant avoir des pierres suffisantes à cause de la cherté et de la difficulté des transports en 789., eut l'idée ingénieuse d'aller acheter à la Bastille,. que le peuple lui-même démolissait, les pierres qui manquaient, et qui lui permirent d achever son ouvrage en 1791. 1 M' Il Ainsi finit « matériellement » la Bastitte « Matérie l lement », car on sait qu' au point de vue moral, sa chute sera plus haut et plus loin. 1 un La nation française, qui sem ait endWl. « leva comme un géant, secoua ses membres fatiués, frappa du pied la terre et dit; géant, secoua ses membres se mit en route pour aller offnr la hberte qui manquait au monde. l ler o f frir la liberté qui manquait au monde. M. DE BURDAY.


LES PREMIERS SECOURS, composition exécutée sur le Front par Fred. RÉGNIER.

ITTIPRITTÎtRIÊ Des tlRTS eT DeS SPORTS 24, Rue Milton, Paris (IXe) -:- Téléphone : TRUDAINE 52-57 N ?

PUBLICATIONS D'ART - IMPRESSIONS EN TOUS GENRES M REVUES a BROCHURES 0 CATALOGUES a etc. M SPÉCIALITÉ DE JOURNAUX A 4, 8, 16, 32 ET 64 PAGES


ÉCHOS DE L'RIIIBULHBCE SCOTTISH WOMEN'S HOSPITAL FOR FOREING SERVICE vwvw

L'AMBULANCE est heureuse de rendre hommage à nos vaillants Alliés, dont le courage et l'héroïsme sur le front britannique n ont d égal que le sublime dévouement des femmes de cœur qui, venues d'Ecosse, soignent depuis trois ans nos glorieux blessés et ont montré leur abnégation en sauvant leurs malades lors d'un récent incendie à leur Hôpital de l'Abbaye de Royaumont.

Dernièrement, en une émouvante cérémonie, a eu lieu la distribution des récompenses bien méritées par ces vaillantes femmes.

Des médailles des épidémies ont été remises par : M. Bergeron, représentant M. Justin Godard et M. de Piessac, Directeur au Ministtère de l'Intérieur.

En présence des personnages suivants : Le Commandant Brice, mdecin-chef de G. R. de Creil ; le commandant Briquet, Creil; le commandant Poirier ; M. Lion, MM. le Maire de Gouvieux, le Docteur Vincent ; M. le Maire d'Asnières-sur-Oise, M. le Maire de Viarmes, M. et Mme Pial, Lord et Lady Esher, le Colonel Lemant, M. Edouard Gouin qui a mis l'abbaye à la disposition du service de santé, M. et Mme Gaston Gouin, Mme Ernest Gouin, Mme Périère, Mr et Mrs Sydney Hyde Coleman.

Aux dames de l'Hôpital de Royaumont : Médaille d'or. — Miss Ivens, M. S., médecin chej.

Médaille de vermeil. — Miss Nicholson, M. B. B. S. Dunelm; Mrs Berry, M. B., London ; Miss Wilson, M. B. Ch. B., Edinburgh.

Médaille d'argent. — Miss Winstanley, injirmière-major ; Sister Lindsay, Sister O' Rorke, Sister Adams, Sister Douglas, Miss M. Gray, Miss A. L. Anderson, Miss Rolt, Mrs Llewelyn Hacon.

Médaille de bronze. — Miss Berry, Miss Moclay, Miss Mac Gregor (chauffeur), Miss Collum, Miss Chapman, Miss Ellis, Miss Davidson, Miss Inglis, Miss CareyMorgan, Miss Merrylees, Miss Young (chauffeur), Miss Buckley, Miss ElliotBirks.

Aux infirmières venues des cantines du front de Soissons : Médaille de vermeil. — Mrs Savill, M.

D. Docteur en médecine ; Miss Courtauld, Docteur en médecine ; Miss Ross, docteur en médecine; Miss Cecily Hamilton, Directrice ; Miss Loudon, Directrice.

Médaille d'argent. — Miss Duncan, injirmière-major, Sister Amour, Sister Milne, Miss Ormond Williams, chaujjeur ; Miss Tollit.

Médaille de bronze. — Miss Gill, Miss Murray, Miss Grandage, Miss J. Macpherson.

La direction de l'Hôpital de Royaumont, dont le personnel est entièrement féminin, est assurée par : Miss Ivens, M. B. M. S., London, chirurgien-chef ; Miss Loudon, administratrice; Miss Cecily Hamilton, secrétaire ; Miss Duncan, infirmière-major; M. Léonce Créo de Bogrie, officier administrateur.

A

A l'Ecole française d'Infirmières, 49, rue Saint-André-des-Arts, inauguration, sous la direction du Docteur Bérillon, d'une nouvelle série de cours théoriques et pratiques, comprenant la préparation à la fonction d'infirmière dans les hôpitaux civils et militaires, la défense contre les maladies contagieuses et l'éducation sociale complémentaire de la jeune fille.

Les cours sont publics. On s'inscrit au siège de l'Ecole, les mardis, jeudis, samedis, de dix heures à midi.

Les cours, interrompus pendant les mois d'août et de septembre, reprendront le mardi 2 octobre.

Le grand quotidien américain THE CHICAGO TRIBUNE vient de commencer la publication de son édition européenne plus particulièrement destinée aux vaillantes troupes venues d'outre-mer pour combattre aux côtés des Alliés, pour le Droit et pour l'Humanité.

Nos sincères souhaits au grand confrère impatient, lui aussi, d'annoncer la grande et définitive victoire sur la brute allemande.

Nous sommes heureux d'annoncer la naissance d'un périodique Le Sarcasme, dirigé par Georges Lamy. Son premier numéro du 10 juillet contient des articles de Banville d'Hostel. — Paul Brulat.

- Charles Bernard. - Denyl-Helm. — Paul Fort. — Robert Franceschini. — Han Ryner. —

Gérard de Lacaze. — Duthiers. — A.-C. Laisant. — Georges Lamy. - Momus. — Georges Pioch. — Xavier Privas. - Rachilde. — P.-N.

Roinard. — Vera Starkoff.

Tous nos souhaits de longue vie à notre nouveau confrère.

LES LIVRES

Il sera rendu compte, sous cette rubrique, de tout ouvrage envoyé en double exemplaire, à M. Jean E. Bayard, directeur littéraire de « L'Ambulance », 6, rue Schoelcher, Paris, 146 arr.

A

CHEZ ALCAN. — Sous ce titre' : « La Réparation des Dommages de la Guerre », MM. Lamaude, Joseph-Barthélemy, André Weiss, L. Rolland et Jacques Hermant, réunissent leurs conférences faites à 1 Ecole des Hautes-Etudes Sociales. Aussi, dans une judicieuse présentation M. H. Berthélemy envisage-t-il cet angoissant problème de la réparation des dommages de guerre.

Ceux qui connaissaient le Brésil devaient s' attendre à l'intervention de M. Ruy Barbosa dans la

guerre actuelle. M. Graça Aranha, de l'Académie brésilienne, donne « la sentence du juge » dans 1 avant-propos du « Devoir des neutres » la belle plaquette de M. Ruy Barbosa.

Dans « L'Alimentation de la France et les ressources coloniales ou étrangères », M. Daniel Bellet. l'éminent économiste, étudie lumineusement les ressources de nos colonies car, demain, les consommations seront certainement plus grandes en France qu avant la guerre.

L'auteur de « L'Histoire de Douze jours », M. Joseph Reinach, reproduit toutes les pièces que les gouvernements ont fait paraître dans leurs recueils officiels entre le 23 juillet et le 3 août 1914.

Puis, il porte un jugement judicieusement accablant sur cette affirmation « mensongère » de Guillaume Il : « je n'ai pas voulu cela ».

(A suivre). JEAN-E. BAYARD.

* A M. JEAN E.-BAYARD, actuellement au front, fera paraître: « Trois Années de Critique Littéraire » (de 1911 à 1914), ses chroniques des Nouvelles, du Bonnet Rouge et de la France : « Souvenirs sur Montmartre », puis « le Quartier Latin par ses intellectuels », indépendamment de ses « Impressions du Front », publiées, notamment à La Presse, au Paris-Journal et à l'AMBULANCE.

A

L'Argus de la Presse, poursuivant ses travaux documentaires, vient, grâce à la sûreté et à l'étendue de son organisation, d'éditer dans un volume méthodiquement ordonné, la Nomenclature des journaux et revues, en langue française, ayant continué à paraître pendant la guerre 1914-1917. C'est une œuvre que tous les professionnels voudront parcourir.

DONS POUR NOS SOLDATS Reçu 20 exemplaires à 1 jranc : The Farmers Loand and Trust C°, New-YorkLondres-Paris, 41, boul. Haussmann (Mme Vasseur, vendeuse.)

Reçu les exemplaires suivants à 0.10 centimes : Mme Espinasse, 50. — Mme Lavie, 40. M. Wirth, 40. - Mlle Berthe et M. Georges Gobert, 30. — Mme Pagnot, 20. — M. Ch. Taket, 20. — Mlle Georgette Kœnig-Gutig, 10. Mme L. D., 10. — Mme Berreville, 10. — Mme

Bonnet, 10. — Mme Lesourd, 10. — Mme David, 10. — Mme Thomas, 10. — Mme Rousselle, 10.

- Mme Laclautre, 10. — Mme Thurat, 10. Mme Vve Schmitt, 10. — Mme Bonhomme, 10.

- Mme Thibaut, 10. — Mme Richard, 10. —

Mme Jacquart, 10. — Mme Gervais, 10. — Mme Gallois, 10. — Mmes Schneider et Frécheville, 10.

— Mme Silvain, 10. — M. Vernous, 10. — Mme Fiquet, 10. — Mme Taudou, 10. - Mme Baule, 10. — Mme Gendre, 10. — Mme Doismel, 10. Mme Pinçon, 10. — Mme Moulinet, 10. - Mme Gaillot, 10. — M. Joseph-Coulon, 10. - MM.

Massot et Negré, 10. — M. Fourvel, 10. - Mme Vve Depryse, 10. — M. Lavudet, 10. - Mme Pétrot, 10. — Mme Colonna, 10. — Mme Salver, 10. - Mme Huyghe, 10. — M. E. Naigeon fils, 15. - Mme Joannès, 10. — Anonyme, 5. — (Mme Mathieu, vendeuse), 5.

Ces journaux, ainsi qu'un nombre très important d exemplaires de L'AMBULANCE, ont été gratuitement distribués dans les hôpitaux et formations sanitaires de Paris et de la province.


ASSOCIATION

DES

ŒUVRES DE LA CROIX-VERTE

oj=«=*c_

SIÈGE SOCIAL : 6, RUE SCHŒLCHER, 6, PARIS (XIVe) BUREAUX : Gare Montparnasse de 14 à 18 heures Fondée par H. et Mme ÉIIIILE-BAYARD et Mme F. MONMORY

Sous le haut patronage de M RAYMOND POINCARE, Président de la République

SECTIONS DE PARIS

Ire SECTION

Ii'flCCUEIIi AUX BLESSÉS Section Directrice de l'Association, Gare de Paris-Montparnasse Cantine gratuite pour les Soldats et les Réfugiés de passage. — Infirmerie. Dortoir. — Vestiaire du Soldat. — Envoi de secours et paquets au front, etc.

Service des trains sanitaires, en gare de Paris-Vaugirard.

Directrices : Mmes EMILE-BAYARD et F. MONMORY.

Directrice-Adjointe : Mlle Aimée LACOUR.

000

SOUS-SECTIONS LA VISITE DANS LES aOPITAUX LES PUPILLES DE LA CROIX-VERTE

000 2e SECTION Ite VESTIRIRE de la CROIX-VERTE et la fleeonstitutioû du foyett

Vestiaire officiel des Comités du Département de l'Aisne, des Ardennes, du Comité Central Franco-Belge, etc. (Mutilés, Réformés et Réfugies).

Envoi de colis individuels au front.

21, rue du Vieux-Colombier, PARIS Directrice : Mme A. CAYE. — Sous-Directrice : Mme SALOMON.

3e SECTION LE GAGHE-PAIJJ DES MUTILÉS 98, rue de Richelieu, PARIS Service Central de Placement du Mutilés et Réformés de la guerre.

Directeur : M. R. ACOLLAS.

Directrice-Adjointe : Mlle BAYLE.

000

4e SECTION L'ACCUEIL AUX ÉfUGIÉS CANTINE GRATUITE 63, rue Froidevaux, PARIS (14* arr.) Directeur : M. Charles LIZARS.

GROUPES RÉGIONAUX ET FILIALES DE PROVINCE Filiales rattachées à la Section directrice de Paris :

flOPI T JIll DE LA CROIX-VERTE La Hourre (Gers) directrice : Mme DECKER-DAVID.

000 hE FOYER DES CONVALESCENTS REEDUCATION ET PLACEMENT DES MUTILES Nice (Alpes-Maritimes) Directeurs Mme FORGUES

n et M. BANLIAT Salle de Jeux, de lecture et de rafraichissements, Théâtre et excursions. Cours de langues vivantes de dactylographie, de comptabilité, dd* dessin, de gravure, etc.

Cantines gratuites de Gares à Auch-(Gers). — Directrice : Mme DECKER-DAVID.

à Noyelles-sur-Mer. — Directrice : Mme BAYLE.

à Redon (Ille-et-Vilaine). — PrésidentDirecteur : M. MAROTTE.

000

GROUPES REGIONAUX RÉÉDUCJlTION & PLACEJVIEKT DES JWatilés et Réformés de la Guerre ISERE et SAVOIE. — Grenoble, Bourgoin,

Vienne, Chambéry : Délégué, M.

Dr BIDOU.

FINISTERE. — Quimper : Délégué, M.

VERCHIN.

CORREZE. — Tulle : Délégué, M. ROUZAUD.

HAUTE-LOIRE. — Le Puy : Délégué BETTEND.

BOUCHES DU RHONE — Arles: Délégué M. AUGEE.

PUY-DE-DOME. - Riom : Délégué,.

M. CHAVASTELON.

CALVADOS. — Lisieux : Délégué, M. HOU..

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etc. et plus de 40 Correspondants.


i' Imprimerie des Arts et des Sports, 24, rue Milton — PARIS. :::: -,- Trichromie, Travaux d'Art. - MEUNIER & Vve BÉRIO, Imprimeurs.